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Séquence : L’Etranger, d’Albert Camus Objet d’étude : Le personnage de roman du XVII° siècle à nos jours Lecture analytique n° L’Etranger, CAMUS (1942) : Partie I, chapitre 6 (la fin) Le meurtre : “J’ai pensé que je n’avais qu’un demi-tour à faire”... jusqu’à la fin I) Introduction - Situation générale : Albert Camus a connu un destin littéraire exceptionnel puisque son personnage de Meursault a acquis une dimension mythique : il avait su exprimer, sobrement mais fortement, le mal du siècle d’une génération confrontée au succès des idéologies fascistes et aux atrocités de la Seconde Guerre mondiale. Comme en témoignent ses Carnets, le roman prend place dans la trilogie que Camus nommera le “cycle de l’absurde”, et qui comprend, en plus de L’Etranger, un essai intitulé Le Mythe de Sisyphe décrivant les fondements de sa philosophie de l’absurde, et une pièce de théâtre, Caligula, publiée en 1944. Le mythe de Sisyphe raconte l'histoire de cet homme qui est condamné à rouler un rocher jusqu'en haut d'une colline. Arrivé en haut, le rocher dévale la colline de l'autre côté, et Sisyphe doit recommencer. Une image de l’absurdité de la condition humaine... L’Etranger est en partie la traduction romanesque des idées contenues dans Le Mythe de Sisyphe. Meursault, le narrateur (dont on ne saura pas le prénom), est un modeste employé de bureau à Alger. Il retrace son existence médiocre, limitée au déroulement mécanique de gestes quotidiens et à la recherche instinctive de sensations élémentaires. Il vit dans une étrange indifférence : au moment d’agir, il note en général qu’on peut faire l’un ou l’autre, et que “ça lui est égal”. Il représente l’homme avant la prise de conscience de l’absurde, mais déjà préparé à cet éveil lucide : sans illusions sur les valeurs consacrées, il se comporte comme si la vie n’avait pas de sens. L’effet produit sur le lecteur par la narration, objective et dépassionnée, est un écœurement qui donne une bonne idée de ce que peut être le sentiment de l’absurde...(sentiment que l’on retrouvera dans le théâtre de Ionesco ou Beckett). - Situation particulière : Dans cette vision d’un monde absurde, il existe une seule certitude : celle de la mort, et c’est sur ce constat, cette donnée immédiate et incontournable, que se développe l’œuvre de Camus. Le thème de la mort est justement le thème majeur de notre passage. Ce n’est pas la première fois que ce thème apparaît (et ce ne sera pas la dernière) : après l’évocation de la mort de la mère en début de roman, c’est maintenant à un meurtre, commis par le “héros”, que va assister le lecteur. Un ami de Meursault, Raymond, a eu une altercation avec deux Arabes, dont l’un est le frère de sa maîtresse. Une bagarre a éclaté, au cours de laquelle Raymond a eu le bras tailladé par un coup de couteau. Plus tard, Meursault retourne seul sur la plage, avec en poche le revolver qu’il a demandé à Raymond de lui remettre afin d’éviter tout débordement. Il rencontre à nouveau l’un des Arabes, couché à l’ombre, près de la source. A sa vue, celui-ci met la main dans sa poche, tandis que Meursault serre le revolver de Raymond dans son veston... II) Lecture III) Axe et Plan Nous analyserons le caractère tragique des événements qui se déroulent dans cette scène : pour ce faire, nous verrons successivement l’irresponsabilité de Meursault dans ce qui arrive, puis l’inéluctabilité du meurtre, avant d’ aborder la lucidité du “héros” face à l'événement. IV) Explication A) L’irresponsabilité Ce qui ressort de la narration, c’est que ce n’est pas Meursault qui agit. Il semble être plus le témoin que l’acteur de ses propres gestes. 1) L’absence de maîtrise de ses actes - L’irresponsabilité de Meursault se marque d’abord par sa passivité : il n’est que rarement sujet des verbes d’action. Le rôle de sujet est en effet endossé : Lycée Ella Fitzgerald, Vienne Cours de Mme Barrow

