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SÉQUENCE 1 LES BONNES – JEAN GENET (1947)
Problématique Comment la pièce propose-t-elle un renouvellement de la relation entre le maître et levalet ?
Objet d’étude Le texte théâtral et sa représentation, du XVIIèmesiècle à nos jours
Lectures analytiques Lectures cursives Activités complémentaires
Les Bonnes – Jean Genet Edition Belin – Gallimard Classico-
Lycée
Texte 1 p.20 « Je suis prête... »
à p.22 « ... t'achever »
Texte 2 p47 « Nous
n'abandonnerons jamais
Madame.. »
à p.50 « Le tilleul, Madame. »
Texte 3 p70 « CLAIRE - dolente,
voix de Madame.. »
à la fin
Approches d’ensemble
L'espace : comparaison des
décors/scénographies dans les
différentes mises en scène
Incarner les Bonnes :
- repérage des clés données par
Genet dans le texte liminaire
« Comment jouer les Bonnes »
- comparaison des différents
interprètes : en quoi le choix des
comédiens révèle-t-il une
interprétation du personnage ?
1. Le valet au théâtre de la comédieantique au XVIII°siècle. L'île des esclaves – Marivaux
Le mariage de Figaro – Beaumarchais
Littérature et culture de l'Antiquité : la comédie antique : L'Aululaire - Plaute
2. HDA Mises en scène de la pièceévoquées en classeLouis Jouvet – Théâtre de l'Athénée –
1947
Captation en DVD Jacques Vincey – TNP
Villeurbanne – 2011
Extraits disponibles sur Internet
Philippe Adrien
Comédie Française – 1997
Camille et Monolo Quental Théâtre du Centaure (Marseille) 1998
Pierre Heitz Lyon - 2010
Guillaume Clayssen
La comédie de l'Est – 2011
Ivan Romeuf théâtre de Lenche (Marseille)- 2011
Les liens figurent sur le blog de la classehttp://pasteurbacfrancais.wordpress.co
m/2015/03/10/les-differentes-mises-en-
scene-des-bonnes-evoquees-en-classe/
Sortie au théâtre de l'Alliance Françaisepour voir la pièce (spectacle en
portugais, Grupo Tapa)
Projection du film La Cérémonie deClaude Chabrol (1995) dans le cadre
du projet « Lycéens au cinéma »
Quelques élèves rédigent des fiches
de révisions collectives pour le blog
de la classe :
le théâtre antiquele drame romantiqueles genres au théâtre.
Suite à la représentation à l'AllianceFrançaise - rencontre avec deux actrices du
groupe Tapa
- rédaction d'une critique du spectacle
dans le journal de lecture
L ectures cursive intégrale imposée sans accompagnement spécifique
Surlignez l'oeuvre lue :
- Tartuffe ou Dom Juan Molière
- L'île des esclaves ou Le jeu de
l'amour et du hasard Marivaux
- Le mariage de Figaro Beaumarchais
Deux activités ont été imposées àpartir de la lecture cursive choisie: 1) dans le journal de lecture:
présentez le/les personnages du valet,
et analysez sa/leur relation avec
son/leur maître » dans la pièce
2) mise en voix d'une scène et
rédaction de consignes du metteur en
scène. (seul ou à deux)
LECTURES ANALYTIQUESTexte 1 Les Bonnes – Jean Genet
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SOLANGE, doucement d'abord: Je suis prête, j'en ai assez d'être un objet de dégoût. Moi aussi, je vous hais...
CLAIRE: Doucement, mon petit, doucement...
Elle tape doucement l'épaule de Solange pour l'inciter au calme.
SOLANGE: Je vous hais! Je vous méprise. Vous ne m'intimidez plus. Réveillez le souvenir de votre amant, qu'il vousprotège. Je vous hais! Je hais votre poitrine pleine de souffles embaumés. Votre poitrine... d'ivoire ! Vos cuisses...d'or! Vos pieds... d'ambre! (Elle crache sur la robe rouge.) Je vous hais!
