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Nicolas Ténèze a soutenu sa thèse "Israël et sa dissuasion non-conventionnelle: histoire d'un paradoxe géopolitique (1948-2008)" le 1er avril 2009, à l'Université Toulouse 1 Capitole.
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ISRAEL ET SA DISSUASION NON-CONVENTIONNELLE:HISTOIRE D'UN PARADOXE GEOPOLITIQUE (1948-2008).
NICOLAS TENEZE.UNIVERSITE TOULOUSE CAPITOLE
1
Thse
En vue de lobtention du
DOCTORAT DE LUNIVERSIT DE TOULOUSE
Dlivr par LUNIVERSIT TOULOUSE I SCIENCES SOCIALES Discipline ou spcialit : SCIENCE POLITIQUE
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Prsente et soutenue par Nicolas Tnze le mercredi 1er avril 2009
ISRAEL ET SA DISSUASION NON-
CONVENTIONNELLE:
HISTOIRE D'UN PARADOXE
GEOPOLITIQUE (1948-2008)
-------------------------------------------------------------------------------------------------
Jury : Jean-Paul JOUBERT, professeur des Universits Lyon III
Jean-Pierre MARICHY, professeur mrite lIEP lUniversit de Toulouse Jean-Franois SOULET, professeur lUniversit Toulouse II le Mirail
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Sciences juridique et politiques
Groupe de Recherche sur la Scurit et la Gouvernance, rue des Puits Creuss, 31000 Toulouse.
Directeur de Thse : Monsieur Michel-Louis MARTIN
ISRAEL ET SA DISSUASION NON-CONVENTIONNELLE:HISTOIRE D'UN PARADOXE GEOPOLITIQUE (1948-2008).
NICOLAS TENEZE.UNIVERSITE TOULOUSE CAPITOLE
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Avertissements:
Les noms propres sont orthographis dans la mesure du possible leuropenne.
Le prsent exemplaire est une version corrige est rduite de la thse
soutenue le 1er avril 2009, l'Universit Toulouse Capitole et qui comprenait
l'origine 700 pages. Cette nouvelle version de 560 pages est archive la
bibliothque universitaire Arsenal de l'Universit Toulouse Capitole, aprs
accord lu et approuv par monsieur le professeur MICHEL-LOUIS MARTIN.
Luniversit nentend ni approuver ni dsapprouver les opinions particulires du candidat
ISRAEL ET SA DISSUASION NON-CONVENTIONNELLE:HISTOIRE D'UN PARADOXE GEOPOLITIQUE (1948-2008).
NICOLAS TENEZE.UNIVERSITE TOULOUSE CAPITOLE
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Dans le long sillage, du brlant vent solaire,
vogue neuf corps spatiaux, dans la danse circulaire.
Usant de latome, comme outil de puissance, ils prolifrent, ils s'espionnent par mfiance.
L'immense Jupiter et ses cinquante toiles,
possde le premier, l'inique arme fatale.
Deux rayons jaillissent vers le soleil levant,
et l'entourent de feux, de poisons et de vents.
Ecarlate et glac, la divinit Mars,
dsirant galer son rival et comparse,
saisit dans les scories, de son sol rouille fer,
les lueurs des feux qui, font d'elle un autre enfer.
Zeus livre son alli, Neptune entoure d'eaux,
comme un matre-berger protgeant ses agneaux,
les javelots sacrs, trident d'apocalypse,
console de vivre son ternelle clipse
La franche Saturne, jalouse, se dlite.
refuse en gnral, d'tre le satellite.
Grce aux reflets amis, l'indocile petite,
redevient la plante, ct des lites.
Dragon crachant la feu, chaud et froid, jaune et rouge,
par ses pattes ails, volant comme Mercure.
il sduit frre Ars, qui lui donne des vouges.
quantit de secrets, dans les grottes obscures.
Des ocans azurs, ceints de nuages blancs,
la terre promise ne veut tre nant.
Elle demande aussi, de devenir gante.
Ltoile bleue n'est plus dore, n'est plus filante.
Indigne orange, mystrieuse Vnus,
cerne par ses voisins, sollicite Brahma.
le miracle merge, dit-elle du magma.
La non-violence sera-t-elle entretenue?
Dans la vote d'encre, traverse une comte.
Elle provient de la constellation australe.
Mais avant que l'irrparable ne commette,
Elle laisse l'clair, et son destin astral.
L'meraude Uranus, ressort de sa retraite
Elle obtient son volcan, des amis du prophte,
Pour maintenir l'quilibre dans le systme,
point ne sera la victime des anathmes.
La dernire venue, l'autarcique Pluton,
des ses surs vermillons est le fol rejeton. Par un jeu de dupe, elle entre dans le cortge.
Croyant que les faisceaux de lombre la protgent.
Qui donc sera demain, le nouveau prtendant,
le clandestin mandant, le beau regard ardent?
car dfier les sanctions, la volont de R,
c'est brler comme Icare, incendi de ses traits ?1
1 Nicolas TENEZE, La ronde des neuf, pome personnel, avril 2007.
ISRAEL ET SA DISSUASION NON-CONVENTIONNELLE:HISTOIRE D'UN PARADOXE GEOPOLITIQUE (1948-2008).
NICOLAS TENEZE.UNIVERSITE TOULOUSE CAPITOLE
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SOMMAIRE REMERCIEMENT
TABLE DES ACRONYMES
PROLEGOMENE SUR UNE QUESTION D'ORIENT COMPLIQUEE
PREMIERE PARTIE : UN TAT CONSTRUIT SUR SA DISSUASION
CHAPITRE I : LARME DE LINDPENDANCE I La gense
II Les infrastructures de la dissuasion : Janus face civile et militaire
II. 1 Les racteurs:
CHAPITRE II : LA TRIANGULAIRE EUROPE/ USA/ ISRAL
I Contexte d'alliance
II Laffaire de Suez : le resserrement des liens franco-israliens III Lapprovisionnement secret en matires premires IV Isral, la France et les Etats-Unis, une alliance froide
V Johnson : une ngligence bienveillante
CHAPITRE III : LA BOMBE DANS LA TOURMENTE AU MILIEU DE GOG ET MAGOG
I La cause de la Guerre des Six Jours (Naksa)
II Lentre deux guerres : une course scientifique contre la montre du TNP III Lacclration du programme IV La guerre du Kippour: Alerte nuclaire
V Aprs la guerre
CHAPITRE IV : LE PARTENARIAT SUD-AFRICAIN
I Une alliance dintrt II Un programme atomique et balistique gmin
III De De Klerk Mandela
CHAPITRE V : SAMSON LE LEVIATHAN
I Lre Ronald Reagan: un renforcement du partenariat II Le dbut des annes 90 et les espoirs dus
III Vers la puissance absolue
IV La remise en cause du dsarmement
V L'hyperpuissance du Moyen-Orient
SECONDE PARTIE : DE LA MATIERE A LA THEORIE : SUCCES ET ECHEC DES DOCTRINES DE
DISSUASION ISRAELIENNES
INTRODUCTION
CHAPITRE I : LES DOCTRINES DE LA DISSUASION ISRALIENNES ET LEURS APPLICATIONS
I Protger face lavenir toujours incertain II La dissuasion isralienne: Guerre impossible, paix improbable
CHAPITRE II : LA DOCTRINE BEN-GOURION: LARME DE LOPACITE I volution dune stratgie originale II Rflexions sur la pertinence de lopacit CHAPITRE III : LA DOCTRINE BEGIN OU LA CONTRE-DISSUASION
I Dfinition dune stratgie atypique II LIrak : une doctrine Begin polyvalente III Lexemple syrien et lopration Orchar IV Les assassinats larme biochimique, mythes et ralits V Une doctrine Begin en question en Iran, vers un wilsonisme bott
CHAPITRE V : DISSUASION ET ESPIONNAGE
I Vanunu quand Icare se brle latome de Dimona II Laffaire Marcus Klingberg : brouillard chimique Ness-Ziona III Jonathan Pollard : histoire dun contentieux isralo-amricain
CONCLUSION GENERALE
Bibliographie
Annexes
Tables des matires
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REMERCIEMENTS
Je souhaite remercier tout dabord monsieur Michel-Louis MARTIN pour mavoir
accueilli au sein de son laboratoire afin de dvelopper la prsente thse ainsi que de sa
comprhension sur les problmes rencontrs.
Ce travail naurait pas pu voir le jour sans lencadrement du master II de monsieur
Jean-Franois SOULET, professeur lUniversit de Toulouse II le Mirail, qui a constitu
le tremplin pour ltude de ce sujet si particulier.
La recherche naurait pas t possible sans le CROUS dont laide financire a t
dterminante.
Je remercie monsieur Henri ROUSSILLON, prsident de lUniversit des
Sciences Sociales, pour son coute et son aide.
Je suis gr Monsieur Ephram TETEILBAUM, responsable du Centre Hebraca
de Toulouse, du Fond Juif Unifi pour Midi Pyrnes, pour son aide. galement, je tiens
mentionner lutilit de la documentation que ma envoye lambassade dIsral en France.
Ma gratitude sadresse aussi aux personnes anonymes contactes (experts, militaires ou
universitaires) dont les tmoignages ce sont rvls prcieux.
Bien entendu, des congratulations doivent tre rserves aux personnes,
spcialistes et non spcialistes, qui volontairement ou leurs insus, ont apport la
prsente tude des renseignements particulirement prcieux.
Enfin, je remercie lInstitut des Hautes tudes de la Dfense Nationale (IHEDN)
pour son aide financire, son soutien et son encadrement. galement, je suis gr la
British Librairy pour avoir mis ma disposition une partie de son fond documentaire.
