303

Thomas Sankara: l'espoir assassiné (French Edition)...Thomas Sankara est mort, assassiné par d'anciens compagnons, le 15 Octobre 1987. Plus de deux années se sont écoulées depuis

  • Upload
    others

  • View
    6

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

  • L'espoirassassiné

  • BAMOUNI Paulin B., Processus de la Révolution, préfacé par Mongo Beti,(Coll.PointsdeVue),180p.

    CONOMBOJ.I.,MbaTinga-TraditionsdesMossédansl'EmpireduMooghoNaba;(Coll.MémoiresAfricaines),185p.

    CONOMBO J. I., Souvenirs de guerre d'un «Tirailleur Sénégalais», (Coll.MémoiresAfricaines),199p.

    DE ROUVILLE C., Organisation sociale des Lobi, (Coll. Connaissance desHommes),260p.

    DENIELR.etAUDOUIN,L'IslamenHaute-Voltaàl'époquecoloniale,130p.

    DUVALMaurice,UntotalitarismesansEtat-Essaid'anthropologiepolitiqueàpartird'unvillageburkinabé,(Coll.ConnaissancedesHommes),184p.

    ENGELBERTPierre,Larévolutionburkinabé,(Coll.PointsdeVue),270p.

    ETIENNE-NUGUEJ.,Artisanats traditionnelsdeHaute-Volta, t.1, livrephotosnoiretblanc(21x27),216p.

    Artisanats traditionnels de Haute-Volta, t.2, fichier technique (15,5x21),photos,376p.

    FAIZANGSylvie,L'intérieurdes choses -Maladie,divinationet reproductionsocialechezlesBissaduBurkina,(Coll.ConnaissancedesHommes),205p.

    GUIGNARD Erik, Faits et modèles de parenté chez les Touaregs Udalen deHaute-Volta,255p.

    JAFFRÉB.,LesannéesSankara-delaRévolutionàla«Rectification»,336p.

    LÉDÉA OUEDRAOGO B., Entraide villageoise et développement -GroupementspaysansauBurkinaFaso(Coll.Alternativesrurales),200p.

  • OUEDRAOGO J.B., Formation de la classe ouvrière en Afrique Noire -l'exempleduBurkinaFaso,(Coll.LogiquesSociales),210p.

    PÉNOUSOMEA.,SystématiquedusignifiantenDagara-VariétéWulé,504p.

    TARRABG.etGOENNECh.,FemmesetpouvoirauBurkinaFaso,125p.

    TITINGA PACERE, Refrains sous le sahel (poésie), ça lire sous le Sahel(poésie).

    VANDUKPieter,BurkinaFaso - le secteur informeldeOuagadougou, (Coll.VillesetEntreprises),200p.

    Etc.

  • ValèreD.SoméaétéuncompagnondeThomasSankaraauxcôtésduquelilaprispart auprocessusde laRévolutionDémocratiqueetPopulaire,déclenchéeauBurkinaFaso,aprèsle4Août1983.Dèsledébut,ilestmembreduBureaupolitiqueduConseilNationaldelaRévolution(C.N.R.),etassumecettechargejusqu'à l'assassinat du Président Thomas Sankara. De Septembre 1986 àSeptembre 1987, il occupe au sein du gouvernement le poste de ministre del'EnseignementSupérieuretdelaRechercheScientifique.Aprèslesévénementstragiques du 15Octobre 1987, il est arrêté et torturé. Libéré, mais se sentantmenacé,ildécidedefuirsonpaysetseréfugieauCongo.

    AuCongo,avecd'autrescompatriotes-réfugiéseuxauGhana,auSénégal,enFrance - il crée le Mouvement Sankariste(*), qui se veut un front largeregroupantdespartisansetdessympathisantsdel'oeuvreébauchéeparledéfuntPrésidentSankara,etquiresteàaccomplir.

    Ilestle14Secrétairedel'U.L.C.(R),devenuedepuisle25Mars1990lePartidelaDémocratieSociale(P.D.S.).

  • ThomasSankaraestmort,assassinépard'ancienscompagnons,le15Octobre1987.

