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Histoire & Traditions - www.roca-fortis.com - page 1 / 11 Synthèse des recherches d'archives L'adduction d'eau de Rochefort de 1808 à 1930 Edition Georges Mathon - mise à jour le 17/09/2003 1807 A une période où Napoléon conqué- rant de l'Europe ne pense qu'à la grandeur de son Empire un petit village du midi de la France n'a pas d'eau pour faire boire ses bestiaux. Le maire de Rochefort pleure pour obtenir des fonds pour assurer l'alimentation en eau de sa commune, l'extrait ci- dessous est éloquent «Le dit maire a exposé qu'il serait de la plus grande utilité de prendre tous les moyens possibles pour se procurer de l'eau, qui est toujours si rare dans ce pays, surtout en été, qu'il ne s'en trouve pas pour abreuver les bestiaux, et qu'on est obligé d'aller les abreuver à plus de cents lieux...» Dans son projet la commune prévoit de creuser une tranchée ou un tunnel de la place (qui est maintenant la place du lavoir) à la source de Pousqueyras, (actuellement le puits couvert de la rue Frédéric Mistral situé en face la maison de M. Boucher et entre les deux plata- nes), il est prévu en outre si les fouilles rencontrent, au cours des travaux, des sources suffisantes d'arrêter de creu- ser. Aucun document ne me permet d'élaborer une hypothèse mais il est certain que le projet d'atteindre Pous- queyras n'a pas abouti, ils se sont cer- tainement arrêtés en route. Ce projet sera réalisé intégralement en 1855 lors de la construction du lavoir. Jusqu'en l'an 1874, date de mise en service de l'aqueduc de Vaujus, l'ap- provisionnement en eau est chaotique. Au gré des sécheresses, plusieurs sources sont captées simultanément sur les coteaux de Vaujus. 1818 Un premier projet d'adduction d'eau à partir de la source de Vaujus est envi- sagé. Un ingénieur chargé par le Pré- fet de réduire le coût de ce projet jugé trop onéreux, décide, après un examen d'une semaine, de charcuter le travail de l'architecte Durand, fruit de plu- sieurs mois d'études. Ce rapport fan- taisiste retardera le chantier, l'archi- tecte reverra sa copie, et la canalisa- tion passera tout de même par le sou- terrain de Paterne, supprimé dans pro- jet administratif, par ce que trop coû- teux. 1821 En 1821 c'est la fin de grands travaux d'adduction d'eau. Une canalisation des sources de Vaujus au cœur du vil- lage est enfin opérationnelle. L'unique fontaine se trouve devant la maison commune. Le fronton de cette dernière est encore là pour en marquer l'empla-

Synthèse des recherches d'archives L'adduction d'eau … · Cette dernière supporte une poulie. Il est prévu d'ajouter une deuxième pou-lie. A certaines heures il y a de l'af-fluence

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Synthèse des recherches

d'archives

L'adduction d'eau de

Rochefort

de 1808 à 1930

Edition Georges Mathon - mise à jour le 17/09/2003

1807

A une période où Napoléon conqué-rant de l'Europe ne pense qu'à la grandeur de son Empire un petit village du midi de la France n'a pas d'eau pour faire boire ses bestiaux. Le maire de Rochefort pleure pour obtenir des fonds pour assurer l'alimentation en eau de sa commune, l'extrait ci-dessous est éloquent

«Le dit maire a exposé qu'il serait de la plus grande utilité de prendre tous les moyens possibles pour se procurer de l'eau, qui est toujours si rare dans ce pays, surtout en été, qu'il ne s'en trouve pas pour abreuver les bestiaux, et qu'on est obligé d'aller les abreuver à plus de cents lieux...»

Dans son projet la commune prévoit de creuser une tranchée ou un tunnel de la place (qui est maintenant la place du lavoir) à la source de Pousqueyras, (actuellement le puits couvert de la rue Frédéric Mistral situé en face la maison de M. Boucher et entre les deux plata-nes), il est prévu en outre si les fouilles rencontrent, au cours des travaux, des sources suffisantes d'arrêter de creu-ser. Aucun document ne me permet d'élaborer une hypothèse mais il est certain que le projet d'atteindre Pous-queyras n'a pas abouti, ils se sont cer-tainement arrêtés en route. Ce projet

sera réalisé intégralement en 1855 lors de la construction du lavoir.

