TC-Mag6-BD

Embed Size (px)

Citation preview

  • DOSSIER

    TRIMESTRIEL - NUMRO 6 - T 2008

    tteschercheusesAcTUALIT ET cULTURE dES ScIENcES EN PAyS dE LA LOIRE

    1810

    Biodiversit, OGM, espaces verts, dveloppement durable...

    comment exploiter les vgtaux de faon adapte aux nouveaux

    enjeux conomiques et environnementaux ?

    DOMESTIQUER LES VGTAUX

    Sciences en campagne

    La culture scientifique se dguste aussi loin

    des grandes villes

    Au crible des gnes

    Mieux connatre les varits de

    plantes pour mieux les slectionner et les prserver

  • sommaire n6

    w

    ww

    .oha

    zar.c

    om

    les articles de ce numro et des numros prcdents avec des documents et des liens complmentaires ainsi que la possibilit de poser vos questions.

    www.tetes-chercheuses.frRetrouvez sur le site

    Couverture : Corbis / Zefa / Joson Vignettes : gauche, CNRS Photothque / Richard Lamoureux, Centre de recherche sur les macromolcules vgtales (UPR5301, CNRS/Universit de Grenoble 1 Joseph-Fourier) ; droite, Ohazar, www.ohazar.com

    5

    TTE

    S C

    HER

    CH

    EUSE

    S -

    Nu

    mr

    o 6

    -

    t 2

    00

    8

    TTE

    S C

    HER

    CH

    EUSE

    S -

    Nu

    mr

    o 6

    -

    t 2

    00

    8

    2 3

    Cest sur la culture des plantes vivrires et en tout premier lieu des crales que reposent plus de 90 % de lalimentation mondiale. Alors quil faudra nourrir prs de 9 milliards dtres humains en 2050, les enjeux de la recherche agronomique en matire damlioration des espces cultives sont la fois dordre qualitatif et quantitatif.

    Quelles connaissances et quelles techniques sont actuellement mises en uvre ? Pourquoi et comment cherche-t-on obtenir de nouvelles varits ? Quel est lapport de la gntique dans le travail du slectionneur, notamment dans la lutte contre les pathologies vgtales ? Telles sont les principales questions soumises aux chercheurs qui sexpriment dans ce numro.

    Les plantes sont aussi au cur des proccupations de notre socit quant la qualit de lenvironnement et la prservation de la biodiversit. Dautres clairages sont ici apports par des acteurs de la recherche rgionale sur lamlioration des plantes dintrt ornemental, la conservation des espces (grce aux jardins botaniques, aux banques de semences, etc.), lamnagement du paysage ou la pharmacope tropicale qui reste encore peu explore.Il nchappera pas au lecteur que lune des mthodes les plus rcentes damlioration varitale, qui consiste modifier gntiquement les plantes, nest ici queffleure. Loin des polmiques actuelles, nous avons choisi de nous en tenir quelques considrations de base sur les OGM vgtaux pour laisser toute leur place aux autres approches. Le thme des OGM, qui ne se limite pas, loin sen faut, au domaine vgtal, mrite en effet dtre abord en profondeur dans un futur dossier consacr au gnie gntique et ses multiples applications.

    Jean-Nol Hallet, biologiste, Professeur mrite lUniversit de Nantes et Olivier Nron de Surgy, rdacteur en chef

    dito

    Fo

    tolia

    .com

    / Fra

    nck B

    osto

    n

    tteschercheuses Universit de Nantes, Btiment IHT, rue Christian-Pauc, 44300 Nantes. Magazine trimestriel fond par lUniversit de Nantes et Olivier Nron de Surgy.

    Directeur de la publication : Yves Thomas. Conception, dition, rewriting, iconographie : Olivier Nron de Surgy. Collaboration ditoriale : Anne Le Pennec. Maquette : RC2C (La Rochelle). Illustrations : Ohazar et RC2C. Impression : La Contemporaine (Sainte-Luce-sur-Loire). Dpt lgal : avril 2007. ISSN : 1954-1872.

    Comit de pilotage : Yves Thomas (prsident du comit), Laurent Hennebois et Jean-Louis Kerouanton (Universit de Nantes) ; Michel Basl (Universit dAngers), Jean-Franois Bouhours (Inserm-Nantes), Patricia Bruneau (Rgion des Pays de la Loire), Jean-Paul Pacaud (Rectorat de lacadmie de Nantes), David Pouilloux (Nantes Mtropole) et Jean-Franois Tassin (Universit du Maine).

    Comit de rdaction : Jean-Nol Hallet (prsident du comit), Catherine Cuenca, Stphane Tirard et Nadge Verrier (Universit de Nantes) ; Rgine Cance et Philippe Deniaux (Rectorat de lacadmie de Nantes), Marielle Cros (Lyce Chevrollier, Angers), Marie Demathieu (Inserm-Nantes), Jean-Franois Huet (Lyce Clemenceau, Nantes), Jean-Pierre Jandot (Terre des sciences, Angers), Bernard Kubica (Subatech, cole des mines de Nantes/CNRS/Universit de Nantes) et Luc Remy (Musum de Nantes).

    La rdaction remercie les participants, le CEREA (UCO), la photothque du CNRS, lIfremer, lInra, lInserm et Vincent Millot (Terre des sciences) pour leurs aimables prts de photographies ainsi que Aurlie Gougnard et Michel Ruchaud (Universit de Nantes) pour leur prcieuse assistance.

    Papier recycl

    DOMeSTIQUeR LeS VGTAUx

    Brves vgtales . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 4 Jean-Nol Hallet, Cristiana Oghina-Pavie, Isabelle Mtais, lisabeth Lambert et Jean-Luc Gaignard

    Un botaniste dans la cit . . . . . . . . . . page 7 Claude Figureau

    Produire sans nuire . . . . . . . . . . . . . . . page 8 entretien avec Michel Renard

    Au crible des gnes . . . . . . . . . . . . . . . page 10 lisabeth Chevreau, Fabrice Foucher, Franois Laurens, Alain Cadic et Joseph Belin

    La graine et la leve . . . . . . . . . . . . . . page 13 Olivier Leprince

    Design vgtal. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 13 Lydie Huch-Thlier

    Trsors molculaires . . . . . . . . . . . . . page 14 Pascal Richomme

    La menace de lOrobanche . . . . . . page 14 Philippe Delavault et Philippe Simier

    Domestiquer les algues . . . . . . . . . page 15 Jol Fleurence et Jean-Paul Cadoret

    Le vgtal comme instrument. . page 16 David Montembault, Herv Daniel et Yamna Djellouli

    Mandres agricoles . . . . . . . . . . . . . . . page 17 Roger Le Guen

    Dossier ralis avec le concours des auteurs, dont Annick Manceau, Nathalie Casse et Aurore Caruso (Universit du Maine) et grce aux clairages de Aziz Ballouche (Universit dAngers), Charles Manceau (Inra/INH/Universit dAngers), Marie-Pierre Octau-Louage (INH-Angers), Pablo Simo (UCO, Angers), Grard Tremblin (Universit du Maine) et Lionel Visset (Universit de Nantes).

    Actualits rgionales . . . . . . . . . . . . page 18 Sciences en campagne et portrait de deux jeunes chercheuses

    Un grand pas pour limmunit . page 20 Histoire de science, par Jacques Le Pendu

    Jeux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 21

    Agenda . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 22

  • B r v e s v g t a l e s

    L Anglique des estuaires, grande plante dont les fleurs sont disposes en ombelles (dont la forme voque celle dun parapluie), est lune des rares espces vgtales endmiques de France : elle ne se trouve au monde que dans les estuaires de la Loire, de la Charente, de la Gironde et de lAdour. Cest pourquoi elle est protge.

    Dans lestuaire de la Loire, ses populations sont surtout prsentes dans les zones urbaines et portuaires. Le Jardin botanique de Nantes, lantenne nantaise du Conservatoire national botanique de Brest et le CEREA(1) dAngers ont mis en place un plan de conservation rpondant au souhait de Nantes Mtropole et de la Diren(2) des Pays de la Loire. Dans ce cadre, la mission des chercheurs angevins consiste valuer la diversit gntique de cette Anglique afin dorienter les actions de gestion et de protection.

    Ltude gntique porte sur les feuilles de plantes provenant des diffrentes populations. Pour chaque spcimen, la prsence ou labsence de certaines protines ou de squences dADN, rvle par la technique de llectrophorse, dfinit un

    profil gntique. La comparaison de tels profils a mis en vidence une forte diversit gntique lintrieur des populations. Il a ainsi t dcouvert, par exemple, que les angliques proches dcluses ou situes aux extrmits amont et aval de lestuaire de la Loire se dmarquent des autres.

    Ces connaissances permettent de favoriser la survie de lespce en prservant en priorit les populations gntiquement les plus diverses : elles pourront tre prises en compte lors damnagements des berges

    ou orienter dventuelles actions de replantation dcides avec laval du Conseil national de la protection de la nature Isabelle MTAIS et lisabeth LAMBERT, chercheurs au CEREA

    et enseignantes lIBEA, Institut de biologie et dcologie applique (Universit catholique de lOuest, Angers)

    (1) Centre dtude et de recherche sur les cosystmes aquatiques(2) Direction rgionale de lenvironnement

    www.pays-de-loire.ecologie.gouv.fr/article.php3?id_article=144

    www.nantesmetropole.fr/75409936/0/fiche___pagelibre/ www.dd-pratiques.org/IMG/pdf/biodiversite.pdf

    Prcieuse Anglique

    L e pollen est produit par les plantes pour leur reproduction (il est compos des gamtes reproducteurs mles). lair libre, se dcompose en quelques semaines, alors quen milieu anarobie (dnu de dioxygne) sa paroi externe peut se conserver pendant des millnaires, voire des millions dannes !

    Comme le pollen de chaque espce vgtale diffre de celui des autres espces par sa structure et par sa taille, lanalyse microscopique des pollens trouvs par carottage dans les sdiments dposs dans des milieux humides (lacs, tourbires, marais...) permet de reconstituer, en collaboration avec des gologues et des archologues, lhistoire de la vgtation et du paysage dune rgion gographique donne.

    Nantes, le Laboratoire dcologie et paloenvironnements atlantiques (CNRS/Universit de Nantes), dirig par Lionel Visset, sintresse ainsi

    depuis plus de 30 ans larchologie botanique de notre rgion. Les recherches qui y ont t menes ont permis de retracer lvolution des populations vgtales en fonction des changements climatiques survenus au cours des 15 derniers millnaires et de reprer les dbuts de lagriculture ligrienne. Comme Anne-Laure Cyprien la par exemple montr dans sa thse, il apparat que des dboisements ont t entrepris en Anjou il y a un peu plus de 6 000 ans et que le bl, le seigle et le lin y taient dj cultivs quelques sicles plus tard.

