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SPI CIFICITI S DU TRAITEMENT ANTICOAGULANT CH EZ LE SUJ ET ,AGI Virginie Siguret a,b,*, Isabelle Gouin a 1. Introduction E tant donne le vieillissement de la population et I'incidence crois- sante des pathologies thromboemboliques avec l'&ge, la pres- cription d'anticoagulants, derives hepariniques et antivitamines K, concerne de plus en plus de patients &ges, voire tr#s &ges. Au-del& de 75 ans, les deux indications principales sont la maladie throm- boembolique veineuse (MTEV) et la fibrillation auriculaire (FA) [6]. En cas d'indication averee d'un traitement anticoagulant, it convient de savoir conduire la therapeutique la mieux adaptee au patient &ge et & ses caracteristiques. Les difficultes de prise en charge des patients &ges tiennent & leur etat de fragilit6 : ces patients ont a. la fois un risque hemorragique et un risque thrombotique augmentes par rapport aux sujets plus jeunes [6]. Ainsi, les hemorragies majeures, qui peuvent survenir quel que soit I'&ge, sont plus graves voire plus souvent fatales chez le sujet de plus de 80 ans [10]. Les frequentes comorbidites parmi lesquetles I'insuffisance renale, les pathologies intercurrentes aigues, et les medicaments associes, compliquent le maniement des anti- coagulants, medicaments & marge therapeutique etroite. Alors meme que ces patients sont les plus & risque, ils ont frequemment 6te exclus des essais cliniques : I'extrapolation des resultats obtenus chez des sujets plus jeunes n'est pas toujours fondee. Pour autant, un patient &ge ne saurait ~tre prive du benefice demontr6 d'une therapeutique antithrombotique au seul motif qu'il est &ge. Aussi, plus que chez tout autre patien~t, la balance benefice/risque dolt 6tre evaluee soigneu- sement au cas par cas puis reevaluee regulierement. Le bilan biolo- gique avant traitement, le choix des molecules, la surveillance clinique et biotogique, revetent donc une importance particuliere en geriatrie et doivent contribuer & minimiser le risque de saignements. a Laboratoire d'h~matolegie (Pr M. Aiach) Groupe hospitalier Charles-Foix - Jean-Rostand (AP-HP) "7,av. de la Republique 94205 Ivry sur Seine cedex Hematologie-hemostase (Pr M. Aiach) INSERM U.765 Faculte des sciences pharmaceutiques et biologiques Universite Paris 5 * Correspondance [email protected] © 2006 - Elsevier Masson SAS - Tous droits reserves. 2. Quel bilan biologique avant I'instauration d'un traitement anticoagulant chez un patient ~gd ? Le bilan biologique dolt etre prelev6 idealement avant I'instauration du traitement anticoagulant ou dans les 24 premieres heures [8]. II com- prend une NFS (hemoglobine, plaquettes), un bilan d'hemostase (TP, TCA, fibrinogene) a. la recherche d'une anomalie de la coagulation (hypovitaminose K, anticoagulants lupiques frequents chez le sujet &ge...), une creatininemie afin de calculer la clairance de la creatinine & I'aide de la formule de Cockcroft, et ceci en I'absence de deshy- dratation aigue, et enfin un bilan hepatique. Meme s'il est connu que la fonction renale du sujet &ge est sous-evaluee par la formule de Cockcroft, c'est actuellement celle qui est recommandee par I'AFSSaPS avant la prescription de derives hepariniques chez un sujet de plus de 75 ans (cf infra) [8]. Clairance (en mL/min) 6valuee selon la formule de Cockcroft (&ge en annee, poids en kg) : [140 - &ge] x poids creatininemie (pmol/L) x k k = 1,23 pour les hommes et 1,04 pour les femmes. 3. Problematique du choix du ddriv(~ h(~parinique chez le patient ~g(~ Les heparines de bas poids moleculaire (HBPM), definies par un poids moleculaire (PM) moyen inferieur & 8 000 Da, sont obtenues par frac- tionnement de I'heparine ,, non fractionnee >, (HNF), laquelle est extrai- te & partir de muqueuse intestinale de porc. Les HBPM sont consti- tuees d'un melange de chaTnes de Iongueur variable. En fonction des molecules, il existe une proportion variable de chafnes dites ,< courtes ,, (PM < 5 400 Da) et de chaTnes dites ,< Iongues * (PM > 5 400 Da) [7]. Recemment, le pentasaccharide (fondaparinux), support de I'activite antithrombotique des heparines et entierement fabrique par synthese chimique, a ete commercialis& Toutes les mole- cules ne sont donc pas identiques. II en resulte des proprietes phar- macologiques et pharmacocinetiques propres & chaque molecule d'HBPM. En particulier, les chafnes Iongues sont eliminees & la fois par le rein et le systeme reticulo-endothelial tandis que les chafnes courtes sont eliminees exclusivement par vole renale. En consequence, alors que I'HNF possede une elimination mixte par le rein et le systeme reticulo-endothelial, les HBPM ont une elimination principalement renale d'ou un risque de surdosage et/ou d'accumulation chez les 10 Supplement au N ° 389, RevueFrancophone des Laboratoires, fevrier2007