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TABLE DES ACRONYMES
ABM : Anti-Ballistic Missile
ADM: Armes de destruction massives
AIEA: Agence internationale de lnergie atomique
AP : Autorit Palestinienne
ACSW: Armed Conflict Short of War
ACRS: arm control and regional security
BAS : Bulletin of the Atomic Scientists
BASM: Bombe sous-munitions
CABT Convention sur les armes
biologiques et toxines
CAB ou BWC : Convention sur les armes
biologiques
CAC ou CWC: Convention sur les armes
chimiques
CEA: Commissariat l'nergie atomique
CG: Confrence Gnrale
CIA : Central Intelligence Agency
CIAC : Convention dinterdiction des armes chimiques
CPI : Cour pnal international
CPPNM: Convention on the physical
protection of nuclear material
CRIF : Conseil reprsentatif des
Institutions juives de France
CSNU: Conseil de scurit de l'ONU
CTBT Comprehensive Test Ban Treaty ou
TICE : Trait d'interdiction complte des
essais nuclaires
DCRI : Direction centrale du
renseignement intrieur
DOD : Dpartement dtat amricain la Dfense
DOE : Dpartement dtat amricain lnergie EAU: mirats Arabes Unis
EDAN : tats dots de l'arme nuclaire
ENDAN : tats non dots de l'arme
nuclaire
EURATOM: European Atomic Energy
Community
GAO: General Accounting Office
IAEC: Agence isralienne lnergie Atomique
ICBM : Intercontinental ballistic missile
IDF: Israeli Defense Forces
IDS : Initiative de dfense stratgique
IRB : Intermediate-range ballistic missile
ISA ou ASI : Agence Spatiale Isralienne
LIC : Low Intensity Conflit
Kt: kilotonne
MD : Missile Defense
Mt : Mgatonne
MENFZ: Zone exempte dADM au Moyen-Orient
Mgw: Mgawatt
MTCR : Rgime de contrle des
technologies propres aux missiles
NIS : Nouveau Shekel Isralien
NLW : non-lethal weapons
NMD : National Missile Defense
NPR Nuclear Posture Review
NSG : Nuclear Suppliers Group.
NYT: New York Times
OIAC: Organisation pour l'interdiction des
armes chimiques
ONU : Organisation des Nations unies
OTAN : Organisation du Trait de
lAtlantique Nord PESC : Politique trangre et de Scurit
commune
PSI : Proliferation Security Initiative
RCTM : Rgime de contrle de la
technologie relative aux missiles
R&D: Recherche et dveloppement
RSA: Rpublique sud-africaine
SAM : surface-to-air missile
SLBM : Submarine-launched ballistic
missile
SLCM : Sea-launched cruise missile
SR: Service de Renseignement
SORT : Strategic Offensive Reduction
Treaty
SRBM : Short-range ballistic missile
START : Strategic Arms Reductions Treaty
SVR : Sluzhba Vneshneiy Razvedky
TMD : Theatre Missile Defense
TNP : Trait sur la non-prolifration des
armes nuclaires
TO : Territoires Occups
UA : Uranium appauvri
UAV: Unmanned Aerial Vehicle ou drone.
UE : Union Europenne
USA: United States of America
UNSCOM: United Nations Special
Commission
URSS : Union des Rpubliques socialistes
sovitiques
VGE : Valrie Giscard dEstaing WMD : (Weapons of mass destruction) :
armes de destruction massive
ZEAN ou NWFZ : Zone exempte darmes nuclaires
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PROLEGOMENE SUR UNE QUESTION D'ORIENT COMPLIQUEE
ISRAL ET LA PROLIFERATION DANS LE GRAND MOYEN-ORIENT
Le Grand Moyen-Orient, une rgion nuclarise au service des grandes puissances
Dans le domaine des Relations Internationales (RI), et ceux depuis les annes 1950, la
convergence de deux variables, Grand Moyen Orient dun ct, et prolifration des armes de
destruction massives (ADM) de lautre, gnrent immdiatement les analyses les plus
anxiognes et les plus passionnes.
Le concept de Grand Moyen-Orient est forg par le think-tank American Enterprise
Institute en fvrier 2003. Ce zonage, trs critique pour ces amalgames, proches en parties des
thories huntingtoniennes, inclut les pays de la Ligue Arabe, plus Isral, l'Iran, l'Afghanistan,
la Turquie et le Pakistan, et dans certains travaux parfois les pays de l'Asie Centrale. On
nomme armes de destructions massives l'ensemble des armes conventionnelles chimiques,
bactriologiques, radiologiques et nuclaires (NRBC), gnralement associes leurs vecteurs
de dispersion et d'utilisation, en premier lieu les missiles balistiques.
Le Grand Moyen Orient est agite depuis des millnaires par des conflits arms
plthoriques, n de la confluence entre plusieurs civilisations. Dans ce Shatterbelt : (zone
ouverte la comptition entre puissances) et Gateway (interface entre puissances), les grandes
puissances cherchent, surtout depuis deux sicles et le dbut de la seconde priode de
colonisation, contrler ses dtroits, son canal de Suez et ses rserves d'hydrocarbures (les
premires au monde). L'accs aux mers chaudes et la matrise des principales voies
commerciales vont expliquer et lgitimer l'entretien de bases par les Britanniques, les
Franais, les Italiens. Mais depuis 1945, la poudrire du Moyen-Orient s'est complexifie
avec le conflit isralo-palestinien, les rivalits entre les deux superpuissances de la Guerre
Froide (autour de l'Algrie, de la Libye, d'Isral, de la Syrie, de l'Egypte, de l'Iran et de l'Irak),
qui eux aussi installeront des points d'appuis, la prsence encore relle des intrts des
anciennes puissances colonisatrices, et la prolifration des ADM, du terrorisme et de la
piraterie, entre autres.
Depuis l'entre en vigueur du Trait de non-prolifration des armes nuclaires en 1970, la
communaut internationale (au premier rang duquel se trouve les Etats-Unis, leurs allis, et
les Organisations Internationales) uvre, par le Hard Power et le Soft Power2, ce qu'aucun
2 Le professeur amricain Joseph Nye dveloppe celui de Soft Power, que l'on pourrait expliquer comme suit, au
risque de trahir ses nuances: c'est la capacit d'un Etat ou d'une organisation influencer le comportement d'un
autre acteur politique, renclant s'excuter conformment aux intrts du ou des premiers. Cette capacit
s'effectue travers des moyens non arms comme par exemple des lois mmorielles. Cette puissance par
cooptation reposent sur des ressources intangibles telles que : la rputation positive d'un tat, ses capacits de
communication, le degr d'ouverture de sa socit, l'exemplarit de son comportement, son rayonnement
scientifique et technologique dans un sens large, et enfin son influence au sein des instances internationales, le
tout lui permettant dimposer ses choix quiconque sans le recours la force arme. NYE, Joseph, Bound to
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Etat ne l'enfreigne: frappes de complexe militaire (Irak et Syrie), blocus, neutralisation
d'ingnieurs (Iran), pressions diplomatiques (Libye), etc... Ces actions sont justifies, aux
dires des gendarmes de la rgion, car la perspective de voir merger de vritables puissances
atomiques en pleine possession de leurs moyens, risque, de par l'importance gopolitique de
cet espace, dclancher une raction en chane, une crise de porte mondiale.
Pour autant, et paradoxalement, l'arme nuclaire est aussi considre comme un facteur
stabilisateur, y compris par les Grandes puissances. Chacun des camps antagonistes, Ouest
contre Est au moins jusqu'en 1991, estime que nuclariser un alli le protgerait, l'inverse de
la nuclarisation de l'adversaire, vue comme dstabilisatrice. Cela explique la prolifration
des programmes atomiques finalits militaires, entams par les Etats de la rgion: Isral
depuis 1948, l'Iran et l'Egypte depuis les annes 1950, le Pakistan et l'Irak ds les annes
1970, la Libye et l'Algrie partir des annes 1980, la Syrie partir des annes 1990, et
l'Arabie Saoudite (dit-on depuis les annes 2000). Officiellement, il s'agit de sanctuariser des
territoires et dvelopper une filire civile afin d'en faire profiter les conomies respectives.
En consquence, ds 1972, Crozier et Friedberg affirment que nulle rgion au monde
ne concentre davantage dADM que le Moyen-Orient, zone d'incertitudes3. En 1993, Samuel
Huntington, rige cet espace au rang de deuxime cercle dinstabilit nuclaire 4 aprs
celui de lAsie du Sud. En 1999, Jacques Attali soutient que sur les 44 tats disposant des
capacits pour fabriquer la bombe ou la possdant dj5, on comptait sept pays appartenant
l'espace qui nous proccupe: Algrie, gypte, Libye, Iran, Isral, Pakistan, Turquie6, Syrie. En
2009, de nombreux tats du Grand Moyen-Orient possdent soit des ADM, soit les moyens
d'en acqurir moyenne chance, partir d'infrastructures de recherche et de production
idoines. Ces dernires ont t construites grce des transferts de technologies et des aides
militaires et conomiques extrieures (occidentales, chinoises, nord-corennes ou russes), cet
espace constituant le premier march de ventes d'armes. En effet, les principales puissances
veillent ce que l'quilibre n'y soit rompu. L'exemple rcent de la comptition entre les Etats-
Unis et la Chine sur la Syrie et l'Iran l'illustre pertinemment.
Toutefois, certaines erreurs d'apprciations et fantasmes confre encore au risque rel de
prolifration, des craintes exagres, exacerbes rcemment par le paradigme de la guerre
Lead: The Changing Nature of American Power, New York, Basic Books, 1990, 308 pages. 3 Erhard FRIEDBERG et Michel CROZIER, L'acteur et le systme , Les contraintes de l'action collective, 1972,
Poche, 2000. 4 Samuel HUNTINGTON, The clash of civilisations? , Foreign Affairs, 1993.
5 Jacques ATTALI, Economie de lApocalypse, Fayard, 1995, p. 12.
6 Pour sanctuariser les dtroits d'accs aux mers chaudes face lURSS, l'OTAN installe dans ses bases des
armes nuclaires sous cls amricaines. Certaines sont retires la suite de la crise des missiles de Cuba. Il y en
aurait toujours 90 Incirlik en 2010. Aussi, le pays est de facto une puissance nuclaire militaire mais ne peut
bien entendu les dployer de son propre chef. National Resources Defense Council, fvrier 2005, Nuclear
Weapons in Europe.
UNIVERSIT TOULOUSE I SCIENCES SOCIALES, LA DISSUASION ISRAELIENNE : HISTOIRE ET PARADOXE. NICOLAS TENEZE.
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contre le terrorisme et l'instrumentalisation des capacits supposes des Rogues States7. Nous
entrons ici dans le domaine des prjugs relevant du mainstream, de l'approche doxique, ici
l'ide que la prolifration au Moyen-Orient est un phnomne relativement neuf,
potentiellement capable d'affecter l'quilibre de la rgion et de menacer les dmocraties
occidentales8. Ainsi, en octobre 2003, l'AIEA s'aperoit que le programme libyen n'est
qu'embryonnaire, sans atteindre le stade de production. Le 11 janvier 2005, ladministration
Bush suspend ses recherches dADM en Irak, en reconnaissant officiellement quil ny en
avait jamais eu. Les potentialits supposes de Bagdad avaient pourtant lgitim
lintervention de la coalition (plus de 4000 morts dans ces rangs), parce quelles menaaient,
disaient-on, la scurit du Grand Moyen-Orient et de l'Europe. Il s'agissait bien entendu d'un
casus belli officiel, nonobstant les objectifs officieux facilement identifiables. Depuis 2003,
malgr la cacophonie des rapports contradictoires sur le cas iranien, les tensions se sont
cristallises nouveau, aprs que l'Irak ait t dsarm par la force. L'Iran est somm de se
conformer au TNP9 et d'abandonner toutes vellits de dvelopper un programme militaire,
que le trait proscrit, moins de l'avoir mener bien avant 1970. Et dans le fil de ce
continuum parfois plus mdiatique que rel, plusieurs experts prdisent en Cassandre une
confrontation nuclaire entre Isral et l'Iran10
.
