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UNIVERSITÉ FRANÇOIS RABELAIS TOURS École Doctorale Sciences de l’Homme et de la Société Année Universitaire 2006-2007 THÈSE POUR OBTENIR LE GRADE DE DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ DE TOURS Discipline : Histoire, spécialité Archéologie présentée et soutenue publiquement par : Mélanie FONDRILLON le 30 novembre 2007 La formation du sol urbain : étude archéologique des terres noires à Tours (4 e -12 e siècle) Directeur de thèse : Henri GALINIÉ VOLUME de texte Jury : Joëlle BURNOUF (rapporteur) Professeur, Archéologie médiévale Université Paris-1 Gisella CANTINO WATAGHIN Professeur, Archéologie chrétienne Université du Piémont Oriental (rapporteur) Henri GALINIÉ Directeur de recherche au CNRS U.M.R. 6173 CITERES Jean-Jacques MACAIRE Professeur, Géologie Université Tours Richard I. MACPHAIL Senior Research Fellow University College London tel-00256362, version 1 - 15 Feb 2008

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UNIVERSIT FRANOIS RABELAIS TOURScole Doctorale Sciences de lHomme et de la Socit Anne Universitaire 2006-2007

THSE POUR OBTENIR LE GRADE DE DOCTEUR DE LUNIVERSIT DE TOURSDiscipline : Histoire, spcialit Archologie

prsente et soutenue publiquement par :

tel-00256362, version 1 - 15 Feb 2008

Mlanie FONDRILLONle 30 novembre 2007

La formation du sol urbain : tude archologique des terres noires Tours (4e-12e sicle)

Directeur de thse :

Henri GALINI

VOLUME de texte

Jury :

Jolle BURNOUF (rapporteur) Gisella CANTINO WATAGHIN (rapporteur) Henri GALINI Jean-Jacques MACAIRE Richard I. MACPHAIL

Professeur, Archologie mdivale Professeur, Archologie chrtienne

Universit Paris-1 Universit du Pimont Oriental

Directeur de recherche au CNRS Professeur, Gologie Senior Research Fellow

U.M.R. 6173 CITERES Universit Tours University College London

UNIVERSIT FRANOIS RABELAIS TOURScole Doctorale Sciences de lHomme et de la Socit Anne Universitaire 2006-2007

THSE POUR OBTENIR LE GRADE DE DOCTEUR DE LUNIVERSIT DE TOURSDiscipline : Histoire, spcialit Archologie

prsente et soutenue publiquement par :

tel-00256362, version 1 - 15 Feb 2008

Mlanie FONDRILLONle 30 novembre 2007

La formation du sol urbain : tude archologique des terres noires Tours (4e-12e sicle)

Directeur de thse :

Henri GALINI

VOLUME de texte

Jury :

Jolle BURNOUF (rapporteur) Gisella CANTINO WATAGHIN (rapporteur) Henri GALINI Jean-Jacques MACAIRE Richard I. MACPHAIL

Professeur, Archologie mdivale Professeur, Archologie chrtienne

Universit Paris-1 Universit du Pimont Oriental

Directeur de recherche au CNRS Professeur, Gologie Senior Research Fellow

U.M.R. 6173 CITERES Universit Tours University College London

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RemerciementsMes premiers remerciements vont Henri Galini pour son encadrement rigoureux, pour le partage de ses connaissances et pour son soutien permanent tout au long de cette recherche. Je remercie Jolle Burnouf, Gisella Cantino Wataghin, Jean-Jacques Macaire et Richard I. Macphail davoir accept de faire partie de mon jury et davoir consacr leur temps lexamen de ce manuscrit. Cette recherche naurait pu aboutir sans le soutien financier du G.I.S. Sol Urbain qui ma accorde une allocation de recherche : jexprime donc ici ma reconnaissance cet organisme. De mme, je tiens ici remercier les membres du laboratoire Archologie et Territoires (UMR 6173 CITERES), en particulier lisabeth Zadora-Rio et Monique Sgura, pour les remarquales conditions de travail dont jai pu profiter. Ma gratitude va galement aux responsables dopration (L.A.T., A.F.A.N., I.N.R.A.P., collectivits territoriales) qui ont bien voulu collaborer cette recherche et mont accueillie sur leur

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chantier de fouilles : ainsi, je remercie plus particulirement Henri Galini, lisabeth Lorans, Nicolas Fouillet, Frdric Champagne, Raphal de Filippo, Anne-Marie Jouquand, Bruno Dufa, Alain Ferdire et Alain Trintignac. Les membres du P.C.R. Goarchologie de la Loire moyenne et de ses marges , en particulier Jolle Burnouf, Nathalie Carcaud et Manuel Garcin, ont contribu lachvement de cette recherche par leurs encouragements et leurs conseils : que tous soient ici remercis. Merci Jean-Jacques Macaire pour mavoir accueillie au laboratoire GEAC et pour ses prcieux conseils concernant lapproche sdimentologique mise en uvre sur mon corpus archologique. Jexprime aussi ma reconnaisance Isabelle Gay-Ovejero pour sa collaboration, ainsi qu Jean-Paul Bakiono, Agathe Fourmont et Stphane Rodrigues qui mont guide dans les analyses sdimentologiques. Mes remerciements sadressent galement Christian Di-Giovanni et Yann Graz, de lInstitut des Sciences de la Terre dOrlans, pour leur prcieuse collaboration lors de lanalyse de la matire organique contenue dans les terres noires. Pour leur collaboration interdisciplinaire et le partage de leurs connaissances, je remercie Richard I. Macphail, Pierre Poupet, Romana Harfouche, Morgane Liard, Carole Vissac et Anne-Laure Cyprien. Pour ses fructueuses discussions et ses encouragements, jexprime ma profonde reconnaissance Christian David. De mme, je tiens remercier les archologues et naturalistes travaillant sur les stratifications urbaines pour lorientation bibliographique sur ce sujet : merci donc Bruno Desachy, Ccilia Cammas, Quentin Borderie et Sabine Barles. Jexprime aussi ma reconnaissance toute lquipe du C.N.A.U., Marie-Christine Cerruti, Corinne Guilloteau, Thrse Ibaez et Jocelyne Ptiniot, pour leurs prciseuses orientations bibliographiques, leurs conseils cartographiques et leur soutien quotidien.

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Pour ses conseils et son aide en statistiques, jexprime mes remerciements Pascal Chareille. De mme, je me dois dexprimer ma gratitude Xavier Rodier et Philippe Husi, le premier pour son aide cartographique et le second pour mavoir apport de nombreux conseils pour la ralisation de ma base de donns informatique et pour la datation du matriel cramique de mon corpus (du Haut Moyen Age lpoque moderne). En outre, des doctorants ont bien voulu mapporter leur concours en matire de cramologie et de datation de mobilier : je remercie donc Ccile Bbien, Anne Moreau, Emmanuel Marot et tienne Jaffrot. De mme, merci James Motteau pour son aide sur le verre et le petit mobilier. QuAlain Ferdire, Jacques Seigne, Christian Theureau et Florian Sarreste soient galement remercis pour avoir confirm certaines identifications. Enfin, que tous les doctorants archozoologues (Marilyne Salin, Frdric Poupon, David Germinet et Olivier Cott) reoivent ma sincre gratitude pour le temps quils ont consacr la vrification de mon corpus faunique.

Pour la relecture de ce travail, je tiens remercier particulirement Elisabeth Lorans, Bruno

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Desachy, Marie-Laure Sngas, Ccile Bbien, Marielle Delmont, Marilyne Salin, Charlotte Valentin, David Germinet, Amlie Laurent, Emmanuel Marot, Hlne Boro et Samuel David. Pour leur soutien dans les moments dlicats, merci Amlie Laurent, Olivier Marlet, Bastien Lefebvre, Grgory Poitevin, Anne Moreau, Frdric Poupon et Charlotte Valentin.

Enfin, ma sincre gratitude va mes proches, Rene et Henri Fondrillon, Madeleine et Marcel Schaecht, Dominique Fondrillon et Emmanuel Marot.

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SommaireGLOSSAIRE ....................................................................................................................................................9 INTRODUCTION ...........................................................................................................................................10 1. TATDELARECHERCHE,OBJETDETUDEETPROBLEMATIQUE ............................................................14 1.1. LHISTORICITEDUSOLARCHEOLOGIQUE:ETATDESRECHERCHESENARCHEOLOGIEURBAINEETGEOARCHEOLOGIE ..... 15 1.1.1. Lapprochehistoriquedudptarchologiqueurbain.................................................................. 151.1.1.1. 1.1.1.2. 1.1.1.3. Naissanceetdveloppementdelarchologieurbaine ...................................................................... 16 Lvaluationdudptarchologiqueurbain ...................................................................................... 19 Lacaractrisationdudptarchologiquedesvilles:lapprochestratigraphiqueettypologique ... 20 NaissanceetdveloppementdelaGoarchologieanglosaxonneetfranaise ............................... 26 GoarchologieenvironnementaleenFrance .................................................................................... 28 Goarchologiedessdimentationsanthropiques............................................................................. 29 Fouilleetenregistrementstratigraphiques......................................................................................... 35 tudesnaturalistes .............................................................................................................................. 36 tudesarchologiques ........................................................................................................................ 38

1.1.2.

HritagemthodologiquedelaGoarchologie........................................................................... 26

1.1.2.1. 1.1.2.2. 1.1.2.3.

1.1.3.

Lesterresnoires:nouvellesprocduresdecaractrisationdesstratificationsurbaines.............. 35

1.1.3.1. 1.1.3.2. 1.1.3.3.

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1.2. APPROCHEHISTORIOGRAPHIQUEDELAQUESTIONDESTERRESNOIRES:THEORIESETPRATIQUES ............................ 40 1.2.1. Delacitclassiquelavillemdivale:positionsthoriques...................................................... 401.2.1.1. 1.2.1.2. 1.2.1.3.