Jusqu'en l'an 1874, date de mise en service de l'aqueduc de Vaujus, l'ap-provisionnement en eau est chaotique. Au gré des sécheresses, plusieurs sources sont captées simultanément sur les coteaux de Vaujus.

1818

Un premier projet d'adduction d'eau à partir de la source de Vaujus est envi-sagé. Un ingénieur chargé par le Pré-fet de réduire le coût de ce projet jugé trop onéreux, décide, après un examen d'une semaine, de charcuter le travail de l'architecte Durand, fruit de plu-sieurs mois d'études. Ce rapport fan-taisiste retardera le chantier, l'archi-tecte reverra sa copie, et la canalisa-tion passera tout de même par le sou-terrain de Paterne, supprimé dans pro-jet administratif, par ce que trop coû-teux.

1821

En 1821 c'est la fin de grands travaux d'adduction d'eau. Une canalisation des sources de Vaujus au cœur du vil-lage est enfin opérationnelle. L'unique fontaine se trouve devant la maison commune. Le fronton de cette dernière est encore là pour en marquer l'empla-

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cement. Lors de la visite de réception par l'ingénieur, une intéressante des-cription du réseau nous donne un éclairage neuf sur l'utilité du souterrain de Parterne, Ce dernier servait de passage à la conduite tout simplement.

Fontaine de la mairie

1828

L'air et l'eau sont des fluides, leur énergie sert à faire tourner les moulins, c'est pour cela que l'on trouve le dos-sier des moulins à vent sous cette ru-brique. Le 3 avril 1828 la construction d'un troisième moulin à vent est envi-sagée, le moulin des aires. Les deux autres moulins, celui de la garrigue et celui de la roque de la route de Saze (qui n'existe plus) ne suffisent pas à moudre le blé récolté par les Rochefor-tais. Il faut faire moudre le grain dans les environs. Avec le soutien du maire, deux Rochefortais, Miraman et Vellay, vont construire cet édifice.

1831

Projet de construction d'un puits com-munal au quartier de Pousqueyras, il sera terminé le 28 septembre 1838. Ce dernier figure déjà sur le cadastre de 1836, il est actuellement devant la poste.

1839

Une description du puits communal de Pousqueyras, situé dans la rue en face la mairie, nous est donnée à l'occasion de petits travaux. Il possède une mar-gelle surmontée d'une ossature en fer. Cette dernière supporte une poulie. Il est prévu d'ajouter une deuxième pou-lie. A certaines heures il y a de l'af-fluence autour de l'unique seau com-munal, de plus, il est prévu d'installer trois grandes piles pour la lessive.

1855

Le 5 novembre 1855 est dressé le plan d'une conduite entre l'autre puits (puits couvert en face la maison Roux.) et un nouveau lavoir en construction. (ac-tuel) Une prise d'eau dans ce puits à trois mètres vingt cinq centimètres de profondeur permettra une alimentation gravitère. La tranchée à ciel ouvert ou en tunnel, cela au grès de l'entrepre-neur, restera ouverte jusqu'au moment de l'épreuve finale de la canalisation à une pression de cinq atmosphères. Le puits de la source à l'époque ouvert sera voûté en pierre de taille et au mi-lieu de cette voûte sera laissé une ou-verture de 60 cm carré, fermé par une dalle mobile en pierre dure de 10 cen-timètres d'épaisseur armée de deux forts anneaux en fer le tout sera recou-vert par une chape en béton de qua-torze d'épaisseur à quarante centimè-tres en dessous du sol de la rue.

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débouché du souterrain lavoir

Les restes de ces travaux sont encore présents dans le sous-sol de Roche-fort. Une légende courrait dans ma jeunesse : «un tunnel mystérieux dont le départ était derrière le lavoir, allait jusqu'à No-tre Dame selon les uns ou bien au Castellas selon les autres» En fait ce dernier existe, l'origine ne fait plus de doute, c'est tout simple-ment un aqueduc souterrain qui per-mettait d'alimenter le lavoir à partir de la source du Pousqueyras, plus sim-plement le premier puits couvert de la rue Frédéric Mistral.