CLAIRE, suffoquée: Oh! oh! Mais...
SOLANGE, marchant sur elle: Oui Madame, ma belle Madame. Vous croyez que tout vous sera permis jusqu'aubout? Vous croyez pouvoir dérober la beauté du ciel et m'en priver? Choisir vos parfums, vos poudres, vos rouges àongles, la soie, le velours, la dentelle et m'en priver? Et me prendre le laitier? Avouez! Avouez le laitier! Sa jeunesse,sa fraîcheur vous troublent, n'est-ce pas? Avouez le laitier. Car Solange vous emmerde!
CLAIRE, affolée: Claire! Claire!
SOLANGE: Hein?
CLAIRE, dans un murmure: Claire, Solange, Claire.
SOLANGE: Ah! oui, Claire. Claire vous emmerde! Claire est là, plus claire que jamais. Lumineuse! Elle gifle Claire.
CLAIRE: Oh! oh! Claire... vous... oh!
SOLANGE: Madame se croyait protégée par ses barricades de fleurs, sauvée par un exceptionnel destin, par lesacrifice. C'était compter sans la révolte des bonnes. La voici qui monte, Madame. Elle va crever et dégonfler votreaventure. Ce monsieur n'était qu'un triste voleur et vous une...
CLAIRE: Je t'interdis!
SOLANGE: M'interdire! Plaisanterie! Madame est interdite. Son visage se décompose. Vous désirez un miroir? Elletend à Claire un miroir à main.
CLAIRE, se mirant avec complaisance: J'y suis plus belle! Le danger m'auréole, Claire, et toi tu n'es que ténèbres...
SOLANGE: ... infernales! Je sais. Je connais la tirade. Je lis sur votre visage ce qu'il faut vous répondre et j'iraijusqu'au bout. Les deux bonnes sont là - les dévouées servantes! Devenez plus belle pour les mépriser. Nous ne vouscraignons plus. Nous sommes enve1oppées, confondues dans nos exhalaisons, dans nos fastes, dans notre haine pourvous. Nous prenons forme, Madame. Ne riez pas. Ah! surtout ne riez pas de ma grandiloquence... CLAIRE: Allez-vous-en.
SOLANGE: Pour vous servir, encore; Madame! Je retourne à ma cuisine. J'y retrouve mes gants et l'odeur de mesdents. Le rot silencieux de l’évier. Vous avez vos fleurs, j'ai mon évier. Je suis la bonne. Vous au moins vous nepouvez pas me souiller. Mais vous ne l'emporterez pas en paradis. J'aimerais mieux vous y suivre que de lâcher mahaine à la porte. Riez un peu, riez et priez vite, très vite! Vous êtes au bout du rouleau ma chère! (Elle tape sur les
mains de Claire qui protège sa gorge.) Bas les pattes et découvrez ce cou fragile. Allez, ne tremblez pas, nefrissonnez pas, j'opère vite et en silence. Oui, je vais retourner à ma cuisine, mais avant je termine ma besogne. Elle semble sur le point d’étrangler Claire. Soudain un réveille-matin sonne. Solange s’arrête. Les deux actrices se
rapprochent, émues, et écoutent, pressées l'une contre l'autre. Déjà?
CLAIRE: Dépêchons-nous. Madame va rentrer. (Elle commence à dégrafer sa robe.) Aide-moi. C'est déjà fini, et tun'as pas pu aller jusqu'au bout. SOLANGE, l'aidant. D'un ton triste: C'est chaque fois pareil. Et par ta faute. Tu n'es jamais prête assez vite. Je nepeux pas t'achever.
Texte 2 Les Bonnes – Jean Genet
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SOLANGE : Nous n'abandonnerons jamais Madame. Aprèstout ce que Madame a fait pour nous.
