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L’APPLICATION ET LA RÉFORME DE L’ACTE UNIFORME DE L’OHADA ORGANISANT LES PROCÉDURES COLLECTIVES D’APUREMENT DU PASSIF Thèse pour l’obtention du grade de Docteur en droit, mention Droit des affaires de l’Université Jean Moulin Lyon 3 Présentée et soutenue à Lyon le 6 décembre 2010 par Fatoma THERA Sous la direction de Monsieur le Professeur Jean Philippe HAEHL Jury Monsieur Henri-Désiré MODI KOKO BEBEY , Professeur à l’Université de Douala, Doyen de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques Monsieur Philippe ROUSSEL GALLE, Professeur à l’Université du Havre Monsieur François MÉLIN, Maître de conférences à l’Université de Reims Monsieur Stéphane DOUMBÉ-BILLÉ, Professeur à l’Université Lyon 3 Monsieur Jean-Philippe HAEHL, Professeur émérite de l’Université Lyon 3

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  • LAPPLICATION ET LA RFORME DE LACTE UNIFORME DE LOHADA ORGANISANT LES PROCDURES COLLECTIVES DAPUREMENT DU

    PASSIF

    Thse pour lobtention du grade de Docteur en droit,mention Droit des affaires de

    lUniversit Jean Moulin Lyon 3

    Prsente et soutenue Lyon le 6 dcembre 2010

    par

    Fatoma THERA

    Sous la direction de Monsieur le Professeur Jean Philippe HAEHL

    Jury

    Monsieur Henri-Dsir MODI KOKO BEBEY, Professeur lUniversit de Douala, Doyen de la Facult des Sciences Juridiques et Politiques

    Monsieur Philippe ROUSSEL GALLE, Professeur lUniversit du Havre

    Monsieur Franois MLIN, Matre de confrences lUniversit de Reims

    Monsieur Stphane DOUMB-BILL, Professeur lUniversit Lyon 3

    Monsieur Jean-Philippe HAEHL, Professeur mrite de lUniversit Lyon 3

  • L'Universit Jean Moulin Lyon 3 n'entend donner aucune approbation ni improbation aux

    opinions mises dans les thses. Ces opinions doivent tre considres comme propres

    leurs auteurs.

  • REMERCIEMENTS

    Mes remerciements vont tout d'abord Monsieur le Professeur Jean Philippe HAEHL qui a su, par sa disponibilit, sa bienveillance et sa rigueur, m'encourager et m'orienter jusqu' l'achvement de ce travail. Que Monsieur le Professeur retrouve ici, l'expression de mon profond respect et de ma reconnaissance.

    Je remercie galement le Ministre de la justice du Mali dont le concours a permis mon sjour en France.Mes remerciements vont galement l'endroit de Monsieur Jean-olivier VIOUT, Procureur gnral prs la Cour d'appel de Lyon qui a su m'orienter vers les chantiers du droit des affaires.

    Je n'oublie pas mes parents, ma famille et mes amis dont le soutien constant m'a aid traverser les moments de doute.

  • TABLE DES ABRVIATIONS

    Act.proc.coll. :Actualit des procdures collectivesAJ Actualit jurisprudentielle du Recueil DallozAJDA : Actualit juridique de droit administratifAMF : Autorit des Marchs FinanciersAUDCG: Acte uniforme relatif au droit commercial gnralAUDSCGI: Acte uniforme relatif au droit des socits commerciales et du groupement

    d'intrt conomiqueAUPC : Acte uniforme portant organisation des procdures collectives

    d'apurement du passifAUS Acte uniforme portant organisation des sretsBRVM Bourse Rgionale des Valeurs MobiliresBull. Civ. Bulletin des arrts de la Cour de cassation (chambres civiles)Bull. Joly Bulletin mensuel d'information des socitsCass. civ. Chambre civile de la Cour de cassation franaiseCass.com. Chambre commerciale de la Cour de cassation franaiseCass.soc Chambre sociale de la Cour de cassation franaiseCode civ Code civilColl CollectionConcl. ConclusionC.com. Code de commerceC.C.J.A Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADACEDH Cour Europenne des Droits de l'HommeCEMAC Communaut conomique et montaire de l'Afrique centraleChron. ChroniqueCIMA Confrence Interafricaine des Marchs d'AssurancesC.J.C.E Cour de Justice des Communauts EuropennesCREPMF Conseil Rgional de l'pargne Publique et des Marchs FinanciersD. Recueil DallozD. Aff Dalloz AffairesDS. Dalloz-SireyD.cah.dr.aff Dalloz, cahier droit des affairesDefrnois Rpertoire du notariat DefrnoisDC/BR Dpositaire Central/ Banque de rglementDoc. (AN ou Snat) Documentation parlementaireDP Dalloz priodiqueDr.et patrimoine: Revue droit et patrimoineDr. soc Droit socialDr. socits Droit des socitsEd. EditionFasc. FasciculeGaz. Pal. Gazette du PalaisIR Information RapideIbid. Ibidem (le mme ouvrage)Id. Idem (au mme endroit)J.-cl. Jurisclasseur (civil, commercial, pnal etc.)JCP E Jurisclasseur priodique (La semaine juridique, dition entreprise)JCP G Jurisclasseur priodique (dition gnrale)JCP N jurisclasseur priodique (dition notariale)JDI Journal du droit international

  • J.O. OHADA Journal officiel de l'OHADAJORF Journal officiel de la Rpublique franaiseL. LoiLGDJ Librairie gnrale de droit et de jurisprudenceLPA Les Petites AffichesMl. MlangesNCPC Nouveau code de procdure civileOAPI Organisation africaine de la proprit intellectuelleObs. ObservationsOHADA Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affairesOrd. OrdonnancePan PanoramaProcdures Procdures (revue mensuelle)PUA Presses universitaires d'AfriquePUF Presses universitaires de FranceR.C.D.I.P Revue critique de droit international privRev. dr. aff. intRevue droit des affaires internationalesRev. fr. dr. adm Revue franaise de droit administratifRDB Revue de droit bancaire et de la bourseRD ban. Fin Revue de droit bancaire et financierReq Chambre des requtesRIDC Revue internationale de droit comparR. J.com. Revue de jurisprudence commercialeRJDA Revue de Jurisprudence de Droit des AffairesRLDA Revue Lamy Droit des AffairesRev.proc.coll Revue des procdures collectivesRev. huissiers Revue des huissiers de justiceRev. socits Revue des socitsRTD civ. Revue trimestrielle de droit civilRTDcom Revue trimestrielle de droit commercialRRJ Revue de la recherche juridique-Droit prospectifS. Sireys. et suivantSupra Ci-dessust. tomeT.com Tribunal de commerceTI Tribunal d'instanceTGI Tribunal de grande instanceTPI Tribunal de premire instanceT rg. Tribunal rgional (Tribunal rgional hors classe de Dakar, Tribunal rgional

    de NiameyTrait OHADA Trait de Port-Louis du 17 octobre 1993 instituant l'OHADATrait rvis Trait de Qubec du 17 octobre 2008 portant rvision du trait OHADAUEAC Union conomique de l'Afrique centraleUEMOA Union conomique et Montaire Ouest AfricaineV. VoirVol. Volume

  • Sommaire

    INTRODUCTION ..................................................................................3

    Premire partie: Approche critique de l'application de l'Acte Uniforme de l'OHADA organisant les procdures collectives d'apurement du passif......................................................................21

    Titre Premier : La mise en uvre des rgles rgissant l'ouverture des procdures collectives.........................................................................................23Chapitre 1 Les conditions de fond de louverture des procdures collectives..................................................................................25Chapitre 2 : Les rgles procdurales ................................................................87Titre Deuxime :La mise en uvre de la procdure de liquidation des biens et de celles tendant au redressement de l'entreprise.....................................129Chapitre 1 Un droit orient essentiellement vers la prservation des intrts des cranciers.....................................................................................................133Chapitre 2 Un droit qui favorise la disparition de lentreprise ......................257

    Deuxime Partie :Pour une rforme de l'Acte uniforme de l'OHADA organisant les procdures collectives d'apurement

    du passif .........................................................................................291

    Titre Premier: Le renforcement de la prvention des difficults de lentreprise...........................................................................................................293Chapitre 1 La rforme partielle du droit des socits et le recours aux techniques de l'anticipation par la ngociation ..............................................295Chapitre 2 : Le recours la procdure judiciaire de lanticipation par la rorganisation: La procdure de rorganisation judiciaire anticipe de l'entreprise...........................................................................................................395Titre Deuxime: Les ramnagements des procdures de redressement judiciaire et de liquidation des biens................................................................439Chapitre 1 Les ramnagements communs ...................................................441Chapitre 2: Les ramnagements spcifiques................................................453

    1

  • 2

  • INTRODUCTION Ni les enseignements de la pratique la plus exprimentale, ni les recherches de la science la

    plus vaste, ni les ressources de l'esprit le plus dli, ni les combinaisons de la prvoyance la plus

    sage ne supprimeront jamais cette matire les difficults qui tiennent sa nature et qui mlent

    leurs invitables inconvnients toutes les imperfections du lgislateur..

    M. Renouard, Trait des faillites et des banqueroutes, Paris, 1842, I, 2002.

    1. Au lendemain de leur accession l'indpendance dans les annes 1960, les pays d'Afrique Francophone taient dots d'un systme de droit priv troitement

    driv de celui de l'ex-puissance coloniale. Pendant prs de deux dcennies, ces

    tats ont fait voluer sparment leurs lgislations conformment l'expression

    de la souverainet nationale mme si la volont d'unifier le droit en Afrique tait

    matrialise par des tentatives sous-rgionales mises en place. Dj en 1962, on

    pouvait lire dans les stipulations de la Convention gnrale de coopration en

    matire judiciaire entre les pays de l'Organisation Commune Africaine et

    Mauricienne (OCAM) ce qui suit: Les hautes parties contractantes s'engagent

    prendre toutes dispositions en vue d'harmoniser leurs lgislations commerciales

    respectives dans toute la mesure compatible avec les exigences pouvant rsulter

    des exigences de chacune d'elles. A ce titre, une institution de cette organisation

    dnomme Bureau africain et mauricien de recherches et d'tudes lgislatives

    (BAMREL) avait t charge de cette mission mais disparaissait sans laisser de

    travaux significatifs.