Alors que les mdias se focalisent sur la prolifration nuclaire sur des tats dit venus
tardivement dans le club trs ferm des tats nuclaires, d'autres prolifrants ne suscitent
pas la mme approche. On lude le sujet ou l'on abuse du conditionnel. Et pourtant, deux
Etats appartenant ce Grand Moyen Orient, possdent des arsenaux nuclaires, linverse,
bien existants : Isral et le Pakistan. Aucun n'a ratifi le TNP. Nanmoins, depuis les essais de
mai 1998, le Pakistan est reconnu officiellement comme possdant la bombe nuclaire, ce qui
7 La menace que faisait peser lEmpire du mal (1982) sur le monde libre est remplace en 1994, par celle
manent de ce quAnthony Lake, conseiller de Clinton, appelait les Backlash States ou Rogue States (Syrie, lIran, lIrak et la Core du Nord), pays accuss de dvelopper des ADM. La secrtaire dtat amricaine, Madeleine Albright, la confrence de Colombus, le 18 fvrier 1998, rappelle le risque dutilisation darmes biochimiques par les tats voyous contre les USA et leurs allies dont Isral, et emploie la notion plus nuance
de States of concern. Les noconservateurs David Frum et Michal Gherson, inventent le terme laxe du mal en janvier 2002. Condoleezza Rice, prfre lexpression de postes avancs de la tyrannie, pays hostiles possdant des capacits NBC et balistiques (Core du Nord et Iran), auxquels se rajoutent ceux qui en sont dpourvus mais
dangereux idologiquement: Bilorussie, Zimbabwe et Birmanie. A cela se greffent des pays proccupants
comme le Soudan, le Ymen, le Venezuela, la Bolivie et Cuba. Ladministration Obama opte pour la formule de pays soutenant le terrorisme ou de pays concerns par le terrorisme: Cuba, Iran, Soudan, Syrie, Nigeria,
Pakistan, Ymen, Afghanistan, Libye, Algrie, Irak, Liban, Arabie Saoudite, et Somalie. 8 Raymond BOUDON, Lidologie ou lorigine des ides reues, Fayard, 1986,.
9 Le 29 juillet 1957 voit l'entre en vigueur de l'AIEA aprs sa cration le 23 octobre 1956, statut adopt par 81
Etats. 26 Etats ratifie le statut. Le statut rend l'AIEA responsable du contrle de la bonne application de la
scurit et de la protection des personnes ainsi que du transfert des technologies nuclaires. En outre, au lieu
dtre sous le contrle direct de lONU, elle devient une organisation autonome sous contrle direct de CSNU. Le 1er janvier 1968, 43 pays signe le (Chine et France s'abstiennent) trait de non-prolifration des armes
nuclaires appliqu ds le 5 mars 1970. L'AIEA devient le responsable de la surveillance de la bonne application
du trait, pour 25 ans. Le 19 juin 1968, la rsolution 255 indique que les cinq Etats dots d'armes nuclaires
(EDAN) devront assurer une garantie positive de scurit, c'est--dire protger les autres Etats d'une agression
nuclaire en change de leurs renoncements aux technologies non-conventionnels.
UNIVERSIT TOULOUSE I SCIENCES SOCIALES, LA DISSUASION ISRAELIENNE : HISTOIRE ET PARADOXE. NICOLAS TENEZE.
10
n'est pas encore clairement le cas d'Isral. Et c'est notamment la raison pour laquelle il
convient d'effectuer des recherches sur les potentialits dissuasives non-conventionnelles de
l'Etat hbreu.
ARMES DE DESTRUCTION MASSIVES ET DISSUASION, DES CONCEPTS A GEOMETRIE VARIABLE
L'expression armes de destruction massive est utilise ds 1937 mais ne dsignaient
alors que des bombardements ariens massifs l'aide de charges explosives conventionnelles.
L'URSS d'alors rpand ce concept pour condamner l'action des franquistes sur Guernica.
Aujourd'hui, la dfinition recouvre toutes les armes capables d'un haut niveau de destruction
humaine, vgtale ou matrielle. Toutefois, un bombardement arien conventionnel peut faire
autant de dgts quune petite arme atomique. Les raids sur Dresde et Tokyo en 1945
causeront 100000 morts civils, plus qu Hiroshima.
L'emploi du terme est trs politique. En effet, les ADM sont gnralement prsentes
comme les armes NRBC des dictatures et des groupes terroristes. A l'inverse, ces mmes
armes, intgres dans les arsenaux des dmocraties, deviennent des armes de dissuasion. En
filigrane, le potentiel NRBC de l'ennemi est dpeint comme agressif, alors que la dissuasion
des dmocraties ne peut-tre que dfensif. Or, le premier pays au monde ayant os employer
l'arme atomique est une dmocratie, les Etats-Unis, contre le Japon, en aot 1945. Il est vrai
que l'empire allemand du IIme Reich, fut le premier semble t-il employer les gaz de
combat pendant la Premire guerre mondiale. Mais les Britanniques rpandirent des
couvertures empoisonnes pour dcimer des populations autochtones aux Amriques, au
XVIIIme
sicle. Et l'on pourrait remonter davantage sans dterminer prcisment lesquels des
dmocratiesou des dictatures eurent la responsabilits du premier emploi d'ADM.
Les ADM concernent d'abord les substances chimiques et bactriologiques. Les armes
chimiques rassemblent les gaz de combat tel que le sarin, le tabun, l'yprite, le VX, mais aussi
les dfoliants, les poisons. Les armes bactriologiques (ou biologique selon la terminologie
scientifique anglo-saxone), se rfrent aux toxines, aux bactries, au virus, cultives partir
de souches existantes mais parfois cres par hybridation des fins militaires. Ce sont des
prparations vurilentes de bactries pathognes que l'on classe en douze classes, et que les
militaires appellent dans leur jargon les 12 salopards. Ces derniers rassemblent la catgorie
A (variole, pestes, anthrax, toxines botuliques, fivres virales hmorragiques, tularmie); la
catgorie B (ricine, bruxellose, fivre du queensland, gangrne gazeuse, morve et entrotoxine
B staphylococcique)11
.
Pendant la Premire guerre mondiale et durant la Guerre Froide, plusieurs Etats,
10
Bruno Tertrais, la prochaine guerre, 2009. 11
Patrick BERCHE, LHistoire secrte des guerres biologiques, mensonges et crimes dtat, Robert Laffont,
UNIVERSIT TOULOUSE I SCIENCES SOCIALES, LA DISSUASION ISRAELIENNE : HISTOIRE ET PARADOXE. NICOLAS TENEZE.
11
dmocraties comme dictatures, utilisent des armes chimiques: L'Allemagne, la France, l'Italie
et le Royaume-Uni entre 1915 et 1918, la France et l'Espagne pendant la Guerre du Rif dans
les annes 1920, l'Italie en Ethiopie dans les annes 1930, l'Egypte contre le Ymen dans les
annes 1960, l'Iran et l'Irak dans les annes 1980. Mais les Etats-Unis, avec l'agent orange au
Vietnam et les bombes au phosphore ne les ont jamais assimiles des armes chimiques. Les
armes bactriologiques gnrent quant elles des rumeurs d'emplois trs frquentes, les
Sovitiques et les Chinois accusent les Etats-Unis des les avoir rpandues durant la guerre de
Core. Washington accuse ensuite Moscou d'en user en Afghanistan. Les Etats arabes
affirment qu'Isral en a employ galement. La moindre pidmie ou pizootie gnrent des
rumeurs en la matire.
Mais dans la conscience collective, les ADM sont surtout des armes nuclaires. On
entend par arme nuclaire un engin constitu d'un dtonateur reli une charge radiologique
(bombe dite sale, c'est--dire des substances radioactives); dot d'un systme de fission
(bombe A) d'une matire au plutonium ou l'uranium; de fusion (bombe H) d'une matire au
deutrium et tritium, lments issu de l'hydrogne, do son nom parfois (on parle aussi de
bombe thermonuclaire). La bombe N est une arme atomique neutron (nomm aussi bombe
rayonnement enforc, effets thermomcaniques rduits, effets collatraux rduits)12
. De
1942 (date du projet Manhattan) 1952, seul trois pays possdent la bombe: Etats-Unis,
URSS13
et Royaume-Uni. De 1952 1962, deux nouveaux pays sy rajoutent: la France et la
Chine. De 1962 1972, Isral est le seul se doter de larme. De 1972 1982, lInde et
probablement la rpublique sud-africaine (RSA) intgre la liste. De 1982 1992, le Pakistan
sy ajoute. De 1992 2009, seule la Core du Nord atteint le stade suprme, malgr lide que
le dmantlement de larsenal sovitique et le reverse engineering puisse conduire une
prolifration anarchique et massive depuis la fin de lURSS.
Militairement parlant, lapparition de larme absolue bouleverse les rapports de forces et
les stratgies affrentes entre ceux qui en sont dots entre eux-mmes, et entre eux et ceux qui
en sont dpourvus. Pour la premire fois dans lHistoire, lhumanit est menace
dextermination immdiate, et les puissances nuclaires ou un pouvoir dannihilation contre
ceux qui ne la dtiennent pas. Politiquement et diplomatiquement, les armes atomiques sont
employes une premire fois dans le contexte de la Guerre Froide. Outre que la possder
revient intgrer le cercle restreint des puissances (bien que la Core du Nord n'en est pas
une), on peut surtout attaquer ladversaire distance, sans dployer les armements
conventionnels (en thorie) et en toute impunit si lantagoniste na pas les moyens ou le
2009, 390 pages. p. 76. 12
Georges HIMELFARB, Le vocabulaire de la guerre et de la paix, Belin, 2004, 300 pages. p.194. 13
En 1990, lAzerbadjan accueille 75 armes nuclaires sovitiques sur son sol, la Moldavie 90, le Turkmnistan 125, lArmnie 200, lEstonie 270, la Gorgie 320, mais sous cls de Moscou.