    Les travaux mens par Aziz Ballouche et son quipe du Laboratoire Paysages et biodiversit, lUniversit dAngers, portent davantage sur les rgions mditerranennes et les savanes de lAfrique occidentale. Ils montrent par exemple que du bl a t cultiv dans le nord du Maroc conjointement llevage de bovins ds le VIe millnaire avant J.-C. (ou VIIIe millnaire BP, pour Before Present ). Des restes de mil tmoignent dune domestication plus tardive de cette crale dans les savanes ouest-africaines, il y a environ 4 000 ans.

    Il est en outre possible de reconstituer les processus dune gestion relativement pousse des sols et de leurs ressources qui a profondment marqu le paysage et la vgtation dune rgion. De grandes quantits de particules charbonneuses extraites des sdiments de certains sites, comme en pays dogon au Mali, permettent par exemple daffirmer lanciennet de lutilisation du feu (cobuage). Les brlis servaient, comme aujourdhui, liminer aisment les arbres et les plantes sauvages gnants pour les cultures ; jadis, ils facilitaient aussi la chasse et compliquaient lapproche discrte dventuels ennemis

    O.N.d.S.

    http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=14179230 http://svt.ac-bordeaux.fr/Res-Local/Rapports/Conferences/Paly-Diot/mdiot197.htm Le projet Biomes, Jean-Franois Carion (quipe INRP-ACCES de lacadmie

    de Nantes), www.tetes-chercheuses.fr

    Du pollen larchologie du paysage

    5

    Q uest-ce qui distingue les plantes sauvages des plantes domestiques ?Alors que les premires poussent spontanment dans la nature, les secondes sont des produits de la slection humaine. En ressemant de prfrence, depuis plusieurs millnaires, les graines des spcimens prsentant les caractristiques les plus intressantes, puis en pratiquant des croisements bass sur les connaissances de la gntique, les agriculteurs et les slectionneurs ont cr, laide galement de techniques de production telles que le greffage et la multiplication par clonage, maintes varits (variantes dune mme espce qui prsentent des diffrences stables portant sur des caractres mineurs) dont laspect est souvent trs loign de celui de leur anctre sauvage.

    Ces vgtaux sont pour la plupart des polyplodes (ils possdent plus de deux exemplaires de chaque paire de chromosomes) qui proviennent dhybridations despces proches ou de divisions cellulaires anormales. Le bl tendre, par exemple, est un hexaplode issu de lassemblage des gnomes de trois anctres sauvages diffrents (soit trois exemplaires de chaque paire de chromosomes). La polyplodie confre des proprits intressantes, comme une plus grande robustesse ou des fruits plus gros, et parfois des caractres nouveaux, tel le gluten du bl tendre qui le rend panifiable.

    En outre, les plantes domestiques ont besoin de nous pour pousser et peu dentre elles survivraient longtemps sans tre cultives par lHomme. Il faut en effet les ressemer chaque anne, leur fournir des engrais, les protger des maladies, des parasites ou des intrus que constituent certaines plantes sauvages : les mauvaises herbes !

    Limportante diversit cre au sein des espces cultives, bien que trs infrieure celle de la flore spontane, constitue un rservoir de spcificits gntiques que nous avons intrt prserver pour rpondre aux besoins futurs de lamlioration vgtale

    Jean-Nol HALLET, Professeur mrite lUniversit de Nantes

    www2.cnrs.fr/presse/communique/651.htm

    L es plantes fleurs sont les instruments de nombreux usages et traditions qui voluent. La cration varitale rpond, le plus souvent, une demande des producteurs ou du public mais lusage dune nouvelle varit dpasse parfois lobjectif de la demande.

    Prises pour leur floraison jaune trs prcoce, les varits connues du forsythia taient jadis toutes de grande taille, peu adapte aux petits jardins des villes qui se sont dvelopps dans les annes 1970. Les producteurs et les chercheurs ont alors tent dobtenir des plantes plus compactes qui, tout en occupant une place rduite, puissent offrir le mme spectacle printanier.

    Ltude dune collection complte de ressources gntiques et les avances techniques, dont celle de la mutagense et de la rgnration in vitro (lire page 12), ont permis une quipe de lInra, Angers, de crer une gamme de forsythias nains : Mare dOr Courtasol et Boucle dOr Courtacour, entre autres. La vritable innovation est darriver un produit diffrent que lon peut reconnatre, ou un produit qui corresponde une utilisation nouvelle , indique Alain Cadic qui a conduit ce programme de recherche.

    Ces nouvelles varits aux fleurs trs rapproches nont pas seulement rpondu une demande. En effet, grce elles, le forsythia nest plus relgu au fond du jardin : il trouve dsormais sa place sur les balcons, dans les massifs et les espaces verts, ainsi que sur les ronds-points ou au bord des autoroutes car il ne ncessite pas dtre taill et couvre le sol dune floraison abondante. Il a ainsi modifi notre paysage

    Cristiana OGHINA-PAVIE, historienne Terre des sciences (CCSTI dAngers), chercheur accueilli au Centre Franois-Vite (Universit de Nantes)

    et au CERHIO-HIRES (CNRS/Universit dAngers)

    www-intranet.angers.inra.fr/forsy/index.htm Sept histoires de recherche agronomique en Anjou, Terre des sciences/Inra-Angers, 2006

    Plantes sauvages, plantes domestiques

    iS

    tock

    phot

    o / R

    enee

    Lee

    Culture en fleurs

    Pollen de tournesol

    C

    NRS

    Pho

    toth

    que

    / Di

    dier

    Cot

    , Ins

    titut

    eur

    ope

    n de

    s m

    embr

    anes

    (C

    NRS

    /Uni

    vers

    it d

    e M

    ontp

    ellie

    r II)

    Anglique des estuaires (Angelica heterocarpa)

    C

    EREA

    TTE

    S C

    HER

    CH

    EUSE

    S -

    Nu

    mr

    o 6

    -

    t 2

    00

    8

    TTE

    S C

    HER

    CH

    EUSE

    S -

    Nu

    mr

    o 6

    -

    t 2

    00

    8

    4 5

    DOSSIERDOMeSTIQUeR

    LeS VGTAUx

    w

    ww.o

    haza

    r.com

    10 mm

  • Hritier spirituel dAim Bonpland, grand botaniste franais qui permit limpratrice Josphine dassouvir sa passion pour les plantes, Claude Figureau nous claire sur la diversit vgtale de notre plante et de notre rgion.

    Un botaniste dans la cit

    La biodiversit mconnueL e mot biodiversit a investi les discours quotidiens aprs ladoption, au Sommet de la Terre de Rio de Janeiro, en 1992, de la Convention internationale sur la diversit biologique.

    Son usage courant, bien que fluctuant selon les points de vue de ses utilisateurs, tend dsigner de faon comptable la multiplicit des espces vivantes qui peuplent tout ou partie de la Terre. Or, pour les scientifiques, ce terme inclut la diversit gntique sans cesse renouvele par le brassage des gnes d la reproduction sexue. La biodiversit est ainsi celle de tous les individus, mme lintrieur des espces et de leurs populations ; elle est aussi celle des cosystmes dont chaque unit est compose des individus dun milieu donn, de ce milieu et des interactions dont ces individus et ce milieu font lobjet.

    La diversit gntique tend spontanment saccrotre ; ce processus est au cur de lvolution. Les phnomnes gologiques et climatiques comme les glaciations participent cette volution, favorisant le dveloppement despces et lextinction de certaines autres. Il y a 300 millions dannes, par exemple, alors que les Angiospermes (qui se reproduisent sexuellement par leurs fleurs) ntaient pas encore apparues, il existait dimmenses forts marcageuses darbres gigantesques lorigine du charbon fossile. Plus de 240 000 espces vivantes de plantes fleurs sont rpertories aujourdhui mais cette connaissance, comme celle de la diversit des cosystmes, reste encore trs incomplte.

    Dans les annes 1970, plusieurs organisations internationales(3) ont lanc un premier signal dalarme : les disparitions dcosystmes et despces sont beaucoup plus frquentes que par le pass, cause de lurbanisation, de la dforestation et de lagriculture

    intensive, surtout dans les zones tropicales et quatoriales ainsi quen milieux aquatiques, marcageux et littoraux.

    Les enjeux de la botaniqueLtat de la biodiversit vgtale des Pays de La Loire est alarmant, lui aussi : sur 1 621 espces spontanes (non domestiques) recenses il y a 30 ans, 121 ont disparu et 121 autres sont en grand danger.

    La ville est un lieu privilgi de rarfaction des espces. Jadis, les cantonniers nettoyaient manuellement les trottoirs, les fosss et les bosquets en arrachant la vgtation spontane. Ayant fini dun ct, ils recommenaient de lautre mais une flore diversifie se maintenait nanmoins. Puis les dsherbants chimiques sont venus bout des herbes folles et la ville est devenue propre .

    Lemploi massif dherbicides nest plus de mise mais il semble que la prolifration actuelle de vgtaux parasites ou envahissants, que certains spcialistes considrent comme une nouvelle cause de large perte de biodiversit, provienne en grande partie de la perturbation de nombreux cosystmes par lHomme.

    Il est en tout cas de notre responsabilit de prserver le patrimoine vgtal naturel. cette fin, les jardins botaniques conservent environ 25 % de la flore phanrogamique (plantes graines) mondiale. Lactivit du botaniste, autrefois limite la reconnaissance et la classification des vgtaux, sest aujourdhui tendue leur tude biologique, physiologique et cologique. Cependant, le dveloppement de la biologie cellulaire et molculaire dans les formations de lenseignement suprieur sest fait souvent au dtriment de la connaissance des espces et de leurs milieux et les botanistes sont de plus en plus rares. Aussi, tandis quon connat de mieux en mieux les mcanismes

    intimes du vgtal, lide selon laquelle la connaissance de la flore progresserait tous azimuts est-elle errone.

    Les jardins du renouveauLa botanique connat cependant un renouveau dans certains tablissements, peut-tre insuffl par lintrt croissant des citoyens pour le thme de la biodiversit.

    Par exemple, en 1988, la Ville de Nantes a rouvert le cours municipal cr en 1836 dans son jardin botanique. Cette formation, qui accueille 50 lves dges et dhorizons divers, est depuis peu complte par un cours de botanique systmatique (ddie au classement des espces) dispens par lUniversit permanente de Nantes prs de 80 lves, dont une trentaine Saint-Nazaire. Ces passionns font souvent partie dassociations qui avivent lengouement du public pour la dcouverte de la richesse fragile de la flore.

    Outre ses missions pdagogiques, le Jardin botanique de la Ville de Nantes, fond par Louis XIV pour les apothicaires, conserve des collections despces exotiques (conservation dite ex situ). Il collabore avec lantenne nantaise du Conservatoire botanique de Brest des travaux dinvestigation et de conservation in situ sur des espces menaces dans notre rgion, en particulier lAnglique des estuaires (lire page 5)

    Claude FIGUREAU, directeur du Jardin botanique (Jardin des plantes) de Nantes

    (3) en particulier le World Wide Fund, le International Union for Conservation of Nature et le Botanical Gardens Conservation International

    V

    Film

    s / E

    MT /

    Fran

    ce 2

    Cin

    ma

    (tous

    dro

    its r

    serv

    s)

    DOSSIERDOMeSTIQUeR

    LeS VGTAUx

    5

    TTE

    S C

    HER

    CH

    EUSE

    S -

    Nu

    mr

    o 6

    -

    t 2

    00

    8

    6 7

    V ous avez peut-tre got Anglys, une toute nouvelle varit de poire issue des recherches agronomiques angevines. Il y a 150 ans dj, une autre poire est ne de faon notoire au pays de Joachim du Bellay.

