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Résistantes pour la Terre

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great book! Super livre!

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Afrique du Sud

Madagascar

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Le charbon, mort noire de la Somalie

15 septembre. Je suis à bord d’un avion de sept places en vol vers le Punt-land, une région conflic-tuelle au nord-est de la Somalie. Entre mer et montagnes, l’arrivée est magnifique. Sur le tarmac, première image de Fatima : un sourire merveilleux sous un immense chapeau, qui dissipe mes angoisses de venir dans cette région du monde. Pendant dix jours,

je vais traverser le pays avec elle sous la protection de gardes armés.

Nous passons notre première soirée dans la maison qu’elle occupe avec Faduma Nour, une femme énergique qui gère les bureaux de Horn Relief, l’association créée par Fatima. Dès le lendemain, je rencontre le reste de l’équipe et nous partons sur le terrain. « Quand j’étais petite, mes parents m’interdisaient de quitter notre hutte de peur que je me perde dans les

Grâce aux digues de Horn Relief, le retour de l’eau.

“Par la promotion

des liens entre

la paix, l’implication des

femmes et la protection des

ressources naturelles, nous

avons pu fournir aux

communautés

les compétences dont elles

avaient besoin

et générer des revenus

durables.”

Pour faire reculer le désert

Carte d’identitéNom : JibrellPrénom : FatimaPays : SomaliePrix Goldman : 2002Profession : Fondatrice de l’association Horn Relief et co-présidente de Sun Solar Cooking.Signe particulier : Naturalisée américaine, n’a pas hésité à revenir chez elle pour aider son pays malgré la guerre.

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permettent de redémarrer des activités agricoles. « Il a fallu organiser des formations pour que les communautés réapprennent à cultiver, une com-pétence qui s’était perdue, » explique Fatima. Au total, près de cent mille structures de ce type par-sèment le paysage, et les familles qui en bénéfi-cient ont vu leur revenu passer de 200 à 4 000 $ par saison ! Seul frein à leur diffusion : la difficulté à trouver les financements. « Les agences interna-tionales ne font pas assez confiance dans les ONGs locales, et ne les écoutent pas assez », déplore Da-vid Hugues, directeur des programmes d’Horn Relief à Nairobi.

Avec l’énergie du soleil

Malgré ces obstacles, Fatima a aussi lancé des projets de « cash for work ». Horn Relief distribue ainsi de petites sommes d’argent aux communau-tés en détresse et les rétribue pour des travaux de développement : digues, points d’eau, réfection de routes…

Un de ses derniers bébés est Sun Fire Coo-king, une entreprise qui diffuse des fours solaires pour remplacer le charbon de bois comme source d’énergie. Avec son équipe, nous visitons un cen-tre de soins où le matériel est ainsi stérilisé, avant de rencontrer des familles qui utilisent ces cuisi-nières solaires : il faut à peine deux minutes pour faire bouillir une casserole d’eau ! La formation des femmes a été un élément essentiel de succès du projet. Infatigable, Fatima me parle de sa der-nière idée : reconstruire une jetée, une pêcherie et une usine de thon détruites par un raz-de-marée, sous forme coopérative, pour donner du travail aux pêcheurs. Nous terminons par une visite à la tante de Fatima, qui à 90 ans garde un rire com-municatif. C’est déjà ma dernière soirée au Punt-land, je suis triste de partir. Triste, mais confiant puisque grâce à Fatima et son équipe, l’espoir exis-te en Somalie. n

hautes herbes, habitat des lions, explique Fati-ma. Quand je suis rentrée au Puntland après mes études aux États-Unis, les hautes herbes – et les lions – avaient disparu. Mon premier combat a été contre la déforestation due à la production de charbon de bois. » Or noir ou mort noire de Somalie, ce charbon de bois ex-porté se négocie jusqu’à 10 $ le sac, surtout s’il provient du Sanaag, où il est fabriqué à partir d’acacias plusieurs fois centenaires. Comble de l’absurde, c’est l’Arabie Saoudite qui en consom-mait le plus ! Au lieu de nourrir le bétail, la vé-gétation a servi de combustible pour préparer le charbon. Dans le même temps, la sécheresse et les conflits ont dévasté les zones rurales. Or l’absence d’arbres renforce l’effet des sécheres-ses. Le sol nu, compacté par la chaleur, n’ab-sorbe plus l’eau qui ruisselle, emporte la couche de terre fertile, et crée des ravines où dégringole le peu de végétation restante.

