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Les ateliers du CCFA 27 juin 2013 Le sport automobile Entre passions, légitimités et enjeux sociétaux Sport automobile : un monde de communication Table ronde animée par François Roudier, Directeur de la Communication du CCFA Xavier Crespin, Peugeot Bernard Darniche, FFSA Michel Disdier, Auto US Gilles Gaignault, AutoNewsInfo Olivier Gillet, Renault F1 Arnaud de Lamothe, Citroën Philippe Streiff, Direction à la Sécurité et à la Circulation Routières (DSCR) François Roudier Mesdames et messieurs, le sport automobile est un sujet de passions et de discussions animées mais toujours courtoises Cette journée aboutit à cette table ronde que l’on a voulue assez ouverte avec intervenants du sport automobile que l’on a tendance, de temps en temps, à un peu oublier, mais qui sont essentiels. Il y a des pilotes actifs, d’anciens pilotes, des communicants et des journalistes. Ce qui est intéressant pour nous, c’est de confronter la vision de ces publics qui se fréquentent souvent en bonne amitié. Olivier Gillet, qui est le Directeur communication de Renault Sport Formule 1, une marque dont le prestige sportif n’est plus à faire et qui vient de présenter son nouveau moteur ; Gilles Gaignault, journaliste, qui n’est plus à présenter, en sport automobile Gilles a la capacité d’écrire trois articles par minute, peut-être même plus ;

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Les ateliers du CCFA – 27 juin 2013

Le sport automobile

Entre passions, légitimités et enjeux sociétaux

Sport automobile : un monde de communication

Table ronde animée par François Roudier, Directeur de la Communication du

CCFA

Xavier Crespin, Peugeot

Bernard Darniche, FFSA

Michel Disdier, Auto US

Gilles Gaignault, AutoNewsInfo

Olivier Gillet, Renault F1

Arnaud de Lamothe, Citroën

Philippe Streiff, Direction à la Sécurité et à la Circulation Routières (DSCR)

François Roudier

Mesdames et messieurs, le sport automobile est un sujet de passions et de discussions

animées mais toujours courtoises Cette journée aboutit à cette table ronde que l’on a

voulue assez ouverte avec intervenants du sport automobile que l’on a tendance, de

temps en temps, à un peu oublier, mais qui sont essentiels. Il y a des pilotes actifs,

d’anciens pilotes, des communicants et des journalistes.

Ce qui est intéressant pour nous, c’est de confronter la vision de ces publics qui se

fréquentent souvent en bonne amitié.

Olivier Gillet, qui est le Directeur communication de Renault Sport Formule 1, une marque

dont le prestige sportif n’est plus à faire et qui vient de présenter son nouveau moteur ;

Gilles Gaignault, journaliste, qui n’est plus à présenter, en sport automobile Gilles a la

capacité d’écrire trois articles par minute, peut-être même plus ;

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Xavier Crespin, Directeur communication de Peugeot, là aussi une marque liée depuis

toujours au sport et qui a un défi à accomplir au Colorado à Pike’s Peak ;

Michel Disdier a deux casquettes : la casquette journaliste d’Auto US, et surtout sa

casquette assez originale, parce que je crois que c’est le seul pilote français qui ait couru

en Nascar. Il nous expliquera un peu ce que c’est que ce sport bizarre américain ;

Bernard Darniche et Philippe Streiff que l’on ne présente plus. C’est très amusant parce

que mon fils de vingt ans m’a dit : « Ah oui, ce sont ceux qui travaillent pour la sécurité

routière et les handicapés ! ». Je lui ai dit : « Ce sont aussi des pilotes! ». Donc,

messieurs, dans votre deuxième carrière, vous avez un succès tellement phénoménal

que, pour les plus jeunes, cela éclipse votre première carrière. Bernard Darniche, très

grand pilote qui n’est pas pour rien dans l’image d’Audi en France. Philippe Streiff, qui est

là, à de multiples titres mais surtout comme amoureux de l’automobile. Bravo pour tout ce

qu’il fait et il démontre que l’on peut être handicapé, vivre sa vie normale et même

conduire sa voiture.

Arnaud de Lamothe, Directeur marketing de Citroën, « la » marque qui a monopolisé la

communication sur le rallye auto avec ses voitures pilotées par l’un des plus grands

champions français (il est Alsacien, je vous laisse deviner son nom).

On peut tout d’abord, être assez provocateur et se demander si le sport automobile, n’est

pas que communication, dans son sens le plus pur du marketing, on fait courir les pilotes,

on met des logos, on met des autocollants de paquets de cigarette sur la voiture, et il n’y a

que ça. « Que le fric », diront certains.

Posons la question aux communicants : dans votre rôle qu’est-ce qui est prioritaire : faire

du chiffre ? Faire la lisibilité de la marque ? Passer une image dynamique de la marque ?

Je vais commencer par Olivier Gillet, pour Renault. Est-ce que c’est plus important de

gagner beaucoup d’argent par la F1 ou de faire passer une certaine image du Losange ?

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Olivier Gillet

Bonjour à tous. Nous avons trois principaux objectifs chez Renault en Formule 1.

Notre premier objectif est de faire de la visibilité de faire connaître la marque sur les

marchés de conquête que sont les marchés émergents (Inde, Chine, Russie, Brésil).

Notre deuxième objectif est d’améliorer notre image en utilisant cette fantastique plate-

forme de la Formule 1 et la technologie associée pour pouvoir améliorer l’image de

Renault, notamment sur les marchés européens où la visibilité et la notoriété de Renault

sont déjà acquises.

Et enfin, le troisième objectif de l’Entreprise est de gagner tous les week-ends dans ce

fantastique sport qu’est la Formule 1.

François Roudier

Xavier Crespin, la 208 Peugeot, dans la course Pike’s Peak aux Etats-Unis : quelle utilité ?

Xavier Crespin

C’est un peu se mentir de dire que c’est autre chose que de la communication. Mais la

communication est au service des messages de la marque. Donc quelque part on répond

à la question. C’est l’image, bien évidemment. Et la preuve en est, c’est la façon dont le

sport s’inscrit maintenant dans nos organisations. Peugeot Sport est placé dans la

direction Marketing/Communication centrale de la Marque.

On est à Pikes Peak ce week-end. On participe à la course pour tenter de battre le record

même si nous ne vendons pas aux Etats-Unis, même si nous ne sommes pas connus.

Aujourd’hui, c’est bien la dimension médiatique et la dimension communication qui est la

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justification de notre investissement. Il ne faut pas chercher plus loin que la façon dont on

est capable de montrer du dynamisme aujourd'hui en répondant à ces défis-là, c’est

forcément de la communication…

François Roudier

Arnaud de Lamothe, pour Citroën, faire courir une DS3 en rallye, cela fait il vendre plus de

DS3 ?

Arnaud de Lamothe

Justement, pour répondre à la question juste avant, effectivement, comme mes collègues,

c’est aussi de la communication. Bien sûr, c’est de la fierté de toute entreprise. Je ne sais

pas si c’est de la communication interne ou pas, mais l’engagement fort c’est quand même

un atout extraordinaire pour valoriser les équipes, pour motiver les équipes. Vous me direz

que ce n’est pas de la communication, c’est des ressources humaines, c’est du

management. Quand on parle de passion, ce ne sont pas simplement ceux qui aiment le

sport de l’extérieur, ce sont ceux qui aiment l’Entreprise, qui aiment les couloirs de

l’Entreprise, qui aiment voir nos produits, nos véhicules rouler sur les différents circuits,

obtenir des victoires mais aussi être parfois en difficulté.

