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www.neur-one.fr [email protected] 1 10/01/2011 SYSTEME NERVEUX ET COMPORTEMENT Pour bien comprendre comment fonctionne le cerveau, il est évident qu'il faut bien connaître l'organisation de ses connexions synaptiques. Ce n'est pas par amour du grec et du latin que l'on en abuse en neuroanatomie ! Les connexions décrites sont précises et spécifiques, et il ne serait pas possible de lire ces lignes s'il n'y avait dans le système nerveux central une très fine cartographie représentée au niveau neuronal, des stimuli lumineux frappant la rétine; autrement comment percevoir ce point d'interrogation ? Pour cela, l'information est transmise au cerveau où elle est distribuée dans de nombreuses parties pour y être analysée, en parfaite synergie avec les neurones moteurs qui contrôlent très précisément les six muscles des deux yeux parcourant cette page. Dans ce type de communication organisée point par point des systèmes sensoriels et moteurs, à la précision anatomique s'ajoutent des mécanismes qui limitent la communication intercellulaire à la synapse, entre la terminaison axonique et sa cible. Le glutamate libéré dans le cortex somatosensoriel n'a évidemment pas pour fonction d'activer les neurones du cortex moteur ! De plus, il faut aussi que la transmission soit assez brève pour permettre une réponse rapide aux nouvelles informations sensorielles qui se succèdent. Aussi, au niveau des synapses, de très petites quantités de neurotransmetteurs sont libérées avec chaque impulsion nerveuse, et ces molécules sont ensuite rapidement détruites par une enzyme ou réabsorbée par les cellules voisines, de façon à permettre la transmission de nouveaux signaux. Les effets postsynaptiques au niveau des récepteurs-canaux sensibles au neurotransmetteur ne durent que le temps où le neurotransmetteur est dans la fente synaptique, quelques millisecondes au plus. À cet égard, de nombreuses terminaisons axonales présentent en plus des «autorécepteurs» présynaptiques qui détectent la concentration de neurotransmetteur dans la fente et en inhibent la libération si la concentration devient trop élevée. Par ces mécanismes, ce type de transmission synaptique est alors fermement circonscrit, dans l'espace et dans le temps. Ces mécanismes parfaitement «câblés» peuvent être quelque peu comparés au système des télécommunications. Les réseaux téléphoniques permettent de communiquer très précisément d'un endroit à l'autre; votre mère, d'où elle se trouve, peut vous appeler là où vous êtes et ne s'adresser qu'à vous pour vous rappeler que son anniversaire était la semaine passée; les lignes téléphoniques sont comparables à des connexions synaptiques précises. Un seul neurone (votre mère) a pour cible un petit nombre de neurones (dans ce cas, vous seulement), son message embarrassant étant seulement destiné à vos oreilles... En réalité, un seul neurone des systèmes moteur et sensoriel influence quelques douzaines à des centaines de cellules avec lesquelles il forme des synapses. Il s'agit alors plutôt d'une véritable conférence téléphonique, mais elle est encore relativement spécifique. Imaginons maintenant que votre mère participe à une émission de télévision diffusée sur une chaîne câblée. Grâce au vaste réseau du câble et de ses connexions, elle pourrait alors s'adresser à des millions de personnes pour leur dire que vous avez oublié son anniversaire, et le message sera délivré à tous les téléspectateurs assis devant leur poste. De la même façon, certains neurones sont en relation avec des centaines de milliers d'autres avec lesquels ils communiquent. Ces systèmes présentant ainsi une organisation très diffuse, ont tendance à agir relativement lentement, à l'échelle de quelques secondes à quelques minutes. En raison de leurs vastes champs d'influence et de la durée de leur action, ces systèmes du cerveau orchestrent des aspects entiers du comportement, depuis le fait de s'endormir, jusqu'à celui de tomber amoureux. Ces systèmes neuronaux sont très bien connus sur le plan neurochimique, et leurs neurotransmetteurs identifiés, à tel point qu'il est possible d'imaginer qu'un grand nombre de troubles du comportement, dont certains sont reconnus comme maladies mentales, résultent spécifiquement de leur dysfonctionnement. INTRODUCTION Dans ce chapitre sont évoqués trois exemples de composantes du système nerveux dont les effets s'exercent à distance et se prolongent dans le temps (Fig. 1), de telle façon qu'ils sont à l'origine de nos comportements. L'une de ces composantes est représentée par une partie de l'hypothalamus: cette région de l'hypothalamus sécrète directement des substances chimiques dans la circulation sanguine, agissant sur toutes les fonctions du cerveau et du corps. Un autre exemple est représenté par le système nerveux autonome (SNA). Il est contrôlé par l'hypothalamus, mais il agit en dehors du système nerveux central (SNC). Par un réseau extensif d'interconnexions dispersées dans tout le corps, le SNA contrôle simultanément les réponses de plusieurs organes internes, des vaisseaux sanguins, et des glandes. La troisième composante fait partie intégrante du SNC et se compose de plusieurs groupes de cellules caractérisées en fonction d'un neurotransmetteur qui leur est propre. Tous ces groupes neuronaux se projettent à distance à travers des axones très divergents et ils ont une durée d'action prolongée, par l'intermédiaire de récepteurs postsynaptiques principalement métabotropiques. Il s'agit des systèmes modulateurs diffus du cerveau, régulateurs possibles, entre autres choses, de l'humeur et du niveau de vigilance.

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SYSTEME NERVEUX ET COMPORTEMENT

Pour bien comprendre comment fonctionne le cerveau, il est évident qu'il faut bien

connaître l'organisation de ses connexions synaptiques. Ce n'est pas par amour du grec et du latin que l'on

en abuse en neuroanatomie ! Les connexions décrites sont précises et spécifiques, et il ne serait pas

possible de lire ces lignes s'il n'y avait dans le système nerveux central une très fine cartographie

représentée au niveau neuronal, des stimuli lumineux frappant la rétine; autrement comment percevoir ce

point d'interrogation ? Pour cela, l'information est transmise au cerveau où elle est distribuée dans de

nombreuses parties pour y être analysée, en parfaite synergie avec les neurones moteurs qui contrôlent très

précisément les six muscles des deux yeux parcourant cette page.

Dans ce type de communication organisée point par point des systèmes sensoriels et

moteurs, à la précision anatomique s'ajoutent des mécanismes qui limitent la communication

intercellulaire à la synapse, entre la terminaison axonique et sa cible. Le glutamate libéré dans le cortex

somatosensoriel n'a évidemment pas pour fonction d'activer les neurones du cortex moteur ! De plus, il

faut aussi que la transmission soit assez brève pour permettre une réponse rapide aux nouvelles

informations sensorielles qui se succèdent. Aussi, au niveau des synapses, de très petites quantités de

neurotransmetteurs sont libérées avec chaque impulsion nerveuse, et ces molécules sont ensuite

rapidement détruites par une enzyme ou réabsorbée par les cellules voisines, de façon à permettre la

transmission de nouveaux signaux. Les effets postsynaptiques au niveau des récepteurs-canaux sensibles

au neurotransmetteur ne durent que le temps où le neurotransmetteur est dans la fente synaptique,

quelques millisecondes au plus. À cet égard, de nombreuses terminaisons axonales présentent en plus des

«autorécepteurs» présynaptiques qui détectent la concentration de neurotransmetteur dans la fente et en

inhibent la libération si la concentration devient trop élevée. Par ces mécanismes, ce type de transmission

synaptique est alors fermement circonscrit, dans l'espace et dans le temps.

Ces mécanismes parfaitement «câblés» peuvent être quelque peu comparés au système

des télécommunications. Les réseaux téléphoniques permettent de communiquer très précisément d'un

endroit à l'autre; votre mère, d'où elle se trouve, peut vous appeler là où vous êtes et ne s'adresser qu'à

vous pour vous rappeler que son anniversaire était la semaine passée; les lignes téléphoniques sont

comparables à des connexions synaptiques précises. Un seul neurone (votre mère) a pour cible un petit

nombre de neurones (dans ce cas, vous seulement), son message embarrassant étant seulement destiné à

vos oreilles... En réalité, un seul neurone des systèmes moteur et sensoriel influence quelques douzaines à

des centaines de cellules avec lesquelles il forme des synapses. Il s'agit alors plutôt d'une véritable

conférence téléphonique, mais elle est encore relativement spécifique.

Imaginons maintenant que votre mère participe à une émission de télévision diffusée sur

une chaîne câblée. Grâce au vaste réseau du câble et de ses connexions, elle pourrait alors s'adresser à des

millions de personnes pour leur dire que vous avez oublié son anniversaire, et le message sera délivré à

tous les téléspectateurs assis devant leur poste. De la même façon, certains neurones sont en relation avec

des centaines de milliers d'autres avec lesquels ils communiquent. Ces systèmes présentant ainsi une

organisation très diffuse, ont tendance à agir relativement lentement, à l'échelle de quelques secondes à

quelques minutes. En raison de leurs vastes champs d'influence et de la durée de leur action, ces systèmes

du cerveau orchestrent des aspects entiers du comportement, depuis le fait de s'endormir, jusqu'à celui de

tomber amoureux. Ces systèmes neuronaux sont très bien connus sur le plan neurochimique, et leurs

neurotransmetteurs identifiés, à tel point qu'il est possible d'imaginer qu'un grand nombre de troubles du

comportement, dont certains sont reconnus comme maladies mentales, résultent spécifiquement de leur

dysfonctionnement.

INTRODUCTION

Dans ce chapitre sont évoqués trois exemples de composantes du système nerveux dont les effets s'exercent à distance et se prolongent dans le temps (Fig. 1), de telle façon qu'ils sont à l'origine de nos comportements.

L'une de ces composantes est représentée par une partie de l'hypothalamus: cette région de l'hypothalamus sécrète

directement des substances chimiques dans la circulation sanguine, agissant sur toutes les fonctions du cerveau et du

corps. Un autre exemple est représenté par le système nerveux autonome (SNA). Il est contrôlé par l'hypothalamus, mais il agit

en dehors du système nerveux central (SNC). Par un réseau extensif d'interconnexions dispersées dans tout le corps, le

SNA contrôle simultanément les réponses de plusieurs organes internes, des vaisseaux sanguins, et des glandes.

La troisième composante fait partie intégrante du SNC et se compose de plusieurs groupes de cellules caractérisées en fonction d'un neurotransmetteur qui leur est propre. Tous ces groupes neuronaux se projettent à distance à travers des

axones très divergents et ils ont une durée d'action prolongée, par l'intermédiaire de récepteurs postsynaptiques

principalement métabotropiques. Il s'agit des systèmes modulateurs diffus du cerveau, régulateurs possibles, entre autres

choses, de l'humeur et du niveau de vigilance.