Spécificités du traitement anticoagulant chez le sujet âgé

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Page 1: Spécificités du traitement anticoagulant chez le sujet âgé

SPI CIFICITI S DU TRAITEMENT ANTICOAGULANT CH EZ LE SUJ ET ,AGI

Virginie Siguret a,b,*, Isabelle Gouin a

1. Introduction

E tant donne le vieillissement de la population et I'incidence crois- sante des pathologies thromboemboliques avec l'&ge, la pres-

cription d'anticoagulants, derives hepariniques et antivitamines K, concerne de plus en plus de patients &ges, voire tr#s &ges. Au-del& de 75 ans, les deux indications principales sont la maladie throm- boembolique veineuse (MTEV) et la fibrillation auriculaire (FA) [6]. En cas d'indication averee d'un traitement anticoagulant, it convient de savoir conduire la therapeutique la mieux adaptee au patient &ge et & ses caracteristiques. Les difficultes de prise en charge des patients &ges tiennent & leur etat de fragilit6 : ces patients ont a. la fois un risque hemorragique et un risque thrombotique augmentes par rapport aux sujets plus jeunes [6]. Ainsi, les hemorragies majeures, qui peuvent survenir quel que soit I'&ge, sont plus graves voire plus souvent fatales chez le sujet de plus de 80 ans [10]. Les frequentes comorbidites parmi lesquetles I'insuffisance renale, les pathologies intercurrentes aigues, et les medicaments associes, compliquent le maniement des anti- coagulants, medicaments & marge therapeutique etroite. Alors meme que ces patients sont les plus & risque, ils ont frequemment 6te exclus des essais cliniques : I'extrapolation des resultats obtenus chez des sujets plus jeunes n'est pas toujours fondee. Pour autant, un patient &ge ne saurait ~tre prive du benefice demontr6 d'une therapeutique antithrombotique au seul motif qu'il est &ge. Aussi, plus que chez tout autre patien~t, la balance benefice/risque dolt 6tre evaluee soigneu- sement au cas par cas puis reevaluee regulierement. Le bilan biolo- gique avant traitement, le choix des molecules, la surveillance clinique et biotogique, revetent donc une importance particuliere en geriatrie et doivent contribuer & minimiser le risque de saignements.

a Laboratoire d'h~matolegie (Pr M. Aiach) Groupe hospitalier Charles-Foix - Jean-Rostand (AP-HP) "7, av. de la Republique 94205 Ivry sur Seine cedex Hematologie-hemostase (Pr M. Aiach) INSERM U.765 Faculte des sciences pharmaceutiques et biologiques Universite Paris 5

* Correspondance [email protected]

© 2006 - Elsevier Masson SAS - Tous droits reserves.

2. Quel bilan biologique avant I'instauration d'un traitement anticoagulant chez un patient ~gd ?

Le bilan biologique dolt etre prelev6 idealement avant I'instauration du traitement anticoagulant ou dans les 24 premieres heures [8]. II com- prend une NFS (hemoglobine, plaquettes), un bilan d'hemostase (TP, TCA, fibrinogene) a. la recherche d'une anomalie de la coagulation (hypovitaminose K, anticoagulants lupiques frequents chez le sujet &ge...), une creatininemie afin de calculer la clairance de la creatinine & I'aide de la formule de Cockcroft, et ceci en I'absence de deshy- dratation aigue, et enfin un bilan hepatique. Meme s'il est connu que la fonction renale du sujet &ge est sous-evaluee par la formule de Cockcroft, c'est actuellement celle qui est recommandee par I'AFSSaPS avant la prescription de derives hepariniques chez un sujet de plus de 75 ans (cf infra) [8].

Clairance (en mL/min) 6valuee selon la formule de Cockcroft (&ge en annee, poids en kg) :

[140 - &ge] x poids

creatininemie (pmol/L) x k

k = 1,23 pour les hommes et 1,04 pour les femmes.