Mais il y a aussi d’autres choses quand même par rapport à cette question. Citroën a un

laboratoire technologique. Il n’y a pas que l’aspect communication qui compte dans le

sport. Bien sûr, c’est important, c’est un formidable vecteur, mais c’est aussi un laboratoire

technologique à travers WRC. On apprend des choses, on améliore notre technologie. Et

WRC est notamment un exemple concret en ce qui nous concerne, c’est tout ce qui est

liaison au sol qui, pour les voitures de série, a été amélioré grâce à tout le savoir-faire que

nous connaissons.

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Le sport automobile

Entre passions, légitimités et enjeux sociétaux

François Roudier

Nous aimerions bien savoir, Bernard Darniche, quelles étaient vos impressions lors de vos

courses sur Renault ou Audi ?

Bernard Darniche

En amont de tout cela, j’en suis l’exemple parce que j’ai compris assez rapidement, j’ai

commencé grâce à Renault parce que Renault avait une mission qu’elle a toujours

conservée qui donnait accès à ce monde de l’interdit de la conduite automobile à des gens

qui n’ont pas de moyens financiers. Et toute ma vie je remercierai cette firme, plus elle

bien entendu, qui m’a donné accès au monde de l’interdit. Ceci est un petit aparté.

Mais j’ai compris assez rapidement, quand j’ai commencé à courir, comme tout le monde

j’ai failli tuer mon co-équipier, et je me suis dit qu’en cas d’accident il va falloir que je me

calme, que j’arrête de me faire plaisir. Et mon seul but sera de gagner. Et pour gagner, il

faut avoir les meilleurs ingénieurs d’imagination d’exploitation. Et quand on veut

communiquer, on a très peu de chances que l’on vous tende un micro si vous n’êtes pas

premier. Donc l’automobile, c’est de l’image, mais c’est surtout du concours d’image et de

la crédibilité. La compétition, à elle seule, amène tous ces paramètres. Dire que l’on fait de

la communication, si on est cinquième, ça ne marche pas. Il faut gagner. Et quand on

gagne c’est que l’on est les meilleurs. Donc on fait de la communication, et ce sont les

chiffres qui gagnent.

François Roudier

Philippe Streiff, est-ce que le monde de la F1 que vous avez connu en pilote a beaucoup

changé ?

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Philippe Streiff

Tout d’abord, pour compléter ce que disait Arnaud de Lamothe, il est vrai que le sport

automobile, ce n’est pas que de la communication, c’est un fabuleux banc d’essais de la

voiture de demain. Des améliorations ont vu le jour grâce au sport automobile sur les

voitures de série, c’est évident, comme le turbo chez Renault. Par ailleurs, comme le disait

Bernard Darniche, je dois beaucoup à la filière Renault. Après des débuts en karting, j’ai

gravi tous les échelons jusqu’à la Formule 1, de la Formule Renault en tant que lauréat de

l’école de pilotage de Nogaro, en passant par la F3 et la F2.

Dans les années 70 après mon bac, je suis allé voir François Castaing, alors Directeur

Général de Renault Sport, pour lui demander quelle école il fallait faire pour devenir

ingénieur en F1. J’ai intégré, sur ses conseils, l’Ecole Nationale d’Arts et Métiers. Grâce à

Renault, ce fut le début d’une passion et d’une vie. Je ne regrette pas l’accident que j’ai eu

en Formule 1. J’ai couru pendant vingt ans. Finalement, malgré mon accident lors des

essais du Grand Prix du Brésil en 1989, qui m’a rendu tétraplégique, j’ai toujours eu une

vie liée à l’automobile. Malgré ce qui m’est arrivé, si c’était à refaire, je crois que je le

referais parce que je suis très heureux de vivre et de pouvoir encore aujourd’hui travailler

dans le milieu de l’automobile.

Pour répondre à ta question, bien sûr que les choses ont évolué. On le voit bien. A

l’époque, j’ai donc pu bénéficier de la filière Renault-Elf pour accéder à la F1, qui n’existe

plus. Sur le plan sportif, il n’y avait pas de ravitaillement et l’on prenait le départ avec le

plein d’essence pour la course. On s’arrêtait au stand quelquefois, si l’on avait un

problème de pneumatiques.

Gilles Gaignault

D’autant plus que mon beau-père a été ton sponsor et a loué une troisième Renault au

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Grand Prix du Portugal en 1984. Renault a engagé Prost.

Philippe Streiff

Effectivement, j’ai eu la chance de pouvoir courir mon premier Grand Prix avec une

troisième voiture, en tant que pilote d’essais Renault F1 ! Ce qui serait bien maintenant

c’est que ces pilotes d’essais puissent aussi participer aux qualifications : cela ferait quatre

places de plus sur la grille. Ils le font déjà le vendredi matin, mais ce n’est pas suffisant.

Les quatre meilleurs pourraient ainsi participer au week-end complet.

Gilles Gaignault

Mon beau-père pensait que le sport automobile était un puits sans fond !

François Roudier

Est-ce que le sport automobile, aujourd’hui, n’est pas devenu quelque chose de trop

élitiste, avec des masses financières considérables et des départements techniques

extrêmement pointus comme on l’a vu ce matin à la table ronde ? Est-ce que ce sport

automobile n’est pas en train de prendre son image un peu bon enfant de communication,

la voiture de sport qui valorise la voiture de monsieur Tout Le Monde ? Et est-ce que ceci

n’explique pas la baisse des audiences du sport automobile ?

Gilles Gaignault

J’ai commencé la F1 en 1978. J’ai fait 244 Grands Prix. Tout a changé et tout a évolué. La

mentalité a changé. Aujourd’hui, les paddocks de Formule 1 sont des camps retranchés

sans âmes, aseptisés, où les gens se congratulent entre eux tous les 15 jours aux quatre

coins du monde. Moi j’ai écrit un papier cet hiver qui a dépassé le million d’adresses IP.

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On a donc une certaine notoriété dans le monde. J’ai écrit un papier cet hiver. L’année

dernière, j’ai fait 40 reportages et un Grand Prix de Formule 1. Cela demande plus d’une

journée pour faire de la F1. Il n’y a aucune ambiance. Je viens de passer dix jours aux

24 heures du Mans. Le Mans est surclassé au niveau de l’ambiance, de la notoriété, de la

communication, de la décontraction des pilotes. Il y avait un temps où je prenais mon petit-

déjeuner dans un hôtel. Le matin, j’arrivais, je voyais Ayrton Senna, Alain Prost. Ils étaient

seuls à table. Tu leur parlais : « you’re welcome ». Tu prenais ton petit-déjeuner avec eux

et ils te commentaient les essais de la veille. Aujourd’hui, il faut prendre rendez-vous six

mois avant pour être 200 journalistes à 3 questions.