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Fig. 1 - Différents types de communication dans le système nerveux

(a) La plupart des systèmes neuronaux sont de type très organisés anatomiquement, avec à l'extrême une relation point par point. Le fonctionnement de ces systèmes neuronaux requiert une activation synaptique localisée avec précision, et un mode de communication synaptique rapide et efficace. Au contraire, les trois autres systèmes illustrés ci-dessus agissent de façon beaucoup plus diffuse, sur des distances quelquefois considérables, et avec des signaux générant des réponses de longue durée, (b) Certains neurones de l'hypothalamus agissent sur leur cible en libérant une hormone directement dans la circulation sanguine, (c) Les réseaux de neurones interconnectés du système nerveux autonome peuvent agir de façon synergique pour affecter l'ensemble de l'organisme, d) Les systèmes modulateurs diffus présentent des connexions très divergentes, leur permettant d'influencer simultanément des populations de neurones cibles considérables.

A - HYPOTHALAMUS

L'hypothalamus est situé sous le thalamus, le long des parois du troisième ventricule. Il est relié à l'hypophyse, suspendue à la base du

cerveau, au dessus de la voûte représentant le palais de la bouche, par la tige pituitaire (Fig. 2 et 3). Bien que ce petit groupe de noyaux ne représente que 1 % de la masse du cerveau, son influence sur la physiologie de l'organisme est immense. Il est ainsi nécessaire d'aborder

quelques éléments de l'anatomie de l'hypothalamus, puis on insistera sur certaines des voies par lesquelles il exerce sa puissante influence.

ORGANISATION ANATOMIQUE DE L'HYPOTHALAMUS

L'hypothalamus est adjacent au thalamus dorsal, mais leurs fonctions sont très différentes. La partie dorsale du thalamus se trouve sur le trajet des voies sensorielles, typiquement organisées selon un mode point par point, qui se terminent dans le néocortex. Par voie de

conséquence, la destruction d'une zone localisée du thalamus dorsal peut provoquer un petit déficit sensoriel ou moteur: une petite tâche aveugle,

ou un manque de sensibilité à un endroit précis de la peau. En revanche, l'hypothalamus intervient pour intégrer les réponses motrices viscérales

et somatiques en fonction des besoins du cerveau. Une petite lésion de l'hypothalamus peut ainsi produire des désorganisations dramatiques et quelquefois fatales de l'une ou l'autre des multiples fonctions de l'organisme.

Homéostasie.

La vie a ses contraintes. Chez les mammifères, cela se manifeste entre autre par une faible variation de la température du corps et de la

composition du sang. L'hypothalamus contrôle ces niveaux en fonction des fluctuations de l'environnement de l'individu. Ce processus de régulation s'appelle l'homéostasie, correspondant au maintien de conditions internes constantes pour des conditions externes variables.

Considérons la thermorégulation. Dans de nombreuses cellules du corps, les réactions biochimiques sont précisément programmées

pour survenir à 37°C Une variation supérieure à quelques degrés de plus ou de moins peut ainsi avoir des conséquences dramatiques. Dans

l'hypothalamus, des cellules sensibles à la température détectent les variations de la température du cerveau, et orchestrent les réponses

appropriées.

Par exemple, si le corps est exposé sans protection au froid et à la neige, l'hypothalamus donne des ordres qui se

traduisent par des frissons (pour générer de la chaleur dans les muscles), un aspect de chair de poule sur la peau (tentative

futile de faire dresser sur la peau une fourrure inexistante, le reste d'un réflexe de nos lointains ancêtres poilus), et la couleur bleu de la peau (le sang se retire de la périphérie glacée pour maintenir la chaleur de l'intérieur, plus sensible, du

corps). En revanche, avec un excès d'exercice sous les tropiques, l'hypothalamus active des mécanismes de déperdition de

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chaleur qui font rougir le visage (le sang est ramené à la périphérie pour que la chaleur se dissipe à l'extérieur) ainsi que

la transpiration (pour rafraîchir la peau par évaporation). Parmi d'autres exemples d'homéostasie, les plus remarquables concernent la régulation extrêmement précise du volume

sanguin, de sa pression, de sa salinité, de son acidité, comme du niveau d'oxygène et des concentrations de glucose.

Toutes ces fonctions de l'hypothalamus s'exercent par des voies très diverses.

Fig. 2 – L'hypothalamus dans le cerveau

Localisation anatomique de l'hypothalamus et de l'hypophyse, (a) Représentations d’une coupe sagittale de cerveau humain, (b) Notez que l'hypothalamus forme la paroi du troisième ventricule et qu'il se situe juste sous le thalamus dorsal. Les lignes en pointillé indiquent les limites approximatives de l'hypothalamus.

Fig. 3 – L'hypothalamus dans le cerveau

Différentes régions de l'hypothalamus. L'hypothalamus est en général subdivisé en trois grandes régions: latérale, médiane et périventriculaire. La région périventriculaire reçoit des afférences des deux autres régions, du tronc cérébral, et du télencéphale. Les cellules neurosécrétrices de la région périventriculaire libèrent des hormones dans la circulation sanguine. Les autres cellules périventriculaires contrôlent le système nerveux autonome.

Structure et connexions de l'hypothalamus

L'hypothalamus peut être divisé en trois parties : latérale, médiane et périventriculaire (Fig. 3). Les parties latérales et médianes forment un réseau extensif de connexions avec le cortex cérébral et le télencéphale, et exercent un contrôle sur certains types de comportement.

Seule sera développée ici l'organisation de la troisième partie, qui reçoit majoritairement des informations des deux autres régions.

La zone périventriculaire est appelée ainsi parce que, excepté une fine bande de neurones déplacée latéralement par le tractus optique

(dénommé noyau supraoptique), les cellules de cette région sont disposées le long des parois du troisième ventricule. Cette zone est composée d'un mélange complexe de neurones exerçant différentes fonctions. Un de ces groupes forme le noyau suprachiasmatique (NSC), situé juste au-

dessus du chiasma optique. Les cellules de ce noyau sont directement innervées par la rétine et jouent un rôle dans la synchronisation des

rythmes circadiens jour-nuit. Un autre groupe de cellules contrôle le système nerveux autonome, et régule les effets de l'innervation sympathique

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et parasympathique des organes viscéraux. Dans le troisième groupe, les axones des neurones sécréteurs descendent vers la tige pituitaire. Ce

sont ces neurones qui nous intéressent ici.

Relations hypothalamo-hypophysaires

Telle que nous l'avons décrite, l'hypophyse paraît suspendue à la base du crâne, ce qui est exact si le cerveau est soulevé au-dessus de

la tête. Néanmoins, dans les conditions normales, l'hypophyse vient se nicher confortablement dans un berceau osseux situé à la base du crâne, la

selle turcique. Cette protection particulière est nécessaire car l'hypophyse est en grande partie le «porte-voix» par lequel l'hypothalamus communique avec le corps. L'hypophyse est formée de deux lobes, postérieur et antérieur, contrôlés chacun de façon très différente à partir de

l'hypothalamus.

Contrôle hypothalamique du lobe postérieur de l'hypophyse.

Les plus grosses cellules neurosécrétrices de l'hypothalamus, représentant les neurones neurosécrétoires magnocellulaires, voient leurs axones s'étendre autour du chiasma optique, et descendre vers la tige pituitaire jusque dans le lobe postérieur de l'hypophyse (Fig. 4). À la

fin des années trente, Ernst et Berta Scharrer, deux chercheurs de l'Université de Francfort en Allemagne, ont suggéré que ces neurones

libéraient directement des substances chimiques dans les vaisseaux capillaires du lobe postérieur de l'hypophyse. À cette époque, l'idée était

surprenante. Il était connu que les glandes libèrent des messagers chimiques, les hormones, dans la circulation sanguine, mais personne n'imaginait qu'un neurone puisse agir comme une glande, ou qu'un neurotransmetteur puisse lui-même agir par un mécanisme similaire à celui

d'une hormone. Les Scharrer avaient pourtant raison. Les substances libérées dans le sang par les neurones sont maintenant connues sous le nom

de neurohormones.

Fig. 4 – L'hypothalamus dans le cerveau

Cellules neurosécrétoires magnocellulaires de l'hypothalamus. Schéma illustre une vue d’une coupe sagittale de l'hypothalamus et de l'hypophyse du cerveau humain. Les neurones neurocrétoires magnocellulaires libèrent de l'ocytocine et de la vasopressine directement dans les capillaires sanguins, au niveau du lobe postérieur de l'hypophyse.

Les neurones neurosécrétoires magnocellulaires libèrent deux neurohormones dans la circulation sanguine: l'ocytocine et la vasopressine. Ces deux substances sont des peptides, et chacune est formée d'un enchaînement de neuf acides aminés. L'ocytocine, libérée au

moment de la naissance, provoque la contraction de l'utérus et facilite la délivrance de l'enfant. Elle stimule aussi la montée du lait venant des

glandes mammaires. Toutes les mères qui allaitent connaissent ce réflexe complexe dans lequel sont impliqués les neurones de l'hypothalamus.

La succion du mamelon par le bébé qui tète peut stimuler la libération d'ocytocine, mais la vue ou le cri d'un bébé (même si ce n'est pas le sien peuvent aussi déclencher une montée de lait incontrôlable chez la mère. Dans chaque cas, l'information concernant un stimulus sensoriel -

somatique, visuel auditif - atteint le cortex cérébral par le trajet normal, le thalamus, et le cortex, stimule en retour l'hypothalamus pour

déclencher la libération d'ocytocine. Dans certaines conditions, le cortex peut aussi supprimer les fonctions hypothalamiques, par exemple dans

les cas où l'anxiété empêche la montée de lait. La vasopressine, appelée aussi l'hormone antidiurétique, contrôle le volume sanguin et la concentration en sels. Si l'organisme manque d'eau, le volume de sang diminue et la concentration en sels dans le sang augmente. Si les

modifications sont détectées, respectivement, par des récepteurs de pression sanguine situés dans le système cardiovasculaire, et par des cellules

de l'hypothalamus sensibles à la concentration en sels du sang. Les neurones sécrétant de la vasopressine reçoivent l'information concernant ces

changements, et répondent en libérant de la vasopressine qui agit directement sur les reins et conduit à une rétention d'eau et une réduction de la production d'urine.

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Quand le volume sanguin et la pression artérielle diminuent, une communication à double sens s'établit entre le cerveau et les reins

(Fig. 5). Les reins sécrètent dans le sang une enzyme, la rénine. L'élévation du taux de rénine déclenche une série de réactions chimiques dans le sang: l'angiotensinogène, une grosse protéine libérée par le foie, est transformé par la rénine en angiotensine I, qui est métabolisé à son tour pour

donner une autre petite hormone peptidique, l'angiotensine II. L'angiotensine II agit directement sur le rein et les vaisseaux sanguins, et fait

remonter la pression artérielle. Mais l'angiotensine II est aussi détectée par l’organe subfornical, une partie du cerveau qui n'est pas protégée par

la barrière hématoencéphalique. Les cellules de cet organe se projettent dans l'hypothalamus où, parmi d'autres fonctions, elles ont pour rôle d'activer les cellules neurosecrétoires contenant la vasopressine. De plus, l'organe subfornical active également d'autres cellules siégeant dans la

partie latérale de l'hypothalamus, qui déclenchent, sans que l'on sache très bien comment, une soif irrésistible. Il est ainsi difficile de l'admettre,

mais c'est pourtant la réalité jusqu'à un certain point: le cerveau est contrôlé par les reins ! Cet exemple montre aussi que les moyens par lesquels

l'hypothalamus maintient l'homéostasie vont bien au-delà du contrôle des organes viscéraux, et supposent l'activation de toutes une série de comportements.