MADAME:Je le sais, Solange. Étiez-vous trèsmalheureuses ?
SOLANGE: Oh !
MADAME: Vous êtes un peu mes filles. Avec vous la vieme sera moins triste. Nous partirons pour la campagne.Vous aurez les fleurs du jardin. Mais vous n'aimez pas lesjeux. Vous êtes jeunes et vous ne riez jamais. A la campagnevous serez tranquilles. Je vous dorloterai. Et plus tard, jevous laisserai tout ce que j'ai. D'ailleurs, que vous manque-t-il? Rien qu'avec mes anciennes robes vous pourriez êtrevêtues comme des princesses. Et mes robes... (Elle va à
l'armoire et regarde ses robes.) A quoi serviraient-elles?J'abandonne la vie élégante.
Entre Claire, portant le tilleul.
CLAIRE: Le tilleul est prêt.
MADAME: Adieu les bals, les soirées, le théâtre. C'est vousqui hériterez de tout cela.
CLAIRE, sèche: Que Madame conserve ses toilettes.
MADAME, sursautant: Comment ?
CLAIRE, calme: Madame devra même en commander deplus belles.
MADAME: Comment courrais-je les couturiers? Je viens del'expliquer à ta sœur: il me faudra une toilette noire pourmes visites au parloir. Mais de là...
CLAIRE: Madame sera très élégante. Son chagrin luidonnera de nouveaux prétextes.
MADAME: Hein? Tu as sans doute raison. Je continuerai àm'habiller pour Monsieur. Mais il faudra que j'invente ledeuil de l'exil de Monsieur. Je le porterai plus somptueuxque celui de sa mort. J'aurai de nouvelles et de plus bellestoilettes. Et vous m'aiderez en portant mes vieilles robes, envous les donnant, j'attirerai peut-être la clémence surMonsieur. On ne sait jamais.
CLAIRE: Mais, Madame…
SOLANGE : Le tilleul est prêt, Madame.
MADAME: Pose-le. Je le boirai tout à l'heure. Vous aurezmes robes. Je vous donne tout.
CLAIRE: Jamais nous ne pourrons remplacer Madame. SiMadame connaissait nos précautions pour arranger sestoilettes ! L'armoire de Madame, c'est pour nous comme lachapelle de la Sainte Vierge. Quand nous l'ouvrons...
SOLANGE, sèche: Le tilleul va refroidir.
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CLAIRE: Nous l'ouvrons à deux battants, nos jours defête. Nous pouvons à peine, regarder les robes, nousn'avons pas le droit. L'armoire de Madame est sacrée.C'est sa grande penderie!
SOLANGE : Vous bavardez et vous fatiguez Madame.
MADAME: C'est fini. (Elle caresse la robe de velours
rouge) Ma belle «Fascination ». La plus belle. Pauvrebelle. C'est Lanvin qui l'avait dessinée pour moi.Spécialement. Tiens! Je vous la donne. Je t'en fais cadeau,Claire! Elle la donne à Claire et cherche dans l'armoire.
CLAIRE :Oh! Madame me la donne vraiment?
MADAME, souriant suavement:Bien sûr. Puisque je te ledis.
SOLANGE: Madame est trop bonne. (A Claire.) Vouspouvez remercier Madame. Depuis le temps que vousl'admiriez.
CLAIRE: Jamais je n'oserai la mettre. Elle est si belle.
MADAME: Tu pourras la faire retailler. Dans la traîneseulement il y a le velours des manches. Elle sera trèschaude. Telles que je vous connais, je sais qu'il vous fautdes étoffes solides. Et toi, Solange, qu'est-ce que je peuxte donner? Je vais te donner... Tiens, mes renards. Elle les
prend, les pose sur le fauteuil au centre.
CLAIRE: Oh! le manteau de parade!
MADAME: Quelle parade?
SOLANGE: Claire veut dire que Madame ne le mettaitqu'aux grandes occasions.
