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www.strategie.gouv.fr Depuis leur découverte et leur utilisation lors de la Seconde Guerre mondiale, les antibiotiques ont per- mis de faire considérablement reculer la mortalité par maladie infectieuse au cours du XX e siècle. Cependant, l’utilisation massive – et bien souvent irraisonnée – de ces “médicaments miracles”, chez l’homme comme chez l’animal, a conduit à l’appari- tion accélérée de bactéries résistantes aux antibio- tiques. Combinée à la raréfaction des nouveaux antibiotiques mis sur le marché ces dernières années, cette augmentation des résistances bacté- riennes à l’échelle mondiale représente une menace majeure pour la santé publique. L’appari- tion récente de bactéries multi-résistantes (BMR) insensibles à la plupart, voire à tous les antibio- tiques disponibles, fait craindre un retour à l’ère pré-antibiotiques. D’ores et déjà apparaissent des cas d’impasses thérapeutiques, infections intraita- bles conduisant à l’amputation, voire au décès du patient. Le coût humain et économique des infections à BMR ne cesse de croître. La France, qui reste l’un des plus gros consommateurs d’antibiotiques en Europe en médecines humaine et vétérinaire, mène depuis les années 2000 des actions pour préserver l’efficacité des antibiotiques qui ont permis quelques progrès, mais beaucoup reste à faire. La situation sani- taire actuelle appelle au renforcement des mesures visant à diminuer la consommation d’antibiotiques – notamment des molécules de dernier recours – chez l’homme comme chez l’animal, et à développer de nouvelles stratégies anti-infectieuses.g Les bactéries résistantes aux antibiotiques LA NOTe D’ANALySe Novembre 2012 n o 299 Développement durable Promouvoir la coordination par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) d’un réseau mondial de surveillance et d’alerte des bactéries multi-résistantes. Rationaliser les prescriptions d’antibiotiques chez l’homme : • en envoyant chaque année à tous les médecins leur profil de prescription d’antibiotiques ; • en soutenant la création de centres interrégionaux de conseil en antibiothérapie et en renforçant le rôle du médecin antibioréférent à l’hôpital ; • en encourageant la recherche de nouveaux tests rapides d’orientation diagnostique. Réduire drastiquement la consommation d’antibiotiques critiques pour l’homme chez l’animal, soit par des engagements volontaires de l’ensemble des filières, soit par des interdictions réglementaires. Développer notre arsenal thérapeutique : • en renforçant les aides publiques à la recherche sur le long terme de nouveaux antibactériens et de moyens de prévention des infections ; • en clarifiant le statut réglementaire de la phagothérapie et en mettant en place un programme de recherche afin d’évaluer son potentiel thérapeutique. 1 2 3 4 Centre d’analyse stratégique PROPOSITIONS Questions sociales

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www.strategie.gouv.fr

Depuis leur découverte et leur utilisation lors de laSeconde Guerre mondiale, les antibiotiques ont per-mis de faire considérablement reculer la mortalitépar maladie infectieuse au cours du XXe siècle.Cependant, l’utilisation massive – et bien souventirraisonnée – de ces “médicaments miracles”, chezl’homme comme chez l’animal, a conduit à l’appari-tion accélérée de bactéries résistantes aux antibio-tiques. Combinée à la raréfaction des nouveauxantibiotiques mis sur le marché ces dernièresannées, cette augmentation des résistances bacté-riennes à l’échelle mondiale représente unemenace majeure pour la santé publique. L’appari-tion récente de bactéries multi-résistantes (BMR)insensibles à la plupart, voire à tous les antibio-tiques disponibles, fait craindre un retour à l’ère

pré-antibiotiques. D’ores et déjà apparaissent descas d’impasses thérapeutiques, infections intraita-bles conduisant à l’amputation, voire au décès dupatient. Le coût humain et économique des infectionsà BMR ne cesse de croître. La France, qui reste l’undes plus gros consommateurs d’antibiotiques enEurope en médecines humaine et vétérinaire, mènedepuis les années 2000 des actions pour préserverl’efficacité des antibiotiques qui ont permis quelquesprogrès, mais beaucoup reste à faire. La situation sani-taire actuelle appelle au renforcement des mesuresvisant à diminuer la consommation d’antibiotiques –notamment des molécules de dernier recours – chezl’homme comme chez l’animal, et à développer denouvelles stratégies anti-infectieuses.g

Les bactéries résistantes aux antibiotiques

LA NOTeD’ANALySe

Novembre 2012no 299

Développement durable

Promouvoir la coordination par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) d’un réseaumondial de surveillance et d’alerte des bactéries multi-résistantes.

Rationaliser les prescriptions d’antibiotiques chez l’homme : • en envoyant chaque année à tous les médecins leur profil de prescription

d’antibiotiques ;• en soutenant la création de centres interrégionaux de conseil en antibiothérapie et

en renforçant le rôle du médecin antibioréférent à l’hôpital ;• en encourageant la recherche de nouveaux tests rapides d’orientation diagnostique.

Réduire drastiquement la consommation d’antibiotiques critiques pour l’homme chezl’animal, soit par des engagements volontaires de l’ensemble des filières, soit par desinterdictions réglementaires.

Développer notre arsenal thérapeutique :• en renforçant les aides publiques à la recherche sur le long terme de nouveaux

antibactériens et de moyens de prévention des infections ;• en clarifiant le statut réglementaire de la phagothérapie et en mettant en place un

programme de recherche afin d’évaluer son potentiel thérapeutique.

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Centred’analysestratégique

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Questions sociales

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Les bactéries résistantes auxantibiotiques, un enjeu majeurDe santé publiQue en France etDans le monDe

comment s’expliquent l’émergence et lapropagation des résistances bactériennes ?

L’augmentation des résistances bactériennes est étroite-ment corrélée à l’usage des antibiotiques(1) (encadré 1).

Leur mauvaise utilisation telle qu’un traitement maladapté, arrêté trop tôt, ou trop peu dosé, va tuer essen-tiellement les bactéries les plus sensibles, et favoriser

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Centre d’analyse stratégique

(1) Goosens H. et al. (2005), “Outpatient antibiotic use in Europe and association with resistance: a cross national database study”, Lancet.

(2) http://www.invs.sante.fr/surveillance/resistance/problematique.htm.(3) Un gène de résistance va par exemple permettre la fabrication d’une protéine capable de dégrader l’antibiotique.(4) Infection contractée dans un établissement de santé.

L’antibiothérapie est l’un des plus grands succèsmédicaux du siècle passé. À la suite de ladécouverte de la pénicilline par AlexanderFleming en 1928 et de son utilisation à partir de la Seconde Guerre mondiale, de nombreusesfamilles d’antibiotiques ont été découvertes,permettant de faire considérablement reculer la mortalité par maladie infectieuse au cours du XXe siècle. Combinés à certains vaccinsantibactériens, les antibiotiques se sont révélésefficaces pour lutter contre les grandesmaladies épidémiques : tuberculose, lèpre,peste, etc.

Ces progrès majeurs sont aujourd’hui menacéspar l’inquiétante augmentation de la résistancedes bactéries aux antibiotiques – liéenotamment à leur surconsommation chezl’homme et l’animal – et la raréfaction desnouvelles molécules mises sur le marché.

L’Organisation mondiale de la santé a ainsi dédiéen 2011 la journée mondiale de la santé à larésistance aux antibiotiques, avec pour titre “pasd’action aujourd’hui, pas de traitement demain”.

Ces dernières années, des progrès ont étéréalisés dans de nombreux pays du fait d’uneprise de conscience de cette menace pour lasanté publique à l’échelle mondiale, mais ilsrestent encore insuffisants, notamment entermes de surveillance, de maîtrise desinfections et de la consommation chez l’hommeet l’animal et de développement de l’arsenalthérapeutique.

