These Dumont

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    DOCTE

    Secti

    Ecole Doctorale:

    APPORTS DE LA

    COMPREHENS

    APPLICATION

    M. Philippe Lemencea

    M. Jean-Christophe P

    M. Jean-Jacques Godo

    M. Jrme Harmand

    M. Antoine Sciandra

    Mme Tatiana Vallaeys M. Denis Dochain

    UNIVER

    SCIENCES ET TECHNIQ

    T H E S E

    pour obtenir le grade de

    UR DE L'UNIVERSITE MONTPELLIER

    on: Biotechnologie et Microbiologie

    Sciences des Procds Sciences d

    prsente par

    Maxime Dumont

    ODELISATION DES INTERACTION

    ION FONCTIONNELLE DUN ECOS

    DES BACTERIES NITRIFIANTES EN CHE

    soutenue le 18 dcembre 2008

    JURY

    directeur de recherche INR

    ggiale professeur UMR CNRS 611

    n directeur de recherche INR

    charg de recherche INRA,

    directeur de recherche UM

    professeur UMR 5119 Ecolprofesseur Universit de Lo

    ITE MONTPELLIER II

    ES DU LANGUEDOC

    II

    s aliments

    S POUR UNE

    STEME,

    MOSTAT

    , rapporteur

    7, rapporteur

    , directeur de thse

    directeur de thse

    7093, examinateur

    ag, prsidente du juryuvain, examinateur

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    UNIVERSITE MONTPELLIER II

    SCIENCES ET TECHNIQUES DU LANGUEDOC

    T H E S E

    pour obtenir le grade de

    DOCTEUR DE L'UNIVERSITE MONTPELLIER II

    Section: Biotechnologie et Microbiologie

    Ecole Doctorale: Sciences des Procds Sciences des aliments

    prsente par

    Maxime Dumont

    APPORTS DE LA MODELISATION DES INTERACTIONS POUR UNE

    COMPREHENSION FONCTIONNELLE DUN ECOSYSTEME,

    APPLICATION A DES BACTERIES NITRIFIANTES EN CHEMOSTAT

    soutenue le 18 dcembre 2008

    JURY

    M. Philippe Lemenceau directeur de recherche INRA, rapporteur

    M. Jean-Christophe Poggiale professeur UMR CNRS 6117, rapporteur

    M. Jean-Jacques Godon directeur de recherche INRA, directeur de thse

    M. Jrme Harmand charg de recherche INRA, directeur de thse

    M. Antoine Sciandra directeur de recherche UMR 7093, examinateur

    Mme Tatiana Vallaeys professeur UMR 5119 Ecolag, prsidente du juryM. Denis Dochain professeur Universit de Louvain, examinateur

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    REMERCIEMENTSREMERCIEMENTSREMERCIEMENTSREMERCIEMENTS

    Voil !! Nous y sommes !... La thse acheve, la soutenance effectue Une page se tourne,

    laventure narbonnaise touche sa fin et avec elle les huit annes dtudes qui ont conduit ce

    manuscrit

    Puisquon parle dtudes, je voudrais tout dabord remercier les profs (au sens large) qui

    mont tant apport durant toutes ces annes (non, non, cela na rien voir avec le fait que je sois

    un fils de profs !!).

    Merci cette prof de bio dont je ne connais ni le nom ni le prnom et que jai dtest

    durant de nombreuses semaines, voir de nombreux mois, pour mavoir recal dun point au bac !

    Sa clairvoyance mtonnera toujours, sans elle cette thse nexisterait pas.

    Merci Bernard Calvez et tous les profs de lIUT Gnie Biologique de Lyon pour leurs

    enseignements si passionnants mme sil est vrai que jen ai rat quelques un ! Quelle ide aussi

    de mettre des cours le vendredi matin alors que les soires tudiantes sont le jeudi soir !!!...

    Merci Jrme Boissier, Olivier Vernaux, Andr Thron, Guillaume Mitta, Anne

    Rognon, Hlne Mon, Richard Galinier, Jean-Franois Allienne et Claude Combes du Centre de

    Biologie et dEcologie Tropicale et Mditerranenne de Perpignan. Les deux stages de six moispasss vos cts ont t extraordinaires ! Je sais tout ce que je vous dois et vous en serais

    ternellement reconnaissant.

    Merci Jean-Jacques Godon, Jrme Harmand, Alain Rapaport, Claude Lobry, Patrice

    Loisel, Jean-Philippe Steyer, Jrme Hamelin, Nicolas Bernet, Valrie Bru, Eric Latrille,

    Emmanuelle Zumstein, Eric Trably, Nathalie Wery et Frdric Mazenc, pour toutes les

    connaissances que vous mavez apport durant ces trois annes passes au Laboratoire des

    Biotechnologies de lEnvironnement de Narbonne.

    Merci Sylvie Farine, Nadine Le Thinh, Annie Vidal et Vronique Maugenet pour votre

    bonne humeur permanente et pour avoir su me guider travers les mandres de

    ladministration !!

    Toutes ces annes nauraient pas t si agrables et si enrichissantes sans les nombreux liens

    damitis qui se sont nous au fil du temps.

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    Merci aux Mconnais : Marco, Matthieu, Paul, Yann Depuis le collge, que de chemin

    parcouru !! Finalement, on ne sen sort pas si mal pour les cancres quon tait !!!...

    Merci Aurlie et Yann pour les deux annes passes vos cts Je garderai

    ternellement en mmoire toutes nos vires lyonnaises ainsi que la magnifique rue Paul Ricard

    des Saintes Marie de la Mer !!...

    Merci mes amis de la licence pro de Reims : Jrme, Willy, Mama, Laure qui mont

    permis de garder le cur au chaud malgr la froideur du nord ! Sans vous, il naurait pas t

    possible de tenir toute une anne l-haut !!!...

    Merci aux trois mousquetaires du DEA de Parasitologie de Montpellier : Tit Math,

    Bertrand, Paulo pour toutes ces soires passes parler Ecologie et Evolution en y mlant la

    politique bien videment !! Merci galement Anne et Arthur pour votre douceur et votregentillesse incomparable.

    Merci aux amis du LBE : Gurmite (vive lanarchie !!), Matthieu M. (prends soin des

    belles affiches de notre bureau !!), Maialen (Aloha !!! Ce mot te va si bien !), Alexis (arrte le

    sport, cest trop dangereux !!), Matthieu L. (Merci dtre l, somewhere in the world !! hein ?!!!

    Quoi ?!!!!), Bruno (vive rue89, les algues et les bactries !!), Bruno (courage lami !!!), Sarah

    (courage toi aussi !!), Olivier Z. (prochain road trip au Chili mais toujours sur fond de Joe

    Dassin !!!), Olivier L.G. ( quand la Bretagne libre ?!!!), Romy-Alice et Seb (cest fou !!! Avoir

    une ludothque pareille et ne pas avoir fait un seul jeu en un an !!! Dun autre ct, boire et

    manger cest bien aussi !!!), sans oublier linnarrable Magalou (continue d envoyer du

    lourd !!!!) et le toujours fatigu Yannis (quand cest que tu prends ta carte camarade ?!!!)

    Un grand merci aux Camarades narbonnais quils soient au PCF, au NPA, la Ligue, au

    PG, la CGT, Sud, au Planning ou nul part En particulier, un grand merci Patric et Vro

    (nos longues discussions passionnantes vont me manquer et vive le calvados des copains !!),

    Carmen et Jojo (il ny a pas de mots suffisamment forts pour vous exprimer toute mon

    admiration), Charles et Jeanine (on vous attend au Chili avec votre camping-car !), Laurent (

    quand un Luxembourg rouge ?!!), Bastosse (tu as fais le bon choix), Roland (tes blagues

    continuent de rsonner dans la salle de runion !!), Denise et Jean-Pierre (vous nimaginez sans

    doute pas tout ce que vous mavez apport), Luc et Manu (on se retrouvera rue Santa Fe ?!),

    Marie-Pierre et Matthias (vive le Pays-Basque, les tites brebis et les olives !), Jean-Louis

    (linfatigable !), Domi (hasta siempre !!), Francis ( du pass faisons table rase !...), Alain

    V. (je suis sur que mme lautre bout de la terre on entendra le son de ta voix au

    mgaphone !!), Alain et Simone (la bonne humeur permanente, un rayon de soleil qui rchauffe

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    en toutes circonstances), Christine et Yvan (merci pour les bouquins, les sourires, les clins

    dil), Thierry (je compte sur toi pour convertir JJ et Jj !!!) Je vous souhaite tous tout

    plein de luttes victorieuses ! Unis par un maillage dinteractions positives, je ne doute pas que

    vous puissiez contribuer faire merger des proprits nouvelles faites de Paix, de Solidarit, de

    Fraternit pour un monde meilleur !...

    Un grand merci nos chers colocs du trois cour de la Pomme ! Gros bisous toi Cathy,

    durant quelque temps a sera dur de venir frapper ta porte pour te piquer des ufs, de la farine,

    du lait, du sucre !!!... Mais gardes en sous la main car on na pas fini de ten demander !!!! Merci

    pour tes sourires, ta complicit et ta joie de vivre Je te souhaite tout le bonheur du monde, tu le

    mrite tant !... Gros bisous toi Romain ! Tu es un mec bien, faut juste que tu descotches un peu

    de lordi !!! lol !! All, ctait juste pour tembter !!... Mes meilleures penses de Gauche

    Cloclo et mon camarade banquier Doude (en fait, tu aurais du faire agriculteur en

    Bourgogne !!! Le bleu de travail tirait si bien !!!!...). Un grand merci aussi tous ceux qui sont

    venu lappart et qui ont marqu leur passage dune petite cration en fil de fer !!...

    Le meilleur pour la fin !

    Un immense merci mes parents, Dominique et Jean-Pierre Que dire sinon que je vous

    aime Vous tes extraordinaires !

    Merci ma frangine Alexandra, Nico, Milo et Lilou dont le bonheur sert de phare au

    milieu du brouillard.

    Merci mon tit Ange, Coralie, pour tout ce que tu mas apport et continuera de

    mapporter. La vie tes cts est un enchantement quotidien. Te quiero mi amor. Merci

    galement ta famille qui ma si bien accueilli : Franoise pour toutes tes douces attentions,

    Loic, Julie et Marine (en vous souhaitant plein de bonnes choses en Guadeloupe), Philippe pour

    tous tes bons petits plats, Lilette et Pierre pour votre gentillesse, Jean-Franois pour toutes nos

    discussions politique

    Merci tous !!!