Au pays des 100 000 digues

Dès 2000, Fatima organise une marche pacifi-que contre ce désastre, et obtient l’interdiction des exportations de charbon de bois par le gouverne-ment du Puntland. Il lui fallut aussi mobiliser les communautés contre la « guerre du charbon » : en 2007, des éleveurs du Sanaag se sont regroupés et armés pour repousser des bandes de pilleurs de bois. Sans se soucier de son statut de femme, Fa-tima sait entraîner les chefs de clan. Amusé, je la verrai un jour pousser un coup de gueule contre trois gros bras penauds, qui avaient oublié d’arro-ser une parcelle cultivée…

Car pour faire revenir l’eau, il ne suffit pas de protéger les arbres. Pour créer un cercle vertueux, Fatima et son équipe aident les communautés à construire des digues de pierre qui stoppent le ruissellement, comblent les ravins et permettent à la végétation de se reconstituer. Ces points d’eau

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Four solaire dans une maison traditionnelle.

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1- Arbres déracinés par le ruissellement et l’érosion.

2- SANS LÉGENDE.

3- SANS LÉGENDE.

4- SANS LÉGENDE.

5- Une des cent mille digues construites avec l’aide d’Horn Relief.

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1- SANS LÉGENDE

2- À Eldofar, grâce à une pompe à énergie solaire, on cultive des salades

dans le désert.

2- Fatima et les fours solaires de Sun Fire Cooking

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Rwanda, la paix retrouvée

3 octobre. Le long de la route qui me mène vers le Nord du Rwanda et ses volcans, les feuilles dente-lées des bananiers oscillent dans le vent. Sous un ciel d’azur, le vert et le jaune se mêlent au rouge flamboyant de la terre. Je tombe sous le charme du pays des Mille Collines.

Retour en arrière. En 1994, la famille d’Eugène Rutagarama est massacrée

dans le génocide qui a vu périr 800 000 Rwandais, en majorité Tutsi, en à peine trois mois. Accablé par l’émotion, il me parlera de la difficulté de par-donner, de l’urgence à y parvenir… Avoir survécu lui a donné la volonté de reconstruire et le courage de travailler sans relâche. Et quel travail ! Eugène a risqué sa vie pour sauver les derniers gorilles de montagne. Il a restructuré le système affaibli des parcs nationaux et reconstruit l’écotourisme. Dans une des zones les plus conflictuelles d’Afrique, il a

Pour les derniers gorilles

des montagnes

Gorille des montagne, (Gorilla beringei beringei)

jeune femelle .

Carte d’identitéNom : RutagaramaPrénom : EugènePays : RwandaPrix Goldman : 2001Profession : Biologiste, Directeur de l’IGCP, International Gorilla Conservation Program.Signe particulier : A perdu une grande partie de sa famille dans le génocide rwandais.

“Après un désastre

humain aussi terrifiant

que le génocide,

un combat commun pour

protéger quelque chose

de précieux que nous

partageons tous, comme

notre environnement,

peut aider

à reconstruire

une société dévastée.”

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liers de réfugiés se voient refuser un lopin de terre ? Travaillant avec les anciens gardes des parcs, Eugène passera des heures à convaincre la population locale, le gouvernement et les mili-taires de la nécessité écologique et économique des parcs. Et ce au risque de sa vie : attaques de milices ou de braconniers, les embuscades sont fréquentes. « Notre travail a consisté à soutenir le personnel, pour qu’il puisse travailler en di-minuant les risques. » Un travail finalement « plus politique que technique ».

