14
Diplôme interuniversitaire de Pédagogie Médicale Université de Paris V, Paris VI, Paris XI et Paris XII Mémoire Stratégie de Validation d’une Nouvelle Technique d’Intubation Trachéale Année 2015-2016 Eric Levesque & Gilles Dhonneur APHP, G.H. Henri Mondor Service d’Anesthésie et des Réanimations Chirurgicales 94 000 Créteil, France

Stratégie de Validation d’une Nouvelle Technique d ... · Eric Levesque & Gilles Dhonneur APHP, G.H. Henri Mondor Service ’A é é 94 000 Créteil, France . Résumé ’ é éé

Embed Size (px)

Citation preview

Diplôme interuniversitaire de Pédagogie Médicale

Université de Paris V, Paris VI, Paris XI et Paris XII

Mémoire

Stratégie de Validation d’une Nouvelle Technique d’Intubation

Trachéale

Année 2015-2016

Eric Levesque & Gilles Dhonneur

APHP, G.H. Henri Mondor Service d’Anesthésie et des Réanimations Chirurgicales

94 000 Créteil, France

Résumé L’intubation orotrachéale est le plus souvent réalisée de nos jours sous laryngoscopie directe, l’opérateur réalisant l’IOT placé derrière la tête du patient allongé à plat dos. Depuis plus de 6 ans, un programme de développement de nouvelles techniques d’intubation en utilisant du nouveau matériel tel que la vidéolaryngoscopie, vidéoscope-lame ou vidéoscope-chenal mais aussi modifiant la position du patient et de l’opérateur en face-à-face (face to Face: F2F). Ce programme a pour objectif de rendre l’intubation plus simple pour l’opérateur, moins traumatisante pour l’anatomie du patient, et plus sure avec moins de complications sévères. Ce mémoire dépeint les différentes phases nécessaires au sein du laboratoire de gestion des voies aériennes supérieures (LGVAS), pour le développement d’une technique innovante par videolaryngoscopie-chenal en position demi-assise avec un opérateur en face-to-face avec le patient (VAq-F2F-½A) allant de la conceptualisation à la pédagogie. De plus, les différentes étapes de sa validation en clinique sont décrites.

1- INTRODUCTION

La majorité des intubations orotrachéales (IOT) est réalisée en 2016 sous

laryngoscopie directe avec le laryngoscope de Macintosh (LM). La manœuvre d’IOT décrite au milieu du 20ième siècle est bien standardisée. Elle est complexe. La courbe d’apprentissage de la manœuvre d’IOT est longue. La littérature démontre qu’il faut réaliser environ 100 manœuvres d’IOT pour acquérir un niveau de dextérité suffisant pour être autonome. La difficulté de la manœuvre d’IOT est responsable de la majorité des complications graves parfois mortelles directement imputables à l’anesthésie. En effet, l’IOT est réalisée chez un patient sous anesthésie générale qui ne respire plus et dont les poumons sont vulnérables en cas de régurgitation de liquide gastrique. La manœuvre d’IOT doit donc être de courte durée pour ne pas compromettre l’oxygénation artérielle. La durée médiane de la manœuvre d’IOT est d’environ 30 s au bloc opératoire. L’IOT peut être difficile chez certains patients du fait d’une anatomie anormale de la sphère ORL qui gêne l’accès à la glotte ou par manque d’expérience de l’opérateur. Des circonstances particulières rencontrées en médecine d’urgence et en réanimation comme par exemple la nécessite d’intuber un patient au sol ou incarcéré dans son véhicule ou alors en situation de détresse vitale dans un lit de réanimation ou d’hospitalisation standard, rendent l’IOT plus difficile. La durée de l’IOT s’allonge ce qui a pour conséquence de majorer le risque de complications vitales. La difficulté de la manœuvre d’’IOT est mesurable.

