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Par Anne Revert, professeure au lycée Saint-Exupéry (Saint-Raphaël) Des lieux, des poètes Sir Edward Burne Jones, Le Jardin des Hespérides, 1873, Hamburger Kunsthalle, Hambourg. Présentation En quoi l’écriture poétique des lieux révèle-t-elle un rapport sin- gulier du poète au monde et à la création ? Que lit-on dans le lieu (re)créé par le poète, qui fasse sens, ou du moins participe d’une quête du sens pour les poètes mais au-delà pour des lecteurs ado- lescents en quête de repères et d’identité ? Les poètes qui écrivent des lieux, font de leur poésie un nou- veau lieu, investi par le lecteur, qui peut alors y voir, y ressentir, y éprouver avec délectation, indifférence ou horreur, sa propre vision du monde, de l’homme, du sacré, de l’amour, de la colère, de l’ordre ou du désordre. L’enfant porte longuement son regard sur les lieux qui l’en- tourent. Il est aisément capable de ressentir et parfois d’exprimer les émotions qu’il y ressent. Si notre rapport au monde et au temps dans nos sociétés contemporaines nous éloigne de cette contem- plation, alors, faisons en sorte que le temps de la classe soit un temps étiré pendant lequel les élèves puissent réfléchir aux lieux qu’ils habitent, qu’ils puissent retrouver une posture d’observateur des lieux réels qui les entourent, des lieux fictifs qu’ils imaginent ou fantasment, voire des lieux virtuels dans lesquels ils jouent. Que le professeur leur lise de nombreux extraits de poèmes pour appré- cier le regard des poètes sur les lieux qu’ils créent, que les élèves aient ensuite l’occasion répétée de pouvoir mener des lectures individuelles et silencieuses, que la classe offre des occasions de confronter ces lectures et qu’ils aient ensuite à leur tour la parole pour dire si les lieux de leurs univers sont en harmonie ou en oppo- sition avec leur vision du monde, de l’homme ou plus simplement avec leurs états d’âme. S’il est possible de donner à l’élève la place du poète, quel lieu alors souhaiterait-il écrire à son tour : un lieu réel, rêvé, idéal, ordonné, désor- donné, agréable, ou terrifiant ? et pourquoi ? Les élèves pourraient légitimement se poser la question suivante : pourquoi préférer la poésie à d’autres genres littéraires évoquant des lieux ? Écrire un lieu en poésie n’est pas le décrire mais l’évoquer par les images, les rythmes et les sonorités. Une partie du lieu reste toujours invisible ou fuyante, mouvante, ce qui le rend particulièrement propice à l’écriture poétique, qui aime à se saisir de l’invisible, à l’instar de ce que Michel Collot 1 dit de l’horizon, forcément fabuleux puisque le visible se double d’un imagi- naire. Si nous pouvions tout voir du lieu, il n’y aurait plus rien à en dire. La poésie vit du rêve d’accéder à ce mystère pourtant indomptable. L’invisible devient le lieu du désir projeté. En cela écrire un lieu est un point d’ancrage privilégié du lyrisme moderne, si l’on admet que celui- ci ne relève pas de l’introspection mais plutôt d’une projection du sujet lyrique, qui ne peut s’exprimer que dans son rapport au monde et aux mots. Ce rapport est à double sens : le lieu créé par le langage poétique reflète les émotions du sujet mais il les suscite aussi. Or, faire naître des émotions chez nos élèves et leur donner les moyens de les exprimer reste bien la priorité du cours de français. Cette séquence s’inscrit dans l’objet d’étude « poésie et quête du sens », qui préconise l’étude de la relation qui lie « travail de l’écriture et manière d’interroger le monde et de construire le sens, dans un usage de la langue réinventé » 2 . Elle s’appuie sur des textes poétiques, mais aussi sur des textes qui parlent de la poésie et du rapport que la poésie entretient avec le monde. 1. Michel Collot, L’Horizon fabuleux, Corti, 1989. 2. Programmes officiels de lycée parus en 2010. NOVEMBRE 2018 UNE TERRE ET DES HOMMES HORS-SÉRIE NRP LYCÉE 9 Séquence 1 OBJET D’ÉTUDE : Écriture poétique et quête du sens, du Moyen Âge à nos jours.

Séquence Des lieux, des poètes - Nathan · NOVEMBRE 2018 UNE TERRE ET DES HOMMES HORS-SÉRIE NRP LYCÉE 11 Fresque du triclinium de la Villa Livia à Prima Porta, Ier siècle av

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Par Anne Revert, professeure au lycée Saint-Exupéry (Saint-Raphaël)

Des lieux, des poètes

Sir Edward Burne Jones, Le Jardin des Hespérides, 1873, Hamburger Kunsthalle, Hambourg.

Présentation

En quoi l’écriture poétique des lieux révèle-t-elle un rapport sin-gulier du poète au monde et à la création ? Que lit-on dans le lieu (re)créé par le poète, qui fasse sens, ou du moins participe d’une quête du sens pour les poètes mais au-delà pour des lecteurs ado-lescents en quête de repères et d’identité ?

Les poètes qui écrivent des lieux, font de leur poésie un nou-veau lieu, investi par le lecteur, qui peut alors y voir, y ressentir, y éprouver avec délectation, indifférence ou horreur, sa propre vision du monde, de l’homme, du sacré, de l’amour, de la colère, de l’ordre ou du désordre.

L’enfant porte longuement son regard sur les lieux qui l’en-tourent. Il est aisément capable de ressentir et parfois d’exprimer les émotions qu’il y ressent. Si notre rapport au monde et au temps dans nos sociétés contemporaines nous éloigne de cette contem-plation, alors, faisons en sorte que le temps de la classe soit un temps étiré pendant lequel les élèves puissent réfléchir aux lieux qu’ils habitent, qu’ils puissent retrouver une posture d’observateur des lieux réels qui les entourent, des lieux fictifs qu’ils imaginent ou fantasment, voire des lieux virtuels dans lesquels ils jouent. Que le professeur leur lise de nombreux extraits de poèmes pour appré-cier le regard des poètes sur les lieux qu’ils créent, que les élèves aient ensuite l’occasion répétée de pouvoir mener des lectures individuelles et silencieuses, que la classe offre des occasions de confronter ces lectures et qu’ils aient ensuite à leur tour la parole pour dire si les lieux de leurs univers sont en harmonie ou en oppo-sition avec leur vision du monde, de l’homme ou plus simplement avec leurs états d’âme.

