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Le travail est au cœur de la vie économique et sociale. Il est source d’intégration mais également de conflits. Le mouvement ouvrier s’est construit sur le conflit majeur qui a opposé les travailleurs au patronat. Par exemple : En 1936, les ouvriers obtiennent deux semaines de congés payés et la réduction hebdomadaire du temps de travail grâce à leur mobilisation. Or depuis les années 1970, d’autres mouvements sociaux apparaissent portant plus sur des problèmes sociétaux. Par exemple : Le mouvement des sans papiers (1996), les personnes sans papiers organisés en collectif mènent des actions pour obtenir une régularisation de leur situation. Cependant les conflits du travail sont toujours là, mais ils sont plus complexes et prennent de multiformes aujourd’hui. 1 : Mutations du travail et conflits sociaux A/ Les conflits sociaux au centre du changement social Un conflit social désigne une situation dans laquelle s’affrontent des individus ou des groupes sociaux en vue de modifier le partage des richesses matérielles ou symboliques. C’est la discorde entre les acteurs sociaux sur le fonctionnement et les objectifs de l’organisation sociale, sur la répartition des richesses, sur la distribution du pouvoir…. 1) La classe ouvrière, acteur principal des conflits sociaux a) Les conflits sont avant tout des conflits du travail Document 1 p.210 Avec l’avènement des entreprises capitalistes, les conflits du travail opposent périodiquement les ouvriers à leurs employeurs. L’identité ouvrière qui se constitue au XIX siècle, va se développer à travers des formes de solidarités et de sociabilité qui se nouent dans le monde ouvrier. Le groupe ouvrier se distingue des autres du fait d’une culture spécifique (travail manuel, conditions de travail en règle générale pénibles, très difficiles….) et de ceci va naître des associations d’entre-aides (par exemple : des caisses de secours pour les plus démunis, en cas de perte d’emplois ou accidents du travail) et d’une prise de conscience d’intérêts communs qui sera nécessaire pour l’organisation de la lutte ouvrière. Mais pourquoi le travail est-il, source de conflit social ? ● Les inégalités dans le travail peuvent entraîner des conflits si celles-ci ne sont pas acceptées. Par exemple : une mauvaise redistribution des richesses crées par l’entreprise : partage de la valeur ajoutée en faveur du patronat et non des salariés. S’il y a une grande fluidité entre les positions hiérarchiques dans l’entreprise, l’action collective semble inutile puisque chaque individu aura sa position en fonction de ses capacités donc égalité des chances (principe de la méritocratie). En revanche si la mobilité est faible alors les revendications personnelles vont s’effacer devant une revendication collective, les individus vont percevoir comme injustes qu’il y ait qu’une catégorie de personnes qui pourront accéder aux postes les plus importants dans l’entreprise donc le conflit social risque de surgir. ● La division du travail entraîne la différenciation entre les travailleurs et l’émergence d’identités professionnelles distinctes c.-à-d. construire son identité, c’est revendiquer certaines appartenances, connaître sa position dans l’entreprise et se sentir différents des autres n’appartenant pas au même groupe de travailleurs. Donc les identités professionnelles deviennent concurrentes dans l’entreprise c.-à-d. les valeurs, les idéaux des groupes socioprofessionnels s’opposent dans l’entreprise. THÈME 4 : CONFLITS ET MOBILISATION SOCIALE

TH 4 conflit et mobilisation sociale - lyceeduruy.fr · Un conflit social désigne une situation dans laquelle s’affrontent des individus ou des groupes sociaux en vue de modifier

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Page 1: TH 4 conflit et mobilisation sociale - lyceeduruy.fr · Un conflit social désigne une situation dans laquelle s’affrontent des individus ou des groupes sociaux en vue de modifier

Le travail est au cœur de la vie économique et sociale. Il est source d’intégration mais également de

conflits.

Le mouvement ouvrier s’est construit sur le conflit majeur qui a opposé les travailleurs au patronat.

Par exemple : En 1936, les ouvriers obtiennent deux semaines de congés payés et la réduction

hebdomadaire du temps de travail grâce à leur mobilisation.

Or depuis les années 1970, d’autres mouvements sociaux apparaissent portant plus sur des

problèmes sociétaux. Par exemple : Le mouvement des sans papiers (1996), les personnes sans

papiers organisés en collectif mènent des actions pour obtenir une régularisation de leur situation.

Cependant les conflits du travail sont toujours là, mais ils sont plus complexes et prennent de

multiformes aujourd’hui.

1 : Mutations du travail et conflits sociaux A/ Les conflits sociaux au centre du changement social Un conflit social désigne une situation dans laquelle s’affrontent des individus ou des

groupes sociaux en vue de modifier le partage des richesses matérielles ou symboliques.

C’est la discorde entre les acteurs sociaux sur le fonctionnement et les objectifs de

l’organisation sociale, sur la répartition des richesses, sur la distribution du pouvoir….

1) La classe ouvrière, acteur principal des conflits sociaux

a) Les conflits sont avant tout des conflits du travail

Document 1 p.210 Avec l’avènement des entreprises capitalistes, les conflits du travail opposent

périodiquement les ouvriers à leurs employeurs. L’identité ouvrière qui se constitue au XIX

siècle, va se développer à travers des formes de solidarités et de sociabilité qui se nouent

dans le monde ouvrier.

Le groupe ouvrier se distingue des autres du fait d’une culture spécifique (travail manuel,

conditions de travail en règle générale pénibles, très difficiles….) et de ceci va naître des

associations d’entre-aides (par exemple : des caisses de secours pour les plus démunis, en

cas de perte d’emplois ou accidents du travail) et d’une prise de conscience d’intérêts

communs qui sera nécessaire pour l’organisation de la lutte ouvrière.

Mais pourquoi le travail est-il, source de conflit social ?

● Les inégalités dans le travail peuvent entraîner des conflits si celles-ci ne sont pas

acceptées.

Par exemple : une mauvaise redistribution des richesses crées par l’entreprise : partage de la

valeur ajoutée en faveur du patronat et non des salariés.

S’il y a une grande fluidité entre les positions hiérarchiques dans l’entreprise, l’action

collective semble inutile puisque chaque individu aura sa position en fonction de ses

capacités donc égalité des chances (principe de la méritocratie). En revanche si la mobilité

est faible alors les revendications personnelles vont s’effacer devant une revendication

collective, les individus vont percevoir comme injustes qu’il y ait qu’une catégorie de

personnes qui pourront accéder aux postes les plus importants dans l’entreprise donc le

conflit social risque de surgir.