Philippe Streiff

Il y a une raison à cela, et d’ailleurs nos amis en Formule 1 de chez Renault le savent

bien. Pour rentabiliser son paddock, Bernie Ecclestone, « le grand argentier de la F1 »,

s’est dit : « On va mettre des tourniquets à l’entrée des paddocks, on va interdire leur

accès, celui des stands et de tout l’environnement proche des F1». Et c’est ce qui se

passe : les sponsors de la Formule 1 dépensent beaucoup d’argent pour acheter des

billets de paddock-club à leurs clients. Les 11 écuries de Formule 1 n’ont que 20 pass VIP

par écurie !

On se retrouve seulement avec des journalistes et 220 invités dans le paddock. Les autres

sont au-dessus des stands avec des billets à 5 ou 6 000 dollars le week-end. Aux Etats-

Unis, c’est l’inverse, le paddock est ouvert au public !

Gilles Gaignault

J’étais à Indianapolis. Il y a 450 000 personnes à Indianapolis dans les paddocks.

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François Roudier

Passons la parole à Michel Disdier. Dans les courses du Nascar, on voit les gens qui

s’installent toute la journée. Il y a une ambiance délirante. Chaque week-end, c’est

Le Mans ! Comment cela s’explique-t-il ?

Michel Disdier

D’abord, je suis obligé de reprendre ce qu’a dit Bernard Darniche, malgré tout le respect

que j’ai pour lui et pour tout ce qu’il a fait. C’est vrai qu’il disait tout à l’heure que pour

continuer dans le sport automobile il faut que l’on parle de soi et qu’il fallait que l’on gagne.

C’était peut-être vrai il y a quelques années. Aujourd’hui, on peut gagner un championnat

et, l’année suivante, arrêter de courir malheureusement parce que certains médias ou la

fédération ont décidé que vous n’étiez pas la personne qu’ils attendaient. Il y a plein

d’autres pilotes comme moi qui ne sont pas riches et qui essaient de vivre de leur passion.

J’ai compris à ce moment-là que pour continuer dans le sport automobile il fallait que l’on

sache communiquer et partager notre passion au plus grand nombre, aux Fans, aux

médias aussi. C’est l’objectif de chaque compétiteur de devenir pilote professionnel. Mais

si on gagne et que personne ne parle de nous, les sponsors ne viendront pas et vice

versa, et on arrêtera une carrière très tôt.

Donc c’est vrai que moi je suis un peu un électron libre. Je travaille dans le sport

automobile parce que c’était mon vœu depuis mon plus jeune âge. Je n’avais pas

vraiment d’environnement autour qui pouvait m’aider à y rentrer. Et quand je suis arrivé à

remporter un championnat et que j’ai réalisé que la fédération n’était pas très positive, et

ne me soutenait pas, j’ai ouvert les yeux et j’ai regardé ce qui se passait autour. A ce

moment là, j’ai découvert la Nascar.

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La Nascar est un championnat, qui devient presque mondial, qui est le sport automobile

numéro un aux Etats-Unis. C’est le deuxième sport aux Etats-Unis devant le base-ball et

le basket-ball, ce que beaucoup d’Européens ne savent pas. C’est un géant incroyable. A

chaque course, il y a entre 200 et 300 000 spectateurs présents. Cela touche plus de

78 millions de spectateurs, 90 millions de téléspectateurs. C’est retranscrit dans 200 à 300

pays dans le monde. Et aujourd’hui, la Nascar est au Mexique – il y a un championnat au

Mexique, au Canada, en Europe maintenant, puisqu’il y a l’Euro Nascar.

En France et en Europe, puisque c’est un championnat européen. Ils ont vraiment des

vues sur le monde entier. D’où l’idée que j’ai eue pendant cette aventure de lancer un

magazine qui s’appelle Auto US, qui est le seul magazine 100% sports mécaniques US,

NASCAR, INDYCAR, ALMS, NHRA, en fait toutes les séries automobiles Américaines.

Nous proposons surtout des dossiers de fond, des analyses plus que l’actualité étant

donné que nous sommes un Bimestrielle. Avant nous, Michel Hommel, patron de presse

et propriétaire du musé de Lohéac, avait lancé le magazine Speedway, qui traitait des

mêmes sujets, mais après 3 numéros il avait renoncé ! Peut être un peu trop tôt à

l’époque… Aujourd’hui, c’est vrai que l’internet et les télévisions sur le câble ou en

streaming ont attirées des millions de Fans qui ont pu mieux découvrir ces séries US, et

c’est ce qui fait aussi le succès de notre titre. Bien entendu, le fait que de plus en plus de

pilotes français trouvent refuge dans diverses séries, comme la NASCAR avec ma

présence, l’Indycar avec Simon Pagenaud, Tristan Vautier et Sébastien Bourdais qui

étaient en Formule 1, l’intérêt ne cesse de grandir pour les fans des Européens et les

médias!

Xavier Crespin

Je voudrais intervenir et soutenir aussi cela. Je m’inscris un peu en faux par rapport à ce

que dit Bernard sur le fait de devoir gagner. C’est une posture en ligne de concurrent. Et

en tant qu’accompagnant communication, aujourd'hui cela nous a beaucoup coûté de

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rester sur cette stratégie de la communication, c’est-à-dire de commencer à en parler à

condition que les résultats soient là. Cela nous a beaucoup empêchés. Et je veux raconter

ça parce que ça a été le retour de l’épopée des 24 heures du Mans avec Peugeot sur

lequel on a été extrêmement performant. Et on a finalement été très peu communicant par

rapport à l’exploit que cela avait été. Et aujourd’hui, il faut intervenir bien plus en amont

pour raconter l’histoire, créer du contenu et expliquer à quel point c’est difficile, à quel

point cela demande du travail, etc. Et on peut très bien vivre en communication en se

détachant des résultats et en laissant le résultat venir récompenser la chose. C’est risqué,

bien évidemment, parce que l’on ne garantit pas le résultat.

Mais aujourd'hui, prenons l’exemple de Pikes’s Peak : avant même que l’on participe à la

course, la mission communication est faite. On a raconté l’histoire. On a partagé l’image.

Aujourd’hui, on a fait vivre quelque chose qui n’était rien. On laisse le résultat se faire. Ce

sont des choses qui, à mon avis, sont plus modernes et qui sont aussi la leçon de

l’histoire, parce que, dans le passé, ce n’était pas cette activité-là que l’on avait, et ça nous

a un peu empêchés.

François Roudier

Avez vous des moyens de mesurer l’appréciation du public vis-à-vis du sport, vis-à-vis de

vos performances en courses ?

Arnaud De Lamothe

J’ai les chiffres. On fait des études bien sûr. On mesure. D’abord, on fait des études, des

enquêtes. J’ai quelques chiffres qui sont là : aujourd’hui, 88 % des personnes interrogées

disent que l’image de Citroën est plus sportive grâce à WRC – c’est une enquête France.

J’ai d’autres chiffres : on voit bien qu’aujourd’hui, sur 100 retombées médias pour la

marque Citroën, en France, c’est 40 % de sport. C’est quand même conséquent. En

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Argentine, par exemple, c’est 30 %. En Allemagne, c’est pratiquement 20 %. Ce sont des

pays où justement on a besoin d’exister et de progresser en notoriété. Donc bien sûr que

cela nous sert. Maintenant, sur le débat, j’ai mon opinion. Et je pense que quand on va

dans le sport et quand on va dans la compétition d’une façon générale c’est pour gagner.

Il faut toujours gagner.