    Au XIXe sicle, les varits de poires cu l t ives se comptent par centaines et les producteurs svertuent en obtenir de nouvelles, encore plus beurres, plus fondantes, plus juteuses. Parmi celles-ci, la Doyenn du Comice aurait pu passer inaperue et ne pas devenir lune des poires les plus vendues au monde. Obtenue par hasard et de parents inconnus dans le jardin fruitier dAngers, elle est prsente devant le Comice horticole en 1849. Les membres de cette assemble de cultivateurs jugent le fruit suffisamment bon et diffrent des autres poires connues pour lui donner un nom. Prsent ce jour-l, Andr Leroy, propritaire de la plus grande ppinire europenne de lpoque, apprcie particulirement cette poire quil dcrit comme trs sucre, possdant un parfum peu prononc mais dont la valeur est exquise . Il exporte de jeunes plants aux tats-Unis et la Doyenn du Comice intgre son catalogue amricain ds lanne suivante. La nouvelle

    poire simpose rapidement outre-Atlantique avant de conqurir lAngleterre et lAllemagne.

    Les qualits de la Doyenn du Comice lui ont assur un succs durable : le poirier supporte bien diverses conditions de climat et de sol ; il peut tre facilement greff ; il produit beaucoup de fruits. Sa peau paisse naurait pas t du got des aristocrates du XVIIe

    sicle mais, au milieu du XIXe, cette caractristique est trs apprcie car elle protge bien le fruit qui peut ainsi supporter les transports lointains alors en plein essor avec celui de la mcanisation. En 1860, prs de 700 tonnes de poires sont charges dans les trains Angers. Une partie est destine aux marchs parisiens ; une autre poursuit jusquau Havre o les fruits sont embarqus pour lAngleterre ou la Russie.

    La longue vie commerciale de la Doyenn du Comice est ainsi due ladquation entre les qualits de larbre, celles du fruit, certaines tendances culturelles et les contraintes conomiques du moment. Le succs dune innovation a souvent plusieurs voies que le regard de lhistorien aide cerner

    Cristiana OGHINA-PAVIE

    www.vegetal-histoire.fr Des fruits et des hommes, Florent Quellier, Presses universitaires de Rennes, 2003

    L es Pays de la Loire sont de longue date tisss de productions vgtales spcialises (fruits, fleurs, lgumes, vigne, plantes mdicinales et aromatiques...) qui mobilisent aujourdhui 30 000 emplois qualifis.

    La recherche et lenseignement suprieur sy dveloppent depuis les annes 1970 avec lInra (1), lINH (2) et lUniversit dAngers qui ont plus rcemment constitu des units mixtes de recherche. Ces trois tablissements composent, depuis janvier 2008, un Institut fdratif de recherche (IFR), nomm Qualit

    et sant du vgtal , afin de collaborer plus efficacement des projets dampleur nationale ou internationale.

    Cet IFR rassemble prs de 300 chercheurs, enseignants, ingnieurs et techniciens dans huit units de recherche et dexprimentation. Il est associ ValCampus, un groupement de 25 formations allant du BTS au Doctorat et dotes de passerelles facilitant les parcours la carte de 2 500 tudiants.

    Les laboratoires de recherche cooprent galement avec des entreprises au sein dun ple de comptitivit : Vgpolys.

    Des projets communs dinnovation vgtale permettent aux entreprises de se dvelopper en crant des emplois. LInra travaille par exemple avec les ppiniristes pour slectionner des varits de pommiers ou de poiriers et avec les arboriculteurs qui les plantent. Durant ces 30 dernires annes, il a contribu la mise au point de 25 varits darbustes ornementaux dont plus de 6 millions de plants ont t vendus dans le monde.

    Lunion fait la force, comme dit ladage, mais elle ne se limite pas faire converger les objectifs et les moyens de Vgpolys : au travers dexpositions et de rencontres avec les professionnels, Terre des sciences, le centre de culture scientifique, technique et industrielle dAngers, contribue faire dcouvrir au public ligrien les activits menes en rgion, le sensibiliser aux enjeux et promouvoir les mtiers du vgtal, en particulier par des visites sur le terrain proposes aux scolaires. Un parc du vgtal ddi ces missions, Terra botanica, ouvrira Angers en 2010

    Jean-Luc GAIGNARD, Inra Angers-Nantes, directeur de Terre des sciences (CCSTI dAngers)

    (1) Institut national de la recherche agronomique(2) Institut national dhorticulture

    www.valcampus.fr www.vegepolys.eu www.terre-des-sciences.org

    Histoirede poires

    Un ple bien enracin

    Poires Doyenn du Comice

    w

    ww.o

    haza

    r.com

    Botanique et biodiversitT

    TES

    CH

    ERC

    HEU

    SES

    - N

    um

    ro

    6 -

    t

    20

    08

    V

    ince

    nt M

    illot

    B r v e s v g t a l e s

    ONdS

    Claude Figureau

  • Entretien avecMichel RENARDdirecteur de lunit mixte de recherche Amlioration des plantes et biotechnologies vgtales (Inra/Agrocampus Rennes/Universit de Rennes 1) et chef adjoint du dpartement Gntique et amlioration des plantes de lInra. Il dirige galement Ouest-genopole, rseau de recherche en gnomique des rgions Bretagne et Pays de la Loire.

    Propos recueillis par O. N. d. S.

    Produire sans nuire

    Dans lhistoire de la culture des vgtaux, quest-ce qui vous semble fortement caractriser notre poque ?

    Michel Renard : Depuis plus de 8 000 ans, lHomme a fait voluer la biodiversit vgtale via un processus long de domestication et de slection de certaines espces. Ce processus sest fortement acclr au cours du XXe sicle avec le dveloppement de la gntique puis de la gnomique(1). La mcanisation, lintensification et la rationalisation du systme

    La gntique vgtale a-t-elle dautres enjeux que lamlioration varitale ?

    M. R. : La progression de la connaissance des gnes des vgtaux et celle des biotechnologies sont essentielles pour conserver un potentiel dinnovation suffisant, non seulement pour pouvoir rpondre aux besoins du march mondial mais aussi pour disposer, le cas chant, de solutions face de possibles crises alimentaires, sanitaires ou dorigine climatique.

    ces fins, nous devons galement prserver et enrichir nos ressources gntiques despces vgtales sauvages et domestiques, notamment via des centres de conservation spcialiss comme la Fondation franaise pour la recherche sur la biodiversit.

    Il est ncessaire, en parallle, de mieux connatre la variabilit des gnes et les mcanismes dadaptation des bioagresseurs responsables de pertes de production importantes dans les cultures, afin de trouver des alternatives lemploi intensif de pesticides qui nest plus tolr.

    Toutes ces connaissances concernent le monde vivant en gnral. Elles constituent un terreau majeur dapplications nombreuses et varies, par exemple des fins thrapeutiques. La mise en uvre de ces applications ncessite dsormais une valuation pralable dimpact diffrents niveaux, en particulier sur lenvironnement et sur le cot nergtique des productions En complment www.rennes.inra.fr/les_recherches/unites_de_recherche/umr_amelioration_des_

    plantes_et_biotechnologies_vegetales www.ouest-genopole.org/index.php?pa=N200&la=fr

    de production ont conduit une diminution du nombre despces cultives souvent accompagne dune augmentation du nombre de varits proposes. titre dexemple, il ny a plus, en Europe, que six espces de grande culture : lorge, le mas, le colza, le tournesol, le pois et le bl tendre, ce dernier comptant plus de 200 varits disponibles.

    Le systme de production dit traditionnel sest donn longtemps comme principal objectif de produire plus. Ce schma a incit slectionner des varits offrant de meilleurs rendements et utiliser davantage dintrants (pesticides, engrais, eau). Depuis une vingtaine dannes, lagriculture soriente vers une plus grande durabilit via des procds qui perturbent moins lenvironnement et vers une comptitivit associe une flexibilit pouvant mieux satisfaire aux demandes des consommateurs (en qualit, en diversit, en rapidit). Alors que la slection varitale est davantage axe sur des caractres de rsistance, des systmes alternatifs se dveloppent, tels que lagriculture biologique, lagriculture raisonne et, dans certains pays, lexploitation de varits transgniques (les OGM).

    La capacit dadaptation savre cruciale lheure dune forte rupture entre une situation dite de surproduction et une pnurie de denres alimentaires accompagne dune hausse vertigineuse des prix dont les facteurs sont multiples : augmentation de la consommation dans des pays trs peupls comme la Chine et lInde, hausse du cot de lnergie, mauvaises rcoltes de certains pays (Australie, Ukraine), dveloppement des biocarburants, spculation, crise financire mondiale...

    (1) voir page 11 5

    TTE

    S C

    HER

    CH

    EUSE

    S -

    Nu

    mr

    o 6

    -

    t 2

    00

    8

    TTE

    S C

    HER

    CH

    EUSE

    S -

    Nu

    mr

    o 6

    -

    t 2

    00

    8

    8 9

    Prenons du reculDOSSIERDOMeSTIQUeR

    LeS VGTAUx

    Inra

    Quelles sont les priorits actuelles de la recherche agronomique ?

    M. R. : La prservation de lenvironnement et celle de la sant du consommateur en sont deux. Subvenir aux besoins de la population mondiale et conserver des systmes de production comptitifs dans une concurrence devenue internationale en sont dautres qui ncessitent le maintien de rendements levs et rguliers. Cest pourquoi lInra sinvestit beaucoup dans lamlioration de la rsistance aux bioagresseurs (insectes, champignons, bactries, virus...) auxquels nos cultures peu diversifies sont particulirement exposes et dont lagressivit semble augmenter avec le rchauffement climatique et la circulation mondiale croissante des biens et des personnes.

    La cration de nouvelles varits vise galement satisfaire les besoins et les gots volutifs des consommateurs. Par exemple, le succs des omga 3 dont le colza est riche favorise son exploitation et les tudes visant en amliorer les qualits. Cette plante sest rvle galement intressante pour produire du diester utilisable comme carburant.

    Les dfis scientifiques et techniques requirent prsent des collaborations pluridisciplinaires nationales et internationales ainsi que des cooprations plus soutenues avec les producteurs, les consommateurs et les Collectivits pour satisfaire leurs besoins respectifs, valoriser les productions et les savoir-faire rgionaux, viter les conflits entre les filires, respecter les directives conomiques et sanitaires europennes, etc.

    Quels moyens daction sur les plantes de culture sont aujourdhui privilgis ?