UNIVERSIT TOULOUSE I SCIENCES SOCIALES, LA DISSUASION ISRAELIENNE : HISTOIRE ET PARADOXE. NICOLAS TENEZE.
12
temps de rpliquer avec des armes similaires. La bombe procure un pouvoir lev de
ngociation (bargaining) assorti davantages commerciaux14. Selon Franois Daguzan15, on
prolifre dans lespoir dobtenir un gain politique, qui se dcline dans la recherche dune
position de suprmatie rgionale, sans avoir ncessairement la puissance conventionnelle,
dmographique, spatiale, diplomatique et culturelle. La bombe permet dtre une puissance
qui compte, tel que le thorisera Gary Alperovitz dans Atomic Diplomacy (1965), mme si les
autres critres de puissance ne sont pas runis.
Depuis les annes 2000, lInde, la Chine et le Pakistan (peut-tre la Core du Nord) sont
en phase daugmenter le nombre et la qualit de leurs armes alors que les puissances
occidentales rduisent quantitativement leurs arsenaux mais les optimisent qualitativement.
Depuis 1945, 70000 100000 armes nuclaires ont t produites (sans doute plus), pour
environ 2060 essais nuclaires. Dans les annes 1980, 60000 armes taient dployes, sans
compter celles pouvant tre assembles en cas de besoin (capables de dtruire 43 fois la
surface habite de la terre). Cest partir de 1986 que la prolifration quantitative dcrot. Il
en resterait 26000 en 2009. Durant la Guerre Froide16
, le monde connat plusieurs crises
gopolitiques avec menace demploi de larme nuclaire, dont certaines concerne Isral:
1948-49 Berlin, 1950-1953 en Core, 1954-1955 pour Taiwan, 1956 lors de la crise de Suez,
1961 de nouveau Berlin, 1962 lors de la crise des missiles Cuba, 1967 lors de la Guerre
des Six Jours, en 1973 lors de la Guerre du Kippour. La prolifration concerne aussi les
vecteurs : missile tactique, stratgique, vecteurs arien et sous-marins.
ISRAL, UN ETAT PSEUDO-WESTPHALIEN ATYPIQUE
Isral nat seulement il y a soixante ans, le 14 mai 1948, des suites de la Shoah et de la
dcolonisation britannique, bien que la dclaration de Ble du pre du sionisme Theodor
Herzl en 1896 et celle de Balfour en 1917 aient prvu la construction de cet Etat. Sa surface
ne dpasse pas 20770 km dans les frontires incluant le Golan (148me
rang mondial), sa
population n'excde pas 7,8 millions d'habitants (94me
rang). Nanmoins, en terme d'Unit de
bruit mdiatique, Isral tient dans lactualit une place considrable et disproportionne, dans
cette caisse de rsonance quest le Moyen-Orient. Isral se considre, et cest aussi, en
croire la place qui lui est rserve dans les mdias internationaux, lopinion qui prvaut dans
le monde entier, comme une grande puissance. Cest en ralit un pays jeune, une minuscule
terre dimmigrants, qui tient peine en quilibre, mais fait autant de bruit quun troupeau
13
Bruno TERTRAIS, Le march noir de la bombe, Paris, Buchet Castel, 2009, p. 14. 14
Jean-Franois DAGUZAN, La prolifration : mythe ou ralit ? 2006, 9 pages, p. 1. 15
Jean-Franois DAGUZAN, La prolifration : mythe ou ralit ?, ibid. 16
Bernard Baruch emploie en 1947 lexpression Cold War . Raymond Aron parle lui de guerre limite ou paix belliqueuse - LExpression Rideau de Fer est employe Par Churchill Fulton en 1946.
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13
dlphants 17. Cette apprciation est pertinente, sauf qu'il s'agit rellement d'une grande
puissance, cette thse le prouvera.
Pour comprendre ce quest Isral, il convient de se rfrer lexcellente prsentation
quen fait l'historien Serge Tsur: tat lac mais fond sur la religion, tat jeune mais dune
culture vieille de plus de cinq mille ans, brassant une population venue des quatre coins du
monde, souffrant des maux et des avantages dune socit dmocratique, colonis devenu
colonisant, militaris outrance sans basculer dans le fascisme, lot de prosprit et de
dmocratie au sein dun environnement hostile, enfin puissance militaire crasante mais
incapable de venir bout de combattants dpourvus 18
. Ces paradoxes rsument parfaitement
le pays est explique la complexit de sa politique intrieure et extrieure.
Isral est considr comme un Etat westphalien, du nom de ce trait, sign en 1648,
mettant fin la guerre de Trente ans et amorant l'mergence de relations bases sur la
reconnaissance mutuelle, la non-ingrence, la diplomatie, le balance of power pour vulgariser
l'extrme19
. Cependant, il convient de modrer cette approche doxique. En effet, l'Etat
hbreu est souverain et autodtermin20
, l'intrieur de ces frontires, mais en acceptant
parfois une forte tutelle conomique, militaire et diplomatique de ces allis amricains. En
revanche, bien que ne disposant pas de constitution crite mais d'une srie de corpus de lois
tatiques et religieuses, Isral dfend l'ide que ces les lois ne sont quintrinsques au
territoire, mais les appliquent lors d'oprations militaires, diplomatiques et policires
l'extrieur de ses frontires, nous y reviendrons. Puis, ce pays refuse la non-ingrence
westphalienne dans les affaires de son voisinage proche ou lointain, dfend son hgmonie
dans la rgion cote que cote, mais en prenant soin de faire en sorte que les tats de son
voisinage immdiat soient gaux en force, pour entretenir la comptition entre eux sur le
mode du divide e impera. Contrairement idal westphalien, ses relations diplomatiques ne
sont pas toujours (en fait rarement) conduites par un corps de diplomates agres et forms,
mais par des intermdiaires militaires ou civils n'hsitant pas, si la situation l'exige,
employer des moyens coercitifs. L'Etat hbreu applique le balance of power pour combattre
une hgmonie arabe ou iranienne par exemple. Enfin, Isral n'est pas reconnu, nous l'avons
dit, pas l'ensemble des membres des Nations-Unies. Tout cela remet donc en cause la
dimension westphalienne que nombre d'auteurs lui confre.
17
CAIRN Info, 2004, France-Isral : Chronique dune symbiose manque. Regard fragmentaire sur les relations franco-israliennes. Avirama GOLAN. 18
Questions Internationales, novembre-dcembre 2007, Isral, soixante ans aprs : entre singularit et
banalit , Serge SUR. 19
Marie Claude SMOUTS, Les organisations internationales, 3me dition, Montchrestien, 2004 20
Principe dautodtermination tel quil est nonc dans larticle 1 paragraphe 2 de la Charte des Nations-Unies. Et en conformit avec les confirmations prsentes dans les rsolutions 1514 et 2625 de lAssemble gnrale des Nations-Unies et dans larticle premier des deux pactes de 1966.
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14
Maintenant, venons-en son arsenal non-conventionnel. En matire de traits
internationaux, l'Etat hbreu na ni ratifi le TNP, ni le Trait d'interdiction complet d'essais
nuclaires, ni la Convention sur les armes chimiques, ni la Convention sur les armes
bactriologiques21
. Ses voisins, hormis pour le TNP, sont souvent dans la mme situation.
Cela s'explique si l'on sait que Tel-Aviv22
dispose la fois d'un arsenal non-conventionnel
important et a construit des infrastructures ncessaires pour les dvelopper, les employer et les
optimiser davantage. Selon toute vraisemblance, Isral serait entre la quatrime et la sixime
puissance nuclaire au monde derrire les Etats-Unis, la Russie et la Chine, et parit avec la
France, devant le Royaume-Uni. Depuis 1966, date de la confection de sa premire bombe,
l'tat hbreu aurait labor entre 20023
et 400 ogives et aurait men son premier essai national
le 2 novembre 196624
. Il dispose de moyens reconnus pour concevoir des armes chimiques et
bactriologiques.
L'arsenal balistique est labor avec Washington (missiles sol-sol Lance en 1975, dune
porte de 130 km) qui fournira galement des vecteurs ariens F-4 Phantoms, F-16 Sufa et F-
15 Raam. Taiwan et Isral travailleront sur des missiles plus prcis. La France, en plus de
bombardiers, livrera les bases technologiques qui abouteront au Jericho-1, le premier missile
balistique isralien, de plus de 600 km de porte. Son successeur, le Jericho-2 rsultera d'un
partenariat avec l'Afrique du Sud de l'apartheid25
. Pretoria prtera son sol pour mener des
essais nuclaires aprs ceux perptrs au Sahara franais et au Nevada26
. Mais surtout, Isral
est l'un des rares pays disposer depuis 10 ans de missiles intercontinentaux comme le
Jericho-3 (grce aux Etats-Unis) et de sous-marins lance-engins atomiques. L'Allemagne et
les Etats-Unis financeront l'achat de sous-marins lanceurs d'engins, partir de la fin des
21
Parmi les traits de lutte contre la prolifration des ADM, citons ces derniers: 1972 : Convention sur les armes
biologiques et les toxines qui largi le Protocole de Genve de 1925 l'interdiction de presque toute production,
stockage et transport. 1987 : Le rgime de contrle de la technologie des missiles (RCTM - Missile Technology
Control Regime / MTCR) est un accord entre les pays ( l'origine les tats du G7) qui partagent un intrt
commun stopper la prolifration des missiles et des vhicules ariens non pilots. Lobjectif est dempcher que des matriels et technologies ne soient dtourns pour mettre au point des vecteurs capables demporter une charge nuclaire de premire gnration. 1993 - La Convention sur les armes chimiques ouverte la signature en
janvier 1993, entrera en vigueur en avril 1997. L'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques ( La
Haye) veille la mise en uvre de la CAC l'chelle internationale. 1995 : Le TNP prvoit une Confrence dexamen tous les 5 ans afin dexaminer la reconduction du trait. LAIEA adopte le caractre perptuel du TNP. 1996 L'arrangement de Wassenaar vise promouvoir la transparence et une plus grande responsabilit des tats
en matire de transferts darmements et de technologies duales. Il remplace le Comit de coordination pour le contrle multilatral des exportations (Cocom) qui, dans le contexte de la Guerre froide, tait charg d'empcher
l'exportation de technologies militaires ou "duales" (usages civil et militaire) vers les pays du Pacte de Varsovie,
puis vers la Chine. Le Trait d'interdiction complte des essais nuclaires (Comprehensive Nuclear-Test-Ban
Treaty / CTBT ou TICEN) est adopt par l'Assemble gnrale de l'ONU. Il entrera en vigueur aprs ratification
par les 44 pays disposant de la capacit nuclaire. 22
Jrusalem Ouest est faite capitale en 1981 mais Tel-Aviv est la seule considre comme telle par les
Organisations Internationales et la majorit de ses membres comme la capitale dIsral. 23
Carnegie Endowment for International Peace, Chapter on Israel from Tracking Nuclear Proliferation, 1998. 24
United States of America. International Security affairs, Assistant secretary of Defense, ref: I-35993/68.