● La division du travail entraîne la différenciation entre les travailleurs et l’émergence

d’identités professionnelles distinctes c.-à-d. construire son identité, c’est revendiquer

certaines appartenances, connaître sa position dans l’entreprise et se sentir différents des

autres n’appartenant pas au même groupe de travailleurs.

Donc les identités professionnelles deviennent concurrentes dans l’entreprise c.-à-d. les

valeurs, les idéaux des groupes socioprofessionnels s’opposent dans l’entreprise.

THÈME 4 : CONFLITS ET MOBILISATION SOCIALE

Page 2: TH 4 conflit et mobilisation sociale - lyceeduruy.fr · Un conflit social désigne une situation dans laquelle s’affrontent des individus ou des groupes sociaux en vue de modifier

Par exemple : chaque groupe a une idée de la valeur travail c.-à-d. rémunération de son

travail, de la gestion de l’entreprise, il peut y avoir opposition entre la logique

entrepreneuriale (centrer les activités sur les plus productives et les plus rentables) et la

logique des salariés (sauvegarder l’emploi, augmenter les salaires).

● L’organisation matérielle du travail est un déterminant de la conscience de groupe.

Si les individus sont dispersés, difficile de se coordonner pour agir. Par exemple : Karl MARX

(1818-1883) expliquait qu’au XIX siècle les paysans français étaient trop dispersés

géographiquement pour agir, même s’ils avaient matière à se révolter. En revanche, les

ouvriers, eux, sont regroupés dans des ateliers, ils ont pu plus facilement s’organiser du fait

de leur proximité ce qui a favorisé l’avènement de la classe ouvrière.

Donc, en résumé, pour qu’il y ait conflit du travail, il faut l’existence de conflits d’intérêts

autour d’inégalités dans l’entreprise, l’existence d’identités collectives affirmées pour que le

conflit prenne une dimension sociale afin de créer une opposition entre groupes et

l’émergence d’une mobilisation de personnes donc agir ensemble avec des buts communs.

Le conflit social a deux fonctions :

● fonc@on stabilisatrice c.-à-d. réduire les tensions en rétablissant l’unité de travail donc en

permettant aux divergences de s’exprimer dans le respect de l’autre, ceci limite les risques

d’insurrection.

● fonc@on d’évolu@on c.-à-d. favoriser le changement social, car les conflits permettent

l’obtention de nouveaux droits. Par exemple : la reconnaissance du doit au travail des

femmes.

K. Marx va voir dans les conflits du travail du milieu des années 1800, la lutte des classes.

b) L’action révolutionnaire de la lutte des classes

Document 2 p.211 Pour MARX, le mode de production capitaliste a divisé la société en deux :

– Les capitalistes : ils possèdent les moyens de production (machines, capitaux…)

– Les prolétaires : ils disposent de la force de travail, ils ne possèdent pas de moyens de

production et vendent leur travail aux capitalistes. Cette caractéristique les met en

situation de dépendance par rapport à l’autre groupe.

Les capitalistes s’accaparent la valeur de la production en échange d’un salaire inférieure à

celle-ci, la différence s’appelle « la plus value » (le profit). Ils ne rémunèrent les prolétaires

que selon la valeur d’échange de leur force de travail. Le salaire permet de reproduire la

force de travail et non la rémunération de la valeur produite par la force de travail.

De là, naît un rapport social de dépendance. Les salariés ne sont pas en mesure de réclamer

la totalité de la valeur produite puisqu’ils ne sont pas organisés et que l’employeur peut faire

jouer la concurrence entre eux, du fait de l’existence d’un chômage récurrent,

caractéristique des sociétés industrielles, que Marx nomme « l’armée de réserve

capitaliste » c.-à-d. les exclus de l’emploi sont toujours prêts à accepter des salaires faibles

pour retrouver un emploi et échapper à la misère.

L’existence d’un profit pour Marx est la conséquence d’un rapport de force injuste puisque

pour lui, seul le travail est source de valeur (pour les marxistes la productivité du capital est

nulle).

Pour Marx, les ouvriers vont devenir une classe sociale du fait que ces personnes partagent

une même situation dans les rapports de production, qu’ils ont conscience de cette

similitude et qu’ils s’unissent pour revendiquer contre un ennemi commun. Etre prolétaire,

c’est appartenir à une communauté sociale et non pas seulement professionnelle donc

savoir que l’enjeu des conflits du travail dépasse la cadre de l’entreprise, avoir conscience

d’appartenir à un groupe défendant des intérêts communs contre des adversaires communs

(ennemis de classe). Marx l’appelle « la clase pour soi » c.-à-d. classe qui participe

consciemment à la lutte des classes donc la classe ouvrière a conscience de jouer un rôle

politique et historique, ne pas confondre avec la classe en soi » qui représente un groupe

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social ayant des caractéristiques communes mais pas de conscience de classe : les paysans

par exemple.

L’analyse marxiste théorise les conflits du travail comme source principale du conflit dans la

société. Marx distingue deux classes sociales antagoniques c.-à-d. ayant des intérêts

inconciliables : bipolarisation de la structure sociale. Prolétaires et bourgeois s’affrontent

pour le contrôle de l’Etat et celui de la vie politique et sociale.

Pour mettre fin à l’exploitation capitaliste, Marx appelle à la réalisation de la révolution

prolétarienne qui supprimera les rapports de production capitaliste et dont l’objectif final

sera une société sans classe (communisme).

Le conflit est moteur du changement social, il exerce une activité dynamique sur

l’organisation économique et sociale puisqu’il l’oblige à évoluer. Pour Marx, c’est le

prolétariat qui est chargé de mener à bien cette transformation du mode capitaliste vers le

socialisme et ensuite le communisme.

Pour d’autres auteurs, la lutte des classes n’a rien d’automatique. Par exemple : Max WEBER

(1864-1920) expose sa théorie selon laquelle les classes sociales ne sont que des catégories

sociales créées par des sociologues afin de comprendre la société. Selon lui, une classe

sociale ne développe pas forcément une identité et ne se bat pas automatiquement pour

défendre ses intérêts.