Depuis une quinzaine d’années, les vidéolaryngoscopes (VL) ont été proposés aux

cliniciens pour réduire l’incidence des situations ou la glotte n’est pas visible et donc faciliter l’IOT. Les progrès technologiques et la miniaturisation permettaient de placer le système de visualisation sur un support inséré en profondeur dans le pharynx à proximité immédiate du larynx. Les VL permettaient donc de visualiser dans une immense majorité des cas la fente glottique au prix d’une traction minime sur les structures mobiles de la face et du cou. Avec les VL, la difficulté de la manœuvre d’IOT n’était plus à la visualisation de la glotte, mais plutôt au placement de la sonde d’intubation dans la trachée. Deux catégories distinctes de VL ont été développées. La première, la plus ancienne ressemble structurellement et fonctionnellement au LM. Ces VL sont constitués d’un manche et d’une lame plus ou moins angulée en distalité (VL-lame). Le videolaryngoscope GlideScope™ fut le premier VL à être testé en clinique. Sous la lame, sur la gauche (position d’insertion dans la cavité buccale), se trouvent l’optique de visualisation et le système d’illumination. L’écran vidéographique est soit attaché au manche soit déporté à distance avec une connexion filaire. La seconde catégorie de VL est plus récente (2005). Il s’agit des VL à chenal (VL-chenal). Le Vidéo-Airtraq™ (VAq) fut le premier de cette catégorie à être utilisé en pratique clinique avec beaucoup de succès. L’IOT avec les VL-chenal est simple et la courbe d’apprentissage est plus courte que celle du LM. Le recours au LMB est peu fréquent avec les VL-chenal. Sa fréquence d’utilisation est proche de 5% des IOT.

Depuis 2010 certaines équipes ont commencé à utiliser les VL en première intention, d’abord pour les patients qui présentaient des critères prédictifs d’intubation difficile, puis pour tous les patients tout venants en alternative au LM. Les objectifs de cette stratégie étaient : 1- de réduire l’intensité des contraintes mécaniques appliquées aux voies aériennes supérieures et 2- de contrôler le passage de

la sonde d’intubation au travers de la glotte. Ainsi, en 2016, le LM est menacé, le marché des VL s’élargit, s’extirpant ainsi de la niche commerciale (intubation difficile ou possiblement difficile) dans laquelle il a réussi à s’introduire et se développer, pour s’installer sur un marché plus vaste qui est celui de l’IOT du patient standard.

2- RATIONNEL DE LA RECHERCHE

Suite aux travaux cliniques dans le domaine de la gestion des voies aériennes anesthésie et des publications qu’ils ont générés, mais aussi de l’expérience clinique importante avec VAq utilisé de manière conventionnelle (VAq-Conv), c’est-à-dire avec l’opérateur réalisant l’IOT placé derrière la tête du patient allongé à plat dos, nous avons été la première équipe médicale à nous intéresser à la possibilité offerte, par un VL-chenal VAq, de changer radicalement la technique d’IOT, afin de la rendre :

- plus simple pour l’opérateur, - moins traumatisante pour l’anatomie du patient, - et plus sure avec moins de complications sévères.

Ainsi, nous avons imaginé que la technique d’IOT du futur devrait ainsi posséder les 10 caractéristiques suivantes:

1- Avoir une courbe d’apprentissage courte sur mannequin 2- Permette que l’apprentissage sur mannequin confère rapidement de

l’expérience clinique 3- Réalise une manœuvre simple nécessitant le moins de dextérité possible,

réalisable avec une seule main, la main dominante. 4- Permette la visualisation de la glotte, à tous les coups 5- Réalisable pour des contraintes mécaniques modestes sur l’anatomie 6- Applicable en toutes situations et positions du patient 7- Raccourcisse le délai de sécurisation des voies aériennes par rapport au LM 8- Favorise l’oxygénation des patients pendant l’apnée 9- Réduise le risque d’inhalation du contenu gastrique 10- Permette d’envisager la robotisation du geste

Nous décidions alors en 2010 d’engager un programme de recherche ambitieux réalisé dans le LGVAS et dans le Service d’Anesthésie et des Réanimations Chirurgicales de notre CHU pour démontrer que le nouvelle technique d’intubation pouvait être VAq-F2F-½A : l’IOT avec VAq, l’opérateur étant face-à-face (face to Face: F2F) avec le patient en position ½ assise (½A). L’objectif de ce mémoire est de décrire les différentes étapes de la stratégie de validation de cette nouvelle technique d’intubation.