Fig. 5 - Interrelations existant entre les reins et le cerveau.

Dans une situation où le volume sanguin, ou la pression artérielle, diminue sensiblement, le rein libère la rénine dans la circulation sanguine. La rénine contribue à ce niveau à la production d'un peptide, l'angiotensine II, qui active les neurones de l'organe subfornical. À son tour, l'organe subfornical active l'hypothalamus, ce qui a pour effet de provoquer une libération accrue de vasopressine et une sensation de soif.

Contrôle hypothalamique du lobe antérieur de l'hypophyse

Contrairement au lobe postérieur de l'hypophyse qui représente objectivement une partie du cerveau, le lobe antérieur constitue une

véritable glande. Les cellules du lobe antérieur produisent et sécrètent toute une série d'hormones contrôlant les sécrétions d'autres glandes de

l'organisme (c'est ce qui constitue le système endocrinien). Les hormones hypophysaires agissent sur les gonades, la glande thyroïde, les glandes

surrénales, et les glandes mammaires (Tab. 1). Mais si l'hypophyse joue un rôle central, elle est cependant placée sous le contrôle de l'hypothalamus. C'est alors l'hypothalamus qui apparaît véritablement comme la « glande principale » du système endocrinien.

Le lobe antérieur est contrôlé par les cellules de la région périventriculaire de l'hypothalamus, les neurones neurosecrétoires

parvocellulaires; ces neurones hypothalamiques ne se projettent pas jusque dans le lobe antérieur, mais ils gagnent leurs cibles par une sécrétion

qui s'effectue directement dans la circulation sanguine (Fig. 6). Ils libèrent des hormones hypophysiotropes dans un réseau de capillaires sanguins spécifiques, situé au niveau du plancher du troisième ventricule. Ces minuscules vaisseaux sanguins descendent le long de la tige

pituitaire et se ramifient dans le lobe antérieur. Ce réseau de vaisseaux sanguins est dénommé système porte hypothalamo-hypophysaire. Les

hormones hypophysiotropes libérées par les neurones hypothalamiques au niveau du système porte circulent dans le sang jusque dans le lobe

antérieur où elles se fixent à des récepteurs spécifiques localisés à la surface des cellules de l'hypophyse. L'activation des récepteurs conduit ces cellules à déclencher ou à inhiber la sécrétion d'hormones dans la circulation générale.

Le contrôle des glandes surrénales illustre le fonctionnement de ce système. Situées juste au-dessus des reins, les glandes surrénales

sont formées de deux parties: une sorte de coquille, la corticosurrénale, et le centre, la médullosurrénale. La corticosurrénale sécrète une

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hormone stéroïdienne, le cortisol. qui a pour effet de mobiliser les réserves d'énergie dans le corps, de réduire l'action du système immunitaire, et

qui nous conditionne en général pour faire face à toutes les situations de stress.

Tableau 1 -Hormones de l'adénohypophyse

Fig. 6 – L'hypothalamus dans le cerveau

Cellules neurosécrétoires parvocellulaires de l'hypothalamus. Les cellules neurosécrétoires parvocellulaires sécrètent des hormones hypophysiotropes dans un réseau de capillaires sanguins spécialisé dénommé système porte hypothalamo-hypophysaire. Ces hormones, ainsi introduites dans la circulation sanguine, atteignent le lobe antérieur de l'hypophyse, où elles stimulent ou inhibent la sécrétion des hormones hypophysaires à partir des cellules sécrétoires.

En fait, le stress est un bon stimulus de la sécrétion de cortisol, depuis le stress physiologique, comme par exemple une hémorragie

importante, la stimulation d'une émotion positive, comme le fait d'être amoureux, au stress psychologique, comme l'anxiété avant un examen.

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Les neurones neurosécrétoires parvocellulaires qui contrôlent la corticosurrénale déterminent s'il s'agit d'un stimulus stressant ou pas (en

fonction de la sécrétion de cortisol. Situés dans la partie périventriculaire de l'hypothalamus, ces neurones libèrent un peptide, la corticotropin-releasing hormone (CRH) (encore appelé corticolibérine ou corticotropin-releasing factor, CRF), dans le réseau de capillaires. La CRH

parcourt la faible distance la séparant de la tige pituitaire où, en 15 secondes environ, elle stimule la sécrétion de l'hormone adrénocorticotrope

ou adrenocorticotropic hormone (ACTH). L'ACTH passe dans la circulation sanguine et atteint la corticosurrénale où, en quelques minutes, elle

stimule la libération de cortisol (Fig. 7).

Fig. 7 - Réponse au stress.

Dans des conditions de stress physiologique, émotionnel, ou psychologique, le système périventriculaire de l'hypothalamus libère la corticotropin-releasing hormone (CRH) dans le système porte hypothalamo-hypophysaire. Cette hormone déclenche la libération de l'hormone adrénocorticotrope (ACTH) dans la circulation générale. À son tour, l’ACTH stimule la sécrétion de cortisol à partir de la corticosurrénale. Le cortisol peut agir directement sur les neurones hypothalamiques, mais aussi sur beaucoup d'autres neurones situés en dehors de l'hypothalamus.

Il existe une sorte d'autorégulation du niveau de cortisol dans le sang. Le cortisol est un stéroïde, appartenant à une catégorie de

substances biochimiques en rapport avec le cholestérol. Le cortisol est donc une molécule lipophile (qui « aime » les graisses), qui se dissout aisément dans la membrane des lipides et traverse donc la barrière hématoencéphalique. Dans l'hypothalamus, le cortisol agit sur des récepteurs

spécifiques, ce qui conduit à inhiber la sécrétion de CRH et, de ce fait, limite l'élévation du niveau de cortisol dans le sang. Pourtant,

curieusement, les neurones contenant des récepteurs du cortisol sont disséminés dans une grande partie du cerveau, et pas seulement dans

l'hypothalamus. Dans ces autres régions du SNC, le cortisol est connu pour avoir des effets importants sur l'activité neuronale. Ainsi les hormones hypophysiotropes sécrétées par les cellules hypothalamiques induisent de vastes modifications dans la physiologie de l'ensemble de

l'organisme, mais aussi du cerveau.

Stress et cerveau

Le stress biologique est créé par le cerveau, en réponse à des stimulus réels ou imaginaires. Les nombreuses réponses physiologiques associées au stress contribuent à protéger le corps, et le cerveau, des dangers qui sont à l'origine du stress. Mais le stress chronique aussi peut

avoir des effets délétères plus insidieux. Les scientifiques commencent seulement à déterminer les relations qui existent entre le stress, le

cerveau et les atteintes du cerveau.

Le stress provoque la sécrétion de cortisol, une hormone stéroïdienne, à partir de la corticosurrénale. Le cortisol circule dans le sang jusqu'au cerveau, et se fixe aux récepteurs dans le cytoplasme de nombreux neurones. L'activation des récepteurs se communique au

noyau de la cellule, stimule la transcription génique, et enfin la synthèse des protéines. Steve Kerr, Philip Landfield et leurs collègues, à

Bowman Gray School of Médecine en Caroline du Nord, ont découvert qu'un des effets du cortisol est qu'un plus grand flux d'ions Ca2+

passe dans les neurones, à travers les canaux dépendants du potentiel. Ceci pourrait provenir d'une modification directe de c es canaux, ou bien résulter, indirectement, de modifications du métabolisme énergétique de la cellule. Quel que soit le mécanisme, le cortisol agit

rapidement sur le cerveau et lui permet de mieux réagir au stress, peut-être en l'aidant à imaginer une façon de l'éviter!

Mais qu'en est-il des effets du stress chronique et inévitable? Un excès de calcium pouvait être néfaste. Si les neurones sont surchargés

de calcium, ils meurent (par excitotoxicité). On peut alors se poser la question: le cortisol peut-il tuer? Bruce McEwen et ses collègues de Rockefeller University, et Robert Sapolsky et ses collègues de Stanford University, ont étudié ce problème sur le cerveau de rat. Ils ont découvert

que des injections quotidiennes de corticostérone (le cortisol du rat), pendant plusieurs semaines de suite, faisait dépérir les dendrites de

nombreux neurones possédant des récepteurs de la corticostérone. Quelques semaines après, ces cellules commençaient à mourir. Plus tard, les

études de Sapolsky, sur les babouins du Kenya, ont révélé les dommages du stress chronique. À l'état sauvage, la vie des babouins est organisée

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selon une hiérarchie sociale complexe, et les mâles de rang inférieur restent à l'écart des mâles dominants, s'ils le peuvent. Pendant un an, pour

diminuer la population de babouins et les empêcher de détruire les récoltes, les villageois en ont enfermé plusieurs dans des cages. Dans l'impossibilité de s'écarter des «chefs babouins» dans les cages, plusieurs mâles subalternes sont morts, non pas de blessures ou de malnutrition,

mais, semble-t-il, à la suite d'un stress sévère et soutenu accompagné d'ulcères gastriques, de colites, d'une augmentation de la taille des

surrénales, ainsi que d'une dégénérescence extensive des neurones de l'hippocampe. Les effets du cortisol et du stress sont, de ce point de vue,

comparables à ceux de l'âge sur le cerveau. Il est d'ailleurs prouvé que le stress chronique provoque un vieillissement prématuré du cerveau.

On ne sait pas encore très bien si les résultats des recherches faites sur l'animal peuvent s'appliquer à l'homme, mais ce qui précède

prête à réfléchir. La vie moderne est une source de stress important et durable pour tant de personnes. Des athlètes absorbent imprudemment, et

illégalement, de grandes doses de stéroïdes variés pendant de longues périodes pour renforcer leur corps. Y a-t-il un risque pour le cerveau?

D'autres études sont nécessaires pour savoir si le stress et les stéroïdes mêmes sont dangereux pour le cerveau, ou s'ils favorisent les atteintes d'autres maladies. En attendant, la plus grande prudence s'impose.

B - SYSTEME NERVEUX AUTONOME

La partie périventriculaire de l'hypothalamus ne contrôle pas seulement la sécrétion de certaines hormones circulantes, mais aussi le

système nerveux autonome (SNA). Le SNA est un vaste réseau de cellules et de fibres réparties dans tout l'organisme. Le mot «autonome»

provient du grec autonomia, signifiant indépendance ; les fonctions autonomes présentent un caractère automatique, s'exerçant en dehors du contrôle volontaire et conscient. Elles sont aussi fortement coordonnées. Imaginons que survienne un état de crise, en prenant comme exemple

une situation que vous avez pu vivre alors que vous étiez au lycée. Alors que ce jour là vous étiez absorbé à élucider un mot croisé, sans que

vous vous y soyez attendu, le professeur vous a demandé de vous rendre au tableau pour résoudre une équation apparemment impossible. Vous

vous êtes retrouvé dans une classique situation de défense, et votre corps a réagi en conséquence, alors que votre esprit en éveil s'est frénétiquement demandé s'il valait mieux s'avancer maladroitement ou s'excuser avec humiliation. Le SNA a déclenché toute une série de

réponses physiologiques, y compris l'accélération du rythme cardiaque et l'élévation de la pression artérielle, l'affaiblissement des fonctions

digestives, et la mobilisation des réserves de glucose. Toutes ces réponses dépendent du système sympathique du système autonome. Imaginez

maintenant votre soulagement lorsque la cloche a soudain sonné la fin des cours, vous sauvant d'une situation extrêmement embarrassante et de la colère du professeur. Vous êtes alors retombé sur votre chaise en respirant profondément, et vous avez pu reprendre votre mot croisé avec la

définition du 24 vertical. En quelques minutes, l'activité sympathique a diminué, et les fonctions du système parasympathique ont repris: le cœur

s'est ralenti, la pression artérielle s'est normalisée, les fonctions digestives ont pu se manifester normalement, et la transpiration s'est arrêtée.