MADAME: Pas du tout. Enfin. Vous avez de la chancequ'on vous donne des robes. Moi, si j'en veux, je dois lesacheter. Mais j'en commanderai de plus riches afin que ledeuil de Monsieur soit plus magnifiquement conduit.
Texte 3 Les Bonnes – Jean Genet
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CLAIRE dolente, voix de Madame. Fermez lafenêtre et tirez les rideaux. Bien.
SOLANGE – Il est tard. Tout le monde est couché.Ne continuons pas.
CLAIRE, elle fait de la main le geste du silence. -Claire vous verserez mon tilleul.
SOLANGE – Mais ...
CLAIRE – Je dis mon tilleul.
SOLANGE – Nous sommes mortes de fatigue. Ilfaut cesser.Elle s'assoit dans le fauteuil.
CLAIRE - Ah ! Mais non ! Vous croyez, ma bonne,vous en tirer à bon compte ! Il serait trop facile decomploter avec le vent de faire de la nuit sacomplice.
SOLANGE - Mais...
CLAIRE - Ne discute pas. C'est à moi de disposeren ces dernières minutes. Solange, tu me garderasen toi.
SOLANGE - Mais non ! Mais non ! Tu es folle.Nous allons partir ! Vite, Claire. Ne restons pas.L'appartement est empoisonné.
CLAIRE - Reste
SOLANGE - Claire, tu ne vois donc pas comme jesuis faible ? Comme je suis pâle ?
CLAIRE- Tu es lâche. Obéis-moi. Nous sommestout au bord. Solange. Nous irons jusqu'à la fin. Tuseras seule pour vivre nos deux existences. Il tefaudra beaucoup de force. Personne ne saura aubagne que je t'accompagne en cachette. Et surtout,quand tu seras condamnée, n'oublie pas que tu meportes en toi. Précieusement. Nous serons belles,libres et joyeuses, Solange, nous n'avons plus uneminute à perdre. Répète avec moi.
SOLANGE - Parle, mais tout bas.
CLAIRE, mécanique. - Madame devra prendre sontilleul.
SOLANGE, dure. Non, je ne veux pas.
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CLAIRE, la tenant par les poignets. Garce !Répète. Madame prendra son tilleul.
SOLANGE- Madame prendra son tilleul. ..
CLAIRE - Car il faut qu’elle dorme ...
SOLANGE - Car il faut qu’elle dorme ...
CLAIRE - Et que je veille.
SOLANGE - Et que je veille.
CLAIRE, elle se couche sur le lit de Madame.-Je répète. Ne m'interromps plus. Tu m'écoutes ?Tu m'obéis? (Solange fait oui de la tête.) Jerépète ! mon tilleul !
SOLANGE, hésitant. - Mais ...
CLAIRE - Je dis ! mon tilleul.
SOLAGE - Mais, madame . . .
CLAIRE - Bien. Continue.
SOLANGE - Mais, madame, il est froid.
CLAIRE Je le boirai quand même. Donne.Solange apporte le plateau.
Et tu l'as versé dans le service le plus riche, leplus précieux ...
Elle prend la tasse et boit cependant que
Solange, face au public, reste immobile, les
mains croisées comme par des menottes.
LECTURES CURSIVES
Rapports de police, de médecins légistes et récits de la presseà scandale sur l’affaire Papin
Rapport du greffier Bouttier
"Le 2 février 1933 revenant d'un transport de justice à Ruantin […] on vint me prévenir chez moiqu'un double assassinat venait de se commettre rue Bruyère n° 6 chez M. René Lancelin, ex-avoué.Sa femme et sa fille venaient d'être victimes d'un abominable crime; le plus odieux jusqu'à ce jourau Mans et ce, commis par deux servantes de la maison: Christine et Léa Papin. MM. Hebert, Juged’instruction, Riegert procureur de la République, Millet Lacombe, substitut, le Dr Chartier et legreffier se transportèrent immédiatement sur les lieux - et là, sur le palier, une vision d’horreurs'offrit aux regards. Les deux femmes étaient assassinées - coupées - tailladées, les yeux arrachés.La vision de ce drame a jeté la consternation parmi tous ceux qui furent chargés de cette affaire".