3- METHODES

Notre planification de cette recherche prévoyait de former dans un premier temps sur mannequin et en simulation d’intubation difficile des praticiens expérimentés puis des opérateurs novices, et dans un second temps de conduire des études cliniques, réalisées par des opérateurs expérimentés sur des patients standards, comparant VAq-Conv et VAq-F2F-½A. Les troisièmes et quatrièmes phases de notre recherche consistaient à évaluer l’impact clinique de la formation des novices sur mannequin pour ensuite passer à la phase de démonstration clinique de la supériorité de VAq-F2F-½A sur VAq-Conv et LM lors de l’intubation trachéale en urgence (SMUR, Service des Urgences, Réanimation) et dans certaines catégories de patients comme les patients obèses chez qui le « temps » compte. Sur la base de ce cahier des charges nous avons travaillé dans le laboratoire de gestion des voies aériennes supérieures (LGVAS) avec des médecins anesthésistes réanimateurs et urgentistes experts dans le domaine de la gestion des voies aériennes (n=30), avec des internes des spécialités Anesthésie, Réanimation et Urgence (n=40), et enfin avec des étudiants novices et naïfs (n=30) pour développer une nouvelle technique d’IOT innovante.

a) Conceptualisation

En amont de cette recherche appliquée nous avons décidé de travailler sur une modélisation en réalité virtuelle de VAq-F2F-½A avec pour objectif de développer la robotisation de l’IOT. Il nous est apparu important d’analyser en détail la manœuvre d’intubation VAq-F2F-½A et de définir le processus éducatif le plus adapté à cette nouvelle technique d’IOT qui serait réalisée par des spécialistes reconnus éduqués à gérer l’intubation trachéale avec le LM, mais aussi par des opérateurs novices, naïfs aux techniques de gestion des voies aériennes. Avec pour objectif de simplifier l’apprentissage de d’intubation VAq-F2F-½A nous avons « conceptualisé » la manœuvre sous la forme d’une action simple dynamique douce, courbe et continue associant : pénétration, glissement, enroulement et traction. La base de la langue du patient/mannequin étant par sa position et sa forme le centre de gravité de l’action. Cette action dynamique qui devait être facilement reproductible par l’instructeur et facile à mentaliser par les opérateurs mimait l’action d’une main en pronation s’enfonçant dans du sable meuble pour en extraire une poignée. Pour simuler la manœuvre d’intubation associée à VAq-F2F-½A, l’opérateur devait imaginer qu’il était face à la paroi verticale de sable meuble qu’il creusait.

Nous avons imaginé comment ce concept pouvait être le fil conducteur du processus éducatif de l’intubation VAq-F2F-½A sur mannequin et simulateur permettant à des opérateurs novices d’être rapidement autonome en clinique humaine. De manière intéressante, la main en pronation qui pénètre dans le sable meuble présente une forme semblable à celle de VAq. Le mouvement que décrit la main en pronation qui pénètre et creuse le sable meuble est superposable à celui de VAd, particulièrement celui de son extrémité distale lorsqu’elle s’enroule autour de la langue. Enfin, l’extraction de la poignée de sable avec la main creuse mime le mouvement de traction du laryngoscope sur la langue pour dégager la glotte.

Les médecins instructeurs de notre LGVAS ont tous adhéré à cette conceptualisation de la manœuvre d’intubation VAq-F2F-½A et accepté de l’enseigner à partir de la gestuelle « de la main en pronation qui creuse » réalisée auprès du mannequin ou du patient placé en position ½ assise. Un peu comme les athlètes qui répètent mentalement et gestuellement un exercice qu’ils vont réaliser dans l’espace, les opérateurs en phase d’apprentissage devaient simuler devant l’instructeur le concept « de la main en pronation qui creuse », avant chaque tentative chronométrée d’intubation VAq-F2F-½A, attestant ainsi qu’il avait parfaitement mentalisé la manœuvre. Cette routine gestuelle virtuelle devait être systématiquement précédée d’une petite manœuvre classique d’ouverture de la bouche. Nous avons réalisé un petit film éducatif illustratif de la manœuvre à réaliser dans l’espace et mentalement.