    Je vous laisse maintenant la lecture de ce manuscrit sur ces belles paroles de Pierre Bourdieu :

    Pour rpondre aux dfis qui nous font faces, il faut que chaque chercheur soit militant, chaque

    militant soit chercheur et que chaque citoyen soit militant

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    Sommaire

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    SOMMAIRESOMMAIRESOMMAIRESOMMAIRE

    Remerciements

    Sommaire

    Communications scientifiques lies la thse

    Avant-propos

    DE LA COMPLEXITE DU VIVANT ET DU FONCTIONNEMENT DES ECOSYSTEMES

    I.DE LA COMPLEXITE DU VIVANT AU SEIN DES ECOSYSTEMES

    I.1. Les cosystmes et la science qui les tudie.................................................21

    I.1.1. La dfinition dun cosystme

    I.1.2. Lcologie, science des cosystmes

    I.2. La biodiversit et les interactions : la complexit du vivant....................25

    I.2.1. La notion de diversit du vivant

    I.2.2. La richesse spcifique

    I.2.3. Les indices de diversit

    I.2.3.1. Lindice de diversit de Shannon-Weaver

    I.2.3.2. Lindice de diversit de Simpson

    I.2.3.3. Lindice de diversit de Hill

    I.2.4. Le lien entre la diversit et les interactions du vivantI.3. La diversit des interactions du vivant...........29

    I.3.1. La description phnomnologique des interactions

    I.3.2. La description mcaniste des interactions

    I.3.3. Les rseaux trophiques

    I.3.3.1. La description des rseaux trophiques

    I.3.3.2. Le flux de matire et dnergie au sein des rseaux trophiques

    I.4. Les thories sur la complexit du vivant............................................................................32

    I.4.1. Les prmices dune thorie globale

    I.4.2. La thorie darwinienne

    I.4.3. La double interprtation de la thorie darwinienne

    I.4.3.1. La coopration comme moteur de lvolution des espces

    I.4.3.2. La comptition comme moteur de lvolution des espces

    I.4.4. Et demain, quelle thorie de la complexit du vivant ?

    II.DE LA MODELISATION DE LA COMPLEXITE DU VIVANT

    II.1. Les diffrentes approches de la modlisation en cologie...............................................39

    II.1.1. Lapproche stochastique de la modlisation du vivant

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    Sommaire

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    II.1.2. Lapproche dterministe de la modlisation du vivant

    II.1.2.1. La dfinition du dterminisme

    II.1.2.2. Les quations diffrentielles, outils de la modlisation dterministe

    II.2. Les modles dterministes historiques en cologie...........................................................43

    II.2.1. Le modle malthusien ou de croissance exponentielle dune espce

    II.2.2. Le modle logistique ou de croissance borne dune espce

    II.2.2.1. La prsentation du modle logistique

    II.2.2.2. La stratgie r et la stratgie k

    II.2.2.3. Le chaos dterministe

    II.2.3. Le modle de Lotka-Volterra ou modle proie-prdateur

    II.2.3.1. Lhistorique du modle de Lotka-Volterra

    II.2.3.2. Les hypothses du modle de Lotka-Volterra

    II.2.3.3. La description du modle de Lotka-Volterra

    II.2.4. Le modle de Lotka-Volterra comme modle de comptition

    II.2.4.1. La prsentation du modle

    II.2.4.2. Le principe dexclusion comptitive

    II.2.4.3. Le concept de niche cologique

    III.DU FONCTIONNEMENT DES ECOSYSTEMES

    III.1. La complexit du vivant et les fonctions des cosystmes.............................................57III.1.1. La notion de fonctions des cosystmes

    III.1.2. Ltude de la productivit des cosystmes

    III.1.2.1. Lapproche exprimentale

    III.1.2.2. Lapproche thorique

    III.1.2.3. Une synthse des tudes exprimentales et thoriques

    III.2. La complexit du vivant et la stabilit des cosystmes.................................................64

    III.2.1. La notion de stabilit des cosystmes

    III.2.2. Ltude de la stabilit des cosystmes

    III.2.2.1. Lapproche exprimentale

    III.2.2.2. Lapproche thorique

    III.2.2.3. Une synthse des tudes exprimentales et thoriques

    III.3. Les limites des approches exprimentales et thoriques...............................................70

    III.3.1. Les limites de lapproche exprimentale classique en cologie

    III.3.2. Les limites de lapproche thorique

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    Sommaire

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    DE LINTERET DU MONDE MICROBIEN POUR LA COMPREHENSION DES ECOSYSTEMES

    COMPLEXES

    IV.DU MONDE MICROBIEN ET DES OUTILS DANALYSE DE SA DIVERSITE

    IV.1. A la dcouverte du monde microbien...................................................................................75

    IV.1.1. La naissance de lcologie microbienne

    IV.1.2. La diversit du monde microbien

    IV.1.2.1. La prsentation gnrale de la diversit du monde microbien

    IV.1.2.2. La diversit des organismes procaryotes

    IV.1.3. La formidable odysse du monde microbien

    IV.2. Les outils danalyse de la diversit du monde microbien...............................................82

    IV.2.1. Les outils danalyse classique de la diversit microbienne

    IV.2.2. Les outils danalyse molculaire de la diversit microbienneIV.2.2.1. Lamplification de lADN

    IV.2.2.2. Lanalyse de lADN ribosomique

    IV.2.2.3. Les techniques dempreintes molculaires

    IV.2.2.3.1. Les gels dlectrophorse gradient de dnaturation

    IV.2.2.3.2. Lanalyse de polymorphisme de conformation secondaire

    IV.2.2.3.3. Lanalyse de fragments de restriction terminaux

    V.DU MONDE MICROBIEN COMME MODELE DETUDE EN ECOLOGIE

    V.1. La pertinence du monde microbien en cologie..................................................................93

    V.2. Les racteurs biologiques, des microcosmes sous contrle............................................94

    V.2.1. Le principe des racteurs biologiques

    V.2.2. Le fonctionnement des racteurs biologiques

    V.2.2.1. Le fonctionnement discontinu des racteurs biologiques

    V.2.2.2. Le fonctionnement semi-continu des racteurs biologiques

    V.2.2.3. Le fonctionnement continu des racteurs biologiques

    V.3. La modlisation des systmes microbiens en chmostat................................................96

    V.3.1. Limportance du schma ractionnel et du bilan de matire

    V.3.2. La modlisation dune population microbienne dans un chemostat

    V.3.2.1. La prsentation du modle propos par Monod

    V.3.2.2. Les fonctions de croissance des microorganismes

    V.3.2.3. Lanalyse du modle propos par Monod

    V.3.3. La modlisation de plusieurs populations microbiennes dans un

    chmostat

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    Sommaire

    12

    DE LETUDE DUN ECOSYSTEME MICROBIEN COMPLEXE:DES BACTERIES NITRIFIANTES

    EN CHEMOSTAT

    VI.DE LA MISE EN PLACE ET DU SUIVI DE BACTERIES NITRIFIANTES EN CHEMOSTAT

    VI.1. La nitrification et les bactries nitrifiantes.......................................................................107

    VI.1.1. La nitrification

    VI.1.2. Les bactries nitrifiantes

    VI.1.2.1. Les bactries nitrifiantes lithotrophes

    VI.1.2.1.1. La taxonomie des bactries nitrifiantes lithotrophes

    VI.1.2.1.2. Le mtabolisme des bactries nitrifiantes lithotrophes

    VI.1.2.2. Les bactries nitrifiantes htrotrophes

    VI.1.3. Les facteurs influant le processus de nitrification

    VI.1.3.1. Le taux doxygne dissousVI.1.3.2. Le pH

    VI.1.3.3. La temprature

    VI.2. La mise en place de chmostats nitrifiants......................................................................112

    VI.2.1. Les caractristiques physiques des chmostats nitrifiants

    VI.2.2. Le milieu de culture des chmostats nitrifiants

    VI.2.3. Le choix du temps de sjour hydraulique

    VI.2.4. Linoculation des chmostats nitrifiants

    VI.3. Le suivi fonctionnel et populationnel des chmostats nitrifiants..............................115

    VI.3.1. Le suivi fonctionnel des chmostats nitrifiants

    VI.3.2. Le suivi populationnel des chmostats nitrifiants

    VI.3.2.1. La quantification de la biomasse totale des chmostats

    VI.3.2.2. La dtermination des phylotypes composant la biomasse totale

    VI.3.2.2.1. La mthode de prlvement et de conservation des chantillons

    VI.3.2.2.2. La mthode dextraction des ADN totaux

    VI.3.2.2.3. Lamplification de la rgion V3 de lADNr 16S

    VI.3.2.2.4. La discrimination par SSCP des brins dADN amplifis

    VI.4. La perturbation des chmostats nitrifiants......................................................................119

    VI.4.1. Les perturbations abiotiques des chmostats nitrifiants

    VI.4.2. Les perturbations biotiques des chmostats nitrifiants

    VI.4.2.1. La perturbation biotique globale des chmostats nitrifiants

    VI.4.2.2. La perturbation biotique cible des chmostats nitrifiants

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    Sommaire

    13

    VII.DE LA DETERMINATION DU ROLE FONCTIONNEL DES DIFFERENTES ESPECES PRESENTES

    DANS UN ECOSYSTEME MICROBIEN COMPLEXE

    VII.1. Rsum de la problmatique et de lapproche mise en uvre..................................123

    VII.2. Toward functional molecular fingerprints.......................................................................125

    VIII.DE LA MODELISATION DU MAILLAGE DINTERACTIONS ENTRE LES ESPECES PRESENTES

    DANS UN ECOSYSTEM MICROBIEN COMPLEXE

    VIII.1. Rsum de la problmatique et de lapproche mise en uvre.................................143

    VIII.2. Coexistence in a nitrifying chemostat: a model of microbial interaction.....145

    IX.DE LINFLUENCE DE PERTURBATIONS BIOTIQUES SUR LA DIVERSITE ET LE

    FONCTIONNEMENT DE BACTERIES NITRIFIANTES EN CHEMOSTAT

    IX.1.Linfluence de la perturbation biotique globale................................................................161

    XIX.1.1. Linfluence populationnelle de la perturbation biotique globale

    XIX.1.2. Linfluence fonctionnelle de la perturbation biotique globale

    IX.2.Linfluence de la perturbation biotique cible...................................................................163

    IX.2.1. Linfluence populationnelle de la perturbation biotique globale

    IX.2.2. Linfluence fonctionnelle de la perturbation biotique globale

    CONCLUSION ET PERSPECTIVES

    X.1. Le potentiel des chmostats en cologie microbienne ...................................................169

    X.2. La difficult de la modlisation des systmes microbiens ...........................................170

    X.2.1. La question du chaos dterministe

    X.2.2. La question de la neutralit

    X.2.3. La question du niveau dintgration de la diversit biologique dans les

    modles mathmatiques

    X.2.3.1. Le niveau de diversit spcifique

    X.2.3.2. Le niveau de diversit mtabolique

    X.3. La pertinence des approches transdisciplinaires.............................................................178

    Rfrences bibliographiques

    Liste des figures

    Liste des tables

    Annexes

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    Communications scientifiques lies la thse

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    COMMUNICATIONS SCIENTIFIQUES LIES LACOMMUNICATIONS SCIENTIFIQUES LIES LACOMMUNICATIONS SCIENTIFIQUES LIES LACOMMUNICATIONS SCIENTIFIQUES LIES LA

    THSETHSETHSETHSE

    ARTICLES

    Dumont M., Godon J.J., Rapaport A., Benyahia B., Harmand J. (2008)

    New observers for microbial ecology, How including molecular data into bioprocess modeling.