Laquestionurbainedu4eau11es. ..................................................................................................... 41 ContinuitoudclinpendantlAntiquittardive ................................................................................ 43 Lesformesurbainesdu7eau11es...................................................................................................... 49 LanaissancedelaproblmatiqueenAngleterreetenItalie:labibliographieancienne ................... 53 ApprochehistoriographiqueenFranceetenBelgique ....................................................................... 61 Lesterresnoiresdanslabibliographietourangelle............................................................................. 74 IntgrationdesterresnoiresdanslatopographiehistoriquedeTours .............................................. 80 Sourcesutilises .................................................................................................................................. 83 tatdesconnaissancesdelatopographiehistoriquedeTours........................................................... 85 SpcificitdelacitduhautMoyenge:lareconnaissancedenouveauxmodesdoccupation .... 105 Caractristiquesdesterresnoires ..................................................................................................... 121 Pointsmthodologiquesetscientifiques .......................................................................................... 130

1.2.2.

ApprochebibliographiqueenAngleterre,Italie,BelgiqueetFrance............................................. 53

1.2.2.1. 1.2.2.2. 1.2.2.3.

1.2.3.

LatopographiehistoriquedelavilledeTours............................................................................... 80

1.2.3.1. 1.2.3.2. 1.2.3.3.

1.2.4.

Laquestiondesterresnoires:nouveaucadredelarechercheurbaine...................................... 105

1.2.4.1. 1.2.4.2. 1.2.4.3.

1.3. LESOLURBAIN:PROBLEMATIQUE,DEFINITIONETPRINCIPESDEFORMATION .................................................... 134 1.3.1. Lesgrandesquestionsdveloppesetlechoixdeschellesdanalyse ....................................... 1341.3.1.1. 1.3.1.2. 1.3.1.3. 1.3.1.4. Caractrisationfonctionnelledesterresnoires ................................................................................ 134 Connaissancedesmodalitsdeformationdesterresnoires............................................................ 135 Intrtdeltude .............................................................................................................................. 136 Limitesdeltude .............................................................................................................................. 137 Dfinitionarchologique ................................................................................................................... 141 Lesolurbaincommesystmedynamique ........................................................................................ 143 Dessocitspassesauxvestigesarchologiques............................................................................ 149 Processusdeformationdescouchesarchologiques ....................................................................... 153 Postulatstypologiques ...................................................................................................................... 157

1.3.2.

Dfinitionetprincipesdeformationdusolurbain...................................................................... 141

1.3.2.1. 1.3.2.2. 1.3.2.3.

1.3.3.

Principesdeformationdescouchesarchologiquesettypologie............................................... 153

1.3.3.1. 1.3.3.2.

2.

ACQUISITION,TRAITEMENTETPRESENTATIONDUCORPUS.............................................................. 179 2.1. ACQUISITIONETTRAITEMENTDESDONNEES ............................................................................................... 180 2.1.1. Choixetconditionsdacquisitiondesdonnes ............................................................................ 1802.1.1.1. 2.1.1.2. 2.1.1.3. Naturedesdonnesrecueillies ......................................................................................................... 180 Limiteschronologiquesetspatiales .................................................................................................. 182 Conditionsetsitesdacquisitiondesdonnes................................................................................... 182 Prlvementsenvracdestinsautridesconstituantsgrossiers ...................................................... 185 Collecte.............................................................................................................................................. 214

2.1.2.

Protocoledchantillonnageetdetraitementdumatrieldtude............................................ 185

2.1.2.1. 2.1.2.2.

5

2.1.2.3.

chantillonsgranulomtriques.......................................................................................................... 218

2.1.3. Enregistrementetarchivage:BaDoSU ....................................................................................... 223 2.2. BILANDESDONNEESRECUEILLIES.............................................................................................................. 224 2.3. PRESENTATIONDUCORPUSARCHEOLOGIQUE ............................................................................................. 225 2.3.1. Organisationdesdonnes........................................................................................................... 2252.3.1.1. 2.3.1.2. ParU.S. .............................................................................................................................................. 225 Partypedchantillonnage................................................................................................................ 227 Prsentationgnrale ....................................................................................................................... 230 Prsentationparpriode .................................................................................................................. 233 Prsentationgnrale ....................................................................................................................... 266 Prsentationparpriode .................................................................................................................. 266 Prsentationgnrale ....................................................................................................................... 274 Prsentationpargrandephase ......................................................................................................... 274 Prsentationgnrale ....................................................................................................................... 279 Prsentationparpriode .................................................................................................................. 280 Prsentationgnrale ....................................................................................................................... 285 Prsentationparpriode .................................................................................................................. 285 SiteduFortSaintGeorges(ChinonSite10,IndreetLoire) .............................................................. 290 SitedeJavolsLasPessosNord(JavolsSite48,Lozre) ..................................................................... 292

2.3.2. 2.3.3. 2.3.4. 2.3.5. 2.3.6.

SitedeSaintJulien/ProsperMrime(ToursSite16) ................................................................. 230 SiteduLyceDescartes(ToursSite64) ....................................................................................... 266 SitedelHpitalClocheville(ToursSite67) ................................................................................. 274 SitedelHteldePolice(ToursSite23)....................................................................................... 279 SiteduparkingAnatoleFrance(ToursSite69) ........................................................................... 285 ChinonetJavols........................................................................................................................... 290

2.3.2.1. 2.3.2.2. 2.3.3.1. 2.3.3.2. 2.3.4.1. 2.3.4.2. 2.3.5.1. 2.3.5.2. 2.3.6.1. 2.3.6.2.

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2.3.7.

2.3.7.1. 2.3.7.2.

3.

ANALYSEDESDONNEES.................................................................................................................... 300 3.1. MISEENPLACEDELATYPOLOGIEFONCTIONNELLEDESCOUCHESARCHEOLOGIQUES ........................................... 301 3.1.1. Lechoixducorpus ....................................................................................................................... 3013.1.1.1. 3.1.1.2. 3.1.1.3. Lechoixdessites ............................................................................................................................... 301 Lechoixdescouchesarchologiques................................................................................................ 302 Lechoixdestypesdchantillonnage ................................................................................................ 305

3.1.2. Dmarcheanalytique .................................................................................................................. 308 3.2. TABLISSEMENTDESCRITERESDISCRIMINANTS ............................................................................................ 310 Analysequalitativeetquantitativedesconstituantsgrossiersdusol ....................................................... 310 3.2.1. Richessetaxinomique .................................................................................................................. 3103.2.1.1. 3.2.1.2. 3.2.1.3. 3.2.1.4. Calculdelindicederichesse............................................................................................................. 310 Descriptiongnraledeladistribution ............................................................................................. 311 Descriptiondesclasses...................................................................................................................... 313 Analysedesinterprtationsarchologiquesetconfrontationdesobservationsaumodle ............ 317 Calculdelacontributiondesrefus6,3mmauvolumetotalprlev .............................................. 319 Descriptiongnraledeladistribution ............................................................................................. 320 Descriptiondesclasses...................................................................................................................... 321 Analysedesinterprtationsarchologiquesetconfrontationdesobservationsaumodle ............ 326 Calculdutauxdefragmentation ....................................................................................................... 328 Descriptiongnraledeladistribution ............................................................................................. 328 Descriptiondesclasses...................................................................................................................... 329 Analysedesinterprtationsarchologiquesetconfrontationdesobservationsaumodle ............ 334 Calculdutauxdaltrationcramique .............................................................................................. 336 Descriptiongnraledeladistribution ............................................................................................. 337 Descriptiondesclasses...................................................................................................................... 338 Analysedesinterprtationsarchologiquesetconfrontationdesobservationsaumodle ............ 342 Calculdutauxderedposition .......................................................................................................... 344 Descriptiongnraledeladistribution ............................................................................................. 344 Descriptiondesclasses...................................................................................................................... 346 Analysedesinterprtationsarchologiquesetconfrontationdesobservationsaumodle ............ 349

3.2.2.

Contributiondesrefusdetamis6,3mmlchantillon............................................................... 319

3.2.2.1. 3.2.2.2. 3.2.2.3. 3.2.2.4.

3.2.3.

Fragmentation............................................................................................................................. 328

3.2.3.1. 3.2.3.2. 3.2.3.3. 3.2.3.4.

3.2.4.

Altrationcramique................................................................................................................... 336

3.2.4.1. 3.2.4.2. 3.2.4.3. 3.2.4.4.

3.2.5.

Redposition................................................................................................................................ 344

3.2.5.1. 3.2.5.2. 3.2.5.3. 3.2.5.4.

3.2.6.

Partdesmatriauxbrls ........................................................................................................... 352

6

3.2.6.1. 3.2.6.2. 3.2.6.3. 3.2.6.4.

Calculdutauxdematriauxbrls ................................................................................................... 352 Descriptiongnraledeladistribution ............................................................................................. 352 Descriptiondesclasses...................................................................................................................... 354 Analysedesinterprtationsarchologiquesetconfrontationdesobservationsaumodle ............ 359

3.2.7.

Assemblagesdeconstituantsgrossiers ....................................................................................... 362

3.2.7.1. Niveau4deregroupement ............................................................................................................... 362 Ladistinctionentrelesvnementsetlesprocessus ............................................................................................ 372 3.2.7.2. Niveau3deregroupement ............................................................................................................... 376 Lamarquedutemps............................................................................................................................................... 387

Analysequantitativedesconstituantsdusol(analysegranulomtrique)................................................. 390 3.2.8. Texture ........................................................................................................................................ 3903.2.8.1. 3.2.8.2. Descriptiongnraledeladistribution ............................................................................................. 390 Analysedeladistribution .................................................................................................................. 392 Descriptiongnraledeladistribution ............................................................................................. 395 Descriptiondesfacis........................................................................................................................ 396 Analysedesinterprtationsarchologiques ..................................................................................... 406

3.2.9.

Assemblagesgranulomtriques .................................................................................................. 395

3.2.9.1. 3.2.9.2. 3.2.9.3.