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Page 1: Séquence ④ : L’Etranger, d’Albert Camus Objet d’étude : Le

Séquence ④ : L’Etranger, d’Albert CamusObjet d’étude : Le personnage de roman du XVII° siècle à nos jours

Lecture analytique n° ②L’Etranger, CAMUS (1942) : Partie I, chapitre 6 (la fin)

Le meurtre : “J’ai pensé que je n’avais qu’un demi-tour à faire”... jusqu’à la fin

I) Introduction! - Situation générale : Albert Camus a connu un destin littéraire exceptionnel puisque son personnage de Meursault a acquis une dimension mythique : il avait su exprimer, sobrement mais fortement, le mal du siècle d’une génération confrontée au succès des idéologies fascistes et aux atrocités de la Seconde Guerre mondiale.Comme en témoignent ses Carnets, le roman prend place dans la trilogie que Camus nommera le “cycle de l’absurde”, et qui comprend, en plus de L’Etranger, un essai intitulé Le Mythe de Sisyphe décrivant les fondements de sa philosophie de l’absurde, et une pièce de théâtre, Caligula, publiée en 1944.

Le mythe de Sisyphe raconte l'histoire de cet homme qui est condamné à rouler un rocher jusqu'en haut d'une colline. Arrivé en haut, le rocher dévale la colline de l'autre côté, et Sisyphe doit recommencer. Une image de l’absurdité de la condition humaine...

L’Etranger est en partie la traduction romanesque des idées contenues dans Le Mythe de Sisyphe.

Meursault, le narrateur (dont on ne saura pas le prénom), est un modeste employé de bureau à Alger. Il retrace son existence médiocre, limitée au déroulement mécanique de gestes quotidiens et à la recherche instinctive de sensations élémentaires. Il vit dans une étrange indifférence : au moment d’agir, il note en général qu’on peut faire l’un ou l’autre, et que “ça lui est égal”. Il représente l’homme avant la prise de conscience de l’absurde, mais déjà préparé à cet éveil lucide : sans illusions sur les valeurs consacrées, il se comporte comme si la vie n’avait pas de sens. L’effet produit sur le lecteur par la narration, objective et dépassionnée, est un écœurement qui donne une bonne idée de ce que peut être le sentiment de l’absurde...(sentiment que l’on retrouvera dans le théâtre de Ionesco ou Beckett).

- Situation particulière : Dans cette vision d’un monde absurde, il existe une seule certitude : celle de la mort, et c’est sur ce constat, cette donnée immédiate et incontournable, que se développe l’œuvre de Camus. Le thème de la mort est justement le thème majeur de notre passage. Ce n’est pas la première fois que ce thème apparaît (et ce ne sera pas la dernière) : après l’évocation de la mort de la mère en début de roman, c’est maintenant à un meurtre, commis par le “héros”, que va assister le lecteur.Un ami de Meursault, Raymond, a eu une altercation avec deux Arabes, dont l’un est le frère de sa maîtresse. Une bagarre a éclaté, au cours de laquelle Raymond a eu le bras tailladé

par un coup de couteau. Plus tard, Meursault retourne seul sur la plage, avec en poche le revolver qu’il a demandé à Raymond de lui remettre afin d’éviter tout débordement. Il rencontre à nouveau l’un des Arabes, couché à l’ombre, près de la source. A sa vue, celui-ci met la main dans sa poche, tandis que Meursault serre le revolver de Raymond dans son veston...

II) Lecture!

III) Axe et Plan! Nous analyserons le caractère tragique des événements qui se déroulent dans cette scène : pour ce faire, nous verrons successivement l’irresponsabilité de Meursault dans ce qui arrive, puis l’inéluctabilité du meurtre, avant d’ aborder la lucidité du “héros” face à l'événement.