    Plusdedeuxannéessesontécouléesdepuiscettedatefatidiqueetbeaucoupdechosesontétéditesouécrites.Toutn'apasétéditet toutneserapeutêtrejamaisdit.Maisdèsàprésent,onpeutaffirmersanscraindredesetromperqueThomasSankaraasuaucoursdesabrèveexistencepolitiquemarquerlesespritsde son temps. Il a inscrit son nom aux côtés de ceux, combien célèbres etcombienrares,dontonapuécrire:

    «Ils nemeurent jamais. Ils sont comme des astresmorts. Après leursdisparitions,leurlumièrenousparvientencorependantdessiècles».(')

    Detelsgrandshommes,onnepeutternirl'auréolequientoureleursnoms.«Lamortestlecommencementdel'immortalité»aditjustementRobespierre.

    C'estpoursouleveruncoinduvoileopaquequ'onatentéetquel'ontentedejeter sur la stature de cet homme, que je me suis résolu à publier ce présenttémoignage.Qu'avecsadisparition,nesoientpointoubliésl'oyuvredontilaétéleprincipal artisanet lemessaged'espérancequ'ilportait!Qu'avec lui,présenttoujours dans nos esprits et dans nos coeurs, l'on associe le souvenir de tousceux, combien nombreux, tombés à ses côtés et dont le seul crime fut leurengagementdanslaquêted'unidéaldelibertéetd'humanité!

    Se souvenant des morts, que l'on pense aussi aux vivants qui aujourd'huiencore,auBurkinaFaso,souffrentdel'intoléranceetdel'inquisition;àquil'onnie les droits à la simple existence du fait de leur fidélité à la mémoire del'illustredisparu!

    Il est un fait qu'aujourd'hui certaines consciences sont prêtes à excuser leforfait des dirigeants actuels du Burkina Faso devenus «légitimes» par le faitmêmequ'ilsgouvernent.Maisl'onnepeutblanchircesmainstachéesdesang.

    Si le président Thomas Sankara avait voulu véritablement se maintenir aupouvoiràceprix,ill'auraitpu;maisilapréférélemartyre.Parcetacte,jusquedans sa mort, il aura laissé à la postérité la plus haute leçon de vertu,

  • d'abnégation,etd'honneurquisoit.

    Sagloireestdevenueplusforte,carilasus'écarterdelavoiedelaviolencequ'empruntentlaplupartdespuissantsdecemonde.

    L'ombre de Thomas Sankara menace encore ses assassins jetés dans laconfusion. Il les amême obligés à devenir ses exécuteurs testamentaires: il avécu dans l'amour et la défense des pauvres et ils lui ont fait -malgré eux! -l'honneurdel'enterreraumilieudessiens,danscecimetièreoùlestombessontanonymesetoùreposentunemultituded'humblesgens...

    ThomasSankaraaprisconsciencelepremier,destraversdelarévolution.Ilapréconisé sa «rectification». Ses assassins, pour justifier leur forfait, se sontproclamés«rectificateurs»delarévolution.

    Jemesuisétendudanscetessaisurlasituationdecrisequis'estdénouéeavecla tragédie du 15 Octobre 1987 et dont j'éclaire les ressorts. A travers lestentatives d'explications des hérauts du Front dit Populaire(2>, j'ai égalementsoulignécommentlavolontédepuissances'estmuéed'uncoupenvolontéd'être.L'interprétation de l'histoire est évidemment mienne, et je l'ai faite en toutebonnefoi.

    «Etvoilà.Maintenant leressortestbandé.Celan'aplusqu'àsedérouler toutseul. C'est cela qui est commode avec la tragédie.On donne le petit coup depoucepourqueceladémarre.Rien(...),uneenvied'honneurunbeaumatin,auréveil, comme de quelque chose qui semange, une question de trop qu'on seposeunsoir...C'esttout.(...)Lamort,latrahison,ledésespoirsontlà,toutprêts,etleséclats,etlesorages,etlessilences:lesilencequandlebrasdubourreauselèveàlafin(...),lesilencequandlescrisdelafouleéclatentautourduvainqueur(...),etlevainqueurdéjàvaincu,seulaumilieudesonsilence(...).

    C'estproprelatragédie.C'estreposantc'estsûr...

    Dansledrame,aveccestraîtres,aveccesméchantsacharnés,cetteinnocencepersécutée, ces vainqueurs, ces terre-neuve, ces lueurs d'espoir, cela devientépouvantabledemourircommeunaccident.Onauraitpeut-êtrepusesauver,lebonjeunehommeauraitpuarriveràtempsaveclesgendarmes.