LeS

eNje

ux la sélection des plus résistantes. Mais le facteur clé favo-

risant le développement des résistances est la surcon-sommation d’antibiotiques, chez l’homme comme chezl’animal. Dans les pays en développement, la contrefaçonde médicaments sous-dosés et la vente libre d’antibio-tiques contribuent aussi au renforcement des résistances.

Les maladies infectieuses peuvent être causées par desbactéries, mais également des virus, des champignons ou des parasites. Les antibiotiques sont des moléculeschimiques, d’origine naturelle ou synthétique, qui tuentspécifiquement les bactéries, ce qui les rend par défini-tion inefficaces en cas d’infection d’origine non bacté-rienne. Pour autant, on estime que dans 40 % des cas àl’hôpital et dans 60 % des cas en ville, des antibiotiquessont inutilement prescrits contre des virus(2) (en cas d’an-gine par exemple), contribuant à leur surconsommation.

encadré 1

Les résistances bactériennes, quelques notionsde base Les bactéries sont des organismes vivants unicellulaires,d’une taille de l’ordre du micron. Elles sont omniprésentesdans notre environnement, et nous hébergeons nous-mêmes (à la surface de notre peau, de nos muqueuses etde notre intestin) dix fois plus de bactéries que de celluleshumaines nous constituant. Ces bactéries naturellementprésentes dans l’organisme, appelées “florescommensales”, ne provoquent pas de maladie dans descirconstances normales et constituent même une barrièrenaturelle contre les bactéries pathogènes (i.e. causant desmaladies). Les bactéries ont des capacitésparticulièrement importantes à s’adapter à leurenvironnement et dans la nature, certaines possèdent desmécanismes de résistance “naturelle” aux antibiotiques.

Cependant l’utilisation massive des antibiotiques chezl’homme et chez l’animal depuis soixante ans a créé unepression de sélection qui favorise la dissémination desouches résistantes aux antibiotiques. Par mutationnaturelle, certaines souches deviennent résistantes et,sous la pression des antibiotiques, seules ces dernièressurvivent. Par ailleurs, elles peuvent se transmettre entreelles leur gène de résistance aux antibiotiques(3), lorsquecelui-ci est porté par un élément génétique mobile (parexemple un plasmide, morceau d’ADN que les bactériespeuvent s’échanger entre elles). Les environnementscaractérisés par de forts niveaux d’antibiotiques peuventainsi constituer de véritables réservoirs de bactériesrésistantes : c’est le cas des hôpitaux, où ces dernièrescausent une part importante des infectionsnosocomiales(4), mais également des élevages.

Au fur et à mesure du temps, une bactérie peut développerses capacités de résistance. On observe ainsi une

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LA NOTeD’ANALySeNovembre 2012

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(5) L’ensemble des bactéries sensibles à un antibiotique constitue son spectre d’activité. (6) OMS (2001), WHO Global Strategy for Containment of Antimicrobial Resistance.

(7) Transmissions des bactéries entre patients via les mains, les instruments ou l’environnement hospitalier.(8) ECDC et EMEA (2009), The Bacterial Challeng : Time to React.

(9) Le SARM, qui résiste à la méthicilline mais aussi à d’autres antibiotiques, peut se transmettre par contact physique direct ou indirect (via des surfaces contaminées parexemple).

(10) Zeller J. et al. (2007), “MRSA infections”, JAMA.

(11) Très grande famille de bactéries à double paroi que l’on retrouve notamment dans l’intestin, et qui comporte des bactéries inoffensives mais également un nombreimportant de pathogènes, tels que E. coli, K. pneumoniae, Yersinia pestis (agent de la peste), etc.

(12) New Delhi metallo-ß-lactamase 1.

évolution préoccupante de bactéries résistant initialementà seulement quelques antibiotiques, puis à plus de troisclasses d’antibiotiques (BMR, bactéries multi-résistantes), puis à leur quasi-totalité (BHR, bactérieshautement résistantes), voire à tous les antibiotiquesdisponibles (bactéries toto-résistantes).

La surconsommation d’antibiotiques conduit à ce que desmicrobes banals deviennent résistants aux médicamentsde première intention et incitent les médecins à utiliserd’emblée les traitements de dernier rempart, notam-ment les antibiotiques à large spectre(5).

La surutilisation des antibiotiques est également massivedans l’agro-alimentaire. Dans les élevages les antibio-tiques ont été utilisés comme facteurs de croissancedans l’Union européenne jusqu’à leur interdiction en2006. Cette pratique perdure dans les autres pays,comme les États-Unis. De plus, la surutilisation d’antibio-tiques persiste notamment en traitements préventifs.D’après l’OMS, au moins 50 % des antibiotiques produitsdans le monde sont ainsi destinés aux animaux(6). LesBMR issues des élevages peuvent ensuite se transmettreà l’homme (soit directement soit via la chaîne alimen-taire). L’impact de la diffusion des BMR dans l’environ-nement (sol et eau) reste largement inconnu.

une accélération du phénomène de résistance

Les niveaux de résistance aux antibiotiques ont considé-rablement augmenté à l’échelle mondiale ces trentedernières années, en corrélation avec leur usage massif.Si quelques pays ont anticipé ce risque et mis en placeprécocement des politiques de contrôle de l’usage desantibiotiques et d’hygiène pour prévenir les transmis-sions croisées(7), l’importation de bactéries résistantesfait que tous les pays sont concernés par cette menace globalisée.

Au sein de l’Union européenne, il a été estimé qu’aumoins 25 000 patients décèdent chaque année d’uneinfection due à l’une des cinq BMR les plus fréquentes. Lesurcoût en termes de dépenses de santé et les pertes deproductivité dus aux décès et aux prolongations de mala-dies sont estimés dans cette étude à plus de 1,5 milliardd’euros par an(8).

Les épidémies à bactéries résistantes aux antibio-tiques se multiplient et évoluent rapidement au cours dutemps. À l’échelle mondiale, l’OMS estime que sur les 8 à

10 millions de nouveaux cas de tuberculose apparais-sant chaque année, 440 000 correspondent à une formemulti-résistante, causant a minima 150 000 décès. Parailleurs, des cas de tuberculose résistant à la quasi-tota-lité des antibiotiques (BHR) ont été signalés dans 64 pays.

Depuis le début des années 2000, une épidémie à sta-phylocoque doré résistant à la méthicilline(9) (SARM)appelé USA300, sévit en ville aux États-Unis, confirmantla diffusion des résistances bactériennes hors de l’hôpi-tal. En 2005, 94 000 personnes ont été gravementatteintes par un SARM aux États-Unis, causant 19 000décès(10), soit une mortalité supérieure à celle combinéedu SIDA et de la tuberculose dans ce même pays.

En 2003, la première épidémie d’Acinetobacter baumanii

a éclaté chez des soldats rapatriés d’Irak. Cette bactérieopportuniste (i.e. qui n’infecte des hôtes que lorsque leurétat de santé est fragilisé), résistant, dans certains cas, àtous les antibiotiques, est devenue un problème majeurdans nombre d’hôpitaux, les chaînes d’évacuation dessoldats blessés en Irak ayant involontairement servi decanal de propagation pour la bactérie. En France, l’Institutnational de veille sanitaire (InVS) a aussi récemmentsignalé des souches d’Acinetobacter baumanii résistantà l’imipenème (ABRI), dont la part dans les infectionsnosocomiales est passée de 2 % à 3 % entre 2003 et2008, à 11,1 % sur les cinq premiers mois de 2011, pourune létalité de 17 %.