Olivier Gillet

Chez Renault, on fait des études régulièrement. Et c’est vrai que l’on a des débats sur la

Formule 1. Et je pense que la Formule 1 est en train de se transformer en événement. On

parlait tout à l’heure de belles histoires à raconter, et c’est vrai que l’année prochaine on

va essayer de faire une révolution dans la Formule 1 puisque l’on va changer la

motorisation pour un moteur beaucoup plus propre puisque la consommation baisse de

40 % (inaudible). Et c’est vrai que cette partie-là est (inaudible). Et la notoriété de Renault

a été multipliée par quatre en une année, entre le début de l’année 2012 et la fin de

l’année 2012. Donc pour nous, c’est un point intéressant pour tout le monde puisque ce

sont des marchés qui, en termes de croissance, (inaudible). Donc on mesure à la fois

notre notoriété dans la Formule 1. Et dans les pays européens, on va mesurer

l’amélioration de l’attribut de la marque Renault à la sportivité, la technologie. Et on voit

que sur tous ces aspects-là on offre (inaudible) aux gens qui sont passionnés par la F1 et

tous ceux qui ne considèrent pas la F1 comme un sport à part entière.

Philippe Streiff

Que ce soit Renault ou Citroën, il faut dire aussi qu’ils ont la chance de tabler sur l’homme,

sur des talents d’exception, parce que c’est vrai que c’est le résultat d’une équipe au

complet, mais dont l’iceberg est le pilote. Sébastien Loeb est un pilote très populaire, qui a

amené Citroën au sommet. Il y a eu également Schumacher avec Ferrari en F1.

Concernant Renault F1, il y a eu Alonso. Maintenant, il y a Vettel. Je crois que c’est

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fondamental d’avoir une tête d’affiche pour le public !

Olivier Gillet

Les pilotes français sont là pour nous aider.

Gilles Gaignault

Loeb a fait énormément pour l’image de Citroën, parce qu’il y a 10, 15 ou 20 ans, Citroën

c’était des voitures de pépères. Aujourd’hui, il y a plein de jeunes qui roulent en Citroën

parce que Loeb les a fait rêver. Loeb a complètement dépoussiéré l’image de Citroën. Il y

a plein de jeunes, aujourd'hui, qui rêvent de rouler en DS3, et c’était impensable il y a 20

ans qu’un jeune roule en Citroën car c’était la voiture du grand-père.

Arnaud De Lamothe

Il n’y a pas que cela. Le design a changé et il y a aussi de belles voitures, des voitures qui

font rêver.

Gilles Gaignault

C’est vrai. Mais l’image a été rajeunie grâce à Loeb pour les jeunes.

Arnaud De Lamothe

Et Loeb a été un formidable vecteur pour notre image – c’est ce que je disais tout à

l’heure, et un formidable vecteur d’amélioration. Bien sûr que l’on peut dire que l’on a la

chance d’avoir Sébastien Loeb, mais justement Loeb a la chance de rouler en Citroën. Et

on a su aussi le détecter, le faire monter en compétence, progresser avec lui. On a gagné

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avec lui et lui avec nous. Et Loeb, c’est quelqu’un qui veut gagner.

Michel Disdier

Tous les pilotes veulent gagner. C’est bien sûr la priorité que l’on a quand on se lance

dans la compétition. Maintenant, malheureusement, aujourd’hui, gagner ne suffit pas. Je

connais beaucoup de pilotes qui auraient pu être en Formule 1 actuellement et qui ne le

sont pas, car dès votre arrivée en formule 3 on vous demande des budgets qui passent de

certains montants à des millions d’euros. Pour des jeunes pilotes qui ne sont pas fortunés

et qui n’ont pas de connections importantes, trouver 100 000 euros ou 200 000 euros, ce

n’est déjà pas facile, surtout en ce moment. Mais trouver un million d’euros, c’est quasi

impossible pour 90% d’entres nous.

Gilles Gaignault

Aujourd’hui, les tarifs en Formule 3, pour une saison en championnat de Formule 3

Europe, c’est 400 000 euros. Un pilote, pour faire une saison d’endurance, 24 heures

du Mans compris, dans une petite écurie, cela va entre 300 et 400 000 euros par pilote –

ils sont trois dans la voiture. Chez Renault, une saison dans une petite équipe, vous

n’avez aucune chance de gagner parce que je connais les pilotes qui sont dans cette

équipe et qui sont venus en endurance, comme Nelson Forcet ici, 16 % ont payé pendant

trois ans entre 600 000 et 800 000 euros dans une équipe secondaire pour être dans un

top team. Par exemple, l’équipe qui est soutenue par Red Bull, c’est 1,5 million. Et il y en a

qui ont 19 ans.

Gilles Gaignault

Romain Grosjean, aujourd’hui, est chez Lotus. Eric Boullier et Gérard Lopez ont

clairement dit que c’était parce que Total avait fait un chèque de 12 millions d’euros depuis

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deux ans, sinon Romain Grosjean n’était pas pris. Il a du talent, mais, à talent égal, on

prend l’argent en premier.

Michel Disdier

Sébastien Loeb aussi a eu la chance d’avoir Jacques Régis qui aimait beaucoup le rallye

et qui l’a énormément soutenu. Je n’enlève pas le talent de Sébastien Loeb. Bien sûr qu’il

a beaucoup de talent, ce que je veux dire c’est que si à un moment vous n’avez pas

quelqu’un qui vous soutient au plus haut niveau vous ne pourrez pas faire carrière…Ou

alors avec des efforts immenses !

Gilles Gaignault

Si mon beau-père n’avait pas été là, c’était Mike Capwell qui avait le boulot.

Bernard Darniche

Je voudrais faire une remarque pragmatique. Derrière tout cela, on a les meilleurs

résultats et on a les meilleurs moteurs du monde. Pourquoi l’industrie automobile française

souffre-t-elle autant ? C’est une question que je me pose.

François Roudier

Il semble bien que dans la conquête des marchés hors d’Europe, les succès des

constructeurs français soient constants. Dans le commerce, ils sont moins

internationalisés que d’autres groupes étrangers mais progressent vite. La notoriété du

sport auto est utile pour le commerce.

Dans le sport automobile, il y a quand même une question cruciale et « non politiquement

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correcte ». N’est ce pas un peu un spectacle de gladiateurs ? Est-ce qu’une des raisons

du succès du sport automobile ce n’est pas aussi le risque et le danger ?

Philippe Streiff

J’ai dîné samedi soir au Mans, lors des 24 Heures, au moment-même de l’accident mortel

du Danois Allan Simonsen au volant de son Aston Martin, et de quoi avons-nous parlé

toute la semaine qui vient de s’écouler ? De son décès… On a l’impression que les

médias n’ont vu que cela !

Michel Disdier

Justement, j’étais à Daytona cette année, pour la première fois, au championnat Nascar

où je participais. J’étais le seul Français. J’ai fait le meilleur temps des derniers essais

juste avant la course, ce qui n’avait été jamais fait par un pilote français ou même

européen. Aucun média important en France n’en a parlé, à par L’Equipe. Il y a eu un

énorme accident. C’était dans une autre série. J’étais dans les pits, donc j’ai vu tout ce qui

s’était passé. Une voiture a décollé et a arraché une partie du grillage. Et c’est vrai que

quelque part ça a rappelé l’accident qu’il y avait eu au Mans en 1955. On a eu très peur

que le public soit touché.