    Proceeding of the 16thMediterranean conference on control and automotion.

    Dumont M., Harmand J., Godon J.J. (sous presse)

    Toward functional molecular fingerprint.

    Environmental microbiology.

    Dumont M., Harmand J., Godon J.J. (en prparation)

    Coexistence in nitrifying chemostat: a model of microbial interactions.

    CONFERENCES

    Dumont M., Godon J.J., Harmand J. (2007)

    De la modlisation des cosystmes microbiens, entre hypothses simples et ralit complexe :

    linterface des fingerprints.

    5ime

    congrs de lAssociation Franaise dEcologie Microbienne, La Grande Motte, France.

    Dumont M., Godon J.J., Harmand J. (2008)

    How automatic control may help to investigate ecological questions.

    International Symposium on Biotechnology, Sfax, Tunisie.

    Dumont M., Godon J.J., Rapaport A., Benyahia B., Harmand J. (2008)

    New observers for microbial ecology: How including molecular data into bioprocess modeling.

    16thMediterranean conference on control and automotion, Ajaccio, France.

    POSTERS

    Dumont M., Harmand J., Godon J.J. (2008)

    Functional assignation of molecular species in a complex microbial ecosystem using

    mathematical tools and molecular fingerprints.

    12th congress of International Society of Microbial Ecology, Cairns, Australia.

    Hamelin J., Dumont M., Harmand J., Godon J.J., Haegeman B. (2008)

    Microbial diversity and the neutral chemostat

    12thcongress of International Society of Microbial Ecology, Cairns, Australia.

    Harmand J., Rapaport A., Dumont M., Dochain D., Godon J.J. (2008)

    How taking into account biodiversity into anaerobic digestion models ?9

    thLatin-American worshop and Symposium on anaerobic digestion, Easter Island, Chile.

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    Avant-propos

    17

    AVANTAVANTAVANTAVANT----PROPOSPROPOSPROPOSPROPOS

    Les travaux dvelopps dans cette thse ont t mens au sein du Laboratoire des

    Biotechnologies de lEnvironnement de Narbonne1 (11) et ont fait lobjet dune approche

    transdisciplinaire faisant intervenir lcologie microbienne, le gnie des procds, lautomatisme

    et la modlisation mathmatique. La convergence de ces diffrents champs disciplinaires a t

    rendue possible par une collaboration troite avec diffrents chercheurs issus de ces domaines, le

    soutien de trois dpartements de lInstitut National de la Recherche Agronomique (INRA) :

    MICA (MIcrobiologie et Chanes Alimentaires), MIA (Mathmatiques et informatique

    Appliques) et EA (Environnement et Agronomie) ainsi que le soutien de lInstitut National de

    Recherche en Informatique et en Automatique (INRIA) travers le projet MERE (Modlisation

    Et Ressource en Eau). Ces acteurs ont pu tre runis par la conviction commune de limportance

    de ltude du monde microbien dans le dveloppement humain (par son implication dans les

    systmes de dpollution et de production alternative dnergie notamment) ainsi que sa

    pertinence comme modle biologique pour rpondre des questions dcologie gnrale.

    Au cours de ce manuscrit, rdig avec le souci dtre comprhensible par lensemble des

    spcialistes de chaque discipline, nous synthtiserons dans une premire partie les connaissances

    relatives lcologie gnrale : sa dfinition et ses principes suivant le contexte historique, les

    grandes interrogations qui proccupent les cologues et comment ils tentent dy rpondre. Nous

    montrerons les limites des travaux classiquement raliss en cologie sur des macrocosystmes

    et la ncessit dtudier dautres types dcosystmes. Dans une seconde partie, nous

    soulignerons lintrt du monde microbien comme modle biologique pour la comprhension des

    cosystmes complexes. Nous aborderons galement les difficults rencontres limitant

    grandement lutilisation des microorganismes en cologie gnrale. Dans une troisime partie,

    nous prsenterons le travail effectu durant la thse visant dpasser ces difficults par une

    approche transdisciplinaire du suivi fonctionnel et populationnel de bactries nitrifiantes en

    chmostat. Nous proposerons une mthode gnrique de dtermination du rle fonctionnel de

    diffrentes espces assembles dans un cosystme donn. Nous proposerons galement un

    modle dinteractions pouvant stablir entre ces diffrentes espces . Enfin, nous discuterons

    de quelques rsultats complmentaires relatifs linfluence de perturbations biotiques sur la

    rsistance et la rsilience des systmes que nous avons tudis avant de proposer des

    perspectives et de conclure.

    En vous souhaitant une bonne lecture.

    1Site internet du LBE : http://www.montpellier.inra.fr/narbonne/

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    De la complexit du vivant et

    du fonctionnement des

    cosystmes

    O il sera question :

    De la complexit du vivant au sein des cosystmes

    De la modlisation de la complexit du vivant

    Du fonctionnement des cosystmes

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    21

    I.I.I.I. DE LDE LDE LDE LAAAA COMPLEXITCOMPLEXITCOMPLEXITCOMPLEXIT DU VIVANT AU SEIN DESDU VIVANT AU SEIN DESDU VIVANT AU SEIN DESDU VIVANT AU SEIN DES

    COSYSTMESCOSYSTMESCOSYSTMESCOSYSTMES

    Lcologie est une science gnrale, qui ne senferme pas dans un domaine donn mais

    traite des rapports entres sciences particulires et tente de synthtiser leurs rsultats.

    Ainsi, lcologie nest pas une discipline scientifique de plus mais une science de

    convergence des autres sciences

    J. H. Woodger.

    I.1. Les cosystmes et la science qui les tudie

    I.1.1. La dfinition dun cosystme

    Un cosystme est une unit cologique forme dun biotope correspondant lensemble

    des paramtres abiotiques (ou physico-chimiques) et dune biocnose correspondant

    lensemble des organismes y vivant (Frontier, Pichod-Viale et al. 2004). Ces deux ensembles,

    qui constituent chaque cosystme, entretiennent de nombreux types dinteractions diffrentes

    (Fig. 1).

    Figure 1: Schma reprsentant les interactions stablissant dans un cosystme donn.

    Ainsi, un cosystme inclut :

    - Le biotope, facteurs physico-chimiques du milieu (structure physique, temprature,

    intensit lumineuse, humidit, teneur en lments chimiques).

    - La biocnose, ensemble des tres vivants.

    - Les relations entre les tres vivants (interactions inter et intraspcifiques).

    - Les relations entre les tres vivants et leur biotope.

    - Les relations entre la biocnose, le biotope et lenvironnement.

    Lagencement plus ou moins complexe de ces interactions cre un ensemble qui prsente les

    caractristiques dune entit nouvelle manifestant des proprits mergentes par rapport celles

    des lments qui la composent, do laphorisme bien connu : Le tout est suprieur la somme

    des parties . Lensemble ainsi constitu agit, en retour, sur les proprits, le fonctionnement et

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    De la complexit du vivant au sein des cosystmes

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    lvolution des lments qui le composent. En dautres termes, les proprits qui manent dun

    lment ne sont pas les mmes selon que cet lment est isol ( supposer quil puisse tre isol

    ce qui nest bien souvent pas le cas) ou lorsquil est inclus dans un systme plus ou moins

    complexe. Chaque lment pouvant tre considr comme un sous-systme, il sensuit que

    chaque systme est doublement pilot : par laction des sous-systmes qui le composent et par lesystme plus vaste dans lequel il sinsre.

    De plus, les cosystmes:

    - Sont des systmes ouverts et dissipatifs, cest--dire ayant des changes dnergie et de

    matire avec leur environnement.

    - Sont composs dun trs grand nombre dlments diffrents.

    - Sont fonds sur de trs grands nombres dinteractions montrant des dlais de rponses

    divers, et ralisant de frquentes boucles rtroactives.- Prsentent une htrognit spatio-temporelle importante toutes les chelles.

    - Ont une histoire et une volution non rversible.

    - Prsentent une succession de niveaux dorganisations hirarchiss (ou niveaux

    dintgration).

    - Sont caractriss par des proprits mergentes.

    Ainsi, les cosystmes apparaissent comme des systmes complexes difficiles aborder

    (Frontier, Pichod-Viale et al. 2004). LEcologie, science des cosystmes, tente den amliorer la

    comprhension.

    I.1.2. Lcologie, science des cosystmes

    LEcologie est une discipline extrmement rcente. Signifiant tymologiquement Science

    de lhabitat (de okos : habitat et logos : science), elle na, en effet, t leve au rang

    de discipline acadmique que vers la fin du XIXime

    sicle. Ceci fut possible grce une prise de

    conscience du fait que les organismes vivants et les populations ne sont pas gouverns par le

    hasard mais, au contraire, organiss de faon former des communauts ou associations

    dont la structure et la fonction ne peuvent tre comprises en en examinant sparment les parties.

    Victor Shelford (1877-1968), grand pionnier de lEcologie aux Etats-Unis, la dfinie alors assez

    logiquement comme la science des communauts (Shelford and Clements 1939). Attention

    cependant, ne nous y trompons pas, Shelford ne parlait pas de ltude des diffrentes

    communauts mais de ltude de lensemble des communauts. En effet, les premiers cologues

    taient fortement marqus par une vision holistique (i.e. trs gnrale, globale) de leur discipline.