b) Pédagogie

Pour réaliser notre recherche dans le LGVAS et en clinique humaine nous avons arbitrairement découpé la manœuvre d’IOT en 2 moments dynamiques distincts dont les durées étaient chronométrées. Le premier moment (M1), le plus complexe réalisé dans les 3 dimensions de l’espace, consistait, après ouverture de la bouche, à insérer l’outil d’intubation dans la cavité buccale et le faire cheminer de manière médiane vers le pharynx jusqu’à l’obtention d’une visualisation de l’épiglotte laissant présager que l’accès trachéal était possible. M1 correspondait pour notre conceptualisation dynamique à l’ensemble du mouvement réalisé par « la main en pronation qui creuse ». Le second moment (M2), simple réalisé dans un seul plan par la main non dominante (droitier), débutait dès la mobilisation ciblée de la sonde d’intubation trachéale dans son chenal, vers la glotte et dans la trachée où le ballonnet était gonflé. La durée totale de l’intubation représentait la somme de M1 et M2.

D’un point de vue pédagogique, l’enseignement des techniques d’IOT avec VAq dans le LGVAS était standardisé selon 4 étapes. La première consistait à réaliser un enseignement théoriquement avec un support informatique et des présentations vidéographiques précisant en détail les techniques validées et la littérature associée. Les opérateurs étaient éduqués à estimer de manière fiable les grades de Cormack et Lehane ainsi que le pourcentage d’orifice glottique observable (POGO) selon un processus didactique utilisant des photographies type de la glotte réalisée sur mannequin et patients avec un VL. Dès lors que leur performance à mesurer les grades et score de laryngoscopie étaient validée (tests sur images types), les opérateurs étaient invités à poursuivre le processus éducatif. Lors de la seconde étape, un des instructeurs attaché au LGVAS présentait le concept et réalisait des démonstrations dynamiques et amples du mouvement en utilisant sa propre main dominante pour mimer la gestuelle de la « main en pronation qui creuse ». Un simulateur en plexiglass transparent rempli de sable permettait de visualiser le concept dynamique. La troisième étape mettais en perspective les mouvements réalisés par la « main en pronation qui creuse » de l’instructeur au contact des mannequins positionnés en décubitus dorsal ou en proclive à ½ assis, permettant ainsi de fixer l’amplitude des manœuvres à réaliser. Les opérateurs placés à proximité immédiate des mannequins étaient amenés à réaliser plusieurs fois la gestuelle présentée par l’instructeur. Lors de la quatrième étape, l’instructeur manipulait VAq avec lequel il montrait le trajet de l’extrémité de la lame de VAq sur un mannequin dédié (coupe anatomique sagittale). Lors de cette étape, un focus sur la manière de manipuler les outils de gestion des voies aériennes et plus particulièrement sur le choix de la main (dominante ou non), sur la position des doigts

de la main au contact de l’outil d’intubation (VAq ou un autre) et du mannequin, était réalisé.

c) Paramètres étudiés

Une fois les notions de maniement des outils de gestion de voies aériennes

intégrées et les gestes mentalisés, les opérateurs étaient alors invités à se familiariser avec le matériel en le manipulant. Ils apprenaient à armer VAq correctement avec sa sonde d’intubation et simulaient l’extraction de cette dernière de son chenal. Dès que les opérateurs se sentaient à l’aise avec les outils d’intubation, les instructeurs leur fournissaient un carnet individuel de performance permettant le suivi de leur progression lors de l’apprentissage des techniques d’intubation sur mannequin et sur les malades. Les principaux paramètres renseignés après chaque geste étaient la durée de réalisation des IOT, les échecs et leur cause principale, l’estimation du POGO et une évaluation subjective de la difficulté du geste. Ce carnet individuel de performance était signé par les instructeurs du LGVAS lors des séances d’entrainement sur les 6 mannequins du laboratoire. Le début de M2 était identifié par la première avancée de la sonde d’intubation. Dès lors que la durée de l’intubation était constante (variabilité de la durée < 10% sur trois tentatives), la courbe d’apprentissage était considérée comme finalisée. Les opérateurs étaient alors invités à passer sur le mannequin permettant de simuler une intubation difficile.

Nous avions, préalablement à cette recherche, validé un model particulier du mannequin AirMan® simulant une difficulté très réaliste d’intubation difficile avec le LM. Nous avons décidé d’appliquer ce model (associé à des réglages particulier) permettant de générer des conditions d’intubation très reproductible pour simuler l’intubation difficile avec LM et VAq. Les opérateurs formés sur le mannequin d’entrainement étaient alors invité à passer sur le simulateur d’intubation difficile. Les intervenants réalisaient des tentatives d’intubation difficiles chronométrées successives. Une durée d’intubation trachéale supérieure à 2 min était considérée arbitrairement comme un échec de la technique.