3. Problematique du choix du ddriv(~ h(~parinique chez le patient ~g(~

Les heparines de bas poids moleculaire (HBPM), definies par un poids moleculaire (PM) moyen inferieur & 8 000 Da, sont obtenues par frac- tionnement de I'heparine ,, non fractionnee >, (HNF), laquelle est extrai- te & partir de muqueuse intestinale de porc. Les HBPM sont consti- tuees d'un melange de chaTnes de Iongueur variable. En fonction des molecules, il existe une proportion variable de chafnes dites ,< courtes ,, (PM < 5 400 Da) et de chaTnes dites ,< Iongues * (PM > 5 400 Da) [7]. Recemment, le pentasaccharide (fondaparinux), support de I'activite antithrombotique des heparines et entierement fabrique par synthese chimique, a ete commercialis& Toutes les mole- cules ne sont donc pas identiques. II en resulte des proprietes phar- macologiques et pharmacocinetiques propres & chaque molecule d'HBPM. En particulier, les chafnes Iongues sont eliminees & la fois par le rein et le systeme reticulo-endothelial tandis que les chafnes courtes sont eliminees exclusivement par vole renale. En consequence, alors que I'HNF possede une elimination mixte par le rein et le systeme reticulo-endothelial, les HBPM ont une elimination principalement renale d'ou un risque de surdosage et/ou d'accumulation chez les

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insuffisants renaux, notamment chez les patients &ges [7]. Par ailleurs, le pentasaccharide (fondaparinux), est, lui, exclusivement elimine par voie renale.

Lots d'enquetes de pharmacovigilance menees en France, il a ere recense des accidents hemorragiques iatrogenes majeurs voire fatals Iors de traitement par HBPM, notamment chez le sujet &ge et/ou insuf- fisant renal [5, 8, 11 ]. C'est pourquoi, en 2000, I'AFSSaPS a restreint I'utilisation des HBPM chez les patients dont la fonction renale est alte- ree [8]. Ainsi, ,, & dose preventive, les HBPM sont deconseillees si la CICr est inferieure & 30 mL/min ,, ; ,, & dose curative, les HBPM sont contre-indiquees en cas d'insuffisance renale severe definie par une CICr inferieure & un chiffre de I'ordre de 30 mL/min ; elles sont decon- seillees & dose ,, curative >> si la ClCr est comprise entre 30 et 60 mL/min. L'evaluation de la fonction renale par ta formule de Cockcroft doit etre systematique apres 75 ans. Si les HBPM sont contre-indiquees, I 'HNF peut 6tre utilisee ,, [8]. Par ailleurs, I 'AFSSaPS met I'accent sur le respect des AMM pour chaque mole- cule d 'HBPM (tableaux Iet II) et la lutte contre le mesusage : respecter les schemas posologiques de chaque HBPM (pour les traitements & dose curative, calculer les posologies en fonction du poids effectif et recent du patient), respecter les modalites d'administration, limiter la duree de traitement & dose ,, curative ,> & 10 jours au maximum ; evi- ter les associations medicamenteuses dangereuses notamment apres 65 ans (anti-inflammatoires non stero'idiens, anti-agregants plaquet- taires . . . . ) [8].

4. Surveillance de I'activite anti-Xa chez un sujet ~g(~ traite par HBPM

dose curative

La mesure de I'activite anti-Xa plasmatique par methode amidolytique, improprement appelee << heparinemie ,>, permet de depister un sur- dosage et/ou une accumulation Iors d'un traitement heparinique.

L'AFSSaPS recommande une surveillance de I'activite anti-Xa chez les sujets &ges afor t ior i insuffisants renaux et/ou de poids extreme (< 40 kg), ou en cas d'accident hemorragique [8]. La plus grande rigueur est requise dans les horaires de prelevement et d'injection, par- ticulierement en ambulatoire. Pour les traitements par HBPM a. visee curative, les activites anti-Xa doivent etre mesurees au pic maximal d'activite, c'est-&-dire 3 & 4 h apres I'injection pour les HBPM en deux injections quotidiennes, 4 & 6 h apres I'injection pour les HBPM en mono-injection [3]. Le premier contrele doit etre effectue de preference le 2 e ou le 3 e jour d'administration de I 'HBPM et la frequence des contreles ulterieurs sera discutee au cas par cas. Les valeurs d'anti- Xa attendues propres & chaque molecule d 'HBPM sont resumees dans le tableau II : I'interpretation des resultats doit desormais prendre en compte le type de specialite utilisee [3]. En cas de surdosage biolo- gique, il conviendra de diminuer la posologie de maniere empirique et refaire un contr61e apres cette modification. En cas de contre-indication aux AVK et de prolongation de traitement au del& de 10 jours (hors AMM), la surveillance reguliere de I'activite anti-Xa s'impose pour les traitements & visee curative [8]. Les donnees propres & chaque fabri- cant manquent encore dans ce domaine et aucun schema n'est actuel- lement valid& II n'y a pas lieu de surveiller I'activite anti-Xa chez un sujet &ge traite par HBPM & dose preventive.