    Les exemples d'uniformisation ou d'harmonisation du droit des affaires ou du droit

    conomique sont donc rares dans les vingt premires annes qui ont suivi

    l'indpendance des tats francophones d'Afrique1 rserve faite de l'uniformisation

    du droit de la proprit intellectuelle dans le cadre de l'OAPI2

    2. Au dbut des annes 1990, malgr les efforts normes, entrepris dans le sens de l'intgration juridique dans des secteurs particuliers de la vie conomique (droit

    social, droit bancaire et droit des assurances), on relevait encore une mosaque

    de textes lgislatifs variant d'un tat un autre, notamment dans le domaine du

    1En ce sens, Joseph Issa-Sayegh et Jacqueline Lohoues-Oble, OHADA, Harmonisation du droit des affaires, Collection droit uniforme africain, Bruylant Bruxelles 2002, n 91, p. 43 et 44.

    2Organisation Africaine de la Proprit intellectuelle

    3

  • droit des affaires constitu pour l'essentiel d'une rglementation vtuste3 avec

    corrlativement une jurisprudence mconnue et dans tous les cas fluctuante.

    Cette espce de balkanisation juridique et judiciaire, tait a priori source

    potentielle d'incertitude et d'inscurit et n'tait pas de nature favoriser les

    investissements, les changes commerciaux , c'est dire tout simplement le

    dveloppement conomique.

    3. L'inscurit juridique et judiciaire voque plus haut, a eu des consquences dramatiques pour les conomies africaines4, au pire des cas, cette rgion risquait

    d'tre dlaisse si elle ne l'tait dj par les investisseurs trangers au profit

    d'autres rgions plus attractives au plan de la scurit juridique et judiciaire5. Ce

    tableau peu favorable a t confirm par des experts qui ont propos la solution

    de l'intgration juridique dans le domaine du droit des affaires.

    Mais que recouvre le concept d'intgration juridique?

    Selon le Professeur Joseph Issa Sayegh, Si l'on raisonne par analogie avec

    l'intgration conomique qui consiste en une unification des politiques

    conjoncturelles, sectorielles et structurelles sous l'gide d'une autorit

    supranationale, on est incit dire que l'intgration juridique doit tendre une

    unification des politiques lgislatives dans les matires juridiques en relation avec

    l'intgration conomique.6

    Toujours selon le mme auteur, l'intgration juridique la plus acheve, strictement

    entendue se dfinit comme le transfert des comptences tatiques de deux ou

    plusieurs tats une organisation internationale dote de pouvoir de dcision et

    de comptences supra nationales ou supra tatiques pour raliser un ensemble

    juridique unique et cohrent, dans lequel les lgislations nationales s'insrent ou

    3 Voir en ce sens, A. Polo, Histoire, objectifs, structure , in L'OHADA et les perspectives de l'arbitrage en Afrique, Bruxelles, Bruylant 2000, p. 10; M. Kirsch, Historique de l'Organisation pour l'harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA) , Recueil Penant, n 1O8, 1998, p. 129 et s.; J. Issa-Sayegh et J. Lohoues-Oble, OHADA. Harmonisation du droit des affaires, Bruxelles, coll. Droit uniforme africain, d. Bruylant, 2002, p.41-42; K. Mbaye, prface in B. Martor et autres, Le droit uniforme africain des affaires issu de l'OHADA, Paris, 2e d., Litec 2009, p. XI.

    4En ce sens, Amadou Yaya Saar, L'intgration juridique dans l'Union conomique et Montaire Ouest Africaine( UEMOA) et dans l'Organisation pour l'Harmonisation du droit des affaires en Afrique(OHADA), thse Aix-Marseille III, p. 26.

    5 Philippe Tiger, Le Droit des Affaires en Afrique, OHADA, Que sais-je?, 1999, n 3526, p. 26.

    6Joseph Issa-Sayegh, L'intgration juridique des tats africains de la Zone franc, Recueil Penant, n 823, p. 5.

    4

  • se fondent pour atteindre les objectifs conomiques et sociaux que les membres

    se sont assigns7.

    4. On se convainc alors de ce que l'amnagement d'un cadre juridique et institutionnel favorable est une condition essentielle pour le succs de l'entreprise

    d'intgration conomique. En d'autres termes, il faut admettre avec Monsieur.

    Philippe Tiger qu'un espace conomique ne peut tre pleinement efficace, s'il

    n'est tram dans un espace juridique cohrent8.

    5. C'est donc pour relever ces dfis lis l'environnement juridique et judiciaire des activits conomiques dans les tats africains et pour rendre cette rgion

    suffisamment attractive pour les investissements trangers9 que le trait OHADA a t sign et adopt le 17 octobre 1993 Port Louis (Ile Maurice)10. L'ordre

    juridique OHADA est donc ds son origine porteur de l'objectif d'encourager

    l'investissement11.

    6. Le but clairement affirm12 est l'harmonisation du droit des affaires dans les tats Parties par l'laboration et l'adoption de rgles communes, simples,

    modernes et adaptes la situation de leurs conomies, par la mise en uvre de

    7 Joseph Issa-Sayegh, op.cit., p.7.

    8 Philippe Tiger, op.cit., p. 13.

    9L'attractivit normative est devenue un instrument au service de l'conomie dans le monde. Chaque pays et chaque rgion du monde recherche les normes qui sont les plus aptes encourager l'investissement local et attirer les investissements trangers. Les divers systmes juridiques sont en concurrence sur le march mondial ou rgional du droit. Voir ce sujet, H. Muir Watt, Concurrence d'ordres juridiques et conflits de lois de droit priv , Mlanges Lagarde, Paris, Dalloz 2005, p. 615 et s.

    10Il faut signaler que le dit trait a fait l'objet d'une rvision Qubec au Canada le 17 octobre 2008, les innovations apportes par cette rvision sont surtout relatives au raffermissement du dispositif institutionnel et l'amlioration du systme d'arbitrage de la Cour Commune et d'Arbitrage (CCJA). Le trait renforce les effectifs de la Cour Commune de justice et d'Arbitrage des juges qui animent la Cour,augmente le nombre des langues de travail de l'OHADA met fin aux arrangements dits de N'Djamena. En effet, en vue du dmarrage des activits des institutions de l'OHADA, les chefs des tats parties avaient, l'issue du sommet France-Afrique de Cotonou en dcembre 1995, charg leur homologue sngalais de l'poque de procder, sans appel, la rpartition des siges des Institutions et des postes des dites Institutions.

    11En ce sens, Grard N'goumtsa Anou, Droit OHADA et conflits des lois , Thse Lyon3, 2009, n 6, p. 6.

    12 Cf. article 1er du trait OHADA.

    5

  • procdures judiciaires appropries, et par l'encouragement au recours l'arbitrage

    pour le rglement des diffrends contractuels.

    L'article 5 du Trait prcise que les actes pris pour l'adoption des rgles

    communes sont qualifis Actes uniformes.

    Il est ainsi fait rfrence l'uniformisation du droit des affaires travers

    l'laboration des Actes uniformes. Cette rfrence aux Actes uniformes laisse

    clairement comprendre que l'action de l'OHADA consiste en une uniformisation du

    droit. Le terme d'harmonisation accol la dnomination de l'organisation et

    repris par l'article 1er du trait pour dcrire son objet, ne doit donc pas induire en

    erreur. L'intensit de l'intgration juridique mene, va bien au del d'une simple

    harmonisation et institue un vritable droit matriel uniforme OHADA13.

    Le champ d'application du droit uniforme OHADA est dtermin par deux

    lments; un domaine gographique constitu aujourd'hui de dix sept tats14 dont

    le nombre est appel s'tendre15.

    7. Pour assurer le fonctionnement du systme juridique mis en place, l'OHADA a t pourvue d'institutions propres16: la Confrence des chefs d'tat et de

    Gouvernement17, le Conseil des ministres, le Secrtariat permanent, la Cour

    commune de justice et d'arbitrage (CCJA), et l'cole rgionale suprieure de la

    magistrature (ERSUMA).

    13 La doctrine s'accorde reconnatre que le droit OHADA est un droit uniforme. Selon A. P. Santos et J. Y. Toe ( OHADA, Droit commercial gnral, coll. Droit uniforme africain, Bruylant, 2002, n7, p. 5), le procd utilis pour cette harmonisation est celui de l'uniformisation des rgles matrielles . En ce sens F. Anoukaha et autres, OHADA, Socits commerciales et G.I.E., coll. Droit uniforme africain, Bruylant, 2002, p. 25; F. M. Sawadogo, OHADA, Droit des entreprises en difficult, coll. Droit uniforme africain, Bruylant, 2002 p. 16; P.G. Pougou OHADA, Instrument d'Intgration Juridique Revue Africaine des sciences juridiques, vol. 2, n 2, 2001, p. 11 et s., pour qui il s'agit plus d'uniformisation que d'harmonisation ; J. Issa Sayegh et J. Lohoues-Oble, Harmonisation du droit des affaires, coll. Droit uniforme africain Bruylant 2002, p. 93, n 198, ces derniers auteurs relvent que l'objectif fondamental de l'OHADA est de raliser une unification progressive et gnrale des lgislations .

    14Bnin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique,Comores, Congo, Cte d'Ivoire, Gabon, Guine, Guine Bissau, Guine quatoriale, Mali, Niger, Sngal, Tchad, Togo et la Rpublique dmocratique du Congo dont l'adhsion sera juridiquement effective partir de janvier 2011.

    15Le trait OHADA est ouvert l'adhsion de nouveaux tats, qu'ils soient membres ou non de l'Union africaine, cf. article 53 du trait, ainsi que l'atteste la toute prochaine adhsion de la Rpublique dmocratique du Congo.

    16A propos des institutions de l'OHADA, cf. article 3 du trait.

    17Cette confrence a t cre par le trait du 17 octobre 2008 portant rvision du trait OHADA. L'institution d'une confrence des chefs d'tat et de Gouvernement tait vivement attendue, elle permet aux hauts responsables politiques de l'OHADA de disposer d'un cadre formel pour se runir et statuer sur toute question relative au trait.

    6

  • La comptence normative est attribue au Conseil des ministres. Il lui revient

    d'adopter les Actes uniformes prpars par le Secrtariat permanent, de prendre

    des rglements en application du trait ou des dcisions ncessaires au

    fonctionnement de l'OHADA. Il en rsulte que les parlements nationaux sont

    carts du processus normatif de l'OHADA, puisque seuls y sont impliqus: le

    Secrtariat permanent qui prpare les Actes uniformes sur lesquels il requiert

    l'avis des gouvernements nationaux, la Cour commune de justice et d'arbitrage

    (CCJA) qui met un avis sur les projets d'Acte uniforme, et le Conseil des

    ministres investi du pouvoir de les adopter, ce qui est de nature renforcer

    l'autonomie lgislative et institutionnelle de l'OHADA18. Cependant, au del des

    aspects positifs impliquant certainement un souci de rapidit dans l'adoption des

    Actes uniformes on peut se demander s'il n'tait pas plus indiqu de mettre sur

    place un parlement spcial commun qui aurait eu l'avantage de donner plus de

    lgitimit aux Actes uniformes et d'en faciliter le mcanisme de rvision19.