S’il est possible de donner à l’élève la place du poète, quel lieu alors souhaiterait-il écrire à son tour : un lieu réel, rêvé, idéal, ordonné, désor-donné, agréable, ou terrifiant ? et pourquoi ? Les élèves pourraient légitimement se poser la question suivante : pourquoi préférer la poésie à d’autres genres littéraires évoquant des lieux ? Écrire un lieu en poésie n’est pas le décrire mais l’évoquer par les images, les rythmes et les sonorités. Une partie du lieu reste toujours invisible ou fuyante, mouvante, ce qui le rend particulièrement propice à l’écriture poétique, qui aime à se saisir de l’invisible, à l’instar de ce que Michel Collot1 dit de l’horizon, forcément fabuleux puisque le visible se double d’un imagi-naire. Si nous pouvions tout voir du lieu, il n’y aurait plus rien à en dire. La poésie vit du rêve d’accéder à ce mystère pourtant indomptable. L’invisible devient le lieu du désir projeté. En cela écrire un lieu est un point d’ancrage privilégié du lyrisme moderne, si l’on admet que celui-ci ne relève pas de l’introspection mais plutôt d’une projection du sujet lyrique, qui ne peut s’exprimer que dans son rapport au monde et aux

mots. Ce rapport est à double sens : le lieu créé par le langage poétique reflète les émotions du sujet mais il les suscite aussi. Or, faire naître des émotions chez nos élèves et leur donner les moyens de les exprimer reste bien la priorité du cours de français.

Cette séquence s’inscrit dans l’objet d’étude « poésie et quête du sens », qui préconise l’étude de la relation qui lie « travail de l’écriture et manière d’interroger le monde et de construire le sens, dans un usage de la langue réinventé »2. Elle s’appuie sur des textes poétiques, mais aussi sur des textes qui parlent de la poésie et du rapport que la poésie entretient avec le monde.

1. Michel Collot, L’Horizon fabuleux, Corti, 1989.

2. Programmes officiels de lycée parus en 2010.

NOVEMBRE 2018 UNE TERRE ET DES HOMMES HORS-SÉRIE NRP LYCÉE 9

Séquence 1

OBJET D’ÉTUDE : Écriture poétique et quête du sens, du Moyen Âge à nos jours.

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10 HORS-SÉRIE NRP LYCÉE UNE TERRE ET DES HOMMES NOVEMBRE 2018

Lecture comparée, repères

Objectifs 00 Développer sa culture littéraire antique.00 Confronter des textes et tisser des liens entre des

conceptions différentes.00 Prendre position.

Supports :

– Dans l’anthologie Une terre et des hommes, Carré classique Nathan : Virgile, Les Géorgiques, 30 av. J.-C., p. 16 ; Homère, L’Odyssée, viiie siècle av. J.-C., p. 98 ; Les Géorgiques, Virgile, Bibliothèque apostolique du Vatican, p. 17 (illustration).

– Textes complémentaires : Hésiode, Les Travaux et les Jours, VIIIe siècle av. J.-C. ; Genèse, 1. 26-28.

Durée : 2 heures.

Des lieux et des hommes dans l’Antiquité : rêver d’une terre ou habiter la terre ?

Texte 1

Texte 2

D’or fut la première race d’hommes périssables que créèrent les Immortels, habitants de l’Olympe. C’était aux temps de Cronos, quand il régnait encore au ciel. Ils vivaient comme des dieux, le cœur libre de soucis, à l’écart et à l’abri des peines et des misères […] Tous les biens étaient à eux : le sol fécond produisait de lui-même une abondante et généreuse récolte, et eux, dans la joie et la paix, vivaient de leurs champs, au milieu de biens sans nombre.

Hésiode, Les Travaux et les Jours, VIIIe av. J.-C.

5

26 Puis Dieu dit : Faisons les hommes de sorte qu’ils soient notre image, qu’ils nous ressemblent. Qu’ils dominent sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur les bestiaux, sur toute la terre et sur tous les rep-tiles et les insectes.

27 Dieu créa les hommes de sorte qu’ils soient son image, oui, il les créa de sorte qu’ils soient l’image de Dieu. Il les créa homme et femme.

28 Dieu les bénit en disant : Soyez féconds, multi-pliez-vous, remplissez la terre, rendez-vous en maîtres, et dominez les poissons des mers, les oiseaux du ciel et tous les reptiles et les insectes.

Genèse, 1. 26-28.

➔➔ Questions1. Relisez l’extrait de Virgile p. 16 de votre anthologie. À votre

avis, quel est le texte complémentaire parmi les deux extraits ci-contre qui lui fait écho ? Justifiez votre réponse.

2. Relisez l’extrait d’Homère p. 98. À votre avis, quel est le texte complémentaire parmi les deux extraits ci-dessus qui lui fait écho ? Justifiez votre réponse.

3. Observez l’illustration p. 17. Comment peut-on comprendre que des illustrations des Géorgiques aient été adoptées par la Biblio-thèque du Vatican ? Quelles valeurs sont ici prônées par la représen-tation de la nature ?

4. Vous confronterez les différentes relations de l’homme à la terre chez Virgile et chez Homère.

➔➔ Éléments de réponse1. Mécène protégeait Virgile. Auguste, l’empereur, a commandé

à Virgile par l’intermédiaire de Mécène une œuvre poétique qui chante le retour à la terre. L’empereur pouvait ainsi régler la situa-tion des vétérans démobilisés, traiter les problèmes de l’agriculture inhérents à la monoculture alors que les domaines s’agrandissaient, et instaurer une politique de retour aux valeurs traditionnelles, religieuses, familiales, culturelles, auxquelles il était très attaché, dans le cadre de son projet de restauration nationale. Les élèves auront pu percevoir que la nature décrite par Virgile dans ses vers

Illustration des Géorgiques de Virgile, miniature, 300-499, bibliothèque apostolique du Vatican.

Séance 1

DES LIEUX, DES POÈTES

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NOVEMBRE 2018 UNE TERRE ET DES HOMMES HORS-SÉRIE NRP LYCÉE 11

Fresque du triclinium de la Villa Livia à Prima Porta, Ier siècle av. J.-C., musée national romain, Rome.