Médecin légiste
"Mme et Melle Lancelin ont été tuées presque sans lutte avec un acharnement et un raffinement decruauté dont la littérature médico- légale offre peu d'exemples […] Le fait le plus particulier ducrime est l'arrachement des yeux à l'aide des doigts sur des victimes encore vivantes maisincapables de se défendre parce que déjà affaiblies par des blessures considérables".
Journaliste de la Sarthe
Un épouvantable crime a été commis jeudi soir, à la fin de l'après- midi dans un quartier du Manshabité bourgeoisement. Deux domestiques, deux soeurs ont tué leur patronne dans des circonstancestellement abominables que la plume du journaliste devrait presque renoncer à les décrire. Unbrigadier et deux agents arrivèrent aussitôt mais la porte cochère restait close.Il fallut passer par le n° 8 et l'agent Vérité sauta un mur. Les agents pénétrèrent alors dansl'immeuble. Au rez-de-chaussée, personne. Sur le palier du premier étage, deux cadavres étaientétendus presque parallèlement [...] La tête et le visage de Mme Lancelin étaient absolument écrasés,les traits étaient méconnaissables. Melle Lancelin couchée sur le ventre, il était difficile de savoir àquelles blessures elles avaient succombé. Mais la partie postérieure des corps était horriblementdéchiquetée [...] qu'on nous pardonne cette comparaison mais les jambes ressemblaient à des painsportant les traces transversales du couteau du boulanger [...]Des gouttes de sang avaient jailli sur les murs. Sur les premières marches de l'escalier conduisant ausecond se trouvait un petit pichet d'étain absolument écrasé et veuf d'une anse, ce qui prouve avecquelle violence les malheureuses furent frappées. Epars sur le parquet et autour des victimes, setrouvaient leurs sacs à main, un trousseau de clés, des épingles à cheveux en corne et des débris devaisselle d'ornement maculés de sang. Mais la plus lamentable trouvaille faite par les enquêteurs futcelle d'un oeil qui gisait sur la deuxième, avant-dernière marche de l'escalier".
Extraits du dossier pédagogique du théâtre des Amandiers- de T. Karsanti et M. Poirson – qui s'appuie sur l'ouvraged'Yves Chevalier, En voilà du propre ! Jean Genet et Les Bonnes, Paris, L’Harmattan, 1998, « Acte d’accusation »
LE VALET AU THÉÂTRE DE LA COMÉDIE ANTIQUE AU XVIII°SIÈCLE.
L'Aululaire (Acte V, scène 1) – Plaute (254-184 avt J.C.-)
Lyconide veut épouser Phédra, la fille du vieil Euclion qui est très avare. Strobile, l'esclave de Lyconide a
trouvé le trésor d'Euclion.
STROBILE, à part.
Pourquoi ne pas lui déclarer le butin
qui m'est advenu ? Et puis, je lui
demanderai qu'il m'affranchisse.
Entrons en matière. (Haut) J'ai
trouvé ....
LYCONIDE, avec empressement.
Qu'as-tu trouvé?
STROBILE.
Ce n'est pas ce qui fait crier aux
enfants : Je l'ai trouvé! quand ils
épluchent la fève.
LYCONIDE.
Voilà de tes gentillesses ordinaires.
STROBILE.
Un peu de patience, mon maître. Je
vais te le dire. Ecoute.
LYCONIDE.
Parle donc.
STROBILE.
Je viens de trouver un trésor immense.
LYCONIDE.
Où ?
STROBILE.
Une marmite pleine d'or, quatre livres
pesant.
LYCONIDE.