    M. R. : Lamlioration varitale sappuie de plus en plus sur les progrs de la biologie molculaire. On peut dsormais identifier rapidement de nombreux gnes responsables de lexpression des caractres des plantes et, grce aux biotechnologies, cumuler des caractres intressants (parfois liminer des caractres indsirables) au sein dune varit, par des hybridations au sein de son espce ou avec des espces apparentes : vigueur de la plante adulte (essentiellement lie sa masse), rsistance la scheresse, priode de floraison, teneur en protines ou en huile, couleur, saveur, etc.

    La transgense, qui consiste intgrer un ou plusieurs gnes dans le gnome dune cellule, permet de doter une varit vgtale de gnes propres son espce ou provenant dune espce toute autre. Avant tout, il sagit actuellement, en France, dun outil de recherche. Pour certains, la transgense pose un problme fondamental : celui de reprsenter une transgression par lHomme de la barrire des espces . Or, les mutations et les croisements entre espces sont particulirement frquents chez les plantes. Ces modifications, source de biodiversit gntique au sein de chaque espce, sont brasses au travers des gnrations et plus ou moins disperses dans lenvironnement. De plus, chacune des espces vivantes possde de nombreux gnes communs dautres espces. Aussi, aucune delles na de gnome immuable ou compltement spcifique.

    Il reste que limpact dune telle modification sur des vgtaux et sur leur environnement est difficile dterminer de faon exhaustive et ncessite donc des prcautions, au mme titre que dautres types de modifications gntiques.

    Moisson de soja au Mato Grosso (Brsil) SX

    C / F

    erna

    ndo

    Web

    eric

    h

  • TTE

    S C

    HER

    CH

    EUSE

    S -

    Nu

    mr

    o 6

    -

    t 2

    00

    8

    TTE

    S C

    HER

    CH

    EUSE

    S -

    Nu

    mr

    o 6

    -

    t 2

    00

    8

    Gntique

    10 11

    DOSSIERDOMeSTIQUeR

    LeS VGTAUx

    Au crible des gnes

    H par lisabeth CHEVREAU, directrice de recherche lInra et directrice de lunit mixte de recherche GenHort, Gntique et horticulture (Inra/INH/Universit dAngers)

    C omment les slectionneurs crent-ils de nouvelles varits vgtales ?Lobjectif gnral de tout travail damlioration des plantes est de combiner des caractres gntiques pour satisfaire de nouveaux besoins. En horticulture (la culture des plantes fruitires, lgumires et ornementales), ces besoins sont multiples : haute valeur nutritionnelle ou organoleptique (saveur, odeur, texture), bonne conservation aprs rcolte, chelonnement des priodes de maturit des fruits et des lgumes ; qualit et diversit esthtiques des vgtaux dornement ; production abondante et rgulire, rsistance durable aux principales maladies, etc.

    Inventorier les gnesPour atteindre de tels objectifs, il est dabord ncessaire de connatre lensemble du matriel gntique de lespce travaille et de ses parentes sauvages. Cest pourquoi notre unit de recherche conserve un verger botanique riche de 405 individus reprsentant diverses espces des genres Pyrus (Poirier), Malus (Pommier) et Cydonia (Cognassier), ainsi quune collection denviron 3 000 varits anciennes ou rcentes de pommiers et de poiriers.

    Linventaire et la conservation des ressources gntiques ne servent pas seulement

    amliorer les espces : ils aident aussi mieux connatre la biodiversit et son volution. On sinterroge notamment sur limpact de la domestication puis de la slection des plantes, depuis les origines de lagriculture, sur la diversit gntique. En tudiant les gnes ncessaires la synthse des pigments de la carotte, nous cherchons par exemple savoir si les slections relatives sa couleur ont induit un appauvrissement gntique.

    Relier les caractres aux gnesLe cur de mtier du gnticien-slectionneur est la comprhension des bases gntiques des caractres amliorer. Un caractre donn est-il contrl, pour lessentiel, par un gne unique (dit gne majeur) ou, au contraire, par une combinaison de plusieurs gnes effet partiel ? Comment les gnes interagissent-ils et quels mcanismes molculaires contrlent-ils ?

    Pour rpondre ces questions, nous construisons des cartes gntiques des chromosomes de la plante ; nous y transposons des connaissances acquises sur quelques plantes modles , dont le gnome a dj t entirement squenc ; nous employons des mthodes globales de la gnomique en analysant tous les gnes qui sexpriment dans

    un organe de la plante un instant donn. titre dexemple, nous nous attachons aujourdhui lucider les bases gntiques de la rsistance du pommier ses principales maladies, celles de la floraison du rosier ou celles de la texture de la pomme.

    laborer des mthodes de slectionLintgration de ces diverses connaissances gntiques devient incontournable dans la conception de mthodes de slection plus performantes. Des tests sophistiqus sont dvelopps pour valuer finement les caractres dun fruit, tels que sa texture, sans le dtruire. De nouveaux outils viennent complter les moyens damlioration dj prouvs et utiliss par la plupart des slectionneurs de plantes horticoles, tels que les croisements ou linduction de mutations (lire La fabrique des mutants). La slection assiste par marqueurs molculaires (lire Puzzle molculaire) fait ainsi ses premiers pas pour cumuler plusieurs gnes de rsistance aux maladies dans une mme varit, garantissant ainsi la durabilit de la rsistance. En outre, le transfert de gnes (ou transgense) est expriment en vue dajouter au patrimoine gntique des grandes varits de poiriers un caractre supplmentaire de rsistance la maladie du feu bactrien.

    En France, aucune varit horticole transgnique nest pour linstant autorise en culture mais le recours la transgense demeure essentiel de nombreuses recherches, notamment afin de tester la relation entre les caractres dune plante et certains gnes ou de concevoir des moyens de recours face dventuelles maladies ou pnuries futures.

    Le travail du gnticien ncessite enfin de nombreuses collaborations avec des chercheurs et des techniciens dautres disciplines (pathologistes, cophysiologistes, technologues...). La russite du lancement dune nouvelle varit doit en effet prendre en compte, plus que jamais, ses impacts possibles sur lenvironnement et diverses contraintes lies la mise au point dun processus de culture efficace En complment www.inra.fr/genomique/questceque.html www.inra.fr/internet/Directions/PPV

    cartes gntiques laide de jalons ou marqueurs molculaires. Ces petites squences dADN servent reprer les gnes (des squences plus longues qui, en gnral, codent des protines) responsables de caractres tels que lacidit dun fruit ou la couleur dune fleur. On les visualise sur un gel grce aux techniques de la PCR et de llectrophorse.

    Grce aux cartes gntiques de plantes parentes et de leurs descendants obtenus par croisement, on parvient associer des rgions du gnome des caractres. Il arrive quun caractre soit contrl par un seul gne dit gne majeur mais la situation est souvent plus complexe : un caractre peut tre contrl par plusieurs gnes (on parle alors de QTL, pour Quantitative Trait Locus) et un gne peut influencer plusieurs caractres (on parle

    dans ce cas de gne effet pliotropique).

    Une autre version dun gne donn (un allle) est parfois recherche dans des collections de varits sauvages. Cette stratgie nomme ecotilling permet de modifier subtilement un caractre : une rose plus rouge, une floraison plus prcoce...

    Quand un gne ou un QTL intressant est mis en vidence, le slectionneur peut utiliser les marqueurs qui le reprent afin de contrler sa prsence lors des croisements visant obtenir la varit souhaite. Il sagit de slection assiste par marqueur (SAM).

    La localisation du gne peut galement permettre son isolement (quon appelle clonage). Le gne clon pourra alors tre inject dans une autre plante, despce ventuellement trs diffrente. Cette transgense permet de confrer une varit de plantes un caractre nouveau ou damliorer un seul de ses caractres, au contraire des croisements qui en affectent plusieurs

    Fabrice FOUCHER, charg de recherche GenHort

    MOTS DE vgTAUx

    gntique : science des caractres hrditaires

    gnomique : technologie didentification des gnes constituant le gnome dun organisme ou dune espce

    PCR (Polymerase Chain Reaction, raction en chane par lenzyme ADN polymrase) : technique qui permet damplifier (de copier in vitro en grande quantit) des brins dADN particuliers

    lectrophorse : technique de sparation de squences dADN ou de protines. Cf. http://webiologie.free.fr/techniques/purification/electrophorese.htm

    hybridation : technique de croisement contrl entre une plante servant de parent mle et une autre servant de parent femelle,

    utilise par les slectionneurs pour produire une descendance dans laquelle les caractres des deux parents sont recombins

    multiplication vgtative : reproduction non sexue frquente chez les vgtaux (tels que lail, les arbres fruitiers, le crosne, le topinambour, etc.) ou technique de clonage : bouturage, greffage, marcottage, culture in vitro...

    transgense : ensemble de techniques permettant dintroduire un fragment dADN dans le gnome dune cellule et den modifier ainsi le patrimoine hrditaire en vue de transformer ou de supprimer un caractre, ou bien dintroduire de nouveaux caractres dans la cellule. Les OGM, organismes gntiquement modifis, sont issus de telles cellules dites transgniques.

    R

    C2C,

    da

    prs

    Fab

    rice

    Fouc

    her

    Marqueurs molculaires lis un gne majeur de couleur

    Les progrs de la gntique vgtale sont cruciaux pour conqurir des marchs comme pour matriser lavenir des ressources horticoles.

    croisement

    descendants

    1 2 3 4 5 6

    A X B

    PCR + lectrophorse

    gel

    A B 1 2 3 4 5 6

    a

    b

    Le gnome de chaque fleur porte ici deux allles de couleur. Les allles dominants sont reprs laide de marqueurs, a pour les fleurs jaunes , b pour les fleurs violettes. N.B. : droite, seuls les descendants possdant un seul des deux allles dominants sont prsents.

    INRA / GenHort

    parent A parent B

    allle de couleur

    dominant

    allle de couleur

    dominant

    marqueur amarqueur b

    chromosomes

    allle de couleur rcessif

  • P ourquoi les graines sont-elles sches et dures ? Comment donnent-elles des plantes ? Ces questions apparemment anodines concernent aussi bien la matrise des productions agricoles que les proccupations lies au changement climatique ou la biodiversit.

    Une longvit remarquableLes graines sont capables de survivre ltat sec, rsistant parfois une perte totale deau cellulaire pendant de nombreuses annes (le record de longvit, de 1 200 ans, est dtenu par des graines de lotus sacr qui ont germ en laboratoire aprs avoir t dterres dun site archologique chinois). Dans cet tat, elles ne respirent plus et peuvent tolrer des conditions extrmes, telles quune temprature de -130C. Grce ces proprits, les graines peuvent tre conserves labri dans des banques de semences, comme la Millenium Seed Bank en Angleterre. On peut ainsi parer lventuelle extinction despces sauvages et disposer dun rservoir indispensable la cration de nouvelles varits.

    Nos recherches visent amliorer laptitude

    la conservation et la qualit physiologique des graines. Elles intressent les industriels qui produisent, traitent, conditionnent et vendent les semences, et qui doivent garantir leurs clients agriculteurs ou horticulteurs un taux de germination voisin de 100 % et des plantules vigoureuses, peu sensibles aux alas environnementaux.