DES LIEUX, DES POÈTES Séance 1Des lieux et des hommes dans l’Antiquité : rêver d’une terre ou habiter la terre ?

est à l’image d’une cité qui cherche à se civiliser, qui repose sur une dynamique de la perte de l’ensauvagement, déjà amorcée dans les Bucoliques : une nature cultivée, ordonnée, organisée, humanisée. Le champ lexical du travail jalonne le texte. Il s’agit de « retourner la terre » grâce à de nombreux « soins » et beaucoup de « sollici-tude ». Le vocabulaire de l’ordre est également bien présent : pour faire fructifier la terre, « il suffit d’y tracer […] un mince sillon » ; « on règlera d’après la nature du fonds le temps et le nombre des façons à lui donner ». Le sujet des verbes d’action est l’homme, « on », son « art » : le travail humain chanté par Virgile définit des zones de culture, des règles, des démarches à suivre pour faire fructifier la terre. La nature est mise en ordre au profit d’une société civilisée, maîtrisée. C’est grâce à un travail lent, dur, opiniâtre et contraint qu’il est possible de lutter contre le désordre, contre le chaos, sans rien arracher à la nature mais en en prenant soin. L’extrait de Virgile est à rapprocher de l’extrait de la Genèse. Nous y retrouvons l’idée que l’homme a été créé pour faire fructifier la terre, pour y travailler, pour dominer les animaux et les végétaux, pour organiser et prolonger la création divine.

2. Ulysse vient de lutter contre une tempête provoquée par Poséidon. Son radeau sombre, s’échoue et Ulysse, épuisé par deux jours et deux nuits de lutte, s’endort sous un olivier. Athéna, déesse protectrice, guide le héros vers Alcinoos, roi des Phéaciens, dont les jardins enchanteurs sont décrits dans notre extrait p. 98. Le jardin du roi Alcinoos bourgeonne, donne des fleurs et des fruits sans avoir besoin du travail de l’homme. C’est le Zéphyr, le vent d’Ouest, qui fait « bourgeonner les arbres » et fait germer les fruits. Ce sont les grappes qui « laissent tomber la fleur », ce sont les deux sources qui « arrosent en entier » le jardin. « Tels étaient les présents magni-fiques des dieux au roi Alcinoos. » L’homme se contente de cueillir, de récolter comme par miracle car « déjà l’on vendange ». Cet extrait est à rapprocher de l’extrait d’Hésiode. Contemporain d’Homère, au VIIIe siècle avant J.-C., le poète grec Hésiode rédige Les Travaux et les Jours, qui propose la première version du mythe de l’âge d’or, plus exactement de la race d’or. Le poète évoque les maux du pré-sent qui accablent les hommes et raconte comment, dans un passé éloigné, les hommes vivaient comme des dieux et connaissaient un bonheur parfait. La nature généreuse les dispensait de travail. Il s’agit d’une utopie à l’image du jardin des Hespérides, des roseraies du roi Midas ou de l’Arcadie.

3. Certes, Les Géorgiques datent de 30 av. J.-C. mais saint Augustin, par exemple, père de l’Église, a cité Virgile dans ses lettres, ses sermons, ses traités théologiques, ses Confessions. Le nom de Virgile n’apparaît pas moins de 250 fois sous la plume de saint Augustin. Cette autorité fait donc de Virgile un poète chrétien avant la lettre, voire une sorte de prophète. La culture gréco-latine est nourrie de la notion de mimesis : la seule attitude qui fonde authentiquement l’existence de l’être humain, c’est sa capacité de mimesis, d’imitation de la grande force fondatrice ori-ginelle, et donc, de la nature. Les dieux seuls possèdent la capa-cité de commander l’ordre du monde. La condition de l’homme, elle, le projette dans l’action et dans la contingence. La création de l’homme, comme celle de l’artiste, ne peut être que mimesis, imitation de la nature. Le paysan, le laboureur, le travailleur de la terre, l’artisan, le poète, contribuent à l’harmonie par excellence entre l’homme et la nature : l’homme agit sur la terre et sur les êtres vivants ; et en même temps, il est « agi », transformé par ces dynamismes qui le traversent. Rappelons l’étymologie du mot « vers », versus, qui désigne le sillon que le laboureur creuse dans la terre. Le poète décrit et crée un lieu tout à la fois.

4. Dans les deux extraits, les auteurs évoquent la nature. Chez Homère ce jardin magnifique et luxuriant, irréel, propice au bonheur et à la contemplation, est une utopie. Le passage par le pays des Phéaciens est une étape décisive dans le parcours d’Ulysse avant son retour au monde réel et corrompu d’Ithaque. Ce pays utopique offre un miroir inversé d’Ithaque, telle qu’elle pourrait être, déles-tée du poids des Prétendants. La société des Phéaciens est fondée sur l’harmonie familiale – celle du couple du roi et de la reine – et politique, puisque les seigneurs gouvernent avec le roi, alors que les prétendants à Ithaque feront régner la discorde politique. Chez Virgile, le rapport à la nature est plus concret : c’est grâce à l’intel-ligence, à la raison, au courage et au travail tenace de l’homme que la nature peut être maîtrisée. Elle est alors entendue comme étant à l’image du cosmos : ordre, beauté et harmonie. Chez les philosophes grecs, le terme κόσμος (kósmos, « monde ordonné ») désigne un monde clos qui a un ordre, par opposition au chaos. Virgile s’ancre dans la vie terrestre et dans le travail humain. Nous ne sommes plus dans le monde de l’Arcadie, où les bergers ne trans-pirent pas et se reposent nonchalamment à l’ombre, nous entrons au contraire dans un monde où rien ne se fait sans l’effort humain, où le travail est le facteur même et la condition de l’évolution de l’homme. La nature résiste et face à cette résistance, il n’y a que le courage et l’intelligence.

Activité : débatSelon vous, comment notre monde contemporain cherche-t-il à rendre notre terre plus agréable ? Pour préparer le débat, vous rechercherez et apporterez en classe un extrait de texte, un document iconographique (photo de magazine, photo personnelle, tableau, peinture, dessin), un article ou un texte que vous avez rédigé et qui illustre votre point de vue.

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12 HORS-SÉRIE NRP LYCÉE UNE TERRE ET DES HOMMES NOVEMBRE 2018

Objectif 00 Percevoir les prémices du romantisme dans le texte de

Diderot et les commentaires de Goethe et de Schiller.

Supports :

– Diderot, Essais sur la peinture, 1766, in Carré classique, Une terre et des hommes, p. 123.

– Textes complémentaires : Correspondance entre Goethe et Schiller, trad. de Mme la baronne de Carlowitz, éd. Saint-René Taillandier, Paris, Charpentier, 1863, p. 320-321.

Durée : 1 heure.

Un lieu perçu par une subjectivité

Dans une lettre à Schiller, Goethe l’informe qu’il lui a envoyé l’essai du philosophe : « J’espère que l’ouvrage de Diderot vous fera plaisir ».

Schiller ne tarde pas à se déclarer conquis : « Je me suis mis à lire Diderot dont j’ai été enchanté. Chaque mot est un trait de lumière qui éclaire les secrets de l’art et ses observations découlent si intimement de tout ce qu’il y a de plus élevé dans cet art qu’elles touchent à tout ce qui lui est plus ou moins allié. Aussi cet ouvrage contient-il presque autant de conseils utiles pour le poète que pour le peintre. Si vous ne pouvez me le prêter quelque temps, veuillez me le dire afin que je me le procure ».