Memorundum of conversation. 25
The Guardian, 24 mai 2010, Revealed: how Israel offered to sell South Africa nuclear weapons. 26
Freddy EYTAN, Les 18 qui ont fait Isral, Chapitre VI.
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15
annes 199027
, ce qui lui confrera la place de 5me
puissance en la matire. Les recherches en
armes biochimiques bnficieront galement de ces partenariats. Isral est aussi une puissance
spatiale mergente possdant ces propres satellites militaires sans qui sa dissuasion serait
pratiquement inoprante.
Son rseau de laboratoires de recherches scientifiques et militaires est connu : les
racteurs atomiques de Nahal-Sorek et de Dimona, lIsrael Institute for Biological Research
de Ness-Ziona pour le biochimique, et dautres centres stratgiques polyvalents tel le
Technion d'Hafa et le Weizmann Institut de Rehovot, entre autres. Le petit tat a bti sa
dissuasion avec l'aide de partenaires privs et publics internationaux (France, USA, Afrique
du Sud entre autre). Cest pourquoi mettre en lumire les accords rticulaires revient tudier
la vritable nature des liens secrets qui unissent certains pays avec ltat hbreu.
Le programme isralien est dcid avant mme lindpendance dIsral par les sionistes
(cest--dire ici les partisans dun tat juif) pour rpondre deux principes idologiques : Le
plus jamais Massada et le complexe dAuschwitz , afin dviter la destruction de la
communaut juive (lArmageddon). La science nuclaire appartient, selon les propres termes
de David Ben-Gourion, la culture juive car de nombreux travaux de savants juifs ont
particip la ralisation du projet Manhattan (l'un des quartiers juif de New-York) et ont aid
des initiatives similaires dans de nombreux pays: Albert Einstein, Leo Szilard, Marie Curie,
Edward Teller [pre de la bombe H], Samuel Cohen [pre de la bombe neutron]), Niels
Bohr, Philipp Abelson, Robert Serber, Bertrand Goldschmidt, Stanley Frankel. Le feu
atomique promthen claire dans l'obscurit mais qui peut aussi embraser s'il l'on ne l'associe
pas avec la raison, comme le dnonait Einstein. La science, y compris vocation militaire,
doit, selon Ben-Gourion compenser ce que la nature a refus 28
Isral et son peuple, le
droit de vivre dans la scurit et la prosprit. De surcrot, labsence de profondeur stratgique
rend ce pays trs vulnrable une attaque conventionnelle et laisse aux responsables
israliens un temps de raction extrmement bref ce qui oblige se doter dune assurance-
vie . La bombe, dite option Samson (Hersh 1991), terme qui signifie que larme absolue
embraserait tout le Proche-Orient comme Samson sensevelissant sous les dbris du Temple
quil dtruisit, et la garantie sine qua non de lexistence dIsral.
De plus, lexistence de ltat hbreu nest pas reconnue (officiellement, la ralit est
diffrente) par la majorit des pays du Grand Moyen Orient. Aussi, loption nuclaire
isralienne est aussi un palliatif son infriorit dmographique et militaire. En 2008, le roi
Abdallah de Jordanie rappelle: 57 pays, soit prs d'un tiers des tats reprsents aux
27
Washington Post, 15 juin 2002, Israel has sub-based atomic arms capability . 28
David BEN-GOURION, Du rve la ralit, Paris, Stock, Judasme Isral, 1986, 298 p.
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Nations-Unies ne reconnaissent toujours pas Isral29
. En fait, l'estimation est fausse. Cuba, la
Core du Nord, le Tchad, l'Iran, le Pakistan, le Bengladesh, la Malaisie, l'Indonsie, Brunei et
que les Etats membres de la Ligue Arabe (hormis l'Egypte, la Jordanie, le Maroc, la Tunisie et
l'Oman) sont les seuls lui refuser la reconnaissance soit 26 Etats30
. Depuis 1948, exacerb
ensuite par les trois non du sommet de Khartoum, (non la paix, non la reconnaissance,
non aux ngociations), Isral est constamment sur le pied de guerre. Ses adversaires
entretiennent eux-aussi des arsenaux balistiques et biochimiques, y compris avec l'accord plus
ou moins tacite de l'Occident31
, pour certains d'entre eux. Mais en fait, comme lassure
l'ancienne ministre isralienne Tzipi Livni, le conflit est extraterritorial et se rsume surtout
un clivage entre extrmistes et modrs32
, auquel il faut associer le rle des grandes
puissances et des groupes d'intrts, parmi lesquels les lobbies militaro-industriels de chaque
Etat impliqus.
Tout ceci explique pourquoi la dissuasion isralienne gnre une rflexion particulire
qui ne peut s'appliquer aucune autre puissance nuclaire au monde.
UNE RECHERCHE LA CONFLUENCE DE L'HISTOIRE ET DE LA SCIENCE POLITIQUE
Entre Histoire immdiate et World History
La prsente thse ambitionne de raliser la premire mise au point actualise et
complte de larsenal nuclaire, balistique, bactriologique et chimique isralien de 1948
2009. Aussi, mthodologiquement parlant, il est ncessaire d'emprunter les mthodes
scientifiques propres l'Histoire et la Science Politique (en particulier les Relations
Internationales, la sociologie militaire, la gostratgie), afin de couvrir chronologiquement la
totalit du programme, mais aussi mettre en exergue les rapports de forces et de pouvoirs
supputs entre les acteurs internationaux et nationaux.
LHistoire est une reconstruction intellectuelle critique du pass humain, labore
partir de tmoignages, de sources et de travaux antrieurs, cela afin d'tablir rigoureusement
les faits. La discipline se divise en plusieurs coles, de celle de l'cole mthodique la
nouvelle Histoire en passant par la microhistoria et celle des Annales. Pour travailler sur la
dissuasion isralienne, l'histoire factuelle ne peut tre ignore, justement parce que
29
L'Express, 28 aot 2008, Abdallah de Jordanie: Isral manque de vision , pp.58-61. 30
Dario BATTISTELA, Thorie des relations internationales, Presses de Sciences Po, 2004 31
Ici, le terme occident se rfre un espace gographico-culturel, englobant en premier lieu les Etats-Unis et le
Canada, l'Europe gographique sans la Russie, le Blarus, le Caucase, l'Ukraine et la Moldavie. Puis l'Australie
et la Nouvelle-Zlande. Isral appartient cet espace. l'Occident depuis la Renaissance puis les Lumires, se
reconnat un savoir philosophique, le concept de raison, la prminence de la science, du droit, de la
dmocratie. Son universalisme se rsume la formule de Virgile dans l'Eneide: toi, romain, souviens-toi de
gouverner les nations sous tes lois, selon tes arts toi, et d'imposer des rgles la paix, mnager les vaincus et de
dompter les rebelles . 32
Le Nouvel Observateur, 23 janvier 2009, LIran est aujourdhui une puissance incontournable avec laquelle les USA vont traiter .
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17
l'historiographie a nglig souvent de les tablir. Puis, il convient d'enraciner le substrat
factuel dans les mcanismes de la nouvelle histoire et celles des reprsentations, car le sujet
exige de l'on transcende les prsupposs subjectifs en analysant justement les ides reues
inhrentes l'Etat d'Isral. Autrement dit, nous proposons d'crire une histoire chronologique,
technique, politique, conomique et gopolitique de cette dissuasion en chapitres thmatiques
et critiques, articuls autour d'hypothses.
Nous nous inscrirons partiellement dans la Nouvelle Histoire, ce courant historique
multidisciplinaire s'ouvrant aux Histoire des mentalits et des comportements (ici les
reprsentations et le comportement des lites politiques et scientifiques), davantage et
autrement que ne l'avait fait la premire gnration de lcole des Annales. Les mthodes de
lhistoire quantitative par l'empirisme et les revues de presse par exemple, doivent s'articuler,
selon les mots de Jacques Le Goff, une sorte d'anthropologie d'un phnomne, ici la
prolifration. Toutefois, dans cette thse, nous privilgions le temps long (60 ans), l'histoire
des lites politiques, scientifiques et militaires participant ce programme de dissuasion.
Bien videmment, comme la priode traite s'tire de l'indpendance d'Isral en 1948
jusqu' nos jours, en 2009, elle rvle automatiquement de l'Histoire du temps prsent et de
l'Histoire immdiate. L'Histoire contemporaine dbute en 1815 et se termine en 1945, bien
que ce bornage ne fasse pas l'unanimit parmi les historiens (1981 est parfois indiqu, voir
1991). Puis lui succde des Histoires du temps actuel, d'une part l'Histoire du Temps
Prsent (HTP) et d'autre part l'Histoire Immdiate. Elles dsignent un objet d'tude dont les
historiens sont souvent les contemporains (et certains d'entre eux se disent des
contemporeistes tardifs). Aujourdhui, en France tout du moins, ce que lon appelle
communment lHistoire immdiate et/ou lHTP, selon les terminologies respectivement
connotes universit ou CNRS, divise la communaut des historiens, tel Franois Dosse et
Antoine Prost33
. Les contemporeistes, mdivistes, modernistes ou antiquisants, refusant le
label de la scientificit ces Historiens, parlent dillusion contemporiste c'est--dire la
prtention du tmoin ou de lacteur impliqu dans lvnement, mieux connatre et
analyser que quiconque une priode en cours ou trs rcemment pass. Car ces historiens
incrimins risque d'tre victimes de la loi de proximit ou loi McLurg (vision ethnocentre
selon laquelle la valeur dun vnement pour un individu est proportionnelle la distance qui
spare cet individu de lvnement). L'Histoire ne serait alors qu'un simple commentaire
critique du pass (consigne dans le document), considre avec l'avantage de la distance
temporelle. C'est en partie l'origine de la querelle. Pourtant, L'historien peut-tre
33
Franois DOSSE, L'Histoire en miettes. Des Annales la nouvelle histoire, Paris, La Dcouverte, 1987. Antoine
PROST, Douze leons sur l'histoire, Paris, Point Seuil, 1996.
