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L’État islamique et l’application de la théorie du « Choc des civilisations » «Dans quelles mesures l’État islamique est-il le reflet de la déstabilisation de l’Irak et de la SyrieTravail réalisé par Gonzague Orsolini LSPRI2900B Mémoire 2 ème partie Prof.Tanguy Struye de Swielande 2015-2016 Master en Relations Internationales à finalité diplomatie et résolution de conflits Références portfolio : n°13 Adresse html : http://tinyurl.com/zk49vje Faculté des sciences économiques, sociales, politiques et de communication (ESPO) Ecole des Sciences Politiques et Sociales (PSAD)

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L’État islamique et l’application de la théorie du « Choc

des civilisations »

«Dans quelles mesures l’État islamique est-il le reflet de la déstabilisation de

l’Irak et de la Syrie?»

Travail réalisé par

Gonzague Orsolini

LSPRI2900B – Mémoire 2ème partie Prof.Tanguy Struye de Swielande

2015-2016 Master en Relations Internationales à finalité diplomatie et résolution de conflits

Références portfolio : n°13 Adresse html : http://tinyurl.com/zk49vje

Faculté des sciences économiques, sociales, politiques et de communication (ESPO)

Ecole des Sciences Politiques et Sociales (PSAD)

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« Je déclare sur l’honneur que ce mémoire a été écrit de ma plume, sans avoir sollicité d’aide

extérieure illicite, qu’il n’est pas la reprise d’un travail présenté dans une autre institution

pour évaluation, et qu’il n’a jamais été publié, en tout ou en partie. Toutes les informations

(idées, phrases, graphes, cartes, tableaux, …) empruntées ou faisant référence à des sources

primaires ou secondaires sont référencées adéquatement selon la méthode universitaire en

vigueur.

Je déclare avoir pris connaissance et adhérer au Code de déontologie pour les étudiants en

matière d'emprunts, de citations et d'exploitation de sources diverses et savoir que le plagiat

constitue une faute grave. »

Gonzague Orsolini

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Je tiens à remercier mon promoteur, Tanguy Struye de Swielande, pour la patiente

dont il a fait preuve, et pour l’autonomie qu’il m’a accordée durant ces deux dernières

années.

Je remercie également ma famille et mes amis pour le soutien qu’ils m’ont accordé.

Au cours de ces deux années de recherches sur l’État islamique, mon travail m’a

amené à étudier une organisation terroriste connue pour ses actions particulièrement

violentes et inhumaines.

En espérant que la recherche scientifique trouve des solutions politiques stables, je

souhaiterais dédier ce mémoire aux victimes de l’État islamique, aussi bien au Moyen-Orient

que dans le reste du monde.

Dans un effort de combattre l’obscurantisme religieux, j’aimerais également

consacrer mon mémoire à un homme qui, treize siècles auparavant, entendit une voix dans

une grotte. Cette voix lui parla entre autres de paix et de justice sociale, et cet homme se mit

à réciter ses paroles aux autres êtres humains.

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Introduction .......................................................................................................................... 1

Partie I: les origines de « l’État islamique » .............................................................. 5

1) Les origines de la création de l’État islamique ..................................................... 6

1.A) L’évolution du nihilisme anarchiste du djihadisme au 20e siècle .................................. 6

1.B) La chronologie du terrorisme révolutionnaire durant la guerre en Irak ......................... 7

L’évolution du groupe d’al-Zarqawi entre 2003 et 2006 ............................................... 7

Le Conseil Consultatif des Moudjahidines .................................................................... 8

L’arrivée d’Abu Bakr al-Baghdadi à la tête de l’État islamique en Irak ...................... 9

1.C) Les « printemps arabes » syrien et irakien et la désillusion de la modernité ............... 10

Le « printemps arabe » syrien et la guerre civile ......................................................... 10

L’EIIL en Syrie ............................................................................................................ 12

Le « printemps arabe » irakien et la désillusion de la démocratie ............................... 13

1.D) Le retour du califat et la quête de l’identité sociale ..................................................... 16

1.E) La responsabilité américaine ........................................................................................ 18

2) l’Idéologie .................................................................................................................... 20

2.A) Abu Musa Al-Zarqawi, le stratégiste de l’EI ............................................................... 20

2.B) Abu Bakr al-Bagdhadi, le guide de l’EI ....................................................................... 22

Partie II: Les caractéristiques de l’État islamique .............................................. 25

1) La nature de l’État islamique ................................................................................. 26

1.A) L’essence non-étatique ................................................................................................. 26

1.B) L’Étatisme de l’État islamique .................................................................................... 27

1.C) Le totalitarisme islamiste ............................................................................................. 28

2) La structure de l’administration .............................................................................. 30

2.A) Le gouvernement du califat.......................................................................................... 30

2.B) Les wilayats du califat .................................................................................................. 32

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3) Les sources de financement ..................................................................................... 34

3.A) Les revenus .................................................................................................................. 34

3.B) Les dépenses ................................................................................................................. 36

4) La puissance militaire ................................................................................................ 38

4.A) Les stratégies militaires ................................................................................................ 38

4.B) La vision géopolitique .................................................................................................. 39

4.C) les combattants ............................................................................................................. 41

Partie III : La propagande du califat ........................................................................ 43

1) Les supporters et sympathisants .......................................................................... 44

1.A) Les wilayats du monde musulman ............................................................................... 44

1.B) Les combattants étrangers ............................................................................................ 45

2) La propagande ............................................................................................................. 47

2.A) L’appel au djihad ......................................................................................................... 47

2.B) La radicalisation des individus ..................................................................................... 48

2.C) L’identité islamiste ....................................................................................................... 49

3) Les stratégies de communication ........................................................................ 52

3.A) Les Magazines.............................................................................................................. 52

3.B) Les vidéos ..................................................................................................................... 53

3.C) Les réseaux sociaux ...................................................................................................... 55

Partie IV : La chute du califat ...................................................................................... 57

1) Les membres de la coalition contre l’EI ............................................................... 58

1.A) La coalition internationale contre l’État islamique ..................................................... 58

1.B) Les État s-Unis d’Amérique ou l’implication forcée ................................................... 59

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1.C) La Turquie ou l’ambiguïté dans les ennemis désignés ................................................. 61

1.D) L’Irak ou l’État -pivot entre le monde chiite et sunnite ............................................... 63

2) L’Iran et la Russie ...................................................................................................... 65

2.A) Le monde chiite de l’Iran face au monde sunnite de l’Arabie saoudite ....................... 65

2.B) La Russie à l’aide du régime syrien contre l’opposition syrienne ............................... 66

Conclusion ........................................................................................................................ 67

La civilisation islamiste ................................................................................................. 67

La défaite militaire de l’EI et sa victoire politique ................................................. 69

Bibliographie ...................................................................................................................... 72

Liste des traductions et des acronymes ..................................................................... 89

Index des annexes ............................................................................................................. 91

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Introduction

Le 29 juin 2014, une organisation terroriste annonça le rétablissement du

califat disparu en 1929 sur une partie de la Syrie et de l’Irak. La création d’un État à

partir du chaos est un exploit inégalé pour un groupe terroriste, surtout après que les

États-Unis d’Amérique soient entrés en guerre contre le terrorisme. En cette occasion,

il est primordial d’étudier les spécificités de ce groupe nommé « État islamique » qui a

outrepassé le stade de simple mouvement révolutionnaire et terroriste. L’État

islamique a réussi à tirer parti du vide de puissance irakien et syrien pour se forger un

système politique semblable à un État. Il allie des théories djihadistes à des stratégies

militaires et psychologiques. De plus, l’origine de sa puissance et de sa présence

médiatique qui surpasse tous les autres groupes djihadistes suscite l’interrogation.

Enfin, l’État islamique bouleverse le système régional du Moyen-Orient, donc le

traitement de cette menace internationale est aussi soumis à la question.

Néanmoins, plusieurs difficultés se présentent dans l’obtention d’informations

sur l’État islamique. D’abord, cette nouvelle forme de terrorisme et les publications

s’y intéressant sont récentes, car le califat s’est déclaré en 2014. De plus, l’EI se

trouve au milieu d’un conflit dont la situation change vite avec le temps. Enfin, une

guerre de propagande se déroule, obligeant l’EI à laisser peu d’informations objectives

filtrer hors de son territoire. De plus, différents noms sont utilisés pour nommer

l’actuel «État islamique, dont l’acronyme couramment usité de Daech venant d’Al-

Dawla al-Islamiya fil Iraq wa’al-Sham. Celui-ci provient de la traduction arabe d’État

islamique en Irak et au Levant. Il est aussi à noter que le terme « Levant » désigne un

plus grand territoire qu’indiquerait le terme biblique « Sham » désignant la « Grande

Syrie ». L’acronyme « Daech » au départ sans signification est couramment utilisé

péjorativement depuis octobre 2013 par les détracteurs de « l’État islamique ».1 Ainsi,

le terme médiatique de « Daech » n’est pas utilisé dans un souci d’objectivité.

Ayant un intérêt personnel pour le Moyen-Orient, ce sujet a été choisi en

raison de la forte présence médiatique de l’EI en 2014. Ce phénomène était décrit

comme nouveau, et dès lors peu de recherches lui avaient été consacrées. De plus,

cette présence médiatique s’accompagnait inexorablement de nouvelles macabres et

1 SINIVER Asaf, LUCAS Scott, "The Islamic State lexical battleground: US foreign policy and the

abstraction of threat", International Affairs, 8 January 2016, vol. XCII, n°1, pp.63-79.

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violentes. De ce fait, une meilleure compréhension de la situation est nécessaire afin

d’éventuellement dans l’avenir apporter des solutions à cette région traversant de

graves crises politiques.

C’est pourquoi l’origine, la nature politique et la propagande de l’EI sont

analysées. Elles sont nécessaires pour répondre à la question : « Dans quelles mesures

l’État islamique est le reflet de la déstabilisation de l’Irak et de la Syrie ?» Les

sources utilisées pour l’analyse proviennent d’articles scientifiques, de working

papers, de monographies. De plus, des documents produits par l’EI même ou des

reportages vidéo ont été collectés. Ainsi, il a été remarqué que la théorie du « Choc

des civilisations »2 de Huntington peut être utilisée à chaque instant. Cette théorie

explique que le monde se divise en civilisations selon des appartenances culturelles.

Ainsi, Huntington écrit que les conflits après la guerre froide opposeront ces

civilisations. Cette théorie expliquera tout au long de ce travail le conflit entre

l’Occident et le monde musulman que les djihadistes tentent d’unifier. Cependant, les

conflits entre sous-civilisations sont aussi de mise surtout entre le monde chiite et

sunnite.

La première partie établit les causes de l’apparition de l’EI avec sa

chronologie. Elle démarrera avec le concept du nihilisme politique qui caractérisera

les mouvements djihadistes comme proche idéologiquement des mouvements

révolutionnaires anarchistes. Ces mouvements naissent principalement d’une

désillusion qui devient source de révolte et d’anéantissement d’autrui. En plus, le

groupe étudié a également emprunté le concept du terrorisme révolutionnaire qui

encadre un concept plus spécifique que celui du terrorisme. Ces théories serviront de

point de départ pour répondre à l’hypothèse émise dans l’article, «Le retour du

Califat», de Mathieu Guidère : le retour du modèle califal sur le plan politique serait

dû à l’échec de tous les autres modèles politiques au Moyen-Orient.3 En effet avec les

« printemps arabes » en Syrie et en Irak, la contestation politique se transforme en

guerre civile créant un vide de puissance. Ce concept de contestation populaire est

proche par ses idées aux idées anarchistes et expliquera le passage de la protestation

démocratique à la révolte armée. Ensuite, elle sera confortée par la théorie de

l’identité sociale établissant le lien entre insécurité et adhésion au groupe social de

2 HUNTINGTON Samuel, The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order, New York:

Simon & Schuster, 2002, 368p. 3 GUIDÈRE Mathieu, « Le retour du califat », Le débat, 2014, vol. V, n°182, pp.79-96.

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l’EI. Enfin, les théories djihadistes d’al-Souri sur la décentralisation du djihad, d’al-

Naji sur la « gestion de la barbarie », ou encore d’al-Mawdudi sur la source divine de

la légitimité du pouvoir politique, expliqueront les idéologies d’al-Zarqawi et d’al-

Baghdadi qui ont imprégné les stratégies terroristes de l’EI.

Ensuite la deuxième partie se concentre sur la nature politique de l’EI à partir

de l’hypothèse que le groupe terroriste de l’EIIL se serait constituée en État afin de

mieux administrer ses ressources et sa légitimité. En effet, la nature d’acteur non-

étatique est d’abord étudiée par le concept dédié de Walace et Josselin. Puis, la

caractérisation de l’EI en tant qu’État s’effectuera selon les critères de la convention

internationale de Montevideo, les critères établis par Marx Weber. Et enfin la nature

totalitariste du mouvement et son statut d’État-voyou seront mis en correspondance

respectivement avec la définition de Hanna Arendt et d’Anthony Lake. Ces

précédentes théories établiront la forme de l’administration du califat. Par ailleurs, les

fonctions de Musgrave concernant l’étatisme de l’EI d’un point de vue économique

seront appliquées à l’EI. Finalement, la stratégie militaire correspondant à la définition

de guerre hybride, et la vision géopolitique de l’EI seront analysées, outre la théorie

du Choc des civilisations, selon la théorie des quatre anneaux de Cafarella.

En troisième partie, le phénomène de la radicalisation en ligne est étudié,

notamment avec la théorie de l’“online radicalization” de Critina Archetti en utilisant

les concepts d’“imagined communities” de Benedict Anderson et de l’“indirect

relationship” de Craig Calhoun. De même, la notion de la théâtralisation du terrorisme

sert de point de départ à l’explication des différentes stratégies médiatiques de l’EI.

Ces théories répondront à l’hypothèse que les stratégies de communication modernes

du califat favorisent la radicalisation et le recrutement de djihadistes étrangers plus

que ses moyens de communication modernes utilisés.

Dans la dernière partie, la théorie de la guerre par procuration soulignera les

motivations et enjeux militaires et politiques de plusieurs acteurs intervenant dans le

combat contre l’EI. L’hypothèse est que les États intervenant contre l’EI mènent une

guerre par procuration dans le but d’y assouvir leur propre intérêt au Moyen-Orient.

Tandis que la pentagon’s map analyse la situation des USA, la poursuite des intérêts

nationaux de la Turquie, la Russie, l’Iran, l’Arabie saoudite est corrélée aux enjeux

civilisationnels de ces nations, toujours en lien avec la théorie du « Choc des

civilisations ».

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Partie I: les origines de « l’État islamique »

“Rebellion to tyrants is obedience to God.”4

L’hypothèse sur l’origine de l’EI a été émise dans l’article « Le retour du

Califat » de Mathieu Guidère. Pour celui-ci, le retour du modèle califal sur le plan

politique serait dû à l’échec de tous les autres modèles politiques au Moyen-Orient.5

En effet, l’apparition du califat semble être la gratification de plus de 70 années de

luttes djihadistes au Moyen-Orient. Ces mouvements révolutionnaires armés suivent la

logique du nihilisme actif de la terreur survenant après un nihilisme passif né d’une

épreuve de désillusion. Empreint de l’anarchisme et de son rejet du monde moderne,

la théorie du nihilisme politique se caractérise par une désillusion qui « conduit à la

terreur, au terrorisme, à la destruction ».6 Le nihilisme politique vise à l’annihilation

de la vie à travers une révolte maitrisée, provoquant de la satisfaction dans le désir de

meurtre. Dans leur rejet de la modernité, il se rapproche des mouvements anarchistes.

De plus, les groupes terroristes comme celui d’al-Zarqawi s’inscrivent dans un

terrorisme révolutionnaire défini comme: “a part of insurgent strategy in the context of

internal warfare or revolution: the attempt to seize political power from the established

regime of a state, if successful causing fundamental political and social change.

Violence is not revolution's unique instrument, but it is almost always a principal one.

Such internal war is often of long duration and high intensity of violence.”7 Ces

caractéristiques seront appliquées aux groupes d’al-Zarqawi et al-Baghdadi.

Puis, la théorie du Choc des civilisations, couplée à divers facteurs des

« printemps arabes » irakiens et syriens, explique la nihilisation du conflit. De plus,

d’autres théories djihadistes sont abordées comme la radicalisation du djihad d’al-

Azzam et la décentralisation du djihad d’al-Souri. Mais surtout, la « gestion de la

barbarie » d’al-Naji est la théorie djihadiste primordiale de l’EI. Cette stratégie

d’anarchiste vise avant tout à créer le chaos en territoire musulman. Puis quand

l’insécurité est installée, les djihadistes acquièrent la possibilité d’imposer leur ordre.

4 JEFFERSON Thomas 5 GUIDÈRE Mathieu, « Le retour du califat », op.cit,, pp. 79-96. 6 COLIN Robert, « La violence nihiliste », Topique, 2007, vol. II, n°99, pp. 139-171. 7 CRENSHAW HUTCHINSON Martha, “The concept of Revolutionary Terrorism”, The Journal of

Conflict Resolution, 1972, vol. XVI, n°3, pp. 383-396.

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1) Les origines de la création de l’État islamique

1.A) L’évolution du nihilisme anarchiste du djihadisme au 20e siècle

Le nihilisme politique provient d’une désillusion, et le Moyen-Orient en est

marqué. D’abord, l’un des héritages les plus visibles de la région fut les accords

Sykes-Picot de 1916. Avec la bénédiction de la Russie tsariste, les puissances

occidentales se partageaient les territoires arabes. Pourtant, la France et la Grande-

Bretagne avaient promis au Cherif de la Mecque la création d’un État arabe

indépendant. De plus, la Déclaration Balfour de 1917 promit la constitution d’un foyer

national juif en Palestine. Les arabes se sentirent trahis par les puissances

occidentales, surtout que les États-nations arabes faillirent à amener la modernité dans

le monde arabe. De plus, les nombreux conflits entre Israël et le monde arabe

traumatisèrent le monde musulman. En réaction, un courant de pensée panislamisme

se propage contre le colonialisme et l’impérialisme occidental. Elle lutte contre toute

présence occidentale, même culturelle. La résistance islamiste est inspirée par

plusieurs idéologues comme Abd al-Wahhab ou théologien comme Ibn Taymiyya.

Puis, en 1979, la révolution islamique iranienne se produit. Un gouvernement

islamique arrive au pouvoir et rend possible aux yeux des Sunnites le retour d’un

régime islamique.8 Dès lors à partir de cette désillusion de la modernité, le nihilisme

passif devint un nihilisme actif. Répandre la mort est calculée et est une source de

satisfaction dans la révolte qui est planifiée.

Lors de l’invasion de l’Afghanistan en 1989 par l’URSS, le radicalisme se

développe durant le djihad. Le fondateur d’al-Qaïda, Ben Laden, avait comme mentor

un religieux palestinien, Abdallah Azzam qui conceptualise la « base » (Qaïda). En se

basant sur les écrits de Sayyid Qutb, Azzam change l’interprétation habituelle du

djihad défensif en un djihad offensif global. L’objectif est de s’attaquer aux ennemis

lointains avant de reconquérir les territoires musulmans des ennemis intérieurs. Cette

doctrine devint celle d’al-Qaïda. De plus, il établit aussi d’autres concepts comme le

takfirisme (l’anathème des « hypocrites ») devant régir le territoire musulman, et le

culte des martyrs sunnites.9 Tout au long du 20e siècle, la doctrine des groupes

djihadistes n’a jamais cessé de se radicaliser. Les justifications religieuses de la

violence promettent la résolution des crises du monde arabo-musulman. Ou dit sous

8 GUIDÈRE Mathieu, « Le retour du califat », op.cit., pp.79-96. 9 GARCIA LUZ Gomez, « Vers un islamo-nationalisme », Confluences Méditerranée, 2011, vol. I, n°

76, pp. 23-36.

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l’angle nihiliste, la violence en soi devient le remède à la violence. De même ce rejet

de la modernité et de l’État-nation, et cette imprégnation du nihilisme constituent le

même socle que les mouvements révolutionnaires anarchistes.10 Cette histoire et ces

pensées propres aux mouvements révolutionnaires anarchistes forment le passé

commun de tous les groupes djihadistes, mais elle ne constitue pas la cause directe de

l’apparition de l’EI.

Ainsi dans ce contexte, Abdullah Azzam envoya aussi se battre en Afghanistan

un jeune jordanien nommé Abu Musab al-Zarqawi. Ce combattant formait en

Afghanistan Jund al-sham.11 En 2001, al-Zarqawi ordonna à un de ses lieutenants,

Abu Adel Rahman al-Shami, d’étendre son réseau dans le nord de l’Irak. Al-Shami

établit le groupe Jund al-Islam. Ce dernier rejoignit après le 11 septembre 2001 et

l’invasion américaine de l’Afghanistan d’autres cellules terroristes pour former Ansar

al-Islam. Enfin, le 5 février 2003, le Secrétaire d’État Colin Powell s’adressa devant

les Nations unies. Il construit le mythe du super-terroriste Abu Musab al-Zarqawi qui

popularisa celui-ci. Il clama que le groupe Ansar al-Islam formait le lien entre al-

Qaïda et le régime de Saddam Hussein qui fabriquerait des armes chimiques.12 Par la

suite le 20 mars 2003, l’armée des États-Unis d’Amérique intervenait en Irak.

L’invasion américaine déstabilisa grandement le Moyen-Orient, renforçant les

motivations anarchiques du terrorisme dans son rejet de l’Occident. Cette occupation

de huit ans de l’Irak fit émerger la fondation de la création de l’EI.

1.B) La chronologie du terrorisme révolutionnaire durant la guerre en Irak

L’évolution du groupe d’al-Zarqawi entre 2003 et 2006

Le 7 août 2003, Abu Musab al-Zarqawi fondait en Irak Tawhid wal-Jihad.

Toujours selon des motivations anarchistes, ce groupe djihadiste commença ses

activités par la pose de bombes, d’abord à l’ambassade jordanienne de Bagdad, puis

au quartier général des Nations unies et à la mosquée chiite de Najaf. De ce fait, le

groupe d’al-Zarqawi s’inscrit dans un système terroriste révolutionnaire en appliquant

10 L’HEUILLET Hélène, « le terrorisme islamique, un messianisme anarchiste », Cités, 2008, n°36, pp.

83-92. 11 BARRETT Richard, The Islamic State, New York: The Soufan group, "Publications", November

2014, 66 p. 12 WEISS Michael, HASSAN Hassan, ISIS: Inside the army of terror, New York: Regan Arts, 2015,

288 p.

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délibérément des méthodes terroristes à des fins politiques. En 2004, al-Zarqawi

rejoignit al-Qaïda et changea le nom de son organisation en al-Qaïda en Irak. Cette

organisation était aussi connue sous le nom d’al-Qaïda au pays des deux fleuves ou al-

Qaïda en Mésopotamie. Al-Zarqawi croyait que cette affiliation à al-Qaïda lui

permettrait de recevoir davantage de fonds et de recrues, tandis que Ben Laden y

voyait un moyen de subordonner al-Zarqawi et d’implanter al-Qaïda en pays d’Irak.13

Puis entre 2003 et 2005, AQI formait une minorité parmi les groupes

terroristes d’Irak. Pourtant, le terrorisme révolutionnaire d’al-Zarqawi le poussa à se

détacher des autres groupes par sa violence sociale et politique. Les opérations

militaires spectaculaires et les premières exécutions d’otages chargées de symbolisme

commencèrent et attirèrent des gens eux aussi retranchés dans le nihilisme. En fin

d’année 2005, AQI comptait au moins quinze brigades de combattants.14 Ensuite, al-

Zarqawi prescrit de démarrer un conflit sectaire avec les chiites. Leurs réactions

violentes alimenteraient le conflit et inciteraient la communauté sunnite à rejoindre la

lutte.15 Les actions du terrorisme révolutionnaire d’al-Zarqawi ont ainsi pour but de

provoquer une réaction psychologique particulière à des groupes spécifiques.