    Des semences la carteNous cherchons dterminer les caractristiques qui permettent une germination et une leve (la pousse des jeunes plants) homognes mme en conditions dfavorables : froid, manque deau ou doxygne, prsence dobstacles mcaniques... Il sagit notamment didentifier les gnes contrlant le mtabolisme des acides amins et la respiration qui sont dclenchs lorsque la graine en dormance est mise au contact de leau. Il sagit aussi de mieux discriminer, pour une espce donne, les facteurs prpondrants dans la russite de la leve, comme lallongement de la jeune racine ou la capacit de la plantule percer la crote du sol. Nous dveloppons cette fin des moyens de simulation informatique fonds

    sur une formulation mathmatique de nos connaissances.

    Ces travaux participent au dveloppement dune agriculture raisonne et durable. La simulation aidera lagriculteur choisir une technique dimplantation des semences approprie et permettra, par exemple, de prdire si une nouvelle varit prcoce de haricot peut tre seme en Picardie avec plus de succs quen Bretagne. Grce lemploi de marqueurs molculaires (voir page 11), la connaissance des gnes responsables de la qualit physiologique et de laptitude au stockage est intgre dans la cration de varits. Elle permet aussi aux organismes de contrle comme la Station nationale dessais de semences de vrifier rapidement que les nouvelles graines pourront tre stockes sans problme ou germeront mme en condition de scheresse

    Olivier LEPRINCE, Professeur, directeur de lunit mixte de recherche PMS, Physiologie molculaire des semences

    (Universit dAngers/INH/Inra)

    Design vgtalC omme lagriculture, lhorticulture sintresse de prs aux mcanismes de croissance des vgtaux, en particulier ceux des plantes utilises pour agrmenter nos lieux de vie.

    La qualit esthtique dune plante dpend de critres lis sa floraison et larchitecture de ses axes constitutifs (branches, tiges...). Le nombre, la longueur et la localisation de ces axes ne dpendent pas seulement du gnotype de la plante (lensemble de ses caractres gntiques) : ils sont aussi dus, outre la taille des axes, la quantit

    et la qualit de lumire reue, la temprature ambiante et aux apports en eau et en engrais.

    Le dveloppement dune plante peut tre trs sensible la variation, mme minime en apparence, dun facteur environnemental. Par exemple, lapparition dun nouvel axe dbute par lclosion (on dit plutt dbourrement) dun bourgeon ; priv de lumire, celui-ci ne dbourrera pas, tandis quun clairement dintensit 400 fois plus faible que celui du plein soleil peut suffire dclencher le dbourrement.

    Nous analysons les impacts de tels facteurs sur llaboration de larchitecture, avec le rosier buisson comme principal modle dtude. Les analyses sont conduites non seulement lchelle de la plante entire mais aussi lchelle molculaire afin de comprendre, en collaboration avec des gnticiens, les bases physiologiques du dbourrement et linfluence de lenvironnement sur lexpression des gnes.

    Nos travaux contribuent dfinir des processus ou itinraires de production de plantes dornement dont les formes innovantes intressent les horticulteurs. Lapplication de ces itinraires peut bnficier dquipements de modulation de lclairement, des apports et de la temprature dj employs pour amliorer la qualit et la rgularit des cultures

    Lydie HUCH-THLIER, unit mixte de recherche Sagah, Sciences agronomiques appliques lhorticulture ornementale (Inra/INH/Universit dAngers)

    La graine et la leveAriane, fruit de la rechercheM algr une grande diversit au sein du genre Pommier, seule une dizaine de varits constitue plus de 90 % du march franais. Toutes sensibles des maladies, elles doivent subir des traitements frquents. Lobjectif du programme damlioration dvelopp par lInra est de crer des varits de fruits de grande qualit (de saveur, daspect, de texture...), pouvant tre produites rgulirement, abondamment, tout en rduisant lemploi de produits phytosanitaires.

    Une telle ralisation ncessite du temps et de nombreux essais. Lhistoire de la pomme Ariane, commercialise depuis peu, commence en 1943 lUniversit dIllinois, o le gnticien-slectionneur L. Fredric Hough remarque que

    lespce Malus floribunda, dont les fruits minuscules sont immangeables, rsiste la tavelure, principale maladie des pommiers cause par le champignon du mme nom. Lorsque le Docteur Hough la croise avec la varit commerciale Rome Beauty, cest le premier pas vers Ariane : des programmes de croisements et de slection partant de ce croisement initial ont t poursuivis dans le monde entier.

    En 1979, les chercheurs de lInra Angers ralisent un croisement entre deux hybrides de caractristiques complmentaires, P7R25A27 et P21R4A30, en effectuant des pollinisations contrles. Les graines obtenues sont semes en serre. Les arbres qui en rsultent sont ensuite plants en verger et leurs fruits sont valus.

    Les meilleurs spcimens sont slectionns pour crer des varits encore meilleures. Dans les annes 1990, il en advient Ariane qui est inscrite en 2002 au catalogue officiel des varits et dont les plantations commerciales couvrent aujourdhui plus de 500 hectares en France.

    Le programme de slection de lInra se poursuit depuis 1997 en partenariat avec des ppiniristes regroups au sein de la SARL Novadi. Ceux-ci participent lvaluation de prs de 3 000 arbres fruitiers plants en verger lissue de tests de rsistance la tavelure et au champignon Odium

    Franois LAURENS, ingnieur de recherche GenHort

    TTE

    S C

    HER

    CH

    EUSE

    S -

    Nu

    mr

    o 6

    -

    t 2

    00

    8

    TTE

    S C

    HER

    CH

    EUSE

    S -

    Nu

    mr

    o 6

    -

    t 2

    00

    8

    Gntique

    La fabrique des mutantsLe gnome des tres vivants subit naturellement des mutations alatoires qui sont responsables de leur volution et de leur diversit. Il est possible de provoquer de telles mutations chez des vgtaux pour gnrer des mutants plus rapidement que la nature ne le ferait, par exemple dans le but de modifier le port (la silhouette) dune plante, la couleur des fleurs, la priode de floraison, ou dobtenir une meilleure rsistance la scheresse.

    Diffrentes techniques mutagnes sont employes depuis prs dun sicle. Elles recourent des agents physiques, chimiques ou biologiques. Parmi les agents physiques, les rayons g sont les plus frquemment utiliss.

    Utiliss dans des sites scuriss, les rayons g provoquent lapparition de chimres, plantes dont les cellules nont pas toutes le mme patrimoine gntique. Ce sont, par exemple, des arbustes de feuillage panach.

    Les mutations dcoulent de ruptures dans les chanes dADN suivies derreurs du mcanisme cellulaire de rparation de ces chanes. Elles ne peuvent avoir des effets macroscopiques que si elles modifient les protines exprimes par les gnes et ne peuvent se transmettre aux gnrations suivantes que si elles atteignent des cellules sexuelles ou un organe participant la multiplication vgtative (non sexuelle). Cest pourquoi le traitement mutagne est souvent ralis sur les graines, les tubercules ou les bourgeons.

    Le plus souvent, les chimres obtenues sont instables : leurs descendants issus de multiplication vgtative sont identiques au vgtal initial. Nous mettons actuellement au point des techniques

    de culture in vitro permettant de gnrer, partir de fragments de feuilles ou de tiges irradies, voire de cellules isoles, des plantes entires homognes chez lesquelles le nouveau caractre sera stabilis. Cette mthode est en cours dexprimentation sur des gents pour tenter de leur donner un port plus souple ou plus rond et des couleurs de fleurs diversifies : rouge, orange, bicolore...

    De tels objectifs pourraient tre atteints par hybridation ou par transgense or la premire technique offre des possibilits limites, en raison de la difficult croiser des espces loignes ; la seconde, celle des OGM, est complexe et ncessite des investissements trs coteux, sans parler des controverses quelle suscite. Bien quelle require de nombreux essais dont les rsultats sont alatoires, la mutagense reste donc un moyen alternatif intressant

    Alain CADIC et Joseph BELIN, GenHort12 13

    313 semis de ppins en serre

    jeunes plants 233 plants en ppinires

    92 arbres en verger Ariane

    hybridation par pollinisation

    slection des plants rsistants

    slection des plants rsistants

    slection des spcimens par

    les qualits agronomiques

    P7R25A27

    P21R4A30

    inoculation de la tavelure

    parasites et ravageurs

    In

    ra /

    Alai

    n Ca

    dic

    R

    C2C,

    da

    prs

    Fra

    noi

    s Lau

    rens

    DOSSIERDOMeSTIQUeR

    LeS VGTAUx

    Gent multicolore

    Physiologie

    C

    orbi

    s

    Culture de rosiers en phytotron (enceinte de culture climatise)

    mesures dhumidit, de temprature et de luminosit

    pilotage de lirrigation

    In

    ra/S

    agah

  • w

    ww.o

    haza

    r.com

    Les plantes qui soignent et les plantes quon soigne

    TTE

    S C

    HER

    CH

    EUSE

    S -

    Nu

    mr

    o 6

    -

    t 2

    00

    8

    TTE

    S C

    HER

    CH

    EUSE

    S -

    Nu

    mr

    o 6

    -

    t 2

    00

    8

    14 15

    T rente sicles avant Jsus-Christ, les Sumriens rpertoriaient dj les usages de plantes mdicinales sur des tablettes dargile. Aujourdhui, prs de deux tiers des mdicaments commercialiss sont dorigine naturelle et nous sommes loin davoir fini de recueillir, des fins pharmaceutiques ou cosmtiques, les fruits de la biodiversit tant que celle-ci sera prserve ! et du long processus volutif des vgtaux. Avec le succs croissant des appellations beaut, sant, bien-tre , le recours aux produits vgtaux sera mme appel samplifier.

    Linventivit de la chimie humaine demeure modeste, compare celle des plantes. Afin de tirer le meilleur parti du gigantesque ventail de molcules naturelles, notamment des mtabolites secondaires qui

    permettent par exemple aux plantes de refouler leurs prdateurs herbivores, les plus grandes compagnies pharmaceutiques crent des plates-formes biotechnologiques capables danalyser jusqu 100 000 extraits vgtaux en une seule journe ! Malgr ces investissements considrables, les nouveaux mdicaments ne sont pas lgion et ncessitent toujours au moins dix ans dtudes.

    Les chercheurs sintressent en priorit aux plantes des forts primaires intertropicales o lendmisme (le fait quune espce ne vit que dans une seule rgion) est important. Celui-ci offre en effet plus de chances de dcouvrir des molcules originales, dont lexploitation dpendra nanmoins de leurs dbouchs conomiques.