3.3. MISEENPLACEETUTILISATIONDUREFERENTIELFONCTIONNEL....................................................................... 408 3.3.1. Crationdurfrentielfonctionnel ............................................................................................. 4083.3.1.1. 3.3.1.2. 3.3.1.3. 3.3.1.4. 3.3.1.5. 3.3.1.6. 3.3.1.7. 3.3.1.8. 3.3.1.9. Occupationextrieure....................................................................................................................... 409 Occupationintrieure ....................................................................................................................... 413 Construction ...................................................................................................................................... 416 Destruction........................................................................................................................................ 419 Remblaiamnagement ..................................................................................................................... 422 Comblement/remblaililusage .................................................................................................... 426 Naturelanthropis ............................................................................................................................ 430 Naturel............................................................................................................................................... 432 Bilan................................................................................................................................................... 433 Site16................................................................................................................................................ 434 Site64................................................................................................................................................ 442 Site67................................................................................................................................................ 443 Site23................................................................................................................................................ 444

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3.3.2.

Caractrisationdesterresnoiresetautresniveauxindtermins .............................................. 434

3.3.2.1. 3.3.2.2. 3.3.2.3. 3.3.2.4.

3.4. PROCESSUSDEFORMATIONDESSEQUENCESDETERRESNOIRES:ETUDEDETROISSEQUENCESSTRATIGRAPHIQUES ... 446 3.4.1. Site16,SaintJulien/ProsperMrime(Tours) ............................................................................ 4473.4.1.1. 3.4.1.2. 3.4.1.3. 3.4.1.4. 3.4.1.5. Assemblagesdeconstituantsgrossiersauniveau4.......................................................................... 448 Assemblagesdeconstituantsgrossiersauniveau3.......................................................................... 449 Assemblagesgranulomtriques ........................................................................................................ 452 Assemblagescramiques .................................................................................................................. 453 Synthsepourlastratificationprsenteencoupe10....................................................................... 455 Assemblagesdeconstituantsgrossiersauniveau4.......................................................................... 458 Assemblagesdeconstituantsgrossiersauniveau3.......................................................................... 459 Assemblagesgranulomtriques ........................................................................................................ 461 Assemblagescramiques .................................................................................................................. 462 Synthsepourlastratificationprsenteencoupe3......................................................................... 464 Apportsetlimitesdeltudede2005 ............................................................................................... 466 Assemblagesdeconstituantsgrossiersauniveau4.......................................................................... 468 Assemblagesdeconstituantsgrossiersauniveau3.......................................................................... 470 Assemblagesgranulomtriques ........................................................................................................ 472 Synthsepourlastratificationencoupe1 ........................................................................................ 473

3.4.2.

Site67,HpitalClocheville(Tours) .............................................................................................. 458

3.4.2.1. 3.4.2.2. 3.4.2.3. 3.4.2.4. 3.4.2.5.

3.4.3.

Site48,JavolsLasPessosNord2005(Javols).............................................................................. 466

3.4.3.1. 3.4.3.2. 3.4.3.3. 3.4.3.4. 3.4.3.5.

3.5.

BILANDESANALYSES .............................................................................................................................. 475

CONCLUSION............................................................................................................................................. 482 Moyensmisenuvre:acquisition,traitementdesdonnesetperspectives........................................... 483Miseenplaceetdveloppementdesprotocolesdchantillonnage ..................................................................... 483 Validationdeladmarcheetperspectivesmthodologiques ............................................................................... 484

Processusdeformationdusolurbain........................................................................................................ 487 Audeldesterresnoires ..................................................................................................................... 487 Dusolurbainlapratiquedelaville ........................................................................................................ 489

7

BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................................................................... 491 TABLEDESILLUSTRATIONS ........................................................................................................................ 531 Listedesfigures(volumes1et2detexte)................................................................................................. 531 Listedesannexes(volume3dannexes) .................................................................................................... 535

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GlossaireBrickearth : formation naturelle de loess et dalluvions extraite de lenvironnement proche de Londres (localise quelques kilomtres au sud-est du noyau urbain) et importe dans la ville pour la construction de btiments en terre et lamnagement de terrasses, durant lAntiquit et le haut Moyen ge. Chronologie absolue : systme de chronologie qui se rfre des repres absolus, fixes (VIN et al. 1998 : 192) et calendaires (dates ou priodes). Chronologie relative : systme de chronologie () qui considre les lments les uns par rapport aux autres (VIN et al.1998 : 192). Ltablissement de la chronologie relative repose sur le principe daccumulation et dantrio-postriorit. La relation en chronologie relative tablit lordre de dposition des strates les unes par rapport aux autres, sans chronologie absolue*. Par exemple, une couche archologique A est recouverte dun dpt B : A est antrieure B (DEMOULE et al. 2002 : 71). Dpt primaire : couche archologique, dont le mobilier a t rejet in situ, immdiatement aprs son utilisation et non dplac, et tmoigne de lusage particulier de lespace. Selon ce principe, la date de constitution dun dpt primaire est trs proche de la date de production et dutilisation du matriel quelle contient. Ce type de dpt est relativement rare : il sagit le plus souvent des niveaux doccupation intrieure de btiments, niveaux dans lesquels sont incorpors des artfacts relatifs loccupation de la pice concerne. Dpt secondaire : couche archologique qui contient du mobilier dplac depuis son rejet initial et ne tmoignant pas directement de la fonction de lespace. On peut distinguer deux types de dpts secondaires. Le premier regroupe les strates lies fonctionnellement et chronologiquement des dpts primaires et dont la date de constitution est proche de la date dutilisation du mobilier contenu : ainsi, le meilleur exemple est donn par les comblements de fosses-dpotoirs ou les zones dpandage extrieur, dont le mobilier est gnralement issu du balayage de sols et du curage des poubelles du btiment situ proximit. Le second type comprend les dpts dont le matriel na plus de lien ni fonctionnel, ni chronologique avec le contexte dutilisation : le cas le plus illustre est celui des remblais servant lamnagement de lespace, qui contiennent du mobilier redpos en grande quantit et peu ou pas de mobilier contemporain de lactivit de remblaiement. Espace urbanis ancien : superposition en plan des diffrentes zones dextension maximale dune ville prindustrielle (GALINI 1999a : 9-10), soit lespace cumulant les emprises urbaines successives, des origines au 18e s. Fractions fines (ou fines ) : particules infrieures 50m, comprenant les fractions limoneuses et argileuses. Intrusif (intrusion) : terme relatif au mobilier archologique. Un objet intrusif nest pas contemporain du dpt dans lequel il est dcouvert mais appartient une tranche chronologique postrieure : il est intgr une couche archologique plus ancienne gnralement par des activits anthropiques et naturelles qui perturbent la stratification (labours, activit biologique, ) et produisent ainsi un enfouissement des objets. Lintrusion peut tre aussi la consquence derreurs de fouille et de collecte du mobilier : il est important de la distinguer pour viter les erreurs dinterprtation. Redpos/rsiduel (redposition) : terme relatif au mobilier archologique. Un objet redpos nest pas contemporain du dpt dans lequel il est dcouvert mais appartient une tranche chronologique antrieure : il est intgr une couche archologique plus tardive par des activits anthropiques et naturelles qui perturbent la stratification (creusement de fosses, dcaissement, labours, galeries de taupes, ) et produisent ainsi une remonte des objets initialement enfouis. Le mobilier redpos se rencontre particulirement dans les dpts secondaires, o une partie du matriel peut-tre bien antrieure la date de constitution du dpt. Le mot franais rsiduel , synonyme de redpos , est la traduction littrale de langlais residual . Weathering : processus daltrations physiques et chimiques dorigine naturelle, lis principalement aux intempries, qui portent atteinte aux sols et aux stratifications archologiques. Jai choisi dutiliser le terme anglais dans le texte car il nexiste pas dquivalent en langue franaise ; pour plus de dtails, le lecteur peut se rfrer la dfinition prsente dans GOLDBERG, MACPHAIL 2006 : 64-65.

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Introduction

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La connaissance historique de la ville du haut Moyen ge est lorigine fortement emprunte des thories conomiques et culturelles dveloppes dans la seconde moiti du 20e s. et fondes principalement sur les sources crites. Depuis la fin des annes 1970, les tudes de topographie chrtienne ont contribu au renouvellement des connaissances en sattachant davantage aux relations des habitants lespace urbain. Par la continuit topographique, ces tudes ont dmontr la continuit urbaine entre Antiquit classique et haut Moyen ge, pour lEurope continentale. Dans ce contexte, les sources archologiques sont restes muettes ou, plus justement, inaccessibles nos grilles danalyse. Reprsente pour lessentiel par des dpts sdimentaires, communment appels terres noires , la ville du haut Moyen Age, dans sa culture matrielle et dans sa communaut dhabitants, reste encore largement mconnue. Les lacunes des preuves archologiques, labsence de stratification apparente et dlments structurants, ont conduit une sous-estimation de la valeur historique de ces dpts, que les moyens limits mis en uvre pour leur tude lors des fouilles illustrent assez nettement, except sur quelques sites qui font aujourdhui figure dexemples.

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Les premires analyses goarchologiques concernant les terres noires ont t appliques en Angleterre ds le dbut des annes 1980, l o la continuit urbaine ntait pas historiquement atteste et reste, encore aujourdhui, largement dbattue. La considration de ces squences urbaines en France intervient dans les annes 1990, par deux voies distinctes : dune part, par lintermdiaire de naturalistes appartenant au mme rseau que celui des goarchologues britanniques, dautre part, par le dveloppement de larchologie des villes, fruit darchologues-historiens mdivistes attachs ltude de toutes les composantes stratigraphiques, sans slection de priodes ou despaces tudier. Ainsi, sans prjuger de la valeur informative des couches composant lensemble du sol urbain, ces recherches urbaines ont permis de considrer les terres noires comme une archive de lhistoire des villes, au mme titre que dautres sources plus communment utilises.