Dès 2006, l’organisation djihadiste avait mis en place une stratégie sur le long

terme visant à créer un État. En effet, le but de l’utilisation de moyens terroristes est

essentiellement politique. Parmi les cadres dirigeants de l’AQI, ceux-ci divergeaient

déjà entre les « souverainistes », qui voulaient passer par une contestation officielle de

l’accord Sykes-Picot, et les « révolutionnaires » souhaitant constituer leur État par la

force. Dans ce dernier cas, ils se basaient sur l’exemple de l’Arabie saoudite en 1932

et d’Israël en 1948 pour fonder un État panarabe, voire panislamique.16

Le Conseil Consultatif des Moudjahidines

Dans une volonté de rassembler la mouvance djihadiste, en janvier 2006, al-

Zarqawi annonçait la création du Majlis Shura al-Mujahidin fi al-Iraq, un Conseil

composé de six groupes salafistes, dont cinq de composante irakienne. Al-Qaïda en

Irak était le seul groupe étranger, mais il supervisait les opérations du Conseil. En juin

2006, une frappe aérienne tuait al-Zarqawi. Avec sa mort, le Conseil Consultatif des

13 BARRETT Richard, op.cit., 66 p. 14 GUIDÈRE Mathieu, « L'Irak ou la terre promise des jihadistes », Critique internationale, 2007, vol.

I, n°34, pp.45-60. 15 WEISS Michael, HASSAN Hassan, op.cit., 288 p. 16 GUIDÈRE Mathieu, « Daech ou le Califat pour tous », op.cit., pp.149-160.

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Moudjahidines prit ses distances avec al-Qaïda en Irak. Il installa un Égyptien à la tête

de cette franchise de non-Irakiens, Abu Ayyud al-Masri.17 Le 15 octobre 2006, celui-

ci devint le chef d’al-Qaïda en Irak et créa l’État islamique en Irak. Il appelait à plus

de cohésion de la mouvance djihadiste et cette nouvelle structure devait s’ancrer dans

la résistance islamiste irakienne.18

En parallèle, le Conseil consultatif des Moudjahidines appointa Abu Omar al-

Baghadi en tant que chef de l’EII. Al-Masri lui prêta allégeance et demanda aux autres

groupes insurgés de suivre son exemple. Un mouvement de convergence et de

structuration s’opéra aussi bien dans la mouvance djihadiste en Irak que dans

l’homogénéisation de l’idéologie du combat djihadiste. Ainsi, le chef d’al-Qaïda en

Irak s’effaça devant le chef de l’EII représentant la quasi-totalité de l’insurrection

irakienne, et devient son superviseur.19 Au total, l’EII regroupait plusieurs factions

salafistes djihadistes. Ses forces se composaient de cinq groupes armés djihadistes et

d’une trentaine de tribus sunnites de la province d’Al-Anbar.20 Ce duo de dirigeants

permit de rassembler plusieurs types de combattants. Le chef égyptien attirait les

combattants étrangers tandis que le chef irakien rassurait les insurgés sunnites

nationalistes ne voulant pas s’affilier à al-Qaïda. Cependant, ces deux chefs

mourraient ensemble en 2010 lors d’une opération américaine.21

L’arrivée d’Abu Bakr al-Baghdadi à la tête de l’État islamique en Irak

Ensuite pour remplacer les chefs morts, le Conseil nomme Abu Bakr al-

Baghdadi émir de l’EII en 2010. L’une des raisons de son élection est sa filiation à la

tribu des Quraysh. D’ailleurs celle-ci est nécessaire pour la nomination au titre de

calife, un symbole dans l’imaginaire musulman. Ainsi, al-Baghdadi reprit le

terrorisme révolutionnaire et lança des vagues d’opération de voitures piégées et

d’attentats suicides en poursuivant les objectifs politiques de ses prédécesseurs.22

Cependant entre 2007 et 2011, l’État islamique en Irak ne menait qu’une

guérilla de base intensité. Il subissait la contre-insurrection suite à l’opération

américaine « The Surge » et l’« al-Sahwat » sunnite qui pourchassaient les

17 WEISS Michael, HASSAN Hassan, op.cit., 288 p. 18 FELLOUS Gérard, Daech – « État islamique": Cancer d'un monde arabo-musulman en

recomposition: Un conflit international long et incertain, Paris : L'Harmattan, 2015, 269 p. 19 GUIDÈRE Mathieu, « L'Irak ou la terre promise des jihadistes », op.cit.., pp. 45-60. 20 FELLOUS Gérard, op.cit., 269 p. 21 WEISS Michael, HASSAN Hassan, op.cit., 288 p. 22 BARRETT Richard, op.cit., 66 p.

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combattants d’al-Qaïda.23 L’EII subit un revers, mais plusieurs évènements tournèrent

à l’avantage de l’EII. À la demande du gouvernement irakien, les USA retiraient leurs

troupes d’Irak en 2011. Et le président Obama souhaitait retirer au plus vite ses

troupes et ne plus les réengager sur le sol du Moyen-Orient ; les « printemps

arabes » atteignaient la Syrie et l’Irak. Les contestations pacifiques sont réprimées

brutalement et tournèrent en guerre civile. L’EII profita du chaos et du vide de

puissance pour gagner en puissance et s’imposer face aux autres groupes djihadistes.

1.C) Les « printemps arabes » syrien et irakien et la désillusion de la modernité

En Syrie et en Irak, des contestations populaires des régimes en place ont lieu.

Selon le concept de Georges Lavau, une contestation politique est «une action de

protestation véhémente, accompagnée ou non d'actes de violence, qui méprise les

moyens institutionnalises de 1'opposition politique (lorsque ceux-ci sont disponibles),

qui reproche à l'activité d'opposition de faciliter finalement la survie d'un système

social et politique répressif. De plus, c'est une action qui nie radicalement la légitimité

des modèles culturels les plus profonds et les plus tacitement acceptés du système

social, et qui cherche à en faire éclater la véritable nature oppressive. Enfin, elle ne

vise non pas à un simple changement politique, ni même à une transformation

ordonnée des structures économiques, mais à une émancipation totale de l'être social

de l'homme ». 24 De plus, ces contestations se manifestent dans des sociétés

industrielles où les idéaux bafouées de la modernité sont rejetées. C’est pourquoi elles

sont proches des mouvements communistes ou anarchistes. Ainsi, l’EIIL a capté ce

rejet de la modernité grâce à la violence de la guerre civile et propose à la place le

projet transétatique de former une communauté par le bas selon une idée prémoderne.

Le « printemps arabe » syrien et la guerre civile

Outre les revendications politiques appelant à la destitution du Président

Assad, des raisons économiques et sociales poussaient les manifestants à rejoindre les

contestations populaires. En effet après 2005, l’État syrien avait opéré des

libéralisations économiques rapides qui entrainèrent une pauvreté grandissante. De

2006 à 2010, une sécheresse sévit en Syrie qui paupérisa 3.7 millions de personnes.

23 GUIDÈRE Mathieu, « Daech ou le Califat pour tous », op.cit., pp.149-160. 24 LAVAU Georges, « La contestation politique », Courrier hebdomadaire du CRISP, vol. XV, n°480,

pp. 1-21.

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Soit 17% de la population syrienne subissait l’insécurité alimentaire. En plus, la

corruption empêchait les politiques de pallier la pauvreté et une migration rurale

rejoignit les villes sans emplois à offrir. 25 Le régime syrien avait mal administré son

territoire de façon aussi bien politique, économique et sociale. Et tous ces facteurs

créèrent à du mécontentement parmi la population syrienne.

C’est pourquoi en mars 2011, suite aux « printemps arabes » ayant déjà

précipité la chute des régimes de Ben Ali en Tunisie et de Kadhafi en Libye, des

manifestations pacifiques débutèrent en Syrie. En réponse, le régime de Damas choisit

la répression. Les manifestations pacifiques se transformèrent en opposition armée

voulant le renversement du régime. Dans ce conflit, les États-Unis aidaient l’Armée

syrienne libre. L’ASL ne formait qu’une partie minoritaire de l’opposition comparée

aux brigades djihadistes. Les formations islamiques les plus importantes de

l’opposition étaient Jabhat al-Nusra, Kataib Ahrar al-Cham, le Front islamique

révolutionnaire, Jaish al-Islam, et l’État islamique d’Irak et du Levant. Elles

recevaient directement ou indirectement une aide financière de l’Arabie saoudite et de

ses alliés du Golfe.26

Cependant, le Président Bachar al-Assad restait au pouvoir grâce à son armée

dépassant en puissance celui des rebelles. Même s’il a perdu une grande partie du

territoire syrien face à des mouvements révolutionnaires radicaux, il conservait les

principales zones économiques le long des côtes. L’opposition non djihadiste croyait

pouvoir créer une situation similaire à la Libye, mais la guerre s’est enlisée et le

régime d’Assad ne chuta pas comme celui de Kadhafi.27 Le régime d’Assad recevait le

support tacite et politique de la Russie et de la Chine qui mirent leur véto contre une

éventuelle intervention internationale en Syrie.28 Ainsi, une guerre par procuration

avait lieu en Irak et en Syrie et qui continue en 2016 comme il le sera expliqué dans la

quatrième partie. Au final, le support des soulèvements armés en Syrie ont conduit à

un nouveau conflit sectaire déstabilisateur en Irak.29 Le chaos et le vide de puissance

25 DE CHÂTEL Francesca, “The Role of Drought and Climate Change in the Syrian Uprising:

Untangling the Triggers of the Revolution”, Middle Eastern Studies, 27 January 2014, vol. L, n°4, pp.

521-535. 26 ARJOMAND Saïd Amir, The Arab Revolution of 2011: A Comparative Perspective, New York :

Suny Series, Pangaea II: Global/Local Studies, Avril 2015, 294 p. 27 COCKBURN Patrick, The Jihadis Return: ISIS and the New Sunni Uprising, London: OR Books,

2014, 144 p. 28 ARJOMAND Saïd Amir, op.cit., 294 p. 29 COCKBURN Patrick, op.cit.,144 p.

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créa une opportunité pour l’État islamique en Irak et au Levant d’acquérir un

territoire en Syrie et en Irak. La population désillusionnée par l’inefficacité de la lutte

démocratique est captée par le mouvement anarchiste et nihiliste de l’EIIL.

L’EIIL en Syrie

Au départ, Abu Bakr al-Baghdadi et ses lieutenants établis en Irak n’étaient

pas intéressés par le soulèvement syrien. Ils interdirent même à leurs membres syriens

de rejoindre la révolte. Puis, quand la rébellion se changea en guerre civile, ils

autorisèrent neuf membres syriens dirigés par Abu Muhammad al-Julani à s’implanter

dans le nord de la Syrie en mi-2011. Al-Julani reçut le support de Zawahiri qui lui

envoya des renforts de Pakistan. Le groupe de Jabhat al-Nusra li Ahl al-Sham est

créé. Ces combattants sont d’abord noyés dans la masse principale des opposants du

régime, mais leur expérience acquise dans le cadre du conflit irakien leur permet de se

distinguer militairement. Le groupe attira des milliers de combattants et devint une des

principales forces d’opposition au régime d’al-Assad. Cependant, al-Baghdadi

souhaitait réaffirmer son leadership sur Jabhat al-Nusra.30 Sa vision était différente de

celle d’al-Julani. Ce dernier est un islamo-nationaliste souhaitant garder les frontières

syriennes intactes. Il est un partisan d’un djihad global qui vise les ennemis lointains à

la façon d’al-Qaïda. Tandis qu’al-Baghdadi veut redéfinir les frontières et est partisan

d’un djihad local visant les ennemis proches comme les gouvernements nationaux et

régionaux.31

C’est pourquoi en avril 2013, L’État islamique en Irak et au Levant entrait

dans l’opposition syrienne contre le régime d’al-Assad. Al-Baghdadi y souhaitait

réunir les forces djihadistes irakiennes et syriennes. Le 9 avril 2013, l’EIIL déclarait

qu’al-Julani était le subordonné d’al-Baghdadi et que le Front al-Nusra intégrait

l’EIIL. En réponse, Abu Muhammad al-Julani, rejeta tout lien avec l’État islamique

en Irak et prêta allégeance au chef d’al-Qaïda, Ayman Zawahiri. Il demanda

l’arbitrage du conflit à Zawahiri. Et celui-ci annonça la transformation du Front al-

Nusra en al-Qaïda au Levant qui devint sa filiale officielle en Syrie. Puis, al-Zawahiri

demanda la suppression la branche syrienne de l’EIIL créée sans son accord.32

Cependant le 6 janvier 2014, l’EIIL s’opposa à cette décision, prit son indépendance

et entra en conflit contre al-Qaïda. Le 2 février 2014, al-Qaïda condamna

30 BARRETT Richard, op.cit., 66 p. 31 GUIDÈRE Mathieu, « Daech ou le Califat pour tous », op.cit., pp.149-160. 32 BARRETT Richard, op.cit., 66 p.

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officiellement l’EIIL et désavoua toute connexion avec lui.33 Ainsi, al-Baghdadi

installa sa nouvelle organisation en Syrie qui attira une grande partie des combattants

étrangers de Jabhat al Nusra. De plus avec l’affluence de combattants d’autres

groupes rebelles et les donations et support étrangers, EIIL devint la puissance

dominante salafiste takfiriste opposée au régime de Bachar al-Assad.34

Le « printemps arabe » irakien et la désillusion de la démocratie

Pendant ce temps en Irak, un conflit sectaire se préparait entre la minorité

sunnite et le gouvernement chiite. En effet, une disproportion de la représentation

politique des communautés au gouvernement favorisait les chiites. En effet, les

sunnites refusaient de participer aux premières élections législatives en janvier 2005 à

Falloujah. Cette non-participation d‘une zone principalement sunnite a laissé la

coalition chiite et kurde s’imposer politiquement au gouvernement. De plus, les

sunnites ne participaient que modérément au scrutin national de décembre 2005 et aux

travaux de rédaction de la Constitution irakienne. Dans ces travaux, le fédéralisme

soutenu par les Kurdes est accepté. Pour les sunnites réduits au statut de minorité,

cette partition du pays était inacceptable.35

Ainsi, l’EIIL capitalisait sur l’aliénation des Irakiens sunnites vis-à-vis du

gouvernement chiite de Bagdad. En effet, le Premier ministre chiite Nouri al-Maliki

avait des dérives autoritaires. Il cumulait les fonctions et les prérogatives et réprimait

ses opposants.36 En mars 2013, le ministre des Finances sunnite Ra al-Issawi, accusé

de terrorisme, annonça sa démission, suivie par plusieurs autres ministres de

confession sunnite. En réaction, les manifestants dans les principales villes sunnites

demandèrent la fin des discriminations politiques, civiles et économiques à l’égard de

la communauté sunnite. Cependant, Al-Maliki ne fit pas de concessions. De plus, 50

manifestants furent tués dans le démantèlement du camp de manifestant de Hawijah

qu’al-Maliki assimila à un « quartier général d’al-Qaïda ».37

33 FELLOUS Gérard, op.cit., 269 p. 34 BARRETT Richard, op.cit., 66 p. 35 BENRAAD Myriam, « Les sunnites, l'Irak et l'État islamique », Esprit, novembre 2014, vol. XII,

n°413, pp. 89-98. 36 BENRAAD Myriam, « Les Arabes sunnites d'Irak face à Bagdad et l'État islamique : l'irréversible

sécession ? », Outre-Terre, March 2015, vol. XLIV, pp.237-249. 37 LAWSON Fred H., "Syria's mutating civil war and its impact on Turkey, Iraq and Iran",

International Affairs, November 2014, vol. XC, n°6, pp.1351-1365.

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De ce fait, l’EIIL saisit l’occasion de convaincre les manifestants de leurs

motivations anarchistes puisque ses combattants défendaient les manifestants contre

l’État. Et face aux terroristes sunnites, les autorités de Bagdad tentaient de former un

deuxième « Réveil » qui échoua. Par contre, plusieurs chefs de tribus sunnites de la

province d’al-Anbar en profitèrent pour mobiliser une révolte sunnite

antigouvernementale. Ils se radicalisèrent et formèrent l’al-Majlis al-‘Askari li

Thuwwar al-Anbar et les protestations pacifiques se transformèrent en résistance

armée.38 Parmi les tribus sunnites, certains d’entre eux avaient pourtant participé au

premier « Réveil ». L’armée américaine et le gouvernement irakien leurs avaient

promis une meilleure intégration dans l’armée et la sécurité du pays, mais le

gouvernement irakien oublia ses promesses et les marginalisa.39 En parallèle, d’autres

tribus avaient développé pendant plusieurs années un penchant séparatiste qui s’était

intensifié avec le régime répressif d’al-Maliki. Et depuis la fin 2010, ces tribus

soutenaient une autonomie contraire à leur attachement antérieur à la centralisation.

En effet les ressources en hydrocarbures ne se situent pas dans leur zone

confessionnelle, mais une autonomie des provinces sunnites leur aurait permis de

prétendre à une plus grande part du budget fédéral.40

Du côté du gouvernement irakien, celui-ci ne cherchait pas de solution

pacifique. Le Premier ministre al-Maliki voyait un affrontement entre des martyrs

chiites contre des militants islamistes et des anciens baasistes. Ainsi, des soldats sont

montrés à la télévision nationale arborant des slogans et emblèmes distinctement

chiites.41 Al-Maliki reportait même, lors d’une interview en mars 2014, la faute de la

montée des violences sunnites en Irak sur le Qatar et l’Arabie saoudite: “These two

countries are primarily responsible for the sectarian, terrorist and security crisis in

Iraq.”42 Durant les élections parlementaires d’avril 2014, al-Maliki se présentait

comme le leader des chiites qui réprimerait la révolution sunnite. De plus, al-Maliki

n’était pas le seul leader chiite à refuser les réformes. Ces leaders croyaient que les

38 Ibidem. 39 Annexe 1: BENRAAD Myriam, « Les Arabes sunnites d'Irak face à Bagdad et l'État islamique :

l'irréversible sécession ? », op.cit.., pp.237-249. 40 BENRAAD Myriam, « Les sunnites, l'Irak et l'État islamique », op.cit., pp. 89-98. 41 LAWSON Fred H., op.cit., pp.1351-1365. 42 “Maliki: Saudi and Qatar at war against Iraq”, Al-Jazeera, 9 mars 2014,

http://www.aljazeera.com/news/middleeast/2014/03/maliki-saudi-qatar-at-war-against-iraq-

20143823436553921.html, updated on 9 mars 2014, consulted on 20 June 2016.

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sunnites voulaient réinstaurer l’ancien système de dominance sunnite. De ce fait, une

fracture s’agrandit entre les sous-civilisations sunnites et chiites avivant les tensions.

D’ailleurs, la caste politique irakienne est touchée par la corruption. Elle en

reporte les causes sur des acteurs extérieurs au lieu de la combattre. En effet, les

Irakiens accusent les sanctions de l’ONU d’avoir détruit la société irakienne dans les

années 1990, et l’armée américaine d’avoir détruit l’État irakien en 2003. Au final

sous al-Maliki, le patronage s’effectuait sur base d’appartenance au parti, à la famille

ou à la communauté chiite, marginalisant économiquement et politiquement la

population irakienne sunnite.43

En définitive, la population sunnite percevait le recours à la violence contre

l’hégémonie chiite comme leur seule option réaliste. La violence proposée comme

remède à la violence par les djihadistes fait adopter à la population une posture

nihiliste. La révolution armée devint la seule solution possible à la désillusion

démocratique. Cependant, elle avait peur de s’engager dans le conflit par crainte d’un

nouveau massacre commis par les milices et forces de sécurités chiites comme lors de

la guerre civile sectaire de 2006 et 2007. Cette peur s’atténua quand la majorité

sunnite de l’opposition syrienne acquerra de la puissance, supportée par les

monarchies sunnites du Golfe et la Turquie. Ainsi en 2014, l’EIIL captura des

territoires de la province d’al-Anbar dont Falloujah. En plus, il agissait en

coordination pendant une courte période de temps avec un groupe militaire baasiste,

Jaish Rijal al-Tariqah al-Naqshbaniyyah. Même les 350 000 soldats et 650 000

policiers irakiens ne freinèrent pas les avancées de l’EIIL.44

Puis, l’EIIL lance une offensive éclair qui culmina avec la prise de Mossoul le

10 juin 2014, deuxième ville d‘Irak avec un million d’habitants. Les quinze divisions

de défense de la ville se sont délitées face aux 6000 soldats de l’EIIL. Plusieurs

raisons expliquaient cette issue. D’abord, la population sunnite apportait au minimum

leur support tacite à l’EIIL.45 En effet, des activistes de l’EIIL s’étaient déjà établis

dans cette ville défavorable au gouvernement en 2013. Ils protégeaient les sunnites

des abus des forces de sécurité chiites. Cette tactique avait déjà été effectuée à al-

Ramadi et Falloujah et le sera par la suite dans les provinces de Salah al-Din et de

43 COCKBURN Patrick, op.cit.,144 p. 44 Ibidem. 45 Ibidem.

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Diyala, et autour des sites de pétrole de Kirkouk.46 Enfin, l’armée irakienne manquait

de discipline et de moral et ne constituait pas une armée nationale. En effet, la

corruption gangrénait l’armée irakienne. Un commandant de bataillon pouvait laisser

partir ses soldats en échange d’une partie de leur salaire. Le résultat était que des

unités comptaient en réalité moitié moins de soldats qu’indiquer officiellement.47

Finalement au printemps 2014, l’armée irakienne est incapable d’assurer la

sécurité dans la plupart du pays. La protection des bureaux du gouvernement dans les

grandes villes revient aux milices progouvernementales, souvent chiites. Parmi elles

se trouvent Asa'ib Ahl al-Haqq, le Kataib Hezbollah et le Munazzamah al-Badr qui

sont tous des milices chiites.48 L’autorité de Bagdad se reposa sur des milices chiites,

accentuant de ce fait les heurts avec la communauté sunnite. Celle-ci se rallia de plus

en plus avec le temps à la politique de l’EI qui proposait d’assurer leur sécurité face

aux répressions du gouvernement irakien.

1.D) Le retour du califat et la quête de l’identité sociale

En juin 2014, l’État islamique en Irak et au Levant avait étendu son emprise

sur la ville de Mossoul, les provinces de Ninive, Kirkouk et Salah al-Din. L’EIIL était

le groupe djihadiste majoritaire en Syrie et en Irak. Donc l’EIIL fit resurgir le califat

islamique disparu en 1924. Avant, L’EIIL conduit quelques enquêtes d’opinions à

travers les médias sociaux et approcha d’autres groupes djihadistes. Les résultats de

l’enquête tendaient à dire que la proclamation du califat était prématurée. De plus,

l’EIIL ne contrôlait pas encore assez son territoire, pourtant Abu Bakr al-Baghdadi

pensait que la proclamation du califat lui apporterait plus d’avantages que

d’inconvénients.49 Et après coup, le Porte-parole du groupe, Abu Muhammad al-

Adnani al-Shami, justifia la création du califat: “it was the proper time to establish the

caliphate because the Islamic State had fulfilled a series of conditions or prerequisites.

If the conditions are ripe, it is a sin not to establish the caliphate”.50

46 LAWSON Fred H., op.cit., pp.1351-1365. 47 COCKBURN Patrick, op.cit.,144 p. 48 LAWSON Fred H., op.cit., pp.1351-1365. 49 BARRETT Richard, op.cit., 66 p. 50 ALTERMAN Jon B., Religious Radicalism after the Arab Uprisings, Washington : CSIS, 2 février

2015, 204 p.

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Ainsi le 29 juin 2014 premier jour du ramadan, l’EIIL déclara le

rétablissement du califat islamique. Il annonça changer son nom en « État islamique »,

tandis qu’Abu Bakr al-Baghdadi deviendrait le calife Ibrahim. Cette nomination

défiait aussi l’autorité d’al-Zawahiri et du Mollah Omar en tant que Commandeur des

croyants.51 Puis, le 4 juillet 2014, al-Baghdadi annonça à la grande mosquée d’al-Nuri

de Mossul accepter son titre de calife. Cet endroit est un symbole fort car Saladin y

prêcha aussi.52 Dans son discours, al-Baghdadi remit en cause les frontières issues de

l’accord Sykes-Picot de 1916 et créa immédiatement la nouvelle province d’al-Furat à

cheval sur les territoires syriens et irakiens.53 Suite à ces déclarations, l’EI n’attira pas

un nombre significatif d’allégeances de la part des groupes djihadistes, y compris

salafistes takfiristes, même si ceux-ci reconnaissaient ses exploits et que quelques-uns

leur apportent du soutien. Mais son apparente légitimité sur le plan religieux et ses

succès militaires attirèrent des recrues et des fonds financiers d’au moins 81 pays.54

Ainsi l’idéologie prémoderne du califat séduisit dans le monde musulman, car elle

venait supplanter l’échec du concept moderne de l’État-nation promu par la

civilisation occidentale. De plus, le califat avait déjà établi par le passé une relative

paix sociale entre une mosaïque de peuples différents.55

En fait, l’EI n’attira pas beaucoup de groupes, mais son projet politique

répondait aux craintes d’insécurité de la communauté sunnite d’Irak et de Syrie. Ainsi,

la théorie de l’identité sociale explique les adhésions à l’idéologie du califat

islamique. La théorie de l’identité sociale est: “that people ascertain who they are and

to which social group they belong by engaging in a process of categorization (putting

people, including oneself, into groups), identification (a subjective association), and

comparison (a bias toward one’s own group and its importance)”.56 Selon cette

théorie, l’individu possède une vision de lui-même, une vision de son État et une

vision du groupe alternatif. Quand, il sent que l’État ne satisfait pas ses besoins, il peut

rechercher une communauté alternative pour laquelle il peut développer la

caractéristique sociale qui lui permettrait de le rejoindre officiellement.