    Par exemple, les chimanines, molcules trs actives contre les leishmanioses (de graves affections viscrales ou cutanes frquentes en Afrique et en Amrique du Sud) ont t caractrises il y a une quinzaine dannes par notre laboratoire dans le cadre dune coopration franco-bolivienne. Faute de valorisation conomique rapide, elles nont pas encore fait lobjet dun vritable dveloppement en dpit de leur emploi au moins aussi efficace, plus facile, moins toxique et moins onreux que celui des antileishmaniens actuellement commercialiss.

    linverse, lArmoise annuelle ou Qinghao, plante dorigine asiatique apparente notre estragon aromatique et reconnue depuis plus de 20 sicles par la pharmacope chinoise comme un fbrifuge (antifivre) efficace, a rcemment fait lobjet dun vaste programme de dveloppement soutenu par lOrganisation mondiale de la sant. On tire de cette plante, aujourdhui cultive en Afrique de lEst, des drivs trs actifs contre le paludisme, un flau qui affecte plus de 400 millions de personnes dans le monde

    Pascal RICHOMME, Professeur, directeur du Sonas, Laboratoire Substances dorigine naturelle et analogues

    structuraux (Universit dAngers)

    En complment www.mpl.ird.fr/suds-en-ligne/fr/plantes www.unesco.org/courier/2000_05/fr/doss24.htm

    La menace de lOrobancheL Orobanche est une plante parasite dpourvue de racines. galement prive dorganes chlorophylliens, elle se fixe aux racines de plantes htes pour y prlever leau et les nutriments ncessaires son dveloppement. On en dnombre une centaine despces dans les rgions subtropicales et tempres de lhmisphre Nord, principalement autour de la Mditerrane. La majorit dentre elles ne menace pas la survie dautres espces vgtales mais certaines ont rcemment volu dans des espaces de cultures conomiquement importantes (fve, tournesol, colza, tabac, tomate, chanvre textile...) pour en devenir des adventices (qui colonisent une culture de faon indsirable) dominantes et ravageuses.

    La lutte contre lOrobanche est difficile : un seul pied produit plus de 500 000 graines, do un taux de reproduction trs lev ; microscopiques, ces graines sont facilement dissmines par le vent, les machines et les rcoltes. Aucune mthode de lutte actuellement autorise en France, quelle

    soit biologique, chimique, gntique ou lie des pratiques culturales visant prvenir la dissmination des graines, nest efficace pour enrayer la prolifration du parasite ou pour amliorer la tolrance des cultures ses attaques. LOrobanche ramosa, par exemple,

    est en expansion non contrle dans les cultures de colza et risque dempcher la production attendue de biocarburants.

    Notre laboratoire explore plusieurs voies pour tenter nanmoins denrayer ce flau naissant, peut-tre favoris par le rchauffement du climat. Dune part, il sagit de mieux connatre les caractristiques biologiques et mtaboliques du parasite, ses diverses espces et ce qui les diffrencie, quels autres vgtaux (comme certaines mauvaises herbes) favorisent sa prolifration... Dautre part, nous cherchons identifier des sources de rsistance durable (gnes, protines, substances toxiques pour lOrobanche, etc.) chez les espces htes cultives et chez des espces sauvages voisines, ce qui devrait permettre de slectionner les varits de culture les plus rsistantes ou de les amliorer par une voie classique de croisement gntique

    Philippe DELAVAULT et Philippe SIMIER, Professeurs, directeurs du LBPV, Laboratoire

    de biologie et pathologie vgtales (Universit de Nantes)

    C

    etio

    m F

    ranc

    e / J

    .-P. P

    alle

    au

    Hampes florales dOrobanche ramosa sur du colza

    E n comparaison des vgtaux terrestres, les algues sont peu exploites par lHomme, sauf dans les pays asiatiques, en particulier au Japon o elles sont des produits de la gastronomie traditionnelle. Des teneurs leves en fibres et en minraux, tels que le calcium ou le magnsium, ainsi quen protines (jusqu 30 % de la masse sche des algues rouges), font pourtant des macro-algues (visibles lil nu, par opposition aux micro-algues) de bonnes candidates pour lalimentation humaine et animale.

    Lun des principaux enjeux actuels de lexploitation des algues concerne la nutrition des poissons dlevage. Plusieurs tudes montrent quun apport en farine de certaines algues hauteur de quelques pourcents amliore significativement la rsistance certains parasites et dautres agents pathognes chez des espces telles que le saumon et la dorade. Dans la mesure o lutilisation dantibiotiques dans les levages est limite, voire interdite, lemploi de tels complments alimentaires intresse beaucoup les aquaculteurs.

    Il est aussi envisag de recourir aux macro-algues comme source de protines dans lalimentation piscicole, en remplacement du soja. Il semble en effet plus appropri ( condition que les cots dexploitation puissent suffisamment diminuer) de favoriser la nutrition danimaux avec des vgtaux qui partagent leur milieu. Cette hypothse fait partie de nos champs dinvestigation : nous tudions actuellement les proprits nutritives de lalgue rouge Palmaria palmata, parmi quelques autres espces dintrt.

    Les macro-algues intressent galement les secteurs de la chimie fine et de la sant. Certaines dentre elles contiennent des pigments singuliers tels que la phycorythrine, un pigment rouge dj utilis en biochimie mdicale comme ractif immunofluorescent (pour dtecter la prsence de certaines molcules). Lemploi de ces pigments comme colorants naturels est une autre piste prospecte par notre quipe.

    Si de tels projets de valorisation aboutissaient, lexploitation de populations naturelles de macro-algues devrait tre complte par une activit de culture en bassins afin de ne pas mettre en danger la biodiversit algale et les cosystmes marins. Aussi travaillons-nous surtout sur des espces facilement cultivables par bouturage

    Jol FLEURENCE, Professeur, directeur adjoint de lquipe MMS (Mer, molcules, sant)

    lUniversit de Nantes

    Domestiquer les algues

    Les vgtaux marins

    Les petites ouvrires de la merLes micro-algues dsignent un ensemble dorganismes aquatiques unicellulaires et photosynthtiques, qui utilisent la lumire comme source dnergie. Le phytoplancton dont se nourrissent le zooplancton et de trs nombreux mollusques ou poissons en est compos (il constitue ainsi le premier maillon de la chane alimentaire marine). Les centaines de milliers despces rpertories dans les eaux marines, douces ou saumtres, tmoignent de lexceptionnelle adaptation de ces vgtaux dans des milieux extrmes (eaux polaires, marais salants, lacs acides, sources chaudes...) ou dont lclairement est faible ou trs variable.

    Une telle diversit laisse prsager une grande richesse en molcules originales. Ltude du fonctionnement de ces organismes dans leur milieu, appele cophysiologie, est primordiale pour envisager dexploiter cette ressource. On sait maintenant les cultiver dans

    des tubes essais de quelques millilitres mais aussi dans des lagunes ciel ouvert ou lintrieur dquipements nomms photobioracteurs, comme celui dvelopp par notre laboratoire en partenariat avec lquipe GEPEA(1) de lUniversit de Nantes Saint-Nazaire, qui permettent de matriser chaque paramtre du milieu de culture, notamment la lumire.

    Nos recherches visent dterminer les conditions les plus favorables la culture de micro-algues qui prsentent des qualits intressantes. Les applications envisages touchent des domaines trs divers : la nutrition (production dacides gras polyinsaturs) ; limprimerie (production de pigments) ou encore lindustrie des semi-conducteurs qui sintresse au maillage de silice extraordinairement fin de lenveloppe cellulaire (frustule) des diatomes.

    Certaines micro-algues produisent 50 fois plus dhuile lhectare que le tournesol ! Elles constituent ainsi une piste privilgie dans la prospection de nouvelles ressources nergtiques. Un programme national financ par lAgence nationale de la recherche et auquel participe notre laboratoire vise slectionner les spcimens dont la production dhuile pourrait permettre dobtenir un biodiesel abondant et de qualit

    Jean-Paul CADORET, responsable du Laboratoire de physiologie et biotechnologie des algues (centre Ifremer de Nantes)

    En complment sur www.tetes-chercheuses.fr : (1) cf. Mer et littoral en ple, Ttes chercheuses n1, et une vido sur un photobioracteur Une gntique de micro-algues, par Annick Manceau, Nathalie Casse

    et Aurore Caruso, quipe Mer, molcules, sant lUniversit du Maine If

    rem

    er /

    PBA

    Diatomes Phaeodactylum

    tricornutum (grossies environ 10 000 fois)

    DOSSIERDOMeSTIQUeR

    LeS VGTAUx

    X

    avie

    r Sim

    onne

    t (M

    edip

    lant

    , Sui

    sse)

    Trsors molculaires

    Culture de lArmoise annuelle au Kenya

  • Ingrdients majeurs de nos paysages, les vgtaux sont au cur de projets damnagement dont les objectifs cologiques et culturels sont de plus en plus difficiles concilier.H par David MONTEMBAULT et Herv DANIEL, Matres de confrences lINH, Institut national dhorticulture Angers, et chercheurs lunit Paysage de lINH.

    Le vgtal comme instrument

    M atriser la composante vgtale du paysage est devenu primordial pour les amnageurs du territoire, notamment parce que les exigences portant sur nos relations avec la nature se font trs pressantes. Les multiples rles prts aux vgtaux tmoignent cependant de la complexit de ces relations.

    La demande de prsence et de respect de la nature, qui mane la fois des habitants, des touristes et des scientifiques, trouve en partie sa rponse dans la prservation despaces menacs dabandon ou de transformation rapide par lurbanisation et par lindustrialisation de lagriculture. Dans les Pays de la Loire, les efforts portent en particulier sur la sauvegarde des zones humides, considres comme des cosystmes riches et fragiles, telles que les basses valles angevines, les marais de Brire ou le lac de Grand-Lieu, et sur le maintien de trames vertes aux abords des villes, incluant en majorit des bois et des zones agricoles. cette fin, de multiples outils de gestion sont mis en place, allant de simples inventaires de sensibilisation des rglementations strictes ; des actions concertes visent maintenir lexistant (par exemple, le classement de certains bois et lallocation de primes pour lentretien des prairies inondables), contrler son volution (limitation ou interdiction des plantations de peupliers en fonds de valle) ou le remodeler entirement (projet de plantation dune fort de 1 400 hectares autour de Nantes).

    On assiste ainsi un cumul, sur un mme territoire, de mesures de protection dont les consquences senchevtrent et dont larticulation, lefficacit et la perception par les diffrents acteurs locaux

    sont de plus en plus alatoires. Les nouveaux dfis qui en dcoulent pour les quipes de recherche pluridisciplinaires travaillant sur le paysage et leurs cosystmes ncessitent de bien comprendre les rapports que nous avons avec la nature et les attentes profondes qui se cachent derrire chaque demande. Sous un regard trs anthropocentrique, les vgtaux apparaissent en effet comme des instruments de projets qui tendent opposer plantes utiles et plantes nuisibles, bonnes et mauvaises herbes, espces du terroir et espces envahissantes, arbres nobles et arbres quelconques, etc.

    Le cumul des mesures de protection rend leur

    efficacit alatoire

    Par exemple, dans les valles inondables, la volont de protger les biens et les personnes des crues et des pollutions tend dnigrer des ensembles arbors comme les peupleraies, accuss de perturber lcoulement des eaux ou de polluer les sols et les eaux via la dcomposition de leurs feuilles, au profit des prairies dites naturelles et capables de jouer un rle de tampon.