    La Terre tant un habitat, lEcologie est la science de la Terre et de tous ses habitants. Il sagit

    donc pour eux dune superscience , dune science unificatrice, dune science de synthse

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    essentielle la comprhension de la structure et du fonctionnement de la biosphre. Ils

    considraient, en effet, que ni lcosphre ni aucun de ses processus constitutifs ne pouvait tre

    expliqu par aucune des disciplines indpendantes en lesquelles le savoir moderne stait divis.

    Alfred North Whitehead (1861-1947) refusait mme dadmettre quune barrire fondamentale

    puisse sparer la physique de la biologie, selon lui : la physique est ltude des petitsorganismes, la biologie celle des grands organismes et lEcologie est ltude de tout les

    organismes (Whitehead 1922). Plus encore, les premiers cologues voyaient lensemble des

    communauts comme un organisme part entire constitu de diffrentes entits agissant de

    concert linstar des diffrentes cellules, flore bactrienne et autres qui constituent un tre

    vivant. Il sagit l du premier paradigme de lEcologie auquel sont rattachs trois grands

    principes :

    - Le tout est suprieur la somme des parties.- La Nature est en quilibre constant.

    - La diversit est source de stabilit.

    Cette vision holistique des premiers cologues fut, par la suite, ddaigne au profit dune

    vision rductionniste o il sagit alors dtudier sparment les diffrents lments qui

    composent les systmes. Deux considrations principales peuvent tre vues comme lorigine de

    ce revirement conceptuel.

    La premire considration porte sur un aspect que lon pourrait qualifier de philosophique et

    qui concerne la place de lHomme dans le systme. Concernant les tenants de la vision

    holistique, Richard Saint Barbe-Baker (1889-1943) rsume assez bien la pense gnrale des

    pionniers de lcologie de la manire suivante : Presque partout dans le monde, en

    mconnaissant les lois de la nature, lHomme a travaill sa propre perte. Dans son orgueil, il

    sest livr toutes sortes dactes de violence partout sur la scne terrestre, oubliant quil ntait

    quun des acteurs destins jouer un rle dans lharmonie et lunit avec tous les autres tres

    vivants . Or il convient de garder lesprit que la fin du XIX

    ime

    et le dbut du XX

    ime

    siclesont marqus par des effervescences idologiques extrmement fortes et opposes notamment en

    France. La lutte des classes vit alors, sans aucun doute, ses heures les plus froces (rpression

    sanglante de la Commune de Paris, massacres de Fourmille, Narbonne, Carmaux...). LEcologie

    et les cologues vont, dans ce contexte, concentrer sur eux les conceptions inconciliables qui

    saffrontent alors dans la socit : lacit versus religion, capitalisme versus socialisme. En effet,

    proclamer que lHomme nest quun des acteurs parmi tant dautres ne va pas sans

    consquences !... Cela est totalement oppos aux dogmes religieux qui proclament : Faisons

    l'Homme notre image, selon notre ressemblance, et qu'il domine sur les poissons de la mer, sur

    les oiseaux du ciel, sur le btail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la

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    terre Laffrontement idologique qui en rsulta fut dune certaine manire comparable

    celui qui opposa, en son temps, les tenants du gocentrisme aux tenants de lhliocentrisme aprs

    les travaux effectus par Copernic (1473-1543). Lhorreur et le barbarisme des guerres

    mondiales du XXime

    sicle porteront, de plus, un rude coup la vision dharmonie et dunit

    entre les tres vivants au profit de la vision de domination.La seconde considration pouvant expliquer le revirement de la conception holistique vers

    la conception rductionniste en Ecologie concerne lamlioration des moyens danalyse du

    vivant. En effet, lessor de la gntique partir des annes 1930 engendra un intrt grandissant

    envers les gnomes des organismes vivants et, paralllement, diminua limportance des tudes

    relatives leurs traits de vie ou aux interactions quils tablissent entre eux. Cest notamment

    partir de cette priode que sachve lpope des grands naturalistes. De plus, le dveloppement

    des outils danalyses molculaires partir des annes 1970-1980 conduisit une course au

    squenage de lADN des tres vivants. La grande majorit des tudes sintressaient alors (et

    continuent de sintresser) plus particulirement quelques gnes pouvant tre exploits par

    lHomme, que se soit au niveau agricole ou mdical, plutt que dessayer de comprendre le

    fonctionnement global de la biosphre.

    Nanmoins, depuis la fin du XXime

    sicle, un retour sur le devant de la scne de la conception

    holistique samorce. Ainsi, lhypothse Gaa dveloppe par James Lovelock partir des annes

    1980 et qui suggre que la plante ragit comme un organisme part entire (reprenant le point

    de vue des premiers cologues) est aujourdhui largement reconnue dans le domaine scientifique

    aprs avoir t ardemment critique (Lovelock 1979). Ce retour la conception holistique peut

    sexpliquer par le fait que la communaut scientifique ressent de plus en plus la ncessit dune

    mta-analyse des normes quantits de donnes gnres par le dveloppement des outils

    danalyse et quainsi une cohrence leur soit donne. De plus, la vision rductionniste a conduit

    une dconnection de la socit humaine moderne de son environnement se traduisant aujourdhui

    par une pression anthropique (i.e. dorigine humaine) sans prcdent sur lensemble des

    cosystmes. Cette pression a notamment pour consquence un drglement climatique brutal

    menaant de modifier gravement lensemble des cycles biogochimiques et par l-mme les

    quilibres cologiques. Le caractre gnralis de ce changement ncessite une vision holistique

    pour mettre en place des moyens de lutte efficaces contre les causes de ces modifications

    climatiques. Aussi, ce dfi majeur que lhumanit a relever permettra-t-il lHomme de

    trouver sa place dans la biosphre et dentretenir des interactions avec tous les autres tres

    vivants dans lharmonie et lunit ?!... Encore faut-il pour ce faire avoir les connaissances

    ncessaires la comprhension de la complexit du vivant et du fonctionnement des cosystmes

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    25

    car : comprendre les principes de lEcologie est essentiel pour comprendre la condition

    humaine (Margulis and Sagan 2002).

    I.2. La biodiversit et les interactions : la complexit du vivant

    I.2.1. La notion de diversit du vivant

    Selon la Convention2sur la diversit biologique qui s'est tenue du 3 au 14 juin 1992 Rio de

    Janeiro lors de la confrence des Nations Unies sur lenvironnement et le dveloppement

    regroupant 157 pays signataires, la diversit biologique correspond : la variabilit des

    organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les cosystmes terrestres, marins et

    autres cosystmes aquatiques et les complexes cologiques dont ils font partie; cela comprend

    la diversit au sein des espces et entre espces ainsi que celle des cosystmes.

    La diversit est en gnrale subdivise en trois niveaux :-La diversit gntique qui se dfinit par la variabilit des gnes au sein dune mme espce

    ou dune population. On parle aussi de diversit intraspcifique qui se caractrise par la

    diffrence de deux individus dune mme espce ou sous-espce.

    -La diversit spcifique, appele aussi diversit interspcifique qui correspond la diversit

    des espces. Ce niveau est le plus couramment utilis par les cologues.

    -La diversit cosystmique, qui correspond la diversit des cosystmes prsents sur

    Terre, des interactions des populations naturelles et de leur environnement physique.

    Ces trois niveaux de diversit sont relis entre eux, mais sont suffisamment distincts pour que

    chacun puisse tre tudi en soi. Il ne peut donc y avoir une mesure unique et objective de la

    diversit, mais uniquement des mesures relatives des tendances ou objectifs prcis d'utilisation

    ou d'application. La plupart des tudes sintressent plus particulirement la diversit

    spcifique car elle constitue le palier le plus abordable tant au niveau conceptuel que pratique.

    Nanmoins, celle-ci peut galement tre tudie selon diffrentes considrations du fait que la

    diversit biologique prsente au moins deux dimensions dans un environnement donn : la

    composition reprsentant le nombre despces prsentes et la structure reprsentant

    lorganisation des espces prsentes en termes de nombre dindividus. Cette diffrenciation

    conduit lexistence de diffrents outils de mesure de la diversit spcifique.

    I.2.2. La richesse spcifique

    Une premire mesure de la diversit spcifique consiste en ltude de sa richesse, note r .

    Elle dsigne le nombre total d'espces qui coexistent dans un espace considr (Fig. 2).

    2Le texte intgral de la convention est disponible sur internet ladresse : http://www.cbd.int/doc/legal/cbd-fr.pdf

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    r = 3 r = 3 r = 4

    Figure 2 : Valeurs de la richesse spcifique correspondant au nombre despces coexistant dans un espace

    considr. Les individus sont reprsents ici par des carrs et les espces par des couleurs, lensemble de chaquedamier constituant le peuplement considr.

    Cette premire approche dpend de la taille des chantillons et de la surface chantillonne et

    ne considre pas l'abondance relative des diffrentes espces. Ainsi, une forte richesse rsulte

    dune accumulation despces par habitat et dune grande spcialisation de celles-ci.

    Gnralement, dans de tels cosystmes, chaque espce utilise peu dhabitat ce qui se traduit par

    des abondances faibles en termes deffectif populationnel de chaque espce (Mac Arthur 1967).

    I.2.3. Les indices de diversit

    Une autre approche de la diversit consiste tenir compte la fois du nombre despces

    prsentes et de labondance de celles-ci. Il existe plusieurs indices mathmatiques, qui

    constituent proprement parler les indices de la diversit spcifique, fournissant des

    informations relatives cette double considration de la richesse spcifique et de labondance.

    I.2.3.1. Lindice de diversit de Shannon-Weaver

    Lindice de diversit de Shannon-Weaver est dfini par : o Nicorrespond au nombre dindividus dune espce donne, i allant de 1 S (nombre totaldespces) et N au nombre total dindividus (Shannon and Weaver 1962) (Fig. 3).

    H = 1,56 H = 1,27 H = 1,95

    Figure 3 : Valeurs de lindice de Shannon-Weaver pour diffrents types de peuplement. Les individus sont

    reprsents ici par des carrs et les espces par des couleurs, lensemble de chaque damier constituant le peuplement

    considr.

    Lindice de Shannon-Weaver est donc minimal (H=0) quand tous les individus du

    peuplement appartiennent une seule et mme espce. Il est galement minimal si, dans un

    peuplement, chaque espce est reprsente par un seul individu, except une espce qui compte

    lensemble des autres individus du peuplement. A linverse, lindice est maximal quand tous les

    individus sont rpartis de faon quivalente entre toutes les espces prsentes (Frontier, Pichod-

    Viale et al. 2004).