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contemporain des vnements. Thucydide, le fut pendant les guerres du Ploponnse dont il
nous a narr les principaux pisodes. Ce fut Idem avec Marc Bloch dans l'Etrange dfaite.
Mais comment dsormais se positionner entre l'Histoire du Temps Prsent et l'Histoire
Immdiate. Ces conceptions contiennent autant de prsupposs pistmologiques que de
causes exognes de diverses considrations idologiques et acadmiques. Jean Lacouture le
rappelle travers son ouvrage intitul La Nouvelle Histoire, avant de crer la collection
L'Histoire immdiate qu'il dirigera. Selon lui, le journaliste contribue par ses enqutes, ses
analyses, ses rflexions crire l'histoire du temps prsent; il fournit de la matire aux
historiens du futur 34
.
Les objets d'tudes de lHistoire Immdiate concernent l'actualit rcente . Selon
Jean-Franois Soulet, de l'Universit Toulouse II le Mirail et ancien chef de fil du courant
avec lhistorien Ren Rmond, cette immdiatet, circonscrite entre la dcolonisation et ces
dernires annes, s'explique ainsi:
Parler de temps prsent pour voquer la Seconde Guerre mondiale ou mme la Guerre d'Algrie
n'est gure convaincant. En outre, nous souhaitons nous dmarquer des chercheurs qui limitent la
priode dite du temps prsent la date butoir de l'accessibilit aux archives publiques (30 ans le
plus souvent); au-del, ce serait, selon eux, l'aventure, la navigation vue, bref, le lieu de tous les
risques. [] Nous pensons que, avec ou sans archives officielles, l'histoire peut et doit s'crire, et
que le travail de l'historien reste possible, sous certaines conditions, jusqu' une date trs
rapproche de nous. Au total, nous entendons donc par histoire immdiate, l'ensemble de la partie
terminale de l'histoire contemporaine, englobant aussi bien celle dite du temps prsent que celle
des trente dernires annes; une histoire, qui a pour caractristique principale d'avoir t vcue par
l'historien ou ses principaux tmoins. 35
Soulet pense que lactualit ne doit pas seulement tre traite par le journaliste mais aussi par
le scientifique.
Sa sur ennemie complmentaire, lHistoire du Temps Prsent, dont l'institut est
rattache au CNRS, est active depuis 1980, sous la frule de Franois Bdarida. Elle se
focalise sur la priode cartele entre le dbut du XXe sicle nos jours, mlant, comme
l'Histoire Immdiate, plusieurs disciplines (Histoire, communication, droit, gopolitique,
conomie, sociologie et philosophie), avec son propre systme de valeurs. Son historicit est
dfendue par l'application des mthodes scientifiques et par l'usage d'archives et de sources.
Elle dispute la Science Politique, entre autre, l'Histoire des systmes militaires, culturels
politiques. LHTP entre en conflit avec les contemporanistes, en partie parce que laccs aux
archives distingue techniquement Histoire contemporaine de Histoire immdiate. LHTP se
situe cheval entre ses deux entits.
34
Jean LACOUTURE, La Nouvelle Histoire, 35
Jean-Franois SOULET, L'Histoire Immdiate, Que sais-je, PUF, 2010. Universit Toulouse II le Mirail.
http://w3.grhi.univ-tlse2.fr/presentation/definition.htm
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19
Pour laborer cette thse, il a t possible de consulter des archives dclassifies de
seconde main, mais fort peu pour prtendre faire reposer notre argumentaire dessus. Ce sont
surtout les rapports parlementaires, l'expertise de spcialistes en plus d'une somme
considrables d'articles de presse francophones et anglophones qui se sont avrs
dterminants. Or, l'HTP se mfie des travaux journalistiques. Ainsi donc, le processus relvera
simplement d'une Histoire post-contemporaine, cheval sur la contemporaine celle du Temps
Prsent, celle de l'immdiat. La sociologie historique est l'tude sociologique d'une poque
passe. Ici, le phnomne social serait uniquement la conception particulire des Israliens de
leur scurit, par l'paisseur historique, pour faire merger des processus d'volution et de
transformation historique. Mais ne nous garons pas.
Enfin, pour en terminer sur l'historicit, la dissuasion isralienne, comme il le sera
tudi, ne relve pas d'une initiative strictement nationale, mais par moment internationale.
Autrement dit, le sujet se mue en fil conducteur, traversant toute la Guerre Froide et au-del.
En parallle d'une tude diachronique entre les objectifs initiaux de cette dissuasion et les
rsultats actuels, il sera exig de travailler sur les collaborations scientifiques rticulaires, ce
qui obligera galement une analyse multiscalaire, partant d'Isral pour s'en loigner de
temps autre. On peut donc aussi s'inspirer de la World History, un courant de recherche
portant sur la comprhension des phnomnes transnationaux multidisciplinaires dans le cadre
de divergences et de convergences entre diffrents Etats du monde. Ce sera le cas ici propos
de l'histoire de la prolifration dans le monde. En effet, il s'agit de connatre le contexte
gopolitique dans lequel Isral volue, et comment la dissuasion isralienne a pu se construire
en parallle des programmes similaires pakistanais, irakiens, iraniens, gyptiens ou encore
syriens; et avec les programmes atomiques des Etats-Unis, de la France, du Royaume-Uni et
de l'Afrique du Sud.
Effectuons maintenant la transition entre l'Histoire et la Science Politique. La Science
Politique est ltude des processus politiques mettant en jeu des rapports de pouvoir entre les
individus, les groupes, et les Etats. Elle relve de sciences dites camrales cest--dire qui ont
les structures lgitimes de pouvoir (l'tat, Organisations Internationales) pour objet. Elle serait
donc l'emploi de sciences humaines et sociales au service de lobjet politique36. La Science
Politique tudie le rapport entre ceux qui exerce le pouvoir et ceux qui y sont soumis
volontairement ou involontairement. Contrairement au pouvoir traditionnel descendant,
autoritaire, fonctionnant l'injonction et la coercition, la science politique repose sur des
techniques concrtes dadministration et de contrle des individus distance37. La Science
36
Lettre de lObservatoire des mtiers acadmiques de la science politique N4 / janvier 2007 : Ltat de la science politique en France , par Loc BLONDIAUX et Yves DELOYE. HASSENTEUFEL Patrick, Sociologie
politique: l'action publique (Paris : Armand Colin, 2008) 37
Philippe BRAUD, La science politique, Que sais-je? , Paris, PUF, 1982, p.1. Philippe BRAUD, Sociologie
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20
Politique se scindent en sciences politiques, l'une d'elles se nomme Relations Internationales
(RI)
Jean-Baptiste Duroselle et Pierre Renouvin se sont employs concilier Histoire
diplomatique, Relations Internationales (RI) et la Science Politique en s'axant sur les forces
profondes de lHistoire38. Charles Tilly, dfunt sociologue amricain des universits du
Michigan et de Columbia, opre aussi une jonction entre politique, Histoire, conomie et
socit, au travers du rpertoire d'action collective. Son analyse la plus fameuse (lEtat fait la
guerre mais la guerre fait lEtat39 correspond parfaitement Isral, nat d'une guerre
d'indpendance, et maintenant la cohsion de ses composantes htroclites par des guerres
dont toutes videmment ne sont pas volontaires. Egalement, Isral correspondrait au modle
de l'IEMP du politologue Mann40
avec ses quatre sources du pouvoir social: Ideologique
(normes et valeurs la fois laques et propres au judasme), Economique (fond par le secteur
militaire, dont les applications civiles des recherches en armes NRBC, balistiques et
spatiales), Militaire (dfendre et organiser Isral au travers de rflexes militaires), et Politique
(pouvoir centralis sur un Etat dominant ses composantes htroclites). Ceci tant dit,
comment orienter la recherche en fonction des paradigmes propres aux RI.
Des paradigmes en Relations Internationales impuissants face au cas particulier
isralien
Le prsent travail va mettre en exergue la nature des rapports entre Isral, des allis et
ses ennemis, sur les plans militaires, diplomatiques, conomiques et technologiques. Il
s'inscrit donc dans la sous-discipline des RI. Si la politique trangre tudie l'action de l'Etat,
les RI tudient les interactions entre les Etats. Cest pourquoi on tudie les RI travers du
niveau individuel (par l'Etat), et au niveau international (affaires transnationales et
intergouvernementales auquel appartient ainsi l'individu inscrit dans un rseau). Duroselle
dfinit les RI comme Tout ce qui a trait aux relations dun Etat avec un autre Etat ou de
plusieurs Etats entre eux sur les plans politiques conomiques, sociaux, dmographiques,
culturels, psychologiques et mme en gnralisant tout ce qui trait aux relations entre groupes
de part et d'autre des frontires nationales. [] Mais sil s'agit des relations des Etats on peut
appeler cela 'politique trangre'. Sil s'agit des relations entres groupes on peut parler de vie
internationale. Lensemble de ces phnomnes constituent les relations internationales. Les
RI ont donn naissance plusieurs paradigmes.
Les paradigmes idalistes et libraux prnent la recherche de la paix afin de mettre fin
politique, LGDJ, 3me dition, 1996, p. 496. 38
Jean-Baptiste DUROSELLE & Pierre RENOUVIN, Introduction lhistoire des relations internationales, Paris, Armand Colin, 1965, 521 pages. 39
Charles TILLY, Coercion, Capital and and European States 900-1900, 1990.
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l'anarchisme qui rgne entre les Etats. Pour cela, la conciliation entre acteurs par
l'intermdiaire de forum internationaux, d'organisations transnationales et de respects de
traits, doit s'articuler avec l'heureux commerce41
et le progrs social. LEtat, selon la vision
idaliste puis libral, devrait donc tre uniquement le gardien du droit naturel, bas sur la
raison utilitariste, cherchant la fois garantir la scurit des contractants mais aussi
protger leurs liberts. Hostile un excutif autoritariste, lEtat hbreu se soumet la
Knesset: ( alors que le pouvoir appartient au peuple, le Snat est le dpositaire de lautorit
cum potestas in populo, auctoritas in senatu sit42
). Le parlement est l pour valuer ou
remplacer le dirigeant en cas de dfaillance. La libert consiste ne relever daucun autre
pouvoir lgislatif que celui qui t tablie dans la Rpublique dun commun accord 43.