Puits communal de Pousqueyras

Une autre révélation sur ce projet de 1855, le monument du puits communal de la rue Frédéric Mistral, trônait sur la place, dite du lavoir, sur un puits pro-bablement stérile, d'où là cause de son déplacement.

En remplacement d'un ancien lavoir qui datait de 1807, un lavoir à deux bassins sera construit, les murs seront en pierre de taille des carrières de Castillon de 45 cm d'épaisseur et 55 cm de hauteur, y compris les pierres de recouvrement qui seront en pierre dure de St Gervais ou de Tavel, tail-lées en pente et à rebord intérieur.

Douze colonnes de l'ordre Paestum supporteront la couverture, décidément on aime le style néo-grec sous le se-cond empire. La toiture de ce lavoir se-ra supportée par une charpente as-semblée en pavillon c'est à dire repo-sant sur douze colonnes de l'ordre Paestum.

Les bois de charpente seront en sapin écaris à visse arrêtées et franches as-semblées à tenons et mortaises, bou-lonnées aux angles et aux pignons. Les fermes maîtresses seront exécu-tées avec des pièces de bois de 30 cm

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en carré, ainsi que les arbalétriers poinçons arretiers, les pannes et sa-blières auront 22 cm au carré et les clavettes qui seront aussi à arrête vi-ces et franches auront 8 cm largeur et neuf de hauteur. Sur ces clavettes se-ront placées des briques dites de cou-vert recevant la couverture composée d'un double rang de tuiles dont tout, gorges que couvertes seront noyées complètement dans le mortier hydrau-lique et se recouvriront de un tiers de leur longueur. Les tuiles d'acrins et ar-retiers seront du grand moule. Les cla-vettes seront fixées par des fortes fi-ches en fer et les pannes reposeront à la rencontre des arretiers de la toiture sur de forts étriers en fer fixés sur les dits arretiers avec solidité. Les vides laissés entre les gros bouts des tuiles de toiture n'excèderont pas deux cen-timètres. Ceux d'acrins et arretiers se-ront du grand moule.

Charpente du lavoir

Ce lavoir existe encore de nos jours, préservé, et magnifiquement restauré par une précédente municipalité, il ne lui manque plus que la parole ou plutôt le doux bruit de l'eau qui coule.

1857

La conduite d'eau est régulièrement réparée toutefois dans les années 1850 elle sera négligée pour une rai-son surprenante de nos jours. La cons-truction d'une église absorbe toutes les

finances de la commune. Les élus de l'époque ont privilégié l'eau du bénitier à l'eau de la fontaine. L'architecte dans son descriptif ci-dessous n'a pas man-qué d'égratigner les municipalités pré-cédentes.

«La vieille fontaine de Rochefort située au milieu du village qu'alimentaient les sources de Vaujus distante d'environ 1400 mètres a cessé de couler depuis plus de 6 mois. Cet état de chose d'ail-leurs si regrettable est du à la détério-ration complète de la conduite en pote-rie. Les ressources municipales absorbées par la construction récente de l'église n'avaient pas permis à la commune de porter des soins vers cette conduite.»

Cette canalisation fera l'objet de répa-rations et de modifications constantes. Il ne se passera pas plus d'une décen-nie sans que des travaux soient enga-gés. Le diamètre prévu dans ce dernier projet est de 80 mm, par la suite il pas-sera à 100 mm, 150 (partiel fonte) en 1920 et plus tard en 1930 à 200 mm. (partiel ciment armé)

La canalisation de service, qui relie la fontaine principale au lavoir est en 1874 de 35 mm. Sur un plan daté de 1930 elle est côté 100 mm.

1858

Dans un premier projet le Maire Vala-dier avec son conseil décide d'ériger une statue du Comte Raymond, bien-faiteur de la commune sur la fontaine de la place. Après mûre réflexion M. le Maire a été amené à penser que la demande en autorisation auprès du gouvernement pour l'érection de cette statue entraînerait des longueurs pré-judiciables aux habitants manquant d'eau depuis longtemps et désireux de jouir de cette fontaine à brefs délais. Il propose de substituer sur cette fon-

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taine un autre sujet allégorique dont le plan a été dressé par l'architecte Bè-gue. Malgré cette décision, du 26 sep-tembre 1858, empreinte de sagesse l'administration égale à elle-même y trouvera à redire. La culture et le ré-gionalisme de nos élus, rochefortais, nous surprend agréablement.