Geog SIMMEL (1858-1918) considère que les conflits favorisent la création et le maintien des

groupes sociaux. Il met en évidence l’aspect positif des conflits dans la vie sociale car ils

contribuent au maintien de la cohésion sociale. Il considère que cette lutte entre ouvriers et

capitalistes a permis à ces divers groupes de prendre conscience de leur solidarité. Donc il

sera plus facile de mener des négociations et de les mener à terme. De plus, le conflit joue

un rôle d’intégrateur. Par exemple : le conflit des routiers médiatisé montre des chauffeurs

solidaires entre eux.

Aujourd’hui, on considère qu’une classe sociale est composée d’un ensemble d’individus

partageant la même situation économique, qui ont de ce fait une même culture et un mode

de vie en commun et qui défendent d’une certaine manière leurs intérêts.

2) L’institutionnalisation et la régulation des conflits

a) L’institutionnalisation des conflits

L’institutionnalisation : « C’est un processus par lequel des situations, des pratiques, des

relations entre acteurs sont progressivement organisées de façon stable selon des normes

largement reconnues par le corps social ou les parties en présence. »

Au XIX siècle, des conflits éclatent dans le monde du travail (révolte des Canuts lyonnais

dans les années 1830), ces conflits du travail vont s’étendre de plus en plus dans le monde

ouvrier. Ils portent sur les salaires, mais également sur la durée du travail et notamment

pour les femmes et les enfants. Peu à peu, la répression révèle ses limites comme mode de

traitement du conflit social. La négociation progresse et s’impose, notamment grâce aux

syndicats qui cherche à se faire connaître et reconnaître comme des interlocuteurs des

pouvoirs publics, en encadrant le conflit social et à travers leurs revendications des lois

sociales sont votées.

Document 4 p.212 La législation du travail a ainsi conduit à encadrer, institutionnaliser les conflits à travers

notamment la reconnaissance progressive du droit de grève (à partir de 1864) et du

syndicalisme (à partir de 1884).

Le travail des enfants est réglementé en 1841, il est limité à 8H par jour. Mais aussi, pour

tout le monde la journée de travail sera fixée à 12H maximum par jour. En France, entre

1852 et 1872, le salaire quotidien de certains ouvriers passe de 3,50F à 5F, donc le pouvoir

d’achat des salaires s ‘améliore ainsi que le niveau de vie et conditions de vie.

Alexis de TOCQUEVILLE (1805-1859) voit dans l’émergence de la classe moyenne, composée

surtout de salariés, un facteur de déclin des conflits sociaux.

b) Le rôle des syndicats : régulation des conflits

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Les syndicats ont joué un rôle important dans le processus d’institutionnalisation des

conflits. Si les syndicats ont favorisé l’émergence des conflits sociaux, ils ont également

permis de les régler plus facilement par l’institutionnalisation des conflits et des

organisations.

Le syndicalisme s’est d’abord développé en Angleterre dés les années 1820, l’action des

syndicats va se limiter au début aux questions de salaires et de conditions de travail. En

France, la loi Waldeck Rousseau de 1884 reconnait le droit syndical, considéré comme une

liberté individuelle. Il faudra attendre 1895 pour voir naître le premier syndicat français : la

CGT (confédération générale du travail. Ces syndicats, notamment ceux qui sont issus du

mouvement ouvrier, s’opposent à la conception libérale qui soumet le salarié au pouvoir de

l’employeur. Ils mettent en avant une action collective, rassemblent les moyens matériels et

humains de l’action collective car celle-ci coûte chère. Pour avoir des moyens financiers, ils

collectent des cotisations de leurs adhérents, reçoivent des dons publics et des subventions

des pouvoirs publics. Ces moyens financiers permettent de faire face aux diverses dépenses

nécessaires à la mobilisation des salariés (presse syndicale, tracts, locaux…) et payer les

permanents (personnes qui travaillent pour le syndicat : secrétaire général, salariés

administratifs…).

Ces personnes sont là pour coordonner l’action et d’en assurer l’efficacité. Ils se préoccupent

des conditions de travail, des garanties, des droits, du respect et de la dignité du salarié dans

les entreprises. Malgré leurs divergences, les syndicats sont porteurs d’un projet de société.

Par exemple : la CGT est un syndicat, à l’origine révolutionnaire qui cherchait à obtenir par la

grève, la suppression du capitalisme.

Les syndicats ont un cadre institutionnel qui permet de faire émerger des décisions

collectives et de mener des négociations pour sortir des conflits. Pour mener une action

collective, il faut se mettre d’accord sur les buts à atteindre et les moyens à mettre en

œuvre. Pour prendre de telles décisions, il faut un cadre institutionnel démocratique bien

précis qui offre aux individus les moyens de s’exprimer, de désigner les représentants et

pour eux, il faut des instances de réunion et de décision pour aboutir à des choix collectifs,

représentatifs de ce que souhaitent les adhérents.

Les syndicats sont associés à la gestion du social (loi de 1945 ; création des comités

d’entreprises qui permettent de s’investir dans les actions sociales de l’entreprise = création

de crèche d’entreprise, centre aéré, aides aux familles en difficulté, restauration….).

Ils participent à la régulation des conditions de travail dans les entreprises par

l’intermédiaire des accords professionnels (1919, 1936 = conventions collectives).

Ils entrent directement dans l’entreprise (en 1968, accords de grenelle = création de section

syndicale dans les entreprises de plus de 50 salariés).

Les syndicats sont représentés dans la plupart des grands organismes sociaux : sécurité

sociale, formation continue professionnelle, organisme juridique (les tribunaux :

prud’hommes). Les syndicats se sont progressivement professionnalisés du fait de la

généralisation de leur intervention dans la société. Ils sont aujourd’hui des partenaires

sociaux incontournables.

Le taux de syndicalisation = Nombre de syndiqués/Nombre de salariés X 100 représente la

part des salariés qui ont adhéré à un syndicat. En 1950 ils étaient environ 25% de syndiqués

aujourd’hui, ils ne sont plus que 7.7%.

Depuis le milieu des années 1980, les syndicats perdent de leur influence.

c) La crise du syndicalisme

Document 16 p.218 + actualisation du taux de syndicalisation

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Evolution des taux de syndicalisation en Europe

On constate que le taux de syndicalisation est en baisse en France, il est passé de 21.7% en

1970 à 7.8% en 2007 soit une diminution de 64%. Le taux de syndicalisation français est le

plus bas d’Europe. Les plus hauts se trouvent dans les pays scandinaves (Suède = 70.8%,

Finlande = 70.3%).