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    I.2.3.2. Lindice de diversit de Simpson

    Lindice de Simpson mesure la probabilit que deux individus slectionns au hasard

    appartiennent la mme espce (Simpson 1949). Il est dfini par : o Nicorrespond au nombre dindividus dune espce donne, i allant de 1 S (nombre total

    despces) et N au nombre total dindividus (Fig. 4).

    S = 0,70 S = 0,59 S = 0,78

    Figure 4 : Valeurs de lindice de diversit de Simpson (i.e. gale 1-D) pour diffrents types de peuplement. Les

    individus sont reprsents ici par des carrs et les espces par des couleurs, lensemble de chaque damier constituant

    le peuplement considr.

    Cet indice a une valeur nulle pour indiquer le maximum de diversit (i.e. lorsque la

    probabilit est faible que deux individus tirs au hasard appartiennent la mme espce) et une

    valeur de 1 pour indiquer le minimum de diversit (i.e. lorsque la probabilit est forte que tous

    les individus appartiennent la mme espce). En pratique, dans le but dobtenir des valeurs

    plus intuitives , lindice de diversit de Simpson, not S, dtermin par 1-D est trs

    gnralement prfr lindice de Simpson, D. Ainsi, le maximum de diversit est reprsent par

    la valeur 1 et le minimum de diversit par la valeur nulle. Il est important de noter galement que

    cet indice donne plus de poids aux espces abondantes quaux espces rares. En effet, le fait

    dajouter des espces rares au peuplement considr ne modifie pratiquement pas la valeur de

    lindice de diversit.

    I.2.3.3. Lindice de diversit de Hill

    Lindice de diversit de Hill, not H, permet dobtenir une mesure de labondance

    proportionnelle liant les indices de Shannon-Weaver et de Simpson. En effet, lindice de Hill est

    dfini par : (Fig. 5)

    H = 0,70 H = 0,68 H = 0,64

    Figure 5 : Valeurs de lindice de diversit de Hill pour diffrents types de peuplement. Les individus sont

    reprsents ici par des carrs et les espces par des couleurs, lensemble de chaque damier constituant le peuplement

    considr.

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    Ainsi, lindice de Hill donne une vue encore plus prcise de la diversit dun peuplement

    donn. La composante 1/D va permettre de tenir compte des espces prsentant des abondances

    en individus leves tandis que la composante eH

    va permettre de tenir compte des espces rares.

    Selon sa formulation, plus lindice de Hill est proche de 1 et plus la diversit sera faible. De la

    mme manire que pour lindice de Simpson, lindice 1-H est prfr pour une lecture plus intuitive des valeurs fournies.

    I.2.4. Le lien entre la diversit et les interactions du vivant

    Si la diversit du vivant tient compte du nombre despces prsentes et de labondance de

    chacune delles dans un environnement donn, un autre facteur de la complexit du vivant

    consiste prendre en compte le nombre dinteractions quentretiennent les individus entre eux ou

    connectance (ou connectivit). La connectance, note c , est dfinie comme le rapport entre le

    nombre de liaisons existant effectivement entre les organismes et le nombre total de liaisons

    possibles (Frontier, Pichod-Viale et al. 2004). Si nespces coexistent dans un environnement

    donn, il y a n(n-1)/2 couples possibles ou n(n-1) interactions possibles si le sens des

    interactions est distingu (i.e. si linteraction de lespce ou de lindividu A sur B est diffrent de

    linteraction de lespce ou de lindividu B sur A) et la connectance est alors le rapport du

    nombre dinteractions effectives sur ce total.

    La relation entre diversit spcifique et connectance dans les rseaux trophiques peut tre

    aborde selon deux hypothses (Fig. 6).

    L = 1

    L = 1

    L = 2

    L = 3

    Figure 6 : Relation entre la diversit (en termes de nombre despces) et la connectance selon deux modalits

    dinteractions : spcifiques (figures de gauche o chaque espce entretient une relation particulire avec une autre

    espce) ou gnralistes (figures de droite o chaque espce entretient des relations avec plusieurs autres espces).

    Le nombre dinteractions par espce est dsign par L , la connectance au niveau de la communaut par c .

    Une premire hypothse suggre que le nombre de liens par espce, not L , est constant et

    donc que la connectance diminue de manire hyperbolique quand la richesse spcifique

    augmente (Cohen, Briand et al. 1990; Martinez 1992). Selon une deuxime hypothse, la

    connectance est constante lorsque la richesse spcifique varie, et le nombre de liens par espce

    augmente donc linairement avec la richesse spcifique (Martinez 1992). Enfin, dautres tudes

    prdisent une variation du nombre de liens par espce, hypothse intermdiaire entre les deux

    prcdentes (Havens 1992; Martinez 1994).

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    Il est vraisemblable que la relation entre richesse spcifique et connectance dans un rseau

    trophique dpend du niveau de richesse spcifique. La forme de la relation peut galement

    dpendre du degr de gnralisme des prdateurs : en prsence de prdateurs plutt spcialistes,

    le nombre de liens par espce a tendance rester invariant, tandis quen prsence de prdateurs

    plus gnralistes le nombre de liens par espce a tendance augmenter avec le nombre.

    Si le nombre dinteractions participe, avec la diversit, la complexit du vivant, la diversit

    des interactions qui peuvent stablir entre organismes vivants y contribue aussi grandement.

    I.3. La diversit des interactions du vivant

    Une interaction biologique (ou biotique) dsigne un processus impliquant des changes ou

    relations rciproques entre deux ou plusieurs lments (espces, groupes, biocnoses) dans un

    cosystme. Les interactions constituent un ensemble complexe de phnomnes biologiques

    htrognes dont la classification sest avre ncessaire. Si une interaction biologique a lieu

    entre deux individus ou populations issus despces diffrentes alors linteraction sera qualifie

    dinterspcifique. Si une interaction concerne deux individus ou plusieurs individus d'une mme

    population alors elle sera qualifie dintraspcifique. Les effets des interactions sur des individus

    ou sur des populations ont pu tre tudis bien avant que leurs mcanismes ne soient expliqus.

    Cest pourquoi, historiquement, les interactions ont t caractrises par leurs effets apparents

    (description phnomnologique) avant quelles ne le soient en fonction du mcanisme biologique

    impliqu (description mcaniste).

    I.3.1. La description phnomnologique des interactions

    En 1953, Odum proposa une description phnomnologique des interactions considrant que

    chaque individu ou population peut avoir un effet positif (facilitation, mutualisme), ngatif

    (inhibition, comptition, prdation) ou neutre (absence deffet) sur la croissance dun autre

    individu ou dune population (Odum 1953). La nature de linteraction bidirectionnelle tablie

    entre deux partenaires dpend du signe des effets unidirectionnels de chacun des deux

    partenaires sur lautre partenaire (Fig. 7).

    Figure 7: Schma reprsentant la classification phnomnologique des interactions biotiques pouvant stablir entre

    deux ou plusieurs individus despces identiques ou diffrentes (reprsentes par les cercles colors nomms X 1etX2suivant la nomenclature mathmatique usuelle) dans un cosystme donn (Odum 1953).

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    Ainsi, la classification dOdum nest pas fonde sur les mcanismes biologiques mis en jeu

    mais uniquement sur les effets observables quelles induisent.

    I.3.2. La description mcaniste des interactions

    En 1977, Fredrickson proposa une classification des interactions en fonction du mcanisme

    biologique impliqu (Fredrickson 1977). Il distingua notamment les interactions directes des

    interactions indirectes (Fig. 8).

    Figure 8: Schma reprsentant la classification mcaniste des interactions biotiques pouvant stablir entre deux ou

    plusieurs individus despces identiques ou diffrentes (reprsentes par les cercles colors nomms X 1 et X2

    suivant la nomenclature mathmatique usuelle) dans un cosystme donn (Fredrickson 1977).

    Les interactions directes impliquent obligatoirement un contact physique entre les individus

    ou populations concerns. Fredrickson limite donc ce type dinteractions au parasitisme et la

    prdation. Les interactions indirectes sont, quant elles, ralises via une modification du

    biotope comme par exemple la variation de ses paramtres physico-chimiques. Une majorit de

    ces interactions indirectes font intervenir la production dune substance particulire. Si cette

    substance napparait pas mtabolisable par une des populations prsentes dans lcosystmedonn et quelle a un effet positif ou ngatif sur la croissance dune de ces populations alors il

    sagira dune interaction de type interfrence . Si cette substance apparait comme un substrat

    du mtabolisme dau moins une des populations prsentes alors il sagira dune interaction dite

    trophique .

    I.3.3. Les rseaux trophiques

    I.3.3.1. La description des rseaux trophiques

    Selon leur principale source de nourriture, les espces prsentes dans un cosystme se

    rpartissent en niveaux trophiques dpendant tous de celui des producteurs primaires ou

    organismes autotrophes, nots P . La plupart de ces producteurs sont des organismes

    photosynthtiques qui, laide de lnergie lumineuse, synthtisent des glucides et dautres

    composs organiques qui serviront de combustible leur respiration cellulaire et de matriaux

    leur croissance. Il est noter que dans les communauts qui vivent prs de sources thermales,

    dans les fonds ocaniques, les producteurs primaires ne sont pas des organismes

    photosynthtiques (la lumire ne parvenant pas les atteindre) mais des bactries

    chimioautotrophes qui obtiennent leur nergie en oxydant le sulfure dhydrogne (Sibuet and

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    De la complexit du vivant au sein des cosystmes

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    Olu 1998; Tunnicliffe, Mac Arthur et al. 1998). Tous les autres organismes dun cosystme sont

    des consommateurs, ou htrotrophes, qui se nourrissent directement ou indirectement de

    produits issus des producteurs primaires. Ces organismes se dcomposent en diffrents niveaux

    trophiques :

    -Les consommateurs primaires, gnralement appels herbivores (nots H ) qui senourrissent des producteurs primaires et/ou des produits de leur mtabolisme.

    -Les consommateurs secondaires et plus, gnralement appels carnivores (nots C ) qui

    se nourrissent des consommateurs primaires et/ou des produits de leurs mtabolismes.

    Lensemble de ces organismes sorganisent donc en un rseau reprsentant les diffrents liens

    trophiques qui les unissent et mettant en vidence des interactions indirectes par interfrences

    (Fig. 9).