1859

Avant la construction de la première fontaine de la place en 1859, Roche-fort en possédait une, située devant la maison commune. Dans le cadre de mes recherches actuelles je suppose qu'il y en avait une seconde à côté du lavoir, alimentée au début par Pous-queyras (puits couvert Roux) et ensuite par la fontaine de la place avec une conduite de 35 mm.

En 1859, le conseil municipal poursuit son projet de construction d'une fon-taine monumentale sur la place du vil-lage, au cours d'une longue procédure administrative pour réunir toutes les autorisations, un rond de cuir décide de refuser le projet, en voici l'extrait:

«Ce nouveau projet dressé sous la date du 8 janvier 1859 et approuvé par le conseil municipal de Rochefort le 6 février 1859 manque complètement de goût. Je ne puis en conséquence, Monsieur le Sous Préfet que vous renvoyer le dossier de cette affaire avec les plans et devis non approuvés. »

Le village est alimenté par la source de Vaujus qui a une fâcheuse tendance à se tarir en été, pour remédier à ces dif-férences de débit, le maire de l'épo-que, décide avec son conseil, le 12 décembre 1859, d'aller chercher l'eau au cœur de la nappe phréatique de Sygnargues. Le percement d'un aque-duc souterrain est envisagé, mais il

faudra attendre quinze ans pour que cette oeuvre colossale soit réalisée.

1860

Un plan est dressé par M. Bègue archi-tecte à Uzès pour réaliser cet aqueduc. Les formalités prennent du temps (8 ans). Deux propriétaires refusent de signer l'accord du droit de passage, mais l'administration passera outre.

En vue d'augmenter la quantité d'eau captée à Vaujus, provisoirement, une solution d'attente est réalisée. Une source découverte à 150 mètres de l'ancienne source de Vaujus est cap-tée, elle doublera le débit de la conduite en été.

1861

La fontaine sera réalisée et le 3 avril 1861 il est décidé d'en paver le tour avec des galets. La terre battue de la place se gorge d'eau et devient boueuse, en hiver ce mélange devient un véritable piège.

Par la suite, entre les deux guerres des paravents en tôle viendront assurer une protection somme toute illusoire aux écoulements d'eaux. Il n'y a qu'à

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regarder les photos réalisées pendant les gros hivers des années 40, on y aperçoit d'énormes chandelles.

1867

Après huit ans de formalités adminis-tratives le projet de percement de l'aqueduc de Signargues et en bonne voix. Un descriptif précis des travaux nous éclaire sur la façon dont ces der-niers se sont réalisés. A partir de Vau-jus, 700 mètres sont percés en tunnel, les derniers 200 mètres sont réalisés à ciel ouvert. Trois puits, creusés à inter-valle, permettront d'évacuer les rem-blais. Ces derniers seront étendus sur les terrains communaux et sur un chemin, marqués par les lettres A et B sur le plan. Ce plan est publié avec les numéros des parcelles et les noms des propriétaires. M. Bègue, architecte du projet, prévoit six mois pour sa réalisation, en réalité il a fallu 6 ans, dans cette histoire le plus incompétent n'est pas celui que l'on croit. Il est plus facile de réaliser un ouvrage avec une plume plutôt qu'avec une pioche !!!

1869

Les travaux de percement du souter-rain de Signargues marquent le pas. Les habitants du village n'ont pas en-vie de passer un nouvel été sans eau, le 3 février 1869, le directeur des tra-vaux public fait un constat impitoyable. Extrait de sa déclaration, il dénonce le maçon de Rochefort qui a pris l'adjudi-cation des travaux :

« Par son manque de prévoyance et son incapacité plusieurs malheurs étaient arrivés dans la galerie, d'abord lui Marquis s'enterra dans un éboule-ment, et un autre ouvrier eut le même sort et enfin un troisième ouvrier se tuait.