5. En quoi la surveillance d'un patient trait(~ par HNF est-elle d(~licate chez le sujet ~g(~ ?

Les patients &ges traites par HNF sont plus sensibles a I'heparine com- parativement aux sujets plus jeunes et requierent donc une dose moindre en HNF pour atteindre I'equilibre [4]. II convient de debuter le traitement par un bolus de 50 U/kg puis par une dose d'HNF de 300 & 400 U/kg/24 h par vole veineuse ou par vole sous-cutanee. II existe avec I 'HNF une grande variabil i te inter- et intra-individueNe.

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' ® Traitement des thromboses veineuses . . . . . . . . . . . . Lovenox ] UU Ul/Kg/] 2 I1 , . , avec ou Angor rustable sans embol=e '" re- /k - l " " L~ 1 0 1 25 peu altonge =,enoxaparme/ . . . . . . . I ~= g g Jz nl

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' * Attention : il s'ag~t de valeurs m o y e n n e s mesurees chez des sujets traites par chaque HI3PM ; il n'est pas clairement defini & ce jour & partir de quel seuil une diminu- ' tion de posologie est recommandee ; en revanche, il ne faut pas augmenter la posologie si la valeur est inferieure 9. ces moyennes. • * V a l e u r s s e u i l s a u - d e l a d e s q u e l l e s il e s t r e c o m m a n d e d e d i m i n u e r la p o s o l o g i e ( s u r d o s a g e s ) .

L'ajustement posologique sera effectue en fonction des resultats du TCA et/ou de I'activite anti-Xa (tableau III) [7, 8]. Etant donne les fluc- tuations importantes des proteines de la reaction inflammatoire chez les patients Ages, la stabilisation du TCA est difficile & obtenir ; c'est pourquoi il nous para~t preferable de surveiller I'activite anti-Xa (methode amidolytique). Pendant la phase aigue de MTEV, il est primordial d'atteindre une dose efficace des les 48 premieres heures. En pra- tique, les traitements par HNF chez le sujet tres &ge se heurtent & de nombreuses difficultes. Un traitement par HNF & dose efficace neces- site une surveillance biologique quotidienne, voire pluri-quotidienne en debut de traitement.

6. Pour tout traitement h~parinique (HBPM ou HNF), surveiller le chiffre de plaquettes

La thrombopenie induite par I'heparine (TIH) constitue une complication redoutable du traitement heparinique, dont I'incidence specifique n'est pas connue chez les patients Ages [15]. Afin de depister precocement une TIH, la surveillance des plaquettes dolt etre bi-hebdomadaire pen- dant le premier mois de traitement, puis hebdomadaire si le traitement est poursuivi [8]. Une TIH resulte d'un processus immuno-allergique, lie a la production d'anticorps diriges centre differentes cibles parmi lesquelles un complexe forme entre I'heparine et le facteur 4 pla-

quettaire (PF4). II s'en suit une activation des plaquettes, de la coa- gulation et de I'endothelium vasculaire, conduisant & la generation de thrombine et favorisant la survenue de thrombi dans les territoires arte- riels et/ou veineux. Les TIH surviennent le plus souvent entre le 5 e et le 21 e jour de traitement. Elles doivent etre suspectees des qu'il existe une diminution relative de plus de 40 0/o des plaquettes en 48 & 72 h et/ou s'il existe un chiffre de plaquettes inferieur a. 1 O0 Giga/L, tout en prenant en compte I'histoire de la maladie [15]. Devant toute sus- picion de TIH, le traitement heparinique doit etre interrompu imme- diatement et il est conseille de prendre avis aupres d'experts. II convient de confirmer toute TIH sur le plan biologique apres arret du traitement heparinique : la recherche d'anticorps plasmatiques impliques dans les TIH dolt associer un test ELISA (recherche d'anticorps anti-PF4- heparine) et des tests fonctionnels (agregation plaquettaire ou test de release de la serotonine marquee). En cas de TIH confirmee, un cer- tificat dolt etre delivre au patient. Ces tests ne sont jamais effectues en urgence et ne doivent pas conditionner la prise en charge thera- peutique du patient par une equipe specialisee.