En France, partir du milieu des annes 1990, la prise en compte de ces dpts comme produits des socits urbaines a donn naissance une problmatique nationale, partant du Nord de la France et gagnant depuis quelques annes ses franges mridionales. Le dveloppement de cette recherche est une initiative de quelques chercheurs, assurs que ces dpts en apparence homognes et discrets taient le rsultat doccupations humaines diversifies et continues, impliquant lchelle de la ville une varit des situations bien plus importante quon le supposait. Les objectifs se sont donc tourns vers la reconnaissance des activits et des comportements sociaux lorigine de ces sdimentations qui, replaces dans lhistoire urbaine, permettent de reconsidrer une partie des connaissances topographiques des villes concernes.

Dans les annes 1990, lincorporation de la question des terres noires urbaines au Groupement dIntrt Scientifique (G.I.S.) Sol Urbain marque la reconnaissance de ces niveaux comme entit

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urbaine et le dveloppement des recherches interdisciplinaires, facilitant la mise en rseau des diffrents acteurs de la recherche et fournissant ainsi des points de comparaison mthodologiques et historiques. Cest en sinsrant dans cet tat de la recherche quun D.E.A., annonciateur de la thse prsente dans les pages suivantes, a t entrepris il y a sept ans. Grce une allocation attribue pendant trois annes par le G.I.S. Sol urbain, cette tude dbute en 2000 se finalise aujourdhui.

Lentre dans le sujet se fit logiquement par le sol, celui des archologues et celui des pdologues, et selon une dmarche ouverte, ncessaire au discours interdisciplinaire. Le choix de lobjet dtude sest port sur les constituants du sol, dont lhistoricit a t dmontre par de nombreuses recherches prhistoriques depuis prs de trente ans. Dans une perspective de reconnaissance des activits passes, les constituants du sol urbain reprsentaient un objet dtude part entire et intgraient une approche encore peu dveloppe en contexte historique, et notamment pour la priode du haut Moyen ge. La fouille de Saint-Julien/Prosper Mrime Tours a t choisie comme site de rfrence, o lessentiel

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du corpus a t recueilli et la plupart des expriences mthodologiques mene. Six autres points de fouille, dont quatre Tours, ont t intgrs au corpus, pour dune part complter le rfrentiel, dautre part appliquer la mthode de caractrisation des dpts dveloppe dans ce travail et ainsi contribuer linterprtation des terres noires sur ces diffrents sites.

Riche des expriences menes par dautres archologues travaillant spcifiquement sur la question des terres noires, ltude sattache donc reconnatre les activits anthropiques lorigine des terres noires urbaines. Dans cette perspective, la thse prsente un double intrt : en premier lieu mthodologique, par lapproche stratigraphique et le pont disciplinaire avec les naturalistes, en second lieu historique, par lexplication dun phnomne urbain mdival, partir du cas de Tours. Deux chelles danalyse sont donc requises : la premire est celle de la couche archologique, plus petite composante chronologique et fonctionnelle du sol urbain ; la seconde concerne lensemble du dpt archologique. ces deux niveaux, lobjectif de la thse concerne la reconnaissance des modalits de formation des stratifications mconnues du Bas-Empire et du haut Moyen ge.

Ce travail sorganise en trois grands chapitres. Le premier est consacr la prsentation de ltat des recherches en archologie urbaine et en goarchologie, qui correspondent aux deux entres historiographiques de ltude portant sur les terres noires. Concernant spcifiquement ces stratifications, une tude bibliographique est ralise pour lAngleterre, lItalie, la Belgique, la France et, enfin, Tours, pour laquelle lvolution topographique est prsente. Cette approche bibliographique permet ainsi de dresser un bilan analytique et mthodologique des connaissances des terres noires et, a fortiori, de la ville, du Bas-Empire au haut Moyen ge. Enfin, un modle de formation lchelle des couches archologiques et lchelle des

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squences urbaines est mis en place pour permettre lanalyse fonctionnelle et contextuelle dveloppe par la suite. Le deuxime chapitre concerne, en premier lieu, les choix dacquisition des donnes, pralables llaboration du corpus de thse. En second lieu, le protocole dacquisition des donnes est prsent par type dchantillonnage, dont la reprsentativit a t teste. En troisime lieu, le corpus de la thse est organis par sites archologiques. Le troisime chapitre porte sur lanalyse des donnes. Deux approches, aux chelles danalyse complmentaires, sont exposes dans ce travail : la premire concerne la mise en place et la validation dun rfrentiel fonctionnel des couches archologiques, destin tre appliqu des dpts indtermins ; la seconde est consacre lanalyse en squence continue de trois stratifications distinctes, permettant dapprhender les processus de formation des terres noires dans la dure. Un bilan analytique et mthodologique de ltude est tabli la fin de ce chapitre.

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1. tat de la recherche, objet dtude et problmatique

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La dmarche adopte dans ce travail sinscrit dans un axe de la recherche urbaine dont lobjectif est de reconnatre les activits humaines lorigine des terres noires urbaines, dans une problmatique historique. Ainsi, la stratification archologique est aujourdhui un tmoin lgitime des activits humaines au mme titre que le sont traditionnellement les objets mobiliers et immobiliers. Ce sont les naturalistes, associs lorigine aux grands chantiers prhistoriques, qui enseignent ce principe ds les annes 1960. Appliques au sol des villes pr-industrielles, et particulirement aux terres noires, les mthodes dveloppes au sein de la nouvelle approche goarchologique permettent de connatre les usages de lespace urbain et les dynamiques de formation du dpt archologique. Un bilan historiographique sur la question urbaine pose par les terres noires doit tre dress. Ltat de la recherche en Angleterre, en Italie, principalement du Nord, en Belgique et en France a pour but de rvler les biais interprtatifs mais aussi les apports scientifiques de ces trente dernires annes, en matire de caractrisation fonctionnelle et de dynamique des dpts. Dans ce cadre historiographique, ltat des connaissances lchelle de la ville de Tours doit tre ralis par lincorporation des terres

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noires dans lapproche topographique traditionnelle. Ltat de la recherche permet ainsi de soulever de nouvelles questions historiques en termes dusage de lespace urbain : les terres noires reprsentent aujourdhui une alternative urbaine dont il est ncessaire de rsumer les principales caractristiques. Dans une approche sdimentaire, la connaissance des modalits de formation de la stratification archologique des villes permet de poser empiriquement les grands principes ncessaires cette tude ; partant des prcdents postulats, la caractrisation fonctionnelle et la connaissance des dynamiques de formation du dpt archologique doivent permettre la comprhension du phnomne des terres noires pour le cas particulier de Tours.

1.1. Lhistoricit du sol archologique : tat des recherches en archologie urbaine et goarchologie1.1.1. Lapproche historique du dpt archologique urbain

De manire gnrale, les premires tudes darchologie urbaine portent sur de grands monuments gallo-romains et mdivaux, spectaculaires et encore visibles ou inscrits dans le paysage urbain contemporain. Il faut attendre la priode daprs-guerre pour voir l'apparition dtudes globales de la ville, qui se substituent aux anciennes recherches, plus thmatiques et ponctuelles : lmergence de larchologie urbaine est contigu aux politiques de rhabilitation, ds le dbut des annes 1960, de nombreux centres urbains dtruits la fin de la Seconde Guerre Mondiale (BARLEY 1977 : VII), dont la reconstruction porte atteinte au sous-sol et entrane un nouveau questionnement dordre patrimonial

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commun toutes les grandes villes europennes 1 (CHAPELOT 1982 ; CARVER 1993 : 12-13). Les archives du sol deviennent un tmoin de lhistoire des villes, au mme titre que les sources crites, planimtriques et iconographiques.

1.1.1.1.

Naissance et dveloppement de larchologie urbaine

Des modles urbains aux spcificits urbaines

Lmergence de larchologie urbaine est une initiative dhistoriens-archologues anglais qui, en 1967, crent un comit de recherche affect la question urbaine au sein de la Society for Medieval Archaeology. Le dveloppement de larchologie urbaine, devenue vritable sous-discipline archologique comme le souligne F. Verhaeghe (VERHAEGHE 1994a : 46), stend rapidement lensemble de lEurope du Nord-Ouest, o les questions de sauvegarde du patrimoine archologique

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sont similaires. La ncessit de nouvelles politiques de sauvegarde et de gestion du patrimoine urbain est mise en exergue au dbut des annes 1970 dans une publication dite par la section urbaine du Council for British Archaeology (HEIGHWAY 1972). Il est dailleurs intressant de noter que limpulsion vient de mdivistes, particularit que lon retrouvera de nombreuses reprises par la suite. Lessor de larchologie urbaine saccompagne dune volution des problmatiques. Comme lexplique H. Steuer dans le cas de lAllemagne transposable la France, les questions des annes 1950 portent sur le dveloppement des villes selon des modles communs de formation urbaine, en considrant quil sagit dentits rpondant aux mmes mcanismes dvolution. Cest dans les annes 1960 que lunicit propre chaque espace urbain se substitue au modle gnral (STEUER 1988 : 9192). On passe alors de la ville des villes, en considrant chacune delles comme un espace

dynamique, avec ses rtractions et ses agrandissements, selon des modalits et des rythmes de formation qui lui sont propres (GALINI 1999a : 7-8). Cette volution des problmatiques, et principalement du modle urbain, est marque par la publication dune premire valuation urbaine individuelle pour la ville de Londres, au dbut des annes 1970 (BIDDLE, HUDSON, HEIGHWAY1973).

Se pose alors, ds lorigine de la problmatique urbaine, la question de la dfinition de la ville. Pour les socits passes europennes, plusieurs archologues proposent la mise en place de critres pertinents et permanents, dfinissant le fait urbain 2 (BIDDLE 1976 : 100-101 ; HEIGHWAY 1972 : 8-9 ;1

En France et en Angleterre, la prise en considration de lrosion des curs urbains (bti et sous-sol) apparat dans les annes 1960 ; en France, la loi Malraux, sur les secteurs sauvegards, date de 1962. 2 Globalement, les critres voqus sont : des dfenses urbaines, la prsence de march(s), dun atelier montaire, un statut juridique, la centralit du lieu, une population leve et agglomre, une conomie diversifie, un plan de rues pr-tabli, une diffrenciation sociale.