Et pourtant 9 salariés sur 10 sont couverts par une convention collective, soit un des niveaux

les plus élevés des pays industrialisés. Ce paradoxe apparent renvoie à la singularité du

modèle français de relations professionnelles où les organisations syndicales négocient pour

l’ensemble des salariés et non pas seulement pour leurs adhérents. Il est aussi le fruit d’un

double mouvement d’institutionnalisation et de désyndicalisation qui caractérise l’évolution

du fait syndical français depuis 1945, plus que dans tout autre pays européen.

Le syndicalisme a mieux résisté dans certains pays européens (Italie 37% à 33.3% soit une

réduction de 10%). Mais tout de même, la désyndicalisation est un phénomène général dans

les pays industrialisés sauf pour la plupart des pays nordiques où l’adhésion à un syndicat

bien que non obligatoire est nécessaire pour avoir certains acquis sociaux. La crise du

syndicalisme s’explique par des facteurs économiques, politico-sociaux et propres aux

syndicats.

● Les explications conjoncturelles

Le ralentissement de la croissance économique se traduit par une montée du

chômage et de la précarité d’un certain nombre d’actifs qui inversent le rapport de force

entre employeurs et salariés. L’insécurité économique se généralisant, les salariés, craignant

pour leur emploi, renoncent à se mettre en grève ou à entamer un conflit avec l’employeur.

Par exemple : en 2008, 50% des ouvriers n’osent pas se syndiquer par peur de représailles,

36% parce qu’ils considèrent que les syndicats sont trop divisés.

La précarisation réduit les solidarités dans le travail. Par exemple : 6.4% des salariés en CDI à

temps partiel sont syndiqués contre 9.4% des salariés en CDI à temps complet.

De plus, en imposant l’individualisation de la relation contractuelle, il n’y a plus

d’enjeux fédérateurs.

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Document 17 p.218 actualisé

● Les explications structurelles

Document 19 p.219 actualisé

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La transformation de la structure des emplois joue en défaveur de la syndicalisation.

La suppression massive des emplois d’ouvriers dans les bastions industriels réputés pour son

syndicalisme implique une réduction importante des effectifs syndiqués : dans les domaines

de l’automobile, de la sidérurgie, métallurgie…

La transformation de la structure socioprofessionnelle c.-à-d. réduction des emplois

industriels et augmentation des emplois dans le secteur des services a joué un rôle dans les

difficultés du mouvement syndical car le secteur a une tradition syndicale très faible. Par

exemple : secteur très féminisé, les femmes « employés » ne se reconnaissent pas dans les

valeurs véhiculées par les syndiqués, taux de syndicalisation chez les employés est de 8%

dans les entreprises privées contre 14% pour les ouvriers.

La mise en place, au début des années 1980 des politiques de désinflation

compétitive c.-à-d. réduire l’inflation par le biais des coûts du travail pour que les entreprises

soient concurrentielles au niveau mondial, limitent la marge de manœuvre des syndicats.

L’externalisation de certaines tâches, l’utilisation de la sous-traitance par les

entreprises limitent les possibilités d’actions collectives des syndicats, la capacité à

s’organiser ou à négocier, du fait que ces entreprises de petite taille (moins de 50 salariés)

ont de très faible taux de syndicalisation. Par exemple : 3,5% de syndiqués dans les

entreprises de moins de 50 salariés contre 8,7% pour les entreprises de plus de 500 salariés.

La flexibilité de la main d’œuvre a entraîné la coexistence dans les entreprises de

personnels à statuts divers ce qui rend difficile la représentation syndicale. 3% de CDD sont

syndiqués, 0.9% des intérimaires de plus on y trouve des jeunes de moins de 30 ans qui ont

peu de tradition syndicale.

La progression du nombre de diplômés, donc la hausse de qualification de la main

d’œuvre associée à une individualisation des rapports contractuels limitent les actions

revendicatives. Mais les cadres adhérent deux fois plus souvent à un syndicat ou

groupement professionnel. Plus diplômés et mieux payés, les cadres ont davantage les

moyens d’adhérer à une organisation syndicale, cependant ils déclarent simplement être des

adhérents et peu s’impliquer dans les mouvements ce qui n’est pas le cas des ouvriers qui,

eux, ont plus tendance à prendre des responsabilités dans les mouvements. (doc 20 p.220).

La baisse du sentiment d’appartenance et l’aspiration à l’égalisation des conditions

limitent le passage « d’une classe en soi » à « une classe pour soi » qui est fédératrice de

changement social.

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La moyennisation de la classe ouvrière réduit les identités professionnelles et

collectives qui sont à l’origine des syndicats.

La montée de l’individualisme et le repli sur la sphère privée sont guère favorables à

l’action collective. Par exemple : document 18 p.219, Mancur OLSON (1932-1998), l’individu

profite de l’action syndicale sans participer à sa mise en œuvre (attitude du passager

clandestin).

● La légitimité des syndicats

La crise des syndicats tient également à des caractéristiques propres au mouvement syndical

et à certaines exceptions françaises.

Document 22 p.221 + actualisation graphique

La chute du bloc de l’Est intervenue dans la fin des années 1980 entraîne

progressivement une perte d’influence et de crédibilité des divers partis communistes. Or le

syndicalisme n’a jamais été aussi fort que lorsque ces partis jouaient un rôle politique

important. Par exemple : la CGT, politiquement était très proche du parti communiste, c’est

un des syndicats qui a le plus souffert der cette situation.

Certains actifs reprochent aux syndicats leur politisation partisane c.-à-d.

l’éloignement idéologique entre les représentants des syndicats et leur base (adhérents).

L’institutionnalisation des syndicats peut transformer le syndicat en un modèle

bureaucratique d’où risque de confusion entre contestation et consensus. Les syndicats

peuvent perdre en crédibilité c.-à-d. méfiance des salariés à leur égard.

La division du paysage syndical français constitue une cause de sa faiblesse : sept

confédérations sont en concurrence.

Les syndicats ont du mal à intégrer les mutations de la société. La plupart des

mouvements actuellement sont plus sur la défense des corps de métiers, d’intérêts

spécifiques contrairement aux syndicats dont les revendications sont plus généralistes.