Notez que pendant tout cette suite d'événements déplaisants, vous n'avez pas quitté votre chaise, ni même lâché votre crayon. Et pourtant votre organisme a réagi avec violence pour faire face à la situation. Contrairement à ce qui se passe dans le système moteur somatique

où les motoneurones peuvent exciter rapidement des muscles bien particuliers, les actions du système autonome sont toujours diffuses,

multiples, et relativement lentes à s'établir. Par conséquent, les effets de sa mise enjeu sont toujours de caractère global. De plus, contrairement

au système moteur somatique qui ne fait qu'activer ses cibles périphériques, le système autonome produit de façon très organisée des séquences

d'activation et d'inhibition.

ORGANISATION DU SYSTEME NERVEUX AUTONOME (SNA)

Le système moteur somatique et le SNA représentent, à eux deux, l'ensemble des commandes exercées par le système nerveux central.

Le système moteur somatique joue un seul rôle: il innerve et commande les fibres des muscles squelettiques. Le SNA exerce la tâche complexe

de contrôler tout autre tissu et organe du corps qu'il innerve. Pour ces deux systèmes moteurs, il existe dans le cerveau des neurones d'ordre supérieur qui envoient des messages aux neurones moteurs inférieurs, responsables de l'innervation des structures-cibles de la périphérie.

Cependant, il existe des différences notables entre ces systèmes (Fig. 8). Par exemple, les corps cellulaires de tous les neurones moteurs

somatiques inférieurs, les motoneurones, se trouvent localisés dans le système nerveux central, soit dans la corne ventrale de la moelle épinière,

soit dans le tronc cérébral. À l'inverse, les corps cellulaires des neurones moteurs autonomes en rapport avec la musculature se trouvent à l'extérieur du système nerveux central et forment des groupes de cellules appelés ganglions autonomes. Les neurones de ces ganglions

représentent des neurones postganglionnaires. Ils sont commandés par des neurones préganglionnaires dont le corps cellulaire est localisé dans la

moelle épinière ou dans le tronc cérébral. Par conséquent, le système moteur somatique exerce un contrôle monosynaptique sur les cibles

périphériques, alors que le SNA utilise une voie di-synaptique.

Les systèmes sympathique et parasympathique ont des fonctions parallèles, mais l'organisation de leurs voies, ainsi que leurs

neurotransmetteurs, sont très différents. Les axones préganglionnaires du système sympathique naissent uniquement du tiers central de la moelle

épinière (les régions thoracique et lombaire). En revanche, les axones préganglionnaires du système parasympathique émergent seulement du

tronc cérébral et de la partie inférieure (la partie sacrée) de la moelle épinière, de telle manière que les deux systèmes apparaissent de ce point de vue comme anatomiquement complémentaires (Fig. 9). Les neurones préganglionnaires du système sympathique sont localisés dans la substance

grise intermédiolatérale de la moelle épinière (ou colonne intermédiolatérale), et leurs axones passent par les racines ventrales pour former des

synapses sur les ganglions de la chaîne sympathique qui longe, de part et d'autre, la colonne vertébrale. Les neurones préganglionnaires du

système parasympathique sont localisés dans différents noyaux du tronc cérébral et dans la partie sacrée de la moelle, et leurs axones se prolongent dans les nerfs crâniens, aussi bien que dans les nerfs de la moelle sacrée. Les axones parasympathiques couvrent un plus long trajet

que les axones sympathiques, car les ganglions parasympathiques sont typiquement situés à côté, sur, ou même quelquefois dans, leurs organes-

cibles (Fig. 8 et 9).

Systèmes sympathique et parasympathique.

Les cibles du système nerveux autonome couvrent pratiquement toutes les régions du corps (Fig. 9). Ainsi, il est notable que les

systèmes sympathique et parasympathique :

innervent les glandes sécrétrices (salivaires, sudoripares, et diverses glandes sécrétant du mucus) ;

innervent le cœur, les vaisseaux sanguins, et les bronches dans les poumons, pour s'adapter aux besoins énergétiques du corps ;

contrôlent les fonctions digestives et métaboliques du foie, du tractus gastro-intestinal et du pancréas;

contrôlent le rein, la vessie, le gros intestin et le rectum ;

jouent un rôle essentiel dans la réponse sexuelle des organes génitaux et de la reproduction; sont en interaction avec le système immunitaire.

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Les systèmes sympathique et parasympathique sont généralement considérés comme exerçant une influence opposée sur leurs cibles

communes (cette vue est un peu schématique et les influences exercées réellement par ces deux composantes du SNA sont beaucoup plus complexes). Par exemple, le système sympathique est plus actif en période de crise, réelle ou imaginaire. Il est associé aux comportements

suivants: la combativité, la fuite, la peur ou encore le désir sexuel. Le système parasympathique agit principalement, quant à lui, plutôt sur la

digestion, la croissance, la réponse immunitaire et les réserves énergétiques. Dans la plupart des cas pourtant, l'activité des deux systèmes

s'oppose et s'équilibre: si elle est forte dans un des deux systèmes, elle faiblit dans l'autre, et réciproquement. Le système sympathique mobilise activement l'organisme à court terme, pour une urgence, souvent aux dépens de processus qui le maintiennent en bonne condition dans le temps.

Le système parasympathique travaille au contraire silencieusement et dans la durée. Les deux systèmes ne peuvent pas être fortement sollicités

en même temps : leurs objectifs ne sont pas compatibles. Heureusement des circuits nerveux sont organisés, de telle façon que le SNC inhibe

l'activité d'un système, quand l'autre est activé.

Fig. 8 - Organisation générale des trois grands types de sortie du système nerveux central.

Le système moteur somatique n'agit que sur les motoneurones de la moelle épinière ou du tronc cérébral, ce que Sherrington dénommait la « voie finale commune » pour l'expression des mouvements et des comportements. Cependant, certains comportements, tels que saliver, transpirer, ou avoir une activité sexuelle coordonnée, dépendent plutôt du système autonome. Ces réponses motrices viscérales dépendent de l'activité du système sympathique et du système parasympathique, représentant les deux divisions principales du système nerveux autonome dont les neurones postganglionnaires ne se trouvent plus dans le système nerveux central, mais à la périphérie.

Prenons quelques exemples pour illustrer ce double contrôle exercé par les composantes sympathique et parasympathique du SNA. Le

cœur déclenche chaque battement de façon autonome, sans l'aide des neurones, mais les deux systèmes innervent et contrôlent la région du

muscle cardiaque à l'origine de cette activité; l'activation du système sympathique augmente la fréquence des battements du cœur, alors que celle

du parasympathique la diminue. Les muscles lisses du tractus gastro-intestinal aussi sont doublement innervés, mais chacun des systèmes a une influence inverse de celle qu'il exerce sur le cœur. La motilité intestinale, et donc la digestion, est ainsi stimulée par les axones parasympathiques

et inhibée par les axones sympathiques. Cependant, tous les tissus ne sont pas innervés par les deux systèmes à la fois. Ainsi les vaisseaux

sanguins de la peau et les glandes sudoripares sont innervés uniquement par les axones sympathiques excitateurs. À l'inverse, les glandes

lacrymales ne reçoivent une innervation que des axones parasympathiques.

L'équilibre entre les activités sympathique et parasympathique est illustré aussi par la réponse sexuelle mâle. L'érection du pénis chez

l'homme est un processus que l'on peut schématiquement considérer comme de nature hydraulique. Elle survient lorsque le pénis est gorgé de

sang, ce qui est déclenché et entretenu par l'activité parasympathique. Curieusement, l'orgasme et l'éjaculation sont, inversement, commandés par

l'activité sympathique. Dès lors on peut imaginer combien il est difficile pour le système nerveux d'orchestrer toutes les phases de l'acte sexuel:

l'activation du système parasympathique permet l'acte sexuel (et sa durée), mais il ne prend fin que si l'activation du système sympathique se

substitue à celle du parasympathique. L'angoisse et l'inquiétude, autrement dit le stress et l'activité sympathique qui l'accompagne, inhibent

l'érection et favorisent l'éjaculation; ce qui fait qu'il est courant d'entendre des hommes hyper-stressés se plaindre d'impuissance et d'éjaculation

précoce.

Système entérique. La partie du SNA représentée par le système entérique est quelquefois dénommée le «petit cerveau». Il s'agit d'un

système unique, enchâssé dans un endroit inattendu: la paroi de l'œsophage, de l'estomac, des intestins, du pancréas, ou encore de la vésicule

biliaire. Il est composé de deux réseaux complexes, comprenant chacun des nerfs sensitifs, des interneurones, et des neurones moteurs

autonomes, reconnus sous les termes de plexus myentérique ou d'Auerbach, et de plexus sous-muqueux ou de Meissner (Fig. 10). Ces réseaux exercent leur contrôle sur de nombreux processus physiologiques impliqués dans le transport et la digestion des aliments, de la bouche à l'anus.

Le système entérique est important : il contient à peu près le même nombre de neurones que toute la moelle épinière !

Le système entérique n'est pas complètement autonome. Il reçoit des informations du «vrai» cerveau, par l'intermédiaire des axones

des systèmes sympathique et parasympathique qui assurent un contrôle supplémentaire et peuvent, dans certaines circonstances, se substituer aux fonctions du système entérique, comme dans le stress aigu.

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Fig. 9 - Organisation anatomo-fonctionnelle du système sympathique et du système parasympathique.

Notez que les neurones préganglionnaires des deux systèmes utilisent tous l'acétylcholine (ACh) comme neurotransmetteur. Les neurones postganglionnaires du système parasympathique utilisent également l'ACh comme neurotransmetteur, contrairement aux neurones postganglionnaires du système sympathique qui utilisent la noradrénaline (NA), (à l'exception de l'innervation sympathique des glandes sudoripares qui utilise aussi l'ACh comme neurotransmetteur). La médullosurrénale reçoit des afférences préganglionnaires sympathiques et libère de l'adrénaline dans la circulation sanguine générale, lorsqu'elle est activée.

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Fig. 10 - Système entérique

Ce schéma représente une coupe réalisée au niveau de l'intestin grêle où apparaissent les deux principales subdivisions du système entérique: le plexus myentérique et le plexus sous-muqueux. Ces deux parties du système entérique comportent des neurones sensoriels entériques et des neurones moteurs qui contrôlent les fonctions des organes digestifs.