51 BARRETT Richard, op.cit., 66 p. 52 WEISS Michael, HASSAN Hassan, op.cit., 288 p. 53 GUIDÈRE Mathieu, « Daech ou le Califat pour tous », op.cit., pp.149-160. 54 BARRETT Richard, op.cit., 66 p. 55 GUIDÈRE Mathieu, « Le retour du califat », op.cit.,, pp.79-96. 56 CHEN Yan, XIN LI Sherry, “Group Identity and Social Preferences”, The American Economic

Review, 2009, vol. IC, n°1, pp. 431–433.

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Par conséquent à partir de la violence crée par les extrémismes religieux, le

califat est un groupe social qui se sert du sentiment d’insécurité pour mettre en avant

leur force et leur valeur. Puis le public socialement adapté à l’EI est atteint grâce aux

médias modernes. De ce fait, le groupe social du califat se sert de la religion comme

d’un lien fort qui unit les membres ensemble et qui attire les nouvelles recrues. Et au

final, l’État islamique, producteur de religion, assure les besoins et les bénéfices

recherchés par ses sympathisants consommateurs de religion.57

Finalement, l’islamisme radical surgit des crises de la société. L’EI joue sur la

recherche d’identité des musulmans et de dignité des peuples. Il fait miroiter un

modèle communautaire garantissant la justice sociale face à des gens connaissant le

chômage, l’injustice, la stigmatisation et la marginalisation. L’attirance de ceux-ci

pour l’EI provient surtout de facteurs économiques et politiques et non sur la base de

la religion. L’EI ne prône pas qu’une croyance religieuse, mais aussi un système

politique capable d’assurer les besoins et la sécurité de ses membres.58 L’EI est animé

d’une volonté anarchique. Il crée le chaos, puis il crée l’ordre pour résoudre le chaos.

Tandis que les causes de l’insécurité et du malheur sont reportées sur autrui. Cette

stratégie base sa théorie sur la « gestion de la barbarie » de Naji qui sera expliquée

ultérieurement.

1.E) La responsabilité américaine

Plusieurs points de vue sont émis concernant la responsabilité des États-Unis

dans la création de l’État islamique. D’une part, l’invasion de l’Irak en 2003 pourrait

être considérée comme une cause du retour du califat en 2014, car elle est le

catalyseur de l’augmentation du terrorisme en Irak.59 De plus, l’accusation du

terroriste al-Zarqawi par Colin Powell à l’ONU a donné à celui-ci une renommée

internationale qui renforça son groupe.60 Selon ces arguments, la responsabilité de la

création de l’EI se fonde sur les actions des USA. D’autre part en 2007,

l’administration Bush lance l’opération « the Surge » en parallèle du « Réveil ». Ces

57 KFIR Isaac, "Social Identity Group and Human (In)Security: The Case of Islamic State in Iraq and

the Levant (ISIL)", Studies in Conflict & Terrorism, 2015, vol. XXXVIII, n°4, pp.233-252. 58 AL-SUBAIE Mohammad, « Le jihadisme comme barbarie nouvelle », Cités, 2015, vol. I, n°61,

pp.39-48. 59 Global terrorism index 2015: measuring and understanding the impact of terrorism, Sidney: Institute

for Economic & Peace, “Report”, n°36, 2015, 111 p. 60 GUIDÈRE Mathieu, « Le retour du califat », op.cit., pp.79-96.

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deux opérations parallèles ont permis la baisse du niveau des violences et le soutien

des sunnites contre les groupes terroristes. Par conséquent, les Américains auraient

corrigé l’erreur de l’invasion de 2003 selon ce point de vue.61

Par la suite, la responsabilité de la création de l’EI est reprochée au mandat de

Barrack Obama sur la base de deux inactions des États-Unis. Premièrement, les USA

prennent la décision de ne pas soutenir les groupes pro-démocratiques en Syrie.

Deuxièmement, ils retirent ses troupes d’Irak. En effet, le gouvernement irakien d’al-

Maliki insiste sur le retrait des troupes américaines pour décembre 2011.62 En se

plaçant à priori du point de vue d’Obama, celui-ci n’a plus de raison de maintenir ses

troupes en Irak : l’Irak a un gouvernement élu qui demande le retrait des troupes

américaines ; les groupes terroristes sont pourchassés en Irak; les « printemps arabes »

en Irak et en Syrie sont des affaires domestiques devant être réglées par leur

gouvernement respectif. Pour le conflit syrien, les USA n’ont pas de moyen légal

d’intervenir après le véto russe et chinois et ils ne possèdent pas la volonté d’envoyer

des soldats une nouvelle fois dans un conflit au Moyen-Orient.

Par conséquent, les USA ne sont pas directement responsables de l’apparition

de l’EI. Par contre, la coalition menée par les USA est responsable de l’amplification

de la vulnérabilité de l’Irak face aux chocs extérieurs, comme l’ont été le

réchauffement climatique et la corruption pour la Syrie. De plus, l’Autorité provisoire

de la coalition a lancé une « débaasification » de l’Irak, renvoyant de l’armée ou de

leur poste 30 000 associés de l’ancien régime qui formaient le dernier pilier de l’État.

Donc, la police disparut et les frontières sont laissées sans surveillance. Les USA

d’Amérique n’ont pas réussi à fonder un Irak politiquement uni car ils constituèrent un

système politique chiite dominant une minorité sunnite. Au final, les USA ont créé les

facteurs de faiblesses de l’État irakien, facilitant un vide de puissance dans lequel se

sont engouffrés des conflits confessionnels. Donc les USA sont responsables d’une

manière indirecte de l’apparition de l’EI.63 Dès lors, le monde musulman perçoit cette

déstabilisation de l’Irak comme une attaque de la civilisation occidentale.

61 RALPH Jason, SOUTER James, "A special responsibility to protect: the UK, Australia and the rise

of Islamic State", International Affairs, 2015, vol. XCI, n°4, pp.709-723. 62 Ibidem. 63 Ibidem.

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2) l’Idéologie

2.A) Abu Musa Al-Zarqawi, le stratégiste de l’EI

Abu Musab al-Zarqawi, né Fadel Nazal al-Khalayleh en 1966 est considéré par

l’État islamique comme son fondateur spirituel. Mort en 2006, il inspira profondément

les stratégies utilisées par les groupes djihadistes. Il laissa trois éléments formant

l’héritage idéologique de l’EI.

Premièrement, les stratégies de guerres employées par al-Zarqawi ont été

intégrées à l’idéologie de l’EI. La volonté de rétablir le califat d’al-Zarqawi a été

poursuivie par ses successeurs. Au départ des plans de bataille utilisé par al-Zarqawi

puis par l’EI, il existe deux textes publiés sur internet en 2004. La première vient

d’Abu Mussab al-Souri qui publiait l’« Appel à la résistance islamique mondiale ».

Mussab élabora un djihad décentralisé à la façon d’une longue guérilla où les cellules

terroristes doivent se composer que de quelques hommes, voire un seul homme, dans

le but d’être indétectable.64 Le deuxième texte a été écrit par Abu Bakr Naji : « La

gestion de la barbarie ». Naji explique les différentes étapes de sa théorie du « pouvoir

de l’humiliation et de l’épuisement ». Son but est de créer une guerre continue dans

des régions stratégiques. Le chaos continu provoqué puis « résolu » par les djihadistes,

et le recrutement continu de nouveaux djihadistes affaibliront les régimes islamiques

alliés de l’Occident. De ce fait, la superpuissance des États-Unis d’Amérique ne

pourra plus mener sa guerre par procuration et devra envoyer ses propres troupes. Dès

lors, Naji explique que les soldats américains tués par les djihadistes feront perdre le

« halo médiatique » d’invincibilité des soldats américains. Et enfin, le reste des

musulmans se rendraient compte de la faiblesse de la superpuissance des USA et

rejoindrait le combat.65 Ainsi, ce plan de bataille de Naji semble faire écho à deux

autres concepts, celui du Pentagon’s map et du « Choc des civilisations ». La stratégie

de l’EI serait de mener des actions dans la faille et d’affaiblir les États-pivots pour

obliger les USA à engager leurs troupes.66 Et ensuite, la perte du « halo médiatique »

américain mobiliserait l’ensemble de la civilisation musulmane contre les USA.67

64 FELLOUS Gérard, op.cit, 269 p. 65 NAJI Abu Bakr, Gestion de la Barbarie, Paris : DeParis, 2007, 248 p. 66 BARNETT Thomas P.M., The Pentagon’s new map: War and peace in the twenty-first century, New

York: Berkley, 2005, 448 p. 67 HUNTINGTON Samuel, op.cit., 368p.

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Deuxièmement, al-Zarqawi avait établi une idéologie anti-chiisme qui restera

ancrée dans l’EI. Cet anti-chiisme lui a été enseigné par un prêcheur jordanien

salafiste takfiriste, Abu Mohammed al-Maqdisi.68 Et durant la guerre d’Irak, l’objectif

d’al-Zarqawi était de provoquer un conflit sectaire avec les chiites et de compter sur

leur vengeance pour rallier les sunnites à sa cause.”69 Cette considération des chiites

comme méritant la mort à titre d’apostat avait suscité la méfiance de Ben Laden. Pour

celui-ci, attaquer les chiites aurait créé une union des musulmans contre les terroristes.

Mais la stratégie d’al-Zarqawi se révéla efficace au point de changer celle d’al-

Qaïda.70 En 2016, l’EI attaque toujours les chiites dans le but d’entrainer des

contreréactions agressives de leur part contre les sunnites. En conséquence, un conflit

sectaire démarre et accentue les identités sociales sunnites en faveur de l’EI.

Troisièmement, al-Zarqawi se servait de la violence et de la terreur pour

imposer son idéologie et ses règles à des nouvelles recrues.71 Mais si la violence

permet de contraindre les individus, elle peut aussi les soulager selon le concept du

nihilisme politique. Les terroristes religieux voient la violence comme un acte de

purification, un moyen de communication et une démonstration publique de leur

ferveur.72 C’est pourquoi l’EI est capable de recruter des volontaires en usant d’une

violence inouïe. De plus, le califat lutte pour son indépendance vis-à-vis de l’Irak et de

la Syrie. Les volontaires l’ayant rejoint luttent contre l’oppression des régimes irakien

et syrien. Adéquatement, Frantz Fanon, auteur anticolonialiste, a écrit sur l’usage de la

violence par les colonisés contre les colonisateurs : « Au niveau des individus, la

violence désintoxique. Elle débarrasse le colonisé de son complexe d’infériorité, de

ses attitudes contemplatives ou désespérées. Elle le rend intrépide, le réhabilite à ses

propres yeux. »73 Par la suite, l’EI a repris l’approche d’al-Zarqawi en y insinuant la

notion d’insécurité et de peur. Ceci étant pour montrer qu’elle est plus apte à assurer la

protection de ses membres que l’État irakien.74 Donc, l’EI propage la violence comme

un remède à la marginalisation et à l’insécurité de la population qui s’en remet à la

protection de l’EI à travers la notion d’identité sociale.

68 BARRETT Richard, op.cit., 66 p. 69Annexe 2: Zarqawi letter, Washington: Office of Electronic Information, Bureau of Public Affairs,

February 2004, http://2001-2009.state.gov/p/nea/rls/31694.htm , accessed on 19 June 2016. 70 WEISS Michael, HASSAN Hassan, op.cit, 288 p. 71 KFIR Isaac, op.cit., pp.233-252. 72 PIAZZA James A., "Is Islamist Terrorism More Dangerous?: An Empirical Study of Group Ideology,

Organization, and Goal Structure", Terrorism and Political Violence, 2009, vol. XXI, n°1, pp.62-88. 73 FANON Frantz, Les damnés de la Terre, Paris : La Découverte, 2004, 311 p. 74 KFIR Isaac, op.cit., pp.233-252.

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2.B) Abu Bakr al-Bagdhadi, le guide de l’EI

Abu Bakr al-Baghdadi est née sous le nom d’Ibrahim Awwad al-Badri en 1971

à Samarra. En 2000, al-Baghdadi possède un doctorat en théologie islamique et fonda

en 2003 son propre groupe : Jaysh ahl al-Sunnah-wa al-Jamaah. Le 31 janvier 2004,

il est arrêté et envoyé au camp Bucca où il entra en contact avec les milieux

djihadistes et les partisans du Parti Baas. Il est relâché le 6 décembre 2004 et rejoignit

en 2007 le Conseil de l’EII. En 2010, il devint émir de l’EII, puis calife en 2014.75

D’abord, al-Baghdadi reprit le plan de bataille d’al-Naji. D’abord, il continua

les attentats pour affaiblir ses ennemis. Puis, son groupe « géra la barbarie » en

administrant les territoires dans le chaos et rétablit le califat.76 Le désir d’al-Baghdadi

est d’effacer les frontières existantes du Moyen-Orient héritées de la période

coloniale. La disparition de ces frontières permettrait de réjouir les tribus locales

séparées par les frontières, ainsi que les nationalistes arabes ressentant le colonialisme,

et les musulmans souhaitant unir le monde musulman.77 Le plan d’Al-Baghdadi est

d’ameuter la civilisation musulmane à sa cause. Il fait partie d’un courant califiste qui

veut, selon Mathieu Guidère, « unifier les territoires musulmans (dar al-Islam) sous

une même autorité politique dans le cadre d’une fédération d’« Emirats » ayant

chacun a sa tête un « émir » ».78 De plus, al-Baghdadi est un révolutionnaire

souhaitant construire son califat par la propagande et la violence. Cette guerre sainte

déclarée, visant également les musulmans ne le suivant pas, inscrit son groupe dans la

branche djihadiste salafiste takfiriste. En plus, il ambitionne de continuer la suite des

califats historiques arrêtés en 1924. Par conséquent, il incite à un panislamisme

unissant l’ensemble des sunnites sous un même gouvernement. Ce nouveau califat

rejetterait toute influence occidentale, car celle-ci est considérée comme ayant mené

au déclin du monde arabe.79 Ce principe du califat pur est inspiré de Mawdudi, un

idéologue qui conçut un système politique théocratique où la légitimité ne vient que

de Dieu. Cette idéologie unirait les trois fondements du salafisme : la religion ; la

charia régissant l’État ; l’umma (l’ensemble de la communauté musulmane).80 Ainsi

75 WEISS Michael, HASSAN Hassan, op.cit., 288 p. 76 NAJI Abu Bakr, op.cit., 248 p. 77 BENRAAD Myriam, « L'État islamique : anatomie d'une machine infernale », Revue internationale

et stratégique, 2014, vol. IV, n°96, pp.188. 78 GUIDÈRE Mathieu, « Daech ou le Califat pour tous », op.cit., pp.149-160. 79 BENRAAD Myriam, « Les Arabes sunnites d'Irak face à Bagdad et l'État islamique : l'irréversible

sécession ? », op.cit., pp.237-249. 80 FELLOUS Gérard, op.cit., 269 p.

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al-Baghdadi fait appel dans son projet à de grands symboles et idéaux du monde

musulmans. Le but est d’unifier le monde musulman autour de ces symboles.

Ensuite, cet État islamique était l’objectif d’al-Baghdadi, mais également d’al-

Zarqawi. Tous les deux ont dirigé un « groupe stratégique » contrairement au groupe à

l’idéologie universelle d’al-Qaïda. Ils dirigeaient un groupe comptant sur le support de

la population pour atteindre leurs objectifs. Par conséquent, il est sensible à «gagner

les cœurs et les esprits » de leur public.81 Bien que partageant le même objectif à long

terme, la différenciation entre al-Qaïda et l’EI se situe dans la méthodologie. Pour al-

Qaïda, l’ennemi est loin. Il s’agit des pays occidentaux et de leurs alliés arabes. Pour

l’EI, ses ennemis sont les régimes musulmans « impies ».82 Pour établir le lien entre

l’accomplissement de l’objectif et le soutien de ses membres, l’EI a pour slogan

« remaining and expending ».83 Ainsi, l’EI a toujours besoin de rester en mouvement

et d’avancée vers la victoire aussi bien pour son projet de conquête que pour soutenir

sa propagande de victoires.

De plus, une des maximes de l’EI est de tuer quiconque refuse de prêter

serment au calife qui détient l’autorité supérieure sur tous les musulmans par son titre

de Commandeur des croyants. L’EI conteste la légitimité des frontières et des

monarchies dans le monde musulman, et il s’oppose aux chefs d’État anti-

islamiques.84 La violence est légitimée, car elle a pour objectif d’unir le monde

musulman sous un règne islamiste conforme aux ordres de Dieu. Donc le takfirisme

est dans l’intérêt de l‘islam. De plus, le baasisme a influencé l’idéologie du califat. Il a

promu une grandeur du peuple arabe à travers le développement de l’islam. Il a fait

naitre du racisme, du fascisme et un culte de la personnalité autour du chef.85 De la

sorte, al-Baghdadi établit l’idéologie du califat comme supérieur à toute autre forme

de gouvernement et de régime. Il poursuit les principes auparavant suivis par al-

Zarqawi et guide sa population selon sa vision totalitariste de l’islam. De leur côté, les

islamistes, ayant douté de leur idéologie durant les « printemps arabes», furent

désillusionnés par la démocratie. Ils se lancèrent avec d’autant plus de conviction dans

un djihad nihiliste propre aux mouvements anarchistes anti-modernité.

81 PIAZZA James A., op.cit.,, pp.62-88. 82 FELLOUS Gérard, op.cit., 269 p. 83 “Remaining and expanding", Dabiq, Muharram 1436 A.H, n°5, 40 p. 84 ALLMELING Anne,KRUG Johannes, op.cit., pp.304-315. 85 BARRETT Richard, op.cit., 66 p.

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Partie II: Les caractéristiques de l’État islamique

« L'État ou l'immoralité organisée - à l'intérieur sous forme de police, de droit

pénal, de caste, de commerce, de famille; à l'extérieur comme volonté de puissance, de

guerre, de conquête, de vengeance. »86

Dans la partie précédente, il a été expliqué que l’EI s’était constitué en califat

afin de soutenir sa propagande. Son image de mouvement panislamique attire des

combattants et des dons étrangers. De même, le porte-parole de l’EI justifiait que le

califat devait être rétabli dès que les conditions étaient réunies. Ainsi en juin 2014, le

groupe djihadiste État islamique en Irak et au Levant proclamait devenir un véritable

État. Et compte tenu de son armée et de son administration, la question de la nature de

l’EI se pose concernant son statut et ses capacités.

De ce fait, l’hypothèse est que le groupe terroriste de l’EIIL se serait constitué

en État afin de mieux administrer ses ressources et sa légitimité. En effet, un groupe

terroriste n’a pas besoin de contrôler un territoire et d’en récolter les ressources pour

subsister. Cependant, l’EI a besoin de subvenir à ses dépenses et même d’une armée

conventionnelle pour occuper son territoire. En contrepartie, sa forme

gouvernementale efface son image de mouvement terroriste et lui assure une

crédibilité auprès des djihadistes.

C’est pourquoi plusieurs théories définiront le statut de l’EI. Au départ de la

théorie des acteurs non-étatiques de Josselin et Walace, les critères de la convention

de Montevideo ainsi que celle de Max Weber seront appliqués à l’EI. De même, la

définition de la mouvance totalitaire de Hanna Arendt et celle de l’État-voyou

préciseront son système politique. Puis la structure de son administration sera étudiée

sous l’angle de la correspondance à un État-voyou et celle de la nécessité pour l’EI de

« gagner les cœurs et les esprits ». Ensuite, les fonctions économiques de l’État selon

Musgrave expliqueront la politique budgétaire de l’EI. Enfin, la stratégie militaire de

l’EI sera analysée en tant que guerre hybride. Puis la théorie des quatre anneaux de

Cafarella, couplé au Choc des civilisations expliqueront la vision géopolitique de l’EI.

86 NIETZSCHE Friedrich

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1) La nature de l’État islamique

1.A) L’essence non-étatique

D’abord, avant d’être un califat, l’EI est un groupe djihadiste. Celui-ci prend

part à la mouvance salafiste takfiriste qui est une branche extrémiste de l’islam

politique. Josselin et Walace proposent une définition de l’islam politique : “the

ideology that aims to reform society and politics along religious lines given in the

Koran and Islamic legal and cultural traditions - in principle rejects the secular

concept of the nation-state and deems the state illegitimate. Furthermore, Islamist

movements help create multiple links, from social and cultural to terrorist and

criminals ones, between members and societies, thus bypassing governments”.87

De plus, en appliquant les critères de Josselin et Walace, l’EI correspond à un

acteur non-étatique pour trois raisons : il est autonome du gouvernement central. En

effet, l’État islamique lutte pour prendre son indépendance vis-à-vis des régimes

centraux syrien et irakien ; Il s’engage dans des relations transnationales. Ses

opérations clandestines ont étendu son réseau dans l’État irakien et syrien.

L’effacement de la frontière est prévu entre l’État irakien et syrien ; il a des activités

affectant la politique des États dans lesquelles il réside. Les objectifs de l’État

islamique sont antagonistes de ceux de la Syrie et de l’Irak, car visant à leur

renversement.88

Ensuite, cet acteur non-étatique défie les normes de la société internationale.

Le califat islamique tente de renverser l’ordre international en supprimant des

frontières établies. Il tente d’étendre ses frontières et de créer un nouvel État

théocratique basé sur la religion islamique. Par ailleurs, il avait agi en coordination

avec d’autres groupes non-étatiques terroristes pour atteindre ces objectifs. L’État

islamique est par conséquent un État révolutionnaire.89 L’islam est utilisé par l’EI

pour renforcer sa légitimité au détriment du système de l’État-nation. Comme les

autres acteurs djihadistes, Il vise l’abolition de l’État-nation qui serait remplacé par un

État-umma. En effet, la souveraineté trouve sa légitimité en Dieu selon les islamistes.

Jusqu’à présent, l’EI est considéré comme un acteur non-étatique. Cette vision

correspond à la vision donnée par les médias et les déclarations politiques reniant le

87 JOSSELIN Daphné, WALACE William, Non-state actors in world politics, Houndmills: Palgrave,

2001, 294 p. 88 Ibidem. 89 Ibidem.

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statut d’État à l’EI. Cependant, l’EI est plus qu’un simple groupe terroriste. Il présente

des caractéristiques régaliennes propres aux États.

1.B) L’Étatisme de l’État islamique

La déclaration de juin 2014 ne suffit pas à ériger l’État islamique en État,

même si c’est un acte symbolique. Selon la Convention de Montevideo, quatre

conditions sont nécessaires pour qu’un État moderne soit considéré comme personne

de Droit international. Un État moderne doit posséder une population permanente

résidant sur un territoire déterminé, régi par un gouvernement et être reconnu par les

autres États.90 En appliquant ces conditions à l’EI, celui-ci en valide plusieurs : la

possession d’un territoire équivalent à celui de la Grande-Bretagne ; une population de

huit millions d’habitants ; un gouvernement dirigeant le territoire et des gouverneurs,

connus de la population, gérant l’administration et les services publics des provinces.

Cependant, l’EI ne dispose pas de la reconnaissance des autres États. Sans cette

reconnaissance internationale, l’EI se constitue en proto-État dans le système

contemporain.91 Pourtant, l’EI possède une puissance militaire qui lui permit

d’acquérir des caractéristiques régaliennes encore plus prononcées que certains pays.

Ainsi, en prenant en compte la définition de Max Weber : « Nous entendons

par État une entreprise politique à caractère institutionnel [politischer Anstaltsbetrieb]

lorsque et tant que sa direction administrative revendique avec succès, dans

l’application des règlements, le monopole de la contrainte physique légitime».92 À

partir de ce constat appliqué à l’EI, ce dernier est une structure qui se perçoit prospérer

dans le temps, en tout cas sans agression extérieure à son encontre. Il administre son

territoire et possède de la légitimité auprès de sa population sur laquelle est exercée

une violence physique légitime, monopole de l’EI. De plus, son autorité combine les

trois types de légitimité de Weber. D’abord, le calife possède une domination

charismatique, car al-Baghdadi a réussi l’exploit avec son mouvement de rétablir un

califat disparu tout en s’opposant à l’Occident et aux régimes irakien et syrien. Puis,

l’EI accumule la domination traditionnelle en prétendant poursuivre les treize siècles

90 « Convention concernant les droits et devoirs des États, adoptée par la septième Conférence

internationale américaine. Signée à Montevideo, le 26 décembre 1933 », Montevideo, 26 décembre

1933, 8 p. 91 GUIDERE Mathieu, « Daech ou le Califat pour tous », op.cit., pp.149-160. 92 WEBER Max, Economie et société, tome 1 : Les Catégories de la sociologie, Paris: Pocket, 2003,

410 p.