7. Initier le traitement par AVK d'un sujet ~g6

Les AVK a demi-vie Iongue permettent d'obtenir une anticoagulation le Prewscan ~R significativement plus stable [1,2] . La Coumadine ~" et '

sont actuellement recommandes, administres en une prise par jour, le

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soir de preference. Les AVK sont ainsi la principale exception & la regte qui veut qu'en geriatrie soient privilegies les medicaments & demi-vie courte. Du fait de I'existence d'une forme bi-secable faiblement dosee, la Coumadine 2 mg" est particulierement adaptee au traitement du sujet &ge. Le patient ou son entourage doivent 6tre informes de I'ob- jectif du traitement et du risque hemorragique. II a ete recemment mon- tre que la qualite de I'information retentit sur la qualite de I'¢quilibre du traitement par AVK y compris dans une population specifiquement geriatrique [9].

La periode d'initiation est & risque de surdosage et le risque hemor- ragique est augmente lots du premier mois de traitement [2]. La poso- Iogie initiale de I'AVK doit etre notablement diminuee par rapport & celle du sujet jeune [1,2]. La grande majorite des incidents de surdosage est imputable & une posologie initiale trop elevee. Inversement, debu- ter le traitement & des doses ridiculement faibles par crainte d'un sur- dosage prolonge dangereusement la periode de relais en cas de trai- tement heparinique initial. Dans la litterature, peu de schemas d'initiation ont ete developpes specifiquement pour le sujet &ge. A I'Hepitat Charles-Foix, nous avons elabore puis valide dans une etude multi- centrique un schema posologique simple d'initiation de la Coumadine 2 mg'" (tableau IV) [13]. II s'applique aux patients de plus de 70 ans pour lesquels le TP initial est superieur & 70 % et pour lesquels I'INR cible est entre 2,0 et 3,0. Le patient re?oit 4 mg de warfarine (2 com- primes de Coumadine 2 mg") pendant 3 jours consecutifs. L'INR mesure le lendemain de la 3 e prise permet d'ajuster ta posologie des prises suivantes (tableau IV). L'INR est ensuite mesure tous les deux jours, jusqu'& I'obtention d'INR consecutifs situes dans la zone the- rapeutique, en s'assurant que I'equilibre est bien atteint. L'heparine est arretee quand I'INR est equilibre dans la zone therapeutique souhai- tee. Les contr61es sont ensuite realises de maniere plus espacee, au minimum une fois par mois. Dans notre etude, 106 patients hospita- lises d'&ge moyen 85 4- 6 ans (71-97) ont ete inclus. La dose predite apres 3 prises concorde parfaitement avec la dose reelle #, I'equilibre chez 73 % des patients, et & 1 mg pres chez 95 °/0 d'entre eux. La mediane d'atteinte de I'equilibre est de 7 jours. Aucun surdosage important (INR > 4,0) n'a ete observe jusqu'a atteinte de I'equilibre [13].

La difficulte chez le sujet &ge reside dans la frequence elevee des affec- tions intercurrentes. Lorsque le traitement du patient est modifie, intro- duction d'antibiotiques ou d'amiodarone notamment, la frequence des contreles biologiques doit etre augmentee afin d'anticiper tout sur- dosage [12, 14]. A noter que les antifongiques azoles, y compris admi- nistres par vole locale, sont & I'origine de surdosages massifs. Lors de poussees d'insuffisance cardiaque accompagnees de signes bi0-

Iogiques de foie cardiaque (avec notamment une diminution de I'activite coagulante du facteur V), la surveillance de I'1N R doit aussi 6tre accrue.

Lors de surdosages par AVK, la 7 e Conference de consensus nord- americaine de I'ACCP recommande une prise en charge specifique chez les patients & haut risque hemorragique parmi lesquels les patients &ges [2]. Ces recommandations sont reprises par t'AFSSaPS [8]. Elles different en fonction de l'intensite du surdosage (> 5,0, > 9,0, > 20,0) et en fonction de I'existence ou non d'un saignement mineur ou majeur. Uutilisation de vitamine K1 per os & petite dose, celle-ci etant fonc- tion de I'INR, permet de reduire la periode du surdosage et donc le risque hemorragique, tout en evitant de rendre le malade ,, resistant aux AVK ,, comme c'est le cas avec de fortes doses de vitamine K1. En cas d'hemorragie majeure, une perfusion de Kaskadil ~" (PPSB) et associee & I'injection de vitamine K1 permet une correction immediate de I'hemostase. Si le risque thrombotique est eleve (chez les porteurs de valve cardiaque notamment ou dans la phase aigu~ d'un episode thromboembolique veineux), un relais par I'heparinotherapie doit etre discute des que I'INR est inferieure & la valeur cible.

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