    Par ailleurs, l'exprience de l'unification du droit dans le monde a montr que sans

    l'institution d'une juridiction supranationale charge d'en uniformiser

    l'interprtation, l'unification acquise demeure fragile et expose aux alas des

    conceptions nationales20.

    Ce risque justifie l'institution de la CCJA qui a la particularit d'tre la fois une

    juridiction supranationale et un centre international d'arbitrage21, elle assure donc

    une fonction juridictionnelle et une fonction d'administration des arbitrages.

    18En ce sens , G.N. Anou, op.cit., n 11, p. 14.

    19Le principal reproche adress l'OHADA est bien l'absence de volont populaire ou de ses reprsentants, en ce sens, Pierre Bourel, in A propos de l'OHADA: libres opinions sur l'harmonisation du droit des affaires en Afrique, Recueil Dalloz 2007, n 14, p. 970; pour Grard N'goumtsa Anou, les Actes uniformes sont des actes unilatraux du Conseil des ministres, thse prcite , n 13, p. 19.

    20Voir sur cette question, E. Krings, L'opportunit de juridictions supranationales pour l'interprtation des lois uniformes , Rev.dr.unif., 1998, p. 25; Messieurs Mayer et Heuz soulignent cette fragilit qui peut gnrer des conflits de lois dans le domaine unifi: Il n'y a pas de loi commune lorsque l'unification ne s'est pas accompagne d'une unification juridictionnelle. Le droit vu du ct des sujets, ne s'identifie pas l'ordre du lgislateur; il est compos de rgles que les tribunaux appliquent en fait. Autant d'ordres juridictionnels, autant d'ordres juridiques , Droit international priv, Paris, Domat Montchrestien, 9e dition, 2007, n 93, p. 71.

    21Bourdin, Le rglement d'arbitrage de la CCJA , Revue camerounaise de l'arbitrage, n 5, Philippe Leboulanger, L'arbitrage et l'harmonisation du droit des affaires en Afrique, Revue de l'arbitrage, 1999, n 3; Paul Grard Pougou, Le systme d'arbitrage de la CCJA, in L'OHADA et les perspectives de l'arbitrage en Afrique , Bruylant Bruxelles, 2000, p. 129.

    7

  • 8. Dans sa facette de Cour commune de justice, charge d'assurer l'uniformit de l'interprtation et de l'application du droit OHADA, la CCJA exerce deux fonctions:

    une fonction consultative et une fonction juridictionnelle. Dans le cadre de sa

    fonction consultative, son avis peut tre sollicit par le Conseil des ministres ou

    par tout tat membre sur des questions relatives l'interprtation et l'application

    du droit uniforme22. Cet avis consultatif peut tre galement requis titre

    prjudiciel par les juridictions nationales d'un tat partie saisies d'un litige relatif

    l'application des Actes uniformes23.

    Dans le cadre de ses attributions juridictionnelles, elle statue comme Cour de

    cassation communautaire unique pour toute question d'interprtation et

    d'application du droit OHADA, ses arrts ont l'autorit de la chose juge et la force

    excutoire. Ils recouvrent sur le territoire de chacun des tats parties, une

    excution force dans les mmes conditions que les dcisions des juridictions

    nationales24. Le contentieux relatif l'application des Actes uniformes est rgl en

    instance et en appel par les juridictions nationales25. Tout pourvoi en cassation

    contre la dcision d'une juridiction nationale d'appel ou la dcision d'une juridiction

    nationale rendue en premier et en dernier ressort dans les affaires soulevant des

    questions relatives l'application des Actes uniformes et des rglements prvus

    au trait est port devant la CCJA l'exception des dcisions appliquant les

    sanctions pnales26. Il s'ensuit que lorsqu'une juridiction nationale de cassation a

    t saisie tort d'un pourvoi relatif une affaire soulevant des questions

    d'application des Actes uniformes, elle doit se dclarer incomptente et renvoyer

    l'affaire devant la CCJA27. A dfaut d'un tel renvoi, toute partie au litige qui a

    soulev sans succs l'incomptence de la juridiction nationale de cassation peut

    saisir la CCJA de l'affaire28. La CCJA peut donc tre saisie d'un pourvoi en 22Art. 14 paragraphe 2 du Trait OHADA.

    23Art. 14 du Trait OHADA.

    24Art. 20 du trait OHADA.

    25Art. 13 du Trait OHADA

    26Art. 14 alinas 3 et 4 du trait OHADA

    27Cf. Art. 15 du Trait OHADA.

    28Cf. Art. 18, alina 3 du Trait; c'est dans ce sens par exemple que la CCJA s'est prononce dans son arrt n 055 du 15 dc. 2005, affaire SEMOS SA contre B.E.T.R.A, Attendu que les conditions de comptence de la Cour commune de justice et d'arbitrage, telles que spcifies l'article 14 du trait sus vis taient runies; que ds lors, c'est tort que la Cour Suprme de la

    8

  • cassation soit directement par l'une des parties ou sur renvoi d'une juridiction de

    cassation nationale dclarant son incomptence. Enfin lorsque statuant en

    cassation, la CCJA casse la dcision d'une juridiction nationale, elle ne renvoie

    pas l'affaire devant une autre juridiction nationale. Elle voque l'affaire et statue

    sur le fond29. Il lui est ainsi confr une prrogative traditionnellement rserve

    aux juridictions du fond, celle de juger en fait et en droit quand bien mme elle

    tient lieu de juridiction de cassation. La prrogative peut tre compare celle

    reconnue aux juridictions nationales de cassation, lorsqu'elles statuent en

    chambres runies aprs un second renvoi de l'affaire devant une Cour d'appel

    autrement compose.

    Dans le second volet de sa mission, la CCJA joue le rle d'un centre

    d'administration de l'arbitrage. A ce titre, elle ne rgle pas elle mme les litiges

    mais se contente de nommer ou confirmer les arbitres, d'examiner sur le plan de

    la forme les projets de sentence dresss par les arbitres. Elle accorde l'exquatur

    communautaire de telles sentences.

    9. C'est donc dans le cadre des objectifs et du systme normatif et institutionnel voqus plus haut qu'il convient de situer l'avnement des Actes uniformes de

    l'OHADA30 et singulirement celui organisant les procdures collectives

    Rpublique du Mali s'est dclare comptente, qu'en consquence, l'arrt n 7 qu'elle a rendu le 08 avril 2002 doit tre dclar nul et non avenu (..) Par ces motifs, reoit le recours en annulation de la Socit d'Exploitation des Mines d'or de Sadiola dite SEMOS SA contre l'arrt n 07 du 08 avril 2002 de la Cour Suprme du Mali; dit que la Cour Suprme du Mali s'est dclare comptente tort pour examiner le pourvoi form par la Socit d'Exploitation des Mines d'Or de Sadiola dite SEMOS SA contre Barou Entreprises des Travaux dite BETRA et dirig contre le jugement n 39 du 26 janvier 2000 du Tribunal de commerce de Bamako; dclare en consquence nul et non avenu l'arrt n 07 rendu par la dite Cour le 08 avril 2002.

    29Art. 14 in fine du Trait.

    30L'OHADA compte aujourd'hui son actif huit Actes uniformes: Acte uniforme relatif au droit commercial gnral entr en vigueur le 1er janvier 1998, ce texte emprunte directement au Code de commerce franais la dfinition de l'acte de commerce, reprend la distinction des actes de commerce par nature, par la forme et par accessoire, celle des actes de commerce et des actes civils, il regroupe des oprations comme le bail commercial, la commission, le courtage, la reprsentation et la vente. Il est en cours d'amendement dont le mrite sera d'introduire le concept de l'activit conomique; Acte uniforme du 17 avril 1997 relatif au droit des socits commerciales et du groupement d'intrt conomique entr en vigueur le 1er janvier 1998, cet acte adhre la conception hybride du droit franais mi-contractuelle, mi-institutionnelle, maintient la forme classique des socits l'exception de la socit en commandite par actions; Acte uniforme du 17 avril 1997 portant organisation des srets; Acte uniforme portant organisation des procdures simplifies de recouvrement et des voies d'excution; Acte uniforme du 11 mars 1999 relatif au droit de l'arbitrage; Acte uniforme du 24 mars 2000 portant organisation et harmonisation des comptabilits des entreprises; Acte uniforme du 22 mars 2003 relatif aux contrats de transport de marchandises par route. De nombreux autres actes uniformes sont en chantier et existent sous forme de projet, dont l'Acte uniforme sur le droit du travail, sur les contrats et sur les socits coopratives. De mme il semble que le Secrtariat Permanent de l'OHADA envisage avec l'appui

    9

  • d'apurement du passif adopt Libreville (Gabon) le 10 avril 1998 et entr en

    vigueur le 1er janvier 199931.

    10. Il est vrai que le trait OHADA, dans l'numration indicative qu'il fait en son article 2 des matires susceptibles de composer le droit des affaires, fait mention

    de rgles relatives au rgime du redressement des entreprises32 et de la

    liquidation judiciaire et de l'intervention du juge voque travers les expressions

    de procdures judiciaires appropries semble avoir donn une orientation

    significative en la matire. Cependant, plutt que de rebondir sur des lments

    laconiques connotation indicative, il parat plus judicieux de rechercher les

    repres qui ont guid les experts de l'OHADA dans leur uvre conceptuelle,

    lesquels semblent avoir a priori un lien troit avec l'volution des procdures

    collectives et de leurs finalits en France. Cette dmarche permet au moins de

    situer et de comprendre les grandes orientations et options de l'Acte conventionnel

    dont l'application est l'objet de la prsente tude.

    11. Il est acquis qu' la veille de l'adoption de l'Acte Uniforme organisant les procdures collectives d'apurement du passif, la majeure partie des pays

    aujourd'hui membres de l'OHADA avaient observ un immobilisme lgislatif

    depuis leur accession la souverainet nationale et continuaient d'appliquer la

    lgislation originaire du Code de commerce de 1807 telle que modifie par les lois

    du 28 mai 1838 et 4 mars 1889 et les dcrets-lois du 8 aot et du 30 octobre

    193533. Ces textes correspondent en France une priode charnire de

    de la Banque mondiale des amendements pour la plupart des Actes uniformes en vigueur.

    31Par souci de clart, ce texte sera simplement cit comme Acte uniforme sans autre rfrence tout au long des dveloppement qui vont suivre.

    32 Les termes redressement et entreprises sont des termes conomiques, la rfrence directe ces notions par le trait pourrait signifier que les signataires de cet acte fondateur aspirent profondment un droit des entreprises en difficult qui dpasse la seule sphre du rapport dbiteur-crancier.