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de tradition politique califale. De plus, le calife est considéré comme le successeur

politique de la communauté musulmane après le Prophète Muhammad. Les traditions

et coutumes tirent leur légitimité du Coran. De ce fait, l’EI accapare également une

domination rationnelle légale, parce que la population respecte ces lois interprétées du

Coran considérées comme rationnelles. En conséquence, les caractéristiques internes

de l’EI font de celui-ci une entité étatique. Cette entité possède également un système

politique correspondant à sa nature révolutionnaire.

1.C) Le totalitarisme islamiste

Comme expliqué précédemment, l’EI fait partie d’un mouvement djihadiste

révolutionnaire. Son but est de détruire les structures existantes et de rassembler le

monde musulman sous son califat, et ensuite, de répandre l’islam sur la terre entière.

La propagande est utilisée pour répandre son idéologie extrémiste. De plus toute

personne refusant de s’adonner à la vie islamiste prescrite par l’EI ou de prêter

serment au calife est éliminée. Aucune tolérance ou dissidence n’est tolérée.93 A cet

égard, l’EI est un État totalitaire qui correspond à la définition de Hannah Arendt du

mouvement totalitaire : « international dans son organisation, universel dans sa visée

idéologique, planétaire dans ses aspirations politiques ».94

Ainsi, l’EI a des prétentions internationales pour ces conquêtes et tous ceux

qui ne le suivront pas seront annihilés. En s’aidant du paradigme de Bourion et de

Bournois, la pertinence du pouvoir et la légitimité du pouvoir de l’EI est remarquée.95

L’EI montre une attitude à la performance. Ses dirigeants tentent de réduire

l’incertitude en réprimant sa population et en faisant constamment référence à

l’interprétation salafiste de l’islam. D’ailleurs, le Calife Ibrahim prétend poursuivre la

lignée des califes historiques, mais il apparait très peu en public, renforçant la

mysticité autour de sa personnalité.

De plus, les références au Canon islamique et au Coran est une tentative de

l’EI de s’arroger la légitimité du pouvoir. Des savants et théologiens rédigent les

93 BARRETT Richard, op.cit., 66 p. 94 ARENDT Hannah, Le système totalitaire : Les origines du totalitarisme, Paris : Seuil, 2005, 380 p. 95 BOURION Christian, BOURNOIS Frank, « Le pouvoir hiérarchique, une organisation sans emprise

comportementale ? L’organisation moderne a besoin d’ordre qu’elle organise sans avoir recours à

l’emprise archaïque. C’est pourquoi, le pouvoir doit répondre à des critères de pertinence, de légitimité

et fait l’objet d’une régulation permanente d’un échelon à l’autre », Revue internationale de

psychosociologie et de gestion des comportements organisationnels, 2015, vol. XXI, n°52, pp.23-50.

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fatwas qui sont inaliénables, car elles se basent sur le Coran. Et concernant les

interprétations de l’islam qui leur sont contraires, ceux-ci sont régulés. Les musulmans

ayant une vision différente sont éliminés et l’interprétation officielle est enseignée

jusque dans les écoles ; toutes les sources de documentation et les vestiges ne

correspondant pas à la vision de l’islam de l’EI sont détruits.96 Donc le califat est un

État théocratique totalitaire et nomocratique. Il se base sur la religion islamique dont

le Coran comprend des lois rédigées une fois pour toutes. Ces lois interprétées forment

la base du système politique et idéologique de l’EI qui les impose à tous les individus

vivant dans leur société. Le projet du califat est sensé s’étendre sur la totalité de

l’umma ou civilisation musulmane dans laquelle les musulmans non sunnites sont

exclus.

Au final, l’État de l’EI correspond aussi à un État-voyou. Anthony Lake définit

les caractéristiques des États-voyous: “Ruled by cliques that control power through

coercion, they suppress basic human rights and promote radical ideologies. While

their political systems vary, their leaders share a common antipathy toward popular

participation that might undermine the existing regimes. These nations exhibit a

chronic inability to engage constructively with the outside world, and they do not

function effectively in alliances even with those like-minded. They are often on the

defensive, increasingly criticized and targeted with sanctions in international forums.

Finally, they share a siege mentality”.97 En effet, le califat propose une idéologie

radicale et totalitaire, remplaçant les droits de l’Homme par une interprétation stricte

de la charia. Toute la société est placée sous l’égide de Dieu, abolissant donc toute

influence de la population dans la politique. L’EI souhaite renverser le système

international. Et il repose leur idéologie militaire sur l’apocalypse représentée par les

Occidentaux assiégeants la civilisation musulmane.

96 KAVAL Allan, « A Mossoul, l’État islamique impose sa « politique éducative » », Le Monde, 5

février 2015, http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2015/02/05/a-mossoul-l-État -islamique-

impose-sa-politique-educative_4570298_3218.html, mis à jour le 27 février 2015, consulté le 27 juin

2016. 97 LAKE Anthony, « Backlash States », Foreign Affairs, 1994; vol. LXXIII, n°2, pp. 45-55.

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2) La structure de l’administration

2.A) Le gouvernement du califat

En suivant le concept de l’État-voyou et de la « gestion de la barbarie »,

l’administration de l’EI suit également la logique militaire de « gagner les cœurs et les

esprits » des populations des territoires occupés. Selon Bertrand Valeyre, « les

opérations qui visent à « gagner les cœurs et les esprits » sont essentiellement de

nature politique. Elles participent d’un combat pour la légitimité. La primauté du

politique se constate au fait que le pouvoir civil assume la conduite de la lutte contre

l’insurrection. Les forces agissent en appui au gouvernement du pays où elles sont

déployées. Elles ne cherchent pas à se faire aimer. Ce qui importe, c’est l’attitude de la

population vis-à-vis du gouvernement hôte. »98 Ainsi, le califat organise son

administration pour apporter de la sécurité à une population connaissant le chaos. La

structure de son administration se tourne essentiellement vers la promotion de

l’idéologie radicale du mouvement et dans l’organisation de l’aspect militaire dans but

d’assurer la survie du califat.

En premier à la tête du califat se trouve le calife Ibrahim. Il était entouré de

deux délégués proches, l’un s’occupant des activités en Irak, et l’autre des activités en

Syrie. Mais ses deux délégués moururent. Le premier était Abu Muslim al-Turkmani.

Considéré comme le numéro deux de l’organisation, il est mort le 18 août 2015.99 Le

deuxième s’appelait Abu Ali al-Anbari, est mort le 24 mars 2016.100 D’ailleurs, la

plupart des cadres dirigeants de l’EI sont d’anciens membres du parti Baas. L’autorité

du pouvoir est décentralisée entre les différents échelons de la hiérarchie. Abu Bakr

al-Baghdadi et ses deux délégués choisissent les objectifs stratégiques. Et les échelons

inférieurs de la hiérarchie disposent d’une autonomie pour accomplir ces objectifs.

Cette méthode permet à l’EI d’agir sur plusieurs fronts aussi bien militairement

qu’administrativement. Ainsi, en dessous du calife Ibrahim se trouvent les Conseils.

98 VALEYRE Bertrand, Gagner les cœurs et les esprits - Origine historique du concept, application

actuelle en Afghanistan, Paris : Centre de Doctrine d'Emploi des Forces, 7 juillet 2010, 124 p. 99 « Le numéro 2 de l’État islamique tué par une frappe américaine », Le soir, 21 août 2015,

http://www.lesoir.be/968784/article/actualite/monde/2015-08-21/numero-2-l-État -islamique-tue-par-

une-frappe-americaine, mis à jour le 21 août 2015, consulté le 30 juin 2016. 100 « Un dirigeant de l’EI tué par les État s-Unis », BBC, 25 mars 2016,

http://www.bbc.com/afrique/monde/2016/03/160325_alqaduli, mis à jour le 25 mars 2016, consulté le

30 juin 2016.

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Ceux-ci donnent des conseils au calife et planifient les stratégies, les opérations

militaires et l’administration civile.101

Ensuite, le Conseil de la Shura forme le plus haut Conseil de ministres de l’EI,

et présidé par Abu Arkan Ameri. Il comprend entre neuf et onze membres parmi

lesquelles sera appointés le futur successeur du calife. Le calife leur a délégué

l’administration des territoires, des institutions et du fonctionnement de l’État. Les

ministres sont à la tête des Ministères et ont juré allégeance au calife. Le Conseil de la

Shura a le pouvoir théorique d’appointer ou de relever de ces fonctions le calife.102 Il

transmet les directives du calife et s’assure de leur application. Il décide des lois et de

leur implémentation, chevauchant le Conseil de la charia qui décide des matières

religieuses.103

Puis, le Conseil de la charia participe avec ses six membres à la sélection du

calife et s’assure que l’administration est en accord avec l’interprétation de la charia.

Il directement supervisé par le calife. Avec les Commissions de la charia, il édicte les

règles et les peines. Il supervise la police religieuse, parallèle à la police civile, dont le

but est d’imposer un comportement religieux et d’apparence islamiste. Le Conseil de

la charia supervise également les tribunaux de la charia qui s’occupent des affaires

religieuses et civiles dans le califat. Pour obtenir cette légitimité religieuse, l’EI

recrute des savants islamistes et des prêcheurs.104 L’EI a promulgué les règles de

charia. Celles-ci ont inspiré les textes de loi de l’EI faisant office de constitution et de

code pénal.105

Enfin, sept ministères s’assurent de l’administration du territoire de l’EI.

D’abord, le ministère de la Sécurité et de l’Intelligence assure la sécurité du calife et

son pouvoir. Il possède un réseau parcourant l’EI dont les membres éliminent toutes

les oppositions au pouvoir central.106 De plus, le ministère du Conseil militaire

planifie les offensives et la défense du territoire. Il est aidé par le ministère des

Relations interprovinciales qui supervise l’administration civile du califat et la

coordination entre les provinces.107 En plus, il existe également le ministère des

101 BARRETT Richard, op.cit., 66 p. 102 BENRAAD Myriam, « L'État islamique : anatomie d'une machine infernale », op.cit., pp.188. 103 BARRETT Richard, op.cit., 66 p. 104 Ibidem. 105 FELLOUS Gérard, op.cit.,269 p. 106 BARRETT Richard, op.cit., 66 p. 107 Ibidem.

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Finances, le ministère des prisons, le ministère des rapports avec les combattants

étrangers et le ministère des Média.108 Et en dessous du niveau étatique, des hommes

de l’EI administrent les provinces et accomplissent une stratégie de séduction de la

population.

2.B) Les wilayats du califat

En Syrie et en Irak, l’EI possède dix-huit provinces. En Irak, ceux-ci sont al-

Anbar, Diyala, Salah al-Din, al-Falloujah, Nimive, al-Jazira, Dijla. De même, l’EI

revendique des wilayat sur des territoires toujours contrôlé par le régime irakien,

comme al-Janub et Bagdad, ou par les Kurdes comme Kirkuk. En Syrie, les provinces

sont Alep, Al-Badjah, al-Baraka, Damas, Hama, Islib, Deir Ez-Zor, al-Raqqa. Sur la

frontière entre l’Irak et la Syrie, l’EI créa une nouvelle province : al-Furat.109

Chaque Wilayat est gouverné par un Wali qui s’occupe de l’administration

civile. L’administration provinciale jusqu’à celles des villes copie à l’identique celle

du niveau étatique, leur laissant donc une grande autonomie. Les walis, appointés par

le Conseil de la Shura, sont régulièrement changés de poste dans le but d’éviter

d’éventuels accroissements de pouvoir indépendant de l’autorité centrale. En ce qui

concerne l’administration provinciale, d’un côté l’équipe administrative s’occupe de la

sécurité, l’éducation et les affaires tribales. Et de l’autre côté, l’administration

islamique des services publics s’occupe des infrastructures régionales et des services

généraux. Ces administrations sont gérées par des civils technocrates dont le cadre de

vie et les salaires sont maintenus par l’EI. Mais la plupart des membres de

l’administration sont forcés de rester travailler, et un superviseur de l’EI surveille les

postes clés.110 Malgré tout, le califat manque de personne qualifiée pour entretenir les

infrastructures, donc il appelle à la hijrah en terre du califat pour accomplir le djihad.

L’EI promet des maisons et un environnement accueillant.111 Il donne également

108 BLIN Arnaud, CHALIAND Gérard, Histoire du terrorisme: de l'Antiquité à Daech, Paris : Fayard,

16 septembre 2015, 840 p. 109 PELLEGRINO Chiara, Quelles sont les “provinces” de Daech, Milan, Fondazione Internationale

Oasis, 22 décembre 2015, http://www.oasiscenter.eu/fr/articles/djihadisme-et-

violence/2015/12/22/quelles-sont-les-provinces-de-daech, mis à jour le 22 décembre 2015, consulté le 5

juin 2016. 110 Annexe 3: BARRETT Richard, op.cit., 66 p. 111 « Un appel à la Hidjrah », Dabiq, Ramadan 1435 A.H, n°3, 42 p.

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l’opportunité d’acquérir des gains matériels, du butin de guerre et des femmes

esclaves.112

Pour arriver à ce résultat, le vide de pouvoir a permis à l’EI de s’attaquer à ses

adversaires les plus faibles et aux zones contenant des ressources. Mais sur le long

terme, l’EI compte sur ses alliances avec les tribus sunnites pour contrôler les

territoires. Ces alliances sont maintenues soit par la peur des représailles, soit par

croyance au projet politique et à l’idéologie de l’EI. Ce dernier développa aussi sa

capacité administrative afin de mieux contrôler ses territoires.113 Pour les tribus, un

émir est chargé des affaires tribales, distribuant les ressources et arbitrant les confits.

De ce fait, l’EI agit comme une force d’occupation tentant de « gagner le cœur et les

esprits de la population ».114 Il comble les besoins en nourriture, eau, soin, hygiène, et

énergie pour ne pas perturber la vie quotidienne de la population et l’économie locale.

Ces considérations pour la population s’opposent aux attaques des adversaires de l’EI.

Les bombardements de la coalition internationale font des dommages collatéraux

parmi les civils, et les territoires à majorité sunnites subissent les attaques de forces

chiites.115

Finalement, l’administration répond à la nécessité de remplir les ambitions du

califat. Administrer rend honneur à la conception gouvernementale du salafisme

takfirisme et permet de gagner du soutien populaire dans l’établissement des

structures étatiques.116 Conformément à la conception de l’État-voyou, l’essentiel de

l’administration est tourné vers le domaine militaire. Même les services publics

répondent au besoin militaire de s’assurer le soutien de la population en « gagnant le

cœur et les esprits ». Ainsi, rester sous une forme de groupe non-étatique ne permet

pas d’acquérir autant de puissance politique et militaire. Et l’administration étatique

coordonne et planifie les activités du territoire. Elle croit la puissance politique,

maximise les ressources financières exploitées et contrôle la violence militaire de l’EI.

Durant cette période de conflit, sa grande décentralisation laisse la possibilité à chaque

niveau de pouvoir de l’EI une rapide capacité d’adaptation propre aux États-voyous.

112 “The failed crusade”, Dabiq, Dhul-hijjah 1435 A.H, n°4, 56 p. 113 Ibidem. 114 VALEYRE Bertrand, op.cit., 124 p. 115 GUIDÈRE Mathieu, « Daech ou le Califat pour tous », op.cit., pp.149-160. 116 BARRETT Richard, op.cit., 66 p.

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3) Les sources de financement

En tant qu’État, le califat doit se financer et financer à son tour ses combattants

et ses services publics. Dans ce cadre étatique de l’économie, Musgrave a défini trois

fonctions économiques à l’État. Celui-ci modifie les comportements individuels en

allouant les ressources. Il redistribue les ressources et il assure la stabilisation.117 Mais

afin de s’assurer ses fonctions économiques, le califat a besoin de constituer un revenu

supérieur à ces dépenses.

Au départ, l’EI disposait avant la prise de Mossoul en 2014 d’environ 875

millions de dollars. Cette somme s’accrut avec la saisie de 430 millions de dollars de

la banque centrale de Mossoul et des autres institutions financières. À présent, l’EI

dispose d’un ministère des Finances et d’une banque centrale qui met en circulation sa

propre monnaie, le dinar islamique. Cette nouvelle monnaie frappée par l’EI légitime

encore symboliquement son statut d’État. De plus, le ministère des Finances annonça

un budget national de 2 milliards de dollars, avec un excédent de 250 millions pour

l’année 2015.118 Outre le pillage et la spoliation, l’EI produit et collecte ses propres

revenus. L’EI a créé son économie de guerre propre dans un souci d’automatisation. Il

exploite toutes les ressources à sa disposition afin d’accroitre sa puissance politique et

militaire.119 Ainsi, l’EI tire ses revenus du kidnapping, des donateurs étrangers, du

trafic d’antiquités, mais également de manière conséquente de la vente de pétrole, de

l’agriculture et de divers impôts prélevés ou extorqués.120

3.A) Les revenus

Auparavant, la principale source de financement du groupe terroriste provenait

des dons. Les donateurs étaient variés. Ils donnaient des fonds à l’ensemble de

l’opposition contre le régime d’al-Assad. Puis la guerre civile s’est enlisée, et seuls les

donateurs radicalisés continuent de donner des fonds à l’EI. Ces gros dons s’ajoutent

aux contributions de la mouvance diffuse et hétérogène des participants sur internet.

117 MUSGRAVE Richard, The theory of public finance, New York: McGraw Hill, 1959, 628 p. 118 FELLOUS Gérard, op.cit., 269 p. 119 BENRAAD Myriam, « Défaire Daech : une guerre tant financière que militaire », Politique

étrangère, Eté 2015, vol. LXXX, n°2, pp.125-135. 120 Annexe 4 : CHAVAGNEUX Christian, « Le difficile combat contre l’argent de Daech »,

alterecoplus, 18 novembre 2015, http://www.alterecoplus.fr/economie/le-difficile-combat-contre-

largent-de-daech-201511181120-00002528.html, mis à jour le 18 novembre 2015, consulté le 30 juin

2016.

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L’EI reçoit également des fonds de ces combattants à l’étranger.121 Au total, 40

millions de dollars proviennent de donateurs en Arabie saoudite, au Qatar et au

Koweit.122

En octobre 2014, les revenus pétroliers de l’EI montaient à 800 millions de

dollars par an avec la vente de pétrole et le contrôle d’un oléoduc du régime al-Assad

avec lequel de l’argent lui est extorqué. 123 En Irak, l’EI contrôle six gisements. Mais

en Syrie, Les zones d’exploitation du pétrole produisant 20 000 barils de pétrole brut

par jour sont tenues principalement par l’EI. Celui-ci l’échange contre de l’argent ou

du pétrole raffiné, parce que ses capacités de raffinages sont limitées à de petites

stations mobiles. Il l’échangeait avec les contrebandiers turcs, mais les attentats en

Turquie obligèrent le pouvoir turc à mieux contrôler la frontière. De même, des

répressions touchèrent les autres intermédiaires. Puis, deux autres difficultés sont

apparues : le prix mondial du baril de pétrole a diminué ; les frappes de la coalition

ont baissé de 50% les capacités de raffinage de l’EI en visant les convois de

camions.124

Ensuite, le vol d’antiquités dans les musées, les dépôts, les collections privées,

les sites archéologiques et leurs ventes rapporterait 100 millions de dollars par an.125

Ce revenu comprend les taxes perçues sur la contrebande et les équipes de fouilles.

Ces antiquités passent par les États voisins avant de terminer en Europe. En plus dans

l’agriculture, les machines agricoles des fermiers leur ont été confisquées et leur sont

maintenant relouées. De plus, l’agriculture rapporterait 200 millions de dollars par an

sur le commerce de blé et d’orge en supposant un prix réduit de 50% sur le marché

noir.126 A côté de ces trafics se trouve également le trafic d’êtres humains qui

rapporterait 100 millions de dollars par an à l’EI.127 En effet, l’esclavage des femmes

121 ALTERMAN Jon B., op.cit., 204 p. 122 LEVITT Matthew, Countering ISIL Financing : A Realistic Assessment, Washington: Washington

Institute, 2 février 2015, 6 p. 123 FELLOUS Gérard, op.cit., 269 p. 124 PIOLET Vincent, « Géoéconomie du proto-État dirigé par Daech », Géoéconomie, 2016, vol. I,

n°78, pp.59-73. 125 ALBAYRAK Ayla, MAVIN Duncam, PARKINSON Joe, “Culture Brigade | Syrian ‘Monuments

Men’ Race to Protect Antiquities as Looting Bankrolls Terror”, The Wall Street Journal, 10 février

2015, http://www.wsj.com/articles/syrian-monuments-men-race-to-protect-antiquities-as-looting-

bankrolls-terror-1423615241, updated on 10 February 2015, accessed on 30 June 2016. 126 MARTINEZ Damien, BRISARD Jean-Charles, Islamic State : the economy-based terrorist funding,

New York: Thomson Reuters, October 2014, 12 p. 127 FELLOUS Gérard, op.cit., 269 p.

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et des filles des « infidèles » et donc leur vente est autorisé.128 C’est également le cas

du prélèvement d’organes chez les « infidèles » même si la mort est occasionnée.129

Par la suite, les impôts et les extorsions constituent une part importante du

revenu du califat. Les banques gouvernementales ont été pillées, rapportant 1 milliard

de dollars. Mais les banques privées peuvent continuer leurs activités contre le

détournement d’une partie des transferts d’argents. Le revenu des banques sous le

contrôle de l’EI aurait rapporté 500,000 dollars.130 De plus les commerces doivent

reverser une partie de leur bénéfice et payer la zakat. Egalement, les individus de

confession monothéiste autre que musulmane doivent payer un impôt contre leur

protection, la djizia. Et les fonctionnaires syriens dans les zones contrôlées par l’EI

perçoivent toujours le traitement de l’État syrien, mais l’EI prélève la moitié de leur

salaire.131 Tous ces impôts sur les individus et les entreprises génèrent 360 millions de

dollars par an.132 Cependant en plus des taxes, les rançons des kidnappings de locaux

ou d’étrangers rapportent entre 35 et 45 millions de dollars par an.133 Enfin, des droits

de passage aux transports de marchandises, la location de portion de frontières aux

passeurs de migrants, et le détournement de fonds humanitaires augmentent les

gains.134

3.B) Les dépenses

Ensuite, ces revenus que le califat prélève servent à financer son budget. Ainsi

selon les fonctions établies par Musgrave, l’EI doit soutenir sa politique de

redistribution des richesses pour aider les classes les plus défavorisées. Il doit d’abord

payer les infrastructures, les services publics, les salaires et les subventions pour les

produits de première nécessité comme le pain. Dans le secteur public, les salaires

équivalents 60 à 100 dollars. Et parmi les combattants selon leur situation maritale et

128 Fatwas No. 61, 62, and 64-68, Islamic State: ISIL Committee of research and Fatwas, 29 January

2015, n° 64, 1 p. 129 Fatwas No. 61, 62, and 64-68, Islamic State: ISIL Committee of research and Fatwas, 31 January

2015, n° 68, 2 p. 130 BENRAAD Myriam, « Défaire Daech : une guerre tant financière que militaire », op.cit., pp.125-

135. 131 PIOLET Vincent, op.cit., pp.59-73. 132 MARTINEZ Damien, BRISARD Jean-Charles, Islamic State : the economy-based terrorist funding,

New York: Thomson Reuters, October 2014, 12 p. 133 LEVITT Matthew, Countering ISIL Financing: A Realistic Assessment, Washington: Washington

Institute, 2 February 2015, 6 p. 134 PIOLET Vincent, op.cit., pp.59-73.

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leur nombre d’enfants, le salaire se situe entre 400 et 600 dollars.135 Cette différence

de salaire est une autre fonction de l’État selon Mugrave. Le salaire plus élevé des

combattants augmente les recrutements, car elle est une incitation économique à

rentrer dans l’armée de l’EI.

Cependant plusieurs déficits budgétaires accablent le califat. D’abord, les

attaques contre son économie depuis l’été 2014 ont amoindri ses sources de revenus.