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GALINI 1981a : 26 ; CARVER 1993 : 1-3). Chacun de ces critres nest pas obligatoirement mis en

uvre : R. White rappelle que la dfinition de la ville est un concept relatif qui doit tenir compte du contexte politique, social et conomique et propose une dfinition plus souple du fait urbain 3 (WHITE2000 : 107-108). cet gard, on peut galement citer pour les villes mdivales lanalyse de J. Le Goff

concernant limplantation des ordres mendiants partir du 13e s. : le taux de diversification et le nombre de ces installations permet de hirarchiser limportance des villes (LE GOFF 1980b : 234-239). La dmarche typologique, en archologie urbaine comme dans toute science sociale, doit rendre compte du caractre complexe et non linaire de la ville (SANDERS 1999 : 3) : ncessaire la dfinition du fait urbain, lapproche typologique par la culture matrielle est ds lorigine nuance par ses oprateurs, parce quelle ne considre pas les dynamiques urbaines (GALINI 1981a), parce quelle nexamine que les objets et non les ides qui concourent la formation des villes (CARVER 1993 : 3) et parce quelle sest jusque l trop peu attache aux interactions entre lespace urbain et sa communaut dhabitants, donnant naissance la fabrique urbaine , loin des modles prvisionnels (GALINI

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2000 : 80-81 ; NOIZET 2003 : 52). Paradoxalement, on voit lapplication de modles urbains issus de la

gographie et de la sociologie urbaine, notamment lIdal-type wbrien (WEBER 1982). Dans cette dmarche typologique, la volont est de surligner les variantes, sortes dcarts la moyenne, dont H. Galini nous rappellent la problmatique : LIdal-type permet donc de dterminer la singularit dun phnomne ou dun dveloppement en indiquant dans chaque cas particulier quel degr la ralit scarte du modle homogne et irrel. Dans ce sens, cest un instrument de mesure (GALINI1981a : 14). De manire thorique, le rapprochement avec la dmarche modlisatrice de la New

Archaeology anglaise est assez frappant.

La priode, qui stend de la fin des annes 1970 la fin des annes 1990, connat lessor de larchologie urbaine en France : un premier colloque est consacr la question Tours, en 1980 (ARCHOLOGIE URBAINE 1982) ; la mise en place prcoce dunits de recherches, telles que le Laboratoire dArchologie Urbaine de Tours en 1973 ou lUnit dArchologie de Saint-Denis en 1982, marque la spcialisation de la question urbaine dans la recherche franaise, particulirement mdivale ; en 1984, la cration du Centre National dArchologie Urbaine (C.N.A.U.) labellise la spcificit de la question urbaine ; en 1994, un second colloque consacr larchologie urbaine est organis, cette fois-ci centr sur lpoque mdivale (DEMOLON, GALINI, VERHAEGHE 1994). Cette liste, non exhaustive, tmoigne des nouvelles proccupations archologiques des annes 1980, ncessites en grande partie par lessor de larchologie de sauvetage et le renouvellement des connaissances quelle implique ; lobjectif est, dune part, dordre patrimonial (outils daide la

() urban life has the following components : a large and stable concentrated population, often with a market social and economic hierarchy, a diverse economy, which may include rural industry in the towns immediate hinterland ; and evidence for an administration which may provide and curate existing buildings, roads or spaces for public use, and carry out political and religious functions. (WHITE 2000 : 107).

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dcision, connaissance du potentiel/risque archologique) et, dautre part, dordre historique (approfondissement des connaissances topographiques, nouvelles thmatiques).

De larchologie dans la ville larchologie de la ville

Dans cette priode de renouvellement social, o la question des origines et des dynamiques urbaines se pose, larchologie hrite du dveloppement dtudes menes par diffrents acteurs en Sciences Sociales, sociologues, gographes, urbanistes et historiens, qui adoptent des modles semblables destins ordonner la diversit des temps sociaux urbains et leur combinaison (LEPETIT, PUMAIN 1999b : VII). Lobjet dtude est la ville pr-industrielle, perue dans sa globalit : larchologie urbaine nest plus dfinie comme larchologie dans la ville mais larchologie de la ville. Les tudes doivent porter la fois sur ses aspects physiques, faisant merger des zones dactivit, et sur sa communaut dhabitants, marquant des types dactivit. Cest notamment la

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dmarche, matrielle et topographique, dfendue par M.O.H. Carver (CARVER 1993). Lapproche spatiale (variabilit horizontale) est alors corrle la question chronologique (variabilit verticale) : les activits humaines, replaces dans des pas de temps variables, processus ou vnements, tmoignent des dynamiques urbaines. M. Biddle explique que larchologie urbaine sattache prioritairement aux investigations et comprhensions du phnomne urbain au travers dune tude diachronique, sans choix chronologique, et au travers dune tude concernant lensemble de la population, sans prfrence sociale (BIDDLE1982 : 51). Larchologie de la ville soppose donc larchologie dans la ville (DEMOLON, LOUIS 1994 : 47), perue comme un ensemble doprations ponctuelles dont les objectifs, limits, ne

sattachent pas systmatiquement la connaissance de la ville et de sa communaut dhabitants (GALINI 1979 : 6-10). partir des annes 1980, larchologie urbaine prne le dveloppement dune relle politique de sauvetage et denregistrement de ses sources, les archives du sol : dans ce contexte militant, deux axes interdpendants sont dvelopps, lvaluation et la caractrisation du dpt archologique, remplaant ainsi progressivement lapproche topographique traditionnelle (GALINI 2003 : 454), et se dveloppant en parallle de laccroissement des applications informatiques. Lanalyse urbaine doit tre diachronique et concerner lensemble de la culture matrielle, btie, mobilire et sdimentaire. Dans les annes 1990 et 2000, le principe dvelopp par des archologues comme M. Biddle et M. Carver est encore globalement inappliqu. Pour exemple, les oprations archologiques, par la tradition ou par la pratique, font encore aujourdhui la distinction entre substrat urbain (GUILLERME, BARLES 1999) et bti en lvation. Cest la frontire du bitume (ARLAUD, BURNOUF 1993 : 5). Llan militant pour la prise en compte du bti urbain mdival, il y a une quinzaine dannes (ARLAUD, BURNOUF 1993 ; GARMY 1994), concide avec celui de lautre parent pauvre de larchologie urbaine, les terres noires .

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Un retour aux modles urbains ?

La recherche urbaine actuelle, dont il reste difficile de dresser un bilan, renouvelle la question du modle urbain par lapplication de loutil informatique spatial et la considration de lespace comme objet dtude des relations habitants-ville (GALINI 1999b) : laccroissement des connaissances topographiques, par le dveloppement de larchologie prventive, permet un retour aux modles de formation des villes pr-industrielles. Pour exemple, l Atelier chrono-chormatique du C.N.A.U., cr en 2001, a pour objectif llaboration dune approche modlisatrice de la forme des villes et de leur volution et, terme, la conception de modles prdictifs en vue de la gestion prventive du patrimoine archologique (BOISSAVIT-CAMUS et al. 2005 : 67). Dvelopps lorigine par les gographes, les chrono-chormes rendent directement compte des volutions, () modlisent des scnarios (DUFA 2002 : 37). Dans le prolongement des principes mis en place dans lAtelier du C.N.A.U., la premire application des principes chormatiques aux objets archologiques est ralise

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en 2001 pour quatre bourgs des Yvelines, par B. Dufa (DUFA 2002). Ainsi, larchologie urbaine actuelle renouvelle lapproche typologique, dans une vise de modlisation spatiale et chronologique. Elle dresse aussi le bilan des connaissances tabli par ville et dans lequel larchologie prventive tient une place importante, aprs plus dune quarantaine dannes doprations archologiques dans certains cas, comme en tmoignent lorganisation dexpositions depuis la fin des annes 1990 4. La cration de Programmes Collectifs de Recherche permet galement la mise en commun des donnes des diffrents acteurs de larchologie concernant soit lhistoire dune ville, soit une priode ou un aspect du fait urbain on peut citer notamment les P.C.R. Archologie des enceintes urbaines et leurs abords en Lorraine et en Alsace (11e-15e s.) , Atlas de la ville antique dAugustonemetum , Cartographie de lespace parisien (CERRUTI 2006 : 9-15) ou encore Villes du Nord de la Gaule (HANOUNE 2007). Depuis le dbut des annes 2000, plusieurs travaux universitaires portent sur la connaissance de la fabrique urbaine laide de loutil informatique, sur le modle des D.E.P.A.V.F. 5 et au-del de llaboration dun atlas, lchelle dun rseau urbain comme celui de la Champagne mridionale au Moyen ge (HUEDA-TANABE 2006).

1.1.1.2.

Lvaluation du dpt archologique urbain

Ds le dbut des annes 1980, en France, des archologues prnent une approche commune et comparative du phnomne urbain (CHAPELOT 1982 ; GALINI 1982). Cette nouvelle dmarche se

On peut lister, sans prtention exhaustive, les catalogues dexposition qui concernent les villes de Douai (LOUIS 1997 ; DEMOLON 1999), de Paris (FLEURY, LEPROUX 1999), de Strasbourg (BAUDOUX et al. 2000), de Blois (BLOIS 2000), de Narbonne (NARBONNE 2000) et, trs rcemment, de Tours (GALINI et al. sous presse).5

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Documents dvaluation du Patrimoine Archologique des Villes de France (C.N.A.U.).