L’émergence de souches résistant à la plupart, voire àtous les antibiotiques, fait craindre un retour à l’ère pré-antibiotiques, où le nombre de maladies infectieusesintraitables augmenterait à nouveau. Par ailleurs, cer-taines interventions médicales deviendraient de plus enplus risquées (greffes d’organe, chimiothérapies, etc.).En Inde, se sont ainsi développées des entérobactéries(11)

NDM1(12), résistantes à quasi tous les antibiotiques etqui se sont très rapidement propagées dans le reste dumonde (Europe, États-Unis, Canada, Australie, etc.).

Les niveaux de résistances bactériennes sont trèshétérogènes selon les pays et les bactéries. En Europepar exemple, la proportion de SARM va de moins de 1 % enNorvège et Suède, à plus de 25 % dans le sud de l’Europe(Espagne, Italie, Grèce, Portugal, etc.), selon un gradientnord/sud très marqué (figure 1), résultant notamment destratégies de prévention des transmissions et de maîtrisedes consommations d’antibiotiques plus ou moins pré-coces et strictes.

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Centre d’analyse stratégique

Figure 1

Pourcentage de staphylocoques dorésrésistants à la méthicilline (SARM) en 2010 en europe

Source : EARS-Net (European Antimicrobial Resistance Surveillance Network).

Les niveaux de résistances varient également au coursdu temps selon les bactéries concernées(13). Le niveaumoyen de SARM en Europe est toujours élevé (17,4 %),mais tend à baisser ces dernières années, à la suite de lamise en place de programmes de maîtrise des contami-nations à l’hôpital. En revanche, la tendance est inversepour les entérobactéries (E. coli, K. pneumoniae, etc.),

dont les souches multi-résistantes (les EBLSE, entérobac-téries productrices de béta-lactamases à spectre étendu),voire hautement résistantes (les EPC, entérobactériesproductrices de carbapénèmases), sont en augmentationconstante depuis dix ans dans l’Europe entière.

La France se trouve généralement dans la moyenneeuropéenne en termes de résistance. Le niveau de SARMest en diminution régulière depuis 2001 (33 % en 2001contre 21,6 % en 2010). En revanche, les résistancesparmi les entérobactéries et les souches de Pseudomo-

nas aeruginosa sont en augmentation constante(14). LesEPC, particulièrement préoccupantes car résistantes àquasi tous les antibiotiques, restent rares en France maissont néanmoins en progression. Afin d’éviter une situa-tion endémique équivalente à celle des SARM et EBLSE,elles font l’objet d’une surveillance et d’un contrôle pré-coce (notamment par le dépistage et l’isolement despatients transférés depuis des zones endémiques), qui afait ses preuves dans la maîtrise de l’émergence d’enté-rocoques résistants aux glycopeptides (ERG).

la raréfaction des nouveaux antibiotiques,combinée à l’augmentation des résistances,constitue une véritable menace pour la santépublique

Pendant de nombreuses années, la découverte et la com-mercialisation de nouveaux antibiotiques ont permis de répondre aux impasses thérapeutiques générées parle développement des mécanismes de résistance.Aujourd’hui cependant, les nouveaux antibiotiques missur le marché sont rares, du fait notamment de la baissed’investissement des leaders pharmaceutiques dans cedomaine (figure 2). En effet, le développement de cesmédicaments – dont la consommation est très ponctuelle –est devenu moins rentable pour l’industrie pharmaceu-tique que ceux ciblant des pathologies chroniques. De plus, les antibiotiques les plus faciles à mettre au pointont déjà été commercialisés, et les rares nouvelles molé-cules ont tendance à être réservées aux impasses théra-peutiques, diminuant d’autant la taille du marché pour lesindustriels. Cela conduit à un décalage dangereux entrele poids croissant des infections à BMR et les rares nou-veaux antibiotiques commercialisés pour y faire face.

Figure 2

Nombre de nouveaux antibiotiques approuvéspar la Food and Drug Administration (FDA,agence du médicament américaine) par périodes de cinq ans

Source : Infectious Diseases Society of America (IDSA) (2011),“Combating antimicrobial resistance: Policy recommendations to savelives”, Clinical infectious diseases.

On constate en particulier un manque de nouveaux anti-biotiques dirigés contre les bactéries à Gram négatif(15)

multi-résistantes, particulièrement préoccupantes àl’échelle mondiale(16).

Avec la propagation des BMR et l’absence de nouvellesmolécules, les impasses thérapeutiques risquent de semultiplier.

(13) ECDC (2011), Antimicrobial Resistance Surveillance in Europe 2010 – Annual Report of the EARS-Net.

(14) La résistance aux céphalosporines de troisième génération chez E. coli est passée de 1 % en 2005 à 7 % en 2010, et chez Klebsiella pneumoniae de 4 % en 2005 à 17,8 %en 2010. Source : InVS.

(15) Les bactéries à Gram négatif (ex. : entérobactéries, Pseudomonas aeruginosa) possèdent une double paroi. Les bactéries à Gram potitif (ex. : SARM) sont dotées d’uneparoi simple.

(16) En 2009, seuls 15 antibiotiques susceptibles d’être actifs contre les BMR étaient en cours de développement, dont uniquement 2 molécules – à un stade précoce, doncnon disponibles sous peu pour les patients – dirigées contre les bactéries à Gram négatif multi-résistantes. Source : IDSA (2009).

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LA NOTeD’ANALySeNovembre 2012

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(17) Groupe d'évaluation des pratiques en hygiène hospitalière (2011), Audit hygiène des mains, résultats nationaux.

(18) Sabuncu E. et al. (2009), “Significant reduction of antibiotic use in the community after a nationwide campaign in France 2002-2007”, PloS Med.

(19) 28,6 doses définies journalières pour 1 000 habitants et par jour en 2011, dans le secteur ambulatoire, pour une moyenne européenne de 20,9 (source ANSM 2012).(20) European Surveillance of Veterinary Antimicrobial Consumption (2012), Sales of veterinary antimicrobial agents in 19 EU/EEA countries in 2010.

(21) En 2009 a par exemple été créé un groupe de travail entre États-Unis et Europe : “The transatlantic task force for antibiotic resistance”. (22) Commission européenne (2011), Plan d’action de lutte contre la résistance aux antimicrobiens 2011-2016.

La France progresse Dans la lutte contre la résistanceaux antibiotiQues mais reste l’unDes plus gros consommateursen europe

La lutte contre l’émergence et la propagation des résis-tances bactériennes s’appuie sur quatre piliers, déclinésdans le dernier plan national d’alerte sur les antibiotiques(2011-2016) : la surveillance, la prévention des infec-tions, la maîtrise des consommations d’antibiotiques et le développement de solutions thérapeutiques (nou-veaux antibiotiques et traitements alternatifs).

g Surveillance

La France bénéficie d’un bon système de surveillancedes résistances aux antibiotiques (via différents réseauxcoordonnés par l’InVS) et de leur consommation (suivie parl’ANSM) à l’hôpital. La surveillance en ville (résistance et consommation) reste encore largement à structurer. La grande hétérogénéité des systèmes d’information utili-sés dans les laboratoires de ville rend notamment peuaccessibles les données de résistance. La surveillanceest également à renforcer en médecine vétérinaire.

g Prévention des transmissions

La France a progressé dans la maîtrise des transmis-sions de SARM en milieu hospitalier en étant notammentl’un des pays précurseurs en matière de campagnesd’hygiène des mains, bien qu’il reste des marges de pro-grès(17), en ville en particulier.