Assurer l’avenir grâce au tourisme

Petit à petit, ses efforts payent. En 2001, la po-pulation des gorilles est officiellement déclarée en augmentation. Une victoire fragile : dans un pays aussi pauvre, il faut construire une vision « qui ré-concilie la nécessité de préserver les ressources naturelles avec les préoccupations des commu-nautés locales. » Le tourisme y occupe une place de choix. Troisième source de devises du pays, il permet de financer le fonctionnement du Parc. Les visiteurs payent jusqu’à 1 000 dollars pour une heure avec les gorilles. Le Parc affiche pourtant complet : c’est le seul endroit du monde où l’on puisse voir les gorilles de montagne. Des projets de développement choisis avec les villageois – api-culture, adduction d’eau – améliorent leurs condi-tions de vie et réduisent la nécessité de pénétrer dans le Parc.

Eugène m’explique finalement que sa plus grande fierté, c’est d’avoir redonné une place aux Africains dans ce travail crucial. Il prépare l’avenir grâce à un programme de formation, et a même réussi à faire signer un plan stratégique transfron-talier par les Ministres de l’Environnement du Rwanda, de l’Ouganda et de la République Dé-mocratique du Congo. Plus que jamais, c’est dans la jungle des Hommes que se décide le sort des paisibles gorilles. n

fait travailler ensemble tous les acteurs concernés, y compris les communautés voisines du parc. Pro-tégée de la folie des Hommes, la population de gorilles recommence à croître.

Gorilles dans la brume

C’est de son enfance qu’Eugène tire sa sensibi-lité pour la nature. Il me raconte les récits de son père, suite à ses trajets au cœur de la forêt de Nyungwe… des histoires merveilleuses, peuplées d’animaux sauvages. La réalité sera plus brutale. Obligé de fuir au Burundi lors des troubles de 1973, il y étudie la biologie avant de revenir dans son pays. Dès 1990, il travaille au sein du Centre de Recherches Karisoke, fondé par Diane Fossey, l’auteur de Gorilles dans la brume, assassinée en 1985. Le Centre est niché au sein du Parc Natio-nal des Volcans, qui abrite 380 gorilles de monta-gne (Gorilla beringei beringei) sur les 784 survi-vants que compte aujourd’hui cette espèce hautement menacée.

Mais Eugène est alors accusé de coopérer avec les rebelles et se retrouve en prison, contraint de creuser sa propre tombe… Libéré dans un assaut du Front Patriotique Rwandais, il se réfugie au Burundi. Il reviendra pourtant dans son pays, où il sera nommé directeur adjoint de l’Office Rwan-dais du Tourisme et des Parcs Nationaux. Sa mis-sion, quasi impossible : redonner vie au système des parcs. « La majeure partie du personnel avait été tuée ou avait fui pendant le génocide. Et sur-tout, le gouvernement devait faire face au retour des réfugiés de la guerre. Nous avons dû nous as-surer que les parcs ne seraient pas sacrifiés. »

Agriculture de subsistance, abattage de bois pour la construction et le chauffage, culture du cannabis, incendies : les gorilles de montagne voient leur habitat disparaître. Mais comment convaincre le pays de protéger 10 % du terri-toire national, alors que des centaines de mil-

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Sur les flancs du volcan Bisoké.

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1- Kigali, capitale du Rwanda, très densément peuplée.

2 et 3- Sur les flancs du volcans Bisoké.

4- Gorille dominant du groupe, « dos argenté ».

5- gorille, jeune mâle.

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1- Entrée du Parc National des Volcans.

2- Parc National des Volcans, guides et rangers.

3- Travaux agricoles dans les champs limitrophes du parc.

4- Briqueteries traditionnelles.

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