IV) Explication! A) L’irresponsabilitéCe qui ressort de la narration, c’est que ce n’est pas Meursault qui agit. Il semble être plus le témoin que l’acteur de ses propres gestes.1) L’absence de maîtrise de ses actes- L’irresponsabilité de Meursault se marque d’abord par sa passivité : il n’est que rarement sujet des verbes d’action. Lerôle de sujet est en effet endossé :

Lycée Ella Fitzgerald, Vienne Cours de Mme Barrow

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- soit par son corps : le front me faisait mal // ses veines battaient // la sueur a coulé // mes yeux étaient aveuglés, ou encore tandis qu’il atteint le point culminant de l’insolation : Tout mon être s’est tendu

! Meursault est tout entier dans la sensation, dans la perception physique de son corps : il constate que son ! corps bouge, plus qu’il ne le fait bouger de façon volontaire.

- soit par les éléments naturels : la brûlure du soleil // la lumière a giclé // Cette épée brûlante (que nous classons parmi les éléments naturels puisqu’il s’agit de la lumière du soleil) // la mer a charrié // le ciel s’ouvrait ressentis comme tellement agressifs que Meursault apparaît plus victime que coupable

- soit par des objets comme le revolver : la gâchette a cédé- et lorsqu’il utilise le “je”, c’est pour évoquer des réactions dont il n’est pas maître : l’expression “j’ai senti des

gouttes de sueur” révèle la passivité d’une sensation et non la volonté d’une action- Par ailleurs, l’irresponsabilité de Meursault est marquée dans la situation elle-même : en fait, le personnage a connudepuis le matin une suite de réactions physiologiques qui ont abouti à une insolation, réactions que Camus a pris soin de montrer avec un luxe de détails. D’ailleurs, tous les passages ajoutés par la suite au manuscrit initial correspondent à des précisons supplémentaires sur les symptômes que provoque le soleil sur Meursault. Celui-ci est en effet victime d’une véritable insolation, dont le récit fait un tableau clinique complet :

- il souffre de maux de tête, signe caractéristique de l’insolation : le front surtout me faisait mal et toutes ses veines battaient ensemble sous la peau. Plus loin, l’évocation se fait plus métaphorique à travers l’expression “cymbales du soleil”, qui suggère les bourdonnements d’oreilles dont le bruit est ressenti comme étant énorme.

- les expressions “pleuvoir du feu” et “la mer a charrié un souffle épais” renvoient à une sorte d’oppression thoracique, comme si l’air lui-même devenait trop chaud pour être respiré

- enfin c’est l’éblouissement (paupières recouvertes d’un voile, yeux aveuglés) et le vertige qui indiquent que Meursault est sur le point de perdre conscience. Il ne ressent plus les choses qu’indistinctement, ses sens n’enregistrent plus rien d’autre qu’une agression physique : agression des oreilles (je ne sentais plus que les cymbales du soleil), des yeux (mes yeux douloureux) et du corps tout entier comme transpercé par un glaive éclatant ou une épée brûlante. Finalement tout se mêle, les éléments fusionnent : l’eau devient feu (“pleuvoir du feu”), le feu devient métal : la lumière est comme une grande lame, ou comme une épée brûlante

- Il m’a semblé que le ciel s’ouvrait marque le point culminant du vertige, qui sera aussi le moment de l’action, ou plutôt du geste involontaire, c’est-à-dire la crispation réflexe qui fait que la gâchette a cédé.