C'était alors vers la fin août, personne ne voulait plus travailler dans cette ga-lerie, vu le peu de précaution que Mar-quis prenait de ses cintres et de ses étançonnements, au point qu'il réduisit son chantier à quatre ouvriers et des plus incapables, qu'il maintenait là, pour que l'on ne puisse pas dire qu'il avait totalement quitté le chantier, enfin M. Marquis était complètement décou-ragé... »

Source de Vaujus

Les quelques initiés qui ont visité le tunnel se demandent bien pourquoi il serpente, ce n'était qu'une fantaisie, résultat de l'incompétence du premier maçon.

Notre cher directeur des travaux, M. Bègue nous sort alors un nouvel en-trepreneur de son chapeau, le nommé Denoos, tous les problèmes devaient être réglés par sa seule compétence. Mais les problèmes s'accumuleront encore et l'eau ne sera pas là cet été et il faudra en passer 6 pour avoir la satisfaction de voir couler abondam-ment la fontaine. Le délai de réalisation donné dans le cahier de charge était de 6 mois, les travaux dureront 6 ans, bravo à l'architecte M. Bègue d'Uzès, pour des raisons inconnues à ce jour, ce dernier n'a pas suivit les travaux jusqu'a la fin, il a été remplacé par un autre architecte originaire d'Orange. C'est ce dernier qui apportera des mo-difications en 1874 à la fontaine princi-pale, initialement mal calculé, un déni-velé insuffisant ne permettait pas

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d'alimenter correctement tous les quar-tiers du village

1873

En 1873 il est décidé de surélever le système de distribution des eaux pour faciliter l'approvisionnement aux diffé-rentes bornes fontaines du village. Une colonne en pierre froide de 2,50 m va-être interposée entre la base et le so-cle fonte de la statue. Dans ce socle un système astucieux de répartition des eaux sera incorporé. Il permet, en outre, de forcer le débit sur un secteur donné du village, en cas d'incendie.

Ex voto à Notre Dame

La peur du feu à Rochefort est vivace, le village commémore par une proces-sion annuelle un miracle que la vierge aurait accompli. Preuve de la vivacité de cette croyance, en 1848, la com-mune réalise une copie du tableau en mauvais état datant de 1745. Ce ta-bleau représente en fond le village en train de brûler et en avant les habitants qui implorent la vierge et l'enfant. Plus récemment, le 9 octobre 1938, une plaque de marbre sera placée pour éviter la perte possible du souvenir.

Une modification du réseau est prévue, une colonne de répartition est cons-truite à l'angle de la cour de l'école des sœurs. Deux départs permettent d'ali-menter, un robinet dans la cuisine des

sœurs, l'autre un robinet dans la cour de l'école des frères.

Colonne de l’école des filles

Les Rochefortais, ne se souviennent plus de l'emplacement de ces écoles, la mémoire collective est amnésique, quand elle le veut bien. Il est des évè-nements que Rochefort a voulu ou-blier. André Laget, instituteur laïque, dans son livre sur l'histoire de Roche-fort, publié en 1909, fait une impasse surprenante sur cet épisode. Je vous en laisse juge:

«La commune possède un cimetière qui devra bientôt être agrandi. Elle possède aussi, comme toutes les communes d'ailleurs, certaines proprié-tés bâties : Une mairie coquette et spacieuse qui peut loger un fonction-naire, deux grands immeubles, servant de maisons d'écoles, l'un ancien «châ-teau» l'autre ancienne filature de soie...»

L'épisode suivant n'a pu passer ina-perçu à notre instituteur. Dans les lo-caux de l'école communale des gar-çons, le 16 octobre 1881 l'adjudication

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du mobilier laissé par les frères de la doctrine chrétienne sera réalisée. Avant d'être laïque, les écoles des garçons et des filles, (filature et châ-teau) seront école des frères et école des sœurs ! ! !

1874

L'administration a pris 8 ans pour initier le commencement des travaux de l'aqueduc de Signargues, il a fallu 6 ans à l'entrepreneur pour les réaliser, des accidents un mort, personne ne voulait rentrer dans ce tunnel maudit, l'épreuve a été dure, et pendant 14 ans la municipalité a du faire preuve d'ima-gination pour assurer de l'eau aux fon-taines. Ce 12 novembre 1874 est une victoire, un petit amour juché sur une fontaine va enfin abreuver à profusion le cœur du village.

C'est bien la fin d'une époque et Ro-chefort ne manquera plus jamais d'eau ou presque, mais cela est une autre histoire.