Philippe Streiff

Je pense qu’il faudrait des belles images du sport automobile, mais pas uniquement celles

d’accidents, pour que les télévisions et les médias s’y intéressent.

Michel Disdier

TF1 en a parlé au 20 Heures. Ils ont parlé de l’accident. Ils ont montré les images. C’est

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quand même triste. C’est le problème qu’à la NASCAR en France notamment où l’on

diffuse souvent essentiellement les accidents, sans montrer son aspect historique,

technique et passionnel …

Philippe Streiff

Sur TF1, on n’a pas dit qui avait gagné. On a dit qu’il y avait eu un accident !

Gilles Gaignault

Il n’y a pas eu que TF1. Tout le week-end, depuis samedi 15 heures. L’accident est arrivé

à 15 heures 09. A partir de 16 heures, toutes les radios, toute la journée, et toutes les

télévisions, y compris les chaînes du câble, ne parlaient que de ça jusqu’à dimanche soir.

Quand j’étais au Mans, j’ai vu toute la presse, et c’était à la une de tous les quotidiens de

France – pas que Ouest France, mais toute la presse quotidienne française, bien sûr la

presse étrangère et sur le net.

Philippe Streiff

C’est cette image qui rend les pilotes un peu gladiateurs et qui leur donne un statut un peu

particulier…

Michel Disdier

C’est vrai qu’aujourd’hui la sécurité est devenue très importante. On a énormément

progressé depuis 30 ans, et on ne peut qu’en être satisfait et heureux. Mais c’est vrai qu’il

y a certains pilotes, aujourd'hui, qui roulent en pensant qu’ils sont invincibles parce que la

sécurité les protégera toujours. Moi j’ai toujours couru en me disant qu’il ne fallait pas que

je casse la voiture parce que je n’ai pas les moyens de la faire réparer. C’est comme cela

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que je pense à la sécurité aussi. Pourquoi dit-on que c’est un sport dangereux, plus que

certains ? Quand je vois le Tour de France cycliste, quand je les vois descendre les

montagnes, j’ai bien plus peur que de voir des pilotes courir en voiture. Mais c’est vrai qu’il

y a un danger, il ne faut pas l’oublier et il faut que les pilotes ne l’oublient pas.

Philippe Streiff

C’est par passion qu’ils pratiquent leur sport !

Bernard Darniche

J’ai arrêté de courir il y a 35 ans, juste au moment où (inaudible). Je suis un des rescapés.

J’ai des photos où on est 18 sur la photo et où tout le monde est vivant. J’ai vécu cette

époque où on partait, par exemple on savait que l’on consommait 100 litres au 100 avec

des repos. C’était simple : on avait 100 kilomètres à faire, on partait avec 100 litres. On

avait 300 kilomètres à faire, on partait avec 300 litres. Et on savait que si on tapait on était

mort. Il n’y avait pas d’alternative.

Je pense que cela fait la réputation du sport automobile, au même titre que le cirque a eu

cette culture du succès avec les trapézistes. Quelque part, on ne peut pas le nier parce

que l’on est dans une société moderne où le remord devient interdit. Et d’un seul coup,

dans un domaine précis, on parle de mort. Et évidemment cela intéresse. C’est comme ça.

Moi j’ai toujours été le contraire d’un abruti, j’ai toujours été très sensé, je suis très

opportuniste, et j’ai compris que l’automobile pouvait m’apporter l’ascenseur social. J’en ai

profité et je continue à en profiter d’ailleurs. J’ai toujours eu beaucoup de discernement.

Mais je me suis interdit sans arrêt, à part le premier accident où je me suis brûlé, d’aller

au-delà de ce que j’estimais être raisonnable.

On n’a pas le temps de développer tout cela, mais toute cette politique de sécurité routière

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est partie d’une conversation que j’ai eue avec Jacques Chirac à qui j’ai dit : « Il y a un

dossier sur lequel le politique doit gagner, Monsieur le Premier Ministre, c’est si vous vous

emparez de la sécurité routière. Quoi que l’on fasse, les constructeurs ont tellement

travaillé, les infrastructures ont tellement évolué et la médecine d’urgence a tellement

évolué, que d’année en année vous aurez des résultats qui vont s’améliorer. Et vous

pourrez dire que ce dossier c’est grâce à la politique ». Cela a totalement été dénaturé.

Les constructeurs n’ont pas compris le danger qu’il y avait derrière tout cela. Et

aujourd’hui, en France, on est devenu, à cause de cette espèce de posture politique

autophobe, dans un système qui n’a pas de sens avec les conséquences que l’on connaît

sur les constructeurs automobiles, etc. Ce n’est pas un (inaudible) que je fais là. Et

Monsieur Chirac m’avait interpellé parce que j’ai gagné 87 rallyes et je suis sorti deux fois

de ma route tout au long de ma carrière. Et il se servait de moi comme exemple pour

porter le message de lucidité dans les écoles en disant que les pilotes peuvent aussi être

performants en étant dans un système de risque totalement maîtrisé. C’est très intelligent

de sa part, sauf que je ne pensais pas qu’il interpréterait les paroles que j’allais lui dire et

qu’il s’en servirait à un profit politicien dont aujourd'hui on paie tous les conséquences.

François Roudier

Posons la question aux communicants : dans l’automobile, quand on entend « danger » et

« risque », est-ce que l’on peut communiquer ? Est-ce que le sport automobile, dans vos

maisons, ce n’est pas un peu le « mouton noir » par rapport à la communication sur la

sécurité? Est-ce que vous n’êtes pas un peu en porte-à-faux, quand on parle de sport

automobile dans vos maisons, par rapport à la communication sécuritaire de la marque ?

Arnaud de Lamothe

En tout cas, on ne vit pas cette contradiction dans la communication. Evidemment, on va

éviter d’utiliser des mots négatifs. Quand vous dites « risque », cela me fait penser au mot

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chinois, parce que j’étais en Chine encore récemment. Il y a une double signification qui

est risque-opportunité. C’est le même sinogramme, c’est le même mot. Donc on voit plus

une opportunité. On le disait tout à l’heure, dans la première question que vous posiez,

c’est-à-dire : que nous offre le sport automobile ? Qu’offre au grand public le sport

automobile en termes de dépassement de soi, en termes de notoriété, en termes de

victoire, en termes de compétition ? Mais on voit bien les enquêtes, et on ne voit pas du

tout cette incohérence et cette contradiction. Et ce n’est pas forcément le lien avec le

risque. C’est plutôt la passion, l’aventure. Quand vous posiez la question d’avant, on a

parlé du traitement médiatique du Mans, etc., on avait l’impression que votre question était

plutôt entre les pilotes. Je pense que vous avez plutôt posé la question : est-ce qu’entre

les pilotes il y a une mentalité de gladiateur ? Et moi je vous disais : non, je ne pense pas.

Je pense plutôt qu’il y a une mentalité de chevalier, parce qu’un gladiateur lutte pour sa

survie. Il sait qu’il y en a un des deux qui va y rester à mort, puisque c’est une compétition.