    33 Globalement,la lgislation applicable aux pays africains tait contenue -dans le livre III du Code de commerce de 1807 modifi par les textes antrieurs au dcret n 55-583 du 20 mai 1955 en ce qui concerne les faillites et banqueroutes, -la loi du 4 mars 1889 rendue applicable outre-mer par le dcret du 9 juillet 1890, en ce qui concerne la liquidation judiciaire. Cette lgislation ancienne consacrait la faillite qui dbouchait sur la disparition de l'entreprise par la ralisation de l'intgralit de son actif et l'apurement de son passif, et la liquidation judiciaire (mal dnomme) qui permettait d'obtenir un concordat.: v. F M Sawadogo,in Trait et Actes Uniformes comments et annots, Juriscope 3e dition 2008, p. 877; Djibril Abarchi, Pour une adaptation du droit nigrien des procdures collectives l'volution socio-conomique, thse Orlans, 1990, p.539 avec en annexe les textes applicables et la jurisprudence.; A. Aggrey, Guide de la faillite, Juris-Editions, ditions juridiques de Cte d'Ivoire 1989 (fascicules).

    10

  • l'volution des fonctions et des finalits du droit de la faillite. En effet, on assiste

    progressivement l'adoucissement de la rpression et une indulgence en faveur

    du dbiteur lorsqu'il le mrite (par exemple lorsqu'il est lui mme victime de

    l'volution du march, des conditions de la concurrence ou d'autres

    circonstances). Cette approche s'est traduite concrtement par l'introduction de la

    distinction entre le commerant malhonnte qui se voit appliquer la procdure de

    faillite et le commerant malheureux et de bonne foi qui relve de la procdure de

    liquidation judiciaire pouvant dboucher l'poque, sur le bnfice d'un concordat

    ( consistant en l'octroi de dlais ou de remises au dbiteur par ses cranciers). Il

    reste que la finalit d'origine34 qui est le rglement des cranciers est demeure

    intangible, l'objet principal de la faillite tant de rgler les relations entre le

    dbiteur et ses cranciers.

    12. .Le systme mis en place par le dcret du 20 mai 1955 a maintenu la dualit des procdures, la faillite rserve aux commerants indignes conduisant

    l'interdiction d'exercer le commerce et l'limination du dbiteur de la vie des

    affaires par la vente force de ses biens; le rglement judiciaire qui remplaait la

    liquidation judiciaire tant rserv aux commerants de bonne moralit. Toutefois,

    le subjectivisme dans le choix entre les procdures, rvla le caractre

    anticonomique du systme induit par la condamnation d'entreprises saines ne

    pouvant accder au concordat du seul fait de la malhonntet de leurs dirigeants.

    Cette incohrence destructrice suscita de faon irrversible une nouvelle vision du

    droit de la faillite dans l'intrt de l'entreprise.

    L'examen et l'exploration des repres relatifs l 'tat de la lgislation des tats

    parties l'OHADA la veille de l'adoption de l'Acte Uniforme objet de notre tude,

    rvlent en outre, qu'un certain nombre de pays avaient envisag des rformes

    34 Le professeur Denis Voinot relve que le rglement des cranciers a toujours constitu un objectif primordial de la faillite, quelle que soit par ailleurs l'volution de cette matire :in Droit conomique des entreprises en difficult, L.G.D.J 2007, n 11, p. 7; dans le mme sens, F. Aubert, Les finalitss des procdures collectives , in Prospectives du droit conomique, Dialogue avec Michel Jeantin, Dalloz, 1999, p. 379 (..) la dfense des intrts des cranciers et le paiement de leurs crances demeurent l'une des finalits incontournables du droit des entreprises en difficult et celle laquelle on a coutume de se rfrer pour mesurer le succs d'une rforme .

    11

  • totales ou partielles35 alignes sur celles intervenues successivement en France et

    introduites par les textes de 1967 , 1984 et 1985.

    L'enseignement fondamental tirer globalement de ces rformes et des textes qui

    ont inspir les tats membres de l'OHADA soucieux de faire voluer leurs

    lgislations dans ce domaine, est la nouvelle orientation du droit de la faillite,

    tourn dsormais vers la prise en compte des besoins de l'entreprise. Et pour

    reprendre l'expression image d'un auteur36, le droit conomique fait irruption en

    droit des procdures collectives et l'on y voit s'esquisser une distinction entre le

    droit patrimonial et le droit de l'entreprise .

    Le Professeur Paillusseau37 voque et rsume la situation en ces termes: Le

    droit de la faillite doit tre reconsidr dans ses finalits, ses fondements et son

    organisation. S'il est vrai que les finalits initiales qu'il a originellement poursuivies

    sont incontestables et doivent tre conserves, il convient de les adapter aux

    ralits conomiques et sociales actuelles. Dans cette perspective, le dbiteur

    ne peut plus dissimuler l'entreprise, la notion d'insolvabilit ne peut plus clipser

    celle de difficult et la ncessaire protection des cranciers et du crdit ne peut

    plus carter celle des autres intresss et celle de l'intrt gnral. Du droit des

    faillites, il faut passer au droit des entreprises en difficult

    Dans les motifs de la loi sur le redressement judiciaire, on peut lire ce qui suit:

    Le droit des entreprises en difficult doit tre repens en fonction de l'intrt de

    l'entreprise, elle mme , source d'activit .

    13. Cette nouvelle approche s'tait dj matrialise dans la loi du 13 juillet 1967 par l''introduction du principe de sparation de l'homme de l'entreprise sous

    35 Le Mali et le Sngal ont adopt littralement la loi franaise n 67- 563 du 13 juillet 1967, - des pays membres comme : le Gabon, le Cameroun, le Bnin, et la Guine, se sont inspirs des lois franaises du 1er mars 1984 sur l'alerte interne et le rglement amiable et du 25 janvier 1985 relative auu redressement et la liquidation judiciaires; - la Rpublique Centrafricaine a institu une procdure de suspension des poursuites et d'apurement collectif du passif pour les entreprises d'intrt national en situation financire difficile, mais non irrmdiablement compromise, sur le modle de l'ordonnance du 23 septembre 1967; - Le Burkina Faso a institu une nouvelle procdure de redressement judiciaire qui vient se superposer aux procdures existantes, elle reprend pour l'essentiel, les dispositions de l'ordonnance franaise du 23 septembre 1967 la diffrence qu'elle ne s'ouvre que si le dbiteur est en tat de cessation des paiements: v. sur l'ensemble de ces points Joseph Issa Sayegh, Prsentation de l'Acte Uniforme organisant les procdures collectives d'apurement du passif..., in Penant, numro spcial, OHADA, 1998, n 827, p. 217; OHADA, Trait et Actes Uniformes comments et annots, Juriscope 3e dition, 2008, p. 877 et s.

    36 Dominique Vidal, Droit des procdures collectives, Gualino, 2e dition, 2009, n 10, p. 23.

    37 Jean Paillusseau, Du droit des faillites au droit des entreprises en difficult, tudes offertes Roger Houin, Dalloz Sirey, 1985, p. 109 150, spcialement page 113.

    12

  • l'instigation du doyen Houin38, le sort conomique de l'entreprise ne devant plus

    dpendre des fautes de son dirigeant, le critre de choix entre le rglement

    judiciaire et la liquidation des biens devient l'entreprise viable et redressable. De

    mme la procdure prventive de suspension provisoire des poursuites institue

    par l'ordonnance du 23 septembre 1967 pour protger les entreprises

    d'importance rgionale ou nationale retient comme solution le plan de

    redressement marquant ainsi l'amorce d'une rupture avec le concordat et

    l'mergence du renforcement de l'interventionnisme judiciaire. Ce mouvement en

    faveur de l'entreprise met l'accent sur sa protection par la prvention (lois de

    1984) et atteint son paroxysme avec ce que Monsieur Rizzi39 qualifie

    d'absolutisme du redressement opr par la loi de 1985 qui consacre comme

    finalit primordiale du droit des entreprises en difficult la sauvegarde de

    l'entreprise, le maintien de l'activit et de l'emploi et l'apurement du passif.

    14. Un autre repre de haute porte qui a incontestablement influenc les experts de l'Acte Uniforme, est qu' la veille de l'laboration du dit Acte, le dogme du

    redressement lgalement consacr est la cible de vives critiques de la doctrine

    que les promoteurs de l'Acte uniforme reprennent d'ailleurs fort opportunment

    pour justifier leur option40; mieux, un temprament y est apport lgalement par la

    38 R. Houin, La permanence de l'entreprise travers la faillite, in Liber amicorum Baron Louis Fredericq, 1965, T.2 p. 609 : dans sa dmonstration l'auteur s'insurgeait contre les effets pervers de l'limination des dbiteurs et soulignait cet effet en substance que ..Sous prtexte de sanctionner les fautes des dirigeants, le lgislateur condamne l'entreprise, c'est dire les salaris, les associs et mme les cranciers car ceux-ci ne profitent gnralement pas d'une liquidation qui intervient dans de mauvaises conditions..(p.614).

    39 Aldo Rizzi, La protection des cranciers travers l'volution des procdures collectives, thse Perpignan, 2003, n 390, p. 458.

    40 V. sur ce point, les dveloppements des Professeurs: Joseph Issa-Sayegh, Prsentation du projet d'Acte Uniforme de l'OHADA sur les procdures collectives d'apurement du passif Revue de Droit des pays d'Afrique, 1998, n 827, p.217, selon l'auteur La lgislation franaise du XIXe sicle mme modifie, ne correspond plus au contexte conomique et social des pays africains. Ceci tant, il ne semble pas que la lgislation franaise rsultant des textes de 1984 et 1985 soit la panace sous prtexte qu'elle est rcente et moderne. Elle parat inadapte au contexte africain. En effet, elle est complexe et sophistique; elle suppose un appareil judiciaire et parajudiciaire trs toff et spcialis; elle fait table rase de concepts commodes et familiers(concordat, masse des cranciers, inopposabilit des actes irrguliers..); enfin, elle n'a pas tenu les promesses qu'on plaait en elle et elle a fait l'objet d'amendements rcents dont on ne peut dire que ce seront les derniers. Plutt que de rechercher un modle tout fait, il a paru prfrable d'identifier les grands problmes qui se posent en la matire et de rechercher des solutions efficaces et adaptes au contexte juridique, judiciaire, conomique et social des tats concerns ; F.M.Sawadogo, OHADA, Trait et Actes Uniformes comments et annots, Juriscope 1999, p. 870 et 871: cet auteur justifie les options et l'orientation en matire de prvention en ces termes: Fallait-il instituer des procdures de dtection des difficults et d'alerte de l'entreprise et de rglement

    13

  • rforme partielle opre par la loi du 10 juin 1994 ( qui redonne efficacit aux

    surets relles, associe les cranciers au droulement de la procdure, permet le

    prononc de la liquidation judiciaire immdiate, introduit des mesures tendant la

    moralisation des plans de cession).