Après chaque geste les opérateurs devaient évaluer de manière subjective la difficulté du geste selon une échelle visuelle analogue (EVA de 0 aucune difficulté à 100 impossibilité totale de réalisation). Les outils d’intubation (LM, VAq ou autre VL) et les positions du mannequin (conventionnelle à plat dos ou demi-assise) étaient combinées de manière aléatoire selon un programme individuel prédéfini par des listes de randomisation (biostat.med.univ-tours.fr).

Pour les études cliniques la qualité de l’anesthésie était standardisée. Les tentatives d’intubation étaient réalisées chez des patients profondément curarisés. Une vidéothèque comprenant tous les films des intubations était constituée. Les caractéristiques standards de l’IOT étaient enregistrées, mesurées ou calculées. La durée d’intubation définie comme le temps séparant le franchissement des arcades dentaires par l’extrémité distale de l’outil d’intubation et le gonflement trachéal du ballonnet, était calculé à partir des images vidéographiques enregistrées. La qualité de la manipulation (maintien, position des doigts) de l’outil d’intubation évaluée aussi sur les films était comparée à la recommandation fournie par les instructeurs lors du processus pédagogique sur mannequin, selon un barème simplifié de 0 (absence total de respect) à 100 (parfaitement respecté). Après le geste il était demandé aux cliniciens ou aux opérateurs d’estimer la difficulté du geste selon une EVS (0-100). La survenue de

complications liées à l’IOT comme un traumatisme des voies aériennes, une intubation œsophagienne, un épisode d’hypoxémie profonde, un vomissement ou une inhalation pulmonaire, était recherchée. Les détails permettant de calculer secondairement le score d’intubation difficile (IDS) étaient saisis de manière prospective. Quand les études étaient comparatives (type de patients simples ou complexes, différents outil d’intubation, différente qualité d’opérateur : novice ou expérimenté), une randomisation permettait l’allocation dans les groupes.

4- RESULTATS

a) Première étape du programme de développement d’une technique d’intubation innovante

Lors de cette première étape de notre programme nous avons décidé de former dans le LGVAS des médecins anesthésistes et réanimateur chevronnées à la pratique de VAq-F2F-½A sur mannequin d’intubation standard (AirwayTrainer®) puis sur mannequin d’intubation difficile (AirMan®) selon le modèle prédéfinit préalablement. Nous avons ainsi décrit la courbe d’apprentissage de VAq-F2F-½A pour des opérateurs expérimentés très familiers avec les techniques d’intubation trachéale. Nous avons aussi comparé en simulation la performance de VAq-F2F-½A avec les techniques classiques recommandées en situation difficiles.

Nous démontrons : 1- que la courbe d’apprentissage de VAq-F2F-½A est courte, voire très courte (< 5 tentatives sur mannequin d’entrainement et < 10 tentatives en situation d’intubation difficile) pour des médecins expérimentés, 2 - les médecins mis en simulation d’intubation difficile réussissent à intuber la trachée très vite, beaucoup plus rapidement (temps médian = 10 s) avec VAq-F2F-½A qu’avec toutes les autres techniques et outils d’intubation, y compris d’autres VL-lame.

Nous démontrons aussi que la performance de VAq-F2F-½A était d’autant plus importante que le clinicien est placé en situation difficile (1).

b) Seconde étape du programme de développement d’une technique d’intubation innovante

La logique de notre programme de recherche dans le LGVAS était de comparer, en clinique humaine, VAq-Conv à VAq-F2F-½A sur des patients ne présentant aucun critère de gestion des voies aériennes difficiles. Alors que les premiers essais cliniques de la technique VAq-F2F-½A étaient en cours, nous avons comparé les caractéristiques de l’intubation trachéale réalisée par des opérateurs expérimentés avec VAq-Conv ou VAq-F2F-½A chez des patients ne présentant pas, à l’examen clinique, de facteurs prédictifs de gestion difficile des voies aériennes. Ce travail qui doit comporter un très vaste collectif de 300 patients randomisés en deux groupes est en cours. Un peu plus de 200 patients ont déjà été inclus.