Locke et Hobbes prvoient le droit linsurrection contre lEtat si celui-ci ne respecte pas ce
contrat. Selon les libraux, le peuple le droit de rappeler lordre lEtat non vertueux, y
compris par la dsobissance civile 44
(ce principe est par exemple illustr, en Isral, par le
mouvement des refuznikim) mais dans les faits, la raison d'Etat fait taire ce principe au profit
des lobbies militaro-industriels du pays. La socit civile isralienne qui reste dmocratique,
revendicatrice et procdurire, s'inscrit dans cette optique, lorsqu'elle exige par exemple (en
vain), la transparence sur les programmes nuclaires et biochimiques et la fin des mesures
liberticides, dcides pour combattre le terrorisme.
Toujours dans ce paradigme, en principe, lEtat et lglise doivent se sparer (lettre sur
la tolrance), et prner la libert de cultes s'ils respectent la socit. Mais le paradigme du 11
septembre et de la guerre contre le terrorisme a remis en cause cette vision. Si Tel-Aviv s'est
efforc de lutter contre le proslytisme des haredim juifs, et tolrer toutes les religions, elle n'a
rien pu faire contre l'importance croissante des religieux. Jrusalem, la capitale culturelle et
isralienne, tend effectivement remplacer la laque et sioniste Tel-Aviv.
De mme, dans le systme international, pour pallier les erreurs dfinies par la parabole
de Rousseau45
, il faut alors tablir des rgles communes et universelles. Bien que les pays soit
diffrents dans leurs nature (identity), leurs mcanismes seraient identiques (domestic
analogy), nonobstant leurs passs et leurs objectifs. Il suffit donc de domestiquer
(domestic) les relations entres Etats par une institution supranationale en dictant des rgles
communes. Tel-Aviv a pu souhaiter un monde prn par lcole anglaise, rgit par le
consensus d'organisations Internationales superpuissantes, formant une Grande socit
40
Michael MANN, The source of social power, deuxime dition, 1993. 41
MONTESQUIEU, Lesprit des lois, 42
Jean-Jacques ROCHE, Thorie des relations internationales, Paris, Montchrtien, collection clefs, 1999, p. 122 43
John LOCKE, Deux traits du gouvernement ,op. cit., second trait, chapitre IV, 22. 44
Guy HERMET, Bertrand BADIE, Pierre BIRNBAUM , [et al.], Dictionnaire de la science politique et des
institutions politiques, Armand Colin, Paris, 2010. 45
Jean-Jacques ROUSSEAU, La socit civile, Discours sur les sciences et les arts, 1750.
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internationale sans Etats nationaux agressifs, et soumis aux valeurs normatives d'une grande
civilisation mtisse quoique fortement occidentalise. Ce courant solidariste, Isral le rejette
quelque peu. Isral ne souhaite pas toujours se conformer certains textes internationaux en
matire de justice (refus du statut de Rome de 1998 sur la Cour Pnale Internationale), de
prolifration (nous en avons parl). Ses relations avec l'ONU et l'AIEA sont particulirement
orageuses. Toutefois, Isral insiste d'un autre ct pour que la communaut internationale
s'occupe de dmanteler les projets de ses rivaux qui lui sont hostiles, coupables de ne pas
respecter le jus cogens. Isral fait fit de sa propre crdibilit en passant outre les quelques
accords signs, mais soigne au contraire sa rputation par des oprations mdiatiques et
universitaires, sans toutefois y parvenir. Tel-Aviv souhaite une scurit collective (assure la
paix et la sanctuarisation des frontires par la diplomatie, le dsarmement, des instances
internationales) mais s'estime dans une situation qui peut expliquer son affranchissement des
approches normatives holistiques. Le solidarisme se distingue du particularisme, accs sur
une coopration intertatique46
. Isral s'est maintes fois alli aux Etats-Unis pour vaincre un
adversaire, en se mfiant toutefois d'une Amrique hyperpuissante, comme celle de 1991 o
Georges H Bush essaya de contraindre un Isral moins utile, se rgulariser sur nombre de
dossier.
Le nolibralisme quant lui est l'ensemble des discours, des pratiques, des dispositifs
qui dterminent un nouveau mode de gouvernement des hommes selon le principe universel
de la concurrence. [] Le nolibralisme, avant d'tre une idologie ou une politique
conomique, est d'abord et fondamentalement une rationalit et [] ce titre il tend
structurer et organiser, non seulement l'action des gouvernants mais jusqu' conduire des
gouverns eux-mmes 47
. Selon Michael Doyle (1986), par l'application des 3I: inspiration,
investigation et intervention, la guerre nest l que pour maintenir ou rtablir les flux et dans
le futur, elle aidera terme mettre fin aux conflits. Il sagit de payer un prix lev
maintenant pour ne pas payer un prix plus lev ensuite. Autrement dit, il faut passer par une
phase de guerre pour construire un monde nouveau sans obstacle, car la dissuasion nuclaire
ou conventionnelle ne fonctionne pas toujours. Cet chec est celui des ralistes.
Nous verrons que ce principe, mise en place parfois par Isral, aboutira aux guerres
prventives et premptives et la doctrine ponyme du Premier ministre Menahem Behin, en
pure perte. Le cas de lIrak et des Terroristes undetterable, est l pour le prouver. Lharmonie
dintrts (lordre naturel naboutit pas aux guerres qui sont du fait des Etats tyranniques et du
balance of power) ne signifie pas automatiquement la paix. A l'instar, d'Ikenberry48
, Isral ne
46
Chris BROWN, IR Theory : New Normative approaches, Harvester Wheatsheaf, 1992 47
Pierre DARDOT et Christian Laval, La nouvelle raison du monde, Paris, La Dcouverte, 2010, p.275. 48
John IKENBERRY et Anne-Marie SLAUGHTER, Forging a World of Liberty Under Law, U.S. National Security
In The 21st Century, Princeton University, 2006.
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se servirait pas de son hgmonie (pouvoir et contrle exerc par un Etat meneur sur un ou
autre Etat) dans la rgion pour conqurir (Tel-Aviv a vacu le Sina, la bande de Gaza et le
sud-Liban) mais pour tre son gendarme. L'approche no-librale fonctionnerait ici, mais
nous la nuancerons.
Isral a bien souhait la fin de lHistoire, un paradis post-historique (R Kagan49)
dbarrass de la lutte entre Etats hgmoniques et d'une URSS soutenant militairement,
diplomatiquement et conomiquement ces adversaires, mais elle est la premire victime du
paradigme du 11 septembre, mme si cette thse fait prement dbat. Mais conscient d'voluer
dans un Grand Moyen-Orient hostile, Isral pourrait s'inspirer de la fable des abeilles50
dveloppant lide que lgosme permet lautorgulation de lordre social et conomique et a
fortiori international. L'Etat a donc besoin d'appliquer une politique agressive pour se
protger. A l'instar de Nicolas Machiavel51
et de Hume, la morale d'Etat (donc celle du prince)
est construite sur lexprience des relations internationales, proscrivant donc l'application de
toute morale du citoyen risquant de compromettre la raison d'Etat. Or, cela est paradoxal, car
si Isral, s'rige en dmocratie la plus morale au monde (avec notamment sa maxime de
puret des armes toar haneshek), il ne peut, en tant qu'Etat laque sur des bases culturelles
dont religieuses, concilier les deux morales.
Le thorie pessimiste du ralisme classique peut tre rsume par la la guerre de tous
contre tous dans un monde anarchique. La Realpolitik et la raison dEtat y sont centraux. La
force rige le droit et lgitime le pouvoir (le pouvoir par la victoire). L'Etat, proche de la
vision weberienne (monopole de la violence lgitime sur un territoire) est dfendu selon Aron
par le soldat et le diplomate. Il fait les lois et les fait appliquer. Sa lgitimit sexerce travers
la lgitimit charismatique, traditionnelle et lgale-rationelle. LEtat dispose dune rationalit
propre qui sappuie sur lthique de la responsabilit (sustainable) et non sur celle de la
conviction. LEtat forme avec ses citoyens une communaut politique dont le but nest pas le
triomphe des ides mais les 3 S que sont le self-help (chacun pour soit en vitant si possible
des alliances contraignantes, pas d'idologie dfendre)52
, le Statisme (toute communaut
humaine doit tre organis par un Etat, sige du pouvoir lgitime et souverain, qui lui-mme
doit protger l'espace dont il a la charge), et la Survie (premire des priorits pour un Etat,
intrt national envers qui tout doit tre subordonn).
Comme les 3 S ne sont pas suffisant, il convient de respecter le principe du Balance of
Power (alliance entre Etats contre un autre si celui-ci, en convergeant vers une hgmonie,
49
John BAYLLIS et Steve SMITH, The Globalization of wolrd Politics, and introduction to international relations,
Oxford, 2006, 3me
edition, 810 pages. 50
Bernard MANDEVILLE, The Fable of the Bees: or, Private Vices, Publick Benefits, Londres, 1714. 51
Nicolas MACHIAVEL, Le prince, 1516. 52
KEOHANE et GILPIN, neoralisme and critics, 1986.
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remet en cause lquilibre international53), lui-mme produit de la contrived balance
(diplomatie) mais selon les structuralistes, il dpend plutt de la fortuitious balance (quilibre
naturel). On oppose au balance of power le bandwagoning ou suivisme , qui dcrit
lattitude dun tat faible renclant s'apposer un tat plus fort, cause des consquences
engendres54
. L'Etat-nation55
est l'acteur premier des RI. Il est rationnel, se comporte comme
un individu goste qui doit survivre seul, au-del des morales. Le Prince de Machiavel et le
Dialogue de lle de Melos56 de Thucydide rsument les maximes de la thorie. Chaque Etat a
son thique57
. Isral revendique la sienne dont la logique lui est propre et qui n'a pas tre
lgitime devant des OI.
De mme, la puissance de lEtat est essentiellement militaire, les autres vecteurs sont
secondaires ou ngligeables car leurs importances dcoulent souvent du premier. Le ralisme
ne rejette pas le systme westphalien. Mais le Conseil de Scurit des Nations-Unies (CSNU),
lingrence, le balance of power le modre. La survie dun Etat nest jamais garantie
(Pologne) par des Organisations Internationales. Un tat possde la souverainet qui lui
donne le monopole de l'usage lgitime de la force sur son territoire et lextrieur pour
garantir son existence. LEtat, puisqu'il concentre tout les pouvoirs et les moyens, est le seul
habilit participer au RI. De mme, les RI rsultent d'un jeu somme nulle : ce qui est un
plus pour un Etat est un moins pour lautre. Seuls les gains relatifs sont rels. Adapt au cas
isralien, sa puissance militaire naboutit jamais des gains absolus car mme en cas de
victoire militaire, Tel-Aviv ne l'emporte jamais politiquement. La stabilit d'un systme est
dfinie par la paix entre les Grandes puissances mais Isral prend le parti des Etats-Unis et
avant 1991 souhaitent la dfaite du bloc de l'Est.