Les revenus de l’EI ne sont pas suffisants pour compenser ses besoins financiers

croissants. Pourtant l’économie de l’EI était déjà en insuffisance avant même ces

offensives. L’EI manque de matériel et de personnels compétents. De même, ses

liquidités se déclinent en monnaie locale limitant ses achats à l’étranger. Pour

poursuivre ses ambitions et consolider ses structures internes, l’EI a besoin d’argent.

Donc, il n’a pas d’autres choix que de continuer son expansion vers d’autres théâtres

de conflit comme la Libye. L’acquisition de nouveaux territoires et de nouvelles

ressources maintiennent à niveau ses revenus et financent ses opérations.136

De plus, la corruption perturbe la redistribution des richesses des djihadistes.

Celle-ci est captée soit par les élites dirigeantes, soit par les systèmes mafieux, au lieu

d’être alloué aux populations civiles. Ces malversations ont dégradé la vie des

Irakiens et des Syriens vivant dans le califat. Les salaires et les subventions ont été

diminués. Sa subsistance financière à long terme n’est plus assurée.137 Finalement,

l’EI dépense son argent pour séduire la population et les combattants, mais les

dépenses trop élevées, les attaques sur son économie et la corruption basculent dans le

négatif sa balance budgétaire. Et en matière économique, cette instabilité budgétaire

invalide l’EI dans son rôle d’État, car il n’est pas capable d’assurer la stabilisation de

son économie selon les fonctions de Musgrave. Au final, l’EI est toujours ancré dans

son économie de prédation, mais son statut d’État politique lui avait permis

d’accroitre le taux d’exploitation de ces ressources. Il lui donne même la légitimité de

prélever l’impôt auprès de sa population.

135 Ibidem. 136 BENRAAD Myriam, « Défaire Daech : une guerre tant financière que militaire », op.cit., pp.125-

135. 137 Ibidem.

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4) La puissance militaire

4.A) Les stratégies militaires

En tant qu’État issu d’un groupe terroriste et se confrontant à plusieurs

ennemis à la fois, l’EI mène une guerre hybride. Selon Frank Hoffman “Hybrid wars

incorporate a range of different modes of warfare, including conventional capabilities,

irregular tactics and formations, terrorist acts including indiscriminate violence and

coercion, and criminal disorder”.138 Avant les bombardements de la coalition

internationale, l’EI se battait avec des styles et moyens multiples et simultanés,

caractérisant à la fois son statut d’État et de groupe terroriste. En 2014, il pratiquait

des manœuvres militaires conventionnelles qui ont vaincu les forces irakiennes. De

même, il continuait toujours les opérations guérilla et terroristes. L’EI disposait de

cette capacité à adopter une stratégie conventionnelle ou non selon les situations, par

exemple selon le type du terrain. À cet égard, la géographie de l’Irak et de la Syrie se

distingue entre le désert et les milieux urbains. Le désert sert de zones de manœuvre

aux troupes de l’EI qui peuvent se coordonner pour envahir une ville. Tandis qu’au

sein des villes, les agents de l’EI peuvent s’infiltrer pour mener des campagnes de

terreur ou de guérilla.139

Mais avec les bombardements, les troupes de l’EI ne peuvent plus lancer des

offensives conventionnelles ou même regrouper ses forces sous peine qu’elles soient

anéanties par les frappes aériennes. Une des options de l’EI pour combattre leur a été

enlevée. Leurs forces doivent rester dispersés et attaquer par surprise par exemple en

pleine nuit, ou quand les conditions météorologiques empêchent les bombardements.

Malgré cette faiblesse, l’EI compte toujours sur la théâtralisation de l’horreur pour

terroriser ses ennemis et pallier sa faiblesse numérique.140 Avec la perte de territoire et

de revenu occasionnée par la coalition internationale contre l’EI et la désertion de ses

djihadistes, il reprend ses stratégies terroristes. L’objectif est terroriser ses adversaires

et de détourner l’attention des médias et donc de son public de ses défaites.

138 HOFFMAN Frank G., Conflict in the 21st Century: The Rise of Hybrid Wars, Arlington: Potomac

Institute for Policy Studies, December 2007, 72 p. 139 LEWIS MCEATE Jessica, The ISIS defense in Iraq and Syria: countering an andaptive ennemy,

Washington: ISW, “Middle East Security Report”, n° 27, May 2015, 46 p. 140 BLIN Arnaud, CHALIAND Gérard, op.cit., 840 p.

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4.B) La vision géopolitique

Les ambitions de l’EI visent en premier le monde musulman. L’EI appelle les

sunnites à combattre les chiites en premier, car il les considère comme des

« hypocrites ». En effet, il répond à ceux voulant combattre Israël que le Coran ne

demande pas de combattre les juifs mais les ennemis les plus proches.141 Ainsi, en se

basant sur les opérations de l’EI sur le globe, Cafarella établit la vision géopolitique

du califat, outre les stratégies des idéologues islamistes l’ayant influencé. De ce fait,

l’EI divise le monde en quatre anneaux: son Cœur en Irak et en Syrie, incluant la

Jordanie, le Liban, Israël, la Palestine et le Sinaï ; les puissances régionales incluant

l’Arabie saoudite, l’Iran, la Turquie, et l’Egypte ; le reste du monde musulman ; le

monde non-musulman.142

D’abord en son cœur, l’EI tente de diviser politiquement ses adversaires. Sa

défense est mobile car elle tente d’affaiblir les ennemis du califat. Par exemple, la

demande d’indépendance du Kurdistan irakien affaiblit la coalition internationale

contre l’EI. En Syrie, les affrontements entre les autres participants du conflit

permettent à l’EI de viser leurs positions les moins défendues. L’EI mène également

des campagnes d’assassinats contre les dirigeants des groupes djihadistes opposés.

Enfin, il a étendu son réseau en Jordanie et au Liban dans lesquelles il commence des

opérations terroristes.143

Puis, les puissances régionales subissent également des divisions qui

renforcent le califat. La Turquie connait des tensions avec le Parti des travailleurs du

Kurdistan. Donc l’EI y gagne une plus grande liberté d’action en Turquie. En Arabie

saoudite, deux wilayats revendiqués de l’EI y mènent des attaques. En plus, l’EI

influence les tensions entre le royaume saoudien et l’Iran dans le conflit au Yémen.

L’EI poursuit également des attaques contre l’Iran en s’en prenant contre les chiites et

leurs tombeaux. Sa stratégie est d’accentuer les conflits sectaires que ces puissances

régionales entreprennent dans leur pays. A cet égard, l’EI y cherche des opportunités

de mobiliser et de radicaliser les populations.144

141 FELLOUS Gérard, op.cit., 269 p. 142 Annexe 5: CAFARELLA Jennifer, ISIS Forecast:Ramadan 2016, ISW, “Middle East Security

Report 30”, May 2016, 32 p. 143 Ibidem. 144 Ibidem.

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Ensuite dans le reste du monde musulman, l’EI mène campagne pour le

leadership des mouvements salafistes. Il crée des wilayats à l’étranger dans les zones

réunissant des conditions de succès pour ses opérations. Son but est de séduire les

musulmans de son projet et de les mobiliser dans son camp.145 Ce projet est de

rassembler les forces de l’umma dans son propre camp et donc de mobiliser la

puissance d’une civilisation.

Enfin en Occident, l’EI exhorte les islamistes à accomplir des attaques

terroristes. Les combattants de l’EI ont été entrainés dans les conflits irakiens et

syriens et utilisent le transit de réfugiés pour s’infiltrer en Europe. Le climat de peur et

d’insécurité exacerbe les tensions entre les États européens, brisant leur unité et

renforçant les partis anti-immigrations européens. L’objectif de l’EI est de déstabiliser

l’Europe, de polariser sa population pour entrainer des réactions xénophobes contre

les communautés musulmanes d’Europe. Ceux-ci se radicalisent et migrent vers le

califat, assurant à l’EI des recrues et le leitmotiv d’une guerre contre l’islam.146

Donc, la stratégie de l’EI est d’assurer l’expansion du califat sur toutes les

terres musulmanes et de gagner la guerre contre l’Occident. L’EI se sert de conflits

locaux pour les transformer en conflits sectaires et polariser les camps entre croyants

et infidèles. De ce fait, l’EI brise l’unité des camps ennemis autour du monde. Et les

États investis sur leur sol par les opérations de l’EI glissent vers le désordre. Et en

Occidents, les attentats terroristes et surtout leurs matraquages médiatiques font de la

publicité à l’EI qui gagne de nouveaux supporters. Le désir de revanche s’exacerbe et

les réactions violentes des Occidentaux envers les musulmans font valider les discours

extrémistes du califat.147

Pour résumer selon l’angle conceptuel du Choc des civilisations, la vision du

monde selon l’EI se sépare entre civilisation musulmane et civilisations infidèles.

L’objectif de l’EI est de mobiliser la totalité de la civilisation musulmane sunnite et

d’en tirer une puissance civilisationnelles. Pour se faire, l’EI provoque le monde entier

en veillant à accentuer l’islamophobie et l’inciter à se venger contre les musulmans

modérés. Par conséquent, ceux-ci rejoignent par rancœur et sentiment d’injustice les

145 Ibidem. 146 Ibidem. 147 Ibidem.

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rangs des extrémistes musulmans. Et puis, l’EI vise aussi à fractionner les autres

civilisations en sous-civilisation dans le but de les affaiblir.

4.C) les combattants

En fin 2015, le nombre de combattants de l’EI au sein du califat se situerait

entre 20,000 et 31,500 combattants selon le département d’État de Washington.

Cependant ce nombre aurait baissé suite à l’intervention de la coalition internationale.

Même le nombre de 1500 à 2000 combattants étrangers qui rejoignait l’EI par mois en

2015 aurait diminué à 200.148 Au sujet des combattants rejoignant l’EI, Leurs

motivations individuelles des combattants proviennent de dynamiques sociales. L’EI

propose à ses recrues de participation à la construction d’un monde historique

nouveau, et d’oublier leur vie passée. Le cœur du commandement comprend

énormément d’ex-baasistes. La plupart d’entre eux ont été libérés par l’EIIL des

camps de détention des USA et de prisons irakiennes durant la campagne de

« Breaking the Wall » en 2012-2013. Ces prisonniers possédaient donc l’expérience

des combats.149

En termes de rémunération, les combattants reçoivent un salaire et une maison

généralement abandonnée par ses habitants ou confisquée par l’EI.150 Sinon, l’armée

est équipée à 95% avec de l’équipement militaire abandonnés par les divisions

irakiennes, ou prise de l’armée syrienne et des forces de l’opposition. Donc, l’EI

possède des véhicules de transports de troupes, des armes légères d’origines

américaines et des armes lourdes. Le reste de l’armement provient d’achats avec des

groupes de l’opposition syrienne corrompus.151 De plus, les troupes de l’EI

disposeraient aussi de pilules de Captagon, une drogue inhibant le sentiment de

pitié.152 Et quelques cas d’utilisations d’armes chimiques ont été rapportés.153

148 GERSTEN Peter ( U.S. Air Force Major General, United States Armed Forces), Department of

Defense Press Briefing by Maj. Gen. Gersten via Teleconference from Baghdad, Iraq, realized by

DAVIS Jeff, 26 April 2016. 149 BARRETT Richard, op.cit., 66 p. 150 Ibidem. 151 FELLOUS Gérard, op.cit. 269 p. 152 LEIBOVICI Bertrand Lebeau, "Des drogues et des violences", Chimères, 2015, vol. I, n°85, pp.

189-197. 153 “Isis launches two chemical attacks in northern Iraq”, The Guardian, 12 mars 2016,

https://www.theguardian.com/world/2016/mar/12/isis-launches-two-chemical-attacks-in-northern-iraq,

mis à jour le 12 mars 2016, consulté le 5 juillet 2016.

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Puis en termes de proportion entre soldats locaux et étrangers, les combattants

de l’EI seraient à 90% irakiens en Irak. Ces soldats irakiens de l’EI peuvent provenir

de plusieurs milieux. Premièrement, les combattants peuvent venir de tribus sunnites,

soit sous la menace de l’extermination de leur tribut, soit par ralliement en

conséquence de la répression. Deuxièmement, les soldats peuvent être d‘anciens

officiers baasistes de l’armée de Saddam Hussein. Troisièmement, Les frères

musulmans d’Irak offrent des troupes à l’EI. Dernièrement, les milices ou

groupuscules armés sunnites qui avaient déjà combattu l’occupation américaine

rejoignent l’EI. Par contre en Syrie, les combattants seraient à 50% syriens.154

Plusieurs raisons peuvent expliquer l’arrivé de recrues étrangères en Syrie au

détriment de l’Irak. La sympathie se développe envers la souffrance des Syriens. De

plus, partir faire le djihad en Syrie contre des « ennemis millénaires » et des chiites

déshumanisés est vu comme plus agréable et facile d’accès que les autres théâtres de

conflit. La principale porte d’entrée pour le califat passe la Syrie voisine frontalière de

la Turquie.155 De ce constat, Le recrutement de combattants étrangers permet à l’EI de

se donner l’image d’un mouvement panislamique. Il lui permet aussi de se doter

d’individus étrangers avec l’expérience du combat ou des compétences utiles pour

l’EI comme la connaissance de langues étrangères nécessaire pour la propagande.156

Au final, la propagande du califat fonctionne. Son statut d’État lui donne une

légitimité en gérant le chaos de la guerre civile. Il attire des milliers de combattants et

possède une capacité d’administration permettant de les gérer. Les djihadistes sont

attirés par l’idéologie radicale de l’État-voyou qui propose des réponses simples dans

un monde complexe. De plus, cette acquisition de puissance lui a permis de se

financer et d’adopter des stratégies de combats conventionnelles. Cependant, le califat

mène une guerre hybride où son territoire sert de rampe de lancement d’attentats

terroristes dans des pays lointains. Donc outre son propre territoire, l’EI est capable de

mener le conflit à l’échelle mondiale en s’appuyant sur le terrorisme et sur une

propagande internationale.

154 FELLOUS Gérard, op.cit., 269 p. 155 ZELIN Aaron, Sunni Foreign Fighters in Syria: Background, Facilitating Factors and Select

Responses, Washington: Washington Institute, “Policy Analysis”, 21 May 2014, 4 p. 156 FELLOUS Gérard, op.cit., 269 p.

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Partie III : La propagande du califat

“The spark has been lit here in Iraq, and its heat will continue to intensify – by

Allah’s permission – until it burns the crusader armies in Dabiq.”157

Abu Mus’ab az-Zarqawi

Des milliers de partisans provenant d’une centaine de pays soutiennent le

projet du califat. Certains d’entre eux ont immigré en Irak et en Syrie. D’autres

mènent des combats ou des campagnes terroristes dans le reste du monde. Quand les

sympathisants ne se battent pas, ils envoient des dons ou relaient les messages de l’EI

sur les réseaux sociaux. À l’ère numérique, ils participent eux aussi à la propagation

de contenus djihadistes. Et même si peu de groupes terroristes existants ont rallié son

drapeau, la mouvance djihadiste salue les exploits de l’EI et le soutient.

Ainsi comme expliqué dans les précédentes parties, l’EI a acquis de la

légitimité pour son projet. Il se présente comme le « véritable représentant » de la

civilisation musulmane qui nécessite l’aide des fidèles pour combattre les autres

civilisations. De ce fait, il rassemble des groupes terroristes dans la civilisation

musulmane. Il rallie un grand nombre de personnes à travers le monde grâce à des

techniques de diffusion innovante pour les milieux djihadistes. L’hypothèse est que les

stratégies de communication modernes du califat favorisent la radicalisation et le

recrutement de djihadistes étrangers plus que ses moyens de communication modernes

utilisés.

Plusieurs théories expliquent la manière par laquelle les individus

s’extrémisent comme le concept de la cyberhaine. De plus, le thème de la

radicalisation en ligne de Cristina Archetti applique des facteurs identitaires à cette

mobilisation en dépit des facteurs technologiques ou stratégiques des médias. Il utilise

les concepts des communautés imaginées et des relations indirectes pour expliquer la

séduction des individus par l’idéologie de l’EI. Et malgré la moindre pertinence des

facteurs technologiques dans la radicalisation, le concept de la théâtralisation du

terrorisme explique l’utilisation stratégique des différents médias modernes par l’EI

qui est distinguable des autres groupes terroristes.

157 "The return of Khilafah", Dabiq, Ramadan 1435 A.H, n°1, 26 p.

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1) Les supporters et sympathisants

1.A) Les wilayats du monde musulman

D’abord, même si l’organisation plus ancienne d’al-Qaïda désavoue l’EI,

plusieurs organisations terroristes jurèrent fidélité à l’EI. C’est pourquoi onze autres

provinces revendiquées par l’EI se situent dans des pays étrangers au territoire du

califat. Une première série de ces wilayats fut proclamée le 13 novembre 2014 par un

message audio d’Abu Bakr al-Baghdadi. Il y eut trois wilayats en Libye, deux en

Arabie saoudite, un en Egypte, Algérie et Yémen. En janvier 2015 est créée un

wilayat entre l’Afghanistan et le Pakistan. Le 7 mars 2015, la province détenue par

Boko Haram au Nigéria devint un wilayat du califat. En Russie, un wilayat émergea

dans le Caucase le 23 juin 2015.158

Dans ces wilayats, l’EI dirige les combattants incapables ou ne souhaitant pas

rejoindre la terre du califat. Les wilayat ont été proclamées après qu’un groupe

terroriste sévissant localement ait prêté allégeance au calife Ibrahim. L’allégeance

(bay’a) annonce l’organisation ou l’individu prêt à reconnaitre l’autorité du chef et à

obéir à ses ordres. De cette façon, plusieurs groupes djihadistes ont fait leur bay’a

auprès du calife Ibrahim : Boko Haram le 24 août 2014 ; une brigade d’al-Qaïda au

Magreb islamique en septembre 2014 ; les Soldats du califat en Algérie le 14

septembre 2014 ; le Conseil consultatif de la jeunesse islamique le 3 octobre 2014 en

Libye ; Ansar beit al-Madis le 10 novembre 2014 au Sinaï.159

De même, des partisans de l’État islamique ont prêté leur serment d’allégeance

dans diverses autres régions du monde. Ils ont infiltré les structures locales d’al-Qaïda

pour les noyauter et répandre la présence de l’EI en Afrique depuis la Libye. Les

wilayats les plus implémentés de l’EI sont Barqa et Tarabalus en Libye. Ceux-ci sont

capables de mener des attaques militaires avec des tactiques de terreur et de guérilla

comme en Irak et en Syrie. L’EI développe également les capacités militaires des

wilayats en Algérie, le Caucase, et l’Arabie saoudite.160 Tous ces wilayats se situent

dans le monde musulman. Ils indiquent bien que le califat cherche à épouser

l’ensemble de la civilisation musulmane. C’est pourquoi, l’EI appelle les musulmans

ne se trouvant pas en terre musulmane de rejoindre le territoire califal.

158 PELLEGRINO Chiara, Quelles sont les “provinces” de Daech, op.cit. 159 GUIDÈRE Mathieu, « Daech ou le Califat pour tous », op.cit., pp.149-160. 160 CAFARELLA Jennifer, op.cit.,32 p.

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1.B) Les combattants étrangers

Cette volonté de rassembler la puissance de la civilisation musulmane trouve

aussi sa source dans le recrutement de volontaires étrangers. L’EI prétend à la venue

d’une guerre des civilisations pour mobiliser des troupes musulmanes radicalisées qui

serviront soit en tant que soldat, soit en tant que terroriste dans les pays ennemis de

l’EI. Puis, cette affluence de troupes étrangères qui inquiètent les pays occidentaux est

rapidement comparée à l’affluence de contingents étrangers qui eut lieu de la guerre

civile espagnole. Ainsi, l’objectif est de montrer si ce recrutement international est

plus important au 21e siècle à cause de l’utilisation de moyen technologique moderne.

D’abord, selon les services de renseignement des États-Unis, l’estimation des

effectifs de combattants étrangers ayant rejoint l’EI depuis 2011 atteint 30 000 en

septembre 2015. Entre juin 2014 et décembre 2015, l’affluence de combattants

étrangers a augmenté de 130%. Ces étrangers proviendraient de plus de 100 pays

différents. Certaines zones fourniraient plus de troupes à l’EI selon les calculs du The

Soufan Group publié en décembre 2015. Le nord de l’Afrique est la région d’origine

de 8000 combattants étrangers de l’EI, dont 6000 Tunisiens. Il est suivi par les 8240

combattants du Moyen-Orient dont 2500 provenant d’Arabie saoudite. La Turquie et

la Jordanie sont le point de départ de respectivement 2100 et 2000 combattants de

l’EI. Puis, il y a 5000 combattants provenant d’États de l’Union européenne qui ont

voyagé dans les territoires du califat. Parmi ceux-ci, 3700 proviennent de quatre pays :

1700 de France; 760 du Royaume-Uni ; 760 de l’Allemagne; 470 de Belgique.

Ensuite, 4700 habitants des anciennes républiques soviétiques sont aussi sur le

territoire de l’EI. Parmi eux, 2400 viennent de Russie et 2000 autres proviennent du

Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan, Turkménistan et Ouzbékistan. Par la suite sur

les 875 combattants provenant des Balkans, 800 d’entre eux proviennent d’Albanie,

Bosnie, Kosovo et Macédoine. Enfin, il y aurait 600 Asiatiques du sud-est partis

combattre pour l’EI, dont 500 Indonésiens. Tandis qu’en Amérique du Nord, il y a

150 Américains et 130 Canadiens ayant rejoint l’EI. Cependant, parmi ce total de

djihadistes, entre 20 à 30% seraient déjà retourné dans leur pays d’origine avant

décembre 2015.161 Le reste séjourne ou est mort sur le territoire du califat. Ces

combattants proviennent principalement de région présentant d’importantes

communautés musulmanes.

161 Annexe 6 : BARRETT Richard, Foreign fighters: An updated assessment of the flow of foreign

fighters into Syria and Iraq, New York: The Soufan Group, 8 December 2015, 26 p.

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Ainsi en 2015, entre 1200 et 1500 étrangers arrivaient par mois sur le territoire

du califat. À cause de l’intervention de la coalition internationale affectant le moral

des troupes, ce nombre aurait diminué jusqu’à 200 par mois.162 En effet, les

combattants arrivés en Irak et Syrie peuvent être désillusionnés à leur arrivée. La vie y

est difficile et la friction peut être grande entre l’ennemi contre lequel le combattant

veut combattre et les ennemis désignés par l’EI, souvent d’autres musulmans. Mais

beaucoup d’entre eux se radicalisent davantage et peuvent retourner dans leur pays

natal commettre des attentats.163

Enfin malgré les chiffres avancés et les technologies modernes de

communication, le nombre de djihadistes est à relativiser. La participation de

volontaires étrangers à un conflit n’est ni un phénomène nouveau, ni plus important

qu’auparavant. Le public de la propagande n’est pas qu’un réceptacle d’information.

En comparant avec la guerre civile espagnole de 1936 à 1939, le nombre de

volontaires étrangers était bien plus élevé. Par exemple, 8000 Portugais et 78,000

Marocains étaient du côté nationaliste de Franco, tandis que 8500 Français étaient

parmi le côté républicain avec des volontaires venant du Brésil ou même de Chine.164

De ce constat, la propagande de recrutement est plus efficace pour son effet de

« lavage de cerveau » que par sa portée technologique.165 L’hypothèse de départ que

les stratégies de communication modernes sont plus radicalisant que le mode de

communication employée est confirmée. Même si dans un monde connecté, internet

permet de toucher un public mondial, ce sont les stratégies médiatiques utilisées qui

favorisent la radicalisation, et donc le recrutement important de djihadistes étrangers

par l’EI. Ainsi, il est dorénavant nécessaire d’étudier ces stratégies de communications

modernes utilisées par les services médiatiques et partisans de l’EI.

162 GERSTEN Peter, op.cit. 163 ALTERMAN Jon B., op.cit., 204 p. 164 OTHEN Christopher, Franco's International Brigade: Adventurers, Fascists, and Christian

Crusaders in the Spanish Civil War, London: Hurst, 2013, 240 p. 165 ARCHETTI Cristina, op.cit., pp.49-59.