    15. Au regard du contenu de l'Acte Uniforme, on peut lgitimement penser qu'au plan thorique et conceptuel, ses auteurs ont repris leur compte deux rflexions

    exprimes par le Professeur Guyon dans son apprciation critique de la loi

    franaise:Tant qu' n'oprer qu'une rforme finalement limite, le lgislateur

    aurait pu s'en tenir un repltrage de la loi et de l'ordonnance de 1967 41. En

    effet, l'Acte Uniforme organisant les procdure collectives d'apurement du passif a

    mis en place deux catgories de procdures essentiellement judiciaires qui

    interviennent chacune un moment dtermin en fonction des difficults du

    dbiteur.

    -La premire comprend une seule procdure: il s'agit du rglement prventif. Elle

    est dfinie comme une procdure destine viter la cessation des paiement ou

    la cessation d'activit de l'entreprise et permettre l'apurement de son passif au

    moyen d'un concordat prventif. Elle est applicable lorsque l'entreprise connat

    une situation conomique et financire difficile mais non irrmdiablement

    compromise. Comme son nom l'indique, il s'agit d'une mesure prventive qui peut

    tre demande par le seul dbiteur celui -ci doit alors proposer ses cranciers

    un projet de concordat prventif assimilable un vritable plan de redressement

    au regard des prescriptions lgales relatives son contenu. Il est dispens

    temporairement du paiement des dettes qu'il aura vises dans sa requte aux fins

    amiable de ses difficults comme l'ont fait la loi gabonaise et la loi franaise du 1er mars 1984?-S'agissant des procdures de prvention et d'alerte interne propres aux socits, il est certain qu' dfaut d'tre ncessaires, elles sont souhaitables et peuvent tre parfaitement intgres dans le droit des socits et, plus particulirement, dans les rgles organisant la mission de contrle dvolue aux commissaires aux comptes, aux actionnaires, aux associs des socits anonymes et responsabilit limite. C'est pourquoi elles ne figurent pas dans ce texte. - S'agissant des procdures de prvention et d'alerte externe, surtout utiles aux entreprises n'ayant pas la structure de socits commerciales et aux socits de personnes, il est douteux qu'elles puissent tre organises utilement dans la mesure o elles supposent un important rseau d'experts juridiques et fiscaux que n'offrent pas la plupart des tats concerns..Quant au rglement amiable des difficults des entreprises , s'il parat souhaitable de l'organiser, le modle franais ne parat pas indiqu, car celui-ci manque de prcision et ne prsente pas un grand intrt par rapport au concordat amiable conventionnel qui existe dans la pratique des affaires...l'accord est conclu avec les principaux cranciers du dbiteur sans que soit prcis ce qu'on entend par principaux cranciers.. .

    41 Yves Guyon, Droit des affaires, T 2: Entreprises en difficults Redressement judiciaire-Faillite, conomica, 8e dition 2001, n 1421, p.470; dans le mme sens, Jean Ren Gomez, OHADA, Entreprises en difficult, BAJAG-MERI, 2003, n 10, p. 24.

    14

  • de rglement prventif. Il est admis que le rglement prventif s'inspire fortement

    du modle de la procdure de suspension provisoire des poursuites de

    l'ordonnance franaise du 23 septembre 1967.

    La deuxime est compose de deux procdures distinctes: la procdure de

    redressement judiciaire et la procdure de liquidation des biens applicables au

    dbiteur qui a cess ses paiements c'est dire qui ne peut plus faire face avec

    son actif disponible son passif exigible. Le redressement judiciaire est une

    procdure destine la sauvegarde de l'entreprise et l'apurement de son passif

    au moyen d'un concordat de redressement vot par les cranciers dont les

    crances sont nes rgulirement et antrieurement au jugement d'ouverture et

    homologu par la juridiction comptente. Pour que le redressement judiciaire soit

    prononc, il faut que l'entreprise en tat de cessation des paiements soit viable ou

    susceptible d'tre sauve, et que le dbiteur prsente dans le dlai prescrit par

    l'Acte uniforme un concordat srieux. L'objet du concordat de redressement n'est

    pas uniquement d'obtenir des dlais et des remises, mais galement de prendre

    toutes mesures juridiques, techniques et financires (y compris la cession partielle

    de l'entreprise) susceptibles de raliser le rtablissement des conditions de

    fonctionnement normal de l'entreprise. La liquidation des biens est une

    procdure qui a pour objet la ralisation de l'actif du dbiteur pour apurer son

    passif . Le critre de choix entre le redressement judiciaire et la liquidation des

    biens est le fait de proposer ou de ne pas proposer un concordat srieux. Ds que

    la liquidation des biens est prononce, les cranciers sont constitus en tat

    d'union. Le syndic et le juge-commissaire sont chargs de la conduite des

    oprations de liquidation suivant les conditions de forme et de dlais prvues par

    l'Acte uniforme.

    16. Le lgislateur de l'OHADA a port un grand intrt la question des faillites internationales. Aussi s'est-il attach mettre en uvre une conception

    transnationale active des procdures collectives42 l'intrieur de l'espace

    rgional constitu des tats parties, autant pour prendre en compte les effets

    l'tranger d'une procdure collective unique ouverte dans l'un des tats parties

    42L'expression est de Monsieur le Professeur Ph. Tiger, Les procdures collectives aprs cessation des paiements en droit harmonis de l'OHADA, in Petites affiches, 13 octobre 2004, n 205, p.35, spec. p.46.

    15

  • que pour coordonner les effets de plusieurs procdures susceptibles d'tre

    ouvertes dans diffrends tats membres l'encontre d'un dbiteur unique43.

    Les solutions retenues par rapport cette question lie au dveloppement des

    relations commerciales internationales apparaissent en grande partie inspires

    des travaux prparatoires au rglement europen du 29 mai 2000, et en particulier

    du projet de convention europenne relative aux procdures d'insolvabilit qui n'a

    pas abouti mais dont le rglement n'est que le dcalque44.

    17. L'Acte uniforme met galement l'accent sur la fonction de police conomique des procdures collectives. En effet, celles-ci donnent l'occasion dans certains cas

    d'apprcier le comportement des dirigeants de l'entreprise, ces derniers subissent

    plus ou moins les effets des procdures lorsque leur comportement a contribu

    la situation de l'entreprise. Il s'agit des sanctions patrimoniales telles que: la

    condamnation au comblement du passif en cas d'insuffisance d'actif45, de

    l'extension des procdures collectives ouvertes contre la personne morale ses

    dirigeants lorsque ceux-ci se sont comports comme les maitres de l'affaire46, de

    l'interdiction de cder leurs droits sociaux, d'exercer leur droit de vote dans les

    assembles et, ventuellement l'obligation de cder ces droits47. Il s'agit aussi

    d'autres mesures dsignes par l'expression faillite personnelle destines les

    exclure pendant un certain temps des circuits conomiques48. Il s'agit enfin des

    sanctions pnales visant la banqueroute et des infractions assimiles49.

    Des mcanismes de dtection prcoce des difficults de l'entreprise sont par

    ailleurs prvus dans le cadre de l'Acte Uniforme sur le droit des socits

    commerciales et du Groupement d'intrt conomique ( alerte et expertise de

    gestion), visant protger l'entreprise par la voie de l'information et du contrle

    des actes de gestion des dirigeants sociaux.

    43V; titre VI de l'AUPC, art. 247 256.

    44En ce sens, F. Mlin, L'OHADA et le droit de la faillite internationale, D. 2005, n 23, p. 1569

    45Art. 183 et s. de l'AUPC

    46Art. 189 et s. de l'AUPC

    47Art. 57 et 185 de l'AUPC

    48Art. 196 et s. de l'AUPC

    49Art. 226 et s. de l'AUPC

    16

  • 18. On peut donc relever partir de la lettre de l'Acte uniforme50, la coexistence de deux finalits: la sauvegarde de l'entreprise et l'apurement du passif que le droit des entreprises issu de l'OHADA doit lgalement poursuivre.

    19. Aprs la premire dcennie de son entre en vigueur, l'tude de l'application de l'Acte Uniforme trouve donc amplement sa justification et prsente

    incontestablement un grand intrt. D'abord, en raison de ses enjeux

    conomiques pour les tats membres de l'OHADA ( protection des entreprises

    cratrices de richesses et d'emplois, prservation du crdit); ensuite, parce que

    dans un contexte de mondialisation, le droit au sens large et le droit des

    entreprises en difficult en particulier, entre dans le champ de la concurrence et de

    la comptitivit entre les tats ou les zones gographiques, pour reprendre la

    pense du Professeur Chaput savoir que dans le domaine de la concurrence,

    les droits eux mmes deviennent pleinement objet de march51 et dans le mme

    sens celle de Madame le Professeur Watt selon qui les systmes juridiques sont

    en concurrence sur le march mondial ou rgional52. Il en dcoule la ncessit

    de se doter en ce domaine d'un systme juridique efficace, performant et rationnel

    et de le faire voluer de faon continue. Ce qui explique certainement pourquoi

    selon l'approche de cet autre auteur relative l'exercice auquel se livre

    continuellement le lgislateur des procdures collectives l'application et le succs

    de la loi font dsormais partie du processus lgislatif part entire53.

    Corrlativement, la place centrale qu'occupe le droit des entreprises en difficult

    dans le droit des affaires lgitime son valuation54 partir du moment o il a t

    50Cf. Art. 2 de l'AUPC

    51 Yves Chaput, in La rforme des procdures collectives, RLDA, Supplment au n 88, dc. 2005, p. 37.

    52H. Muir Watt, Concurrence d'ordres juridiques et conflits de lois de droit priv, Mlanges Lagarde, Paris Dalloz 2005, p.615 et s.

    53 Marie-Anne Frison-Roche, Le lgislateur des procdures collectives et ses checs in Procdures collectives et droit des affaires Morceaux choisis, Mlanges en l'honneur d'Adrienne Honorat ditions Frison-Roche, n 25, p. 116.

    54 Sous la rserve qu' l'heure actuelle et sur le terrain purement conomique, les mthodes et les critres d'valuation de ce droit ne font pas l'unanimit et ceci en raisons des choix effectus par la Banque Mondiale pour apprcier l'efficacit des lgislations sur la faillite dans diffrents tats en ce sens, D. Voinot, op.cit., note n 124, p. 26; v. galement sur ce point, Bertrand du Marais, Des indicateurs pour mesurer le droit (Les limites mthodologiques des rapports Doing Business) La

    17

  • reconnu par les conomistes modernes que les institutions et le droit exercent une

    influence sur la croissance conomique55.