Et Goethe de répondre : « vous pourrez le garder encore, c’est un magnifique ouvrage qui parle plus utilement encore au poète qu’au peintre quoique pour ce dernier, il soit un puissant flambeau. »

➔➔ Questions1. Confrontez la tapisserie flamande ci-contre, et présentée à la

page 37 de votre anthologie, et la théorie développée par Diderot dans son Essai sur la peinture.

2. Qui sont Schiller et Goethe ? À quel mouvement ont-ils appartenu ? Pourquoi ont-ils été séduits par les idées de Diderot ?

3. Observez l’écriture de Diderot : que donne-t-elle à ressentir et comment ?

➔➔ Éléments de réponse1. Astrée est une bergère raffinée et oisive. Elle habite avec Céla-

don le Forez, contrée idyllique arrosée par le Lignon, au ve siècle de notre ère. Plus de deux cents personnages les accompagnent. C’est la mode du roman pastoral, déjà très en vogue en Italie et en Espagne, selon la tradition inaugurée par les Bucoliques de Virgile. La tapisserie flamande du xviie siècle présente à la page 37 de l’antho-logie illustre un passage précis du roman d’Honoré d’Urfé, celui où Céladon, éconduit par Astrée jalouse, se jette dans le Lignon. Le cadre est bucolique et champêtre, la nature est idyllique. La tapis-serie est une représentation décorative de cette nature abondante et stéréotypée. Diderot, quant à lui, s’oppose à l’enseignement aca-démique. Il reproche à l’art français de devenir décoratif et invite à une observation plus sincère et plus scrupuleuse de la nature. C’est la lumière naturelle des lieux qui est évoquée, celle du « bois de Boulogne », des « Tuileries », des « Champs-Élysées » ; « la fin d’un beau jour », « les branches entremêlées » : ce sont les désordres des lieux qui produisent des effets sublimes, la « masse touffue de ces arbres dont les branches [sont] entremêlées », les effets du soleil sur ces arbres réels qui « renvoient, brisent, rompent, dispersent » les ombres. Il va tenter de persuader ses lecteurs que l’artiste doit étu-dier les passions humaines dans la vie quotidienne, non pas dans l’atelier mais dans la rue, dans la ville, à la campagne, au cœur de la nature réelle, source inépuisable d’inspiration et de renouvelle-ments artistiques. Dans ses Essais sur la peinture, Diderot reproche au tableau Jason et Médée, de Carle Van Loo, d’être « une décoration théâtrale avec toute sa fausseté ». Au-delà de notre extrait, Diderot ajoute : « Que celui qui n’a pas étudié et senti les effets de la lumière et de l’ombre dans les campagnes, au fond des forêts, sur les maisons des hameaux, sur les toits des villes, le jour, la nuit, laisse là les pinceaux, surtout qu’il ne s’avise pas d’être paysagiste. » Diderot renforcera sa poétique des ruines et du paysage préromantique et marquera sa prédilection croissante pour les aspects grandioses et mystérieux de la nature. « Il est sûr que de hautes montagnes, que d’antiques forêts, que des ruines immenses en imposent. » « La vue d’un torrent qui tombe à grand bruit à travers des rochers escarpés qu’il blanchit de son écume me fera frissonner. »

L’Astrée, d’après Honoré d’Urfé, tapisserie flamande représentant le moment où Céladon va se jeter dans le Lignon, 1607, château de la Bastie d’Urfé.

Séance 2

Lecture synthétique, analyse d’imageDES LIEUX, DES POÈTES

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NOVEMBRE 2018 UNE TERRE ET DES HOMMES HORS-SÉRIE NRP LYCÉE 13

Carle Van Loo, Jason et Médée, huile sur toile, 63 × 79 cm, 1759, musée des Beaux-Arts, Pau.

DES LIEUX, DES POÈTES Séance 2Un lieu perçu par une subjectivité

2. Schiller et Goethe sont des écrivains allemands. À ses débuts, Goethe a appartenu au mouvement du Sturm und Drang, mouve-ment politique, littéraire et musical allemand de la deuxième moitié du xviiie dont le nom se traduit en français par « Tempête et pas-sion » ou « Tempête et élan ». On le considère comme précurseur du romantisme car il prône la liberté et l’expression des sentiments. Ce mouvement refuse les conventions sociales et morales qui brident l’épanouissement de la personne. Goethe a qualifié ce mouvement de « révolution littéraire », comme Hugo le dira du romantisme au xixe siècle en France. Si les idées de Diderot les séduisent, c’est parce que le philosophe ne développe pas ici de raisonnement, de démonstration mais qu’il exprime des goûts personnels, des pré-férences et offre une place majeure à la contemplation esthétique liée au sujet qui regarde : c’est « autour de nous », en regardant les lieux alentours que les émotions prennent naissance. Diderot phi-losophe des Lumières, encyclopédiste, défend ici une conception de l’art fondée sur la séduction, l’envoûtement et les sensations. L’individu est pris en compte, dans la singularité de son regard et de sa réception. Si Diderot insiste sur la puissance d’émotion de la peinture, c’est qu’il appartient à la génération préromantique qui trouve dans l’aptitude à s’émouvoir une source nouvelle de poésie et même de morale.

3. Ce plaisir lié à la variété et au changement des effets de l’ombre et de la lumière sur la nature est traduit par le choix des répétitions, de l’énumération qui parvient à traduire l’exaltation des sens « d’ombres fortes, d’ombres moins fortes, de parties obscures, moins obscures, éclairées, plus éclairées ». Les émotions sont claire-ment exprimées par une ponctuation affective, exclamative « oh que

cela est beau ! » L’écriture se fait lyrique, emportée. Si la peinture doit éveiller les sens et mettre le spectateur dans une situation où l’affec-tivité physique, voire psychologique, est engagée, alors, si l’on en juge l’analogie entre peinture et poésie osée par Goethe et Schiller dans leur correspondance, la poésie va doucement évoluer vers la recherche des mêmes effets, en usant de l’ensemble des moyens propres à susciter l’émotion, à atteindre le spectateur au plus pro-fond de lui-même. Pour Diderot, « tant qu’un art ne va pas jusqu’à la terreur il manque son but ». La prose de Diderot cherche à représen-ter ce qu’elle dit, la phrase gagne en mouvement, en souplesse, en naturel, elle est une prose poétique.