Un risque, c’est autre chose. Il y a des règles. Il y a des gestes. Donc c’est aussi ce que

voit tout le monde, vous, nous, tous ceux qui aiment le sport, tous ceux qui aiment

l’automobile, tous nos clients et tout le public. C’est cette valeur-là qu’ils voient. Et je crois

que nous, notre devoir de communicant, c’est justement de montrer que le sport, comme

les Jeux Olympiques, ce sont des valeurs qui élèvent, qui font grandir, qui subliment. Moi,

c’est ce que je vois chez Sébastien Loeb. C’est ce que je vois chez les grands champions

que vous êtes quand je vous écoute.

Philippe Streiff

Il n’y a pas que dans le sport automobile que c’est vrai. Dans toute activité, pour réussir, il

faut prendre des risques. Il y aura toujours cette vérité. Donc un pilote qui ne prend pas de

risques ne réussit pas.

En revanche, l’on peut prévenir les risques, notamment en matière de sécurité routière,

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par l’apprentissage de la conduite dès le plus jeune âge, et Bernard Darniche, ici présent,

ne me contredira pas ! D’ailleurs, cela a été ma reconversion après mon accident, en

sensibilisant les jeunes de 7 à 13 ans aux réflexes de la conduite via l’organisation du

« Jacadi Trophy ».

Bernard Darniche

Il y a un mot que l’on a tous oublié, parce que quand on a la plus belle des choses devant

nous on n’y pense plus. C’est le mot « liberté », liberté d’aller et venir - la mobilité. C’est

inscrit dans la constitution au même titre que l’apprentissage à la lecture. Et à force de voir

cet instrument de liberté que l’on appelle automobile qui amène justement cette possibilité

d’aller et venir, on a fini par oublier l’intérêt qu’elle avait pour nos sociétés modernes. Et là,

je m’adresse aux constructeurs automobiles qui n’ont pas compris suffisamment tôt que

c’était un instrument politique extrêmement sensible et qu’il fallait créer des contrepoids

pour ne pas laisser faire tout et n’importe quoi aux pouvoirs publics. Moi, ce que j’ai

entendu tout à l’heure dans la présentation de l’ACF (Automobile Club de France), j’aurais

aimé que cet Automobile Club se transforme petit à petit, puisqu’on l’a détourné de ses

pouvoirs, en Automobile Club des Français. On n’en serait peut-être pas là aujourd’hui.

Applaudissements de la salle.

Michel Disdier

Sur l’aspect passion, je voudrais ajouter que la passion m’a amené à faire le double des

clés de la voiture de mon père à l’âge de 11 ans. Ma mère avait une petite Autobianchi

que je prenais le soir et je montais vers la montagne. Je n’allais pas en ville pour faire

l’idiot. Mais c’est comme cela que j’ai appris à conduire dès l’âge de 11 ou 12 ans. Un jour,

malheureusement, il y a eu un éboulement sur la route, j’ai pris une pierre et je me suis fait

un peu avoir comme ça. Et mes parents ont découverts que je prenais la voiture… La

passion m’a poussé à découvrir les Etats-Unis alors que j’ai arrêté les études à l’âge de

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15 ans, j’ai tout appris sur le tas. J’étais intéressé par ce championnat parce que j’avais

juste envie de piloter une voiture, peu importe laquelle. A moment donné, une 4L ou une

Formule 1, j’étais heureux avec n’importe laquelle. C’est vrai que la Nascar, pour moi,

paraissait incroyable. Les Etats-Unis étaient un continent immense qui passionne

beaucoup d’entre nous, je pense. Et quand j’ai vu qu’en Europe j’aurais de plus en plus de

difficultés à trouver des soutiens financiers et que la fédération ne me soutenait pas, je

suis parti tout seul aux Etats-Unis. J’ai pris mon petit baluchon. Je parlais trois mots

d’anglais. Je suis allé voir le plus grand patron d’équipe qui était Joe Gibbs entre autre, qui

est une sommité aux Etats-Unis, qui a gagné le Super Bowl, qui est la plus grande

épreuve de football américain, il a racheté ensuite une équipe de Nascar et a gagné le

championnat Nascar plusieurs fois. Il m’a accueilli avec une énorme amitié. Il m’a donné

vingt minutes de son temps alors que je ne pense pas que Ron Dennis m’aurait donné

une seconde de son temps. Je n’arriverais même pas à y rentrer. J’ai découvert la Nascar,

cet environnement passionnant, ce pays incroyable où les gens vous reçoivent

chaleureusement.

Philippe Streiff

Je suis Grenoblois. Pourquoi y a-t-il tant de pilotes originaires de Grenoble, que ce soit en

rallye ou en Formule 1 ? Parce que l’on a tous pratiqué les routes de montagne très tôt !

Donc, ce qu’il faudrait pour les jeunes, c’est fédérer tous les circuits français et installer

dessus des écoles de conduite pour leur apprendre les bons réflexes… En effet, c’est

avant l’âge de 18 ans qu’on les acquiert. Ce n’est pas un hasard si tous les champions ont

commencé leur sport à l’âge de 5 ou 6 ans.

François Roudier

Revenons sur le problème des jeunes. C’est une génération qui, soi-disant, ne s’intéresse

plus à l’automobile. Je dis « soi-disant » parce que l’on parle trop de la jeunesse de Paris

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intramuros, on oublie la jeunesse de nos campagnes qui n’a aucune existence sociale

sans voiture.

Pour ces jeunes, est-ce que le sport automobile – évitons le vol des voitures aux parents,

le dérapage sur les parkings en Alsace – passe toujours par ce karting qui fait visiblement

des champions très tôt ? Ou est-ce que maintenant avec cet engouement très fort pour les

jeux vidéo de voiture, qui sont les plus vendus, on assiste à un changement ?

Bernard Darniche

Je suis en plein dedans parce que j’ai deux petits-fils qui ne savaient pas que j’étais un

ancien pilote car on ne parle surtout pas de cela chez moi. Avec deux petits garçons,

évidemment j’avais un risque énorme qu’ils demandent à aller dans ce truc-là. Je connais

trop les coulisses, et je ne voulais absolument pas qu’ils viennent. Et il est arrivé que

l’année dernière ils voulaient faire du kart. Et cette année, je suis deuxième manche du

championnat de France.

Quand on voit la capacité d’apprentissage de ces gamins, le talent de ces gamins, ils

intègrent des mouvements tout à fait habituels comme respirer pour eux, on en ferait des

conducteurs de tous les jours avec une capacité à absorber l’imprévu, parce que c’est

bien ça éviter l’accident. C’est définir l’imprévisible et l’imprévu. Et ces gamins ont un

talent parce qu’ils ont démarré très jeunes. Le fils de Mikka Häkkinen a commencé à 4 ou

5 ans, et il faut voir le talent de ces gamins. Ils connaissent maintenant la marche et

dialoguent avec des ingénieurs de très haut niveau parce qu’ils ont l’acquisition de l’école

sur une F1. Ils sont déjà dans une logique positive de l’automobile.

Et si nous avions eu la chance de former tous ces gamins – bien entendu on ne forme pas

tout le monde – on aurait un noyau dur qui ferait que l’automobile serait de nouveau un

instrument honorable. Ce n’est pas ce que je ressens en France. Aujourd’hui, l’automobile,

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et l’automobiliste en particulier, s’il n’est pas un délinquant, il est au minimum un pollueur.