    20. Au regard de ces lments et donnes, il est permis de s'interroger sur l'effectivit et l'efficacit de l'Acte uniforme, son degr d'assimilation par les

    acteurs chargs de sa mise en uvre, la rationalit des moyens retenus pour

    atteindre les finalits qu'il s'est assignes l'quilibre entre les dites finalits et de

    se placer corrlativement dans une dynamique prospective.

    La prise en charge de l'ensemble de ces questions, impose deux dmarches

    complmentaires .

    Il y a d'abord la piste de l'valuation quantitative fonde sur l'outil statistique dont le champ opratoire est la pratique judiciaire. Une valuation quantitative

    rigoureuse consisterait alors runir l'ensemble des cas d'application depuis

    l'entre en vigueur de l'Acte Uniforme jusqu' la ralisation de la prsente tude.

    Un tel cheminement prsente des aspects positifs en ce sens qu'il permet de voir

    la frquence de la mise en uvre du texte et donc de mesurer son effectivit et de

    faire au surplus un rapprochement entre son contenu et sa mise en uvre. Plus

    concrtement, il permet de voir si les juges se livrent une apprciation correcte

    et rigoureuse des conditions d'ouverture des procdures institues, si les

    procdures ouvertes sont bien conduites et cltures, si les diffrents organes

    jouent effectivement leur rle. Il est vident que des dfaillances ce niveau

    peuvent influer ngativement sur la ralisation des objectifs viss par les dites

    procdures.

    Cependant, cette mthode prsente l'inconvnient majeur de ne pas offrir

    suffisamment d'espace aux analyses thoriques et prospectives. De plus, eu

    gard l'tendue du sujet, elle est susceptible de confiner le travail dans une

    dmarche conduisant des redites ou rptitions sur certains points. Dans le

    meilleur des cas, elle ne peut aboutir qu' des recommandations connotation

    pratique en direction des tats en vue d'aboutir une meilleure observation du

    documentation franaise, 2006; un autre auteur soutient non sans pertinence qu' au del de son objectif conomique, en dehors du remboursement des cranciers, la fonction essentielle d'une loi sur les procdures collectives est d'apaiser les esprits et de canaliser les individualismes , Soinne, Trait des procdures collectives, Litec 1995, p. 23.

    55 Depuis l'attribution du Prix Nobel d'conomie R. Coase puis D. North: en ce sens B. du Marais, op.cit., p.10.

    18

  • contenu de l'Acte uniforme en vigueur ( amlioration de la qualit des dcisions

    judiciaires, formation et comptence des magistrats, responsabilisation des

    syndics par la mise en place de statuts spcifiques pour un meilleur contrle de

    leur rle dans les procdures, .indpendance des commissaires aux comptes,

    adaptation de l'organisation judiciaire etc.). Un autre inconvnient rside dans la

    difficult d'entrer en possession de l'ensemble des cas d'application connus au

    niveau de chacun des pays membres, puisqu'il n'existe pas dans la plupart d'entre

    eux, de mcanismes de diffusion systmatique des dcisions de justice comme

    c'est le cas en France, encore moins de donnes statistiques fiables et

    exploitables, mme si par ailleurs, des efforts normes sont faits ces dernires

    annes dans le sens d'une diffusion maximale de la jurisprudence sur le site de

    l'OHADA avec l'appui de l'UNIDA56.

    A cela il faut ajouter qu'il n'est pas ais de suivre l'volution des procdures de

    leur ouverture leur clture. Un autre point de difficult inhrent cette premire

    dmarche est la raret si non la quasi inexistence d'arrts de la Cour Commune

    de Justice et d'Arbitrage relatif l'Acte Uniforme concern. A cet effet, il est noter

    que jusqu'au milieu de l'anne 2007 la CCJA n'a eu qu'une seule occasion de se

    prononcer sur l'Acte uniforme organisant les procdures collectives57. Ce qui

    signifie que l'application judiciaire du texte n'a t pour l'essentiel que l'uvre des

    Cours d'appel nationales, des tribunaux de grande instance, des tribunaux

    rgionaux des tribunaux d'instance et des tribunaux de commerce pour les pays

    qui les ont crs58.

    21. Sans rejeter pour autant l'approche voque plus haut, on peut privilgier une seconde dmarche qui est celle de l'valuation qualitative. Elle consiste prendre en compte les finalits de l'Acte Uniforme et valuer les moyens qui

    soutendent la ralisation des dites finalits; ce qui revient vrifier thoriquement

    la rationalit des rgles, des techniques et des solutions retenues par l'Acte

    Uniforme et leur aptitude intrinsque conduire les procdures institues en vue

    56Association pour l'uniformisation du droit en Afrique.

    57Arrt n 004/2004 du 8 janvier 2004, Attiba et autres c/ Compagnie Air Afrique et autres, Recueil de jurisprudence CCJA, janvier-juin 2004, p. 44-51, qui dcide que les Actes Uniformes, en particulier l'AUPC et l'AUDSG, sont applicables la Compagnie Air Afrique malgr ses spcificits statutaires.

    58En ce qui concerne ces juridictions nationales, le Rpertoire Quinquennal OHADA 2000-2005 ralis par le professeur Joseph Issa-Sayegh ne mentionne que 102 dcisions.

    19

  • de la sauvegarde de l'entreprise et du paiement des cranciers. Cette approche a

    l'avantage d'ouvrir plus largement la voie la synthse, aux enjeux et la

    prospective. Nous choisissons toutefois, d'exclure du champ de nos analyses les

    sanctions pnales non seulement dans le souci de restreindre un sujet

    suffisamment tendu, mais aussi et surtout parce que l'Acte uniforme qui nous

    intresse n'a dfini que des incriminations, la dtermination de la peine qui est un

    lment indispensable de la mise en uvre des sanctions de cette nature, tant

    laisse l'initiative des pays membres de l'organisation, ce qui rend malaise une

    analyse d'ensemble et uniforme.

    La combinaison rationnelle des dmarches prconises, conduit alors envisager

    dans une premire partie: une approche critique de l'application de l'Acte Uniforme

    organisant les procdures collectives d'apurement du passif, exercice qui doit

    dboucher logiquement sur des propositions de rforme en profondeur de l'Acte

    uniforme qu'il est possible d'envisager dans une seconde partie.

    Premire partie : Approche critique de l'application de l'Acte Uniforme de l'OHADA organisant les procdures collectives d'apurement du passif

    Deuxime partie: Pour une rforme de l'Acte uniforme de l'OHADA organisant les procdures collectives d'apurement du passif.

    20

  • Premire partie: Approche critique de l'application de l'Acte Uniforme de l'OHADA

    organisant les procdures collectives d'apurement du passif

    22. L'uvre d'unification et de modernisation du droit des affaires des tats membres de l'OHADA a t complte par l'adoption de l'Acte uniforme organisant

    les procdures collectives d'apurement du passif entr en vigueur en janvier 1999.

    La rforme introduite par l'OHADA s'est rvle trs peu novatrice pour semble-t-il

    viter une rupture brutale avec le droit positif antrieur des tats membres de

    l'organisation. Il ne fait aujourd'hui pas de doute que cet Acte uniforme prsente

    des enjeux conomiques certains pour les pays de cet espace gographique , qui

    ont choisi majoritairement de faire de l'initiative prive le moteur de leur

    dveloppement conomique.

    23. On peut observer cependant que ds que le texte est entr en vigueur, les praticiens comme la doctrine n'ont cess de relever de nombreuses difficults

    relatives son application et de critiquer la pertinence de plusieurs de ses

    dispositions. Dans le prolongement de ces constats et critiques, il convient dans

    cette premire partie d'tudier la mise en uvre du texte et de s'interroger sur la

    rationalit des rgles , des techniques et des solutions qui y sont retenues pour

    atteindre les finalits de sauvegarde de l'entreprise et de paiement des cranciers

    assignes aux diffrentes procdures organises.

    Dans cette perspective, il parat raisonnable d'examiner en premier lieu les

    conditions d'ouverture des procdures institues puisque ce sont elles qui

    dterminent partir de quel moment le recours la thrapie prventive ou

    curative est autoris ( Titre premier).

    En second lieu, il sera ncessaire d'examiner les rgles ,les techniques et les

    solutions qui permettent aux procdures dclenche d'assurer leur fonction

    prventive ou curative, au nombre desquelles figurent en premier plan les

    solutions telles que le concordat prventif solution du rglement prventif, le

    concordat de redressement pouvant comporter cession partielle d'actif solution du

    21

  • redressement judiciaire et l'union solution de la liquidation des biens (Titre

    deuxime).

    Cette tude doit pouvoir mettre ou non en vidence, la corrlation entre les

    modalits des procdures organises et leurs finalits. De plus, elle doit pouvoir

    s'appuyer sur l'clairage du droit compar, singulirement les lgislations

    franaises de 1967 et certains aspects de la rforme opre par la loi de 1985

    sources d'inspiration du texte.

    C'est donc l'ensemble des constats issus de ces diffrentes analyses qui

    constitueront les rceptacles dune approche prospective dans le sens de

    l'amlioration, du ramnagement ou de la rforme du droit des entreprises en

    difficult issu de l'OHADA.

    22

  • Titre Premier : La mise en uvre des rgles

    rgissant l'ouverture des procdures

    collectives

    24. Lacte uniforme OHADA organisant les procdures collectives dapurement du passif pose des conditions de fond et de procdure indispensables louverture

    du rglement prventif, du redressement judiciaire et de la liquidation des biens

    destins assurer le traitement prventif et curatif des difficults de lentreprise.

    La premire srie de conditions est relative la situation juridique du dbiteur

    cest--dire les personnes que lacte uniforme a entendu soumettre aux

    procdures susvises, mais aussi et surtout la situation financire et conomique

    des personnes ligibles aux dites procdures laquelle implique les notions de

    situation conomique et financire difficile mais non irrmdiablement compromise

    et de cessation des paiements. Limportance et la porte de ces critres

    conomiques et financiers rsident dans le fait quils constituent les seuils ou les

    bornes lgales59 partir desquelles lacte uniforme considre que lentreprise

    est dans une situation conomique proccupante pour lintrt gnra l de manire

    justifier la mise en uvre des thrapies quil propose ou impose. (chapitre1).