    Interactions dans un rseau

    trophique comprenant deux

    producteurs et un

    consommateur

    Interactions dans un rseau trophique

    comprenant un producteur primaire, un

    consommateur primaire et un consommateur

    secondaire

    Interactions dans un rseau trophique

    comprenant un producteur primaire et

    plusieurs consommateurs primaires et

    secondaires

    Figure 9: Schma reprsentant diffrents rseaux trophiques ainsi que les interactions directes (reprsentes par lesflches continues) et indirectes (reprsentes par les flches discontinues) stablissant entre les diffrents

    organismes qui composent les diffrents niveaux trophiques : producteurs primaires (P), consommateurs primaires

    (H) et consommateurs secondaires (C).

    Tous les cosystmes, quils soient terrestres ou aquatiques, peuvent tre reprsents par une

    telle structuration trophique qui dtermine la circulation de lnergie et de la matire.

    I.3.3.2. Le flux de matire et dnergie au sein des rseaux trophiques

    Les rseaux trophiques sont caractriss par une structure pyramidale lie au flux dnergie et

    de matire le long des niveaux trophiques (Fig. 10).

    Figure 10: Schma reprsentant les pertes nergtiques le long dun rseau trophique partir de 1 000 000 joules

    dnergie solaire reus au cours dune priode donne.

    La structure pyramidale des rseaux trophiques tient au fait que la productivit dcline

    chaque transfert dnergie dans la hirarchie trophique. Cette diminution est une consquence

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    des lois de la thermodynamique. En effet, pour une quantit dnergie constante donne

    (premire loi de la thermodynamique), les organismes convertissent invitablement une partie de

    lnergie quils consomment en chaleur qui se dissipe dans lcosystme (deuxime loi de la

    thermodynamique). Daprs la loi de Raymond Laurel Lindeman (1942), la quantit d'nergie

    passant d'un maillon l'autre de la chane trophique nest seulement que de 10% (Lindeman1942). Autrement dit, 90% environ de lnergie disponible un niveau trophique ne se rend

    jamais au niveau suivant. Cette perte dnergie le long de la chane alimentaire limite

    radicalement la biomasse totale des consommateurs secondaires et suprieurs qui peuvent vivre

    dans un cosystme. Cest pourquoi les rseaux trophiques comprennent rarement plus de quatre

    cinq niveaux. Aussi, les populations de superprdateurs, au sommet de la chane, sont

    gnralement de petite taille et sont donc trs vulnrables lextinction et aux risques volutifs

    en cas de perturbations de leur cosystme.

    Conceptualiser, quantifier, comprendre linfluence des diffrents types dinteractions sur les

    espces assembles dans des rseaux trophiques, la diversit de la biocnose, le fonctionnement

    des biotopes et lvolution de lensemble des diffrents cosystmes constituent certainement un

    des plus complexes et des plus importants challenge pour lHomme qui trne au sommet de la

    chaine et qui est donc sensible aux vnements atteignant les niveaux trophiques infrieurs

    Bien que la route de la connaissance semble encore excessivement longue pour y parvenir, des

    pas importants ont t franchis au cours des sicles passs et notamment partir du XIXime

    sicle avec les travaux de Charles Darwin et sa thorie de la slection naturelle.

    I.4. Les thories sur la complexit du vivant

    I.4.1. Les prmices dune thorie globale

    Si lEcologie est une science rcente, la comprhension du lien entre les espces et leur

    organisation est une proccupation trs ancienne. Certains philosophes grecs y avaient dj

    beaucoup rflchi. Il est tonnant de constater que leur philosophie tait essentiellement

    transformiste (i.e. qui explique la diversit des espces par des transformations au cours du

    temps). Ainsi, Epicure (341-270 avant J.C.) mit une rflexion qui sera reprise avec clat par

    Lamarck quelque vingt sicles plus tard : suggrer que les organes des animaux se dveloppent

    par lusage et saffaiblissent par inaction (concept dusage et non-usage dvelopp par Lamarck

    en 1809 dans sa thorie de lEvolution). Aristote (382-922 avant J.C.), dans le livre IX de

    Partibus Animaliumnona le principe mme de la lutte pour lexistence : Les animaux sont en

    guerre les uns contre les autres, quand ils habitent les mmes lieux et quils usent de la mme

    nourriture. Si la nourriture nest pas assez abondante, ils se battent, fussent-ils de la mme

    espce . Il se demande mme si de cette lutte nauraient pas pu rsulter lextinction des

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    formes insuffisamment adaptes aux conditions dexistence et la conservation des formes bien

    adaptes, do lapparente finalit que nous observons. Cependant, il repousse aussitt cette

    ide considrant que les ressources de la nature sont assez grandes pour rendre impossible la

    destruction dune de ses uvres (Perrier 1996). Malheureusement, ces prmices dune

    thorie sur la complexit du vivant furent longtemps ignores. Il faudra attendre la Renaissance,lre des grands navigateurs et des grandes dcouvertes, pour de nouveau voir poindre de la

    curiosit pour le monde vivant. Ds lors, de nombreuses classifications des espces animales et

    vgtales sont labores. Dans les annes 1550, le franais Pierre Belon (1517-1564) publie deux

    ouvrages de classification : un sur les poissons (1553) lautre sur les oiseaux (1555). Dans ce

    dernier, Belon, comparant les squelettes dun homme et dun poulet, fait remarquer un certain

    nombre danalogies. Il sagissait l dune ide tellement originale pour lpoque quelle fut

    oublie pendant prs de trois sicles avant de ressurgir avec Etienne Geoffroy Saint Hilaire

    (1772-1844). Au tout dbut du XIXime

    sicle, Jean-Baptiste Pierre Antoine Monnet, Chevalier

    de Lamarck (1744-1829), labora pour la premire fois, dans son livre Philosophie Zoologique

    (1809), une thorie globale et cohrente pour expliquer les mcanismes de lvolution

    biologique. La philosophie de Lamarck tait profondment dterministe, ainsi crit-il dans son

    ouvrage : La Nature, en produisant successivement toutes les espces danimaux et en

    commenant par les plus imparfaits ou les plus simples pour terminer son ouvrage par les plus

    parfaits, a compliqu graduellement leur organisation. Ces animaux se rpandant gnralement

    dans toutes les rgions habitables du globe, chaque espce a reu, de linfluence des

    circonstances dans lesquelles elle sest rencontre, les habitudes que nous lui connaissons et les

    modifications dans ses parties que lobservation nous montre en elle. Selon lui lvolution est

    unidirectionnelle et repose sur trois principes fondamentaux :

    - Laction directe du milieu qui contraint le vivant au changement.

    - Le rle de lusage et du non-usage, les organes ou fonctions utiles pour un organisme dans

    un environnement donn se dveloppent tandis que les non-utiles satrophient.

    - La transmission la descendance des transformations acquises au contact avec le milieu,

    ce que lon traduira par lhrdit des caractres acquis.

    Lamarck fut lobjet deffroyables attaques des derniers grands naturalistes adeptes du fixisme

    (i.e. crationnisme), tel Georges Cuvier (1769-1832), qui parvinrent minorer la porte de sa

    thorie en la maintenant ignore par une conspiration du silence (Chaline, 2006). Lamarck meurt

    en 1829, aveugle et oubli. Mme si elle est aujourdhui largement dpasse, sa thorie a

    constitu une tape fondamentale dans llaboration de la thorie darwinienne et il convient de

    reconnatre le mrite et laudace de Lamarck, qui lon doit galement la cration du terme

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    biologie signifiant tymologiquement Science du Vivant , ce qui ne fut pas fait en son

    temps.

    I.4.2. La thorie darwinienne

    La formidable aventure de Darwin commena vritablement en dcembre 1831 lorsquil fut

    recommand par lun de ses professeurs auprs du capitaine du Beagles Fitz-Roy (1805-1865)

    pour effectuer une mission de cartographie du continent sud amricain. Ce voyage, qui dura cinq

    annes, permit Darwin dobserver les adaptations des organismes qui peuplaient des milieux

    aussi divers que la jungle brsilienne, la pampa argentine, les tendues dsertiques de la Terre de

    Feu, les sommets vertigineux des Andes Darwin fut trs frapp de constater que la faune et la

    flore des rgions tempres de lAmrique du Sud taient plus proches, dun point de vue

    taxonomique, des espces des rgions tropicales de ce continent que des espces des rgions

    tempres dEurope. En observant plus particulirement des populations de pinsons installes sur

    larchipel des Galpagos, Darwin comprit peu peu que lorigine de nouvelles espces et

    ladaptation constituent des processus troitement lis.

    A son retour en Angleterre, en octobre 1836, Darwin commena rassembler ses notes et en

    rdiger une synthse. En 1838, il prit connaissance du livre de lconomiste anglais Thomas

    Robert Malthus (1766-1834),Le principe de population(1798),qui pose la ncessit dune lutte

    pour lexistence. Finalement, cest en novembre 1859 que Darwin publie Lorigine des espces

    et expose alors sa thorie de lvolution. Cette grande thorie regroupe deux ides matresses (i)

    Toutes les espces ont un lien de parent, un anctre commun (ii) La slection naturelle, ou

    lutte pour lexistence, est le moteur de lvolution des espces.

    Laffirmation dune origine commune des espces provoqua un vritable choc notamment

    dans les milieux bourgeois et religieux. En effet, Darwin niait une conception du monde qui avait

    t enseigne pendant des sicles (et qui continue de ltre) : le crationnisme, qui veut que la

    Terre ne soit ge que denviron 6 000 ans et que les formes vivantes aient t individuellement

    et immuablement cres par Dieu en six jours ! Freud dira dailleurs, propos du choc provoqupar Darwin, quil sagit l de la deuxime humiliation de lhumanit tout entire : la Terre nest

    pas le centre de lUnivers et lHomme nest pas au centre de la cration Ceci peut

    certainement expliquer le fait quen France, pays fortement catholique, le nom de Darwin resta

    pratiquement inconnu du grand public jusquen 1862, ne fut reconnu quen 1878 loccasion de

    son admission comme membre correspondant de lAcadmie des Sciences (dans la section

    botanique comme spcialiste des plantes et non comme volutionniste !) et enseign seulement

    vers la fin du XIXime

    sicle.

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    Concernant lide de la slection naturelle, Ernst Mayr (1904-2005), qui proposa en 1942 le

    concept biologique de lespce, a dcompos les travaux de Darwin en partant de cinq

    observations majeures :

    - Toutes les espces ont une telle fertilit potentielle que leur effectif saccrotrait de manire

    exponentielle si tous les descendants engendrs se reproduisaient.- En dehors des fluctuations saisonnires, la plupart des populations ont normalement une

    taille stable.

    - Les ressources naturelles sont limites.

    - Les caractristiques des individus dune population varient normment, il nexiste pas

    deux individus identiques.

    - Les variations sont en grande partie hrditaires.