Le terme de «petit cerveau» désignant le système entérique est excessif, mais on l'appelle ainsi car il présente une forme

d'indépendance. Les neurones sensoriels entériques maintiennent la tension et l'élasticité des parois intestinales, la composition chimique du contenu de l'estomac et de l'intestin, ainsi que le taux de certaines hormones dans le sang. Ces informations sensorielles sont analysées dans les

circuits interneuronaux entériques pour adapter la commande des neurones moteurs entériques, qui contrôlent la motilité des muscles lisses, la

production de sécrétions muqueuses et digestives, et le diamètre des vaisseaux sanguins dans cette partie du corps. Prenons, par exemple, le cas

d'une pizza pas encore tout à fait digérée, qui se fraye un chemin dans l'intestin grêle. Le plexus myentérique est responsable de la sécrétion d'un mucus lubrifiant et d'enzymes digestives, et du péristaltisme des muscles qui agissent pour bien mélanger la pizza et les enzymes, et jusqu'à

l'augmentation du débit sanguin intestinal permettant d'obtenir une source de fluide suffisante, et de transporter les substances nouvellement

assimilées dans le reste du corps.

Contrôle central du SNA.

Comme cela a déjà été souligné, l'hypothalamus est le régulateur essentiel des neurones préganglionnaires du système autonome. Cette

petite structure parvient à intégrer les diverses informations qu'elle reçoit sur l'état du corps, à anticiper une partie de ses besoins, et à donner un

ensemble coordonné d'ordres neuronaux et hormonaux. Les connexions de la région périventriculaire de l'hypothalamus avec le tronc cérébral et

les noyaux de la moelle épinière, où sont localisés les neurones préganglionnaires des systèmes sympathique et parasympathique, jouent à cet égard un rôle de premier plan dans le contrôle du système autonome. Le noyau du faisceau solitaire, situé au niveau bulbaire et relié à

l'hypothalamus, représente un autre centre de contrôle important du système autonome. En fait, certaines fonctions autonomes sont

indépendantes des connexions entre le tronc cérébral et les structures situées au-dessus, y compris l'hypothalamus. Le noyau du faisceau solitaire

intègre les informations sensorielles venant des organes internes et coordonne les ordres envoyés aux noyaux autonomes à partir du tronc cérébral.

NEUROTRANSMETTEURS ET PHARMACOLOGIE DES FONCTIONS AUTONOMES

Même ceux qui ne connaissent pas le terme de neurotransmetteur, savent ce que signifie «poussée d'adrénaline» (adrénaline pour les

Anglais, épinéphrine pour les Américains). Historiquement, le SNA est la partie du corps qui a certainement le plus contribué à la connaissance du rôle des neurotransmetteurs. Le SNA étant relativement simple comparé au SNC, il est plus facile à étudier. De plus, les neurones

périphériques du SNA siégeant à l'extérieur de la barrière hémato encéphalique, toutes les drogues qui circulent dans le sang influent sur eux

directement. La simplicité et la vulnérabilité relatives du SNA ont permis de mieux comprendre les mécanismes d'action des drogues affectant la

transmission synaptique.

Neurotransmetteurs préganglionnaires.

Le neurotransmetteur le plus important des neurones périphériques autonomes est l'acétylcholine (ACh), le neurotransmetteur utilisé

par ailleurs au niveau des jonctions neuromusculaires squelettiques. Les neurones préganglionnaires des deux systèmes, sympathique et

parasympathique, libèrent de l'ACh. L'ACh se fixe immédiatement aux récepteurs cholinergiques nicotiniques, représentant des récepteurs-

canaux sensibles à l'ACh, et induit un EPSP rapide qui déclenche généralement un potentiel d'action dans la cellule postganglionnaire. Ces

mécanismes sont très comparables à ceux intervenant à la jonction neuromusculaire squelettique, et les drogues qui bloquent les récepteurs

cholinergiques nicotiniques des muscles squelettiques, telle que le curare, bloquent également la transmission des informations dans le système

autonome.

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L'ACh du neurone ganglionnaire est cependant plus actif que l'ACh de la jonction neuromusculaire. Il active aussi des récepteurs

muscariniques, des récepteurs métabotropiques (couplés aux protéines G) qui modulent l'ouverture et la fermeture des canaux ioniques provoquant des PPSE et des PPSI très lents. Ces événements synaptiques ne sont en général pas évidents, sauf si le nerf préganglionnaire est

stimulé de façon répétitive. En plus de l'ACh, quelques terminaisons préganglionnaires libèrent une variété de petits peptides neuroactifs comme

le NPY (neuropeptide Y) et le VIP (polypeptide intestinal vasoactif). Ces peptides agissent par l'intermédiaire de récepteurs couplés aux

protéines G, et peuvent initier de petits PPSE, de quelques minutes de durée. Les peptides ont aussi un rôle modulateur ; ils ne conduisent généralement pas les neurones situés au niveau postsynaptique à décharger, mais ils les rendent plus sensibles aux effets nicotiniques rapides,

quand ils se présentent. Les neurotransmetteurs modulateurs des ganglions autonomes rendent les neurones postganglionnaires très sensibles à

l'activation des neurones préganglionnaires.

Neurotransmetteurs postganglionnaires.

Les cellules postganglionnaires — les neurones moteurs autonomes qui commandent la sécrétion des glandes et la contraction ou le

relâchement des sphincters, etc. — utilisent des neurotransmetteurs différents dans les systèmes sympathique et parasympathique du SNA. Les

neurones postganglionnaires du système parasympathique libèrent de l'ACh, mais les neurones du système sympathique utilisent en grande

partie la noradrénaline (NA). Les effets parasympathiques de l'ACh sont très localisés sur ses cibles et passent par les récepteurs muscariniques. En revanche, la NA du système sympathique a une influence beaucoup plus diffuse, y compris dans le sang où elle circule librement.

Avec une bonne connaissance de l'organisation anatomo-biochimique du système autonome, on peut prévoir à ce niveau les effets des

interactions d'une série de drogues avec les systèmes cholinergique et noradrénergique (Fig. 9). Généralement, les drogues qui facilitent (ou

potentialisent) l'action de la noradrénaline ou qui inhibent l'action muscarinique de l'acétylcholine sont dites sympathomimétiques; elles reproduisent les effets de l'activation du système sympathique. Ainsi, l'atropine, un antagoniste des récepteurs cholinergiques muscariniques,

simule l'activation sympathique par exemple lorsqu'elle dilate la pupille. D'autre part, les drogues qui renforcent l'action de l'acétylcholine ou

inhibent l'action de la noradrénaline, sont dites quant à elles, parasympathomimétiques; leurs effets imitent l'activation du système

parasympathique. Ainsi le propranolol, un antagoniste des récepteurs de la noradrénaline, ralentit la fréquence cardiaque et diminue la pression artérielle. C'est pourquoi le propanolol est parfois utilisé pour supprimer le trac de la scène.

Mais qu'en est-il de la fameuse poussée d'adrénaline? Il s'agit d'une substance libérée dans le sang par la médullosurrénale, sous le contrôle de l'innervation sympathique préganglionnaire. L'adrénaline vient en réalité de la noradrénaline, et ses effets sur les tissus-cibles sont

presque semblables à ceux résultant de l'activation du système sympathique. La médullosurrénale n'est donc, en réalité, qu'un ganglion

sympathique modifié. On peut dès lors imaginer qu'avec le flot d'adrénaline, toute une série d'effets sympathiques coordonnés se déclenche à

travers l'organisme.

C - SYSTÈMES MODULATEURS DIFFUS DU CERVEAU

Que se passe-t-il quand on s'endort? Les ordres internes «Vous avez sommeil» et «Endormez-vous» sont des messages qui intéressent

de nombreuses régions cérébrales. La transmission aussi large de cette information se fait par l'intermédiaire de neurones présentant un réseau

d'axones particulièrement étendu. Il existe dans le cerveau plusieurs regroupements de ce type de neurones, utilisant chacun un neurotransmetteur particulier, et formant un réseau de connexions très étendu, de caractère diffus. Au lieu de transmettre les détails des

informations sensorielles, ces neurones ont souvent des fonctions de régulation : ils modulent l'activité de grandes populations de neurones (dans

le cortex cérébral, le thalamus et la moelle épinière) impliquées dans des actions plus spécialisées, pour les rendre plus ou moins excitables, ou

encore pour que leur activité soit plus ou moins synchronisée, etc. Globalement, ces neurones modulateurs (ou régulateurs) sont un peu comparables aux boutons de réglage du volume, des aigus et des basses, d'un appareil de radio : leur manipulation ne change pas le lyrisme ou la

mélodie d'un chant mais améliore considérablement son écoute. De plus, il semble que différents de ces systèmes jouent un rôle essentiel dans

certains aspects du contrôle moteur, de la mémoire, de l'humeur, de la motivation, ou encore du métabolisme, comme nous essayerons de le voir.

Enfin, les systèmes modulateurs sont affectés par de nombreuses drogues psychotropes dont ils sont la cible, et de ce fait au moins, ils occupent une place de choix dans les théories actuelles sur les bases biologiques de certains troubles psychiatriques.

ORGANISATION ANATOMO-FONCTIONNELLE DES SYSTEMES MODULATEURS DIFFUS

Les différents types de systèmes modulateurs diffus présentent des structures et des fonctions différentes, mais ils ont aussi des

caractéristiques communes. Typiquement, chaque système est constitué d'un petit ensemble de neurones (quelques milliers). Les corps cellulaires des neurones des systèmes diffus sont localisés pour presque leur totalité au niveau du tronc cérébral. Chaque neurone en influence

beaucoup d'autres, car son axone très «branché» peut être en contact avec plus de 100000 neurones postsynaptiques distribués dans tout le

cerveau. Les contacts synaptiques établis par nombre de ces systèmes semblent destinés à libérer les molécules de neurotransmetteur dans le

milieu extracellulaire pour qu'elles puissent diffuser au contact de nombreux neurones, plutôt que d'agir dans le voisinage de la fente synaptique. Ainsi ces contacts synaptiques ne présentent-ils pas, dans leur vaste majorité, des profils ultrastructuraux de synapses classiques, tels qu'ils

peuvent être définis à partir du modèle de la jonction neuromusculaire des muscles squelettiques.

Les principaux systèmes modulateurs du cerveau sont associés aux neurotransmetteurs suivants : la noradrénaline (NA), la sérotonine

(5-HT), la dopamine (DA), ou l'acétylcholine (ACh). Nous avons vu au chapitre 6 que tous ces neurotransmetteurs, au niveau cérébral, activent pour l'essentiel des récepteurs métabotropiques spécifiques (couplés aux protéines G) ; par exemple, le cerveau présente de 10 à 100 fois plus de

récepteurs métabotropiques cholinergiques que de récepteurs nicotiniques, de type récepteurs-canaux. Le rôle exact de ces systèmes sur le

comportement n'est aujourd'hui encore pas connu avec précision malgré une multitude de travaux qui se poursuivent assidûment dans ce

domaine, ce qui fait que seules quelques généralités peuvent à cet égard être avancées.

Neurones noradrénergiques du locus coeruleus.

La noradrénaline est un neurotransmetteur du système nerveux autonome périphérique, mais elle se trouve aussi localisée dans une

petite structure du pont, le locus coeruleus (ce qui signifie «tâche bleue» en latin, nommée ainsi à cause du pigment contenu dans ses cellules).