Fontaine du monument

Dans ce projet il est prévu deux autres fontaines une au Barry et une à la Croix. Cette dernière se trouvait à l'emplacement actuel du monument aux morts. Une carte postale ancienne nous la représente. Et plus ancien en-core, la croix a remplacé un ancien ci-metière. Ce dernier était encore indi-qué sur le cadastre de 1836.

1875

La municipalité continue à développer le réseau d'eau de la commune, une fontaine sera construite sur la place du Barry, contre la maison de Crousier Luc. Il était prévu de l'installer contre la maison de Fauque Hypolite, ancien maire, mais ce dernier s'y oppose d'une manière formelle, cette disposi-tion plus économique, tuyauterie plus courte et dénivelé plus favorable, per-mettait une alimentation depuis la fon-taine du lavoir, mais avec la position plus élevée de la place du Barry, il faut remonter l'alimentation à la colonne de répartition de l'école des sœurs.

Les raisons de la position de l'ancien maire et sa non prise en compte des intérêts de la commune ne peut être jugée à la lecture de ce seul document. Ce dossier nous livre une histoire complexe, cela fera peut-être l'objet d'une autre publication.

Dans ce même document un projet de construction d'un abreuvoir elliptique

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(connu des anciens Rochefortais) est exposé. Cet abreuvoir positionné dans le prolongement du grand axe du lavoir à une distance de 4 ou 5 mètres établi-ra ainsi une certaine symétrie agréable à la vue. Il sera alimenté par les eaux de fuite de la fontaine de la place, son déversoir alimentera le premier bassin du lavoir. Dans ce descriptif il est prévu de démolir un ancien abreuvoir vé-tuste, de forme diagonale, qui coupe la place du lavoir, pour favoriser la circu-lation.

1919

Le 12 novembre 1919 a lieu une adju-dication pour un projet qui prévoit sur 105 mètres de longueur le remplace-ment de l'ancienne conduite par une canalisation formée de tuyaux en fonte de 0,100 de diamètre intérieur. C'est Bertin Langlade entrepreneur à Roche-fort qui prend le chantier pour la somme de 3960 francs.

1929

Projet de réfection de 718 m 50 de la partie supérieure de la conduite de Vaujus, ce tronçon est rénové avec des tuyaux en ciment armé de 200 mm. Ce choix de matériaux sera dommageable par la suite, jusqu'à son remplacement par une conduite en plastique en 1962. Alors que la partie de la conduite inférieure remplacée en 1920 et 1925 par des tuyaux fonte de diamètre 150 ne posera aucun pro-blème, ces tuyaux en béton auront un raccordement défectueux. Dans les années 50 le cantonnier, Guigué, sera obligé de déboucher régulièrement la conduite, des racines attirées par les suintements des joints se développe-ront dans les tuyaux et les obstrueront.

1962

Cette année là, début des travaux d’adduction d’eau dans les maisons, l’ancienne canalisation est totalement remplacée par une tuyauterie en PVC de 75 mm de diamètre. Elle part de Vaujus et se déverse dans deux réser-voirs, nouvellement construits à l’intérieur du Castelas. Pour répondre aux normes sanitaires, un système de javellisation automatique est installé au départ de Vaujus. La capacité totale des réservoirs est de 250 000 litres. Deux années seront nécessaires pour réaliser cet ensemble de travaux. Ce système fonctionnera sans pro-blème jusqu’en 1969. A la fin de l’été, le niveau des réservoirs baisse, les habitations situées sur la partie haute du village ne sont plus alimentées cor-rectement. La distribution est défail-lante, il faut réagir rapidement. Un ancien forage réalisé, il y a plus de 25 ans, situé à mi-parcours du tunnel doit être remis en service.

Un système de pompage provisoire est installé d’urgence. Une motopompe Bernard W. 19, à essence, prêtée par la famille Langlade, est installée à l’intérieur du tunnel à plus de 500 mè-tres de son débouché. Un inconvénient majeur reste ; ce sys-tème de pompage n’a qu’une autono-mie de six heures. Pierre Mathon, élu responsable de l’adduction d’eau du village, va parcourir plusieurs fois par

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jour ce tunnel avec ses bottes, sa lampe de poche, une réserve d’essence, et quelques outils au cas où, et cela pendant plusieurs semai-nes.

