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Spinoza et autres hérétiques by Yirmiyahu YovelReview by: Régine AzriaArchives de sciences sociales des religions, 39e Année, No. 88 (Oct. - Dec., 1994), p. 108Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/30116313 .

Accessed: 17/06/2014 14:59

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ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

Spinoza et autres h&ritiques. Paris, Ed. du

88.76 YOVEL (Yirmiyahu).

Seuil, 1991, 561 p. (trad. de l'anglais par Eric Beaumatin et Jacqueline Lagr6e; coll. < Libre examen - Histoire de la pense >>).

Plus qu'un ouvrage de philosophie le livre de Y. Y. nous propose une analyse contextuelle et une g6n6alogie intellectuelle de la pens6e de Spinoza articul6e en deux parties. Dans la pre- mitre, <le marrane de la raison>>, il montre comment, avec quelques autres, Spinoza ouvre une voie dissidente, <h~r6tique >>, i la pens6e de son 6poque - ce qui lui vaudra le bannis- sement de la part de la communaut6 juive d'Amsterdam, sa communaut6 d'origine -, en voulant substituer une religion de la raison s'exprimant dans la science et l'6thique, aux grandes religions historiques (judaisme et christianisme). Pour Y. Y., Spinoza et ces au- tres dissidents que sont Uriel Da Costa, Prado, Fernando de Rojas, doivent a leur condition et a leur culture marranes les 616ments essentiels de leur pens6e, a savoir le scepticisme envers les religions historiques, la m6taphysique im- manentiste, le recours au double langage (la Cilestine), la qu~te d'une autre voie de salut (la connaissance). Spinoza se voit en effet condamn6 a atre doublement marrane, marrane au sein de sa propre communaut6 d'origine, et ce avant la rupture, et marrane au sein de la soci6t6 hollandaise dont il est s6par6 par son refus de la conversion mais plus encore par l'impossibilit6 dans laquelle il se trouve de communiquer Ie fond de sa pens6e philosophi- que et m6taphysique.

Spinoza, et plus encore son contemporain Prado, banni comme lui, font figure de juifs non-religieux alors m~me que ce concept n'existe pas encore et que la distinction entre appartenance ethnique et appartenance reli- gieuse (d6jA mise en ceuvre en Espagne avec les convers) est encore concevable i Amster- dam. Y. Y. conclut cette premiere partie en af-

firmant que Spinoza a ouvert la voie au ju- daisme s6culier, sinon explicitement du moins par l'exemple de sa vie. IL a d6montr6, a ses

d6pens, la possibilit6 d'8tre juif de fagon non exclusivement orthodoxe. Vivant a une 6poque oii les concepts de s~cularisme, de nationa- lisme et autres notions li6es a la modernit6, n'existaient pas encore, Spinoza, a travers sa critique de la religion et de la s6cularisation des motifs juifs qu'il opbre, anticipe les 6vo- lutions a venir. Il incarne une forme de mo- dernit6 avant I'heure, ce qui explique son rejet par les gentils et par les juifs. Enfin, s'il reste n6anmoins juif, c'est autrement et d'une fagon qui reste a inventer.

Mais Y. Y. pousse l'analyse plus loin. Dans sa deuxibme partie, <les aventures de l'imma- nence >>, il tente de rep~rer l'impact, direct et indirect, de Spinoza adans l'oeuvre de penseurs (sont retenus Kant, Hegel, Heine, Hess, Feuer- bach, Marx, Nietzsche et Freud, soit les moins <orthodoxes pour leur 6poque) qui ont aid6 le monde moderne a prendre forme >,, en s'en- gageant, chacun a sa manibre dans cette aven- ture de l'immanence.

L'ouvrage se cl6t sur un essai philosophique dans lequel L'A. propose une distinction entre philosophie dogmatique et philosophie critique de l'immanence, en d6fendant la thbse selon laquelle celle-ci doit aussi etre une philosophie de la finitude.

Les idles d6fendues dans ce livre peuvent sans doute soulever des objections et prater h d6bats. L'ensemble n'en est pas moins intel- lectuellement trbs stimulant - d'autant plus agr6able a lire que l'ouvrage est 6crit dans un style fluide et litt6raire, grace soit rendue aux traducteurs pour la qualit6 de leur travail -, y compris et entre autres pour ceux d'entre nous qui travaillent autour des questions en lien avec la modernit6 religieuse.

R6gine Azria.

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