En conclusion :

Crise du syndicalisme Brouillage des idéologies Ralentissement de la

croissance et

mutations sectorielles

Montée de l’individualisme Politisation partisane

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B/ Les mutations de l’emploi au cœur de l’évolution des conflits

1) Le recul des conflits traditionnels du travail

Document 5 p.212 actualisé

Après la deuxième guerre mondiale se généralise un mode de régulation du travail qualifié

de fordisme. Il s’agit d’un compromis social reposant sur l’interdépendance de la production

de masse et la consommation de masse. La pénibilité du travail est importante mais le

chômage est quasi inexistant. Le modèle du plein emploi triomphe et les ouvriers accèdent

peu à peu à des niveaux de vie très convenables.

Dans le même temps, l’émergence d’un Etat providence généralise la protection sociale et

réduit les inégalités.

Parallèlement, les syndicats vont devenir puissants et le processus d’institutionnalisation

s’intensifie avec le développement des participations et des procédures de négociations. Par

exemple : document 4 p.212, des lois sociales vont améliorer les conditions des salariés,

1950 : création du SMIG (salaire minimum interprofessionnel garanti), 1956-1969-1982 :

progression des semaines de congés payés.

Les conflits sont de plus en plus institutionnalisés et les salariés privilégient les

revendications centrées sur la croissance du pouvoir d’achet, augmentation des salaires. La

grève constitue l’instrument majeur des conflits et on observe des mouvements très

importants tels que les grèves de mai et juin 1968, par exemple : plus de 9millions de

grévistes fin mai 1968.

Mais à partir du milieu des années 1970, on assiste à un recul des conflits du travail. Par

exemple le nombre de jours de grève c.-à-d. journées non travaillées sont en 1975 de 3.5

millions, en 1986 à peine 500 000, en 2005 Moins de 200 000 soit une réduction de 94.3%.

Le compromis fordien est remis en cause, une crise économique et sociale globale apparaît

qui se traduit par un chômage important et une précarisation de l’emploi. Les thèmes de

l’action collective vont évoluer et se recentrer sur l’emploi.

Dans un contexte de globalisation de l’économie (mondialisation de l’activité productive)

marqué par une concurrence très importante, le principe de la flexibilité s’impose dans les

entreprises avec pour conséquence l’individualisation des relations de travail.

Dés lors les conflits de masse régressent pour faire place à des conflits plus localisés qui

peuvent parfois se nouer autour d’un litige individuel. Par exemple : le licenciement d’un

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employé, les jeunes qui cumulent les stages sans avoir d’emploi stable et définitif,

fermetures d’usines (Pontonx-sur-Adour avec la fermeture de SONY).

Cette flexibilité a aussi entrainé une segmentation du marché du travail, dont un des

segments est occupé par des travailleurs vulnérables (peu de qualification, femmes, jeunes

sans expérience professionnelle) qui n’ont pas la plupart de socialisation politique, donc peu

syndiqués.

De plus, ils occupent des emplois dans des entreprises (PME) qui ont peu ou pas de tradition

syndicale et où les syndicats sont peu représentatifs. Dans ces divers contextes, il est difficile

de mobiliser les individus.

Tout de même, les grands conflits sont toujours présents mais ils naissent le plus souvent

dans les grandes entreprises où les syndicats sont implantés ou dans le secteur public (taux

de syndicalisation environ 56% toutes catégories confondues (doc 19 actualisé).

Certaines mobilisations sont centrées sur des sujets autres que le lieu du travail. Par

exemple : manifestation contre le libéralisme, intermittents du spectacle, mobilisation des

jeunes contre la réforme de l’école.

Tout ceci n’annonce-t-il pas la fin de la classe ouvrière ?

2) Fin de la classe ouvrière ?

Les mutations du travail et la crise du syndicalisme posent la question de la stratification

sociale en termes de classes sociales c.-à-d. existe-t-il toujours une classe ouvrière ?

Document 15 p.217

Les mutations du travail ont réduit le poids des ouvriers, brouillé leur identité

professionnelle et diminué leur capacité à se mobiliser.

● Réduction de la part des ouvriers dans la population active. Aujourd’hui la part des

employés est supérieure à celle des ouvriers : + de 30% d’employé tandis que les ouvriers

représentent moins d’un quart de la population active occupée.

● La transformation de la nature du travail a remis en cause la puissance et la représentation

du monde ouvrier. L’ouvrier travaille de plus en plus dans le secteur des services (chauffeur

routier, de bus…). Dans l’usine, l’ouvrier est assigné à des tâches de contrôle, de surveillance,

de réglage plutôt que de production. La qualification personnelle de l’ouvrier est plus

importante, diplômes professionnels d’où éclatement du monde ouvrier entre les qualifiés,

diplômé, ayant des acquis sociaux et les non qualifiés, travaux d’exécution, pénibles, peu de

possibilités d’évoluer. Donc deux groupes dont les intérêts à défendre sont très différents.

● La transformation de la nature du travail va aussi modifier la taille des entreprises

(évolution des effectifs salariés).

La taille des entreprises va se réduire sous l’impulsion de l’automatisation des tâches de

production, certaines ne sont pratiquement plus manuelles donc peu de besoin en ouvriers.

De plus, certaines tâches se déplacent vers les PME.

Donc le cadre du travail des ouvriers a été bouleversé, ces transformations agissent sur

l’identité professionnelle.

Jusqu’au milieu des années 1970, la conscience de classe était forte et beaucoup de salariés

se considéraient comme appartenant à la classe ouvrière. Or depuis ce sentiment a diminué.

L’ouvrier, ayant une forte conscience de classe, soutenu par sa classe porteuse d’espoirs

politiques et historiquement reconnue a tendance à disparaître.

L’image d’une classe ouvrière homogène et syndiquée a éclaté. Certains ouvriers précarisés,

corvéables ont l’impression de ne pas être entendus par les instances syndicales. A l’inverse

d’autres sont proches des classes moyennes par leurs conditions de vie ou par leurs lieux

d’habitation n’ont pas les mêmes centre d’intérêts et revendications, d’où distance et

divergences. La précarisation et le chômage de masse dans le monde ouvrier dévalorisent le

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travail manuel. Par exemple : les jeunes par le biais de l’école donc des diplômes aspirent à

des positions sociales plus élevées.