2) Le rôle du soleil Le soleil est acteur à part entière dans le déroulement du drame. Son action brutale est ainsi percevable à travers les métaphores qui assimilent la lumière à une arme : une lame, un glaive, une épée, et à travers le champ lexical de l’agression qui montre que Meursault est blessé physiquement par ses attaques (m’atteignait au front, rongeait mes cils, fouillait mes yeux douloureux).C’est lui tout d’abord qui empêche Meursault de faire demi-tour, c’est lui que Meursault ne peut plus supporter, c’est lui dont il veut se débarrasser, c’est lui dont les cymbales le poussent à la limite de l’évanouissement, c’est lui enfin qui déclenche le geste ultime, cette crispation de la main sur le revolver.Ainsi tout se passe comme si c’était le soleil que Meursault voulait tuer, car c’est lui le véritable agresseur, et non l’Arabe dont le seul geste aura été de sortir son couteau et de le “présenter” (on notera le terme dénué de toute connotation agressive) dans le soleil (qui en fait constitue le véritable danger).B) L’inéluctabilitéToute la scène est comme placée sous le signe du destin. Les événements semblent se dérouler d’eux-mêmes, poussés par une mystérieuse fatalité. Cette inéluctabilité se ressent1) dans les circonstances de la scèneC’était le même soleil que le jour où j’avais enterré maman : notation apparemment anodine que cette similitude des conditions météorologiques, mais le lecteur va vite comprendre que cette observation est en fait un présage : le soleil est un signe annonciateur de la mort, comme s’il appelait celle-ci par une sorte de mystérieuse prédestination. C’est toute la journée qui se trouve ainsi placée sous ce signe funeste, comme si elle était vouée à se terminer tragiquement.2) dans la logique implacable de l’enchaînement des événements, logique soulignée par le grand nombre de connecteurs - connecteurs logiques : l’action est réglée par des liens logiques qui en marquent la cohérence! - J’ai pensé que je n’avais qu’à faire demi-tour // MAIS toute une plage vibrante de soleil se pressait derrière ! moi! - A CAUSE de cette brûlure (...) j’ai fait un mouvement en avant! - Je savais que c’était stupide (...), MAIS j’ai fait un pas! Enfin la narration sort de l’accumulation infinie des petits détails détachés les uns des autres ! Enfin apparaît ! un lien entre les actions ! Enfin le lecteur sort de l’absence de sens née de la juxtaposition des actions sans ! cause et sans but ! Mais le lien qui apparaît ici est inquiétant, il ressemble plutôt à un engrenage, l’engrenage ! tragique, c’est-à-dire cette mécanique funeste à laquelle l’on ne peut échapper...- connecteurs temporels : l’action est rythmée par des jalons temporels qui en soulignent le déroulement. ! - COMME ALORS, le front surtout me faisait mal! - ET CETTE FOIS (...) l’Arabe a tiré son couteau! - AU MÊME INSTANT, la sueur amassée dans mes sourcils a coulé d’un coup! - C’EST ALORS QUE tout a vacilléLycée Ella Fitzgerald, Vienne Cours de Mme Barrow

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! - ET C’EST LÀ (...) QUE tout a commencé! - ALORS j’ai tiré encore quatre fois! Enfin la narration n’est plus noyée dans l’écoulement infini du temps ! Enfin elle sort de l’éternel présent, de cet ! enlisement qui ôtait tout élan, et même tout mouvement à l’action ! Enfin le présent redevient dramatique et ! porteur de sens ! Mais le sens qui apparaît ici est celui du tragique : l’enchaînement des actions est comme une ! marche inéluctable vers le malheur.Ainsi c’est à cause de la plage vibrante de soleil que Meursault ne fait pas demi-tour, à cause de la brûlure du soleil qu’il fait un pas en avant, à cause de ce pas en avant que l’Arabe tire son couteau, et à cause de l’éclat du soleil sur ce couteau que Meursault se sent attaqué, donc qu’il crispe sa main sur le revolver, donc que le coup part. Ainsi, c’est tout un ensemble de relations logiques et temporelles qui font avancer l’action vers le drame, inexorablement et sans que rien puisse rompre cette mécanique fatale.C) La lucidité1) la prise de conscienceA plusieurs reprises, des remarques du héros nous montrent qu’il a une conscience nouvelle, à la fois du fait- qu’il a connu le bonheur : une plage où j'avais été heureux

Pour la première fois, le personnage utilise ce grand mot de bonheur, lui si habitué à parler des petits gestes concrets de la vie de tous les jours. On notera qu’il fait là un bilan de son passé, ce qui implique une prise de distance à laquelle il ne nous avait guère habitués jusqu’à ce stade du roman (même si la prise de conscience de l’absurdité de la vie n’est pas encore réalisée).

- qu’il ne tient qu’à lui de faire ou ne pas faire les choses : J’ai pensé que je n’avais qu’un demi-tour à faire et ce serait fini // Je savais que c’était stupide

Pour la première fois, il pressent que ses actes sont suivis de conséquences, il commence à se figurer la responsabilité qui est la sienne lorsqu’il agit.