    De plus, le dsir de valoriser les aspects culturels et mmoriels du paysage, qui a pouss inscrire une portion de la valle de la Loire au patrimoine mondial de lUnesco, encourage la prservation de vgtaux dits patrimoniaux (fritillaire pintade des prairies, frne ttard...) et lviction de certains autres plus rcents comme les nouvelles plantations de peupliers prsent juges nuisibles au dgagement des

    points de vue autour de sites inscrits ou classs (corniche angevine, pointe de Bouchemaine, roche de Mrs, etc.) ainsi que le peuplier dItalie auparavant pris pour sa forme lance. Cest cette mme recherche didentit au travers de la vgtation qui conduit actuellement replanter des noyers et des amandiers dans le Saumurois.

    Les inquitudes sur la biodiversit viennent ajouter dautres attentes et justifier dautres types de choix. Par exemple, les vieux arbres sont privilgis pour les insectes xylophages quils abritent. Par ailleurs, lessor des loisirs de plein air multiplie les refontes de dcors vgtaux.

    Au final, il ny a rien de trs nouveau dans lutilisation des vgtaux mais la complexit de la nouvelle demande de nature conduit des solutions plus controverses et parfois contradictoires. Par exemple, sur lle Mouchet, prs dAncenis, on arrache les frnes et on reconstitue les prairies bocagres dautrefois, tandis qu louest de Nantes, au contraire, les lus ont lanc un programme de plantation au milieu des prairies bocagres tombes en friche. Les attentes dordre patrimonial justifient des actions trs diffrentes derrire des objectifs pourtant similaires quant au paysage et la biodiversit.

    Lapproche scientifique de tels projets permet de mieux distinguer leurs arguments socioculturels et cologiques puis de les valuer afin de proposer des scnarios pouvant satisfaire davantage et de faon durable les diverses attentes En complment www.natura2000.fr w3.rennes.inra.fr/ecorurb

    Mandres agricolesL e dispositif politique appel Grenelle de lenvironnement et le dbat actuel sur la rglementation des OGM ont mis en vidence un certain nombre de difficults et de contradictions dans les relations que la socit entend avoir avec le monde vivant, en particulier avec le rgne vgtal : maintenir de hauts rendements tout en employant moins dengrais et de pesticides, augmenter la qualit et la diversit dusage des produits tout en diminuant leurs cots, produire des carburants agricoles sans rduire les cultures alimentaires, moderniser les activits tout en revalorisant les traditions rurales, etc. Les agriculteurs prouvent des difficults pour comprendre ces contradictions dautant que le grand public est peu au contact direct du monde vgtal et pour sy adapter.

    En France, ces professionnels reprsentent peine 3 % de la population active alors quils exploitent plus 50 % du territoire national. La moiti dentre eux produit des vgtaux titre principal ; les autres sont des leveurs dont les animaux consomment la moiti des crales cultives et quelques plantes complmentaires.

    Tantt conseills par des experts conomiques, techniques ou scientifiques, tantt contraints par la grande distribution, lopinion et les politiques publiques, les agriculteurs demeurent ceux qui faonnent les espaces vgtaux, les diversifient et inspirent leurs reprsentations. Leurs pratiques de culture restent diverses ; toutefois, ils sont de plus en plus conduits intgrer leurs stratgies celles des Collectivits territoriales qui cherchent dvelopper des bassins de comptitivit rgionaux. Ils peuvent ainsi mieux rationaliser leurs activits, faire face linternationalisation des

    marchs et aux rglementations toujours plus nombreuses, obtenir des labels HQE (de haute qualit environnementale)...

    Certains projets de dveloppement local misent sur lattractivit du tourisme vert dont lagriculteur devient le principal guide. Ainsi, outre limage du garant de nature quon lui prte volontiers lors de crises alimentaires quand on ne laccuse plus dtre le premier pollueur de nos contres , voici quil endosse prsent celle du montreur de nature pour le citadin en villgiature Roger LE GUEN, sociologue au Laress, Laboratoire de recherche et dtudes en sciences

    sociales, et enseignant au Groupe ESA, cole suprieure dagriculture dAngers

    w

    ww

    .oha

    zar.c

    om

    TTE

    S C

    HER

    CH

    EUSE

    S -

    Nu

    mr

    o 6

    -

    t 2

    00

    8

    TTE

    S C

    HER

    CH

    EUSE

    S -

    Nu

    mr

    o 6

    -

    t 2

    00

    8

    16 17

    D e la Renaissance la fin du XIXe sicle, lamnagement densembles vgtaux dans les environnements urbains ou priurbains sest peu prs limit aux jardins et aux parcs des chteaux, dans une expression essentiellement artistique, ainsi quaux jardins botaniques pour y cultiver des plantes mdicinales ou constituer des collections de plantes exotiques. Lusage public des jardins de ville sest dvelopp avec lre industrielle, lurbanisation intensive et les premires proccupations sur la prservation dune nature perue dsormais comme menace.

    Les Franais, dont plus de 80 % vivent aujourdhui en zone urbaine, estiment ncessaire davoir un espace vert (un terme rcent, propre

    planification urbaine et paysagre) proximit de leurs logements. Lexistence de ces espaces est ainsi issue, avant tout, dune demande sociale de nature. Les jardins, les squares et les parcs sont devenus comme des lots indispensables au cadre de vie (Central Park, New York, en est un exemple spectaculaire) en constituant des lieux de promenade, de rcration, de rencontre et de maintien des liens sociaux.

    La ville est prsent considre comme un cosystme part entire. Des corridors verts y introduisent de la biodiversit et une continuit avec les espaces ruraux alentour ; des jardins sont classs monuments historiques ; toutes les cits franaises affichent un lien avec la nature ou une qualit environnementale. Dans lagglomration mancelle, par exemple, un rcent projet paysager des lus a t promu avec le slogan Le Mans, une sacre nature ! . Il prvoit en moyenne 63 m de verdure par habitant et comporte un boulevard nature unique en son genre en France, long de 72 kilomtres, en forme de cur et dont les vhicules motoriss seront exclus.

    Cette volution de lusage urbain des vgtaux pose des problmes complexes qui mobilisent divers acteurs : ltat, les lus, des associations et des bureaux dtudes qui doivent tous plus que jamais intgrer dans leurs projets, outre une finalit esthtique, des contraintes sociales, conomiques et cologiques, ces dernires incluant la slection despces vgtales appropries. La recherche dune satisfaction quilibre de ces contraintes constitue la pierre angulaire du dveloppement durable et lune des toutes premires missions du gographe social

    Yamna DJELLOULI, Professeur, directrice du Gregum, Groupe de recherche en gographie sociale de lUniversit du Maine

    Du vert dans la ville

    C

    orbi

    s / Z

    efa

    / Dev

    on M

    oore

    Cur

    tin

    DOSSIERDOMeSTIQUeR

    LeS VGTAUx

    iS

    tock

    phot

    o / R

    ober

    t Chu

    rchill

    cologie et paysage Gographie sociale

  • Une expo en bateau

    Sciences en campagneDes projets itinrants comme ceux de Maine Sciences contribuent la diffusion des connaissances scientifiques en milieu rural.

    P eu dhabitants des campagnes se rendent spontanment dans les centres culturels des grandes villes pour y visiter des expositions scientifiques. En plus de la distance parcourir, ce public doit aussi dpasser un prjug selon lequel de tels lieux seraient rservs certaines lites. Il semble donc opportun de provoquer sa rencontre avec des spcialistes des sciences (chercheurs, mdiateurs...) en utilisant dautres moyens que des manifestations misant seulement sur une bonne attractivit.

    Cest pourquoi Maine Sciences, centre de culture scientifique, technique et industrielle (CCSTI) situ au carrefour de la Sarthe, de la Mayenne et du Maine-et-Loire, a dcid de dvelopper des animations dcentralises. Pour Anne Mercier qui dirige cette association depuis sa cration il y a 12 ans, il est en effet indispensable daller au devant du public rural avec une dmarche originale afin de susciter son intrt, voire de frapper directement sa porte, mme si cest toujours la qualit des contenus qui lui permettra finalement de sapproprier les savoirs et dtre sensibilis la dmarche scientifique. En se rendant sur des lieux de vie sociale (coles, salles communales, etc.), Maine Sciences, parmi dautres associations qui

    privilgient les initiatives de proximit et la dcouverte des sciences par lexprimentation, accompagne les acteurs ducatifs locaux dans la construction dactions pdagogiques. Ses stands thmatiques permettent aux enseignants de monter des projets avec leurs classes tout en bnficiant sur place de la collaboration dun animateur professionnel. Les expositions, toujours interactives et animes par un tel mdiateur, sont conues pour voyager et pour tre installes presque nimporte o. Le CCSTI situ Sabl-sur-Sarthe en accueille certaines, ce qui permet au grand public de sy rendre le week-end et aux scolaires de les frquenter en semaine.

    Selon Anne Mercier, lexprience montre que de nombreux visiteurs sont entrans par les enfants venus une premire fois avec leur classe. Les actions menes auprs des scolaires portent leurs fruits en largissant la frquentation aux familles.

    Maine Sciences envisage dautres formules sduisantes qui puissent tre facilement intgres au milieu rural et des animations locales dj existantes. dfaut de confrences qui, moins dtre donnes par des clbrits, se rvlent peu suivies mme dans une cit comme Le Mans, il sagit de crer lvnement au cur des villages. linstar de la pniche Science Escale (lire lencart ci-dessous), des expositions embarques bord dun camion pourraient par exemple sillonner de nombreuses contres

    Anne LE PENNEC

    Pour porter la culture scientifique et technique aux confins des territoires sarthois et mayennais, Maine Sciences a eu lide demprunter les voies navigables. Pittoresque et dnu de connotation culturelle litiste, ce projet baptis Science Escale et mis en place avec le CCSTI de Laval gomme les kilomtres qui sparent souvent le public de ce type de manifestation.

    Les visiteurs sont accueillis sur le ponton dune pniche avant de rejoindre un espace de 40 m2 ddi une exposition interactive et des ateliers sur le thme de leau permettant

    dapprhender la biodiversit et lcologie des systmes aquatiques. Laccs est gratuit bien que lopration soit coteuse pour ses nombreux partenaires (dplacement des animateurs, location du bateau, frais de gasoil, etc.).

    La pniche navigue durant lautomne sur la Sarthe, au printemps sur la Mayenne et depuis peu sur lOudon. Dans les petites communes o elle accoste pendant 2 4 jours, lcole est en gnral assez proche pour que les lves venus en journe y entranent leurs parents, frres ou surs en fin daprs-midi

    A. L. P.

    TTE

    S C

    HER

    CH

    EUSE

    S -

    Nu

    mr

    o 6

    -

    t 2

    00

    8

    TTE

    S C

    HER

    CH

    EUSE

    S -

    Nu

    mr

    o 6

    -

    t 2

    00

    8

    18 19

    EN SAvOIR PLUS http://www.maine-sciences.org www.ccsti-laval.org/even1/dos_press_escale.pdf colloque rgional Sciences et Loisirs, le 5 juin

    2008 lHtel de Rgion Nantes : www.terre-des-sciences.org, 02 41 72 14 21

    Un duo plein dallantDeux jeunes chercheuses trangres ont choisi de venir Nantes faire leurs thses et souhaitent participer la diffusion des connaissances.