Donc les éléments qui contribuaient à forger et à transmettre les valeurs de la classe

ouvrière semblent peu à peu disparaître. Donc la culture ouvrière n’est plus défendue d’où

perte de légitimité de la lutte ouvrière donc dans ces conditions la mobilisation en vue d’une

lutte des classes est difficile. L’opposition de classe issue de la tradition marxiste ne rend

plus compte de la réalité sociale.

Tout se passe comme si l’avènement d’une société salariale avait détruit l’opposition

séculaire entre patrimoine et travail qu’avait mobilisé K. Marx pour démontrer l’exploitation

du capitalisme sur les travailleurs.

Cependant la classe ouvrière n’a pas complètement disparu.

Si l’on raisonne en termes quantitatifs, on constate que 20 millions de personnes actives et

retraitées sont reliées au monde ouvrier.

Dans certaines entreprises, la pénibilité du travail ainsi que les contraintes importantes sont

toujours présentes.

Certaines catégories sont très proches des conditions de vie du monde ouvrier : les

employés souvent issus du milieu ouvrier.

De plus les conflits du travail n’ont pas disparu.

3) Les conflits sont encadrés mais n’ont pas disparu

Document 9 p.214 actualisé

Document 10 p.215

On constate que sous l’effet des nouvelles organisations du travail (NFOT), les rapports entre

salariés et employeurs deviennent de plus en plus individualisés et moins propices à des

conflits de masse. Par exemple : doc 9 les conflits correspondent davantage à la défense

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d’intérêts particuliers (à une entreprise, à un atelier) qu’à une lutte globale contre le

patronat, les mots d’ordre extérieurs à l’entreprise ne font plus recettes 50% en 2005 contre

20% en 2007 soit plus de la moitié de réduction.

Ces conflits plus segmentés, plus localisés, les rendent moins visibles auprès de l’opinion

publique. Mais, ils existent car les enjeux des conflits du travail dépendent des rapports de

force sur le marché du travail (doc 10).

Actuellement, la précarité de l’emploi et le chômage ont entrainé des conflits plus défensifs

(se mobiliser contre la perte d’emplois) plutôt qu’offensifs (amélioration des conditions de

travail, même si ceux-ci sont encore très importants. Par exemple : doc 9, l’emploi passe de

19% à 24%.

Document 12 p.216 + actualisation du graphique

Par ailleurs, les travailleurs sont mieux informés sur leurs droits, donc ils essaient de régler

leurs conflits de manière individuelle, en ayant recours de plus en plus aux tribunaux c.-à-d.

les prud’hommes qui sont des tribunaux compétents pour régler les litiges individuels nés à

l’occasion d’un contrat de travail privé. Ils permettent d’arbitrer la conflictualité issue de la

relation individuelle patron-salarié. On constate une progression de 2.3 fois entre 1970 et

2006 d’utilisation des tribunaux.

Mais l’effacement des conflits de classe ne signifie pas la disparition de la conflictualité de

masse. Les conflits sont toujours présents mais ils sont aussi fondés sur d’autres bases.

2 : La diversification des objets et des formes de l’action collective

L’action collective se traduit de plus en plus par des nouveaux mouvements sociaux (NMS)

c.-à-d. « ensemble d’actions, de conduites et d’orientations mettant partiellement ou

globalement en cause l’ordre social en cherchant à le transformer ».

Ces NMS permettent :

● stigmatiser un problème que la puissance publique peut essayer de résoudre, par

exemple : le problème des banlieues,

● étendre le champ de la participation politique c.-à-d. l’engagement politique, ce n’est pas

seulement mettre un bulletin dans une urne mais aussi être solidaire pour certains

évènements par exemple,

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● favoriser la construction d’identités, créer des solidarités en permettant l’émergence de

nouvelles idées susceptibles de favoriser le changement social, par exemple : le mouvement

homosexuel.

A/ La diversité des mouvements sociaux

1) L’émergence de NMS

Document 23 p.222 + actualisation

Pour les femmes : 2006, loi portant l’âge légal du mariage à 18 ans (au lieu de 15 ans)

afin de lutter contre les mariages forcés.

Pour les chômeurs, mal logé, exclus : 2007, loi sur le droit au logement opposable.

Etrangers, sans papiers : Depuis 2006, multiplication des opérations et cérémonies de

parrainage républicain pour apporter aux sans papiers un soutien juridique et

symbolique.

Homosexuels et lutte contre le sida : Depuis 2004, loi créant la HALDE (haute autorité

de lutte contre la discrimination et l’égalité) pénalise les propos homophobes.

La mobilisation collective devient un mouvement social quand elle revendique un

bouleversement de l’ordre social.

Deux types de mobilisation :

● défensive : contester une décision, par exemple : si une loi entraîne une perte d’acquis

sociaux.

● offensive : demander un droit encore non acquis, par exemple : mariage des homosexuels

Un mouvement social suppose une action concertée entre individus agissant pour une

cause.

On parle de nouveaux mouvements sociaux quand ils sont menés par des groupes définis

hors de l’entreprise, sur des thèmes hors du travail : les femmes, le racisme, mal logés…

Ces NMS présentent tous à peu près les mêmes caractéristiques :

● apparaissent à la fin des années 1970

● défendent des intérêts spécifiques

● font appel à l’opinion publique

● veulent agir sur le législateur pour obtenir des lois.

Ces divers mouvements ont tendance à dénoncer des situations sociales considérées comme

injustes.

2) Les caractéristiques des NMS

a) Interprétations théoriques

Document 28 p.223

L’apparition de ces NMS viennent du passage d’une société matérialiste à une société post

matérialiste car les idéaux changent. On passe d’une société centrée sur des valeurs

matérialistes c.-à-d. liées à des éléments quantitatifs (revenu, retraite, progrès technique…)

vers une société basée sur des valeurs post matérialistes c.-à-d. liées plus à des éléments

qualitatifs (congés, loisirs, environnement…). L’homme tourne ses besoins vers des éléments

plus immatériels. Ces idéaux émergent d’une classe moyenne qui valorise l’épanouissement

de l’individu donc les NMS correspondent à de nouvelles aspirations donc de nouveaux

enjeux.