On en est arrivé à ce genre de contradiction qui est une destruction pour notre économie

et pour la consommation évidemment. Et je crois que la fédération a bien compris ça et a

mis en place un système de cartes électriques à disposition pour redonner de la légitimité

à pouvoir se servir intelligemment d’un instrument mécanique qui, quand il est bien utilisé,

n’est pas plus dangereux qu’autre chose.

Philippe Streiff

Si tes petits-fils ne sont pas champions, au moins ils seront bons conducteurs. En effet, on

a des taux d’accidents, avec ces jeunes issus du karting, qui sont plus faibles que la

moyenne. Il est évident qu’ils conduiront mieux. C’est aussi à l’Education Nationale

d’intégrer l’éducation routière dans ses programmes, tant sur le plan théorique que

pratique avec des simulateurs de conduite.

Gilles Gaignault

Il y a un exemple très intéressant avec les jeux vidéo, Philippe : l’année dernière, aux

24 heures du Mans, Playstation a engagé un pilote qui n’avait jamais fait de course

automobile de sa vie. Il a gagné le concours Playstation sur les simulateurs.

Philippe Streiff

L’Education nationale peut acheter des simulateurs et peut apprendre à conduire aux

jeunes.

Gilles Gaignault

Jordan Tresson a disputé les 24 heures du Mans en 2012 sans jamais avoir fait une

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course automobile de sa vie, qu’en étant sélectionné vainqueur du concours simulateur

Playstation.

Philippe Streiff

On apprend à piloter des avions avec des simulateurs, il n’y a pas de raison que l’on

n’apprenne pas à conduire des voitures de la même manière. Par ailleurs, pour revenir au

karting, lors des "ELF Masters" que j’ai organisés à Paris-Bercy dans les années 90, les

vainqueurs en catégorie "Juniors" - que ce soit Sébastien Bourdais en 1996, Jenson

Button en 1997, Fernando Alonso en 1998, Robert Kubica en 1999, Lewis Hamilton en

2000 et Sebastian Vettel (vainqueur devant Nico Hülkenberg, tous deux à l'âge de 14

ans...) en 2001 - sont tous devenus champions de Formule 1 !

Gilles Gaignault

Ce qui a changé par rapport à ton époque, il y a vingt ans, c’est qu’aujourd'hui tu vas sur

une grille de départ de GP2, et la moyenne d’âge est 17 ans. Cela veut dire qu’ils ont

commencé en Formule Renault GP3 à 15 ans. A l’époque, ils étaient tous en kart jusqu’à

18, 19, 20 ans.

Bernard Darniche

Je ne critique pas la sécurité routière, mais il y a un problème de sémantique qui me

hérisse, c’est que la sécurité routière ne nous convient pas. Mais la « sérénité routière »

me convient mieux. La sérénité, c’est un problème d’abord d’attitude personnelle et qui est

bénéfique pour les autres.

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Michel Disdier

Il faudrait apprendre à freiner d’abord, ce que l’on ne fait pas dans les auto-écoles…

Philippe Streiff

Et, l’on n’apprend pas toujours le freinage d’urgence dans les auto-écoles...

Bernard Darniche

Si on veut avoir une conduite qui s’inscrit dans le partage de la route, on ne peut pas

freiner, on décélère, sauf qu’à un moment il faut savoir freiner aussi. Et on oublie

totalement de leur apprendre.

Philippe Streiff

On n’arrête pas de dire que depuis dix ans qu’il y a des radars, l’on est passé de 8 000 à

3 600 morts : ce n’est pas l’unique raison de cette bonne évolution. Nous l’avons dit, il faut

apprendre la sécurité routière dès le plus jeune âge. Plus jeunes les conducteurs sont

sensibilisés aux risques de la conduite, plus ils seront responsables ensuite. C’est là où

réside encore le challenge, tout en continuant à lutter contre l’alcool et la drogue au

volant…

François Roudier

Cela nous fait pratiquement une conclusion. Avant de passer aux questions à poser à nos

amis, on va parler de l’avenir automobile et de la jeunesse.

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Michel Disdier

Je suis très optimiste pour le sport automobile puisqu’on voit justement que les jeunes

achètent beaucoup de jeux vidéo sur le sport automobile. On voit les jeux vidéo se

partager dans le monde entier, et c’est du sport automobile. On voit venir un public

passionné de plus en plus nombreux aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis. Et ça, il faut

que les médias et les politiques le comprennent et arrêtent de mettre en avant le côté

négatif. C’est une passion. Et il faut pousser les jeunes à aller vers leur passion et à

construire leur passion.

François Roudier

Avez-vous des questions ?

De la salle

Je voulais poser une question à Olivier Gillet. Renault dépense beaucoup d’argent en

Formule 1 avec son moteur. Son moteur est le champion toute catégorie depuis déjà pas

mal de temps. Par contre, quasiment tous les week-ends de rentrée il y a un moteur

Renault sur le podium, si ce n’est des fois trois. Et dans la semaine qui suit, aucun écho

de Renault alors que lundi dernier, dans Le Figaro, il y avait une énorme page. On a dit

que ce qui intéresse Renault, ce sont les marchés émergents. Certes, mais c’est quand

même dommage car l’industrie française souffre. Je pense que là on a vraiment de quoi

être fier, et je pense que ce serait bien d’en parler.

Olivier Gillet

C’est vrai que l’on a une vision française de notre communication. Mais les autres pays où

Renault communique notamment sur les victoires... On a dit tout à l’heure que notre

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volonté n’est pas forcément que de communiquer sur les victoires mais de raconter de

belles histoires. Mais c’est vrai que cette belle histoire c’est la technologie de Renault.

Nous avons lancé la semaine dernière notre nouveau moteur pour 2014 que l’on a

présenté à la presse. Et l’un des objectifs est d’expliquer un peu les échanges

technologiques que nous avions entre le (inaudible) et la (inaudible) à montrer des

moteurs de série. Et c’est vrai que l’on axe beaucoup notre communication sur des choses

technologiques entre la série et la Formule 1, plus que sur les victoires. C’est un parti pris.

Il vaut ce qu’il vaut. Je pense qu’aujourd'hui les études montrent que l’on n’est pas

forcément dans le faux, et on va continuer dans les prochaines semaines déjà, un, à

vulgariser (inaudible), et on va s’y attacher, et on va travailler toujours autour de ce que la

Formule 1 peut apporter à la série et autour de ce que la série peut apporter à la

Formule 1.

De la salle

Merci. J’ai plusieurs commentaires pour Citroën sans enlever à Sébastien Loeb son talent.

Il ne faut pas oublier quand même qu’il a une connaissance du produit (inaudible), et on

donne à Sébastien Loeb, comme à tous les pilotes, l’outil pour gagner. C’est bien sûr le

talent du pilote, mais c’est aussi la machine, et ceci est très important. Pour Bernard

Darniche, ce matin, Thierry a dit que c’était beaucoup plus facile quand on était convaincu

du haut vers le bas. Et pour nous, il est clair, en France, que le haut ce sont les politiques.

Et aujourd’hui, les politiques ne vont pas dans le sens des hommes politiques mais dans

le sens de l’automobile. On le voit bien à longueur de temps alors que (inaudible). J’en

reviens aux entreprises, aux grands groupes, mais il y a aussi des petites entreprises.