c) Troisième étape du programme de développement d’une technique d’intubation

innovante

Néanmoins, certains des experts ont décidés, tant ils avaient été impressionnés par

l’épreuve de simulation, d’appliquer d’emblée VAq-F2F-½A pour les malades les plus complexes et les plus fragiles. Ces essais cliniques avec VAq-F2F-½A appliquée à des malades sélectionnés pour leur difficulté (avérée ou anticipée) de gestion des voies aériennes ou pour leur fragilité particulière, nous ont permis d’obtenir des résultats spectaculaires à la fois sur le succès de la réalisation du geste (aucun échec), sur la brièveté de la manœuvre, mais aussi sur la sécurité des patients, notamment pour les risques d’inhalation pulmonaire et d’hypoxémie. Les experts, instructeurs dans le LGVAS, ont appliqués VAq-F2F-½A au bloc opératoire et en réanimation, dans des situations d’IOT urgente reconnues pour leur difficulté augmentée, et un risque majoré de complications vitales pour le patient (2-3).

d) Quatrième étape du programme de développement d’une technique d’intubation innovante

Nous avons initié l’étude du programme d’apprentissage de VAq-Conv et VAq-F2F-½A réalisées par des opérateurs strictement novices (interne de spécialité dans leur premier semestre d’internat), non entrainé à l’utilisation du laryngoscope et qui sont formés sur mannequin d’entrainement et d’intubation difficile.

Nous avons d’ores et déjà observé que la courbe d’apprentissage de VAq-F2F-½A pour ces opérateurs novices était vraiment courte sur mannequin d’entrainement (12 tentatives pour arriver à un plateau de la durée d’intubation égale à 21 s) peu différente de celle de VAq-Conv (11 tentatives pour une durée médiane de la durée d’intubation égale à 18 s) et plus courte que celle de laryngoscope (17 tentatives pour une durée d’IOT médiane de 21 secondes). Ces novices formés sur mannequin et simulateur ont été invités à réaliser en clinique des intubations trachéale avec les deux techniques dès lors que leur apprentissage sur mannequin semblait aboutit (stabilité de la durée d’intubation et absence d’échec sur le mannequin et en simulation). Dix novices ont donc réalisés chacun 3 intubations trachéales avec chacune des techniques (VAq-Conv, VAq-F2F-½A et laryngoscope) chez des patients ne présentant pas, à l’examen clinique, de facteurs prédictifs de gestion difficile des voies aériennes. Ce travail qui s’achève démontre que l’expérience acquise par des novices sur mannequin et lors des ateliers de simulation d’intubation difficile en utilisant se traduit par une performance clinique indiscutable. Après entrainement dans le LGVAS, les novices sont capables d’intuber avec une durée médiane du geste égale à 33, 23 et 58 secondes selon qu’ils utilisent VAq-Conv, VAq-F2F-½A ou LM, respectivement. Nous démontrons par cette étude que le travail d’apprentissage réalisé dans le LGVAS par des opérateurs strictement novices à VAq selon le processus pédagogique que nous avons mis au point, favorise la performance clinique au bloc opératoire chez des patients simples alors que l’enseignement classique du laryngoscope sur mannequin utilisant les mêmes objectifs se traduit par près de 50% d’échec en pratique clinique.

e) Cinquième étape du programme de développement d’une technique d’intubation innovante