    Ces observations conduisent trois infrences formant la thorie darwinienne :- La production dun nombre dindividus trop lev pour les ressources du milieu entrane

    une lutte pour lexistence entre les membres dune population, et une fraction seulement des

    descendants survit chaque gnration.

    - Dans la lutte pour lexistence, la survie nest pas laisse au hasard : elle dpend en partie

    de la constitution hrditaire. Les individus qui, grce des caractres dont ils ont hrit, sont les

    plus aptes affronter leur milieu produisent vraisemblablement plus de descendants que les

    individus moins aptes.

    - Les individus nayant pas les mmes aptitudes la survie et la reproduction, la

    population se modifie graduellement, et les caractres favorables saccumulent au fil des

    gnrations.

    Il est noter que si lide dune origine commune des espces fut assez rapidement accepte

    par une trs grande majorit des biologistes, lide de la slection naturelle le fut bien moins. Il

    manquait pour cela une thorie de la gntique qui aurait rendu compte des variations dues au

    hasard tout en expliquant la prcision avec laquelle les caractres des parents sont transmis leur

    progniture. En somme, il manquait Darwin les travaux, pourtant contemporains, de Gregor

    Mendel (1822-1884) qui sont rests longtemps mconnus. Ce nest quen 1930, avec lessor de

    la gntique des populations que les travaux des deux chercheurs seront mis en relation.

    I.4.3. La double interprtation de la thorie darwinienne

    Si lide de la slection naturelle mit du temps tre accepte, cest galement du fait que les

    notions de lutte pour lexistence et de survie du plus apte qui y sont dveloppes faisaient

    (et continuent de faire) largement dbat selon linterprtation qui en est faite. En effet, ces

    notions peuvent tre perues au sens le plus troit : celui dune lutte violente et perptuelle

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    entre les individus dune mme espce pour leur propre survie ou tre perues au sens large :

    celui de la coopration entre individus dune mme espce pour la lutte contre la pression de

    slection et la survie du plus grand nombre. Cette double interprtation qui peut paratre

    subtile prend tout son sens lorsquil sagit de savoir qui est le plus apte survivre : celui qui

    est le plus belliqueux avec ses congnres ou, au contraire, celui qui coopre le plus ?...

    I.4.3.1. La coopration comme moteur de lvolution des espces

    Si Darwin se rendait compte de limportance de la conception de lutte pour lexistence

    quil introduisait en science, il prvoyait galement que cette expression puisse perdre sa

    signification philosophique si elle tait employe exclusivement dans son sens troit. Dans les

    premiers chapitres de lOrigine des espces, il insistait dj pour que la conception de lutte pour

    lexistence soit prise dans son sens large et mtaphorique, comprenant la dpendance des tres

    vivants entre eux, et comprenant aussi non seulement la vie de lindividu mais aussi le succs de

    sa progniture (Origine des espces, ch. III). Bien que lui-mme, pour les besoins de sa

    thorie, ait employ surtout le terme dans son sens troit, il mettait ses continuateurs en garde

    contre lerreur dexagrer la porte dune signification restreinte de lexpression. Dans The

    Descent of Man, il crivit quelques pages pour en expliquer le sens troit et le sens large. Il y

    signale comment, dans dinnombrables socits animales, la lutte pour lexistence entre les

    individus isols disparait, comment la lutte est remplace par la coopration et comment cette

    substitution aboutit lmergence de proprits nouvelles qui assurent lespce de meilleures

    conditions de survie. Il dclare ainsi que les plus aptes ne sont pas les plus forts physiquement, ni

    les plus adroits mais ceux qui apprennent sunir de faon se soutenir mutuellement pour la

    prosprit de la communaut. Les communauts, crit-il, qui renferment la plus grande

    proportion de membres les plus sympathiques les uns aux autres, prosprent le mieux et lvent

    le plus grand nombre de rejetons . Ainsi, lide de concurrence entre chacun et tous, ne de

    ltroite conception malthusienne, perdait son troitesse dans lesprit dun observateur qui

    connaissait la Nature. De nombreux auteurs se sont, en effet, attachs dmontrer, laidedexemples, que la comptition au sein dune mme espce est un phnomne marginal au sein

    des cosystmes naturels et qu linverse lentraide, la facilitation, le mutualisme prdominent.

    Parmi eux peuvent tre cits notamment le zoologiste russe Karl Fedorovitch Kessler (1815-

    1881) qui proposa La loi de lentraide rciproque et Pierre Kropotkine (1842-1921) qui

    publia en 1902 Lentraide, un facteur de lvolution.

    I.4.3.2. La comptition comme moteur de lvolution des espces

    Nanmoins, au lieu dlargir sa thorie selon ses propres indications et en tenant compte des

    remarques prcdentes, la grande majorit (tout du moins en termes dinfluence) des

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    continuateurs de Darwin la restreignit encore. Ils en vinrent concevoir le monde animal comme

    un monde de lutte perptuelle entre des individus affams de sang. Ils firent retentir la littrature

    moderne du cri de guerre Malheur aux vaincus comme si ctait l le dernier mot de la

    biologie moderne. Ainsi, Huxley, considr comme lun des meilleurs interprtes de la thorie de

    lvolution, dcrte dans son article Struggle for existence and its bearing upon Man que : jug au point de vue moral, le monde animal est peu prs au niveau dun combat de

    gladiateurs [] Les plus faibles et les plus stupides taient crass, tandis que survivaient les

    plus rsistants et les plus malins [] La guerre dont parle Hobbes de chacun contre tous est

    ltat normal de lexistence (Huxley 1888).

    Plus saisissante encore est la prface par Clmence Royer dune dition franaise de lOrigine

    des espces (1866) : La loi de slection naturelle, applique lhumanit, fait voir avec

    surprise, avec douleur, combien jusquici ont t fausses nos lois politiques et civiles, de mme

    que notre morale religieuse. Il suffit den faire ressortir ici un des vices le moins souvent signal,

    mais non pas lun des moins graves. Je veux parler de cette charit imprudente et aveugle pour

    les tres mal constitus o notre re chrtienne a toujours cherch lidal de la vertu sociale et

    que la dmocratie voudrait transformer en une source de solidarit obligatoire, bien que sa

    consquence la plus directe soit daggraver et de multiplier dans la race humaine les maux

    auxquels elle prtend porter remdes [] Que rsulte-t-il de cette protection inintelligente

    accorde exclusivement aux faibles, aux infirmes, aux incurables, enfin tous les disgracis de

    la nature ? Cest que les maux dont ils sont atteints tendent se perptuer indfiniment ; cest

    que le mal augmente au lieu de diminuer. Ainsi donc fut thoris le darwinisme social et par l

    mme lgitimes les atrocits qui feront du XXime

    sicle lun, si ce nest le plus, sanglant de

    lhistoire de lhumanit.

    Nul doute que Darwin aurait t constern de constater la dformation de ses ides.

    Ladaptation, en termes dvolution, est synonyme de fcondit. Le point important nest pas

    dinfliger la mort, qui est invitable, mais de propager la vie, ce qui lest beaucoup moins.

    I.4.4. Et demain, quelle thorie de la complexit du vivant ?

    Les thories relatives la complexit du vivant ont grandement volu au cours de lhistoire

    de lhumanit. Durant de nombreux sicles, la vision fixiste (i.e. crationniste) prdomina et avec

    elle une perception caricaturale de lharmonie de la Nature au service des joies et profits de

    lHomme. Cette perception se retrouve tout particulirement dans le fameux texte de Bernardin

    de Saint-Pierre (1737-1814) : Les harmonies de la nature crit la toute fin de sa vie. Dans

    celui-ci, lauteur expose entre autres ides et sans plaisanteries que si les melons ont des dessins

    de tranches cest pour tre mangs en famille Cette vision statique fut par la suite balaye par

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    la perception troite de la thorie darwinienne. Lallgorie de la Reine rouge illustre parfaitement

    la vision volutionniste actuelle. Celle-ci fait rfrence un passage du livre De lautre ct du

    miroir , suite dAlice au pays des merveilles, crit en 1871 par Lewis Caroll (1832-1898) :

    Alice et la Reine Rouge se mirent courir [] la Reine allait si vite que la fillette avait toutes

    les peines du monde se maintenir sa hauteur. [] Ce quil y avait de plus curieux danslaventure cest que les arbres et les autres objets qui les entouraient ne changeaient pas du tout

    de place. Si vite quelles courussent, il semblait quelles ne dpassassent jamais rien. Puis,

    lorsquAlice demanda la Reine rouge pourquoi elles couraient, celle-ci lui rpondit : Il faut

    courir de toute la vitesse de ses jambes pour simplement rester l o lon est. La perception

    actuelle de la Nature est ainsi un systme dans lequel toutes les espces, tous les gnes courent

    aussi vite que possible, parce que celui qui se laisse distancer est irrmdiablement perdu ou plus

    exactement parce que ne restent que ceux qui ont couru plus vite que les autres

    Mais alors que penser des espces dites fossiles telles que les limules, euarthropodes marins

    dont le groupe semble ne pas avoir volu depuis plus de 500 millions dannes ? Plus troublant

    encore est le paradoxe des mutations. En effet, les mutations alatoires apparaissent extrmement

    rares car les systmes naturels mettent au point des mthodes extrmement sophistiques pour

    viter leur apparition ou rduire leur frquence au maximum Voil qui conduit nous poser

    une question fondamentale : sil faut sans cesse courir pour conserver sa place, si les mutations

    gntiques jouent un rle aussi important dans le changement volutif alors pourquoi les

    systmes vivants ont-ils acquis des processus de correction aussi perfectionns ? Richard

    Dawkins crit : Pouvons-nous concilier lide que la duplication derreurs est une condition

    sine qua non de lEvolution avec laffirmation que la slection naturelle favorise une fidlit

    extrme de la copie ? . Ainsi, entre un fixisme rigide et une course frntique, nul doute que

    notre perception de la Nature va continuer voluer, se modifier. Encore faut-il pour cela que

    nous ne nous focalisions pas sur quelques dimensions de la complexit du vivant telles que la

    richesse spcifique et les interactions trophiques, comme ce fut longtemps le cas, mais que nous

    abordions la complexit dans tous ces aspects et notamment dans les tudes thoriques relatives

    la modlisation du vivant.

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    De la modlisation de la complexit du vivant

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    II. DE LAII. DE LAII. DE LAII. DE LA MODLISATIONMODLISATIONMODLISATIONMODLISATION DE LADE LADE LADE LA COMPLEXITCOMPLEXITCOMPLEXITCOMPLEXIT DUDUDUDU

    VIVANTVIVANTVIVANTVIVANT

    Homme qui marche, il ny a pas de chemin,

    le chemin se dessine en marchant

    Antonio Machado.