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traduit par le dveloppement de projets dvaluation darchologie urbaine, appliqus dabord en Grande-Bretagne, puis tendus au reste de lEurope du Nord-Ouest. Deux types dvaluation se mettent en place : dune part, les valuations globales, qui font linventaire des villes historiques et de leur statut, dautre part, les valuations individuelles, qui font ltat des connaissances dune ville un moment donn. La premire valuation individuelle concerne la ville de Londres et a pour but la mise en place dune stratgie dintervention archologique, intgrant la gestion du potentiel archologique (BIDDLE, HUDSON, HEIGHWAY 1973). Sur le mme modle, louvrage Les Archives du sol est publi en 1979 pour la ville de Tours (GALINI, RANDOIN1979). La formule est reprise quelques annes plus tard pour la cration de la collection des

D.E.P.A.V.F., dite par le C.N.A.U. Lapproche est quantitative, par la mesure de lpaisseur du dpt archologique urbain, et qualitative, par lestimation de son tat de conservation et de sa complexit (CARVER 1983). Actuellement, une partie des valuations archologiques en milieu urbain a pour objectif de caractriser plus finement la stratification urbaine, par lapplication de mthodes

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plus ou moins destructrices, gophysiques et gotechniques, du sous-sol. Pour la ville de Tours, une thse a t engage par A. Laurent en 2003 sur l'valuation de l'paisseur du dpt archologique et sa caractrisation en composantes socio-historiques 6 (LAURENT 2003).

Ltude engage ici sinscrit dans le second axe de la recherche urbaine, la caractrisation du dpt archologique, plus largement dvelopp ci-dessous.

1.1.1.3.

La caractrisation du dpt archologique des villes : lapproche

stratigraphique et typologique

Le modle stratigraphique, emprunt aux gologues et aux prhistoriens, est un outil dont la porte est considrable pour la comprhension des usages passs et de leur succession. Cest aussi un outil simple qui stend rapidement larchologie historique anglo-saxonne. Fonde sur le principe de superposition des strates gologiques mis en place par le danois Nicolas Stnon, au 17e s. (HARRIS1989 : 1-2), et applique sur les sites prhistoriques depuis le 19e s., lapproche stratigraphique marque

la considration du sol des villes comme source historique, qui ne se dveloppe en France quau dbut des annes 1970, dans la ligne des tudes urbaines britanniques (STEIN 1987 : 344-345 ; DESACHY2005 : 15). Trente ans plus tard, lensemble de larchologie franaise, quelque soit son objet dtude,

applique lenregistrement stratigraphique. Devenue norme mthodologique de larchologie urbaine, lapproche stratigraphique a permis non seulement la conservation de la lecture verticale (chronologie), telle quon la pratiquait traditionnellement partir des coupes disposition, mais aussi6

Bien quutilisant des outils et des chelles danalyse distincts, nos deux tudes ont pour objet commun la connaissance de la ville ; le lecteur aura loccasion dobserver, plusieurs reprises dans ce texte, les liens qui unissent nos deux travaux.

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lapparition de la lecture horizontale des sites, par la considration accentue de lorganisation interne des gisements archologiques (DESACHY 2005 : 3).

Le modle stratigraphique anglo-saxon

En Archologie historique, le nom de langlo-saxon Harris est fortement associ la dmarche stratigraphique devenue systmatique sur les chantiers franais dans le courant des annes 1980 7. Cependant, ds les annes 1930, M. Wheeler, et aprs lui K. Kenyon, ont dj entrepris la systmatisation de lenregistrement des stratifications anthropiques, ce que E.C. Harris appelle les mthodes stratigraphiques modernes dont il se revendique hritier (HARRIS 1992 : 88) : le changement de paradigme vient dune considration nouvelle des sdimentations archologiques comme sources historiques et non plus seulement comme la gangue renfermant les objets et structures : Wheeler conoit pleinement le terrain comme une accumulation sdimentaire

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dchiffrer, et non comme un gisement dobjets mobiliers et architecturaux dgager (DESACHY2005 : 22-23).

Le principe stratigraphique de Harris sinspire des procdures dtudes de dpts complexes urbains fouills dans le courant des annes 1960 en Angleterre, en particulier Winchester de 1961 1973, au sein de la Winchester Research Unit, sous la direction de M. Biddle (RUIZ DE ARBULOBAYONA 1992 : 60 ; CARVER 1987 : 105). La procdure de fouille adopte Winchester, reprise par

ailleurs chez P. Barker qui publie un ouvrage mthodologique de rfrence (BARKER 1977), consiste fouiller en open area : cette nouvelle mthode de fouille en aire ouverte soppose la celle de Wheeler qui prconise le maintien de coupes tout au long du chantier, sous forme de banquettes fixes. La procdure de Wheeler favorise la lecture verticale de la stratification alors que lopen area donne une grande importance la lecture horizontale (BOARD 1975 : 206), et introduit donc une troisime dimension dans la perception de la stratification (DESACHY 2005 : 28).

En 1979, E.C. Harris publie les fondements du principe stratigraphique utilis Winchester et la procdure dlaboration du diagramme stratigraphique, Harris Matrix, formalisation schmatique de la stratification quil met en place ds 1973 (HARRIS 1989 ; HARRIS 1992 : 92). Limpact mthodologique de louvrage de Harris est grand, non seulement par la cration du diagramme stratigraphique mais surtout par la considration des dpts archologiques quil induit. La stratigraphie harrissienne marque un changement de paradigme (). Harris considre dabord le rle de lHomme comme agent de transformation du relief, crateur de bassins sdimentaires artificiels, par rosion (fosses, fosss ) et construction (murs, parois) (DESACHY 2005 : 30). Le principe, cr pour Winchester, est rapidement utilis Londres et York ds le milieu des annes 1970, et gagne7

Le lecteur peut se rfrer au bilan historiographique trs complet sur le sujet stratigraphique, tabli par B. Desachy (DESACHY 2005 : 5-43).

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lEurope Continentale (Italie, France, Pologne, ) et lAmrique du Nord dans le courant des annes 1980 (HARRIS 1992 : 94-98). Il nest toutefois pas le seul proposer un systme de classification stratigraphique. J.K. Stein rappelle que plusieurs modles, hrits des applications prhistoriennes, sont tablis dans le courant des annes 1970 et 1980 : leurs modles diffrent par la prfrence de certains caractres dautres dans la distinction des strates les proprits physiques des couches (H. Gasche, O. Tunca, F.G. Fedele), les modes de dposition (J.K. Stein, G. Rapp, E.C. Harris) ou encore les constituants (M.B. Schiffer) (STEIN 1987 : 347-350).

Alors que la stratigraphie est lorigine applique des contextes prhistoriques et protohistoriques, son dveloppement partir des annes 1960 est fortement dpendant de lessor de larchologie urbaine, en Grande-Bretagne puis en Europe Continentale. Laccent est mis principalement sur la considration de la chronologie relative* entre les diffrentes strates du site et

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lintroduction de la dimension horizontale, fournissant limage la plus entire de la complexit et de lunicit des stratifications urbaines (HARRIS 1992 : 100). Le modle de Harris introduit galement un phnomne important, mais sous-estim, de la formation des stratifications : lenregistrement des interfaces, qui sparent les strates, permet de distinguer les phases de construction et de sdimentation (apports, supports sdimentaires ou construits) des phases doccupation (peu dapports, mais modification du substrat archologique). Cette nouvelle considration, quil nest dailleurs pas le seul prner, modifie considrablement les connaissances des mcanismes de formation des stratifications, par la prise en compte dactivits immatrielles (quil value 50% de lenregistrement) au mme niveau darchivage que les vestiges matriels, construits et sdimentaires.

Limportation du modle stratigraphique en France

Limportation en France du modle stratigraphique anglo-saxon seffectue ds la fin des annes 1960, et principalement dans le courant des annes 1970, dans le cadre de programmes de fouilles et dtudes archologiques urbaines. Llan, comme le souligne B. Desachy, est principalement le fruit de mdivistes forms pour certains au contact des archologues-historiens anglo-saxons. Le principal changement, en tous cas lorsquil commence tre appliqu sur des sites franais antiques et mdivaux, rside dans la considration de la stratification archologique : lapproche stratigraphique amne la prise en compte de toutes les composantes du sol archologique, les units stratigraphiques ( enregistrement systmatique ), quel que soit leur caractre structurant et explicatif du site (GALINI 1980 : 72-74), se substituant progressivement lapproche simplificatrice traditionnelle ( enregistrement interprtatif ). Cette dmarche se veut la plus objective possible, interdisant thoriquement les prjugs fonctionnels et chronologiques. On le verra dans la suite du propos, cette objectivit est illusoire (GARDIN 1979 : 50-51 ; FERDIRE 1980 : 34).

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Entre autres, on peut citer quelques villes concernes par ces nouvelles procdures : - Tours, o la procdure de fouille et denregistrement de Winchester est applique ds 1969, puis dveloppe au sein du Laboratoire dArchologie Urbaine ( L.A.U.) partir de 1973 (GALINI 1976b : 19-25 ; GALINI 1977a : 10-15 ; GALINI 1977b : 9-15), - Saint-Denis partir de 1973, avec lapplication de la fouille en aire ouverte, de lenregistrement stratigraphique par contextes , ou couches archologiques, et de larchivage des donnes stratigraphiques et mobilires (MEYER, MEYER, BOURGEAU,COXALL 1980 : 276-279 ; 295-296),

- Paris, principalement sur les fouilles du Grand Louvre, de 1983 1990 (Cour Napolon, Cour Carre, Jardins du Carrousel) dont la dernire opration sinspire, par ailleurs, des mthodes de traitement de la documentation archologique dveloppes par P. Barker, sur le modle de la fouille de S. Frere Verulamium (VAN OSSEL 1998 : 19-20),

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- Lattes, o lU.F.R.A.L. a utilis ds 1984 le principe de fouille et denregistrement de Winchester (BATS et al. 1986), test ds 1982 sur les fouilles urbaines de Nmes (C.-A. de Chazelles, P. Poupet), et donnant naissance Syslat en 1988 (PY 1997).

partir du dbut des annes 1980, lapplication de loutil stratigraphique stend dautres villes, ou, plus justement, dautres quipes ; en parallle, lessor de loutil informatique permet de nouvelles formes darchivage, de gestion et dorganisation des donnes archologiques (DESACHY 2005 : 35). De ces proccupations mthodologiques tmoignent trois publications dites dans la collection tudes et Documents du C.N.A.U. (mission Formation ), sur la base de sminaires tenus la fin des annes 1980 : en 1985, les questions portent sur linformation des donnes sdimentaires, mobilires et immobilires (RANDOIN 1986) ; lanne suivante, les expriences stratigraphiques menes Tours, Lattes, Saint-Denis, Paris, Lyon, Bordeaux ou encore Metz, livrent diffrentes modalits denregistrement et de choix des critres stratigraphiques discriminants ainsi quun premier bilan mthodologique (RANDOIN 1987) ; en 1987, le thme est centr sur ltude des comblements des fosss en milieu urbain mais aborde, outre la question des tudes goarchologiques appliques ce type de contexte, le thme de lenregistrement et du traitement stratigraphiques (RANDOIN, SEGURA1988).