Activité : s’exprimer à partir d’une photographiePrenez une photo d’un lieu qui suscite en vous une émotion particulière (ce lieu peut être réel, fictif ou virtuel ; vous pouvez faire une capture d’écran). Quelle est cette émotion ? En quoi le lieu choisi favorise-t-il ces émotions ? Essayez de mettre en mots ces émotions. Nous proposerons aux élèves de travailler le vocabulaire des émotions en nourrissant les champs lexicaux de la joie, de la tristesse, de la mélancolie, de la colère et d’autres encore selon les émotions exprimées par les élèves.

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14 HORS-SÉRIE NRP LYCÉE UNE TERRE ET DES HOMMES NOVEMBRE 2018

Séance 3

Objectifs 00 Travailler les ressorts de l’écriture poétique. 00 Identifier les procédés grammaticaux, stylistiques,

formels au service des effets produits sur le lecteur.

Supports :

– Victor Hugo, Toute la lyre, in Carré classique, Une terre et des hommes, p. 48-49.

– Victor Hugo, « Ma destinée », plume et lavis d’encre brune, 1857, Paris, Maison de Victor Hugo.

– Lettre de Victor Hugo à Franz Stevens, 10 avril 1856.

Durée : 2 heures.

La tempête, lieu fascinant et poétique

Texte

Victor Hugo, « Ma destinée », plume et lavis d’encre brune, gouache, sur papier vélin. 1857, Paris, Maison de Victor Hugo.

Lettre de Victor Hugo à Franz Stevens, 10 avril 1856

Je vous écris ceci un peu pêle-mêle, un peu au hasard. Rendez-vous compte de l’état de mon esprit dans la solitude splendide où je vis, comme perché à la pointe d’une roche, ayant toutes les grandes écumes des vagues et toutes les grandes nuées du ciel sous ma fenêtre. J’habite dans cet immense rêve de l’océan, je deviens peu à peu un somnambule de la mer, et, devant tous ces prodigieux spectacles et toute cette énorme pensée vivante où je m’abîme, je finis par ne plus être qu’une espèce de témoin de Dieu. C’est de cette éter-nelle contemplation que je m’éveille pour vous écrire.

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Lecture analytiqueDES LIEUX, DES POÈTES

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NOVEMBRE 2018 UNE TERRE ET DES HOMMES HORS-SÉRIE NRP LYCÉE 15

DES LIEUX, DES POÈTES Séance 3La tempête, lieu fascinant et poétique

➔➔ Questions1. Quel type de paysage Hugo dépeint-il dans ce poème ? Com-

ment le paysage est-il donné à voir et à entendre ?2. En quoi peut-on dire que ce poème relève d’une écriture

épique ?3. Victor Hugo a déclaré en 1872 : « J’ai eu deux affaires dans

ma vie, Paris et l’océan. » En vous aidant des documents complé-mentaires et en faisant quelques recherches biographiques, vous tenterez de comprendre comment et pourquoi cette fascination de Victor Hugo pour l’océan a pu naître.

4. En vous aidant de la séance précédente, pourquoi, selon vous, la tempête est-elle un paysage naturel privilégié pour les écrivains romantiques ?

➔➔ Éléments de réponse1. Dans le prolongement du Sturm und Drang, Hugo donne à

voir une tempête maritime : le champ lexical de l’élément liquide jalonne le texte : la scène se déroule « sur l’eau bleue ». « La mer », « le flot », « la vague », « l’océan », tout l’horizon maritime est malmené, fouetté par le vent, lui-même désigné par les termes de « rafale » au vers 1 ou de « tempête » au vers 28. Celle-ci est donnée à voir grâce aux images poétiques : le vent est personnifié puisqu’il « hurle », la rafale est assimilée à un cheval fou, dont les « crins » sont un indice, puis l’image se précise, il s’agirait d’une espèce de dragon terrifiant sortant de son antre et tapant les flots de sa « queue ». La métaphore du monstre marin est filée puisque c’est la figure du « serpent » qui apparaît au vers 8, avant d’être enfin clairement identifiée : la tempête est « une hydre », cet animal mythologique invincible et monstrueux. Victor Hugo poète, donne également à entendre la tempête : les bruits sont décrits avec précision : « le vent hurle », la rafale hennit, le bruit est « énorme et monstrueux », l’eau sonne « comme la cloche », la vague est « sonore », le flot est « rauque ». Cacophonie, brouhaha, chaos, les mots choisis résonnent. Les allitérations en [s], « sort, ruisselante, obscur, hennissant sur, sa, ciel sombre, s’emplit, monstrueux, s’enfuit, s’approche » laissent deviner le « serpent ». Les allitérations en [k] dans « cavale, obscur, crins, queue, encombre, court, comme, clocher, encore » donnent à percevoir les coups de cloche que le flot renvoie. La tempête, l’orage, l’ouragan entrent en littérature comme le signe de l’instabilité foncière de l’humaine condition. Et la cloche retentit comme une annonce de fin du monde, à l’heure où l’on « remue les os des morts ». Jean d’Ormesson disait, sans autre forme de procès, que le romantisme était l’entrée de la météo dans la littérature. Pourtant, c’est le procès qui compte ici : le mode d’entrée de la météo dans la littérature et ses implications symboliques.

2. L’épopée est un chant qui caractérise des exploits et met en scène des héros. Ce poème est l’histoire d’un combat, celui que l’Air impose à l’Eau, celui que l’Eau impose à la Terre, c’est le combat des éléments. Les verbes d’action sont nombreux, évoquant la lutte et la bataille : « fouette, court, s’emplit, vient, s’enfuit, s’approche, bondit, tombe, bondit encore, bat, frappe, se roule ». Les éléments se déchaînent jusqu’à plonger le monde nocturne dans le chaos : le champ lexical de l’obscurité est présent avec les adjectifs « obscur »

« sombre », placés à la rime, ou encore « noir », antéposé à « man-teau », l’univers est donc bouleversé. Ce bouleversement et ce désordre du monde sont également donnés à lire par le choix de la métrique : deux heptasyllabes et un tétrasyllabe : des vers courts, le choix d’un mètre impair, le choix de nombreux rejets pour faire ressentir le mouvement incessant. Le paysage soumis à la tempête ressemble à un champ de bataille, où tout n’est que dévastation. Et l’immensité de ce paysage s’ouvre vers l’horizon. Il s’agit d’une poésie déchaînée, délivrée des contraintes, démontée, où le souffle épique concurrence le souffle de la tempête. Nous pourrions citer cet extrait de « Pour une histoire de la sensibilité au temps qu’il fait » publié par Alain Corbin en 2005 : « L’effroi […] fait place à la “délicieuse horreur”, au frémissement provoqué par la sensation et le sentiment que la nature s’impose à l’individu, petit et impuissant, en des manifestations fortes, dont la temporalité même n’est pas ou n’est plus celle de l’histoire humaine. »