Ensuite, en ce qui concerne les hauteurs des paddocks, regardons ce qui se fait pour les

24 heures de l’automobile. Pour moi, c’est assez étonnant. Quand vous voyez la piste qui

est envahie par le public avant le départ, et 30 minutes avant le départ il y a des ordres qui

sont donnés, tout le monde évacue. Mais il y a le contact avec les pilotes. Il y a le contact

avec les écuries. Et ça, c’est assez fabuleux.

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Bernard Darniche

Je voudrais apporter un témoignage. Tous les jours, je reçois des questions de

journalistes et des questions de monsieur tout le monde. Et les réponses qu’ils font à

l’antenne sont souvent directement posées hors antenne. De là à dire que l’on est dans un

système où individuellement tous ces hommes politiques sont vraiment conscients de

l’erreur stratégique qui a été mise en place depuis 20 ou 30 ans et que collectivement ils

continuent à s’entêter dans la même communion. Donc il faut qu’ensemble nous puissions

trouver des systèmes où nous mobiliserions le citoyen qui a peur qu’on le prive de sa

liberté au volant d’une voiture, que l’on puisse peser sur le politique parce qu’autrement il

ne se passera rien et on continuera à s’enfoncer. J’ai encore passé deux heures avec

Monsieur Cuvillier, le Ministre des transports, ce matin. On est totalement d’accord sur tout

ce que je vous ai développé, mais il me dit qu’à un moment il y a Monsieur Valls qui pense

comme moi mais qui est pris avec la sécurité routière ou un autre système. En fait, c’est

une espèce de jeu de rôle de dupe dans lequel tout le monde est enfermé et dans lequel

tout le monde constate les dégâts que cela peut occasionner. Et personne n’a trouvé la clé

pour faire sauter tout cela.

Philippe Streiff

Je vis cela à un niveau moins élevé avec toutes nos sous-directions de la sécurité

routière. Je vis cela au quotidien.

François Roudier

Je pense quand même que les choses sont en train de changer. Elles changent parce que

nos politiques ont commis une erreur fatale, c’était de négliger le périurbain et le rural. Et

souvenez-vous lorsque l’INSEE a annoncé que la majorité de la population française était

devenue urbaine, tout le monde a une image de grands ensembles et de hautes tours.

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Le sport automobile

Entre passions, légitimités et enjeux sociétaux

Non. Elle est devenue urbaine parce que tous les petits villages de 500 habitants que

nous avons connus sont maintenant les cités dortoirs de la ville d’à côté, avec des zones

pavillonnaires. Dans ces zones pavillonnaires, on a deux voitures. Ce monde périurbain a

été totalement oublié par nos grands partis politiques. Les deux tiers de leurs

déplacements sont des déplacements contraints, c’est-à-dire que l’on va en voiture au

travail, on va en voiture chercher ses enfants et on va en voiture au magasin.

Tout cela pour vous dire qu’on sent bien qu’il y a un changement et que les déboires des

partis politiques traditionnels à toutes les élections ont bien illustré leur méconnaissance

du périurbain. Ce sont des électeurs qui ont besoin de mobilité et il convient de ne pas

négliger leur utilisation de la voiture. Sinon, la sanction se fait sentir dans les urnes ou

l’abstention !

Bernard Darniche

Je voudrais faire un reproche au CCFA. Quand même, on est toujours dans un système

de discussion de café du commerce. D’un côté, vous avez les politiques qui disent que

c’est grâce à eux parce qu’ils ont réduit la vitesse. Et de l’autre côté, ce sont d’autres

paramètres. En Allemagne, l’ADAC a fait une étude très précise sur vingt ans, en

démontrant paramètre par paramètre quels ont été les éléments hiérarchiquement

démontrés pour prévenir la mortalité sur les routes. Si nous avions cette étude, cela nous

permettrait… elle existe quelque part chez les politiques. Mais comme elle est défavorable

à la stratégie actuelle de la sécurité routière, évidemment qu’ils s’assoient dessus.

Je voudrais vous rappeler quand même qu’en Allemagne le premier élément de réduction

de la mortalité sur les routes c’est évidemment la protection active et passive des

véhicules. Le deuxième élément, c’est les infrastructures. Le troisième élément, c’est le

problème de la médecine d’urgence. En huitième position, arrive la vitesse. Qu’est-ce qui

m’empêche de penser que c’est la même chose en France ? Pourquoi n’avez-vous pas

fait cette étude ?

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Mathieu Flonneau

Bernard, je me permets de rebondir sur vos propos dont je sens tout le sel amical, mais si

les ateliers du CCFA existent c’est parce que, depuis l’origine de la collaboration avec

l’Université Paris I et l’association P2M (Passé Présent Mobilité), une forme de mission,

assez ambitieuse il est vrai, leur a été assignée : celle de décloisonner la réflexion sur

l’auto qui n’est en effet trop souvent qu’une réflexion de café du commerce. Depuis déjà

quelques éditions donc, nous cherchons à réfléchir à un haut niveau, en variant les sujets,

à la nature réelle et plurielle de l’impact sociétal de l’automobile, ce que nous appelons

d’ailleurs plutôt l’automobilisme. Ce matin, au travers des approches universitaires

successives, nous avons cherché à nourrir et enrichir le débat de connaissances et de

problématiques complexes. Pour l’avenir, je plaide fortement en faveur d’une séance

consacrée à l’« automobilisme républicain », au sens où François Roudier de l’exprimer.

Dans les différents territoires où l’automobile évolue, y compris dans certains territoires a

priori perdus pour l’automobile, car elle n’y est plus légitime, elle demeure liée à une

certaine forme de citoyenneté. Or, il se trouve que celle-ci est méconnue ou incomprise :

le lien social que peut apporter la mobilité automobile, finalement portée par le premier

réseau social qu’a été et est toujours la route (ou la rue) ne peut pas être négligé plus

longtemps. Donc je plaide véritablement pour que l’un des prochains rendez-vous de nos

ateliers lui soit consacré. Pour finir, je le souligne : je me réjouis de l’ultime tournant de

notre discussion générale conclusive qui ramène aux problèmes fondamentaux de nos

concitoyens en partant d’une sphère qui avait d’abord l’air lointaine, en substance, mais

qui, en réalité, est très connectée à la réalité quotidienne. Durablement, le sport

automobile fait sens dans notre société, c’est cela qu’il convenait d’affirmer et d’étayer.

De la salle

J’ai une question qui s’adresse davantage à Monsieur De Lamothe : pourquoi Sébastien

Loeb en WTTC ?

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Arnaud De Lamothe

Je pense que c’est vertueux. Comme vous le dites, le fait que ce soit un pilote français,

cela va donner de la notoriété. Cela a des conséquences vertueuses et indirectes de

l’engagement de Citroën, et cela donnera de la visibilité à ce sport en France.

De la salle

Vous avez donc déjà un programme médiatique ?

Arnaud De Lamothe

Comme je le disais, la communication et le sport c’est partout où nous sommes déjà.

François Roudier

Pour conclure cette journée, d’abord, je vous remercie. C’était une journée très riche.

Merci aux intervenants. Merci à l’assistance. Vous avez été extrêmement assidus.

Visiblement, le sport automobile reste une passion française et il a toute sa légitimité dans

cette enceinte. Je vous propose maintenant de conclure en buvant le verre de l’amitié.

Boire ou conduire, il faut choisir : chacun est maître de son destin.

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