    La deuxime srie de conditions est relative lintervention dune dcision

    juridictionnelle marquant de manire solennelle le changement qui sopre la

    fois dans la gestion de lentreprise et dans la situation des cranciers (suspension

    des poursuites individuelles et mise en place dune reprsentation collective). Elle

    sous entend une gamme de rgles procdurales drogatoires pour lessentiel

    59 Lexpression est de Madame Martineau-Bourgninaud, la cessation des paiements, notion fonctionnelle, RTDcom. Avril/Juin 2002, page 249, n8.

    23

  • celles de la procdure civile de droit commun en raison des objectifs et des finalits

    assigns au droit des procdures collectives (chapitre 2).

    Quil sagisse de lune ou lautre de ces normes qui commandent le

    dclenchement des procdures collectives, il importe de faire le point et danalyser

    les difficults dorigine diverses (difficults lies la qualit du texte mme de

    lActe Uniforme, difficults tenant la coordination des dispositions de lActe

    Uniforme avec dautres normes en vigueur, difficults lies au comportement des

    organes de la procdure, difficults dordre pratique etc.) qui sont susceptibles

    daffecter leur mise en uvre efficiente et dinfluer ngativement sur les objectifs

    ou le rendement recherchs et attendus par lActe uniforme organisant les

    procdures collectives d'apurement du passif, aprs la premire dcennie de son

    entre en vigueur.

    24

  • Chapitre 1 Les conditions de fond de

    louverture des procdures

    collectives

    25. Aux termes de larticle 2 alina 2 le rglement prventif est applicable toute personne physique ou morale commerante et toute personne morale de droit

    priv non commerante, toute entreprise publique ayant la forme dune

    personne morale de droit priv qui, quelle que soit la nature de ses dettes connat

    une situation conomique et financire difficile mais non irrmdiablement

    compromise. Larticle 2. 4 quant lui, prcise que le redressement judiciaire et

    la liquidation des biens sont applicables toute personne () qui cesse ses

    paiements.

    Il rsulte de ces dispositions que le critre dapplication de lActe Uniforme sera

    selon les cas la situation financire difficile (section 1) ou la cessation des

    paiements. (section 2).

    L'tude de ces notions dans la perspective et la dynamique de leur mise en uvre

    impose que lon sinterroge sur leur origine, le sens et le contenu prcis quelles

    revtent, leur porte et leur limite en tant que critres lgaux dapprciation et

    didentification des difficults de lentreprise qu'il revient au juge de conduire.

    Mais il reste entendu, ainsi que cela ressort des nonciations des articles

    susviss, que ces critres douverture ne sont oprationnels que dans la mesure

    o ils concernent des personnes ligibles aux procdures organises par lActe

    uniforme, en dautres termes qui ont la qualit requise pour faire lobjet dune

    procdure collective (section 3).

    25

  • Section 1 : Section 1 La notion de situation financire et

    conomique difficile mais non irrmdiablement compromise.

    26. Dans le souci de cerner cette notion, il parait judicieux de rechercher une dfinition de la notion (sous-section 1) avant den dterminer le contenu et la

    caractrisation par les juridictions charges de son application (sous-section 2)

    Sous-section 1: Recherche d'une dfinition

    27. A partir de quand peut-on dire quune entreprise est dans une situation conomique et financire difficile mais non irrmdiablement compromise? Que

    faut-il entendre par cette notion?

    Sur ce point, lActe uniforme de lOHADA nest daucun secours, dans la mesure

    o il ne donne aucune dfinition ou approche juridique permettant de la cerner. On

    ne peut compter non plus en ltat, sur les juridictions de fond des tats parties au

    Trait OHADA, ni mme sur la Cour Commune de justice et dArbitrage, (CCJA)

    juridiction suprme du contentieux de lapplication des actes uniformes de

    lOHADA, sa saisine tant encore timide en cette premire dcennie de lentre en

    vigueur de lAUPC.

    Au plan thorique, on peut cependant relever la suite de Monsieur le Professeur

    Pougou et de Madame Yvette Kalieu 60 que la formule de larticle 2 de lacte

    uniforme est utilise dans lordonnance franaise du 23 septembre 1967,

    aujourdhui abroge, qui instituait une procdure de suspension provisoire des poursuites.G. Ripert et A. Roblot indiquent propos de la situation financire difficile mais

    non irrmdiablement compromise que lapprciation du tribunal doit porter sur

    deux aspects dlicats:la situation doit tre assez grave pour faire prvoir une

    menace de cessation des paiements et justifier le sacrifice impos aux cranciers

    dans lintrt commun- la crise doit laisser subsister au profit de lentreprise des

    chances raisonnables de survie [.]- les chances de redressement dpendent au

    premier chef des ressources potentielles conserves par lentreprise 61.

    60 Paul-Grard Pougou et Yvette Kalieu, Lorganisation des procdures collectives dapurement du passif OHADA, presses Universitaires dAfrique 1999, P.18, n33

    61 Ripert et Roblot, Trait lmentaire de droit commercial, T2, 9me d. L.G.D.J 1981, P.971, n3335.

    26

  • Monsieur le Professeur Jean Philippe Haehl faisant une analyse de la notion

    conforme aux vux des initiateurs de lordonnance cite en rfrence, explique

    que : la situation financire difficile mais non irrmdiablement compromise est

    une notion juridico- conomique qui correspond au constat de la non cessation

    des paiements et celui du maintien des chances de redressement. A la

    diffrence de la cessation des paiements il nexiste pas encore de manifestations

    dangereuses telles que larrt matriel des paiements, des protts et le crdit est

    encore conserv par lentreprise auprs de ses banques et de ses fournisseurs.

    Lentreprise se trouve ainsi menace court terme du point de vue financier, na

    plus gure de trsorerie a subi par exemple une rupture brutale de sa rentabilit

    par suite du non paiement de crances importantes, mais elle ne doit pas se

    trouver dans une situation de perte chronique depuis plusieurs annes 62.

    Pour le Professeur Le Cannu , la notion dentreprise en difficult suppose que

    lentreprise a cess de fonctionner dans une perspective de dveloppement, voire

    de survie. Une rupture dans la continuit de son exploitation sest produite, va ou

    risque de se produire. Lentreprise peut donc ne pas tre encore en cessation des

    paiements63.

    Enfin, Monsieur Jean Michel Danizeau dfinit la suite du Tribunal administratif de

    Bordeaux la situation financire difficile comme celle qui est proche de la

    cessation des paiements compte tenu de limportance de la perte dexploitation de

    lencours payer et de lexistence ou non de crdit bancaire64.

    28. Il ressort de ces diffrentes approches qui se recoupent, que la situation difficile mais non irrmdiablement compromise traduit ltat dune entreprise

    certes encore in bonis mais dont la trsorerie est si proccupante pour des raisons

    multiples et diversifies quelle conduirait mcaniquement par le seul coulement

    62 Jean Philippe Haehl, Les techniques de renflouement des entreprises en difficult, Bibliothque du droit de lentreprise 1981, P.45 47.

    63 M. Jeantin et P. Le Cannu Droit commercial Entreprises en difficult, prcis Dalloz, 7e d., p.3, n4.

    64 J. M. Danizeau, Les entreprises en difficult, pratique bancaire et juridique, Banque diteur 1996 p.35, n21.

    27

  • du temps ltat de cessation des paiements si des mesures de protection

    judiciaire appropries ntaient pas envisages court terme pour rtablir son

    fonctionnement normal. Cest pourquoi en poussant plus loin la rflexion, certains

    auteurs ont pu affirmer quil sagit dun tat quil nest pas ais de distinguer de la

    situation laquelle on loppose (cest dire la cessation des paiements) ,si ce

    nest pas une diffrence de degrs dans la gravit 65 ou mme que la situation

    financire difficile est une cessation des paiements virtuelle et quen dautres

    circonstances cet tat et t reconnu.66.

    29. Ds lors, on aboutit au constat que la condition prescrite par larticle 2 de lActe uniforme OHADA sur les procdures collectives, apparat bien difficile

    dfinir dun point de vue thorique et donc dlicate mettre en uvre en raison

    de la ralit de la confusion quelle sous tend avec la cessation des paiements. La

    complexit de la notion apparat davantage lorsquon svertue lui donner

    concrtement un contenu et lorsquon observe lapplication judiciaire qui en est

    faite.

    Sous-section 2: Contenu et caractrisation de la notion par les juridictions dans lespace OHADA

    30. Pour mieux cerner la notion on pourrait en plus des lments fournis par la doctrine, se rfrer la volont du lgislateur et au but recherch par lui s'agissant

    d'une formule complexe et imprcise ; mais aussi s'appuyer sur l'clairage donn

    par les juridictions charges de son application.

    Paragraphe 1 : Le contenu de la notion

    31. En absence dune dfinition lgale consacre comme cest les cas en ce qui concerne la cessation des paiements, il est judicieux davoir comme repre

    principal la volont du lgislateur qui a voulu que lentreprise se trouve dans une

    situation telle quelle puisse tre encore sauve grce aux sacrifices consentis ou

    65 R. Rodire, cit par J P Haehl op.cit. p..45 n43 ;

    Yves Chaput, lingalit des dbiteurs face aux procdures collectives, tudes offertes E. de Logrange, LGDJ, 1978 p..125.

    66 F Derrida, Les dangers de la faillite pour la pratique notariale,Cridon, Lyon, 1977 p.9 pour appuyer son approche lauteur indique que Trop souvent lentreprise qui demande bnficier de la procdure de la suspension provisoire est dj en tat de cessation des paiements et ce ne sont pas les mesures prises dans le cadre de cette procdure qui permettent de la sauver.

    28

  • imposs des cranciers spcialement viss. Il faudra donc dans chaque cas

    trouver la juste mesure car comme le dit un auteur, le sacrifice qui va tre

    demand aux cranciers ne doit se rvler ni inutile ni trop lourd. Il serait peu

    raliste de mettre tous les cranciers ou certains dentre eux dans de graves

    difficults pour sauver une entreprise chancelante67.

    Il est galement indiqu de se rfrer un certain nombre de faisceaux dindices

    traduisant des difficults financires et conomiques dorigine interne. Cest ainsi

    quon peut relever les difficults dues la forme sociale qui ne correspond pas

    la dimension de lentreprise; celles dues aux consquences dune mauvaise

    gestion ou de mauvais rsultats dexploitation telles que :la baisse de rentabilit;

    un endettement lourd; des fonds propres trs faibles; un ratio capitaux propres sur

    capitaux emprunts trs mauvais; un fonds de roulement dtrior; le financement

    dimmobilisation par des fonds court terme; des frais gnraux levs; une

    politique dinvestissement mal contrle68.