- enfin, que certains moments revêtent une importance particulière. C’est comme si tout-à-coup il remettait les pieds sur terre, comme s’il s’insérait à nouveau dans la logique du monde comme il va

- il y a des moments cruciaux : C’est alors que tout a vacillé // tout a commencé - il existe des points de non-retour : J’ai compris que j’avais détruit l’équilibre du jour // c’était comme quatre

coups brefs que je frappais à la porte du malheurLà encore, la lucidité s’élève jusqu’à une distanciation, un recul, nouveaux chez Meursault. Lui qui pensait que chaque instant en valait un autre, que tout était “égal”, voilà qu’il prend conscience qu’il y a des moments particuliers qui peuvent influer sur la suite des événements : il est sorti de ce temps indéfiniment présent où les actions se juxtaposaient sans s’influencer, il se rend compte que ce meurtre a induit un avant et un après, et que finalement il est passé du bonheur au malheur..2) Le sentiment d’impuissanceCe qu’il y a de particulièrement effrayant dans le tragique, c’est que le héros est conscient de l’engrenage dans lequel il se trouve pris, mais qu’il ne peut rien faire pour l’arrêter. Et c’est ce sentiment d’impuissance devant l’inéluctabilité d’un destin dont on est conscient mais auquel on ne peut échapper qui génère le sentiment du tragique.- Je savais (...) que je ne me débarrasserais pas du soleil en me déplaçant d’un pas. Mais j’ai fait un pas : le personnage

est mû par des réactions instinctives plus fortes que sa volonté. Il s’agit en fait, non pas d’une action, mais d’une réaction (au soleil). Ainsi Meursault n’agit pas, il est agi (cf supra la notion d’irresponsabilité), mais du fait de la lucidité qui est la sienne, un sentiment d’impuissance se fait jour (sans d’ailleurs qu’il y ait plainte ou dramatisation, simplement un constat calme des choses telles qu’elles sont).

- J’ai compris que j’avais détruit l’équilibre du jour : en “réponse” à cette prise de conscience, il va... tirer à nouveau (Alors, j’ai tiré encore quatre fois), peut-être de rage de s’être laissé piéger, d’avoir fait les mauvais choix lorsque tout était encore évitable ? Mais ce tir est le geste d’impuissance par excellence : quoi de plus vain, en effet, que de tirer sur la mort...

- un pas, un seul pas en avant : la répétition marque ici que Meursault est conscient de l’engrenage, de la facilité avec laquelle on se laisse piéger, et de la disproportion entre le geste et sa conséquence : effectivement, c’est un seul pas qui va décider du sort de deux hommes. Ici encore, le tragique se fait jour, à travers le fameux “petite cause, grande conséquence” des humains qui agissent sans se douter des répercussions parfois terribles de leurs actes, et bien sûr sans avoir la capacité de les contrer ou d’en annuler les conséquences.

V) Conclusion- Une scène à la coloration tragique, à la fois par l’inéluctabilité dans l’enchaînement des événements, par l’absence

réelle de responsabilité du protagoniste puisque ce sont les éléments naturels qui écrasent le personnage et par la nouvelle lucidité qui est la sienne, ce qui débouche sur le sentiment d’impuissance, sentiment proprement tragique.

- Une scène de basculement dans le roman, basculement souligné par la structure même de l’œuvre puisque cet épisode clôt le livre I, basculement qui marque chez le héros une capacité nouvelle de prendre conscience de l’importance des choses. Un moment charnière où intervient la mort, rappelant la mort de la mère en ouverture de roman, et anticipant sur la mort du “héros”, qui sera exécuté à la fin.

- On notera pourtant que Meursault demeure encore et toujours étranger au monde des hommes ; certes il est devenu capable de s’insérer dans le temps et de découvrir qu’il a été heureux, mais il n’éprouve aucun remords d’avoir commis un meurtre, seulement la sensation d’avoir causé une rupture dans un équilibre général. Il redoute d’avoir brisé une harmonie, mais ne culpabilise pas d’avoir tué un homme...

Lycée Ella Fitzgerald, Vienne Cours de Mme Barrow