Reconstitution - Pierre Mathon dans le tunnel

Les nuits de week-ends, son frère Georges « auteur de cet article » fera le plein au petit matin, en rentrant de boîte, avec costume, cravate… et bot-tes... Une anecdote nous fait sourire quand nous l’évoquons : un jour le tuyau sou-ple d’alimentation du moteur se dé-branche, la réserve d’essence s’écoule dans le tunnel et se mêle à l’eau. Quelle quantité d’essence s’est déversée, un demi-litre, deux litres ? Peu de chose en fait, la presque totali-té s’est évaporée dans le cheminement des cinq cents mètres du ruisseau sou-terrain, quant à la part infime qui pou-

vait rester, elle s’est diluée dans les réservoirs. Mais des Rochefortais avaient un odorat pointu. Ils ont ques-tionné Pierre pour lui demander pour-quoi l’eau avait une d’odeur… Toujours dans l’urgence, l’électricité est installée, une pompe électrique à crapaud remplace la motopompe à es-sence, c’est un système qui permet de pomper de l’eau chargée de sable. Mais ce système provisoire doit du-rer. La nappe de Signargues ne fournit toujours pas naturellement le quota d’eau nécessaire au village.

Le système de pompage trop fragile pour fonctionner en continu doit être remplacé par une pompe à piston avec un débit de 3,5 m3 heure. Par la suite un puits sera réalisé au bout du tunnel et des équipements plus performants seront installés : une pompe centrifuge qui refoule dans une tuyauterie PVC de 63 mm de diamètre et 940 mètres de long posée dans le tunnel. C’est tout bon, Vaujus fournit de l’eau à profusion, mais ce serait trop beau, toute l’eau fournie par la source n’est pas acheminée aux réservoirs. Des spécialistes sont consultés. La tuyaute-rie ne fonctionne pas à son rendement théorique, elle est probablement obs-truée. Un sondage permet de faire un diagnostic impitoyable : du calcaire s’est déposé, le diamètre de passage est réduit à 80%. Pourquoi cela ? Cette canalisation était prévue pour plusieurs décennies, que s’est-il passé ? 1 De multiples raisons ont provoqué ce dépôt de calcaire : - L’eau de Signargues est très dure. - Ajout de chlore au départ. - Oxygénation de l’eau due au non-remplissage de la tuyauterie par la source, pendant plusieurs années le débit de la tuyauterie était supérieur à

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l’approvisionnement, d’où une pré-sence d’air dans cette dernière. La partie haute de la canalisation doit être remplacée. Actuellement (années 2000) cette ca-nalisation est utilisée dans le circuit de distribution, elle alimente les quartiers situés sous Vaujus. Tous ces aléas provoquent une pro-fonde remise en cause du système d’approvisionnement en eau du village par Vaujus. De plus la qualité sanitaire de l’eau est fragile, la couche filtrante est mince (moins de 10 mètres), en surface l’urbanisme fait son apparition. La maîtrise par un POS draconien de la construction n’aurait pas suffit à pré-server la nappe, en effet l’agriculture moderne n’est pas en reste pour pol-luer, avec ses pesticides et ses nitra-tes. Début 1971, un syndicat intercommu-nal d’approvisionnement en eau est créé, une station de pompage est ins-tallée à Aramon, de nouveaux réser-voirs implantés plus hauts, grâce au pompage, vont permettre de desservir

plus largement les parties hautes du territoire, et le Castelas pourra retrou-ver sa vocation de salle de réunion. Le prix du mètre cube a fait la culbute, pourquoi ce choix si coûteux ? Certes l’eau fournie par Signargues était gratuite mais la qualité et la sûreté d’approvisionnement imposent des contraintes inapplicables. Pour conser-ver l’alimentation de Vaujus, il fallait que la population Rochefortaise stagne autour de mille habitants et que les agriculteurs produisent avec des mé-thodes du XIXe siècle en se contentant de fumier et de bouillie bordelaise. Dans les années 70 ces choix restent utopiques, la production écologique n’est pas une alternative possible et le retour des citadins à la campagne de-vient irréversible. Mais après-tout qui acceptait, sincère-ment, ces contraintes…