Les procédures de dépistage et d’isolement des patientsporteurs de BMR sont quant à elles très variables selonles hôpitaux. Leur mise en place n’est pour l’instantrecommandée que dans certains cas spécifiques,comme le dépistage des ERG et EPC pour les patientsrapatriés de l’étranger ou celui du SARM en réanimationpour les patients à haut risque infectieux (par exemple lesdialysés chroniques). Dans les autres cas, le dépistageest laissé à l’appréciation des établissements de soinset se fait par identification de facteurs de risque (selonl’état du patient, le type de service et la situation épidé-mique ou non des souches, etc.). En outre, les capacitéslogistiques des laboratoires d’analyses biologiques peuvent parfois entraver le dépistage des BMR.

g Consommation

Alors que la France était la première consommatriced’antibiotiques en médecine humaine en Europe audébut des années 2000, la consommation totale d’anti-

biotiques (médecine de ville et hôpital) a diminué de16 % entre 2000 et 2010. Cette baisse est le résultat desefforts de maîtrise des consommations et de rationalisa-tion de la prescription promus par les deux premiersplans nationaux (plans 2001-2005 et 2007-2010). Lacampagne grand public menée par l’assurance maladie“les antibiotiques, c’est pas automatique” à partir de2002 a ainsi eu un très bon effet pendant les cinq pre-mières années(18).

Toutefois, on observe une légère reprise à la hausse desconsommations depuis 2009, malgré la nouvelle cam-pagne “les antibiotiques, utilisés à tort, ils deviendrontmoins forts”. En 2011, la France reste l’un des plus grosconsommateurs d’Europe en médecine humaine(19).

Dans le domaine vétérinaire, la France est le deuxièmeconsommateur européen d’antibiotiques en tonnageabsolu (1 011 tonnes en 2010, soit environ deux fois plusque chez l’humain). Elle occupe le sixième rang européenen quantité ramenée par animal(20).

Si l’ensemble des plans nationaux adoptés par la Franceattestent d’une prise de conscience et ont permis desprogrès, les efforts doivent se poursuivre et les moyensnécessaires aux nombreuses actions envisagées êtrealloués à leur déploiement, cela au regard du coût – humain et économique – de la propagation des résis-tances bactériennes.

Les bonnes pratiques, en France et à l’étranger,permettent De Dessiner unestratégie globale et eFFicace

Ces dix dernières années la communauté internationales’est mobilisée de façon croissante pour lutter contre lamondialisation des résistances bactériennes(21). Considé-rant que les efforts actuels sont insuffisants, la Com-mission européenne préconise une plus forte mobilisa-t ion des États, combinant médecine humaine etélevages(22). Les actions menées par l’OMS et l’UE et lesnombreuses initiatives étrangères peuvent conforter lespréconisations des derniers plans antibiotiques françaiset inspirer les actions de lutte complémentaires.

g Consolidation des réseaux de surveillance

À l’échelle mondiale, il existe de nombreux réseaux de sur-veillance, tant de la consommation que des résistancesaux antibiotiques, qui restent toutefois très disparates.L’Europe est par exemple dotée de plusieurs réseaux

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performants, tels que les réseaux de surveillance de larésistance (EARS-Net) et de la prescription d’antibio-tiques (ESAC-Net). Concernant le versant vétérinaire,l’Agence européenne du médicament a lancé en 2010 unprojet de surveillance de la consommation vétérinaired’antimicrobiens (ESVAC). 19 pays sont concernés, enattendant qu’il s’étende in fine aux 27 États-membres. Le Centre pour le contrôle et la prévention des maladiesaux États-Unis (CDC) est également très actif et quelquesréseaux émergent aussi en Amérique du Sud.

Toutefois, la veille n’est pas structurée dans de grandesparties du globe, entre autres en Chine, en Inde et enAfrique, qui sont pourtant d’importantes zones d’émer-gence de BMR, du fait notamment d’une utilisation peuencadrée des antibiotiques.

De la même manière, les mécanismes d’alerte del’émergence et de la propagation de souches préoccu-pantes à l’échelle mondiale sont incomplets. Si les paysde l’UE disposent de systèmes d’intelligence épidémique(EPIS), d’alerte et de réponse rapide (EWRS), qui leur per-mettent d’échanger des données très vite sous le sceaude la confidentialité, il semble nécessaire que l’OMSassure désormais une coordination mondiale et unsoutien au développement des réseaux dans lesgrandes régions où ils sont absents. Pour les bactériesrésistant à quasi tous les antibiotiques, le règlement sani-taire international (RSI) de l’OMS, qui oblige les Étatssignataires à déclarer les menaces épidémiologiquesd’échelle mondiale, pourrait notamment s’appliquer(23).

PROPOSITION Promouvoir la coordination par l’OMS d’unréseau mondial de surveillance et d’alerte des bactéries multi-résistantes.

g Prévention des infections et maîtrise des transmissions croisées

Certains pays ont développé depuis longtemps des poli-tiques actives de dépistage et d’isolement des patientsporteurs de BMR comme les Pays-Bas pour les SARM(encadré 2) afin d’en limiter la diffusion endémique. Deplus, des campagnes de promotion de l’hygiène desmains ont été menées dans de nombreux pays et coor-données par l’OMS. Des études ont permis de démontrerle coût-efficacité de telles campagnes(24).

1

encadré 2

Éviter les contaminations croisées aux Pays-Bas :la stratégie “Search and Destroy”Les Pays-Bas présentent un des taux européens de SARMles plus bas (1,2 %, quand la France ou l’Allemagne sont au-dessus de 20 %(25)), notamment grâce à l’applicationd’une stratégie très stricte menée depuis les années 1980pour éviter les contaminations croisées à l’hôpital,particulièrement en cas de transfert de patients depuisl’étranger. Dès leur arrivée dans un établissement de santé,les malades sont dépistés et classés en quatre catégories derisque. Les patients porteurs de SARM ou fortementsuspectés de l’être sont isolés en chambre individuellejusqu’à ce que la bactérie ait été éliminée. Les professionnelsde santé et les personnes en contact avec les malades sontégalement soumis à un protocole très strict et à destraitements de décontamination. Ce programme, qui a permisde diminuer les contaminations, demande un investissementhumain, logistique et financier important. Il semblepourtant avoir un coût-bénéfice positif(26).

La vaccination (contre des bactéries, pneumocoquespar exemple, ou contre des virus à risque de surinfectionbactérienne, comme la rougeole) est un axe important deprévention des infections, aussi bien chez l’homme quechez l’animal. Ainsi, en Norvège, la vaccination des sau-mons et truites d’élevage dès 1987 et l’instauration d’unmeilleur suivi sanitaire ont réduit le recours aux antibio-tiques de 98 % entre 1987 et 2004(27). Les efforts pouraméliorer la couverture vaccinale, chez l’hommecomme chez l’animal, doivent se poursuivre.

g Réduction de la consommation d’antibiotiques en médecine humaine et en élevage

Les pratiques de prescription sont très hétérogènesd’un pays à l’autre ainsi qu’au sein même des corpsmédicaux nationaux. De nombreuses raisons non médi-cales influencent la prescription et la prise d’antibiotiques :réflexes – des patients comme des professionnels –,organisation des systèmes de soins, etc.(28).

Les leviers pour diminuer le nombre de prises inutilesd’antibiotiques sont triples : sensibiliser les acteurs, professionnels comme patients, créer des incitations àl’évolution des comportements, financières par exemple,voire utiliser la voie réglementaire.

Des actions de sensibilisation pour une utilisation rai-sonnée des antibiotiques ont été mises en place depuisles années 1990 dans de nombreux pays. Bien que leurréussite soit difficile à évaluer, les campagnes multica-naux, répétées sur plusieurs années et visant à la foisles professionnels et les usagers, semblent les plus

(23) Wernli D. et al. (2011), “A call for action: The application of the international health regulations to the global threat of antimicrobial resistance”, PLoS Med.