3. Si le spectacle de la mer a toujours fasciné Victor Hugo, c’est l’exil à Jersey puis à Guernesey qui va permettre sa véritable ren-contre avec l’océan. Les motifs de la tempête, du naufrage, de l’uni-vers sous-marin, de la rudesse de la vie des gens de mer, du mouve-ment des vagues et de leur murmure qui ressemble à des voix, vont désormais irriguer toute la littérature du romancier et du poète. La lettre à Frantz Stevens et le choix du motif du tableau peint par Hugo lui-même le confirment. En exil, le poète peut voir dans le déchaînement des forces marines le reflet de ses propres luttes et de ses propres rêves, la tempête représentant allégoriquement une forme d’insurrection, de retournement du monde. Souvenons-nous de ces mots dans son discours Aux marins de la Manche : « En attendant, je suis comme vous dans le tourmente, en proie aux événe-ments comme vous aux vents, je constate leur démence apparente et leur logique profonde ; je sens que la tempête est une volonté, et que ma conscience en est une autre, et qu’au fond elles sont d’accord ; et je persiste, et je résiste, […] et je fais mon devoir, pas plus ému de la haine que vous de l’écume. »

4. Si le motif de la tempête marine constitue un thème récurrent dans la littérature depuis l’Antiquité, c’est tout naturellement que les artistes romantiques se sont approprié ce thème. En effet, issu d’un mouvement allemand dont le nom signifie à la fois « passion » et « tempête », le romantisme est un courant artistique fasciné par la nature, véritable miroir de l’âme humaine (d’où les nombreuses personnifications de la mer dans notre poème). Ambivalente, la nature est à la fois un refuge pour l’homme désemparé et un danger pour le vulnérable marin. Le poème de Victor Hugo illustre, par exemple, le caractère destructeur de la mer et la vanité de la lutte contre la nature.

Activité : créer une anthologieChoisissez des poèmes et des tableaux traitant du motif de la tempête, ordonnez-les et regroupez-les dans une anthologie. Lesquels préférez-vous ? Pourquoi ?

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16 HORS-SÉRIE NRP LYCÉE UNE TERRE ET DES HOMMES NOVEMBRE 2018

Séance 4

Objectif 00 Étudier un paysage comme la projection d’une

intériorité.

Support : Lautréamont, Les Chants de Maldoror, in Carré classique, Une terre et des hommes, p. 45-47.

Durée : 2 heures.

Créer son lieu pour dire son rapport à soi et au monde

Lecture, écriture

➔➔ Questions1. Où Maldoror se trouve-t-il et à quoi assiste-t-il ?2. Quels sentiments Maldoror éprouve-t-il ?3. À quoi correspond ce paysage ? Quel rôle la nature tient-elle

ici pour Maldoror ?

➔➔ Éléments de réponse1. Maldoror se trouve sur un rocher lorsqu’un navire jette ses

ancres en pleine mer. La tempête approche de manière certaine et le naufrage est assuré. Il assiste donc à un spectacle de per-dition : le bateau va devoir faire face à une lutte inégale contre une nature toute-puissante, dévastatrice, mortifère. C’est un lieu terrifiant qui est décrit : la nuit, les rochers abrupts, la mer, les coups de tonnerre, le bruit des lamentations, de vagues grandes comme des montagnes, les tirs de canon d’alarme. Le lieu ter-rifiant (locus horridus, « hérissé, rugueux », caractérisé comme locus terribilis, « horrible, effrayant ») est un topos littéraire depuis l’Antiquité et s’oppose au locus amoenus des jardins harmonieux, chaleureux et fertiles. Le goût du macabre est perceptible dès les tragédies de Sénèque. Il s’agit de représenter symbolique-ment le domaine moral et humain à partir du domaine physique et naturel. C’est l’envers de Virgile. Au Moyen Âge, c’est la forêt qui incarne le lieu de la sauvagerie, le lieu infernal, le monde inversé du péché. Si la fascination pour la terreur ne date pas du XVIIIe siècle, c’est bien au siècle des Lumières que le lieu d’horreur impose sa propre poétique. Henri Lafon en a recensé les éléments caractéristiques : l’obscurité, le silence, les bruits effrayants, la verticalité menaçante, la violence de l’eau, l’anima-lité hostile. Tous se retrouvent dans le paysage de notre extrait. Le registre du texte est épique puisque c’est le récit d’un combat qui est mis en scène. On y retrouve les nombreuses virgules, les verbes d’action, le lexique de la lutte. Notons que Lautréamont reprend ici tout un passage de Melmoth ou l’Homme errant de

Charles-Robert Maturin publié en 1820 au Royaume-Uni. On y retrouve tout l’arsenal du roman gothique dont des architectures inquiétantes, des événements surnaturels, orages et tremble-ments de terre.

2. Maldoror éprouve une délectation face à ce spectacle tra-gique. Ce plaisir se lit dans la présence de termes étonnament mélioratifs : le refrain évoquant la chute progressive et lente du bateau ainsi que la mort certaine de ses naufragés se clôt à chaque fois par le terme noble de « majesté ». Un peu plus loin, le spectacle est qualifié de « gracieux ». Enfin, l’exclamation finale « Ô ciel ! comment peut-on vivre, après avoir éprouvé tant de voluptés ! » est particulièrement explicite. En élève de Baude-laire, Ducasse-Lautréamont-Maldoror éprouve de la délectation devant le Mal, qui devient un objet poétique par la puissance du langage, la verbalisation poétique de la violence et de la cruauté. La satisfaction du personnage se lit également dans le ton sarcastique de Maldoror qui porte sur eux un regard critique, moqueur même puisque « on s’accule comme un troupeau de moutons ». Ce regard sarcastique se lit aussi dans le commentaire suivant : « chacun se dit qu’une fois dans l’eau, il ne pourra plus respirer ; car, d’aussi loin qu’il fait revenir sa mémoire, il ne se reconnaît aucun poisson pour ancêtre ».