Chez l'homme, le locus coeruleus contient environ 12000 neurones, et il y a un locus coeruleus de chaque côté du pont. Les axones issus de ces noyaux forment plusieurs faisceaux, puis se dispersent et innervent presque chaque partie du cerveau: le cortex cérébral, le thalamus,

l'hypothalamus, le bulbe olfactif, le cervelet, le mésencéphale, et la moelle épinière (Fig. 11). Le locus coeruleus a probablement les connexions

parmi les plus diffuses du cerveau, si l'on considère qu'un seul de ses neurones peut présenter jusqu'à 250000 synapses, et qu'un même axone

peut, par ses différentes branches, se projeter à la fois sur le cortex cérébral et sur le cortex cérébelleux.

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Fig. 11 Système noradrénergique du locus coeruleus.

Les axones des cellules noradrénergiques du-locus coeruleus innervent de larges territoires du système nerveux, incluant la moelle épinière, le cervelet, le thalamus et le cortex cérébral.

Système noradrénergique du locus coeruleus.

Les axones des cellules Noradrénergiques du locus coeruleus innervent de larges territoires du système nerveux, incluant la moelle

épinière, le cervelet, le thalamus et le cortex cérébral.

Le locus coeruleus est impliqué dans les processus attentionnels, l'éveil, et les cycles veille-sommeil, ainsi que dans l'apprentissage et

la mémoire, l'anxiété, la douleur, l'humeur et le métabolisme du cerveau. Il semble donc que le locus coeruleus joue un rôle déterminant dans le

fonctionnement cérébral. mais le fait qu'on soit amené à utiliser le terme «impliqué» pour rendre compte de sa fonction signifie qu'on ne connaît

rien de précis. Ainsi le cœur, le foie, les poumons et les reins sont aussi impliqués dans les fonctions cérébrales, car sans eux, les comportements ne pourraient s'exprimer. En raison de sa distribution ubiquitaire, le locus coeruleus influence virtuellement toutes les parties du cerveau. Mais

pour mieux comprendre ses fonctions véritables, il faut tenter de déterminer ce qui active réellement les neurones noradrénergiques : les

enregistrements pratiqués sur le rat et le singe éveillés montrent que ce sont les stimulus sensoriels indolores, nouveaux, et inconnus qui activent

le plus les neurone-dû locus coeruleus, lorsque l'animal se trouve dans son environnement naturel-Ces stimulus sont moins actifs quand l'animal est moins vigilant, ou simplement immobile en train de digérer. Le locus coeruleus pourrait ainsi contribuer à un éveil général du cerveau, face à

des événements marquants. De ce point de vue, son action est comparable à celle d'un ganglion du système sympathique qui serait situé à

l'intérieur du cerveau. Comme il a par ailleurs été démontré que la noradrénaline accroît les réponses des neurones du cortex cérébral aux

stimulus sensoriels marquants, la fonction du locus coeruleus est sans doute d'augmenter la sensibilité du cerveau à ce qui se passe dans l'environnement du sujet, en accélérant le traitement de l'information par les systèmes moteur et sensoriel spécifiques, et en les rendant plus

performants.

Noyaux sérotoninergiques du raphé.

Les groupes de neurones contenant de la sérotonine sont localisés dans les neuf noyaux du raphé. Raphé, en grec signifie «crête» ou «surjet», car les noyaux du raphé siègent effectivement de chaque côté de la ligne médiane du tronc cérébral. Chaque noyau se projette sur

différentes régions du cerveau (Fig. 12). Les plus postérieurs, au niveau bulbaire, sont connectés avec la moelle et modulent les messages

sensoriels associés à la douleur. Les plus antérieurs, situés au niveau pontique et mésencéphalique, innervent presque tout le cerveau, de la même

façon diffuse que les neurones du locus coeruleus.

Comme les neurones du locus coeruleus, c'est durant l'éveil que les neurones des noyaux du raphé sont le plus actifs, quand l'animal est

éveillé. Les noyaux du raphé sont inactifs durant le sommeil. Le locus coeruleus et les noyaux du raphé s'intègrent dans le concept de système

réticulaire activateur ascendant, qui implique le rôle de la formation réticulée du tronc cérébral dans les processus liés à l'éveil du cerveau, et

qui maintiennent la vigilance. Ce concept simple a été vu et revu de mille façons depuis 1950, mais son sens fondamental demeure. Les neurones du raphé semblent très impliqués dans la régulation des cycles veille-sommeil, ainsi que dans les mécanismes des différentes phases du sommeil;

mais il faut noter que beaucoup d'autres systèmes neuronaux interviennent de façon coordonnée dans cette fonction cérébrale. On verra plus en

détail la contribution des systèmes modulateurs diffus dans les processus liés au sommeil et à la vigilance. Les neurones sérotoninergiques du

raphé jouent aussi un rôle dans la régulation de l'humeur et de certains types de comportements émotionnels. On reviendra sur la sérotonine et l'humeur en parlant de la dépression, et on abordera plus loin, les effets de la sérotonine sur le contrôle de l'agressivité.

Neurones dopaminergiques de la substance noire et du tegmentum mésencéphalique ventral.

Bien que les neurones contenant de la dopamine soient distribués dans tout le SNC, y compris quelques-uns dans la rétine, le bulbe

olfactif, et la partie périventriculaire de l'hypothalamus, deux groupes très proches de ces cellules présentent les caractéristiques des systèmes modulateurs diffus (Fig. 13). L'un d'eux a son origine dans la substance noire (substancia nigra dans le mésencéphale. Ces neurones se

projettent sur le striatum (noyau caudé et putamen), où ils facilitent l'initiation des mouvements volontaires et la dégénérescence des neurones

dopaminergiques de la substance noire est responsable des troubles moteurs progressifs et redoutables de la maladie de Parkinson. Cela ne

signifie cependant pas que l’on connaisse parfaitement le rôle de la dopamine dans le contrôle moteur, mais on sait qu'elle facilite le déclenchement des réponses motrices à partir de stimulus environnementaux.

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Fig. 12 - Système sérotoninergique des noyaux du raphé.

Les noyaux du raphé sont situés le long de la ligne médiane, au niveau du tronc cérébral, et les axones des cellules sérotoninergiques de ces noyaux innervent globalement à peu près tout le système nerveux.

Fig. 13 - Systèmes dopaminergiques nigrostrié et mésocorticolimbique

La substance noire mésencéphalique tegmentale ventrale sont situées dans des régions voisines du mésencéphale. Les axones des neurones dopaminergiques issus de ces régions projettent, respectivement sur le striatum (noyau caudé et putamen) et vers les parties limbique et frontale du cortex.

Le mésencéphale est aussi à l'origine d'un autre système modulateur diffus. représenté par un groupe de cellules très proche de la

substance noire, siégeant dans la partie ventrale du tegmentum mésencéphalique (aire tegmentale nigro-striatale). Les axones issus de ces

neurones vont innerver une zone bien définie du télencéphale, comprenant le cortex frontal et certaines parties du système hippocampique. Cette projection dopaminergique du mésencéphale reconnue sous le terme de système dopaminergique mésocorticolimbique. Différentes fonctions ont

été attribuées à cette projection complexe. Ainsi, il est aussi évident qu'elle est impliquée dans un système de «récompense» qui apprécie la

valeur de certains comportements adaptatifs ou les renforce (par exemple à la recherche d'un partenaire). La récompense accompagnant

l'activation de ce système peut être une sensation de plaisir. Si on leur en donne la possibilité, les rats cherchent à stimuler électriquement cette voie nerveuse. On sait aussi qu'il existe une relation entre cette voie et la toxicomanie, ou encore certains troubles psychiatriques.

Voies cholinergiques du cerveau antérieur basai et du tronc cérébral

L'acétylcholine est le neurotransmetteur reconnu de la jonction neuromusculaire, des synapses dans les ganglions autonomes, et des

synapses postganglionnaires du système parasympathique. Mais il existe aussi des neurones cholinergiques au niveau du cerveau, dans le striatum et le cortex par exemple où ils sont principalement présents sous forme d'interneurones. De plus, il existe dans le cerveau deux systèmes

cholinergiques modulateurs diffus majeurs, dont l'un d'eux représente le complexe du cerveau antérieur basai. Le terme de « complexe » est

utilisé car les neurones cholinergiques sont disséminés dans plusieurs noyaux au cœur du télencéphale, dans la partie médiane et ventrale, par

rapport aux ganglions de la base. Les plus connus sont les noyaux médians du septum qui envoient des fibres cholinergiques vers l'hippocampe (voie septohippocampique) et le noyau basal de Meynert qui est à l'origine de la plus grande partie de l'innervation cholinergique du néocortex.

La fonction des cellules du complexe du cerveau antérieur basal reste pratiquement inconnue. Cependant, cette région fait l'objet de

nombreuses études depuis que l'on a découvert que ces cellules sont parmi les premières à disparaître dans la maladie d'Alzheimer, qui se

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caractérise par la détérioration progressive et profonde des fonctions cognitives (toutefois, dans la maladie d'Alzheimer, les dégénérescences

neuronales sont largement disséminées, notamment au niveau du cortex et de l'hippocampe, et aucun lien n'a pu être établi entre la maladie et les neurones cholinergiques). Comme dans le cas des systèmes noradrénergique et sérotoninergique, il semble que le système cholinergique soit

impliqué aussi dans la régulation de l'excitabilité du cerveau en général durant l'éveil cortical et les cycles veille-sommeil. Le complexe de la

base du cerveau pourrait aussi jouer un rôle particulier dans l'apprentissage et la mémorisation.

Le second système cholinergique diffus porte le nom de complexe cholinergique pontomésencéphalotegmental. Il se compose de cellules du pont et du tegmentum mésencéphalique utilisant l'acétylcholine comme neurotransmetteur. Ce système influence principalement le

thalamus dorsal, où, avec les systèmes noradrénergique et sérotoninergique, il régule l'excitabilité des relais sensoriels spécifiques. Ces cellules

se projettent aussi vers le télencéphale, établissant ainsi un lien cholinergique entre le tronc cérébral et les complexes du cerveau antérieur basai.

La figure 14 illustre schématiquement l'organisation des systèmes cholinergiques.

Fig. 14 - Principales composantes des systèmes cholinergiques centraux.

Les noyaux du septum médian et le noyau basai de Meynert innervent très largement l'hippocampe et le cortex cérébral. Le complexe pontomésencéphalotegmental projette vers le thalamus et une partie du cerveau antérieur.

DROGUES ET SYSTEMES MODULATEURS DIFFUS

Les drogues psychotropes représentent des substances qui «altèrent l'esprit» (substances psychoactives), agissant toutes sur le système

nerveux central, probablement pour la plupart en interférant avec la transmission synaptique chimique. Ces substances agissent souvent directement sur les systèmes modulateurs, particulièrement les systèmes noradrénergique, dopaminergique et sérotoninergique.