(24) OMS (2011), The Evolving Threat if Antimicrobial Resistance – Options for Action.

(25) ECDC (2011), op. cit.

(26) Van Rijen M. et al. (2009), “Costs and benefices of the MRSA Search and Destroy policy in a Dutch hospital”, EJCMID.

(27) OMS (2011), op. cit.

(28) Rosman S. (2009), “Les pratiques de prescription des antibiotiques en médecine générale en France et aux Pays-Bas”, Sociologie Santé.

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(29) Huttner B. et al. (2010), “Characteristics and outcomes of public campaigns aimed at improving the use of antibiotics in outpatients in high-income countries”, The Lancet.

(30) TNS (2010), Eurobaromètre sur la résistance aux antimicrobiens, Commission européenne.(31) Cour des comptes (2005), La sécurité sociale.

(32) Mölstad S. et al. (2008), “Strama – A Swedish working model for containment of antibiotic resistance”, Eurosurveillance.

(33) L’indicateur antibiotique actuel ne concerne que la quantité prescrite aux 16-65 ans, ainsi que la quantité de générique. (34) Standiford H. et al. (2012), “Antimicrobial stewardship at a large tertiary care academic medical center: Cost analysis before, during, and after a 7-year program”,

Infection Control and Hospital Epidemiology.

(35) Circulaire DHOS/DGS n° 2002-272 du 2 mai 2002. (36) Gimbert V. (2012), “Les recommandations médicales : un outil pertinent pour faire évoluer les pratiques des professionnels de santé”, n° 291, Centre d’analyse

stratégique.(37) “Development of rapid point-of-care test platforms for infectious diseases” (RAPP-ID), projet de l’Innovative Medecines Initiative, débuté en 2011 pour un budget de

14 millions d’euros.

efficaces(29), telles que celles menées par la Belgique,dont les bons résultats sont stables dans le temps.Cependant, le message demeure peu audible : en 2010,53 % des Européens croyaient encore que les antibio-tiques tuaient les virus et 47 % qu’ils étaient efficacescontre les rhumes et la grippe(30). Poursuivre les cam-pagnes de sensibilisation apparaît ainsi nécessaire.Notons qu’au-delà des impacts sanitaires positifs, cescampagnes permettent de réduire le nombre de prescrip-tions non pertinentes et donc d’engendrer des économies(estimées à 14 euros par euro investi pour la campagnepassée en France(31)).

Certains pays ont réussi à cibler efficacement les méde-cins. La Suède, dans le cadre de son programme de luttecontre les résistances bactériennes (Strama(32)), a mis enplace un retour d’information aux médecins concernantleurs prescriptions d’antibiotiques, ainsi que des discus-sions en groupe de pairs. Ces actions sont fondamentales,car elles permettent aux médecins de se comparer auxprofessionnels de leur territoire. Sur ce modèle, il seraitintéressant en France d’envoyer chaque année à l’ensem-ble des médecins un bilan détaillé de leurs prescriptionsd’antibiotiques (par types de molécule et tranches d’âge)comparé aux moyennes départementale et nationale. À terme, ce bilan pourrait renforcer, dans le cadre de larémunération à la performance, le critère actuel de pres-cription d’antibiotiques (qui reste très limité pour lemoment(33)).

PROPOSITION envoyer chaque année à tous les médecinsleur profil de prescription d’antibiotiques.

Au-delà du simple retour d’information, la prescriptiond’antibiotiques est un acte complexe, qui doit être ratio-nalisé et professionnalisé. En France, comme dans d’autres pays, Suède par exemple, des centres de conseilen antibiothérapie se sont développés (encadré 3),

afin d’aider les médecins, en ville particulièrement, dansleur démarche de prescription. Le bilan des structuresactuelles étant positif, il serait intéressant d’étendre leszones couvertes par les centres existants et de diffusercette démarche aux autres parties du territoire, en tenantcompte des initiatives locales déjà présentes. À l’hôpital,ces fonctions de conseil sont assurées par le médecinantibioréférent dont il serait toutefois nécessaire de

2.1

préciser le rôle et d’assurer le financement. De plus, son intégration au sein d’une d’équipe opérationnelle enantibiothérapie (regroupant le clinicien référent et d’au-tres professionnels comme un pharmacien, un médecinhygiéniste, etc.) peut se révéler particulièrement efficace.Une étude menée aux États-Unis a d’ailleurs démontré en2012 le bénéfice financier de la présence au sein d’unhôpital d’une telle équipe(34). De plus, il serait intéressantque les centres de conseil puissent s’appuyer sur unréseau de médecins antibioréférents afin de bénéficierde leur expertise.

encadré 3

MedQual et Antibiolor, l’expérimentation decentres régionaux de conseil en antibiothérapieÀ la suite du premier plan “antibiotiques”, deux centresconseil en antibiothérapie ont été créés(35) : MedQual (Paysde la Loire) et Antibiolor (Lorraine) pour favoriser un bonusage des antibiotiques. Adossés à des CHU, ils prodiguentdes conseils par téléphone ou via leur site internet,organisent des formations et assurent entre autres unesurveillance épidémiologique. MedQual a fédéré 140laboratoires de ville, devenant ainsi le réseau consacré àl’écologie bactérienne communautaire le plus étendu enFrance. Antibiolor assure aussi des visites de pairs chez lespharmaciens d’officine et médecins libéraux.Ces réseaux ont un impact positif. Sans influencer lespratiques de tous les professionnels locaux, les adhésionset les consultations de leurs sites web sont enaugmentation depuis leur création.

En complément, des logiciels d’aide à la prescription(36),tel que le site web Antibioclic, sont encore trop peuconnus et utilisés par les médecins français. De même,les tests rapides d’orientation diagnostique (TROD), quipermettent d’éviter la prescription en cas d’infectionvirale, demeurent sous-utilisés en France (malgré le fait que le TROD angine soit mis à disposition des méde-cins généralistes gratuitement par l’assurance maladie).L’utilisation des tests existants ainsi que le développe-ment de nouveaux tests (qui ne couvrent pas aujourd’huitoutes les pathologies) doivent être encouragés. Par ail-leurs, l’assurance maladie devrait permettre la mise àdisposition gratuite de ces nouveaux tests, afin d’en faci-liter le développement et l’utilisation.

La Commission européenne finance d’ailleurs actuelle-ment, en partenariat public/privé, un projet de développe-ment de tels tests(37).

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Centre d’analyse stratégique

PROPOSITION Rationaliser les prescriptions d’antibiotiques :• en soutenant la création de centres

interrégionaux de conseil en antibiothérapieet en renforçant le rôle du médecinantibioréférent à l’hôpital ;

• en encourageant la recherche de nouveauxtests rapides d’orientation diagnostique.

Dans le domaine vétérinaire, certains pays ont pris desmesures plus coercitives. Au Danemark dès 1990 (maisaussi en Suède et en Norvège), la vente des médicamentspour animaux a été partiellement retirée aux vétéri-naires et confiée aux pharmacies. Dans les cas où le vété-rinaire peut encore fournir les médicaments, les bénéficesqu’il retire des ventes ont été également plafonnés. Lesvétérinaires se sont ainsi recentrés sur le conseil sanitaireet la prescription. La baisse de consommation consécu-tive, combinée à l’interdiction à cette même époque del’utilisation des antibiotiques comme facteur de crois-sance, a été significative(38). Parallèlement, les éleveurs sesont aussi vu proposer de signer des contrats volontairesavec un vétérinaire, s’engageant notamment à effectuerau moins douze visites par an. La séparation des fonctionsde prescription et de vente par les vétérinaires en Francesemble difficile à appliquer à court terme, les revenus desvétérinaires (notamment en milieu rural) dépendant troplargement de la vente de médicaments(39). Toutefois, ilserait nécessaire de repenser leurs missions et leursmodes de rémunération, en basculant progressivementles marges du médicament vers le conseil.