Qu'entends-je?
STROBILE.
Je l'ai dérobée au vieil Euclion, notre
voisin.
LYCONIDE.
Où est cet or ?
STROBILE.
Dans un coffre à moi. Je désire
maintenant que tu m'affranchisses.
LYCONIDE.
Moi, t'affranchir, ramas de tous les
crimes?
STROBILE.
Fort bien, mon maître. Je devine ta
pensée. Par ma foi, c'était une
plaisanterie ; j'ai voulu t'éprouver. Tu
t'apprêtais à me l'arracher. Ah! si je
l'avais trouvée en effet, où en serais-
je ?
LYCONIDE.
Je ne me paie, pas de tes sornettes.
Allons, rends cet or.
STROBILE.
Que je le rende?
LYCONIDE.
Oui, te dis-je, rends-le, pour que je le
remette à Euclion.
STROBILE.
Et quel or ?
LYCONIDE.
Celui qui est dans un coffre à toi. Ne
l'as-tu pas déclaré ?
STROBILE.
C'est mon habitude, vraiment, de
jaser à tort et à travers. Ma parole!
LYCONIDE.
Sais-tu bien ce qui t'attend ?
STROBILE.
Par Hercule! tue-moi, si tu veux. Tu
n'obtiendras rien.(traduction :
http://remacle.org/bloodwolf/comediens/Pla
ute/marmite.htm)
Le Mariage de Figaro (Acte V scène 3) Beaumarchais (1778)Figaro a toujours fidèlement servi son maître le comte Almaviva. Alors qu'il s'apprête à épouser Suzanne, il
découvre que son maître a l'intention d'avoir recours à son droit de cuissage. Il ignore cependant que
Suzanne va piéger le comte. Se croyant trahi, Figaro laisse éclater son dépit.
FIGARO, seul, se promenant dans l'obscurité, dit du ton le plus sombre :O femme! femme! femme! créature faible et décevante!... nul animal créé ne peut manquer à son instinct:
le tien est-il donc de tromper?... Après m'avoir obstinément refusé quand je l'en pressais devant sa
maîtresse; à l'instant qu'elle me donne sa parole, au milieu même de la cérémonie... Il riait en lisant, le
perfide! et moi comme un benêt... Non, monsieur le Comte, vous ne l'aurez pas... vous ne l'aurez pas. Parce
que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie!... Noblesse, fortune, un rang, des places,
tout cela rend si fier! Qu'avez-vous fait pour tant de biens? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien
de plus. Du reste, homme assez ordinaire; tandis que moi, morbleu! perdu dans la foule obscure, il m'a fallu
déployer plus de science et de calculs pour subsister seulement, qu'on n'en a mis depuis cent ans à
gouverner toutes les Espagnes: et vous voulez jouter... On vient... c'est elle... ce n'est personne. - La nuit est
noire en diable, et me voilà faisant le sot métier de mari quoique je ne le sois qu'à moitié! (Il s'assied sur un
banc.) Est-il rien de plus bizarre que ma destinée? Fils de je ne sais pas qui, volé par des bandits, élevé dans
leurs moeurs, je m'en dégoûte et veux courir une carrière honnête; et partout je suis repoussé! J'apprends
la chimie, la pharmacie, la chirurgie, et tout le crédit d'un grand seigneur peut à peine me mettre à la main
une lancette vétérinaire! - Las d'attrister des bêtes malades, et pour faire un métier contraire, je me jette à
corps perdu dans le théâtre: me fussé-je mis une pierre au cou!
L'île des esclaves (scène 9) Marivaux - 1725
A la suite d'un naufrage, quatre personnages se retrouvent sur une île occupée par des esclaves révoltés, où les
rôles sont inversés : les maîtres (Euphrosine et Iphicrate) deviennent esclaves, et inversement. Les esclaves
(Cléanthis et Arlequin) profitent de leur nouvelle condition pour se moquer de leurs anciens maîtres. Après avoir
été repoussé par Euphrosine (ancienne maîtresse) Arlequin va retrouver son ancien maître Iphicrate.