Hallucinogènes. L'utilisation des hallucinogènes, des composés qui provoquent des hallucinations, remonte à des milliers d'années. Les

composés hallucinogènes se trouvent dans des plantes dont la consommation fait partie de nombreux rituels religieux ; ainsi un champignon, le

Psilocybe, chez les Mayas, et un cactus, le peyotl, chez les Aztèques. De nos jours, l'utilisation des hallucinogènes a été introduite

accidentellement dans le laboratoire du chimiste suisse Albert Hofmann. En 1938, Hofmann réussit à synthétiser un nouveau composé, 1 :'acide

lysergique diéthylamide, en abrégé LSD. Pendant cinq ans, le LSD fut abandonné sur une étagère. Puis un jour, en 1943, Hofmann avala un peu

de poudre, accidentellement. Ses publications sur les effets du LSD attirèrent immédiatement l'intérêt de la communauté médicale. Les

psychiatres commencèrent à utiliser le LSD pour tenter de mettre à jour le subconscient de patients atteints de maladies mentales. Plus tard la drogue fut découverte par des intellectuels, des artistes, des étudiants, et par le Département de la Défense aux États-Unis, qui se pencha sur ses

effets psychoactifs (un des principaux défenseurs de l'utilisation du LSD était un ancien psychologue de Harvard, Timothy Leary). Vers 1960, le

LSD commença à circuler dans la rue, où il est encore présent aujourd'hui.

Le LSD est extrêmement puissant. Une dose de 25 microgrammes est suffisante pour procurer des hallucinations (soit 25 000 fois moins, comparé aux 650 milligrammes d'une dose normale d'aspirine). Parmi ses effets sur le comportement, le LSD produit un état semblable à

celui du rêve, avec une hypersensibilité aux stimulus sensoriels, mêlant souvent les perceptions, de telle façon que les sons évoquent des images,

et les images des odeurs, et ainsi de suite.

La structure chimique du LSD (ainsi que des composants actifs du Psilocybe ou du peyotl) est très proche de celle de la sérotonine, ce qui suggère qu'il agit sur le système sérotoninergique. En fait le LSD est un puissant agoniste de la sérotonine, agissant au niveau des récepteurs

localisés sur les terminaisons présynaptiques des neurones, au niveau des noyaux du raphé. L'activation de ces récepteurs inhibe fortement la

décharge des noyaux du raphé. On sait ainsi qu'un des effets du LSD sur le SNC est une forte réduction de l'influence du système modulateur

diffus sérotoninergique du cerveau. Il faut noter que cette diminution d'influence est aussi caractéristique des états de rêve liés au sommeil.

Pouvons-nous en conclure que le LSD produit des hallucinations en réduisant au silence les systèmes sérotoninergiques centraux? En

fait l'effet des drogues sur le cerveau n'est pas aussi simple! Cette hypothèse pose problème. D'une part, si on inhibe les noyaux du raphé par

d'autres moyens, chez l'animal — par exemple en les détruisant — on ne reproduit pas les effets du LSD. D'autre part, la réponse des animaux au

LSD reste la même après la destruction des noyaux du raphé. Il est donc nécessaire de poursuivre les recherches dans ce domaine.

Ainsi, bien qu'il y ait un lien presque certain entre la sérotonine et les effets hallucinogènes du LSD, on n'en connaît pas encore la

nature précise. Mais c'est peut-être en inhibant l'activité des neurones des noyaux du raphé et en activant simultanément les récepteurs

sérotoninergiques, que le LSD provoque des hallucinations, en remplaçant la modulation naturelle liée à la libération de la sérotonine.

Psychostimulants. Contrairement aux incertitudes concernant les hallucinogènes et la sérotonine, il est clair que la cocaïne et les amphétamines, puissants stimulants du SNC, agissent au niveau des synapses des systèmes dopaminergiques et noradrénergiques. Ces deux

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drogues procurent une impression de vivacité et d'assurance accrues, une sensation de gaieté et d'euphorie, et entraînent une perte de l'appétit.

Les deux sont sympathomimétiques, avec des effets périphériques mimant l'activation du système sympathique du système nerveux autonome : augmentation de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle, de la dilatation des pupilles, etc.

La cocaïne est extraite des feuilles de coca, et elle est utilisée par les indiens de la cordillère des Andes depuis des centaines d'années.

Au milieu du xixe siècle, la cocaïne fit son apparition en Europe et en Amérique du Nord comme l'ingrédient magique de toute une série de

préparations dont les vendeurs vantaient les propriétés médicinales (pour donner un exemple, le Coca-Cola fut mis sur le marché en 1886 comme agent thérapeutique, contenant à la fois de la cocaïne et de la caféine). L'usage de la cocaïne diminua dès le début du xxe siècle, mais se

développa à nouveau dès les années soixante, en revenant comme stupéfiant. Ironiquement, le durcissement de la réglementation sur les

amphétamines, à cette époque, est à l'origine de l'augmentation de la consommation de la cocaïne. La première synthèse chimique des

amphétamines fut réalisée en 1887, mais ce n'est que pendant la Seconde Guerre Mondiale que la consommation d'amphétamines se développa, avec les soldats des deux camps (particulièrement les aviateurs) qui en prenaient pour se soutenir au combat. Après la guerre, les amphétamines

furent utilisées dans des préparations pour les régimes amaigrissants, de décongestionnants pour le nez, et de «pilules stimulantes». La

réglementation se renforça lorsqu'on s'aperçut que, comme pour la cocaïne, la consommation des amphétamines à fortes doses présentait un fort

risque d'accoutumance et était très dangereuse.

La dopamine et la noradrénaline sont des catécholamines, ainsi dénommées en raison de leur structure chimique. L'action des

catécholamines libérées dans la fente synaptique est normalement interrompue par des mécanismes de récupération spécifiques impliquant la

terminaison qui a libéré le neurotransmetteur. Cocaïne et amphétamines bloquent le processus de récupération des catécholamines (Fig. 15), bien

que des travaux récents suggèrent que la cible de la cocaïne est plutôt l'inactivation sélective de la recapture de la dopamine ; les amphétamines bloquent la récupération de noradrénaline et de dopamine et stimulent la libération de dopamine. Ces drogues peuvent donc prolonger et

intensifier l'action de la dopamine et de la noradrénaline. Mais ceci explique-t-il comment la cocaïne et les amphétamines exercent leurs effets

stimulants? On peut le penser. En effet, la réduction expérimentale des taux de catécholamines cérébrales au moyen d'inhibiteurs de synthèse

(par exemple la -méthyltyrosine) annule l'influence stimulante des deux types de drogues, cocaïne et amphétamines.

Fig. 15 - Effet des psychostimulants sur les terminaisons catécholaminergiques.

Le schéma de gauche représente une terminaison noradrénergique, et le schéma de droite, une terminaison dopaminergique. Les deux neurotransmetteurs sont synthétisés à partir de la tyrosine, un acide aminé fourni par l'alimentation. La DOPA (3,4-dihydroxyphénylalanine) représente un intermédiaire dans la biosynthèse de chacun de ces neurotransmetteurs. Les effets de la noradrénaline (NA) et de la dopamine (DA) au niveau synaptique sont limités par leur réincorporation dans les terminaisons nerveuses qui les ont libérées. Les amphétamines et la cocaïne bloquent cette capture neuronale, ce qui conduit à des effets prolongés des neurotransmetteurs au niveau de leurs récepteurs synaptiques.

Outre un effet stimulant comparable, la cocaïne et les amphétamines ont une influence plus insidieuse sur le comportement : ils créent souvent un sévère état de dépendance chez les utilisateurs. La recherche insatiable de sensations de plaisir durables et continues, induites par la

drogue, se développe chez les individus concernés. On pense que ces effets viennent spécifiquement d'une augmentation de la transmission

synaptique dans le système mésocorticolimbique dopaminergique, associée à l'utilisation de la drogue. Normalement, ce système fonctionne

pour renforcer l'adaptation du comportement. En le court-circuitant, ces drogues renforcent le comportement consistant à rechercher de la drogue. En fait, de même que les rats vont s'activer pour stimuler électriquement la projection mésocorticolimbique, les util isateurs vont aussi

tout faire pour avoir une dose de cocaïne.

SYSTEMES MODULATEURS DIFFUS ET MALADIES MENTALES

La psychiatrie n'a jamais été un domaine très précis car on ne connaît pas l'origine biologique de la plupart des troubles mentaux. Il est donc très étonnant que l'on ait pu mettre au point des traitements médicaux pour deux des maladies mentales parmi les plus graves: les troubles

affectifs et la schizophrénie. Ces traitements sont des médicaments agissant sur les différents systèmes modulateurs du cerveau. Comme les

fonctions mentales se normalisent souvent avec ces médicaments, certaines psychoses pourraient effectivement provenir d'un mauvais

fonctionnement de certains de ces systèmes modulateurs.

Dépression. L'affect est le terme médical utilisé pour parler de l'humeur ou de l'émotion; les troubles affectifs sont des altérations de

l'humeur. Un sentiment de dépression passager — ce qu'on appelle les idées noires (ou le « blues ») — est une réponse fréquente aux

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événements de la vie, à la suite d'une perte ou d'une déception, et l'on ne peut parler de maladie dans ce cas. Mais le trouble que les psychiatres

et les psychologues appellent dépression est quelque chose de beaucoup plus grave et de plus durable, caractérisé par l'impression d'avoir perdu tout contrôle de ses propres émotions. Cette impression est généralement accompagnée d'insomnie, de manque d'appétit, d'un sentiment

d'inutilité et de culpabilité, et de pensées morbides. La dépression peut survenir soudainement, parfois sans raison, et si elle n'est pas prise en

compte, elle peut durer entre 4 et 12 mois. Une autre caractéristique de la dépression est le fait que l'humeur ne s'améliore pas, même si les

circonstances sont plus favorables. La dépression est une maladie grave. C'est une des causes principales de suicide, avec plus de 30000 cas chaque année aux États-Unis. La dépression est aussi une maladie très répandue: environ 20% des individus risquent de souffrir d'un accès de

dépression invalidant, à un moment ou à un autre de leur vie. Actuellement, le nombre d'Américains souffrant de dépression est estimé à 8

millions.

C'est dans les années soixante qu'il a été envisagé que la dépression était peut-être liée à un mécanisme défectueux des systèmes modulateurs diffus dans le SNC. On s'aperçut qu'un médicament, la réserpine, destiné à contrôler l'augmentation de la pression artérielle,

provoquait une dépression psychotique, dans environ 20% des cas. La réserpine diminue le taux des catécholamines et de la sérotonine dans le

SNC, en empêchant leur réabsorption dans les vésicules synaptiques. On découvrit ensuite qu'une autre catégorie de médicament, destinée à

traiter la tuberculose, améliorait significativement l'humeur des patients. Ces médicaments ont un effet inhibiteur sur la monoamine oxydase (MAO) l'une des enzymes impliquées dans l'inactivation des catécholamines et de la sérotonine. Une autre pièce vint compléter le puzzle quand

on découvrit que l'imipramine, un antidépresseur introduit quelques années auparavant, inhibe l'inactivation par recapture de la noradrénaline et

de la sérotonine libérées au niveau synaptique, et renforce ainsi leur action au niveau des récepteurs. À partir de ces observations, l'hypothèse a

été avancée que l'humeur est fortement: associée aux niveaux de noradrénaline et/ou de sérotonine libérés dans le cerveau. Il s'en suit que la dépression serait la conséquence d'un affaiblissement du fonctionnement de l'un ou l'autre de ces systèmes modulateurs diffus.