Après avoir ciblé les vétérinaires, le Danemark a misl’accent sur le rôle des éleveurs. Un système de sanc-tions à l’encontre les producteurs dépassant les seuilsd’utilisation d’antibiotiques fixés nationalement a étécréé en 2010 (encadré 4). Sur le plan commercial, leséleveurs danois non seulement n’ont pas constaté debaisse de leurs revenus à la suite de ces mesures, maisils ont fait du faible usage d’antibiotiques un argumentde vente.

encadré 4

L’initiative “carton jaune” au Danemark a réduit la consommation d’antibiotiques dans les élevages de porcsMalgré l’interdiction de l’utilisation des antibiotiques commefacteur de croissance à partir de 2000, les autorités danoisesont constaté une augmentation de 35 % de l’utilisation

2.2d’antibiotiques dans le champ vétérinaire de 2001 à 2009.Sachant que les élevages porcins représentent 80 % de cetteconsommation, une nouvelle politique de réduction de laconsommation d’antibiotiques dans le domaine animal a été mise en place en 2010 : l’initiative “carton jaune”.Des seuils de doses journalières (correspondant à l’âge desporcs) sont fixés annuellement par la Danish Food andVeterinay Administration. En cas de dépassement, leséleveurs concernés se voient infliger un avertissement(carton jaune) et ont neuf mois pour passer en dessous deslimites fixées. Chaque injonction et visite d’inspecteurs dansl’élevage correspond à une sanction financière. Si la situationn’évolue pas favorablement après un deuxième carton jaune,un “carton rouge” tombe : les sanctions peuvent alors menerà la réduction de la densité de l’élevage ou à la réductiondrastique des possibilités d’utilisation d’antibiotiques surl’élevage. Les sanctions restent alors valables jusqu’à ce quel’éleveur repasse sous le seuil fixé. En 2010, 12,5 % des éleveurs étaient au-dessus du seuil.Entre 2010 et 2011, la consommation d’antibiotiques dansles élevages porcins a été réduite de 25 %.

Par ailleurs, plusieurs pays ont abandonné l’utilisationde certaines classes d’antibiotiques pour l’usage ani-mal, par voie réglementaire ou sur volontariat des orga-nisations professionnelles. Ainsi, toujours au Danemark,la filière porcine a opté en 2010 pour un abandon del’utilisation des céphalosporines : en deux ans, la quan-tité consommée a été réduite de 99 %(40). Restreindrel’usage des antibiotiques les plus critiques pourl’homme (par exemple les fluoroquinolones, les cépha-losporines, ou les antibiotiques de dernier recourscomme les carbapénèmes) apparaît comme une prioritésanitaire pour limiter les impasses thérapeutiques.

De telles initiatives apparaissent aussi en France. Lafilière porcine a ainsi prononcé un moratoire sur l’utilisationdes céphalosporines en 2011. Les premières estimationsde l’Agence nationale du médicament vétérinaire soulignentune réduction significative des ventes, a priori sans reportsur d’autres familles d’antibiotiques. Ces résultats positifsrestent toutefois à confirmer par des enquêtes complé-mentaires (panel d’éleveurs de la filière), mises en placeparallèlement. Il serait intéressant de développer cetteprise de conscience en encourageant les principalesfilières d’élevage à adopter des moratoires similaires,tout particulièrement pour les fluoroquinolones et lescéphalosporines. Ces moratoires devront s’accompagnerde mesures de suivi, afin d’en évaluer précisément leseffets. En l’absence de résultats concluants, il sera néces-saire d’avoir recours à une interdiction réglementaire.

(38) Aarestrup F. (2012), “Get pigs off antibiotics”, Nature.

(39) Guené C. (2008), “Vers une profession vétérinaire du XXIe siècle”, rapport au Premier ministre et au ministre de l’Agriculture et de la Pêche.(40) Cordis (2012), Study Spotlights Bacteria in Danish Chicken Meat, septembre.

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(41) Telles que l’Antibiotic Action de la British Society for Antimicrobial Chemotherapy, ou l’initiative “Bad bugs no drugs – 10 by 20” de l’Infectious Disease Society of America quivise à favoriser la mise sur le marché de dix nouveaux antibiotiques d’ici 2020.

(42) Partenariat public/privé européen financé à hauteur de un milliard d’euros par la Commission européenne, et de un milliard d’euros par l’industrie pharmaceutique.(43) “Nouveaux médicaments contre les superbactéries”.(44) Pulcini C. et al. (2011), “Forgotten antibiotics: An inventory in Europe, the United States, Canada, and Australia”, Clin Infect Dis.

(45) Les archées, organismes procaryotes unicellulaires, vivant dans des conditions extrêmes (température, acidité), pourraient se révéler des réservoirs de nouvellesmolécules.

(46) Molécules issues des bactériophages ayant la capacité de détruire la paroi bactérienne. (47) Baptisés en 1917 par le chercheur franco-canadien Félix d’Herelle (phageton signifiant “nourriture” en grec).(48) Les phages reconnaissent spécifiquement certains récepteurs qui ne sont présents qu’à la surface des bactéries, les empêchant d’infecter toute cellule non bactérienne

(y compris les cellules humaines).

PROPOSITION Réduire drastiquement la consommationd’antibiotiques critiques pour l’homme chezl’animal, soit par des engagements volontairesde l’ensemble des filières, soit par desinterdictions réglementaires.

DéveLopper Des stratégiesDe prévention Des inFections et élargir notre arsenalthérapeutiQue

Favoriser le développement de nouveauxantibactériens et de moyens de prévention

Depuis quelques années, plusieurs initiatives internatio-nales(41) soulignent la nécessité de stimuler le dévelop-pement de nouveaux antibiotiques, peu rentables pourles industriels. Pour pallier cette défaillance de marché,différentes pistes sont envisagées : partenariats publics/privés pour le développement de nouveaux antibiotiques,accélération des procédures réglementaires, exclusivitécommerciale pour les nouvelles molécules répondant àun véritable besoin de santé publique, etc. En Europe,l’IMI (Innovative Medicines Initiative(42)) a lancé en mai2012 un programme de recherche pour le développe-ment de nouveaux antibiotiques, “New Drugs 4 BadBugs(43)” de 223 millions d’euros, qui vise au développe-ment clinique d’antibiotiques pour des bactéries résis-tantes prioritaires. Ce financement devrait permettre definaliser le développement des molécules en cours, maispas nécessairement d’en rechercher de nouvelles.

La réhabilitation d’anciens antibiotiques qui ne sontplus utilisés ou produits (pour des raisons économiques,réglementaires ou du fait de leur toxicité) a égalementété mise en avant par certains experts pour enrichir lesmoyens de lutte contre les BMR(44).

De plus, des pistes de recherche fondamentale nécessi-teraient d’être explorées, telles que les thérapies anti-virulence (qui ne tuent pas les bactéries mais les rendentinoffensives), ou encore la lutte contre les biofilms patho-gènes (communauté de bactéries vivant au sein d’unematrice protectrice, donc difficiles à éliminer). De nom-breux composés antibactériens présents dans la naturerestent à exploiter : biodiversité considérable des micro-organismes marins(45) encore peu connus, lysines(46), etc.