Nous avons décidé d’évaluer l’impact de VAq-F2F-½A en chirurgie bariatrique. Les patients obèses sont réputés difficiles à intuber. C’est probablement vrai en médecine d’urgence ou en réanimation mais pas en chirurgie bariatrique où les études démontrent qu’ils ne sont pas beaucoup plus difficiles à intuber que le reste de la population. En fait en chirurgie bariatrique, 80 % des interventions concernent des femmes jeunes qui sont effectivement pas plus difficile à intuber que les femmes du même âge, mais avec un poids normal. Par contre en chirurgie métabolique, quand il s’agit d’hommes obèses morbides de plus de 50 ans souffrant d’un syndrome d’apnée du sommeil, l’intubation est plus difficile, parfois plus longue et les complications systémiques à titre de désaturations artérielles sont plus fréquentes et dangereuses. Nous avons mené deux études cliniques comparatives sur ce type de patients à risque de gestion difficile des voies aériennes. Nous avons comparé deux concepts de gestion des voies aériennes (Bundle of Airway Management Care) lors de l’induction anesthésique. Le premier comparait la technique d’intubation avec LM recommandée en chirurgie bariatrique, les patients étant placés dans une position particulière sur la table d’opération en « ramped position » comme recommandé par les sociétés savantes, avec le concept VAq-F2F-½A. Nos résultats sont sans appels. Ils démontrent que VAq-F2F-½A permet d’intuber plus rapidement que LM avec moins de pic de désaturation artérielle. Pour le second travail les patients des deux groupes de males obèses étaient intubés avec VAq selon VAq-Conv ou VAq-F2F-½A. Sur un collectif de 150 patients nous démontrons que l’oxygénation lors de la gestion des VAS est de meilleure qualité avec VAq-F2F-½A malgré une durée moyenne d’IOT semblable dans les deux groupes (23 versus 26 s).

5- SYNTHESE DE LA RECHERCHE

Les travaux dans le LGVAS sur mannequin d’entrainement et en simulation d’intubation difficile selon une méthodologie pédagogique particulière adossée à une conception et une modélisation de la gestuelle démontrent que l’apprentissage de VAq-F2F-½A est très court chez des médecins expérimentés dans la gestion des voies aériennes difficiles. Les novices apprennent plus rapidement à intuber sur mannequin avec VAq qu’avec LM et ce indépendamment de la technique proposée : VAq-Conv ou VAq-F2F-½A.

VAq est l’outil d’intubation trachéale le plus performant actuellement disponible pour réaliser la technique F2F-½A. VAq-F2F-½A maitrisée par des experts semble avoir toutes les caractéristiques d’une technique d’intubation innovante.

Les résultats de nos derniers travaux cliniques non encore publiés confortent notre méthode pédagogique obtenus dans le LGVAS.

Les études cliniques réalisées au bloc opératoire et en réanimation chez des patients classés à haut risque confirment le succès VAq-F2F-½A en cas d‘intubation difficile anticipée et après échec du LM.

Nous avons d’ores et déjà démontré la supériorité de VAq-F2F-½A sur les techniques d’IOT utilisant LM. Nous pensons que la position demi-assise (45 à 60°) offre de nombreux avantages liés à la pesanteur. En effet, la gravité joue en faveur du patient qui doit être intubé car la position ½A car elle: 1- augmente la réserve en oxygène intra-thoracique et autorise donc des apnées sans désaturation artérielle plus longues qu’en décubitus dorsal, 2- réduit le risque d’inhalation en s’opposant à la remontée du liquide digestif vers le pharynx, 3- permet le maintien de la masse de la langue dans la cavité orale et réduit donc les contraintes mécaniques de traction nécessaires à la réalisation

de l’IOT, 4- facilite une clairance des sécrétions pharyngées qui se retrouvent dans l’hypo-pharynx.

Nous pensons qu’une vaste étude de cohorte réalisée chez des patients tous venants qui nécessitent une IOT urgente permettra de confirmer la supériorité de VAq-F2F-½A sur la technique recommandée actuellement réalisée avec laryngoscope.

6- CONCLUSION Le développement d’une nouvelle technique nécessite de nombreuses étapes de la conceptualisation de la méthode en passant par la pédagogie à la validation de cette méthode. Nous décrivons au travers ce mémoire les différentes étapes du programme de développement d’une nouvelle technique d’intubation innovante le VAq-F2F-½A.

(1) Amathieu R, Sudrial J, Abdi W, Luis D, Haouache H, Combes X, Dhonneur G. Simulating face-to-face tracheal intubation of a trapped patient: a randomized comparison of the LMA Fastrach&trade, the GlideScope&trade, and the Airtraq&trade; laryngoscope. Br J Anaesth 2012 Jan;108(1):140-5.

(2) Dhonneur G, Zraier S, Sebbah JL, Haouache H. Urgent face-to-face tracheal re-

intubation using Video-Airtraq™ in ICU patients placed in the sitting position. Intensive Care Med 2014 Apr;40(4):625-6.