Document 25 p.223

Alain Touraine (1925) développe l’idée que le mouvement social désigne une action

collective dont l’objectif est de changer les comportements, les mentalités et les institutions

en vue d’obtenir des transformations de la société.

Son analyse est basé sur le concept de l’historicité c.-à-d. les individus ont la capacité de

diriger la société dans laquelle ils vivent, ils peuvent modifier les règles en fonction des

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aspirations qui leur tiennent à cœur. Selon lui, un mouvement social résulte de la

combinaison de trois principes :

● principe d’identité : un acteur présente une spécificité qui lui est propre et qu’il entend

défendre à partir de la revendication er de l’action dans la conflictualité. Le mouvement a

conscience de sa spécificité, par exemple : le mouvement homosexuel à travers différentes

associations.

● principe d’opposition : un acteur se construit contre un adversaire identifié, par exemple :

l’homophobie, pouvoirs publics

● principe de totalité : l’acteur présente un projet permettant le changement social c.-à-d. le

mouvement doit avoir conscience des enjeux de son combat, par exemple : le droit à la

différence, le choix de sa sexualité.

L’approche de Touraine est compatible avec la précédente puisque le concept d’historicité

s’appuie sur la présence de valeurs caractéristiques de la société post matérialiste.

Mais il est difficile de qualifier toutes les mobilisations du mouvement social au sens de

Touraine car certaines revendications sont limitées dans le temps et qu’elles ne constituent

pas réellement un projet de société, par exemple : le mouvement des sans papiers qui

manifeste pour la régularisation de leur situation en France.

b) Ces mouvements portent sur des identités particulières

Les NMS remettent en cause le fonctionnement classique des structures syndicales et

partisanes en adoptant des structures plus décentralisées et en laissant une large autonomie

à la base.

Document 32 p.227 actualisé

Les formes d’action sont aussi différentes, elles font appel à des moyens moins

institutionnels. Par exemple : signature de pétitions, des actes de boycott.

Les NMS se caractérisent par une action plus politique que sociale c.-à-d. les actions sont

souvent dirigés contre l’Etat ou les « technocrates ». Par exemple : la mobilisation se fait sur

la défense de droits (droit au logement, on cherche ici une intégration sociale ; on se bat

pour l’environnement : faire interdire des produits présumés dangereux (organismes

génétiquement modifiés).

Les NMS vont mettre en scène de nouveaux acteurs qui s’appuient sur la dénonciation

d’inégalités sociales dues à des décisions politiques ou sur un système de valeurs.

La diversité des mouvements sociaux : document 23 p.222 et document 29 p.226

● La lu]e des femmes qui a débuté dés le début du XX siècle avec des mouvements pour

l’accès au droit de vote (les suffragettes) et qui continuent pour l’égalité des droits (parité

politique)

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● Les mouvements des minorités sexuelles qui cherchent à se faire reconnaître socialement

(couple homosexuel).

● Les mouvements des « sans » concernent de façon plus générale les « exclus ». Dans leur

action, ils s’adressent prioritairement aux pouvoirs publics (droit au logement, régularisation

des papiers, prime de Noël…)

● Les mouvements pour réduire les discrimina@ons raciales (1984, créa@on de SOS racisme,

création de la HALDE).

● Les mouvements sociaux qui naissent en réaction au mouvement de mondialisation,

globalisation des économies qui créent un système mondial complexe à plusieurs niveaux.

Mouvements anti mondialiste qui remettent en cause le modèle économique libéral et

l’impérialisme de certains pays (Etats-Unis). Par exemple : l’agriculteur José Bové se situe

dans cette mouvance, son action est surtout centrée sur la mal bouffe et les OGM.

Ces différents NMS se manifestent dans des conflits de type identitaire avec une

contestation politique et culturelle. Ils se situent davantage dans la sphère des valeurs et de

la citoyenneté.

c) Ces NMS ont-ils remplacé les anciens ?

L’émergence des NMS s’explique par des raisons internes à la société, car il y a réaction aux

problèmes fondamentaux de la société post industrielle (chacun doit pouvoir accéder à un

logement) mais aussi pour des raisons externes, la mondialisation des économies a fait

naître des mouvements contestataires qui refuse l’ordre établi.

La montée de l’individualisme contribue à ce que les individus se mobilisent de plus en plus

dans une démarche personnelle. Cela ne signifie pas qu’ils défendent uniquement leur

intérêt particulier mais ils souhaitent construire une identité spécifique et revendique le fait

qu’elle soit prise en compte et reconnue dans l’espace public. La place du travail se réduit,

les individus cherchent à construire du lien social sur d’autres bases. Par exemple : relations

amicales, familiales, mouvement associatif, donc des liens plus choisis que subis.

Document 37 p.230

Mais les NMS ne sont pas si nouveaux. Ils se mêlent en fait aux conflits traditionnels. Tout

d’abord, les mouvements sociaux ont toujours existé (lutte des femmes pour la

reconnaissance de leurs droits en tant que citoyen)) sans lien avec le travail. Nombreux

mouvements, autrefois, sont nés pour obtenir de nouveaux droits ou supprimer des

inégalités (abolition de l’esclavagisme).

De plus, certains mouvements actuels se sont institutionnalisés (le mouvement écologique a

permis la création d’un ministère de l’environnement et de partis politiques).

Les conflits du travail et les NMS s’entremêlent (la défense du secteur public).

Le mouvement altermondialiste qui s’oppose à la mondialisation actuelle utilisent des

objectifs et des méthodes très variés qui rejoignent les traditionnels (lutte contre le travail

des enfants dans certains pays émergents, création d’association pour défendre l’individu

travailleur ou non : ATTAC (1998) = association pour une taxation des transactions

financières pour l’aide au citoyen : objectifs créer une taxe sur les mouvements financiers

afin de décourager la spéculation ; taxe Tobin)

B/ Pourquoi se mobilise-t-on ?

1) Les diverses analyses de la mobilisation

a) L’approche utilisatrice

Document 18 p.219

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Mancur Olson (1932-1998) analyse l’action collective comme une approche individualiste.