Isral considre t-il son environnement selon le paradigme raliste? Apparemment oui.
Il ne fait pas confiance dans les OI pour imposer une dprolifration efficace, au moins au
Moyen-Orient. Selon lui, ces OI n'ont pas d'autonomie, d'abord face l'URSS et ses allis,
puis ensuite face aux Etats arabes cause du poids de leurs ptrodollars, de leurs nombres et
de leurs influences. Ces pays le prouve l'ONU lors du vote amalgamant le sionisme au
racisme. Actuellement, Isral fustige les condamnations de sa politique sur les implantations,
53
Hans MORGENTHAU, Politics Among Nations 54
Quincy WRIGHT, A study of War, 1942,. Kenneth WALTZ, Theory of International Politics, 1979. 55
Ernest RENAN, Quest ce quune nation ?, Paris, Imprimerie nationale, coll. Acteurs de lHistoire, 1996. Le courant nationaliste la comprend comme un ordre naturel. Le courant prennialiste comme le meilleur ordre
politique possible quoi qu'volutif, en instrumentalisant le pass. Le courant moderniste le voit en phnomne
rcent, pouvant tre artificiel. Le courant postmoderne le pense comme rsultante d'un processus slectionnant
voir inventant certaines traditions. 56
Les Athniens demandent aux habitants de se soumettre au nom de la puissance de leur Etat qui exige
lannexion (fait accompli ) et leur propose en change la paix. Les habitants invoquent Dieu et lalliance avec Sparte en guise de contestation. Cest la loi de fer: le puissant doit simposer et le faible accepter. Le standard de la justice dpend de lgalit des puissances contraindre et employer la force pour exercer le pouvoir. 57
Selon Weber (Le savant et le politique) : toute activit oriente selon lthique peut-tre subordonne deux maximes totalement diffrentes et irrductiblement opposes : Elle peut sorienter selon lthique de la
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sur sa dissuasion, sur ses oprations extrieures, sur l'arraisonnement de la flottille de la
libert, sur le traitement inflig aux Palestiniens. De plus, l'Etat isralien est bien, dans la
rgion, un acteur rationnel maximisant sa puissance et sa scurit par son arsenal non-
conventionnel et conventionnel. Il privilgie, partir des annes 1980, les gains relatifs en
refusant de se lancer dans des politiques d'annexions massives. Enfin, Les autres Etats sont
considrs potentiellement ou franchement comme des ennemis, et ses allis, y compris
amricains et europens, ne sont pas toujours vu comme fiables.
Les noralistes, quant eux, considrent que lEtat est suprieur aux Non-state-actors
et aux OI, et c'est ainsi qu'agit Isral. L'anarchie ne rsulte pas de l'gosme des Etats mais de
l'absence d'autorit supranationale assez puissante. Selon ce paradigme, ce nest pas la
population qui fait lEtat mais lanarchie (Isral se construit face aux menaces). On ne peut
pas comparer le comportement des hommes avec celui des Etats car les premiers ont toujours
une autorit protectrice au dessus d'eux. Les RI sont la rsultante des interactions, des Units
(Etat), des structures (relations d'Etats, population, ressources, superficie, conomie, stabilit,
comptence) des ides, des accords et d'autres contingences. Les levels unit ne sont pas
hirarchises, interagissent entre elles face aux turbulences. La fiabilit du systme
international repose sur un minimum de grandes puissances et d'OI. L'anarchie est une
opportunit pour s'unir. Mais les Etats n'appliquent pas tous les mmes mcanismes, car les
diffrences naturelles et structurelles gnrent des politiques divergentes. Isral, qui se
considre comme un cas particulier en raison de son pass et sa nature ingrate, valide cette
approche.
Dans ce schma, Isral distingue bien les Etats souverains, qui revendiquent le
monopole de la violence lgitime, des autres Etats, qui nont pas de vocation universelle. Tel-
Aviv a toujours recherch leur protection (d'abord phmrement l'URSS, puis les Etats-
Unis). Les noralistes sopposent entre les offensive realism (imposer sa puissance et
stendre ne peut se faire que par la guerre contre les rvisionnismes de lordre mondial) ; et
les defensive realism (survivre et non dominer. Il sagit daffaiblir suffisamment lennemi et
renforcer son arme par scurit). La puissance militaire nest pas tout et c'est pourquoi Isral
consacre de gros moyens au soft power et la matrise d'autres lments pour devenir un pays
du premier monde58
. Une puissance se reconnat la possession dune arme nuclaire, ses
capacits antimissiles (systme Hetz et Iron dome), la matrise de lespace (lanceur Shavit),
un budget de dfense consquent (prs de 10% de son PIB), sa monnaie forte (ce n'est pas
le cas d'Isral), son importance dans le commerce international (ce n'est pas le cas d'Isral),
son PNB (ce n'est pas le cas d'Isral), et sa richesse par habitant (c'est le cas).
responsabilit ou selon lthique de la conviction . 58
Alexandre ADLER, Jai vu finir le monde ancien, Grasset, 2002, 346 pages, p. 59.
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Tel-Aviv refuse de dominer compltement des rgions pour viter une raction tatique
ou une rsistance qu'il ne pourrait vaincre. Ce nest pas le pouvoir absolu que l'Etat hbreu
recherche mais la scurit minium, par l'augmentation des capacits militaires, la diplomatie
et les alliances. Cest le fortuitous balance59. Lquilibre des Etats est donc le meilleur garant
d'une trs relative paix En revanche, Isral a convaincu les Amricains que la thorie
nolibral de la propagation du progrs conomique et de la dmocratie dans le monde arabe
garantirait la paix. Or, malgr les aides de Washington l'Egypte et la Jordanie, la rgion n'est
toujours pas scurise. L'augmentation par Isral de sa puissance, par les aides extrieures,
force les tats lui tant hostiles augmenter la leur. C'est le dilemme de scurit.
UN DEFI ACADEMIQUE SUR UN OBJET D'ETUDE QUI OFFICIELLEMENT N'EXISTE PAS
Le sujet d'tude que nous nous proposons d'entreprendre constitue intrinsquement une
particularit acadmique, un dfi scientifique, car Isral refuse de s'affirmer comme un Etat
nuclaire souverain. Donc, a priori, il est impossible d'appliquer ici la rationalit scientifique.
Mais selon Bachelard60
: le fait scientifique est conquis sur les prjugs (une prolifration
non matrise, Isral comme Etat agressif, etc..), construit par la raison (analyse des rares
travaux et sources) et constat dans les faits ( l'aune de l'actualit par exemple, comprendre et
dexpliquer la ralit tudie selon une dmarche logique et rationnelle). Essayons de nous en
inspirer. Avant de poursuivre, le chercheur se doit par essence de rflchir par lui-mme sans
toujours sappuyer sur les archives ou se laisser guider par des paradigmes s'moussant sur
des cas particuliers, Isral en tant un.
La question de l'accessibilit des sources et des travaux
Les cinq membres permanents du CSNU possdent l'arme absolue, ainsi que trois autres
Etats non signataire du TNP ou sorti du trait: l'Inde, la Core du Nord, le Pakistan et Isral.
Mais alors que les arsenaux des deux premiers non signataires du TNP sont reconnus par la
communaut internationale, il n'en est rien propos de l'arsenal isralien. C'est pourquoi, la
dissuasion non-conventionnelle isralienne, souvent lude mais non nie par la grande
majorit des Think-Tank et des spcialistes en gostratgie, sans parler bien sr des sphres
politico-diplomatiques, met en exergue un malaise gnral sur la crdibilit des efforts de
non-prolifration, alors que les cas nord-corens et iraniens sont mdiatiquement surexposs.
Par justice, notons que l'Inde et le Pakistan, puissance nuclaire non signataire du TNP,
n'cope pas non plus des mmes remontrances.
59
Kenneth WALTZ, Theory of International Politics, 1979. 60
Gaston BACHELARD, La philosophie du non,
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La logique est l: comment travailler sur une chose qui n'existe pas officiellement. Car
matriellement parlant, aucune source matrielle ne prouve sa ralit, bien que des documents
classifis et dclassifis du Dpartement d'Etat amricain exhums par l'universitaire
amricain Avner Cohen61
ou du Foreign Office, en fassent mention. Le seul fait de se rendre
en Isral pour recueillir, sur ce sujet, des tmoignages et des documents, revient en accepter
les risques (interrogatoire, emprisonnement, disparition temporaire entre autre). Nous
numrerons plusieurs cas, comme ceux d'Avner Cohen, d'Isral Yaakov ou d'Avraham
Klingberg.
La question est sensible, la fois dans les sphres politico-stratgiques, mais galement
du point de vue des sensibilits idologiques. Plusieurs de ses enquteurs ont t emprisonns
ou intimids pour avoir abord l'extrieur d'Isral un tel thme de recherche. Il est important
de le signaler car ce nest pas le cas de tous les sujets de thse Ces obstacles ne sont pas
propres Isral, car toutes les puissances nuclaires protgent leurs secrets militaires au nom
de la raison d'Etat. Il ne s'agit donc pas d'une volont isole de dissimuler, contre le droit
lgitime et dmocratique de sinformer. Cette prcision n'est pas destine viter de heurter la
susceptibilit dIsral. Car le secret de son arsenal NBC est mme souvent garantie par la
plupart des Etats dans le monde, afin de masquer les mcanismes troubles dune prolifration
bien plus complexe quelle ne le laisse subodorer, avec limplication dacteurs et
dorganisations puissantes nationales, internationales et transnationales. Le secret vite de
dclencher une course la prolifration dans la rgion, et altrer la crdibilit de l'AIEA. Pour
l'occident, Isral est un partenaire politique, militaire et scientifique de premier ordre. Sa
position gostratgique, associe lhritage de la Shoah aboutit une approche particulire.
Nanmoins, Isral et le seul Etat dtenteur d'armes atomiques pratiquer une deterrence
through uncertainty, une opacit revendique, un officieux officiel. La stratgie de
communication est paradoxale, puisqu'une arme nuclaire est faite pour ostensiblement
dissuader. Cette opacit revendique confre la dissuasion classique un degr de dangerosit
supplmentaire, car exacerbant la peur d'un ennemi ne pouvant dterminer comment, quand et
dans quelle proportion Isral pourrait rpliquer.
C'est Shimon Prs en 1961 qui rdige la clbre formule prononce devant Kennedy,
illustrant la position isralienne en la matire: Isral ne sera pas le premier pays introduire
des armes nuclaires au Moyen-Orient . Pour identifier le rac