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2) La propagande

2.A) L’appel au djihad

D’abord, les différents services médiatiques de l’EI incitent les musulmans à

combattre pour lui, car ils disent parler au nom du « vrai » islam à travers ses discours

idéologiques. Ils tentent mobiliser la civilisation musulmane contre les ennemis de

l’EI. Celui-ci raconte que l’islam est la religion de l’épée et non du pacifisme, car

l’islam doit triompher des autres religions.166 De plus à des fins d’assurer sa victoire à

ses partisans, l’EI dévoile même les cinq phases de sa grande stratégie :

hijrah (émigration); jama’ah (congrégation); destabilize taghut (idolâtre);

tamkim (consolidation); khilafah (califat).167 D’ailleurs à partir des objectifs

politiques, Lewis retranscrit la grande stratégie et l’ordre de ses phases de l’EI de la

façon suivante. D’abord effacer les frontières et alimenter la guerre civile, décrite dans

Dabiq comme la phase du destabilize taghbut. Puis établir l’EIIL comme un émirat,

correspondant au Tamkim. Ensuite, encourager l’immigration, donc la hijrah, bien que

celle-ci doive être permanente. Enfin déclarer le califat et interagir avec le reste du

monde musulman dans l’intention de s’y étendre.168

Pourtant, avec les actions de la coalition contre l’EI et les offensives de

l’armée irakienne, le califat connait des défaites. Il perd militairement et donc attire de

moins en moins de recrues. Par conséquent, l’EI réoriente sa stratégie. Son porte-

parole dément d’abord le 22 mai 2016 la gravité de la situation « Nous ne combattons

pas pour défendre une terre, ni pour la libérer ou la contrôler ».169 Puis l’EI même des

attaques à l’extérieur du califat. Il utilise le mois sacré du ramadan comme

justification pour ses attaques terroristes. Pour le ramadan de 2016, al-Adnani

exprimait l’intention de l’EI de se focaliser sur la coalition contre l’EI mené par les

USA. Il encourageait les loups solitaires d’attaquer les civiles en Occident durant le

ramadan. L’objectif est de détourner l’attention des médias des défaites militaires en

Irak et Syrie pour l’orienter sur les victoires terroristes de l’EI à l’étranger.170 Ainsi, ne

serait-ce qu’entre le 29 juin et le 4 juillet 2016, des attentats eurent lieu en Turquie,

166 “The flood", Dabiq, Ramadan 1435 A.H, n°2, 44 p. 167 "The return of Khilafah", Dabiq, Ramadan 1435 A.H, n°1, 26 p. 168 LEWIS Jessica D., The Islamic state: a counter-strategy or a counter-state, Washinton: ISW,

"Middle east security reports", 21, Juillet 2014, 35 p. 169 ZEEOUKY Madjid, « Sous pression, l’État islamique adapte son discours », Le Monde, 1 janvier

2016, http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2016/06/01/sous-pression-l-État -islamique-adapte-

son-discours_4929963_3218.html, mis à jour le 1 janvier 2016, consulté le 5 juillet 2016. 170 CAFARELLA Jennifer, op.cit., 32 p.

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Bengladesh, Irak et en Arabie saoudite.171 Les messages de l’EI visent à présenter ses

victoires à l’ensemble de ces partisans et du monde musulman. Et la terreur provoquée

dans les autres civilisations implique des réactions islamophobes qui se retournent

contre eux, puisque les musulmans stigmatisés ont plus de chance de rejoindre l’EI.

Mais même avant les revers militaires, le porte-parole de l’EI, Abu

Mohammed al-Adnani avait l’habitude de diffuser des messages sur internet à ses

sympathisants. Par exemple le 22 septembre 2014, il appelait déjà les moudjahidines à

commettre des attentats dans les pays des membres de la coalition contre l’État

islamique.172 Et en effet, de nombreux attentats ou attaques isolées ont été commis par

des partisans de l’État islamique. Ces partisans d’origines éclectiques ont été

radicalisés de plusieurs manières par des biais différents, mais qui fonctionnent à

travers la cyberhaine et l’identification à la communauté imaginé de l’EI.

2.B) La radicalisation des individus

D’abord, l’un des moteurs de la radicalisation est la haine. La haine déchaine

les passions et polarise la vision du monde ou des individus. Et internet permet le

recrutement de potentiels recrus ou de gagner du moins leur sympathie. Le but est de

créer chez le public un sentiment de haine de l’autre groupe racial ou religieux. Cette

promotion de l’idéologie extrémiste s’accompagne d’un appel à combattre les

adversaires du groupe émetteur. Cette cyberhaine est comprise par Awan et

Blakemore comme: “the use of information and communication technologies (ICTs)

to promote hate and to target the largely youthful and impressionable audiences that

increasingly rely on these technologies.”173 En effet, les contenus sur internet peuvent

comprendre des discours, récits, vidéos, graphiques, statistiques ou toute information

que les extrémistes peuvent diffuser dans un but d’accentuer le ressentiment de son

public envers l’Occident et les chiites. Les religieux extrémistes instillent chez les

musulmans du déroulement de complots dans une guerre contre l’Islam. Ainsi, un

sentiment d’humiliation et de haine se crée contre le reste du monde, en opposition

171 « Dans les pays musulmans, une fin de ramadan ensanglantée par l’EI », Le Monde, 6 juillet 2016,

http://www.lemonde.fr/international/article/2016/07/06/dans-les-pays-musulmans-une-fin-de-ramadan-

ensanglantee-par-l-État -islamique_4964790_3210.html, mis à jour le 6 juillet 2016, consulté le 10

juillet 2016. 172 FELLOUS Gérard, op.cit., 269 p. 173 AWAN Imran, BLAKEMORE Brian, Policing cyber hate, cyber threats and cyber terrorism,

Farnhan : Ashgate, 2012, 201 p.

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contre la xénophobie d’hommes politiques en Europe ou les traitements politiques et

médiatiques occidentaux envers le monde musulman. Ce sentiment est accentué par

tous les sites extrémistes quand le musulman recherche la vérité sur internet. Il est

enfermé dans un processus d’autoradicalisation où toute information contraire à sa

vision du monde est rejetée. Sa vision du monde se polarise entre le bien avec les

croyants et le mal avec les infidèles, et elle s’emboite avec le clivage entre victimes et

oppresseurs.174

En conséquence, les accusations des porteurs de malheur sur le monde sunnite

se dirigent sur les ennemis des extrémistes, et ces derniers tournent le conflit syrien en

bataille prédit dans l’apocalypse. Cette haine propagée fait également écho aux

difficultés socioéconomiques ou la marginalisation et la dignité bafouée de son public.

De même, les musulmans dans les pays occidentaux peuvent souffrir d’islamophobie

en Occident. En retour, une vie de piété remplie d’amitiés, de richesse, de confort et

de gloire est dépeinte dans la guerre sainte. Ce sont donc des raisons individualistes

qui sont évoquées.175

En parlant des difficultés socioéconomiques, celles-ci ne sont pas des

prérequis de la radicalisation. Entre autres, les sympathisants de l’EI sont des hommes

et des femmes appartenant à des catégories socioprofessionnelles ou familiales

diverses. En outre, ils n’ont pas forcément un passé de délinquance. De ce fait, les

facteurs psychosociaux doivent être étudiés au détriment des caractéristiques

sociodémographiques.176

2.C) L’identité islamiste

Dans l’article “Terrorism, communication and new media: explaining

radicalization in the digital age”177 de Cristina Archetti, celle-ci aborde le thème de

“online radicalization” et emprunte le concept de « Imagined communities »178 de

174 VAN SAN Marion, "Striving in the Way of God: Justifying Jihad by Young Belgian and Dutch

Muslims", Studies in Conflict & Terrorism, 2015, vol. XXXVIII, n°5, pp.328-342. 175 ALTERMAN Jon B., op.cit., 204 p. 176 ROBLIN Antoine, MALKI Bachar, « Djihadiste, tous les mêmes ? Analyse psychosociale du profil

des djihadistes européens et des problématiques sécuritaires qu'ils posent en Occident », Journal du

droit des jeunes, Mars 2015, vol. I, n°341, pp.39-42. 177 ARCHETTI Cristina, op.cit., pp.49-59. 178 ANDERSON Benedict, Imagined Communities: Reflections on the Origin and Spread of

Nationalism, New York: Verso, 2006, 240 p.

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Benedict Anderson et du « indirect relationship »179 de Craig Calhoun. Archetti

explique que dans un univers social, des réseaux de relations relient les individus.

Dans un schéma de narration individuel, l’identité personnelle d’un individu se

façonne en fonction de son réseau de relations à un instant donné.180 A côté, les

technologies de communications étendent les réseaux de relations, créant des relations

personnelles indirectes en plus des relations interpersonnelles directes. Par exemple,

les individus peuvent communiquer directement par mail, et aussi développer une

admiration envers des récits de figures politiques présentes sur internet. Ces individus

peuvent s’imaginer faire partie de leur communauté sur base d’une identification

politique.181 Cette communauté est « imaginée » parce que ses membres se sont

rassemblés en fonction de leurs intérêts, caractéristiques ou d’aspirations

communes.182 Par exemple, les islamistes membres d’une communauté souhaitant

vivre dans un califat font partie d’une communauté imaginée.183

Ensuite dans le processus de narration individuel, un individu acquiert des

connaissances. Ces informations s’obtiennent à partir de la narration individuelle des

autres individus ou de narrations collectives. Ces dernières sont par exemple des

groupes religieux ou des organisations terroristes. Ces connaissances reçues sont

filtrées par l’individu, l’empêchant de faire absolument tout ce qu’on lui dit, mais il

peut parfois changer sa vision du monde. En résumé, l’identité individuelle évolue

dans le temps à la suite des informations acquises.

En conséquence, l’identité évolue et peut à un moment donné correspondre à

l’identité d’un groupe terroriste. Toute personne, peu importe sa société ou sa

condition socioéconomique, peut s’identifier à un moment ou à un autre à un groupe

terroriste. Même dans le cas des « loups solitaires », ceux-ci s’imaginent membres

d’une communauté. Et peu importe la manière dont le message est véhiculé par les

propagandistes, l’extrémisme survient de la relation entre le message et la narration

individuelle préexistante. Ainsi, cet extrémisme n’a même pas besoin de survenir de

179 CALHOUN Craig, “Indirect Relationships and Imagined Communities: Large Scale Social

Integration and the Transformation of Everyday Life”, in BOURDIEU Pierre, COLEMAN James S.

(directed by), Social Theory for a Changing Society, Oxford: Westview Press, 1991, pp. 95-120. 180 Annexe 7: ARCHETTI Cristina, op.cit., pp.49-59. 181 CALHOUN Craig, op.cit., pp. 95-120. 182 ANDERSON Benedict, op.cit., 240 p. 183 Annexe 7 : ARCHETTI Cristina, op.cit., pp.49-59.

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matériaux extrémistes pour surgir chez des individus. Tandis que d’autres individus

voyant des images extrémistes ne se radicalisent pas.184

Pour en revenir aux djihadistes de l’EI, ceux-ci partagent à la même

communauté imaginée. Ils ont pour point commun une forte identification à une

communauté musulmane transnationale qu’il souhaite défendre. Ils partagent la vision

que leur communauté et ses terres sont en danger et donc que la communauté doit être

défendue.185 En plus, les djihadistes sont des individus radicalisés dont les sentiments

s’identifient à l’état du groupe. En tant qu’assimilés à un groupe considéré comme

spécial, ils ont un sentiment de supériorité qui connait la détresse parce qu’ils

considèrent connaitre une injustice qui les rend vulnérables. Cette identification au

groupe peut mener à la radicalisation en groupes à travers plusieurs niveaux de

radicalisation. Mais concernant les individus, les petits groupes les radicalisent plus,

car la norme du groupe n’est pas facilement distincte de la moralité de ses membres.

Ces derniers possèdent le même ancrage moral dirigé vers le même but, et ceux n’y

adhérant pas sont remarqués et punis.186

En conséquence, les djihadistes de l’EI s’identifient comme de « vrais »

musulmans, car ils se voient défendre la communauté musulmane contre ses ennemis

comme par exemple les forces du régime al-Assad. D’autres motivations peuvent

aussi les inciter à faire le djihad comme une quête d’aventure ou d’ascension

sociale.187 Enfin, via la propagande des islamistes, les musulmans peuvent voir le

djihad comme un devoir religieux obligatoire. D’ailleurs la géographie joue aussi dans

cette dimension obligatoire du djihad car la « terre de Sham » est associée à

l’apocalypse dans des hadiths.188 Donc, l’EI mobilise des facteurs identitaires pour

attirer des djihadistes. Et même, si la radicalisation ne s’obtient pas par la technologie

de communication employée, celle-ci permet d’envoyer des messages plus attractifs à

un public mondial.

184 Ibidem. 185 MARTINEZ Luis, « Structures, environnement et basculement dans le jihadisme », Cultures et

conflits, 2008, vol., n°69, pp.133-156. 186 MCCAULEY Clark, MOSKALENKO Sophia, "Mechanisms of Political Radicalization: Pathways

Toward Terrorism", Terrorism and Political Violence, 2008, vol. XX, n°3, pp.415-433. 187 ROBLIN Antoine, MALKI Bachar, op.cit., pp.39-42. 188 BOUZAR Dounia, CAUPENNE Christophe, VALSAN Sulayman, La métamorphose opérée chez le

jeune par les nouveaux discours terroristes, Paris: CPDSI, Novembre 2014, 91 p.

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3) Les stratégies de communication

Dans le cadre de la guerre psychologique, le cyberdjihad est mené par le

ministère des médias de l’EI dirigé par Abu Amr al-Shami. Ce ministère possède

plusieurs organes spécialisés dans la communication. Parmi eux, il existe al-Furqan

Media, branche officielle médiatique dans la production de vidéo, créé en 2006 par

l’EII. Il existe aussi al Hayat Media center qui distribue des contenus djihadistes

principalement vers le public occidental, ou bien Ajnad Media Foundation qui

s’occupe de la diffusion de chants djihadistes. Ceux-ci publient des vidéos, des

messages sur les réseaux sociaux et également des magazines disponibles en plusieurs

langues sur internet : Dabiq, IS Report et IS News.189 Les stratégies de communication

de l’EI sont aussi importantes que ses stratégies militaires ou administratives. Les

médias permettent à l’EI de recruter des sympathisants, de récolter de l’argent ou de

terroriser ses adversaires. Ainsi l’EI se livre à au concept de la « théâtralisation du

terrorisme ». En 1974 dans le cadre des guerres idéologiques, Jenkins explique

“terrorist attacks are often deliberately choreographed by the terrorists to achieve

maximum publicity, particularly to attract the attention of the electronic media or the

international press. [...] Terrorism is psychological warfare. It is theatre”.190 De ce fait,

le but du terrorisme est de maximiser l’impact psychologique de la propagande afin de

manipuler le public dans le sens désiré.

3.A) Les Magazines

Auparavant, le groupe de l’État islamique en Irak et au Levant publiaient deux

magazines : Islamic State Report et Islamic State News. Le premier établissait les

avancées militaires ou civiles de l’EI, tandis que le second diffusait des nouvelles

courtes sur l’EI. Puis, ces deux magazines furent combinés dans Dabiq après la

conquête de Mossoul. Le nom Dabiq est une référence à un hadith sur l’apocalypse où

les Romains, interprétés comme l’Occident, et les musulmans s’affronteront. Dabiq

est inspiré de la revue Inspire d’al-Qaïda et est publié comme les autres magazines en

anglais, et traduits dans d’autres langues. Ensuite, la phrase d’introduction de chacun

des numéros provient d’al-Zaqawi et non de Ben Laden ou d’al-Zawahiri dont le

189 FELLOUS Gérard, op.cit., 269 p. 190 JENKINS Brian M., Terrorism and kidnapping, Santa Monica: Rand Corporation, "Papers", June

1974, 10 p.

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groupe fut longtemps affilié. Cette citation du fondateur reconnu par l’EI introduisant

le magazine montre son indépendance vis-à-vis d’al-Qaïda. Par la suite, Dabiq est

produit mensuellement, prouvant que l’EI alloue beaucoup de ressources pour

chercher des supporters autour du globe. Les sujets traitent l’évolution du conflit et les

articles justifient toujours les stratégies militaires de l’EI.191

Puis, les articles peuvent être des discours idéologiques, des pamphlets contre

les ennemis du califat, des conseils militaires, des témoignages, des déclarations des

cadres dirigeants de l’EI. En résumé, ils traitent des évènements de l’État islamique,

par exemple d‘attentats de l’EI à l’étranger. Les magazines sont bien produits, et

mêlent entre les articles des illustrations calmes et des photographies de cadavres ou

d’exécutions de prisonniers.192 Ils démontrent à ces lecteurs la viabilité idéologique de

l’organisation. De tels agencements et mise en scène se retrouvent également dans ces

vidéos.

3.B) Les vidéos

Au départ très traditionnel, les premières séries de vidéos lancées en 2012,

nommées Salil as-Sawarim, évoluèrent. Des scènes d’actions avec un montage

dynamique et des effets cinématographiques s’intercalent entre les discours

idéologiques. Cette dynamisation tranche avec la monotonie habituelle des vidéos des

autres groupes islamistes. De plus, la spécialisation des organes médiatiques de l’EI

permet la production rapide d’une grande quantité de vidéo, monopolisant le marché

médiatique sur internet face aux groupes djihadistes.193 Pourtant, cette production

rapide ne s’accompagne pas d’une baisse de qualité. Contrairement aux autres groupes

djihadistes, les vidéos produites par les organes médiatiques de l’EI sont sophistiquées

avec d’excellentes qualités techniques et inspirées de Hollywood. De la sorte, ses

séries variées de vidéos sont diffusées. Elles peuvent aussi bien montrer des combats

glorifiés que des tranches de vie quotidienne dans le califat. Elles présentent

également des témoignages de combattants occidentaux venus se battre en Syrie et en

191 GAMBHIR Harleen K., Dabiq: the strategic messaging of the islamic state, Washington: ISW,

"Backgrounders", 15 August 2015, 12 p. 192 BARRETT Richard, The Islamic State, op.cit., 66 p. 193 DUCOL Benjamin, « Comment le jihadisme est-il devenu numérique ? Évolutions, tendances et

ripostes », Sécurité et stratégie, Janvier 2015, vol. XX, n°1, pp.34-43.

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Irak et appelant leurs compatriotes à les rejoindre. Enfin Al Hayat Media Center les

diffuse avec des sous-titres en anglais pour toucher un plus grand public.194

De plus, ces vidéos et la stratégie médiatique dans laquelle elles s’insèrent sont

aussi importantes que les stratégies militaires. Elles influencent l’opinion publique,

inspirent les djihadistes et recrutent des individus. Elles font donc l’objet de soin

particulier pour transmettre le bon message. Par exemple, la composition musicale

d’une vidéo de propagande influence le visionneur. Une musique agressive amplifie

les pensées agressives des auditeurs. Elle glorifie les actions violentes et déshumanise

les victimes. De même, les auditeurs entendant de la musique sont plus influencés ou

inspirés par les vidéos de recrutement djihadistes.195

Ensuite, l’image est vue comme une arme psychologique dans l’optique de la

théâtralisation du terrorisme. Les vidéos de décapitation ou d’exécution brutale ont

pour but d’attirer l’attention des médias occidentaux. Elles sont plus visibles que les

anciennes vidéos propagandistes parce qu’elles circulent sur internet indéfiniment.

L’enregistrement des décapitations bénéficie des mêmes sophistications scénaristiques

que les autres vidéos. Les vidéos avec des exécutions brutales sont le résultat d’une

« stratégie de provocation ». L’EI peut influencer l’opinion publique dans l’optique de

l’orienter dans le sens qu’il souhaite. Ces vidéos sont également des « outils

stratégiques » car elles prouvent la détermination de l’organisation.196 Les

orchestrations médiatiques des exécutions des otages sont produites rationnellement

dans un but calculé de créer un maximum d’impact en un minimum de temps.

Afin de créer de tels visuels, l’EI emploie par exemple un symbolisme des

couleurs. En effet, al-Zarqawi a introduit au début de la guerre d’Irak le port de la

tenue orange symbolisant l’uniforme des prisonniers de Guantanamo. À côté, les

bourreaux portent des tenues noires, symbole du concept du djihad découlant de la

bannière de bataille du Prophète Muhammad et du califat abbasside. De même, le

bourreau et la victime sont placés dans un cadre minimaliste avec le sable beige et le

bleu du ciel pour que l’attention du spectateur se porte sur l’exécution. Cette

194 BARRETT Richard, The Islamic State, op.cit., 66 p. 195 LEMIEUX Anthony, Nill Robert, “The Role and Impact of Music in Promoting (and Countering)

Violent Extremism”, in FENSTERMACHER Laurie, LEVENTHAL Todd (sous la direction de),

Countering Violent Extremism: Scientific Methods and Strategies, Atlanta: NSI, September 2011,

pp.147-156. 196 MOLIN FRIIS Simone, "‘Beyond anything we have ever seen’: beheading videos and the visibility

of violence in the war against ISIS", International Affairs, 15 July 2015, vol. XCI, n°4, pp.725-746.

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disposition et ce cadre donnent un impact visuel fort même quand l’image est statique.

Puis, avant la séquence d’exécution, le bourreau légitime l’exécution, parfois dans un

anglais à l’accent londonien comme le fut « Jihadi Jhon ». Ainsi, les bourreaux

étrangers montrent le caractère international du califat. Cette légitimité est montrée à

travers l’émission d’un contexte politique par la diffusion d’extraits de décisions

parlementaires ou d’hommes politiques, ou de journaux télévisés.197

Enfin, la victime n’est qu’un médium pour que l’État islamique puisse

transmettre un message court et simple. Par exemple pendant l’exécution de James

Foley, le bourreau dissuade les États-Unis et leurs alliés d’intervenir militairement

contre l’EI en Irak et en Syrie. Quand survient la séquence de l’exécution, seul le

début est montré avant que l’écran devienne noir. L’autocensure prévient de faire

mauvais une mauvaise publicité vis-à-vis du public. En effet, la violence d’une

exécution créée de mauvaises relations publiques, car elle choque les visionneurs qui

la jugeront anti-islamique. Puis, à côté du corps de l’exécuté, la prochaine victime est

présentée, accentuant la pression psychologique. En définitive, les vidéos sont courtes.

Elles jouent également sur le « marketing de la terreur » et l’ultra violence avec de

jeunes djihadistes habitués à la culture populaire occidentale pour les recruter.

Cependant, les jeunes djihadistes attirés par l’EI ne sont pas qualifiés ou expérimentés.

Par conséquent, des appels à l’immigration sont effectués en parallèle pour combler

les besoins vitaux de l’EI en main-d’œuvre qualifié.198

3.C) Les réseaux sociaux

À travers la maitrise de l’utilisation des voies de communication numérique,

l’EI peut atteindre un public plus large. Internet est un outil de prédilection pour

diffuser des messages à un niveau mondial. L’EI et ses partisans utilisent plusieurs

sites afin de diffuser leurs contenus propagandistes. En plus, les organes médiatiques

possèdent même des comptes Twitter régulièrement alimentés en contenu. En effet,

les réseaux sociaux socialisent les internautes autour de thématiques communes où les

contenus sont facilement diffusés. Ces individus prennent autant part à la création et à

197 TINNES Judith, "Although the (Dis-)Believers Dislike it: a Backgrounder on IS Hostage Videos -

August - December 2014", Perspectives on terrorism, February 2015, vol. IX, n°1, pp.76-94. 198 Ibidem.

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la diffusion de propagande que les organisations eux-mêmes.199 Même des

applications Twitter sont créées pour que les sympathisants puissent visionner les

informations de l’EI. Par exemple, l’application « The Dawn of Glad Tidings » sur

Twitter permet de voir les tweets de l’EI sans être bloqués par la fonction spam de

Twitter. Mais les sites populaires s’améliorent pour bloquer les contenus

propagandistes même s’ils ne peuvent jamais complètement les éliminer ou les

empêcher d’apparaitre. En outre, la spécificité d’internet est sa décentralisation.

Quand une vidéo sur Youtube ou un message sur Twitter est supprimé, des comptes

relais créés par les sympathisants retéléchargent et rediffusent les contenus supprimés.