  • Dans la tragédie, on est tranquille. D'abord, on est entre soi. On est tousinnocentsensomme!Cen'estpasparcequ'ilyenaunquitueetl'autrequiesttué.C'estunequestiondedistribution.Etpuis,surtout,c'estreposantlatragédie,parcequ'onsaitqu'iln'yaplusd'espoir,lesaleespoir;qu'onestpris,commeunrat,avectoutlecielsursondos,etqu'onn'aplusqu'àcrier-pasàgémir,non,pasà seplaindre! - àgueuleràpleinevoixcequ'onn'avaitpaspudire,qu'onn'avaitjamaisditetqu'onnesavaitpeut-êtrepasencoreetpourrien:pourseledireàsoi,pourl'apprendre,soi.

    Dans le drame, on se débat, parcequ'on espère en sortir.C'est ignoble,c'estutilitaire.Là,c'estgratuit.C'estpourlesrois.Etiln'yaplusrienàtenter,enfin!»

    Lechoeurd'Antigone

    deJeanAnouilh

  • Cematin du jeudi 15Octobre 1987, jem'étais réveillé d'une humeur égalesans me douter que ce jour marquerait un tournant dans l'histoire de notrepeuple. Je n'ignorais pas la tension qui existait dans nos rangs. Quelquessemainesauparavant,j'avaisététirédemonlitaubeaumilieudelanuit,pardescamaradesmilitantsdemonorganisation('),pourm'entendredire:

    - Va trouver ton type et dis-lui que s'il ne réagit pas, nous serons pris etégorgés comme des moutons! Il ne fait aucun doute que les partisans duCapitaineCompaorésontprêtsàpasseràl'offensive!

    J'essayaidelesrassurer:lasituationn'étaitpassialarmante;leP.F.(2)avaitlasituation bien en mains; il craignait plutôt que Blaise n'opte pour la fuite, saconjurationdécouverte...

    Cependant,paracquitdeconscience, le lendemaindecetentretiennocturne,j'allai voir mon «type» au bureau de la Présidence. Je lui rendis compte desproposdemescamaradesquin'étaientd'ailleurspaslesseulsàsepréoccuperdela situation ambiante. Nombre d'officiers parmi ses fidèles éprouvaient lesmêmessentimentsd'inquiétude.

    -Cesont,dit-il,vosinquiétudesquim'inquiètent.Blaisen'irapasjusque-là!Jenel'enpensepascapableetjenevoispasd'ailleurscommentilprocèderapouropérerun tel coup, le rapportde forcesétantnettementensadéfaveurau seindes forces armées. Quant au C.N.R., tu le sais bien, là c'est la déconfiturecomplète de ses partisans; ce sont eux d'ailleurs qui polluent l'atmosphère etalarmentaussibienBlaisequemoi.C'estunepériodedifficileàtraverser.Blaiseluimême, se rendra bientôt à l'évidence qu'il est en train d'être abusé par desarrivistes ambitieux. Ce que je peux vous demander, c'est de rester calmes etconfiantsennetombantpasdanslaprovocation.

    - Contrôles-tu au moins, lui répliquai-je, la ceinture de sécurité? J'entends:toutelazonequicouvreleConseildel'Entente,laRadio,lePalaisPrésidentieletlaPrésidence?Leshommespostésàcesdiverspointssont-ilssoustoncontrôle?

  • Ilsecontentadesourire.

    Surce,jesortisdesonbureauàreculonstoutenparlant:

    -Detoutefaçon,cesontlàdesquestionsmilitairesetjenepeuxprétendreensavoirplusquetoi.Jetefaisparconséquentconfiance.

    Ilaffichaituncalmeextraordinaire,uncalmequejamaisauparavantjeneluiavaisconnu.C'étaitaumoisdeSeptembre1987.

    Jemerappelleaussi,quelorsdenosmultiplesentretiensdurantcettepériodeoùjelui tenaissouventcompagnie,àmidiàtable,outarddanslanuitdanssasalledetravail,iltintlespropossuivants:

    -JenepensepasqueBlaiseveuilleattenteràmavie.Leseuldanger,c'estquesilui-mêmeserefuseàagir,l'impérialismeluioffriralepouvoirsurunplateaud'argentenorganisantmonassassinat...