3 En complément des antibactériens, des stratégies deprévention des infections doivent être développées :recherche de nouveaux vaccins, développement dematériaux antibactériens, etc. La France devrait ainsiparticiper activement aux projets de recherche européens.La Commission européenne vient d’ailleurs de lancerun appel d’offres pour le développement d’alternativesaux antibiotiques en 2012.

PROPOSITION Renforcer les aides publiques à la recherchesur le long terme de nouveaux antibactérienset de moyens de prévention des infections.

étudier le potentiel de la phagothérapiecomme complément aux antibiotiques etsolution pour les impasses thérapeutiques

Parmi les pistes de recherche de complément ou d’alter-native aux antibiotiques, l’une d’entre elle nécessited’être évaluée rapidement. En effet, la phagothérapie,c'est-à-dire le traitement des infections bactériennesavec des bactériophages, permet, dans un certain nombrede cas, de traiter les infections à bactéries les plusrésistantes, et d’apporter ainsi une réponse au nombrecroissant d’impasses thérapeutiques (qui impliquent prolongation de maladie, voire amputation ou décès).

g Qu’est-ce que la phagothérapie ?

La phagothérapie est l’usage de bactériophages(47),virus qui possèdent la particularité de n’infecter que lesbactéries(48), pour traiter les infections bactériennes.En effet, les bactériophages (ou simplement appelésphages, figure 3), possèdent la capacité de reconnaîtreune bactérie donnée, de l’infecter, de la détourner pour sereproduire, et de la détruire en libérant les nouveauxphages produits. Les phages sont caractérisés par unetrès grande spécificité, chaque phage n’infectant qu’unsous-groupe donné au sein d’une espèce bactérienne. Enapplication thérapeutique, cela permet de n’attaquer quela bactérie pathogène, sans tuer les “bonnes bactéries”,au contraire des antibiotiques qui ont un large spectre.Les phages n’infectent par ailleurs pas les celluleshumaines et sont éliminés lorsque la bactérie pathogèneest éradiquée.

Les phages sont omniprésents dans notre environne-ment (y compris dans notre intestin), et il en existe une

4.1

((

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(49) Les préparations de bactériophages, qui étaient produites par l’Institut Pasteur et une entreprise française dans les années 1930, ont ainsi disparu du dictionnairemédical Vidal® dans les années 1970.

(50) Notamment en Géorgie, où Félix d’Herelle avait cofondé à Tbilissi un institut spécialisé avec le microbiologiste Eliava, qui possède aujourd’hui une des seules banques dephages destinés à la phagothérapie au monde.

(51) Adebon S. et al. (2011), “Phage treatment of human infections”, Bacteriophage ; Dublanchet A. (2009), Des virus pour combattre les infections.

(52) Maura D. et Debarbieux L. (2011), “Bacteriophages as twenty first century antibacterial tools for food and medicine”, Appl Microbiol Biotechnol.

(53) Kutter E. et al. (2010), “Phage therapy in clinical practice: Treatment of human infections”, Current pharmaceutical biotechnology.

(54) Compte tenu de la très grande diversité et variabilité des phages, un brevet portant sur un phage risque d’être facilement contourné par la multitude de phages“concurrents”. Les procédés de production pourraient quant à eux éventuellement être brevetés.

(55) Tels que les thérapies géniques, les produits à base de cellules, les vaccins, etc., couverts par un cadre spécifique dans la directive 2001/83/EC.

immense diversité. On distingue deux grands types de phages : les phages “virulents” qui provoquent la destruction rapide de la bactérie une fois infectée (enquelques dizaines de minutes), et les phages “tempérés”,qui ont la capacité, une fois la bactérie infectée, d’insérerleur matériel génétique dans celui de la bactérie. Ces derniers participent activement à l’évolution desbactéries en leur apportant de nouveaux gènes lorsqu’ilss’insèrent dans le chromosome bactérien. Le rôle de“vecteurs de gènes” naturels des phages tempérés,exploité depuis longtemps en biologie moléculaire, les rend inadaptés à un usage en phagothérapie, du faitnotamment du risque de transmission de gènes de virulence aux bactéries. Ainsi l’inoffensive bactérie Vibriopeut devenir l’agent pathogène du choléra, quand elle acquiert le gène de la toxine cholérique grâce à unbactériophage tempéré (le CTX).

Figure 3

Phage virulent infectant une bactérie

À gauche : phage virulent T4 (source : UCLouvain) ; à droite : phages (en rose) infectant une bactérie (en vert). Les phage reconnaissent uneprotéine à la surface de la bactérie, s’y fixent et injectent leur matérielgénétique dans la bactérie. Les phages ont une taille d’environ 200 nm,soit 1/10e à 1/100e d’une bactérie (source : SciencePhotoLibrary).

g Un bref historique

Utilisée pour la première fois pour traiter des infectionsbactériennes en 1919 en France, la phagothérapie s’estrépandue et installée dans de nombreux pays dans lesannées 1930. Dans le monde occidental cependant,l’avènement des antibiotiques, d’une part, et unecontroverse sur l’efficacité de la phagothérapie, d’autrepart (manque de connaissances scientifiques, produits de mauvaise qualité, indications inadaptées), a conduitpeu à peu à l’abandon de cette thérapie en Europe del’Ouest(49). La phagothérapie n’a en revanche jamaiscessé d’être utilisée dans des pays de l’Europe de l’Estet de l’ex-URSS(50), permettant l’acquisition d’une impor-tante expérience empirique sur l’efficacité et la sûretédes traitements à base de phages(51). Quatre-vingt-dix

ans d’utilisation dans ces pays semblent montrer que lesphages, probablement du fait de leur incapacité à infec-ter les cellules humaines, induisent très peu d’effetssecondaires chez l’homme.

g La phagothérapie aujourd’hui

Face à l’augmentation des infections à BMR, l’intérêtpour les phages se renouvelle ces dernières années.

De plus en plus d’études sont menées chez l’animal (enpréclinique ou à usage vétérinaire) et démontrent généra-lement l’efficacité et l’innocuité de la phagothérapie(52).Forts de ces résultats, des essais cliniques se dévelop-pent chez l’homme, visant à évaluer cette thérapie avecla rigueur des procédures sanitaires actuelles. Troisessais cliniques contrôlés chez l’homme ont été menésjusqu’à présent(53) aux États-Unis, en Belgique et auRoyaume-Uni. Dans les trois cas, les traitements se sontrévélés efficaces et sans danger, encourageant la pour-suite des essais cliniques. Le développement de cesessais se heurte cependant à des obstacles majeurs : ladifficulté de financement en l’absence d’investissementdes grands industriels pharmaceutiques et un cadreréglementaire peu clair et inadapté à la phagothérapie.

En effet la législation européenne actuelle inclut lesphages dans les médicaments, impliquant de suivre lesprocédures d’autorisation de mise sur le marché (AMM),longues et coûteuses. Or les grands groupes pharmaceu-tiques ne s’engagent pas pour le moment dans le déve-loppement des phages, entités difficilement brevetables(54).

Les procédures d’AMM actuelles ne sont adaptées ni au développement “industriel” de cocktails de phagespréparés à l’avance, ni à une approche “sur-mesure” àpetite échelle, qui consiste à isoler et préparer (enquelques semaines) un phage spécifique de la bactériedu patient. En effet, les procédures d’AMM qui sontconçues pour des médicaments inertes et fixes ne per-mettent pas la mise à jour régulière des cocktails dephages que l’on doit adapter en fonction des bactéries.Aux États-Unis, la FDA étudie la possibilité de classifierles phages comme “vaccins”, permettant d’adapter lescocktails sans devoir repasser par la procédure de misesur le marché. En Europe, des réflexions sont en courspour envisager, au sein de la réglementation euro-péenne, un cadre spécifique pour la phagothérapie,comme cela l’a été pour un certain nombre de produitspharmaceutiques non conventionnels(55).