Depuis les annes 1990, le dveloppement de larchologie prventive comme principal acteur des oprations en milieu urbain saccompagne de la systmatisation de lapproche stratigraphique ; par ailleurs, lessor de linformatisation des donnes entrane alors la standardisation de lenregistrement dont tmoigne les expriences menes sur le chantier du mtro de Lyon partir de 1984 (BURNOUF1994), Syslat dvelopp par lquipe de Lattes (PY 1997) ou encore ArSol, dvelopp par le L.A.T.

(ZADORA-RIO 1994 ; GALINI et al. 2005), et quintgre la base de donnes BaDoSU prsente dans

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ce travail (cf. 2.1.3.). Dans ce contexte, il faut galement mentionner la cration dun programme permettant la fabrication de diagrammes stratigraphiques, dbute en 1989 par B. Desachy et F. Djindjian (DESACHY, DJINDJIAN 1990), dont lapplication informatique a t finalise en 2005, dans le cadre dun D.E.A. (DESACHY 2005).

Le principe stratigraphique

Une fois teste et valide par ces quipes de recherches, la dmarche stratigraphique stend donc trs rapidement lensemble de la France, en moins dune dizaine dannes. La raison de ce succs tient la systmatisation de lenregistrement, quelle que soit la dcouverte. La stratigraphie est donc particulirement bien adapte aux stratifications urbaines, dont il faut traduire la complexit et que seule une mthode systmatique autorise.

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Lapproche stratigraphique permet donc de fournir deux principales caractristiques ncessaires la comprhension du sol urbain : - le type doccupation, par linterprtation fonctionnelle de chaque strate. La caractrisation fonctionnelle repose sur une grille descriptive prsentant une srie de critres communs la plupart des chantiers, comme la nature et la frquence des constituants (artfacts et cofacts), la nature sdimentaire, la couleur et lpaisseur du dpt, ses relations latrales et chronologiques avec les autres U.S. et les structures qui lenvironnent. La corrlation des diffrentes variables enregistres doit permettre de caractriser lusage du dpt mis au jour, en choisissant une des modalits au sein de la typologie fonctionnelle communment utilise en archologie : les couches de construction, les couches de destruction, les couches de remblai, les couches doccupation intrieure, les couches doccupation extrieure, les couches dabandon, terrain naturel, les units construites et les units de creusement ou drosion (GALINI 1977a ; RANDOIN 1987 : 76 ; FERDIRE1980 : 30-32). Le tableau suivant (Figure 1) prsente la liste des six types stratigraphiques

appliqus Tours depuis les annes 1970 (GALINI 1976b : 20-21 ; RANDOIN 1987), dont la thse prsente ici sest largement inspire pour constituer la typologie fonctionnelle.Types stratigraphiques couches de construction couches d'occupation couches de destruction couches d'abandon couches de remblai terrain naturel

Figure 1-Typologie stratigraphique traditionnelle.

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Parmi les nombreuses fiches denregistrement cres par les diffrentes quipes de fouille, celle applique sur le site de llot Tramassac Lyon est mon sens trs efficace (MANDY 1987 : figure 14), car elle permet dinterprter fonctionnellement le dpt simplement en consultant lenregistrement ; - le temps, par ltablissement de la chronologie relative, base sur le principe dantriopostriorit (DEMOULE et al. 2002 : figure 2.10, page 71). Relater la succession des diffrentes occupations qui se sont droules sur un site reprsente lun des objectifs majeurs de larchologie. Chaque strate doit tre replace dans le contexte chronologique gnral de la stratification, permettant de restituer les processus de formation du site archologique. Lintroduction, a posteriori, de la chronologie absolue* permet de replacer ces occupations dans lhistoire urbaine et dapprhender des dures dutilisation des dpts.

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Pour conclure sur ce point, il est important de rappeler les trois niveaux qui correspondent aussi aux trois temps dvolution de la problmatique de valeur du sol urbain : - la valeur strictement sdimentaire, signifiant que le sol est le contenant des objets et des structures archologiques ; de ses caractristiques sdimentaires va donc dpendre la conservation des artfacts enfouis (taphonomie), - la valeur chronologique, localisant dans le temps les objets et les structures dcouvertes (chronologie relative), - la valeur scientifique, qui confre au sol un potentiel informatif bien plus important quauparavant : la stratification archologique est une source de lhistoire des villes ; elle informe sur les modes de formation des sites archologiques et sert caractriser lusage de lespace par les habitants (objet dtude).

En France, partir des annes 1990, le questionnement relatif aux terres noires urbaines a permis de renouveler les mthodes analytiques et lapproche fonctionnelle, traditionnellement appliques au dpt archologique urbain, dans le cadre de lapproche stratigraphique. Elles sont le principal moteur, depuis une quinzaine dannes, de nouvelles manires de caractriser la stratification, unissant approche traditionnelle archologique et dmarche goarchologique, sur le modle des tudes prhistoriques.

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1.1.2.

Hritage mthodologique de la Goarchologie

Lensemble des goarchologues insistent sur la ncessit dtudier les sdimentations anthropiques , principaux tmoins des activits humaines et des conditions environnementales dans lesquelles elles se sont dveloppes, et pourtant si peu considrs dans lArchologie traditionnelle.

La prise en compte du sol comme source de lhistoire des socits passes est effective ds le 19 s., sur les grands chantiers prhistoriques, l o lintervention de gographes et de gologues est rendue ncessaire par la nature presque exclusivement sdimentaire des vestiges archologiques (PYDDOKE 1961). Les dbuts de la Goarchologie se droulent donc en contexte prhistorique, dans une approche anthropologique, qui inclut non seulement ltude des relations que les occupants ont entretenu avec leur environnement, par lexamen de limpact humain sur son milieu, mais aussi ltude des activits humaines lchelle des sites, par lanalyse de mcanismes comportementaux ete

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socitaux. Llan est principalement anglo-saxon et simpose dans larchologie historique franaise partir des annes 1980, sous limpulsion darchologues mdivistes. Au dpart qualifie techniquement d archomtrie , la goarchologie se dveloppe progressivement lensemble de la recherche franaise dans les deux dcennies suivantes (BERTHOUD 1980 : 142-144 ; BOARD 1982).

1.1.2.1.

Naissance et dveloppement de la Goarchologie anglo-saxonne et

franaise

On entend par Goarchologie lapplication des principes et des mthodes issues des Sciences de la Terre et de la Nature aux contextes archologiques, dans une problmatique historique. Sans relater une nouvelle fois le dveloppement de la Goarchologie en France, largement synthtis dans un article de 2000 (BERGER, BROCHIER, BRAVARD 2000), il semble toutefois important de rappeler que les premires tudes entreprises sur les sdiments archologiques sont linitiative des prhistoriens et de gologues quaternaristes, principalement ds les annes 1960. Les premiers objectifs portent sur la connaissance des paloclimats et ltablissement des cadres chronostratigraphiques des sites prhistoriques. La dmarche goarchologique, avec les progrs de lcologie et lintrt pouss pour lenvironnement, souvre aux relations Homme-Milieu, cest--dire aux modalits danthropisation des paysages 8. On peut aussi mentionner lintroduction de M. de Bourd son Manuel darchologie mdivale, dans laquelle il voque la ncessit de8

On peut citer ici louvrage gnral de K. W. Butzer, rdit de nombreuses reprises depuis sa premire parution, auquel il a donn le titre : Archaeology as Human Ecology. Il sinscrit dans la dmarche contextuelle et systmique anglo-saxonne (BUTZER 1982 : 7-8).

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linterdisciplinarit entre archologues et naturalistes, pdologues, gophysiciens ou encore zoologues ; rappelons que louvrage est publi en 1975 (BOARD 1975 : 16-17).

Ds les annes 1960, ces tudes sinscrivent dans le cadre de la New Archaeology, courant de recherche radicalement diffrent de lArchologie dite traditionnelle qui le prcde. Llan est amricain, britannique et scandinave (VAN DER LEEUW 1995 : 12). La New Archaeology, quelle soit processualiste ou post-processualiste, dfend une nouvelle position de lArchologie parmi les Sciences historiques : tous les aspects des systmes socio-culturels sont accessibles par larchologie, par ladoption dun mode de raisonnement hypothtico-dductif (CLEUZIOU 1988b : 748) fond sur des modles sociaux, valids par la dmarche ethnographique (BINFORD 1962) et appliqus aux vestiges archologiques ( material culture ). Cette nouvelle approche, qui recouvre en ralit de multiples courants, dveloppe la reconnaissance de mcanismes gnraux, de processus, supposs agir au sein de chaque systme culturel et social,

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comme les lois biologiques, physiques et chimiques au sein de la Nature, tel quil est opr dans lapproche systmique dveloppe par L.R. Binford ou encore dans la Behavorial Archaeology de M.B. Schiffer (SCHIFFER 1983 : 675-676).