L’individu a intérêt à l’action collective car il bénéficiera d’avantages qui résulteront de

l’action. Mais il peut bénéficier des avantages sans participer à l’action. Donc si l’individu est

rationnel, il a intérêt d’opter une logique de « passager clandestin ». L’individu est assimilé à

un homo oeconomicus c.-à-d. il compare coût et avantage. Par exemple : participer ou non à

une grève, d’un côté le coût de l’action (perte d’une journée de travail) d’un autre côté, le

gain tiré du conflit (croissance des salaires). Si le coût repose sur ceux seulement qui font

grève, l’individu rationnel aura plus intérêt à ne pas participer au conflit car il évite le coût lié

à la grève et en retirera les bénéfices si le conflit aboutit.

Donc le principe du passager clandestin c’est le profiteur.

Or si ce raisonnement est élargi à l’ensemble des individus, il y a de fortes chances que

l’action collective disparaisse (paradoxe d’Olson).

Seule la contrainte et l’incitation, pour lui, expliqueraient l’existence de groupements

organisés (récompenses matérielles, sanctions, pénalités, réseaux d’échanges…).

b) L’analyse d’Oberschall (1936)

Elle met en avant des facteurs culturels et institutionnels qui expliqueraient la mobilisation

collective. Pour que la mobilisation existe, il faut être capable de mobiliser des ressources c.-

à-d. la logique des ressources suppose un calcul : coût/avantage.

Un groupe possédant peu de ressources n’a pas avantage à se lancer dans une action où les

coûts sont élevés pour des résultats aléatoires tandis que le groupe qui a des ressources

importants comme les lobbies auront tout intérêt à se mobiliser car les résultats sont

prévisibles et souvent positifs.

La mobilisation est forte quand il existe des formes de solidarité forte (présence de réseaux :

militantisme).

La mobilisation va dépendre de deux liens :

→ Liens horizontaux : liens qui relient les individus au groupe (association)

→ Liens verticaux : liens qui relient le centre aux périphériques (association et certains

organismes sociaux)

Donc la structure interne des groupes et leur degré d’organisation facilitent plus ou moins

l’engagement dans l’action collective.

c) L’analyse d’Hirschman (1915)

Document 7 p.213

Cette analyse met en avant les comportements individuels face à un mécontentement.

L’individu va avoir plusieurs choix face à un sentiment d’insatisfaction.

Par exemple : une entreprise décide de geler les salaires pendant deux ans, plusieurs

possibilités de réaction du salarié devant cette situation.

Décision personnelle

Sortir = défection c.-à-d.

l’individu décide de ne pas

intervenir, il peut changer

d’emploi, donc il part de

l’entreprise

Rester dans l’entreprise

Loyauté = se taire, le salarié

accepte les conditions de

l’entreprise : gel des

salaires pour l’intérêt de

l’entreprise

Prise de parole qui

représente l’action

collective

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Cette prise de parole peut être sous deux formes :

→ Protestation passive : solidaire de l’action mais n’y participe pas.

→ protestation active : mobilisation, entre en action pour que le patron change sa position

et se rétracte sur le gel des salaires.

Actuellement, la montée de la précarité et du chômage renforceraient l’attitude « loyauté »

que l’on nomme « apathie » c.-à-d. les salariés n’osent pas entrer en conflit du fait de la

menace de licenciements donc perte d’emplois.

2) Des stratégies pour influencer les choix politiques

La plupart des NMS ont réussi à influencer le discours politique, les choix politiques et le

cadre légal par le biais d’actions diverses.

Document 32 p.227 et son actualisation

La grève traditionnelle n’est pas toujours possible donc l’action va prendre d’autres formes :

signature de pétitions (de plus en plus sur internet), boycott de certains produits (produits

fabriqués par des enfants), participation à des manifestations (pour les mal logés, les sans

papiers), peindre des slogans sur les murs…

Le registre est varié, il vise à occuper l’espace public et surtout à médiatiser l’évènement.

Ces actions sont destinées à faire pression sur les autorités publiques seules habilitées à

transformer les règles, mais aussi alerter l’opinion publique. Les hommes politiques sont

poussés à être conciliants envers ces mouvements, surtout s’ils recherchent à se faire élire

ou réélire. Par exemple : certains hommes politiques participent à des manifestations

antimondialistes, d’autres prennent cause pour certains mouvements, le maire de Bègles en

faveur du mariage homosexuel.

Leurs discours politiques se basent aussi sur la prise en compte de ces mouvements. Par

exemple : sécurité alimentaire, environnement.

Les pouvoirs publics reconnaissent implicitement les mouvements en les faisant participer

au gouvernement : ministère de l’environnement, solidarité…

Parfois certains ministres sont issus de ce militantisme : Martin Hirsch Président de l'Union

centrale de Communautés Emmaüs (UCC) de 1995 à 2002, il devient président d'Emmaüs France en

mai 2002 et démissionne le 18 mai 2007, pour assurer l'indépendance du mouvement Emmaüs, suite

à sa nomination au sein du Gouvernement François Fillon.

Document 34 p.228

Ces mouvements sociaux se comportent aussi comme des groupes de pression, ayant bien compris

l’importance des médias.

3) La mobilisation contribue aux transformations sociales

L’action réglementaire a été beaucoup influencée par l’ensemble des NMS. Sous la pression

des conflits sociaux, l’intervention étatique et réglementaire s »est développée, ce qui

entraîne des modifications dans les comportements. Donc les NMS font émerger de

nouvelles valeurs, de nouvelles normes voire de nouveaux modèles culturels alternatifs.

C’est l’occasion d’une transformation culturelle de la société puisqu’ils bousculent le

système des valeurs. Par exemple : en matière d’écologie et d’environnement les normes

sont plus sévères, obligation de recyclage, réduction de la pollution…

En matière de reconnaissance des minorités, la création du PACS (pacte civil de solidarité) a

permis de reconnaître le couple homosexuel.

Les conditions de la femme se sont nettement améliorées même s’il reste encore des

inégalités.

Document 35 p.229

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Provoquer les pouvoirs publics pour se faire entendre, en transgressant les normes

appliquées dans la société. Par exemple : occuper des logements inoccupés pour que

certaines personnes puissent avoir un toit. La seule possibilité pour être écouté c’est de se

mettre hors la loi et risqué la prison (détruire des champs considérés comme utilisant des

OGM).

Le mouvement social arrive à éliminer certaines légitimités considérées comme socialement

acceptées autrefois (inégalités entre hommes et femmes, certaines formes de

discrimination). Mais certains mouvements ont encore du mal à se faire accepter (le

mouvement des sans papiers).