    II.1. Les diffrentes approches de la modlisation en cologie

    Dune manire gnrale, les modles mathmatiques en cologie constituent des outils de

    reprsentation, de comprhension du fonctionnement de systmes naturels et/ou de prdiction de

    leur volution. Selon que la modlisation est aborde uniquement partir de donnes relles ou

    en tenant compte galement des connaissances de lois fondamentales censes rgir le phnomne

    modliser, deux grands types de modles peuvent tre distingus : les modles de

    comportement et les modles phnomnologiques. Les premiers, galement appels botes

    noires , ont pour seul objectif de reproduire le comportement du systme tudi. Si ces modles

    sont largement utiliss en automatique pour synthtiser des lois de commandes, comme nous le

    verrons par la suite, ils sont relativement peu utiles lorsque l'objectif de la modlisation est une

    meilleure comprhension du systme ou lorsquil sagit de tester des hypothses relatives sa

    dynamique. Les modles phnomnologiques sont construits partir de la connaissance et des

    hypothses ralistes qui peuvent tre faites sur le phnomne tudi que l'on souhaite modliser.

    Ils font intervenir les principes premiers de la physique et notamment les lois relatives la

    conservation de la masse et au transfert de la matire et de l'nergie entre plusieurs

    compartiments. Cest ce type de modlisation que nous avons travaill au cours de cette thse.

    Un second niveau de classification des diffrentes approches thoriques fait intervenir la

    relation du phnomne tudi au temps. En effet, il est possible de considrer que le phnomne

    est susceptible d'avoir une valeur continue dans le temps ou, linverse, quil ne prend qu'un

    nombre fini de valeurs. Dans le premier cas, il sagira de modles dits continus, dans le secondcas, il sagira dun modle dit discret ne dcrivant le phnomne tudi qu'en un nombre

    dtermin d'instants (c'est le cas par exemple de la pullulation d'espces, l'effectif de ce type de

    population restant pratiquement constant entre deux instants de multiplication). Bien que n'ayant

    utilis en pratique que des modles continus, nous aborderons brivement le cas des modles

    discrets dans cette partie bibliographique, ceux-ci ayant jou un rle particulirement important

    en cologie concernant l'hypothse chaotique du comportement de certains cosystmes.

    Enfin, le dernier niveau de classification pertinent souligner ici est le caractre dterministe

    ou stochastique des modles. Dans le domaine de lautomatique, cette distinction est souvent lie

    la manire dont les incertitudes du modle ou celles entachant les donnes sont prises en

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    compte. Par exemple, ne disposant pas d'informations fines sur les processus menant d'une

    procdure d'chantillonnage l'tablissement d'une grandeur physique (par exemple la mesure de

    la masse d'un chantillon) et au regard de la disparit des sources d'erreurs manant de la

    procdure en elle-mme (lie par exemple ici la prise d'chantillon), les modlisateurs ont

    coutume de considrer que toute mesure est entache d'une erreur modlise par une variablealatoire pourvue de proprits statistiques connues (voire inconnues dans certaines approches

    sophistiques). Lorsquil nest pas possible de quantifier ni mme de qualifier les erreurs et

    incertitudes lies la modlisation d'un phnomne donn ou lorsque l'on suppose que ces

    erreurs sont ngligeables, on peut s'en remettre, pour dcrire le phnomne, une approche

    purement dterministe dont l'objet est la description des liens entre des causes et des effets. A

    linverse, si les liens de causalit dans un phnomne ne sont pas tablis ou ignors alors il

    sagira dune approche purement stochastique faisant appel des calculs de probabilits. Dans

    cette thse, c'est lapproche dterministe qui prvaut et que nous dvelopperons de faon plus

    dtaille ci-aprs. Concernant lapproche stochastique, nous nous contenterons simplement d'en

    rappeler les grands principes sans rentrer dans davantage de dtails.

    Quelle que soit lapproche choisie, il ne faut pas oublier que la modlisation induit ltude des

    proprits du modle mathmatique et non vritablement celle du systme naturel tudi. Un

    modle permet daller au bout des consquences logiques de ses hypothses initiales, et il ne sera

    acceptable que dans certains intervalles de valeurs des variables introduites. Aussi, dun champ

    dapplication un autre il devra tre modifi mme sil semble premire vue dcrire un mme

    type de processus. De plus, les modles doivent tre valids par la confrontation de leurs

    rsultats avec ceux dexpriences ralisables (Fig. 11).

    Figure 11 : Comparaison dun modle de variations priodiques temporelles avec les variations rellement obtenues

    partir dobservations ralises dans le temps avec une frquence leve.

    Si ces nouvelles expriences corroborent les prdictions du modle, alors la validation de

    celui-ci est confirme et la connaissance du domaine modlis est rellement augmente. Cette

    dynamique de construction est la seule valable pour ltude du vivant car seule lexprience est

    capable de nous aider nous faire une ide sur la vrit ou la fausset des noncs portant sur

    des faits (Popper 1972). Nanmoins, nous verrons que bien souvent cette tape est nglige

    notamment du fait de la sparation persistante entre approche thorique et approche

    exprimentale.

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    II.1.1. Lapproche stochastique de la modlisation du vivant

    Une modlisation est dite stochastique si des variables alatoires interviennent dans la

    dfinition du systme. La sortie du modle nest alors pas une valeur mais une distribution de

    valeurs. Notons que cette dernire approche a rcemment pris une plus grande importance en

    cologie depuis la publication du modle neutre (Hubbell 2001). Dans un premier temps, cette

    approche pourrait paratre provocatrice pour une trs grande majorit dcologues et

    dvolutionnistes car elle repose sur le postulat que toutes les espces sont quivalentes et ont la

    mme capacit de reproduction contredisant, ainsi la thorie de la slection naturelle (Bell 2001).

    En fait, le mcanisme qui sous-tend le modle neutre est la limitation de la dispersion et du

    recrutement dindividus au sein dun cosystme. La limitation de dispersion est ralise

    lorsquune espce ne parvient pas un site qui lui serait favorable tandis que la limitation du

    recrutement est ralise lorsquune espce ne parvient pas se dvelopper dans un site favorable(Nathan and Muller-Landau 2000; Muller-Landau 2002). Ces mcanismes permettent, au moins

    en thorie, des espces moins comptitives que dautres de sinstaller et de se dvelopper.

    Nanmoins, si un tel modle parvient reproduire la dynamique de populations darbres dans

    des cosystmes forestiers, domaine de prdilection de Hubbell et ce pour quoi il a labor ce

    modle, son utilisation dans dautres cosystmes savre plus dlicate.

    II.1.2. Lapproche dterministe de la modlisation du vivant

    II.1.2.1. La dfinition du dterminisme

    Le dterminisme est une thorie selon laquelle les phnomnes sont causs par leurs

    antcdents. Pour expliquer le principe de causalit, le savant franais Pierre-Simon de Laplace

    recourait une mtaphore qui par la suite a t appele le dmon de Laplace . Il affirmait

    Nous devons envisager l'tat prsent de l'univers comme l'effet de son tat antrieur, et comme

    la cause de celui qui va suivre. Une intelligence qui, pour un instant donn, connatrait toutes les

    forces dont la nature est anime et la situation respective des tres qui la composent, si d'ailleurs

    elle tait assez vaste pour soumettre ces donnes l'analyse, embrasserait dans la mme formule

    les mouvements des plus grands corps de l'univers et ceux du plus lger atome : rien ne serait

    incertain pour elle, et l'avenir, comme le pass, seraient prsents ses yeux. L'esprit humain

    offre, dans la perfection qu'il a su donner l'astronomie, une faible esquisse de cette

    intelligence. Ses dcouvertes en mcanique et en gomtrie, jointes celles de la pesanteur

    universelle, l'ont mis porte de comprendre dans les mmes expressions analytiques les tats

    passs et futurs du systme du monde. En appliquant la mme mthode quelques autres objets

    de ses connaissances, il est parvenu ramener des lois gnrales les phnomnes observs, et

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    prvoir ceux que les circonstances donnes doivent faire clore (Essai philosophique sur les

    probabilits3, 1886).

    Le principe du dterminisme est, en quelque sorte inn dans la science, puisqu'il confre un

    sens la recherche scientifique. Ce sens consiste, en dfinitive, dans l'ide qu'il existe des lois

    qu'il est possible et significatif de dterminer. Autrement dit, la science est une connaissance

    rationnelle parce qu'elle dmontre les connexions relles entre les causes et les effets, et qu'elle

    n'a pas recours dans ses explications des lments sotriques ou mystiques.

    II.1.2.2. Les quations diffrentielles, outils de la modlisation

    dterministe

    La modlisation dterministe des systmes dynamiques fait intervenir des quations

    diffrentielles dont les prcurseurs sont les mthodes de calcul dveloppes par Newton (1642-

    1727) lors de ses tudes sur la gravitation et les orbites des plantes quil dveloppa dans son

    ouvrage majeur : Principes mathmatiques de la philosophie naturelle publi en 1687.

    Lutilisation de ces quations diffrentielles fut ensuite gnralise et largement employe pour

    la modlisation de la dynamique des populations et notamment lorsquil sagit de prdire

    leffectif futur dune population partir dinformations sur son effectif initial et sur les lois

    qui rgissent son volution.

    Une quation diffrentielle est une quation du type :

    qui peut galement scrire .Cette seconde notation permet de mieux percevoir que y et y sont des fonctions du

    temps. Une telle quation a pour solution une fonction y(t) drivable qui vrifie cette relation

    en tout point t . La condition initiale de la solution y(t) , note y(0) , est une constante

    prciser. Laspect dterministe des quations diffrentielles a des implications fortes et se

    concrtisent mathmatiquement par le thorme de Cauchy-Lipschitz. Nanmoins, la plupart des

    quations diffrentielles ne peuvent pas tre rsolues explicitement.

    Le mathmaticien franais Henri Poincar (1854-1912) proposa, dans son ouvrage

    Mmoires sur les courbes dfinies par une quation diffrentielle (1881), des outils

    permettant de connatre lallure globale des courbes intgrales. Pour visualiser lallure de ces

    courbes, Poincar dfinit un point dans un repre, ou espace, caractrisant ltat du systme un

    instant t . Lorsque le temps scoule, le point figurant ltat du systme dcrit, en gnral, une

    courbe ou orbite dans cet espace qualifi de