3. Maldoror a le cœur noir, sombre, il est agité de sentiments morbides ou tout simplement d’une absence de sentiment probablement due à une forme de révolte contre la société et contre son créateur, Dieu. En effet, cette tempête se déroule dans un monde sombre, noir, « d’un noir aussi hideux que le cœur de l’homme ». Et si chacun « remet son sort entre les mains de Dieu », il n’y aura pas de Sauveur. Le déluge ne permettra ni renaissance ni nouvelle alliance puisque personne ne sera sauvé. Maldoror serait une figure d’Antéchrist. Ainsi, cette tempête n’est que le reflet de son âme. À la fin du xviiie siècle, le paysage d’horreur devient un espace reflétant les horreurs de l’âme. Dans le dis-cours préliminaire des Saisons, Saint-Lambert affirme : « il existe une analogie entre nos situations, les états de nos âmes, et les sites, les phénomènes, les états de Nature ». Le paysage d’horreur est le reflet du Mal de l’âme, de la douleur intérieure, du Mal-d’horreur ou Mal-douleur éprouvé par Maldoror, dont le nom permet de nombreuses hypothèses de lecture. Annie Le Brun commente également cette fascination pour le paysage terrifiant en ces termes : « le mouvement qui porte alors vers la nature dans ce qu’elle a d’horrible, de terrifiant – les précipices, les forêts, les tem-pêtes – est le même que celui qui entraîne vers le Noir : les égare-ments de la Nature semblent d’abord répondre ou correspondre à ceux du cœur. » La méchanceté serait chez Maldoror un moyen de vivre une émotion, de ressentir, elle serait un moyen de vivre.

DES LIEUX, DES POÈTES

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NOVEMBRE 2018 UNE TERRE ET DES HOMMES HORS-SÉRIE NRP LYCÉE 17

Au xixe siècle, ce même paysage tend à procurer un agrément paradoxal, celui de la belle horreur, de la terreur sublime. Face à la tempête, Maldoror éprouve du plaisir à assister au spectacle de son âme, à ses déchirements intérieurs, aux combats profonds d’une âme solitaire et frustrée, rageuse et romantique. Doit-on y voir toute la rancœur d’Isidore Ducasse contre sa scolarité ? sa rancœur contre la société bourgeoise, judéo-chrétienne ? Son écriture revêt bel et bien une dimension adolescente, celle de la révolte.

À partir des textes poétiques étudiés dans cette séquence, des œuvres et extraits travaillés en classe et à l’aide de vos lectures per-sonnelles, vous expliquerez cette citation de Diderot et la discuterez.

DES LIEUX, DES POÈTES Séance 4Créer son lieu pour dire son rapport à soi et au monde

Activité : évoquez votre paysage intérieurEt vous ? Quel lieu auriez-vous en tête qui puisse donner à voir votre paysage intérieur ? Votre texte commencera de nouveau par « j’étais assis » et, dans une prose poétique, vous décrirez ce lieu en réinvestissant tous les acquis de la séquence : sonorités, images, rythme, lexique.

William Turner, Tempête de neige sur la mer, 1842, 91 × 122 cm, Tate Gallery, Londres.

➔➔ Bilan : vers la dissertationVoici une citation de Diderot extraite de De la poésie dramatique,

publié en 1758 :

Qu’est-ce qu’il faut au poète ? Est-ce une nature brute ou cultivée, paisible ou troublée ? Préférera-t-il la beauté d’un jour pur et serein à l’honneur d’une nuit obscure, où le sifflement interrompu des vents se mêle par intervalles au murmure sourd et continu d’un tonnerre éloigné, et où il voit l’éclair allumer le ciel sur sa tête ? Préférera-t-il le spectacle d’une mer tranquille à celui des flots agités ? Le muet et froid aspect d’un palais, à la promenade parmi des ruines ? Un édifice construit, un espace planté de la main des hommes, au touffu d’une antique forêt, au creux ignoré d’une roche déserte ? Des nappes d’eau, des bassins, des cascades, à la vue d’une cataracte qui se brise en tombant à travers des rochers, et dont le bruit se fait entendre au loin du berger qui a conduit son troupeau dans la mon-tagne, et qui l’écoute avec effroi ? La poésie veut quelque chose d’énorme, de barbare et de sauvage.

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Écriture d’invention

Lire un conte philosophique : L’Ingénu de Voltaire, 1767

Faire parler le ventFICHE ÉLÈVE 1

18 HORS-SÉRIE NRP LYCÉE UNE TERRE ET DES HOMMES NOVEMBRE 2018

Sujet d’écritureVous êtes le vent dans ce tableau. Vous vous décrivez à la

première personne, physiquement et moralement. Vous en dites plus sur votre secrète identité. Vous réinvestirez les procé-dés d’écriture étudiés dans les séances précédentes pour don-ner du rythme et de la musicalité à votre texte qui sera rédigé en prose poétique.

Guide pour l’écriture

1. Donnez un titre au tableau.

2. Par quels moyens la violence du vent est-elle donnée à voir ?

3. Proposez une dizaine de mots minimum pour constituer le champ lexical de la violence.

4. Faites parler le vent en reprenant les consignes proposées.

5. Reprenez un passage dans lequel vous mentionnez le bruit que le vent fait entendre et insérez une allitération pour faire entendre ce bruit : allitération en [f ] ou en [v] pour le souffle, en [k] pour le craquement…

6. Reprenez un passage dans lequel vous décrivez le vent et insérez, si vous ne l’avez pas fait, quelques métaphores, compa-raisons ou personnifications pour donner à voir le vent.

7. Insérez des figures de style qui donneront du rythme au propos du vent : anaphores, énumérations, rythme ternaire.

8. Travaillez votre mise en page. Choisissez à quel moment vous pouvez passer à la ligne, créer un blanc ou choisir une strophe plus longue.

Évaluation, commentairesVoici une copie répondant au sujet d’invention proposé.

Mettez entre crochets quelques passages que vous avez trou-vés particulièrement réussis. Pourquoi les trouvez-vous beaux ?

Vis vent…Je suis le vent invincible qui fait battre les branches des

arbres, avec une telle hargne, avec une telle haine, que je crée un tourbillon de mistral qui fait place à un visage rempli de brutalité : ma colère inhumaine est gravée sur mon visage humain, déformé par ma cruauté. Mes cheveux ébouriffés, parcourus d’électricité, n’éclairent pas mon corps cinglant. Mes yeux lancent des éclairs, exposent ma furie au monde. Mon nez s’impose cruellement afin de retenir une respi-ration puissante et dévastatrice. Ma bouche entrouverte montre l’abomination de mon souffle destructeur. D’elle sont crachées des cordes qui trouent la terre. Ma vision haineuse jette son dévolu sur un monde vulnérable. Avec mes crocs acérés et mon regard transperçant, je suis le vent assassin qui souffle sans cesse sur les cimes. Je croque des montagnes et j’affûte les flèches des églises.

Enragé, fou, explosif, brutal, je menace la beauté de la vie. Je soulève quiconque oserait se dresser contre moi.

Et je parcours,et je parcours,ombre glaciale aux mille nuances, les rayons, les

gouffres, les ruines, victimes de ma hargne, de mes mor-sures, de mes bourrasques.