De même des sites ou réseaux sociaux tiers sont utilisés parce que ceux-ci ne vérifient

pas les fichiers partagés comme Quitter et Diaspora, Justpaste.it, ou archive.org. La

censure est par conséquent inefficace sur internet pour empêcher la diffusion des

contenus propagandiste.200

Puis en terme tactique, les propagandistes utilisent la tactique de l’appât et de

la substitution sur les réseaux sociaux. En résumé, ils lient leurs contenus aux hashtags

en tendance mondiale lors d’évènements globalement médiatisés. Par exemple lors de

la coupe du monde de football au Brésil, les internautes regardant le hashtag #Brasil

tombèrent sur des contenus produits par l’EI.201 De plus l’utilisation de bots et de

programmes d’automatisations de tweets propagent le contenu propagandiste partout

sur internet.202

Mais même en terme militaire, l’utilisation de tweeter est cruciale. Lorsque des

dizaines de milliers de tweets sont envoyés. Des informations concernant la

localisation des soldats et structures de l’EI sont soumises aux frappes aériennes de la

coalition. Ainsi, l’EI donna la consigne que seuls les communiqués officiels pouvaient

donner des informations. Une campagne de sensibilisation avait même été lancée sur

les réseaux sociaux avec pour thème : « Partisan, ne nous tue pas ! »203 Ainsi, même

sur le champ de bataille en Irak et en Syrie, l’EI a besoin de contrôler sa présence

médiatique. Tandis que sur le plan mondial, il cherche à séduire la civilisation

musulmane grâce aux moyens de communication modernes.

199 DUCOL Benjamin, "Comment le jihadisme est-il devenu numérique ? Évolutions, tendances et

ripostes", Sécurité et stratégie, Janvier 2015, vol. XX, n°1, pp.34-43. 200 Ibidem. 201 ALTERMAN Jon B., op.cit., 204 p. 202 DUCOL Benjamin, op.cit., pp.34-43. 203 FELLOUS Gérard, op.cit., 269 p.

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Partie IV : La chute du califat

« Hegel fait quelque part cette remarque que tous les grands événements et

personnages historiques se répètent pour ainsi dire deux fois. Il a oublié d'ajouter : la

première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce. »204

L’apparition du califat a immédiatement été suivie par l’apparition d’une

coalition internationale contre l’EI menée par les États-Unis d’Amérique. Ainsi, la

Syrie et l’Irak sont le théâtre de conflits d’influences entre les puissances régionales.

L’hypothèse est que les États intervenant contre l’EI mènent une guerre par

procuration dans le but d’y assouvir leur propre intérêt au Moyen-Orient. En effet au

Moyen-Orient, chaque puissance étrangère intervenante arme et entraine les forces

d’un ou plusieurs acteurs locaux du conflit. Chacun des acteurs à ses intérêts qu’il

tente d’assouvir sans intervenir militairement de manière directe. Ces acteurs locaux

soutenus sont les régimes syrien et irakien, les forces kurdes, les forces rebelles

syriennes et même les forces de l’État islamique.

Ainsi la théorie de la guerre par procuration est appliquée à ce conflit. Elle

implique que des acteurs locaux se mènent une guerre entre eux comme substitut à

une confrontation directe entre des puissances régionales.205 Sur cette base, les nations

intervenant militairement dans le conflit ont pour objectif de protéger leurs intérêts

dans la région et d’assurer la sécurité de leur territoire national contre des attentats

terroristes. Les États-Unis sont impliqués malgré eux dans le conflit et souhaitent se

désengager sans perdre leur prestige. Par conséquent dans une stratégie du pentagon’s

map, les États-Unis « dirigent par derrière » les « soudures » pour combler la

« faille ».206 Pour les autres participants, la Turquie, la Russie, l’Iran et l’Arabie

saoudite possèdent des rivalités concernant le rapport de puissance entre monde

sunnite et monde chiite. L’enjeu pour ses pays est le maintien ou le changement des

régimes confessionnels irakiens et syriens. Ceux-ci deviendront des États satellites

aux puissances régionales de la même confession qui s’en serviront pour étendre leur

zone d’influence en Irak et en Syrie.

204 KARL MARX 205 BAR-SIMAN-TOV Yaacov, “The Strategy of War by Proxy”, Cooperation and Conflict, November

1984, vol. XIX, pp. 263-273. 206 BARNETT Thomas P.M., op.cit., 448 p.

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1) Les membres de la coalition contre l’EI

1.A) La coalition internationale contre l’État islamique

Après la guerre en Irak, les États-Unis d’Amérique étaient dans une stratégie

de retrait des troupes. Le président Obama avait promis qu’il terminerait les guerres.

Mais avec la déstabilisation du Moyen-Orient, la menace des intérêts américains, le

soutien et le recrutement de partisans djihadistes autour du globe, et l’exécution du

journaliste James Foley qui suscita l’émoi au sein du public américain, le président

Obama avait l’obligation d’intervenir contre l’EI.

C’est pourquoi le président Obama déclara le 14 septembre 2014 son intention

de créer une coalition élargie autour des États-Unis contre l’EI. L’objectif poursuivi

de cette coalition, selon Obama, est d’entretenir une stratégie de contre-terrorisme

globale. Pour y arriver, des formateurs militaires et un soutien militaire devraient être

envoyés si nécessaire au régime irakien, aux forces kurdes et aux rebelles syriens.

Enfin, une assistance humanitaire aiderait les civils déplacés à cause du terrorisme.207

De ce fait, le but avoué est de laisser en priorité les acteurs du conflit se battre et d’y

intervenir directement le moins possible. De même, les nombreux participants dans la

coalition permettent un plus grand partage des risques pris.

Dès le 15 septembre 2014 lors du sommet de Paris, une trentaine de

participants entraient dans la coalition. Celle-ci en compta 60 en décembre 2014 avant

de monter finalement à 66 participants. Chacun d’entre eux contribue avec des aides

militaires ou non militaires en proportion des avantages à en tirer et de ses intérêts

nationaux. De plus, le commandement militaire de la coalition doit composer avec les

différentes règles d’engagements des différents contingents nationaux, car chaque

nation possède sa tolérance au risque. 22 nations participent au volet militaire dans le

but de détruire l’EI. Cette participation militaire se divise entre les frappes aériennes,

l’entrainement et l’équipement des forces de sécurités, et les opérations spéciales.208

Concernant les frappes aériennes, celles-ci débutèrent dès le 8 août 2014 en

Irak. Avant que les USA ne l’étendissent en Syrie. De même, une opération

207 BARRACK Obama, “Statement by the President on ISIL », Washington: The White House, 10

September 2014, https://www.whitehouse.gov/thepress-office/2014/09/10/statement-president-isil-1,

accessed on 6 April 2016. 208 Annexe 8: MCINNIS Kathleen, Coalition Contributions to Countering the Islamic State,

Washington: Congressional Research Service, “CRS Report”, 14 p.

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humanitaire fut lancée pour protéger la population yézidi sur le mont Sinjar.209 En

effet, la Commission d’enquête des Nations Unies sur la Syrie a déclaré qu’un

génocide avait lieu contre les Yézidis.210

De ce fait, des pays étrangers interviennent sur le territoire irakien et syrien.

Du point de vue de la légalité internationale, le gouvernement de Bagdad a invoqué,

en tant que membre de l’ONU, l’article 51 de la charte des Nations Unies lui assurant

le droit de se défendre contre la prise de territoires de l’EI. Il a appelé une assistance

militaire extérieure. En plus de l’intervention militaire, l’appel à l’assistance du

gouvernement irakien autorise l’application des principes du R2P même en absence

d’une résolution du Conseil de sécurité. En effet, le Haut-Commissariat des Nations

Unies aux droits de l'homme écrit dans un de ses rapports : « L'État islamique d'Iraq et

du Levant (EIIL) pourrait avoir commis les trois crimes internationaux les plus graves,

c'est-à-dire des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et un génocide ».211

Par contre en Syrie, les interventions américaines sont illégales sans invitation

du gouvernement syrien qui l’a d’ailleurs donné à l’aviation russe. Sinon une

résolution du Conseil de sécurité avait été proposée au début de la guerre civile

syrienne, mais la Russie et la Chine y avaient opposé leur véto, craignant un nouveau

cas libyen. Malgré tout, plusieurs résolutions du Conseil de sécurité prennent des

mesures contre l’EI selon le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. L’EI est

soumis à des sanctions comme le gel de ses avoirs, l’interdiction pour chaque État de

laisser les agents de l’EI transiter sur son territoire, et l’application d’un embargo sur

les armes.212

1.B) Les États-Unis d’Amérique ou l’implication forcée

Au départ, Les États-Unis ne souhaitent pas engager leurs troupes sur le sol

irakien. En effet, le Président Obama préfère dans ces déclarations décrire la menace

209 RALPH Jason, SOUTER James, op.cit., pp.709-723 210 « Daech est en train de commettre un génocide contre les Yézidis, selon l'ONU », Centre

d'actualités de l'ONU, 16 juin 2016, http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=37477, mis à

jour le 16 juin 2016, consulté le 13 juillet 2016. 211 « L'EIIL pourrait avoir commis des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et un génocide,

selon un rapport de l'ONU », Centre d'actualités de l'ONU, 19 mars 2015,

http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=34453, mis à jour le 19 mars 2015, consulté le 11

juillet 2016. 212 Résolution 2253 (2015) Adoptée par le Conseil de sécurité à sa 7587e séance, le 17 décembre 2015,

New York: Nations unies, 17 décembre 2015, S/RES/2253.

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comme venant d’une organisation terroriste. Cette appellation abaisse le niveau de

menace et permet à Obama de le considérer en termes de sécurité nationale

américaine. Donc l’objectif est avant tout de préserver les intérêts américains et de

préserver la sécurité domestique des États-Unis. L’emploi de contre-terrorisme et de

drones est ainsi privilégié au détriment de troupes américaines. Au final, cette

stratégie américaine se révèle plutôt être de l’endiguement que du « degrade and

defeat » comme annoncé par Obama.213

Selon le cadre théorique du Pentagon’s map, l’objectif des États-Unis est

d’impliquer le moins de ses troupes possibles au combat et de compter sur les forces

anti-État islamique autochtones. Cette stratégie a pour but de ne plus perdre de soldats

américains au Moyen-Orient. De plus, elle évite une nouvelle occupation du territoire

sunnite par des troupes occidentales qui serait mal perçue par la population locale.

Puis sur le long terme, les USA tentent de transmettre la direction de l’élimination de

l’EI à l’Irak. Pour se faire, l’unité nationale irakienne est soutenue et la démission

d’al-Assad est demandée dans les négociations.214 Mais, en tant que superpuissance,

les États-Unis ont pour obligation morale, surtout après la guerre en Irak d’envoyer un

grand nombre de moyens militaires soutenir ses partis dans le conflit.

Par la suite, les États-Unis ont envoyé le plus grand contingent de la coalition

en Irak. Entre 3500 et 4000 personnels militaires américains ont été déployés en Irak.

Ces militaires n’interviennent pas sur le champ de bataille, mais entrainent l’armée

irakienne, récoltent de l’intelligence sur l’EI, et sécurisent le personnel et les

complexes américains. Deux tiers d’entre eux servent d’instructeurs pour l’armée

irakienne et les forces kurdes. Tandis qu’en janvier 2010, le reste de la coalition avait

déjà déployé 3500 conseillers pour les troupes irakiennes. Au total, le 10 mai, 22,000

soldats irakiens avaient été entrainés et 3,700 étaient en formation. Pour réaliser cet

entrainement de l’armée irakienne, le Congrès américain a alloué un budget de 715

millions de dollar pour l’année 2016. De même 400 millions et 406.45 millions de

dollars ont été alloués par le Congrès américain pour l’année 2016 respectivement aux

peshmergas kurdes et aux rebelles syriens. En effet pour ces derniers, les forces

spéciales américaines tentent d’équiper en armes et en munitions des groupes syriens

sélectionnés pour combattre l’État islamique. Cependant les USA ont dû mal à trouver

213 SINIVER Asaf, LUCAS Scott, op.cit., pp.63-79. 214 MCINNIS Kathleen, op.cit., 14 p.

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des groupes syriens voulant combattre l’EI. La plupart d’entre eux ont pour unique

motivation de renverser le régime d’al-Assad.215 Ainsi les États-Unis investissent des

moyens dans la formation de soldats locaux pour se battre à la place des soldats

américains.

En plus au 1er juin 2016, 12,685 bombardements effectués par l’aviation, des

drones et des missiles mer-terre de la coalition eurent lieu contre l’EI.216 Leurs frappes

aériennes visent principalement les sources de financement et les cadres dirigeants,

mais également les convois de troupes et de ressources. Dans cette optique, ils veulent

interdire l’EI d’avoir accès au système financier international et éliminer à distance le

plus possible de ses troupes au sol. Cependant, l’EI s’est adapté et dissimile à présent

ses troupes dans des zones urbaines où les civils seraient gravement touchés en cas de

bombardement. De même, les convois et les troupes se dispersent ou voyagent quand

les conditions météréologiques ne permettent pas les bombardements. Dans cette

optique, ils veulent interdire l’EI d’avoir accès au système financier international et

donc d’assécher son économie.217 L’emploi de l’aviation a pour but de ne pas

s’engager militairement au sol. En effet, l’EI dispose de peu de moyen pour contrer les

frappes aériennes et donc d’éliminer des militaires américains. Cette volonté de se

battre à distance participe à la guerre par procuration américaine. Les soldats locaux

occupent le territoire et sont assistés à distance par l’armée américaine.

1.C) La Turquie ou l’ambiguïté dans les ennemis désignés

Contrairement aux USA, la priorité de la Turquie est d’affirmer son rôle de

puissance régionale indépendamment des États-Unis et de l’OTAN. Son but est

propager sa sphère d’influence sur les territoires de l’ancien Empire ottoman. Par

conséquent, elle vise la formation de gouvernements sunnites dans les pays du

Moyen-Orient afin de pouvoir les contrôler. Et une manière d’y arriver pour la Syrie

est de destituer le régime d’al-Assad.218 D’ailleurs avec les « printemps arabes » et les

215 Annexe 9: BLANCHARD Christopher M., HUMUD Carla E., The Islamic State and U.S. Policy,

Washington, “CRS Report”, 14 June 2016, 33 p. 216 Ibidem. 217 JOHNSTON Patrick B., Countering ISIL's financing, Santa Monica: RAND Corporation,

"Testimonies", November 2014, 10 p. 218 KAGAN Frederick W., KAGAN Kimberly, CAFARELLA Jennifer, et alii., Competing visions for

Syria and Iraq: The myth of an anti-ISIS grand coalition, Washington: ISW, "U.S. Grand Strategy:

destroying ISIS and Al Qaeda, report twos", 2, January 2016, 50 p.

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premiers régimes arabes renversés, la Turquie avait soutenu les Frères musulmans

contre le régime syrien. Puis au début de la guerre civile syrienne, elle pensait que le

régime d’al-Assad allait vite tomber et avait donc soutenu l’ASL et laissé les

djihadistes traverser sa frontière pour se rendre en Syrie.

Toujours dans cette guerre par procuration, la Turquie espérait que les

djihadistes neutralisent les forces kurdes, car ceux-ci pourraient renforcer le Parti des

travailleurs du Kurdistan dans le futur. Ceux pourraient se renforcer et après lutter

pour l’autonomie kurde en Turquie. En plus, les Kurdes avaient même l’interdiction

de traverser la frontière turque pour défendre la ville de Kobané avec les Unités de

protection du peuple. Cette interdiction fut abolie en octobre 2014 sous la pression des

USA. En parallèle, l’armée turque avec ses tanks resta passive à la frontière avec

Kobané.219

De ce fait, la position Turquie a toujours été ambiguë dans ses actions. Elle

oscille entre passivité à l’égard des peshmergas et de l’YPG, et hostilité avec des

frappes aériennes contre les bases arrière du PKK. Ceux-ci sont considérés comme des

terroristes par le président Erdogan. Ainsi, les djihadistes sunnites font l’objet d’un

soutien tacite de la Turquie qui souhaite répandre son influence en Syrie et amoindrir

les forces kurdes. La Turquie comptait principalement sur les djihadistes pour

atteindre ses objectifs tout en disant publiquement les combattre pour sauvegarder sa

crédibilité internationale, surtout envers ses alliés occidentaux. Cependant ce double

jeu ne cessa qu’au mois d’août 2015. La direction des affaires religieuses turques

qualifia l’EI d’organisation terroriste et la Turquie rejoignit la coalition. En effet,

après les élections législatives, une majorité de la population considérait l’EI comme

la menace la plus dangereuse à la frontière syrienne. De plus, la position ambigüe que

soutenait la Turquie vis-à-vis de l’EI l’isolait de ses alliés et des voisins de sa région.

Enfin, l’EI a déclaré comme infidèle le Président Erdogan et a perpétré des attentats

en Turquie. En plus dans un magazine de l’EI rédigé en turc, Konstantiniyye, l’EI y

présente l’ambition de conquérir Istanbul et appelle les Turques à le rejoindre.220

Finalement, la Turquie prête ses bases aériennes à l’aviation américaine, leur

évitant plusieurs heures de trajet si l’aviation venait du golfe persique. Il a durci les

219 PARK Bill, "Turkey's isolated stance: an ally no more, or just the usual turbulence?", International

Affairs, 2015, vol. XCI, n°3, pp.581-600. 220 MARCOU Jean, "La Turquie et l'État islamique : d'un mariage de raison à un divorce à l'amiable",

Outre-Terre, 2015, vol. XLIV, n°3, pp.354-360.

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contrôles frontaliers pour empêcher les trafics servant de sources de revenus à l’EI.

Avec les attentats sur son territoire, la Turquie délaisse son pacte tacite de non-

agression avec le califat. En retour, Ankara et Moscou qui étaient en mauvaises

relations, surtout après qu’un avion turc abattait un avion russe, semblent se

réconcilier. Les ministres des Affaires étrangères des deux pays ont annoncé la

coordination de leurs politiques envers la Syrie.221 Même si la divergence sur le

maintien au pouvoir d’al-Assad est toujours présente, cette alliance de circonstance

montrerait les intérêts communs à éliminer les insurgés kurdes. La Turquie se dit

inquiète du rapprochement entre les USA et l’YPG. Du côté turc, les Kurdes de Syrie

ne renforceront pas le PKK. Et de son côté, la Russie soutient le régime d’al-Assad

contre les rebelles.

1.D) L’Irak ou l’État-pivot entre le monde chiite et sunnite

Depuis 2014, le Premier ministre irakien al-Maliki a été remplacé par Haïder

al-Abadi. Son élection réjouit les sunnites après les stigmatisations que le précédent

Premier ministre leur a fait subir. La préoccupation du gouvernement de Bagdad est

de reprendre les territoires occupés par l’EI en comptant le moins possible sur sa

composante sunnite. Mais leurs forces armées sont pour la plupart sous-équipées et

donc dépendant des assistances matérielles des membres de la coalition. De même la

corruption s’étend toujours à la caste politique et aux commandements de l’armée. Les

forces armées principales de l’Irak sont les Forces de Sécurité Irakiennes, le Service

de Contre-terrorisme, les forces kurdes et les Forces de Mobilisation Populaire. Ses

troupes sont globalement peu nombreuses et ont un moral assez faible. Cependant,

l’armée irakienne occupe dans cette guerre par procuration la place de l’armée locale

soutenue par les puissances étrangères.

D’abord, le FSI comprend entre 54,000 et 81,000 soldats et 1,300 générales de

brigade. Ses opérations sont principalement défensives car 40% du FSI est assignée à

la défense de Bagdad. L’ISF manque d’armes lourdes, de véhicules blindés et de

capacités aériennes. Ensuite, le Service de Contre-Terrorisme possède entre 6000 et

7000 troupes regroupant chiites, sunnites et kurdes. Au départ 11,000, le SCT a été

221 OLIPHANT Roland, WEISE Zia, “Russia and Turkey to 'coordinate' Syria policy”, The Telegraph,

1 July 2016, http://www.telegraph.co.uk/news/2016/07/01/russia-and-turkey-to-coordinate-syria-

policy/, updated on 1 July 2016, accessed on 14 July 2016.

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déployé sur tous les fronts étant donné la faiblesse de l’armée. Il a dû effectuer des

tâches de l’infanterie tout en étant mal assisté, suremployé et sous-équipés.222

Par la suite, les forces kurdes incluent 35,000 peshmergas.223 Après la défaite

de l’offensive de l’EI dans le nord de l’Irak, ils s’occupent de la défense de leur

territoire. Ils aident également les Kurdes syriens en Syrie. Les pays de la coalition

leur ont fait le don de milliers de petites armes, plus de 8,500 armes antichars, et 50

millions munitions. Puis, les Forces tribales sunnites sont composées de 5400 soldats

officiellement enrôlés et payés, dont seulement 3000 sont armés. Et parmi eux

seulement 2.300 ont reçu l’assistance des USA. En résumé, les Forces tribales

sunnites servent principalement de défenseurs locaux. Ils sont sous-équipés et mal

entrainés parce que le gouvernement irakien a peur d’armer les sunnites et recherche à

leur substituer le soutien des USA. Enfin, ces précédentes forces restent faibles par

rapport aux 80,000-100,000 miliciens organisés et équipés, et principalement chiites.

Mais ceux-ci effraient les sunnites à cause des exactions qu’ils ont auparavant

commises contre la communauté sunnite. D’ailleurs en février 2016, cette Force de

Mobilisation Populaire avait intégré 15,000 sunnites. Et en plus, les USA exigent de

ces milices de s’inclure directement sous la chaine de commandement irakienne pour

recevoir du support aérien.224

Ainsi, toutes ses troupes combattant l’EI sont soutenues par des puissances

étrangères. De même pour éviter de futures tensions, des dispositions sont prises pour

les intégrer au sein de l’État irakien. Cependant les forces kurdes sont suspectées de

rechercher leur autonomie grâce aux armes acquises. Quant aux milices chiites, celles-

ci font peur à la communauté sunnite. Donc leur emploi fragiliserait les tentatives

d’inclusion des sunnites au sein des forces armées irakiennes et de consolidation de

l’unité irakienne. Pourtant, le gouvernement irakien a besoin de cette communauté

pour amoindrir son image de persécuteur de sunnite et rallier ceux qui ont déjà rejoint

l’EI. Ce pays fait autant l’objet que la Syrie de calcul d’intérêt et de projection

d’influence des acteurs régionaux.

222 ROBINSON Linda, Assessment of the Politico-Military Campaign to Counter ISIL and Options for

Adaptation, Santa Monica: Rand Corporation, 19 April 2016, “Report”, 92 p. 223 FELLOUS Gérard, op.cit., 269 p. 224 ROBINSON Linda, op.cit., 92 p.

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2) L’Iran et la Russie

2.A) Le monde chiite de l’Iran face au monde sunnite de l’Arabie saoudite

D’abord, l’intérêt de l’Iran dans le conflit est d’établir son hégémonie sur la

région, notamment en éliminant les islamistes sunnites et en expulsant les pays

occidentaux de la région. De la sorte, l’Iran pourrait propager son caractère

révolutionnaire chiite à la région et la dominer. De ce fait, il a formé une coalition

avec les acteurs impliqués directement dans cette guerre par procuration. La puissance

régionale de l’Iran s’est coalisée avec le régime syrien d’al-Assad, le Hezbollah

libanais, le HAMAS et les milices chiites en Irak. Cette coalition menée par l’Iran a

pour but de soutenir politiquement et militairement le régime d’al-Assad, et de former

un axe de résistance contre Israël, les USA et leurs alliés dans la région.225

Ensuite dans le conflit en Irak dans un cadre de soutien à ses partisans, l’Iran

arme des milices chiites, et kurdes. Il leur confère des aides politiques, militaires,

économiques et humanitaires dans une stratégie de n’y envoyer qu’un minimum de

troupes iraniennes comme pour les USA. Cette participation presque invisible lui

permet de « diriger par derrière » les forces chiites en Irak et en Syrie sans être

officiellement impliqué dans le conflit. Aussi, l’Iran compte sur la coalition

internationale contre l’EI pour sauvegarder l’unité de l’Irak et donc ses intérêts. En

retour, l’Iran ne condamne pas les frappes aériennes et la présence militaire

américaine en Irak. En effet, le pire scénario pour l’Iran serait une partition ethnique

de l’Irak, car sa zone d’influence en ressortirait amoindrie.226

Donc, l’enjeu du conflit est le contrôle confessionnel de la région disputée

entre la sous-civilisation chiite et la sous-civilisation sunnite. Cette volonté de l’Iran

de rétablir le statut quo est contraire aux objectifs de l’Arabie saoudite qui souhaite

renverser le président al-Assad et amoindrir l’influence iranienne en Syrie, en Irak et

au Yémen. Afin de renverser le régime syrien, l’Arabie saoudite prodigue l’une des

plus grandes aides financières à l’opposition armée en Syrie, y compris les djihadistes

qui ne remettent pas à cause la légitimité de la dynastie des Saoud. De ce fait, l’Iran et

l’Arabie saoudite sont directement opposés dans une guerre par procuration dont

l’enjeu est l’extension de sa zone d’influence dans la région.