(3) Zraier S, Bloc S, Chemit M, Amathieu R, Dhonneur G. Intubation in the operating

theatre using the Video-Airtraq laryngoscope in difficult circumstances by a face-to-face tracheal intubation technique. Br J Anaesth 2014 Jun;112(6):1118-9.

Annexes Manœuvre IOT Schématiquement, la manœuvre d’IOT consiste à se placer derrière la tête du patient, allongé à plat dos à hauteur de l’ombilic de l’opérateur, d’introduire dans sa bouche la lame du LM, de réaliser une traction sur les structures mobiles de la cavité buccal et du cou pour tenter de voire le larynx et l’entrée de la trachée (matérialisée par les cordes vocales qui délimitent la glotte), afin d’y introduire la sonde d’intubation trachéale. La manœuvre d’IOT nécessite la dextérité des deux mains. Tout d’abord, la main gauche qui dirige progressivement l’extrémité de la lame dans la cavité buccale en exerçant une traction plus ou moins intense (laryngoscopie) sur les structures mobiles de la face et du cou. Puis, la main droite pilote délicatement l’extrémité distale de la sonde d’intubation dans la cavité buccale et le pharynx, à travers le larynx et la glotte dans la trachée. La qualité de la vision du larynx lors de la traction exercée sur la lame du LM permet estimer la difficulté d’IOT. Quand l’orifice glottique (entrée de la trachée) est visible sur toute sa hauteur, le pourcentage d’orifice glottique observable (POGO) est égal à 100%, l’IOT est simple. Quand le POGO baisse malgré l’intensité de la traction, l’IOT devient plus difficile. Quand la glotte et à fortiori le larynx ne sont pas visibles (POGO=0%), l’IOT est quasi impossible avec le LM. Technique d’IOT par VL-Lame L’utilisation des VL-lame est assez proche de celle du LM, elle nécessite la dextérité des 2 mains de l’opérateur. Le maniement du manche permettant la progression de la lame dans le pharynx est superposable à celle du LM. L’exposition de la glotte utilise les mêmes manipulations du manche qu’avec le LM. La manipulation de la sonde d’intubation nécessite le plus souvent de préformer cette dernière avec un mandrin malléable pour lui donner une forme de J et lui permettre d’accéder à la trachée en réduisant la traction sur les structures pharyngo-laryngées. Le long mandrin béquillé (LMB) recourbé sur ces derniers centimètres est parfois utile pour cathétériser la glotte quand une lame de type Macintosh est utilisée sur un VL-lame. Technique d’IOT par VL-Chenal La forme des VL-chenal est superposable à celle de l’anatomie des cavités orales et pharyngées. Le VL-chenal représente une sorte de fourreau creux, peu épais (10 à 20 mm), de forme anatomique qui est inséré dans la cavité buccale et dans le pharynx. La partie supérieure du fourreau, plane et longue, fait office de lame, elle glisse sur la langue vers le pharynx puis le larynx. Le fourreau creux des VL-chenal embarque sur la gauche (position d’insertion dans la cavité buccale) le système d’illumination et de visualisation et sur la droite le chenal d’armement de la sonde d’intubation trachéale. La partie proximale les VL-Lame est constituée de l’écran vidéo et de l’électronique permettant le transfert de l’image. La technique d’utilisation des VL-chenal est différente de celle des VL-lame. De manière simpliste, elle ne nécessite la dextérité que d’une seule main. Une fois la sonde d’intubation armée dans son chenal, le fourreau est glissé dans les voies aériennes supérieures par la main dominante, enroulé autour de la langue, sans contraindre l’anatomie pour se placer devant le larynx et démasquer la glotte. Une fois cette dernière centrée dans la vue, la sonde d’intubation est poussée dans son chenal par la main non-dominante, sous contrôle de la vue, dans la trachée

Intubation en position ½ assise La physiopathologie de l’anesthésie démontre que la réserve en oxygène intra-pulmonaire est étroitement liée à la position du patient. En décubitus dorsal strict, la réserve en oxygène intra-pulmonaire est plus faible qu’en position proclive. Nous avons décidé de placer les patients en position demi assise avec un angle par rapport au plan horizontal compris entre 45 et 60°. Dans cette position particulière, nous améliorions à la fois la réserve en oxygène et diminuions le risque qu’une régurgitation atteigne le pharynx et affecte le poumon.