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(56) L’usage compassionnel est défini comme l’emploi d’une thérapie non validée par les autorités sanitaires en cas d’échec des traitements validés.(57) Déclaration de l’Association médicale mondiale, adoptée en 1964 sur les principes éthiques applicables aux recherches médicales sur des sujets humains, indiquant

qu’en cas d’échec thérapeutique des traitements conventionnels, le médecin, avec le consentement éclairé du patient, doit pouvoir recourir à des méthodes nonéprouvées ou nouvelles s’il juge que celles-ci offrent un espoir de sauver la vie ou de soulager les souffrances du patient.

(58) Good Manufacturing Pratice.(59) Nous remercions : J-M. Azanowsky (DGS), F. Ballereau (MedQual), J. Carlet (AC2BMR), B. Coignard et S. Vaux (InVs), O. Debaere et J.-M. Picard (DGAL), L. Debarbieux

(Institut Pasteur), A. Dublanchet et O.Patey (GEEPhage), C. Dumartin (CCLIN Sud Ouest), J. Gabard et M. Gea (Pherecydes pharma), J. Gardette (ANSM), S. Harbarth(Hôpitaux universitaires de Genève), N. Heine et M. Nagtzaam (DG SANCO, CE), E. Jacobsen (VETSTAT –Danemark), J. Larché (CHU de Narbonne, PhagEspoirs), D. Monnet(ECDC), G. Motyka (Cnamts), G. Moulin et A. Chevance (ANMV), J.-L. Pujol (CAS), C. Rambaud et R. Halama (Le Lien), G. Upham et J.-J.Monot (OMS).

Aude Teillant, département Développementdurable, et Mathilde Reynaudi, départementQuestions sociales(59)

LA NOTeD’ANALySe

Novembre 2012no 299

CO

NC

LuSI

ON L’efficacité des antibiotiques doit être préservée

de toute urgence pour éviter une régression àl’ère pré-antibiotiques. En l’espace de quelquesannées, la prise de conscience et lamobilisation de nombreux acteurs – à l’échellelocale, nationale ou internationale – a permisd’identifier les actions à mener afin de luttercontre les résistances aux antibiotiques, et desauvegarder les progrès médicauxconsidérables réalisés au siècle dernier.

Toutefois, cette prise de conscience resteconfinée à des cercles restreints. Lasensibilisation et la modification descomportements doit désormais changerd’échelle et passer à une phase opérationnelle.

Tout comme les bactéries ont développé desmécanismes de résistance aux antibiotiques,d’autres microorganismes pathogènes (tels quecertains champignons) développent desrésistances. S’attaquer dès maintenant auxautres phénomènes de résistances émergents – notamment aux antifongiques – permettraitde ne pas reproduire les erreurs commises enmatière d’antibiothérapie.

b Mots clés : antibiotique, bactérie, résistance aux

antibiotiques, santé, infection, antibactérien,

phage, épidémie.

Si la FDA a autorisé des produits à base de phages pourun usage en décontamination des chaînes alimentaires,elle n’a pour le moment autorisé aucun produit pour unusage chez l’homme. À l’heure actuelle, en l’absence deproduits agréés sur le marché, la phagothérapie (horspays d’Europe de l’Est) n’est utilisée que ponctuelle-ment dans des cas d’impasses thérapeutiques (usagedit compassionnel(56)), par des médecins aux États-Unis,au Canada, en Australie, en Allemagne, en Belgique ouencore en France. Il demeure cependant un flou juridiquedans ces pays quant à l’utilisation de cette thérapie, quirepose sur la déclaration d’Helsinki(57) sous la seule res-ponsabilité du médecin en accord avec son patient. Parailleurs, un nombre croissant de patients de ces diffé-rents pays se rendent en Géorgie, au centre de la phago-thérapie de Tbilissi, pour recevoir un traitement.

Le champ de la phagothérapie chez l’homme a rapide-ment progressé ces dernières années, mais son dévelop-pement en complément aux antibiotiques nécessitedavantage d’investissements dans des études cliniquessolides chez l’homme, et dans la recherche fondamen-tale sur la biologie des phages.

Le développement de la phagothérapie en France seheurte actuellement à plusieurs obstacles : un statutréglementaire peu clair, l’absence de production enFrance de phages de qualité pharmaceutique certifiée, etle manque de financement des essais cliniques.

Tout d’abord, il serait donc essentiel de clarifier le statutréglementaire de la phagothérapie, en initiant un tel tra-vail au sein de l’Agence française du médicament. Uneclarification du cadre réglementaire permettant l’utili-sation de phages en cas d’impasse thérapeutique seraitégalement nécessaire.

En parallèle, la mise en place d’un programme derecherche sur la phagothérapie en France permettraitd’en évaluer le potentiel thérapeutique. Ce programmedevrait permettre :

b de financer des essais cliniques solides afin d’étu-dier l’innocuité, l’efficacité et le champ d’applicationpotentiel de la phagothérapie ;

b de développer la recherche fondamentale sur la bio-logie des phages et leurs effets sur l’organisme etl’écosystème ;

b de produire des cocktails de phages répondant aux exigences sanitaires actuelles (production aux

normes GMP(58) par un établissement pharmaceutique),afin d’alimenter les essais cliniques et les traitementscompassionnels.

PROPOSITION Clarifier le statut réglementaire de laphagothérapie et mettre en place unprogramme de recherche afin d’évaluer sonpotentiel thérapeutique.

4.2

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Centred’analysestratégiqueLa Note d’analyse n° 299 - novembre 2012 est une publication du Centre d’analyse stratégiqueDirecteur de la publication : Vincent Chriqui, directeur généralDirecteur de la rédaction : Hervé Monange, directeur général adjointSecrétaires de rédaction : Delphine GorgesValérie SennéDépôt légal : novembre 2012N° ISSN : 1760-5733

Contact presse :

Jean-Michel Roullé, responsable de la communication01 42 75 61 37 / 06 46 55 38 [email protected]

Centre d’analyse stratégique - 18, rue de Mart ignac - 75700 Paris SP 07 - Tél. 01 42 75 60 00 - [email protected]

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Le Centre d'analyse stratégique est une institution d'expertise et d'aide à la décision placée auprès du Premier ministre. Il a pour mission d'éclairer le gouvernement dans la définition et la mise en œuvre de ses orientations stratégiques en matière économique, sociale, environnementale et technologique. Il préfigure, à la demande du Premier ministre, les principales réformes gouvernementales. Il mène par ailleurs, de sa propre initiative, des études et analyses dans lecadre d'un programme de travail annuel. Il s'appuie sur un comité d'orientation qui comprend onze membres, dont deux députés et deux sénateurs et un membre du Conseil économique, social etenvironnemental. Il travaille en réseau avec les principaux conseils d'expertise et de concertationplacés auprès du Premier ministre.

notes d’analyse :

n° 298 g comment mettre le sport au service de la santé des salariés ?(octobre 2012)

n° 297 g l’entrepreneuriat en Francevolet 2 : comment mieux accompagner la prise de risque descréateurs d’entreprise ? (octobre 2012)

n° 296 g l’entrepreneuriat en Francevolet 1 : mythes et réalités en comparaison internationale(octobre 2012)

n° 295 g le dispositif médical innovant. attractivité de la Franceet développement de la filière (octobre 2012)

n° 294 g Désunion et paternité (octobre 2012)

n° 293 g l’individualisation dans les politiques de l’emploi : quels effetsdes chèques, comptes et contrats ? (octobre 2012)

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