225 KAGAN Frederick W., KAGAN Kimberly, CAFARELLA Jennifer, et alii., op.cit., 50 p. 226 ESFANDIARY Dina, TABATABAI Ariane, "Iran's ISIS policy", International Affairs, January

2015, vol. XCI, n°1, pp. 1-15.

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2.B) La Russie à l’aide du régime syrien contre l’opposition syrienne

Le 30 septembre 2015, l’aviation russe commença à bombarder tous les

membres de l’opposition en Syrie. Dans cette guerre par procuration, les intérêts de la

Russie se situent dans le maintien du régime syrien. Le régime d’al-Assad doit donc

être renforcé pour l’aider à reprendre son territoire et le consolider. Sinon en cas de

chute du régime, un vide de puissance se créerait et serait comblé par des islamistes

radicaux. De plus, la présence de l’EI donne l’opportunité à la Russie de se projeter

dans le Moyen-Orient en tant que grande puissance rivale des États-Unis. Ainsi, son

intervention en Syrie est justifiée comme un acte de contreterrorisme pour empêcher

les retours de combattants djihadistes dans le Caucase. 227

Ensuite, la Russie adopte une approche de non-confrontation avec la coalition

internationale contre l’EI. Elle assiste militairement et techniquement l’Irak et équipe

et entraine les soldats syriens. Dans son approche de l’antiterrorisme, elle promeut des

résolutions anti-EI à l’ONU. Puis le 14 mars 2016, le président Vladimir Poutine

annonçait le retrait de la plupart de son armée de Syrie. En effet, pour des raisons

budgétaires et des mauvaises relations avec la Turquie, la Russie retire une partie de

ses forces, mais non l’intégralité qui vise les opposants du régime syrien.228

Cette opposition syrienne combattue par la Russie est soutenue notamment par

l’Arabie saoudite et les USA. Ces derniers forment les Nouvelles Forces Syriennes

comprenant 15,000 combattants équipés en 2015. Ils assistent par voies aériennes

également les YPG comptant 35,000 combattants et rejoint par 7,000 Arabes sunnites

en mars 2016. Ensuite parmi le reste de l’opposition syrienne, il existe l’ASL

comptant moins de 20,000 troupes réparties entre huit à dix groupes principaux et

plusieurs centaines de petites factions. Ils sont divisés et mal commandés avec peu de

contrôle sur les armes et leurs matériels. Enfin, le front al-Nusra comprend 10,000

combattants. Avec sept autres groupes, il forme une alliance, Jaish al-Fatah,

comprenant entre 20,000 et 25,000 soldats.229 Tous ces groupes mènent le conflit sur

le terrain. Ils reçoivent de l’entrainement, de l’assistance, du financement et toute

forme de soutien provenant de divers acteurs souhaitant entretenir leurs intérêts dans

la région. Ils les combattants locaux d’une guerre par procuration enlisant le conflit.

227 ROBINSON Linda, op.cit., 92 p. 228 MCINNIS Kathleen, op.cit., 14 p. 229 ROBINSON Linda, op.cit., 92 p.

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Conclusion

La civilisation islamiste

Après de multiples crises sur une longue période, le Moyen-Orient est

déstabilisé. La guerre en Irak de 2003 a accru le nombre de groupuscule terroriste. Et

lors des « printemps arabes », la population irakienne et syrienne en quête de réforme

démocratique connaît la guerre civile. Ainsi, l’EI a surgi de cette déstabilisation,

surtout du vide de puissance de l’État irakien et syrien. L’étude de ce groupe

djihadiste qui n’est pas le seul à opérer dans la région démontre un lien entre rejet de

la démocratie occidentale et « Choc des civilisations ».230 De la sorte, l’EI s’est basé

sur la désillusion de la population irakienne et syrienne en l’État-nation pour

promouvoir son système politique islamiste. Par conséquent selon la théorie de

l’identité sociale, la population en détresse dans la zone de conflit a répondu aux

promesses de sécurité et de prospérité de l’EI.231 Cette crise d’identité du monde

musulman et les échecs des systèmes politiques d’influence occidentale, comme

l’État-nation démocratique renforcent les mouvements djihadistes.232 Ceux-ci

partagent les caractéristiques des mouvements anarchistes et nihilistes politiques et

leur projet est d’annihiler toute influence du monde occidental dans le monde

musulman. De plus, la violence de l’EI exprimée dans son terrorisme révolutionnaire

évinça les autres groupes djihadistes sur le devant de la scène médiatique.

De ce fait, l’EI tire une puissance civilisationnelle d’un monde musulman

affligé en tension avec le monde occidental. La propagande sophistiquée de l’EI, les

crises et les réactions islamophobes lui ont permis de récolter un soutien de partisans

dispersés autour du monde. Cet éclectisme crédibilise l’EI en tant que mouvement

international et ses attentats hors du Moyen-Orient prouvent sa capacité à exercer sa

coercition à distance. De plus, le suivi d’une interprétation salafiste takfiriste, qui est

accompagné d’un génocide, de purges et d’éliminations de toute forme de dissidence,

indique la volonté de l’organisation à purifier le monde musulman. Donc, le califat

représente une culture stricte et rigoureuse de l’islam. Il tente de transformer et

d’uniformiser la culture de l’ensemble de la civilisation islamique en une civilisation

islamiste. Et pour prédominer cette civilisation ou la regrouper sous une entité

230 HUNTINGTON Samuel, op.cit., 368p. 231 KFIR Isaac, op.cit.,, pp.233-252. 232 GUIDÈRE Mathieu, "Le retour du califat", op.cit., pp.79-96.

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politique unique, un État est nécessaire. Par conséquent, l’acquisition de toutes les

caractéristiques de l’État est primordiale pour l’État islamique, puisque la puissance

accompagnant le statut d’État lui assurera une capacité de coercition forte.

C’est pourquoi en tant qu’État-voyou issu d’un groupe terroriste, le califat

implique un système politique totalitaire. Le califat ne tire la légitimité de son

existence que par l’annihilation des autres interprétations plus modérées de l’islam,

même si celles-ci sont catégorisées extrémistes. Ainsi, le califat est intransigeant

concernant l’application stricte de la charia. Son idéologie ne tolère aucune divergence

religieuse ou critique de lui-même, mais autorise toutes tactiques et stratégies pouvant

lui permettre des conquêtes. Ces conquêtes concernent aussi bien des territoires que

des nouveaux partisans.

En effet autant au niveau domestique qu’international, l’ensemble des

stratégies de l’EI repose sur l’accroissement du conflit civilisationnel. Les campagnes

d’attentats ont pour but d’exacerber les tensions sectaires et de diviser ou éliminer ses

ennemis. Les attaques sur des populations ciblées provoquent des réactions

islamophobes ou anti-sunnites radicalisant les musulmans touchés. Ceux-ci se sentent

en insécurité et se mettent à craindre en retour la communauté actrice des actions

xénophobes. Et enfin, la propagande du califat récupère les musulmans radicalisés et

les incite à le rejoindre. Pour résumer, la stratégie terroriste de l’EI se passe en trois

phases. Celles-ci sont l’action terroriste, la réaction xénophobe, et la récupération de

la lutte djihadiste. Et elles sont appliquées dans les quatre anneaux, mais sur des

antagonistes différents, en reprenant la théorie de Cafarella.233 Géopolitiquement, l’EI

voit le monde divisé entre civilisations similairement à la théorie de Huntington. Il

tente de chasser du monde musulman les autres branches de l’islam comme le chiisme

afin de garder que la sous-civilisation sunnite dans la civilisation islamique. Et dans

cette sous-civilisation sunnite, il souhaite radicaliser ou purger les branches islamiques

ne correspondant pas à l’idéologie du califat. Finalement son objectif est de

transformer la civilisation islamique en une civilisation islamiste pour en être

l’autorité et la mobiliser contre ses ennemis.

233 CAFARELLA Jennifer, op.cit., 32 p.

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La défaite militaire de l’EI et sa victoire politique

Après avoir déterminé à quel point le Moyen-Orient est déstabilisé par l’EI, il

nécessaire de réfléchir au sujet des facteurs de déstabilisation du Moyen-Orient. L’EI

est juridiquement un proto-État, bien qu’il ait les caractéristiques d’un État parce qu’il

n’a pas reçu une reconnaissance internationale des autres États. Mais au départ, l’EI

est la continuation d’un groupe terroriste. Et les stratégies terroristes reposent sur des

actions militaires, mais également sur de la violence politique. Donc le facteur

politique et le facteur militaire doivent être pris en compte dans l’étude de la lutte

contre l’État islamique.

Au niveau militaire, des moyens sont mobilisés contre le califat. En prenant les

résultats, les déploiments de moyens armés ont fait reculer l’État islamique. En février

2016, les forces irakiennes et kurdes ont repris à l’EI 40% de son territoire en Irak et

20% de son territoire en Syrie. La plupart de ces territoires se trouvent dans le nord de

la Syrie et de l’Irak. Plusieurs villes ont été libérées et environ 90 cadres supérieurs et

moyens de l’EI ont été éliminés.234 Selon les États-Unis, 25.000 combattants de l’EI

ont été tués par des frappes aériennes. Des entrepôts d’argent d’une valeur monétaire

de 800 millions de dollars ont été détruits, de même pour les capacités de productions

et de transport. En plus, les trafics clandestins ont été arrêtés par les autorités turques.

Le salaire des combattants de l’EI a été diminué de 50% et le nombre de djihadistes

rejoignant l’EI a baissé jusque 200 par mois tandis qu’un fort taux de désertion gagne

l’armée de l’EI.235 Et après un siège commencé en mai 2016, les forces irakiennes

libèrent Falloujah en juin 2016. Cette ville à 69 km de Bagdad était détenue par l’EI

depuis janvier 2014.236

Mais dans les faits, la coalition internationale contre l’EI avec les USA, la

Turquie et l’Arabie saoudite, ainsi que l’Iran et la Russie contestent politiquement la

région. Ces acteurs interviennent militairement contre l’EI, cependant ils restent à

distance du champ de bataille, menant des frappes aériennes ou formant les armées

des acteurs locaux. De ce fait, une guerre par procuration entre ces différents acteurs

se déroule parce que leurs objectifs politiques et leurs intérêts concernant le Moyen-

234 Annexe 10 : ROBINSON Linda, op.cit., 92 p. 235 BRAHIMI Alia, “ISIL may be in crisis, but so is the coalition”, Aljazeera, 31 May 2016,

http://www.aljazeera.com/indepth/opinion/2016/05/isil-crisis-coalition-160529123319602.html,

updated on 31 May 2016, accessed on 12 July 2016. 236 « Fallouja libéré », Euronews, 26 juin 2016, http://fr.euronews.com/2016/06/26/fallouja-libere/, mis

à jour le 27 juin 2016, consulté le 12 juillet 2016.

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Orient sont antinomiques. Et ces intérêts consistent pour la plupart à faire tomber ou

garder la région entre la Turquie, l’Arabie saoudite et l’Iran dans la sphère d’influence

de l’un de ces trois pays. Ainsi, la guerre s’enlise et la population paniquée rejoint l’EI

qui reprendra sa forme de groupe terroriste clandestin une fois battu militairement.

Par conséquent, une solution politique aussi bien du côté irakien que syrien est

nécessaire pour « gagner les cœurs et les esprits » de la population sunnite. Celle-ci

voit déjà ses besoins politiques et matériels comblés par l’EI, pendant que la coalition

leur promet le retour des régimes irakiens et syriens qui l’avaient auparavant opprimé.

La cause directe de l’apparition spécifique du califat provient du traitement brutal que

les régimes irakiens et syriens ont réservé aux contestations politiques. Mais cette

solution politique est obligatoire, car la population sunnite est le centre de gravité de

l’EI. Donc, la contre-insurrection et la contre-propagande sont nécessaires pour isoler

le groupe djihadiste de sa population. Et l’essentiel de l’action contre-insurrectionnelle

est politique qui poursuit un but de légitimité.237 Ainsi, le gouvernement irakien doit

convaincre sa population sunnite qu’elle est en sécurité sous l’autorité de Bagdad. Par

ailleurs, celle-ci doit assouvir les besoins de sa population qu’elle avait longtemps

marginalisée, et enfin soutenir des réformes et une décentralisation qui conviendra

politiquement aux sunnites irakiens et au pouvoir régional kurde.

Ainsi en 2014, le Premier ministre irakien al-Maliki a été remplacé par Haïdar

al-Abadi, aussi membre du parti politique islamique Dawa. Al-Abadi lança des

réformes le 11 août 2015 contre la corruption, les dépenses budgétaires, le système de

quota confessionnel et politique. Mais les réformes n’aboutirent pas, soit elles furent

jugées anticonstitutionnelles, soit elles ont rencontré la résistance de ministres ou des

partisans parlementaires d’al-Maliki. De plus, les enquêtes contre la corruption

réclamée par les contestations populaires ne poursuivirent pas les membres du parti

Dawa. Donc, le système irakien reste pris au piège dans le confessionnalisme.238 De

plus dans la région autonome du Kurdistan irakien, les fonctionnaires ne sont plus

payés par l’État central et donc manifestent pour un salaire qui est perçu comme au

moins acquis par les fonctionnaires de l’EI.239

237 VALEYRE Bertrand, op.cit., 124 p. 238 LUIZARD Pierre-Jean, « L’Etat islamique à la conquête du monde », Le Débat, 2016, vol. III,

n°190, pp. 135-153. 239 Ibidem.

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71

De l’autre côté du confit, en Syrie, la guerre par procuration des puissances

régionales empêche la tenue d’une résolution pacifique du conflit, malgré l’adoption

d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU en décembre 2015. Cette résolution

2254 au sujet de la Syrie appelle à un cessez-le-feu, non actif contre les l’EI et les

groupes associés à al-Qaïda. Il évoque aussi de mettre en place : « dans les six mois,

une gouvernance crédible, inclusive et non sectaire, et arrête un calendrier et des

modalités pour l’élaboration d’une nouvelle constitution, et se dit favorable à la tenue,

dans les 18 mois, d’élections libres et régulières, conformément à la nouvelle

constitution, qui seraient conduites sous la supervision de l’ONU, à la satisfaction de

la gouvernance et conformément aux normes internationales les plus élevées en

matière de transparence et de responsabilité, et auxquelles pourraient participer tous

les Syriens, y compris de la diaspora, qui en ont le droit, comme prévu dans la

Déclaration du Groupe international d’appui à la Syrie du 14 novembre 2015 ».240

Mais la résolution reste vague dans la manière d’amener la transition politique,

le cessez-le-feu initié en février 2016 par les USA et la Russie n’a pas tenu et les

combats ont repris. De plus, la transition politique pourrait être suffisamment

permissive pour que le président al-Assad reste au pouvoir.241 Ainsi, les causes de la

déstabilisation du Moyen-Orient sont prévues pour rester. Bachar al-Assad, malgré sa

répression, aurait la possibilité de rester au pouvoir pendant que les pouvoirs

politiques d’Irak continueraient leurs pratiques discriminatoires confessionnelles.

Donc sans solution politique, la population sunnite refusera de retourner au sein

d’États qui les ont réprimés, et l’État islamique gardera son rôle de « protecteur des

sunnites » même battu militairement. Autrement, un autre groupe terroriste pourrait

tout à fait reprendre son combat en mobilisant ces mêmes facteurs toujours existants.

Au final, l’EI lui-même pourrait accéder au statut de martyr de la civilisation

islamiste, parce qu’il mourrait en luttant contre les valeurs modernes démocratiques

occidentales et paradoxales avec les actes de ses partisans.

240 Résolution 2254 (2015) Adoptée par le Conseil de sécurité à sa 7558e séance, le 18 décembre 2015,

New York: Nations unies, 18 décembre 2015, S/RES/2254. 241 “Syria war: Assad says Russia not pressuring him to quit”, 14 July 2016,

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Résolution 2170 (2014) Adopté par le Conseil de sécurité à sa 7242e séance, le 15

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Résolution 2178 (2014) Adopté par le Conseil de sécurité à sa 7272e séance, le 24

septembre 2014, New York: Nations unies, 24 septembre, S/RES/2178 (2014).

Résolution 2191 (2014) Adopté par le Conseil de sécurité à sa 7344e séance, le 17

décembre 2014, New York: Nations unies, 17 décembre 2014, S/RES/2191 (2014).

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Résolution 2192 (2014) Adopté par le Conseil de sécurité à sa 7346e séance, le 18

décembre 2014, New York: Nations unies, 18 décembre 2014, S/RES/2192/ (2014).

Résolution 2199 (2015) Adoptée par le Conseil de sécurité à sa 7379e séance, le 12

février 2015, New York: Nations unies, 12 février 2015, S/RES/2199 (2015).

Résolution 2249 (2015) Adoptée par le Conseil de sécurité à sa 7565e séance, le 20

novembre 2015, New York: Nations unies, 20 novembre 2015, S/RES/2249 (2015).

Résolution 2253 (2015) Adoptée par le Conseil de sécurité à sa 7587e séance, le 17

décembre 2015, New York: Nations unies, 17 décembre 2015, S/RES/2253.

Résolution 2254 (2015) Adoptée par le Conseil de sécurité à sa 7558e séance, le 18

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Liste des traductions et des acronymes

Traduction des termes arabes :

Al-Qaïda: la base

Al-Sahwat : le Réveil

Al-Majlis al-‘Askari li Thuwwar al-Anbar: le Conseil Militaire des Révolutionnaires

d’al-Anbar

Ansar al-Islam: les défenseurs de l’islam

Asa'ib Ahl al-Haqq: les Ligues des vertueux

Baqiyya wa tatamaddad: “remaining and expending”

Djizia : l’impôt sur les « gens protégés »

Hijrah: émigration

Jabhat al-Nusra li Ahl al-Sham: Front pour le peuple du Levant

Jaish al-Fatah : L’Armée de la Conquête

Jaish al-Islam: l’Armée de l’islam

Jaish Rijal al-Tariqah al-Naqshbaniyyah: l’Armée des hommes de Naqshbandi

Jaysh ahl al-Sunnah-wa al-Jamaah : l’Armée du peuple de la communauté sunnite

Jund al-Islam: l’Armée de l’islam

Jund al-sham: l’Armée du levant

Kataib Ahrar al-Cham: le Bataillons de la Syrie libre

Kataib Hezbollah: les bataillons du Parti de Dieu

Konstantiniyye: Constantinople

Majlis Shura al-Mujahidin fi al-Iraq : Conseil Consultatif des Moudjahidines en Irak

Munazzamah al-Badr: l’Organisation Badr

Salil as-Sawarim: le Choc des Epées

Tawhid wal Djihad: l’Unicité et Djihad

Wali : gouverneur

Wilayat: province

Zakat : l’aumône religieuse

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90

Liste des acronymes :

AQAL : Al-Qaïda au Levant

AQI : Al-Qaïda en Irak

ASL : Armée syrienne libre

EI : État islamique

EIIL : État islamique d’Irak et du Levant

EII : État islamique en Irak

FSI : Force de sécurité irakienne

NFS : Nouvelle Force Syrienne

ONU : Organisation des Nations Unies

PKK : parti des travailleurs kurdes du Kurdistan

SCT : Service de Contre-Terrorisme

USA : États-Unis d’Amérique

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Index des annexes

Annexe 1 : BENRAAD Myriam, "Les Arabes sunnites d'Irak face à Bagdad et l'État

islamique : l'irréversible sécession ?", Outre-Terre, vol. XLIV, pp.237-249.

Annexe 2 : Zarqawi letter, Washington: Office of Electronic Information, Bureau of

Public Affairs, February 2004, http://2001-2009.state.gov/p/nea/rls/31694.htm ,

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Annexe 3 : BARRETT Richard, The Islamic State, New York: The Soufan group,

"Publications", November 2014, 66 p.

Annexe 4 : CHAVAGNEUX Christian, « Le difficile combat contre l’argent de

Daech », alterecoplus, 18 novembre 2015, http://www.alterecoplus.fr/economie/le-

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Annexe 5 : CAFARELLA Jennifer, ISIS Forecast:Ramadan 2016, ISW, “Middle East

Security Report 30”, May 2016, 32 p.

Annexe 6 : BARRETT Richard, Foreign fighters: An updated assessment of the flow

of foreign fighters into Syria and Iraq, New York: The Soufan Group, 8 December

2015, 26 p.

Annexe 7: ARCHETTI Cristina, "Terrorism, communication and new media:

explaining radicalization in the digital age", Perspectives on terrorism, February 2015,

vol. IX, n°1, pp.49-59.

Annexe 8: MCINNIS Kathleen, Coalition Contributions to Countering the Islamic

State, Washington: Congressional Research Service, “CRS Report”, 14 p.

Annexe 9: BLANCHARD Christopher M., HUMUD Carla E., The Islamic State and

U.S. Policy, Washington, “CRS Report”, 14 June 2016, 33 p.

Annexe 10: ROBINSON Linda, Assessment of the Politico-Military Campaign to

Counter ISIL and Options for Adaptation, Santa Monica: Rand Corporation, 19 April

2016, “Report”, 92 p.

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92

Annexe 1 :

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93

Source : BENRAAD Myriam, "Les Arabes sunnites d'Irak face à Bagdad et l'État

islamique : l'irréversible sécession ?", Outre-Terre, vol. XLIV, pp.237-249.

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94

Annexe 2 :

Source : Zarqawi letter, Washington: Office of Electronic Information, Bureau of

Public Affairs, February 2004, http://2001-2009.state.gov/p/nea/rls/31694.htm ,

accessed on 19 June 2016.

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95

Annexe 3:

“Map produced by The Islamic State to show its presence and administrative divisions

in March 2014, before the creation of Furat and Fallujah provinces”

Source: BARRETT Richard, The Islamic State, New York: The Soufan group,

"Publications", November 2014, 66 p.

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Annexe 4:

Source : CHAVAGNEUX Christian, « Le difficile combat contre l’argent de Daech »,

alterecoplus, 18 novembre 2015, http://www.alterecoplus.fr/economie/le-difficile-

combat-contre-largent-de-daech-201511181120-00002528.html, mis à jour le 18

novembre 2015, consulté le 30 juin 2016.

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97

Annexe 5:

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98

Source: CAFARELLA Jennifer, ISIS Forecast:Ramadan 2016, ISW, “Middle East

Security Report 30”, May 2016, 32 p.

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Annexe 6 :

Source: BARRETT Richard, Foreign fighters: An updated assessment of the flow of

foreign fighters into Syria and Iraq, New York: The Soufan Group, 8 December 2015,

26 p.

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100

Annexe 7:

Source: ARCHETTI Cristina, "Terrorism, communication and new media: explaining

radicalization in the digital age", Perspectives on terrorism, February 2015, vol. IX,

n°1, pp.49-59.

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Annexe 8:

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Source: MCINNIS Kathleen, Coalition Contributions to Countering the Islamic State,

Washington: Congressional Research Service, “CRS Report”, 14 p.

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Annexe 9:

Source: BLANCHARD Christopher M., HUMUD Carla E., The Islamic State and

U.S. Policy, Washington, “CRS Report”, 14 June 2016, 33 p.

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Annexe 10:

“Figure 2.1

Iraq and Syria: ISIL’s Areas of Influence, August 2014 to February 2016”

“SOURCE: U.S. Department of Defense, “Operation Inherent Resolve: Targeted

Operations Against ISIL Terrorists,” March 15, 2016.

NOTES: Light orange = ISIL dominant; dark orange = ISIL territorial gain; green =

ISIL territorial loss; gray = non-ISIL populated area; white = sparsely populated or

unpopulated; dotted lines = administrative boundary.”

Source: ROBINSON Linda, Assessment of the Politico-Military Campaign to Counter

ISIL and Options for Adaptation, Santa Monica: Rand Corporation, 19 April 2016,

“Report”, 92 p.

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Résumé

Sur un territoire à cheval sur la Syrie et l’Irak, l’Etat islamique réussit l’exploit

de rétablir le califat. Il est la continuité d’un siècle de lutte djihadiste exacerbée par les

crises politiques syriennes et irakiennes. La stratégie de l’Etat islamique repose sur le

Choc des civilisations de Huntington. L’EI a réussi à concentrer les caractéristiques

d’un Etat. Son but est de gagner de la légitimité et de la puissance pour séduire le

monde musulman. De même, ses campagnes terroristes visent à diviser ses opposants

et à provoquer des réactions islamophobes renforçant la radicalisation. Celle-ci se

poursuit également sur internet à travers des stratégies médiatiques sophistiquées. De

plus, les acteurs luttant l’EI mènent entre eux une guerre par procuration dans le but

de contrôler la région sans volonté de trouver des solutions politiques.

Mots-clés : Etat islamique, califat, Moyen-Orient, terrorisme, choc des civilisations