Larchologie franaise est reste frileuse au regard des diffrents courants thoriques dvelopps par les anglo-saxons (COUDART 1998), et par certains archologues franais (GARDIN 1979 ; GALLAY1986), except chez les prhistoriens o lapproche structuraliste et plus empirique (mode de

raisonnement inductif) de A. Leroi-Gourhan marque encore profondment la recherche actuelle (AUDOUZE 1988 ; JULIEN, KARLIN ET BODU 1988 ; AUDOUZE 2001). J.-P. Gardin explique galement que de nombreux travaux antrieurs au courant processualiste ont dj intgr, sans vritablement le revendiquer, une approche systmique visant reconnatre les processus des changements culturels (GARDIN 1979 : 172-174). Ce constat peut expliquer en partie le retard du dveloppement des tudes goarchologiques en France. Pour exemple, lassociation de la Pdologie lArchologie dbute prcocement, sous limpulsion de N. Fedoroff, des chelles microscopiques, mais la collaboration entre les deux sciences ne sinstalle vritablement que dans les annes 1970 (BERGER, BROCHIER, BRAVARD 2000 :39). Le mme constat vaut pour la Palynologie, dont les principes sont appliqus ds les annes 1960

aux vestiges archologiques, linitiative de A. Leroi-Gourhan (RICHARD 1999 : 9-11), mais son dveloppement nest effectif que dans la dcennie suivante. La France nhrite donc pas directement de la New Archaeology, du moins dans sa forme idologique, quoique dans sa dmarche elle se rapproprie quelques grands traits du mouvement archologique anglo-saxon (BOARD 1982 : 7-8), dont certains nous intressent spcifiquement ici : - la cration de modles,

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- la considration de la stratification archologique comme source de lhistoire des socits passes, - lapplication de Sciences de la Terre et de la Nature, quon connat sous le nom de Goarchologie .

Restreinte lorigine aux Sciences de la Terre, la Goarchologie stend progressivement lensemble des applications naturalistes. De nombreuses publications anglo-saxonnes, plus ou moins rcentes, sattachent ainsi prsenter les diffrents champs dapplication qui stendent de la gophysique la carpologie. On peut citer notamment louvrage Geoarchaeology. Earth Science and the Past, recueil darticles (DAVIDSON, SCHACKLEY 1976), le guide publi par E.G. Garrison, Techniques in Archaeological Geology (GARRISON 2003), ou encore le plus rcent, Practical and Theorical Geoarchaeology (GOLDBERG, MACPHAIL 2006). Dautres ouvrages plus spcialiss centrent le propos sur une mthode dinvestigation particulire, par exemple la micromorphologie

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(FRENCH 2003) ou plus gnralement la Pdologie (HOLLIDAY 1992 ; RETALLACK 2001). En France, les ouvrages gnraux concernant la Goarchologie, tout comme lArchologie dailleurs, restent rares : le plus rcent, ma connaissance, est celui dit dans la collection Archologiques (BRAVARD et al. 1999).

Depuis les annes 1980, le dveloppement de la Goarchologie saccompagne dune spcialisation des problmatiques, dj observable dans la dcennie qui prcde. Deux grands axes de recherche y sont dvelopps, lun plutt centr sur la restitution environnementale, lautre tourn vers les activits humaines (BERGER, BROCHIER, BRAVARD 2000), quoique dans les deux cas lacquisition des donnes se fasse toujours lchelle du site. Ils se distinguent par leur problmatique, lchelle danalyse requise et, parfois, le choix des outils analytiques. Cette sparation, relativement peu flagrante au dbut, samplifie mesure que la Goarchologie se dveloppe et aboutit, partir des annes 1980 dans les pays anglo-saxons et des annes 1990 en Europe occidentale, la double spcialisation que nous connaissons aujourdhui, la Goarchologie environnementale dun ct et la Goarchologie intra-site ou Goarchologie des sdimentations anthropiques de lautre (GOLDBERG, MACPHAIL 2006 : 2).

1.1.2.2.

Goarchologie environnementale en France

Il nest pas question daborder ici les tudes et publications anglo-saxonnes, dont nous venons de voir par ailleurs quelques exemple. La prsentation suivante est volontairement restreinte aux grands programmes de recherche franais. Une approche plus complte de la bibliographie anglo-saxonne et

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franaise sera effectue dans la partie suivante (cf. 1.1.2.3.), concernant lapproche particulire intrasite dans laquelle la thse prsente sintgre plus directement.

Une grande partie des recherches goarchologiques est centre sur ltude de limpact anthropique sur le milieu et la restitution des palo-environnements. Ce volet concerne les relations Homme-Milieu diffrentes chelles, de celle du site (PY 1989 ;DUBANT 1993b ; VAN OSSEL 1998 : 28-39) celle de lenvironnement sdimentaire, comme les

bassins versants des fleuves (BERGER et al. 1997 ; BRAVARD, PRESTREAU 1997 ; BURNOUF 1997).

Les grands programmes interdisciplinaires engags depuis les annes 1990 en France hritent ainsi de la dmarche systmique et modlisatrice anglo-amricaine : parmi eux, on peut citer le programme Archaeomedes dans la valle du Rhne (VAN DER LEEUW, FAVORY, FICHES 2003), le programme Loire au sein de la Zone Atelier Loire (CARCAUD, GARCIN 2001 ; BURNOUF, CARCAUD, GARCIN

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2003), le programme interdisciplinaire men en Limagne (TRMENT et al. 2004) ou encore lAtlas

Berry (BATARDY, BUCHSENSCHUTZ, DUMASY 2001). Pour lensemble de ces programmes, quils concernent un environnement sdimentaire ou un territoire socio-historique, recherches

interdisciplinaires et traitement spatial des donnes sont troitement corrls. Les annes 1990 voient donc la tenue de nombreux colloques prsentant lapplication de la Goarchologie en France, orients sur la question des relations Homme-Milieu. Ils tmoignent du dveloppement important de cette approche dans le cadre des grandes oprations darchologie prventive (par exemple, le trac du T.G.V. Mditerrane) ou de grands programmes de recherche universitaires (VAN DER LEEUW 1995 ; BURNOUF, BRAVARD, CHOUQUER 1997 ; BRAVARD,PRESTREAU 1997).

Dans la problmatique de caractrisation de la stratification archologique que sest fix mon travail, le propos est centr principalement sur la seconde approche goarchologique, o lchelle danalyse est celle du site. Toutefois, il nest pas inutile de rappeler que les applications de la Goarchologie environnementale, dont je viens de prsenter le cadre historiographique gnral, restent la base mthodologique de tout travail portant sur les stratifications archologiques.

1.1.2.3.

Goarchologie des sdimentations anthropiques

Il faut demble noter que la bibliographie relative ce thme est principalement anglo-saxonne (ouvrages gnraux, actes de colloques) et que, dans le cas dexemples franais, il sagit pour lessentiel de contextes prhistoriques. Cependant, on note quelques rares applications aux stratifications historiques, qui font figure de rfrence.

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Lhritage anglo-saxon : application aux contextes prhistoriques

Depuis les annes 1980, de nombreux colloques, toujours principalement linitiative des prhistoriens, ont port sur la mise en place de la Geological archaeology, centre davantage sur les gisements archologiques et dans une problmatique de restitution des dynamiques de formation des sites. Larchologue amricain M.B. Schiffer est lun des premiers proposer un modle de formation des stratifications archologiques, ds les annes 1970, corrlant phnomnes naturels (N-Transforms) et phnomnes culturels (C-Transforms), dont il publie une synthse la fin des annes 1980 (SCHIFFER 1987). Son ouvrage thorique labore une grille danalyse des stratifications, permettant de restituer non seulement les tapes de sdimentation mais aussi de transformation des dpts : son approche vise restituer les gestes et les comportements sociaux lorigine de la culture matrielle, dans une dmarche appele larchologie comportementale (CLEUZIOU 1988a). Les recherches anglo-

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saxonnes sont fortement empruntes de lapproche anthropologique dveloppe en Prhistoire, caractrise par la volont de valider les observations sur les socits passes par des tudes de populations contemporaines (RATHJE 1980 : 251-259). Sur ce principe, les mounds dAmrique du Nord (STEIN 1988 : 9-12), les tells du Proche-Orient (ROSEN 1986 ; ROSEN 1989 ; DAVIDSON 1976) particulirement proches des sols urbains historiques, dans leurs modalits de formation mais aussi les grottes et abris sous roches europens (FARRAND 1988), deviennent les lieux dapplication de cette approche interdisciplinaire, dont les objectifs sont multiples 9. Il sagit de : - distinguer lorigine naturelle de lorigine anthropique ( culturelle ) de la stratification, - caractriser la nature de loccupation humaine, - tablir la chronologie relative, sur le principe stratigraphique, - analyser les processus de formation des sites (dures et changements daffectation des usages).

Ainsi, ltude des stratifications passe par lidentification de mcanismes sociaux et naturels qui concourent sa formation (HARRIS 1989 : 43-46) et regroups sous le nom de site formation processes . Pour comprendre lhistoire complte des gisements archologiques, la dmarche introduit la reconnaissance des diffrentes tapes de formation de chacune des couches qui les composent, en distinguant la dposition des matriaux (sdimentation) de leur transformation aprs dposition ou enfouissement. Les auteurs prsentent gnralement diffrents types de sdimentation, pour lesquels les agents de transport sont naturels : des apports alluviaux, des dpts de pente, des apports oliens, des9

Sur ce point, le lecteur peut se rfrer aux ouvrages de rfrence : STEIN, FARRAND 1988 ; GOLDBERG, NASH, PETRAGLIA

1993, et au chapitre 10 du manuel : GOLDBERG, MACPHAIL 2006.

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sdimentations chimiques (en contexte de grotte) ; parmi les sdimentations anthropiques, les exemples rencontrs en contexte prhistorique sont