ARLEQUIN.− Eh ! qui est-ce qui te dit que je ne t'aime plus ?
IPHICRATE. − Tu m'aimes, et tu me fais mille injures ?
ARLEQUIN. − Parce que je me moque un petit brin de toi; cela empêche-t-il que je t'aime ? Tu disais bien que tu
m'aimais, toi, quand tu me faisais battre; est-ce que les étrivières (1) sont plus honnêtes que les moqueries ?
IPHICRATE. − Je conviens que j'ai pu quelquefois te maltraiter sans trop de sujet. (2)
ARLEQUIN. − C'est la vérité.
IPHICRATE. − Mais par combien de bontés ai-je réparé cela !
ARLEQUIN. − Cela n'est pas de ma connaissance.
IPHICRATE. − D'ailleurs, ne fallait-il pas te corriger de tes défauts ?
ARLEQUIN. − J'ai plus pâti des tiens que des miens; mes plus grands défauts, c'était ta mauvaise humeur, ton
autorité, et le peu de cas que tu faisais de ton pauvre esclave.
IPHICRATE. − Va, tu n'es qu'un ingrat au lieu de me secourir ici, de partager mon affliction, de montrer à tes
camarades l'exemple d'un attachement qui les eût touchés, qui les eût engagés peut-être à renoncer à leur
coutume ou à m'en affranchir, et qui m'eût pénétré moi-même de la plus vive reconnaissance !
ARLEQUIN. − Tu as raison, mon ami; tu me remontres (3) bien mon devoir ici pour toi; mais tu n'as jamais su le
tien pour moi, quand nous étions dans Athènes. Tu veux que je partage ton affliction, et jamais tu n'as partagé la
mienne. Eh bien ! va, je dois avoir le cœur meilleur que toi; car il y a plus longtemps que je souffre, et que je sais
ce que c'est que de la peine. Tu m'as battu par amitié : puisque tu le dis, je te le pardonne; je t'ai raillé par bonne
humeur, prends-le en bonne part, et fais-en ton profit. Je parlerai en ta faveur à mes camarades, je les prierai de
te renvoyer, et, s'ils ne veulent pas, je te garderai comme mon ami; car je ne te ressemble pas, moi; je n'aurai
point le courage d'être heureux à tes dépens.
IPHICRATE,s'approchant d'Arlequin. − Mon cher Arlequin, fasse le ciel, après ce que je viens d'entendre, que j'aie
la joie de te montrer un jour les sentiments que tu me donnes pour toi ! Va, mon cher enfant, oublie que tu fus
mon esclave, et je me ressouviendrai toujours que je ne méritais pas d'être ton maître.
ARLEQUIN. − Ne dites donc point comme cela, mon cher patron : si j'avais été votre pareil, je n'aurais peut-être
pas mieux valu que vous. C'est à moi à vous demander pardon du mauvais service que je vous ai toujours rendu.
Quand vous n'étiez pas raisonnable, c'était ma faute.
IPHICRATE,l'embrassant.− Ta générosité me couvre de confusion.
ARLEQUIN. − Mon pauvre patron, qu'il y a de plaisir à bien faire !
Après quoi il déshabille son maître.
IPHICRATE. − Que fais-tu, mon cher ami ?
ARLEQUIN. − Rendez-moi mon habit, et reprenez le vôtre; je ne suis pas digne de le porter.
IPHICRATE. − Je ne saurais retenir mes larmes. Fais ce que tu voudras.
1.Étrivières : sortes de fouet – 2. sujet : de motif 3. remontrer : faire la leçon (des remontrances)
HISTOIRE DES ARTS
HISTOIRE DES ARTS
projection du film La Cérémonie, Claude Chabrol 1995(Lycéens au cinéma)