Les médicaments modernes utilisés dans le traitement de la dépression sont très efficaces dans certains cas, et beaucoup favorisent la

neurotransmission au niveau des synapses sérotoninergiques et noradrénergiques du SNC. Les traitements les plus connus utilisent: (1) les

composés tricycliques (appelés ainsi d'après leur structure chimique), comme l'imipramine qui bloque à la fois la recapture synaptique de noradrénaline et de sérotonine ; (2) les inhibiteurs de la recapture sélectifs, comme la fluoxétine (commercialisée sous le nom de Prozac), qui

agissent seulement sur les terminaisons sérotoninergiques ; (3) les inhibiteurs de MAO, comme la pargyline, qui réduisent l'inactivation

enzymatique de la sérotonine et de la noradrénaline ( Fig. 16).

Fig. 16 - Effets des drogues psychotropes agissant au niveau des terminaisons nerveuses noradrénergiques et sérotoninergiques.

Le métabolisme des neurotransmetteurs au niveau synaptique implique leur biosynthèse (voir par exemple figure 15.15), leur incorporation dans les vésicules synaptiques, leur libération dans l'espace synaptique, et enfin leur inactivation soit par réincorporation dans les terminaisons nerveuses, soit par un processus enzymatique conduisant à la production de métabolites inactifs. Les substances pharmacologiques interférant avec les comportements sont susceptibles d'agir à une étape ou une autre du métabolisme. La réserpine agit pour libérer les aminés à partir du stockage vésiculaire de la noradrénaline (NA) et de la sérotonine (5-HT), ce qui, dans certains cas, induit une dépression profonde. Certains antidépresseurs sont des inhibiteurs des monoamine-oxydases (MAO) ; d'autres, comme les tricycliques, sont des bloqueurs sélectifs de l'inactivation par recapture. Les inhibiteurs des MAO potentialisent les effets synaptiques de la NA et de la 5-HT en empêchant leur destruction enzymatique. Les tricycliques facilitent leur action en empêchant leur élimination synaptique. La fluoxétine agit de cette manière, mais de façon sélective sur les synapses sérotoninergiques.

Considérant les effets des antidépresseurs, peut-on conclure que la dépression est une conséquence d'une concentration réduite de

sérotonine ou de noradrénaline dans le cerveau ? En fait, les effets des médicaments sur le cerveau ne sont, là encore, pas aussi simples!

Malheureusement l'équation directe humeur/modulateur pose quelques problèmes. Il est frappant de constater que l'action clinique des

antidépresseurs ne se manifeste qu'après plusieurs semaines de traitement, bien que leurs effets pharmacologiques soient presque immédiats sur

la transmission synaptique, au niveau des synapses modulatrices. Une autre difficulté vient de ce que les drogues qui élèvent les niveaux de

noradrénaline dans la fente synaptique, la cocaïne par exemple, ne constituent pas des antidépresseurs efficaces. L'hypothèse avancée actuellement est que les médicaments efficaces favorisent une sorte de modification adaptative durable de l'activité des systèmes

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noradrénergique et sérotoninergique, qui soulage la dépression. Actuellement la recherche se concentre sur les conséquences durables des

traitements antidépresseurs sur le cerveau, telle que la lente modification du nombre des récepteurs de la noradrénaline et de la sérotonine.

La psychothérapie, ajoutée aux médicaments, est aussi très efficace dans de nombreux cas de dépression. Dans les cas sévères, le

traitement par électrochoc (electroconvulsive therapy; ECT) peut être très utile, si les médicaments ne le sont pas. L'électrochoc est très contrôlé

aujourd'hui; il ne ressemble en rien à la scène pitoyable du film Vol au-dessus d'un nid de coucou. La stimulation électrique localisée déclenche

des crises d'épilepsie, mais le patient est sous anesthésie et sous relaxants musculaires, et les effets secondaires sont généralement minimes. Toutefois, on ne sait pas du tout pourquoi l'électrochoc agit.

Schizophrénie. La schizophrénie est la plus dévastatrice des maladies mentales. Survenant au cours de l'adolescence ou chez le jeune

adulte, la maladie dure toute la vie. Comme les autres troubles affectifs, la schizophrénie représente un des problèmes de santé majeurs aux

États-Unis, où plus de deux millions d'individus en sont atteints.

Le terme schizophrénie a été introduit vers 1910 par le psychiatre suisse Eugène Blueler, et signifie approximativement «esprit

désorganisé». La schizophrénie se caractérise par une perte de contact avec la réalité, et la fragmentation et la désorganisation de la pensée, de

la perception, de l'humeur et du mouvement. Il y a de nombreuses formes d'expression de la schizophrénie, et il n'est pas facile de dire s'il s'agit

d'une ou de plusieurs maladies. De nombreux psychiatres reconnaissent deux types de schizophrénie, selon les symptômes. Le type I est caractérisé par des épisodes psychotiques avec, souvent, des illusions étranges (l'individu se prend pour Jésus Christ, par exemple) ; des

hallucinations (l'individu entend des voies imaginaires); des pensées discordantes et souvent paranoïdes. Le type II est caractérisé par un manque

de réaction émotionnelle appropriée (un «affect émoussé» ou des accès d'hilarité et/ou de larmes incompréhensibles), des postures anormales (la

catatonie), et l'absence de langage spontané. Cependant, on retrouve ces deux catégories de symptômes chez certains patients, et il est difficile de dire s'il s'agit véritablement de deux aspects différents de la schizophrénie. L'imagerie cérébrale par résonance magnétique (IRM) a récemment

révélé des anomalies de structure dans le cerveau de certains malades atteints de l'une ou l'autre des deux formes de schizophrénie. Ces

anomalies se traduisent par exemple par l'augmentation de la taille des ventricules, probablement en raison d'une légère réduction globale du

cerveau, et il est noté aussi que certaines structures du lobe temporal sont particulièrement réduites.

Les effets des amphétamines indiquent qu'il y a un rapport entre la dopamine et la schizophrénie de type I. Rappelons que les

amphétamines favorisent la neurotransmission au niveau des synapses associées aux catécholamines, et déclenchent la libération de la dopamine.

Bien sûr, l'action stimulante normale des amphétamines ne ressemble que de très loin à la schizophrénie; cependant, en raison de

l'accoutumance, les personnes qui prennent des amphétamines risquent d'en avoir de plus en plus besoin pour satisfaire leur désir, et l'overdose peut ainsi entraîner un épisode psychotique qu'il est virtuellement difficile de distinguer de la schizophrénie de type I. Cela laisse penser qu'il

existe une relation entre l'excès de catécholamines dans le cerveau et certaines formes de psychose.

Une deuxième raison d'associer la dopamine à la schizophrénie est liée aux effets des drogues antipsychotiques sur le SNC. Dans les

années cinquante, il a été découvert que la chlorpromazine (introduite par les psychiatres français Delay et Deniker), initialement considérée comme un antihistaminique, supprimait les épisodes psychotiques dans la schizophrénie de type I. On découvrit plus tard que la chlorpromazine

et d'autres médicaments antipsychotiques comparables, dénommés neuroleptiques, bloquent fortement les récepteurs de la dopamine, et plus

spécifiquement les récepteurs de type D2. Si on examine les effets d'un grand nombre de neuroleptiques, on s'aperçoit que la corrélation entre le

dosage utilisé dans le traitement de la schizophrénie et la faculté qu'ont les neuroleptiques à se fixer aux récepteurs D2est impressionnante (Fig. 17). Ces médicaments sont par ailleurs également efficaces dans le traitement des psychoses associées à la cocaïne et aux amphétamines. Ainsi

peut-on penser que des épisodes psychotiques sont spécifiquement déclenchés par l'activation des récepteurs de la dopamine.

Les effets des neuroleptiques permettent-ils de conclure que la schizophrénie résulte d'un système dopaminergique trop actif? Les

effets des médicaments sur le cerveau ne sont encore une fois pas si simples ! On rencontre ici aussi un problème : bien que les neuroleptiques bloquent efficacement les récepteurs de la dopamine dans les heures qui suivent, il faut plusieurs semaines pour que leur action antipsychotique

se manifeste. Si certaines études récentes réalisées post mortem et par tomographie par émission de positrons (TEP) montrent que les récepteurs

de la dopamine sont effectivement plus nombreux dans certaines régions du cerveau antérieur limbique dans la schizophrénie de type I, d'autres

études, n'ont, malheureusement, pas confirmé ces résultats. De plus, de nouveaux neuroleptiques dits «atypiques», comme la clozapine, sont plus efficaces sur d'autres systèmes de neurotransmetteurs, tels que les systèmes sérotoninergiques, que sur les systèmes dopaminergiques. Aussi,

pour tentant que soit le lien entre la dopamine et la schizophrénie, il reste aujourd'hui encore bien énigmatique.

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Fig. 17 - Neuroleptiques et récepteurs D2.

Dans ce chapitre, nous avons étudié trois constituants du système nerveux qui se caractérisent par la dispersion de leurs influences,

contrairement aux systèmes plus spécifiques que nous avons abordés jusqu'alors. L'hypothalamus et le système nerveux autonome communiquent avec d'autres cellules de toutes les parties du corps, et les systèmes modulateurs diffus agissent sur des neurones situés dans de

nombreuses parties du cerveau. Ces systèmes neuronaux se caractérisent aussi par la durée de leurs effets, qui peut aller de quelques minutes à

plusieurs heures. Enfin, ils sont caractérisés par des neurotransmetteurs spécifiques. Beaucoup d'exemples montrent que c'est le

neurotransmetteur qui définit le système. Par exemple, pour la périphérie on utilise indifféremment les mots «noradrénergique» et «sympathique». On peut dire la même chose pour «raphé» et « sérotonine » dans le cerveau antérieur, et pour « substance noire » et « dopamine

» dans les ganglions de la base. Ces idiosyncrasies chimiques ont permis une interprétation de l'effet des drogues sur le comportement que l'on

ne peut se permettre avec la plupart des autres systèmes neuronaux. On sait ainsi quelle est la partie du cerveau sensible à la cocaïne et aux

amphétamines, et à quel endroit de la périphérie ils agissent pour faire monter la pression artérielle et la fréquence cardiaque.

À un niveau plus détaillé, chacun des systèmes étudiés dans ce chapitre exerce différentes fonctions. Mais, d'un point de vue plus

général, ils contribuent tous ensemble à l'homéostasie cérébrale: ils contrôlent différents processus physiologiques, dans certains domaines.

Ainsi, le SNA régule la pression artérielle pour qu'elle reste au bon niveau, mais les variations de la pression artérielle contribuent aussi à

optimiser les performances de l'animal, dans certaines circonstances. De même, le locus coeruleus noradrénergique et les noyaux du raphé

sérotoninergiques régulent le degré de conscience et l'humeur. Mais, que l'on parle de contrôle de la pression artérielle ou de l'humeur, le

dysfonctionnement des systèmes régulateurs peut avoir des effets catastrophiques.