    Au titre des difficults dorigine externe on peut retenir toutes celles qui naissent

    de lenvironnement conomique dans lequel volue ncessairement toute

    entreprise. Il peut sagir des effets de la concurrence, de la fluctuation du cours

    des produits ou de la monnaie, du poids de certaines charges tels les impts69

    Paragraphe 2 : Caractrisation de la notion

    32. On peut relever partir des premires applications de lActe Uniforme sur les procdures collectives entr en vigueur, sil est besoin de le rappeler, le 1er janvier

    1999, quun bon nombre de juridictions des tats parties de lOHADA ont motiv le

    constat de la situation financire et conomique difficile mais non

    irrmdiablement compromise et donc de labsence de la cessation des

    paiements avec plus ou moins de rigueur.

    33. Cest ainsi que le tribunal de premire instance dAbidjan (Rpublique de la Cte dIvoire) dans une espce70, a admis une socit au bnfice du rglement

    prventif au motif que la sant financire dplorable de celle-ci a t confirme 67 Y. Chaput, op.cit, la faillite, PUF, 1981, P.22

    68 En ce sens, Paul- Grard Pougou et Yvette Kalieu, L'organisation des procdures collectives dapurement du passif PUA 1999, P.19, n34 ; E. du Pontavice, le commissaire aux comptes et les procdures collectives de paiement (rglement judiciaire et liquidation des biens), Bull. const. Not. Com.comptes 1976, n24 p.489.

    69 P.G. Pougou et Y Kalieu, op.cit. P.19 n35.

    29

  • par lexpert rapporteur qui na toutefois pas conclu la possibilit de

    redressement; quelle nest donc ni en cessation des paiements ni en cessation

    dactivit. Mais un an plus tard, le mme tribunal revenait sur sa dcision

    constatait la cessation des paiements de la dite entreprise, prononait la rsolution

    du concordat prventif, motifs pris de ce que contrairement ses allgations la

    socit ne dispose daucun financement et nest pas en mesure dhonorer ses

    engagements dcoulant du concordat prventif.

    Dans une autre espce o une socit anonyme avait demand le bnfice du

    rglement prventif le tribunal de premire instance dAbidjan a constat labsence

    de cessation des paiements au motif quelle connat une situation conomique et

    financire difficile conscutive la dvaluation du franc CFA intervenue en 1994 ;

    que cette situation confirme par lexpert rapporteur na toutefois pas exclu une

    possibilit de redressement de la socit ; quelle nest donc pas en cessation des

    paiements ni en cessation dactivit ; quainsi sa situation financire ntant pas

    irrmdiablement compromise, il y a lieu de ladmettre au bnfice du rglement

    prventif 71.

    Dans un autre exemple o une socit avait demand le rglement prventif, le

    tribunal de premire instance dAbidjan a exclu la cessation des paiements au

    motif que la situation de la socit est due une baisse drastique de son chiffre

    daffaires et aux difficults quelle prouve encaisser ses crances sur ses

    clients ce qui a accru ses dettes vis--vis de ses fournisseurs et de l'tat ; que

    cependant, la situation de la socit nest pas irrmdiablement compromise ;

    quaux dires de lexpert rapporteur sur la base dhypothses ralistes et objectives

    et au travers dun moratoire raisonnable, la socit a toutes les chances de

    redmarrer ses activits conomiques 72.

    34. Le tribunal de grande instance de Mfoundi (Yaound, Rpublique du Cameroun) a eu quant lui constater labsence de la cessation des paiements

    70 Jugement n52/1er CP du 25 juillet 2000 du TPI dAbidjan. Rglement prventif de la socit Air Continental SA (indit).

    71 TPI Abidjan, Jugement n112 1re chambre prsidentielle du 10 mai 2001 ; rglement prventif (socit Abidjan continu SA). Socit de droit ivoirien. Capital social 240 000 000 FCFA fabrication dimprims, informatique en grande srie (indit)

    72 TPI, Abidjan, jugement, 1re chambre P. du 28 Janvier 2002, rglement prventif de la socit EQUIPAGRO-CI SARL (agro alimentaire, chaudronnerie) Indit

    30

  • dune socit au motif que les difficults financires de celle-ci sont dues dune

    part, un incendie au cours duquel 60% de ses pargnants sinistrs ont t

    contraints effectuer des dcaissements et dautre part, la rsistance dun

    nombre important de ses propres dbiteurs73.

    Lattendu du mme tribunal dans une autre affaire est symptomatique de

    lembarras des juges dlimiter la frontire entre le critre de ltat de cessation

    des paiements et celui de la situation financire difficile mais non

    irrmdiablement compromise. En lespce, une socit responsabilit limite

    exerant dans le domaine du transport de marchandises par route ayant connu

    des difficults de trsorerie suite la perte inattendue dun contrat substantiel

    reprsentant 70% de ses recettes a demand le bnfice de la procdure de

    rglement prventif. Le tribunal de Yaound a retenu dans un premier temps que

    la situation financire de la socit bien qualarmante nest pas encore

    irrmdiablement compromise. Une telle motivation correspond littralement au

    constat de la situation difficile mais non irrmdiablement compromise, critre du

    dclenchement du rglement prventif sollicit en lespce par la socit. Mais par

    lattendu qui a suivi la juridiction faisait fi du raisonnement quelle venait de tenir et

    relevait quelle avait constat un dbut de cessation des paiements dont il fallait

    tirer les consquences juridiques74.

    35. Dans laffaire de la plus grande entreprise de la filire de thon de la Rpublique du Sngal, le Tribunal Rgional hors classe de Dakar retient pour

    exclure la cessation des paiements que: la socit connat une situation

    conomique et financire difficile certes, mais non irrmdiablement compromise,

    quen effet, si lexpert a conclu quelle est virtuellement en cessation des

    paiements et narrive plus faire face ses engagements, il a admis par ailleurs

    que les projections financires sont acceptables en raison de la disponibilit du

    produit de la location de lusine la socit dexploitation cre et de lapport en

    rserve de crdit du Fonds de la Promotion conomique (FPE); que dailleurs, la

    disparition de la socit qui reprsente la plus grande entreprise de la filire de

    thon du Sngal avec un chiffre daffaire de 18 milliards de FCFA, 1200 emplois

    73 TPI Yaound, jugement n 172 du 06 dcembre 2001, rglement prventif concernant la mutuelle populaire dpargne pour le dveloppement (MUPED)

    74 TPI Yaound, Jugement n47 du 13 septembre 2001, rglement prventif concernant la socit dintrts mixtes (SIMI SARL) indit.

    31

  • directs et une participation de l'tat hauteur de 77% serait de nature causer un

    trouble grave lconomie nationale75.

    Le mme tribunal faisant suite la requte en rglement prventif dune socit a

    exclu la cessation des paiements aux motifs que si les dettes de la socit sont

    trs importantes pour tre pass de 66,9 millions en 2000 897 millions en 2003,

    il est au moins avr, malgr le soutien qui peut tre abusif de ses banques, que

    celle-ci a pu jusquici faire face son passif exigible en payant notamment les

    salaires et autres dettes aux fournisseurs et aux institutions de prvoyance ; quen

    cela, elle nest donc pas en tat de cessation des paiements et doit tre admise au

    rglement prventif76.

    36. Le tribunal de commerce de Bamako (Mali) a, quant lui, constat labsence de cessation des paiements d une compagnie arienne qui cumulait pourtant une

    dette de 3 milliards de franc CFA du fait de la mauvaise gestion dont ont fait

    montre ses dirigeants et des ambitions excentriques par rapport ses capacits

    relles au motif que celle-ci conservait encore son agrment et sa licence

    dexploitation source de viabilit et de liquidit potentielle pour une compagnie

    arienne ; quune socit avait t spcialement constitue pour la prendre en

    location grance et pour y injecter immdiatement de largent frais hauteur de

    500 000 000 FCFA77 .

    Le mme tribunal a constat labsence de cessation des paiements et a admis

    une socit au bnfice du rglement prventif motif pris de ce que celle-ci

    conservait encore des rserves potentielles constitues par un lot impressionnant

    de matriels de travaux publics de qualit et un personnel hautement qualifi78.

    75 Tribunal rgional hors classe de Dakar, jugement n1466 du 30 juillet 2001, relatif au rglement prventif de la socit nouvelle conserverie du Sngal (SNCS) indit.

    76 Tribunal Rgional hors classe de Dakar, Jugement n105 du 06 aot 2004, Rglement prventif de la socit des pcheries Frigorifiques du Sngal (PFS) indit.

    77 T. Com. Bamako, Jugement n95 du 25 mars 2005, rglement prventif de la socit de transport arien (STA SA) indit. Appel a t relev par les cranciers de la STA SA. La cour dappel de Bamako constatera certainement la cessation des paiements et prononcera la liquidation des biens de la STA SA. Il semble que la socit de gestion cre spcialement pour prendre la STA SA en location grance na pas fonctionn sous la pression des compagnies ariennes concurrentes de la place.

    78 T. Com. Bamako, Jugement n191 du 10 mai 2006, rglement prventif de lEntreprise de travaux dingnieries civiles ( ETIC SA).

    32

  • 37. En droit compar, la situation nest pas plus satisfaisante sous lempire de lordonnance du 23 septembre 1967. A ce sujet, il a t relev partir des

    premires applications de la dite ordonnance79 que les tribunaux ont motiv le

    constat de labsence de cessation des paiements avec beaucoup dindulgence80 et

    que leur formulation tait le plus souvent lapidaire81. Dans la plupart des cas ils se

    bornent constater quil ny a ni poursuite des cranciers, ni prott82; que la

    socit est jour de ses obligations fiscales et sociales83 ; que les ressources

    personnelles des dirigeants suffisent carter ltat de cessation des paiements 84

    quune prise de contrle est en vue85.

    38. Dans le mme sens le professeur Yves Guyon estime que les tribunaux ont mal appliqu le critre sans doute trop imprcis et quils ont eu tendance

    attendre sinon la cessation des paiements du moins limminence de celle-ci pour

    intervenir86.

    39. Il ressort des dveloppements qui prcdent que certes le souci du lgislateur africain a t dinciter une prvention anticipe autant que possible de ltat de

    cessation des paiements 87 mais limprcision qui caractrise le critre retenu et la

    confusion qui prvaut entre celui-ci et la cessation des paiements, permettent

    difficilement de considrer cet essai dune intervention judiciaire plus prcoce,

    comme efficace ou concluant.

    79 J.P. Haehl, op. cit, p.,47, n45.

    80 J.P. Haehl op. cit. n 45 citant C. Freyria.

    81 A.M. Baudron, la suspension provisoire des poursuites et lapurement collectif du passif selon lordonnance du 23 septembre 1967, Thse, Dijon, LGDJ, 1972, n 149.

    82 Trib. Com de Toulouse 24 janvier 1969, JCP 1969,I