    Lune est libanaise, lautre est chinoise. Depuis octobre 2007, Rim Noureddine et Yi Sun sont inscrites lcole doctorale Chimie-Biologie de lUniversit de Nantes et prparent des doctorats en gntique et en biochimie dans le mme bureau de lcole nationale vtrinaire de Nantes (ENVN).

    Chercher et partagerDans lquipe Interaction tique-parasite-hte (ITPH) de lunit de recherche BioEpAR (Biologie, pidmiologie et analyse de risques, Inra/ENVN) dirige par Alain Chauvin, on est aux petits soins pour Ixodes ricinus. Cette espce de tique rpandue en France est un matriel de choix pour tudier la transmission de maladies animales via les tiques, telles que la babsiose qui touche en particulier les bovins et, dans certains cas, les humains (notamment les personnes ayant subi une ablation de la rate). Rim et Yi y passeront trois ans. Elles ont dmarr en mme temps leurs thses, celle de Yi tant finance par la Rgion des Pays de la Loire, celle de Rim par la Rgion et lInra. Travailler cte cte nous permet de nous pauler et dchanger

    au jour le jour sur nos proccupations ,

    prcise Rim.

    Une mme ambition anime les deux jeunes femmes : mener bien leurs recherches et dcrocher le titre de Docteur avant de gagner celui denseignant-chercheur. Cependant, la seule activit de recherche ne leur suffit pas : Lenseignement et la vulgarisation permettent de souvrir aux autres, de partager ses connaissances et denrichir sa dmarche de recherche , jugent-elles de concert.

    Saisir les opportunitsYi a rejoint lquipe de lENVN loccasion dun stage lui permettant dobtenir lquivalence ncessaire pour faire valoir en France ses diplmes vtrinaires chinois. Elle navait pas imagin venir dans lHexagone auparavant mais un programme de coopration euro-chinois dirig par Chantal Boulard, de lInra Tours, a fait natre cette opportunit. Il y avait un projet de recherche sur une espce du parasite Babesia qui nexiste pas en Chine, explique Yi. Pour y participer, il fallait venir ltudier ici, Nantes. Cette ide ma plu. En isolant par des techniques biochimiques certaines protines du parasite de la babsiose, le protozoaire Babesia

    divergens, qui permettent celui-ci de pntrer dans les globules

    rouges des bovins, la jeune femme espre trouver les

    protines spcifiquement impliques dans ce mcanisme dinvasion afin de mieux comprendre son droulement et,

    par la suite, de matriser la maladie.

    Suivre ses enviesRim a rejoint lUniversit de Lille 1 aprs avoir dcroch son baccalaurat franco-libanais. Ce dernier ma ouvert la porte de luniversit franaise et ma permis de faire de la gntique comme jen avais envie depuis la troisime , explique-t-elle. Depuis quelle est dans lquipe ITPH, cest au patrimoine gntique des tiques quelle sintresse. Ltude de certains de leurs gnes qui jouent un rle dans la vection (lacquisition et la transmission) des agents pathognes microscopiques

    comme Babesia divergens, a pour but de mettre en vidence les pressions de slections exerces sur les tiques par ces agents. Les donnes de gntique des populations ainsi tablies sont prcieuses pour mieux comprendre la propagation des maladies transmises par les tiques afin de les contrecarrer.

    Jusquici, mon travail a essentiellement consist rassembler les informations existant dans la littrature scientifique, tmoigne Rim. Il me faut galement runir un maximum despces du genre Ixodes. Cela va me permettre de comparer la vitesse dvolution des gnes en question entre les diffrentes espces. Certains spcimens, conservs dans lalcool, lui sont envoys des diffrents continents grce des collaborations avec des chercheurs trangers mais la jeune femme fait parfois elle-mme le dplacement, comme rcemment en Tunisie, pour en rapporter

    A. L. P.

    Yi Sun ( gauche) et Rim Nourreddine ont spontanment sollicit Ttes Chercheuses pour expliquer leurs travaux.

    Anne

    Le

    Penn

    ec

    w

    ww

    .bio

    pix.

    dk /

    J.C. C

    hou

    Tique Ixodes ricinus femelle, vecteur de la babsiose (maladie bovine)

    Maine Sciences & CCSTI de Laval

    w

    ww

    .oha

    zar.c

    om

    A SE PASSE MAINTENANT

  • LIL gOMTRE

    Mots de fleur Replacez les lettres des 18 mots rouges dans un ordre qui permet de dsigner correctement autant de parties dune fleur puis crivez 14 des noms obtenus dans les cases blanches adquates.

    ANAgRAMMES

    NIgME LOgIqUE

    Ins et Pedro vont dans une animalerie avec leur pre pour choisir un chat. En arrt devant deux magnifiques persans, Pedro demande au vendeur :

    Euh... Monsieur, quels ges ont-ils, ces chats-ci ? Le vendeur prend deux petits papiers et crit discrtement quelque chose sur chacun deux avant de les plier et de rpondre : Vous pouvez peut-tre deviner. Ils ont chacun au moins un an. Tiens, Pedro, le nombre que jai crit sur ce papier correspond au produit de leurs ges respectifs. Ins, sur celui-l, jai indiqu leur somme. Regardez ces nombres mais ne vous les communiquez pas lun lautre. Si vous trouvez la solution, je ferai une rduction de 50 % votre papa. Les deux enfants ouvrent leurs papiers respectifs puis Pedro dit : Moi, je ne sais pas. Eh bien, moi non plus, rplique sa sur. Ah bon ? demande Pedro. Dans ce cas, jai devin ! Alors, moi aussi, jai trouv !!! jubile Ins. Lun a 1 an ; lautre

    en a 4. Bravo ! sexclame le vendeur. Vous tes sacrment fortiches,

    tous les deux ! Comment Pedro et Ins ont-ils pu, lun aprs lautre, deviner les ges des chats ? Indices et solutions sur www.tetes-chercheuses.fr

    En 1958, la dcouverte des marqueurs HLA la surface de nos cellules a boulevers la connaissance de notre systme immunitaire et les stratgies de lutte contre de nombreuses maladies.H par Jacques LE PENDU, directeur de recherche au Dpartement de recherche en cancrologie(unit U896 de lInserm/Universit de Nantes)

    I l y a 5 0 a n s . . .

    Un grand pas pour limmunit

    N ous connaissons tous notre groupe sanguin (A, B, AB ou O, en fonction des antignes, composs molculaires aussi nomms marqueurs, prsents ou non la surface de nos cellules) et nous savons que notre organisme ne peut tolrer du sang de nimporte qui car il est presque toujours capable didentifier et de dtruire ce qui lui est tranger.

    Jusquen 1958, on ignorait quune autre srie de marqueurs essentiels la dfense de lintgrit de lindividu (limmunit) existe sur presque tous les types cellulaires. Cette anne-l, lhmatologue franais Jean Dausset a publi sa dcouverte : la surface de nos leucocytes (globules blancs prsents dans le sang et dans la lymphe), il existe des marqueurs, nomms HLA pour Human Leucocyte Antigens, qui sont impliqus dans le rejet des greffes. Peu avant lui, lAmricain George Snell avait conclu lexistence dun systme antignique quivalent chez les souris, baptis CMH (complexe majeur dhistocompatibilit). Ces travaux, complts par ceux dun autre immunologiste amricain, Baruj Benacerraf,

    ont valu aux trois chercheurs le prix Nobel de mdecine en 1980.

    Tous diffrents donc uniquesLa diversit des marqueurs HLA a surpris les spcialistes. Cods par plusieurs gnes localiss sur un seul chromosome, ils sont lobjet dune multiplicit de combinaisons si grande quune complte identit biologique entre deux personnes, vrais jumeaux excepts, est trs improbable. Ce constat a apport un clairage indit sur lunicit des individus. La rpartition des diffrents antignes HLA est aussi apparue trs variable dune population lautre, ce qui a contribu mieux dcrire les migrations humaines au travers des poques.

    Cette dcouverte a jet les bases de limmunologie de la transplantation, dcisives dans le succs actuel des greffes dorganes. Elle a t aussi et surtout essentielle pour comprendre les rponses immunitaires contre les agents pathognes trangers (du non-soi), comme les virus, et contre nos propres cellules (du soi ou du soi altr) dans le cas

    des cancers ou des maladies auto-immunes telles que la spondylarthrite ankylosante ou la sclrose en plaques.

    Le chanon manquant Jusquau milieu des annes 1970, la seule rponse immunitaire bien connue mettait en scne des anticorps (molcules complexes circulant dans lorganisme ou enchsses dans les membranes cellulaires, capables de reconnatre et dliminer des antignes trangers) mais les mcanismes de raction des cellules immunitaires elles-mmes demeuraient obscurs. De nombreux travaux exprimentaux, mens sur des animaux ou sur des cellules humaines, ont alors bnfici de nouvelles techniques biochimiques et de nouvelles connaissances en gntique molculaire : ils ont permis de dcrire la vritable fonction biologique des marqueurs HLA. Il sagit de molcules qui prsentent, la surface cellulaire, des peptides (fragments de protines) dagents infectieux ou des peptides du soi. Ainsi prsents, ces peptides deviennent accessibles une classe particulire de globules blancs, les lymphocytes T, qui peuvent alors les identifier et ragir soit en tuant la cellule reconnue comme cancreuse ou infecte, soit en stimulant ou en inhibant une autre composante de la rponse immunitaire, exerant ainsi un effet rgulateur. Des anomalies de cette rgulation sont en cause dans les maladies auto-immunes.

    Lanalyse de ce mcanisme sest avre cruciale dans la comprhension de la rgulation du systme immunitaire. Depuis lors, limmunologie repose sur un nouveau paradigme (systme de pense) qui rvise le prcdent systme bas sur la prpondrance de la rponse humorale (via les seuls anticorps). Le dveloppement de nouvelles stratgies de vaccination contre des agents pathognes insensibles laction des anticorps et de lutte contre le cancer ou contre les maladies auto-immunes est aujourdhui totalement dpendant de ce paradigme

    En complment illustr http://home.scarlet.be/jp.boseret/immuno.htm

    Huit coccinelles Isolez chaque coccinelle de toutes les autres en traant trois cercles (on peut dborder sous la zone blanche).

    Jean Dausset

    Cellules sanguines Les cellules aplaties sont des hmaties (globules rouges) ; les autres sont divers leucocytes (globules blancs).

    Nat

    iona

    l Can

    cer I

    nstit

    ute

    (USA

    ) / B

    ruce

    Wet

    zel e

    t Har

    ry S

    chae

    fer

    TTE

    S C

    HER

    CH

    EUSE

    S -

    Nu

    mr

    o 6

    -

    t 2

    00

    8

    20 21

    1 ANCORDE . .ensemble des 13 2 ARTPHINE . .ensemble form par le 7 et la 14 3 AVORIE . . . .