J’arrive… telles des caresses glaciales sur une terre aride.Je détruis, casse, ravage, siffle, glace, hurle, hante et

mord. Le monde me craint, les bêtes, les hommes. Pire ! Ils me haïssent ! Tout dévaster, tout saccager, tout détruire pour le plaisir, pour vous sentir frémir.

Je suis le vent déchaîné, emporté par ma démence, ma démesure, ma divagation.

Je suis le vent violent de l’hiver.Je suis le vent bestial, brutal et bruyant, empressé de

broyer, de brusquer, de briser, de blesser. Seul contre tous, mais plus fort que chacun, je suis ce que vous ne serez plus :

Jean-Francois Millet, Le Coup de vent, 1871-73, huile sur toile, 90,5 × 117,5 cm, National Museum of Wales, Cardiff.

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Repères culturels, écouteFICHE ÉLÈVE 2

Paysages musicaux

La musique, comme la poésie, est un art évocateur, dont la force est de faire ressentir des émotions. Les deux arts par-tagent une rythmique universelle, impliquant notre corps, nos sens et notre esprit.

Guide pour une première écoute

1. Quel a été le but du compositeur selon vous ?

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2. Donnez un titre plus précis à ce morceau de musique.

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3. Quel instrument de musique reconnaissez-vous ?

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4. Pourquoi le choix de cet instrument vous paraît-il effi-cace ? Observez notamment la technique utilisée et le registre de l’instrument.

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Effets de style, procédés musicauxDans cette séquence, vous avez travaillé sur quelques

procédés stylistiques contribuant au rythme de l’écriture. Réécoutez le morceau en tentant de répondre aux questions suivantes :

5. Quel procédé musical est ici l’équivalent de la gradation en littérature, ascendante et descendante ?

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6. Quel procédé musical est ici l’équivalent de l’allitération en littérature ?

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7. Quel procédé musical est l’équivalent de l’anaphore en littérature ?

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8. Quels instruments de musique pourrait-on rajouter pour renforcer les effets souhaités ?

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« La Chanson du vent »

Rendez-vous à l’adresse suivante pour écouter la vidéo : « La Chanson du vent », rencontre de Questembert, 2009 :

https://www.youtube.com/watch?v=_3_1shMMX_4

NOVEMBRE 2018 UNE TERRE ET DES HOMMES HORS-SÉRIE NRP LYCÉE 19

Lexique sommaire d’analyse musicale

Les familles d’instruments• Les cordes : violons, guitares, pianos…• Les vents : bois (flûtes, piccolo, saxophone…) et

cuivres (trompettes, cors…)• Les percussions (tambours, maracas, timbales…)

Quelques notions

• Pizzicato : (en italien, pincé) Technique propre aux instruments à cordes consistant à jouer les cordes avec les doigts et non l’archet. Les cordes peuvent aussi être frottées pour un effet différent.

• Registre : Pour un instrument, il s’agit de l’ensemble des notes qu’il peut émettre, de la plus basse à la plus haute.

• Tempo : Allure d’exécution d’une œuvre. Voici quelques tempi :

– Largo : très lent et majestueux.– Lento : lent– Adagio : assez lent– Andante : allant, modéré– Allegro: gai, allègre, vif– Presto: rapide– Prestissimo : très rapide.• Nuance : Signe de solfège indiquant au musicien à

quel niveau de volume jouer ses notes.• Crescendo : Nuance invitant à amplifier le son

produit par l’instrument.• Diminuendo : Nuance invitant à diminuer le son

produit par l’instrument.

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FICHE ÉLÈVE 2

20 HORS-SÉRIE NRP LYCÉE UNE TERRE ET DES HOMMES NOVEMBRE 2018

« La Symphonie pastorale »Rendez-vous à l’adresse suivante pour écouter une nouvelle

vidéo : Beethoven, symphonie n° 6, « La Pastorale », op 68 en Fa majeur, quatrième mouvement. Chef d’orchestre : Stephan Aubé.

Attention, écoutez d’abord le morceau sans regarder la vidéo. https://www.youtube.com/watch?v=ejTdzwpt2SY

Beethoven et l’invention du poème symphoniqueBeethoven est un compositeur romantique allemand. L’an-

née de la création de cette œuvre, en 1807, Beethoven adresse à Theresa Malfatti, dont il est épris, la lettre suivante : « Que vous êtes heureuse, Madame, de pouvoir aller à la campagne ! Moi je ne pourrai goûter ce bonheur avant le huit. Je m’en réjouis comme un enfant. Je suis si joyeux quand je puis errer à travers les bois, les taillis, les arbres, les rochers. Pas un homme ne peut aimer la campagne autant que moi. Si seulement forêts, arbres, rochers, rendaient l’écho que l’on souhaite entendre. » En réalité, depuis 1798, Beethoven est atteint des premiers signes de la surdité et ses souffrances s’apaisent un peu lors de ces séjours hors de Vienne.

Jusqu’alors, la musique était surtout assujettie à la danse ou à la voix. Avec les symphonies de Beethoven, la musique ins-trumentale devient autonome. Aussi son objectif est-il de faire

parler l’orchestre sans le recours à la voix. Berlioz, et les roman-tiques après lui, reconnaîtront dans « La Pastorale » l’acte de naissance du poème symphonique.

Guide pour l’écoute

9. Que ressentez-vous à l’écoute de cet extrait ? Notez une dizaine de mots-clés qui témoignent de vos sensations, de vos images mentales, ou rédigez un texte pour en rendre compte.

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10. Quels sont les choix du compositeur qui permettent de provoquer ces effets ?

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11. Réécoutez le morceau en regardant la vidéo.

12. Quels instruments précis identifiez-vous ? Pourquoi ces choix selon vous ?

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13. De quel texte poétique étudié dans cette séquence pour-rait-on rapprocher ce morceau de musique ? Pourquoi ?

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Activité orale : une musique pour un tableau

Observez la photographie figurant page II du dossier central en couleurs du Carré Classique : Les îles, #0530. Imaginez-vous dans ce lieu et trouvez une musique qui s’accorderait à ce lieu et à vos émotions. Vous serez capables de justifier votre choix à l’oral, notamment le tempo que vous avez choisi, la famille d’instruments, le registre, les nuances.

Activité écrite : un texte pour une musique

Réécoutez la symphonie de Beethoven et imaginez-vous au cœur de l’orage. Vous pouvez décrire le paysage, exprimer les émotions qui vous saisissent et proposer un lien, une analogie entre ce lieu et vos états d’âme. N’oubliez pas de réinvestir les procédés poétiques propres à susciter un rythme particulier, en suivant les mouvements de la musique.

Sigmund Walter Hampel (1868-1949), Portrait de Ludwig van Beethoven, Wien Museum, Vienne.