    Etun jour,échangeantdespointsdevuequantà l'opportunitédeneutraliserBlaiseCompaoré,puisqu'ilétaitévidentqu'ilmarchaitàlaconquêtedupouvoir,répondantainsiàlasollicitationdespuissancesétrangères,leP.F.meconfia:

    -Mêmes'ilparvenaitàm'assassiner,cen'estpasgrave!Lefondduproblèmec'estqu'ilsveulent«bouffer»et je les enempêche!Mais jemourrai tranquille:plusjamais,aprèscequenousavonsréussiàinscriredanslaconsciencedenoscompatriotes,onnepourradirigernotrepeuplecommejadis!

    IlvenaitainsiderejetertouteinitiativedirigéecontreBlaiseCompaoréetsespartisans. Comment aurait-il pu d'ailleurs justifier aux yeux du peuple, unequelconquearrestationdeBlaiseCompaoré,afortiorisonéliminationphysique?Nes'était-ilpastoujoursefforcédeprouveràl'opinionpubliquequ'aucunnuagen'entachaitsesrelationsavecsoncompagnonderoute?

    Toutcelajelesavais,lorsquelematindu15Octobre,ilenvoyasonchauffeurme chercher à domicile, pour lui tenir compagnie dans sa résidenceprésidentielle.

    Il était 8h environ, lorsque je pénétrai dans la pièce aménagée en salle detravail. Là, il aimait recevoir ses amis, collaborateurs et divers visiteurs

  • étrangers. Il y restait souvent très tard dans la nuit, épluchant les dossiers ouétudiantlessujetslesplusdivers.

    Jel'aitrouvéensurvêtementdesport,assissurlecanapé,entraind'écriresurunbloc-notes.

    - Que fais-tu à cette heure encore à la maison? N'as-tu pas un bureau auConseilde l'Entente?Jepensequ'il fautque tu t'y rendesmatinetsoircommetoutbonfonctionnaire!

    Cefurentlàlestermesdesonaccueil!Sansmedécontenancer,jerépondisquejem'étaisoctroyéunpetitcongéetquejeneseraisassiduaubureauqu'ilm'avaitaffectéqu'àpartirdulundi21Octobre.

    Lorsquej'avaisquittélegouvernementaudernierremaniementministérieldeSeptembre1987,jem'étaisessentiellementoccupédestâchespolitiquesdanslecadreduConseilNationalde laRévolution,sansaffectationpréciseauseindel'exécutif.J'étaisentreautreschargéd'élaboreruneesquissedeprogrammepourleC.N.R.,caruneréunionduBureauPolitiquem'avaitmandatépourcelaetjedevaism'exécuter avant le6Octobre1987.Dès le terOctobre, l'esquisse étaitd'ailleursprête.Riennemeretenaitplusdanslebureauquim'avaitétéaffecté.Aussi restais-je souvent àmon domicile. Sans oublier qu'il avait été convenuqu'aussitôt terminée l'esquisse de programme, je devais disposer d'unmois devacancespourmerendreàParisàl'invitationd'unamicommun.Amonretour,àdéfaut du poste de Secrétaire Permanent du C.N.R., j'occuperais le poste deministre «sans portefeuille», ce qui me laisserait les mains libres pour meconsacrer entièrement à la question de l'édification du Parti, dont la nécessitéétait plus qu'impérieuse. Ces propositions avaient également recueillil'assentimentdeBlaiseCompaoré.

    Aprèscettebrèveexplication,jem'assisàsescôtéssurledivanetmesaisisdesaguitare,pendantqu'ils'absorbaitdanssesécrits.

    Alasuitedenosentretiensquiportèrentsurdiverssujets,jesusqu'ilétaitentrainde rédiger son interventionpour la réunionde20heures:une réuniondel'Organisation Militaire Révolutionnaire (O.M.R.), convoquée pour consacrerl'ententeretrouvéeentrelePrésidentThomasSankaraetBlaiseCompaoré.Cetteréuniondevaitainsimettreuntermeàunecrisequin'avaitquetropduréetqui

  • avaitfinipargagnerlarue.

    J'aimêmeeudroit à la lectured'unpassagede ceprojet d'intervention.-Il yécrivait(jecitedemémoire):

    «Quellesquepuissentêtrelescontradictionsquiontpuexisterouquiexistententre nous, elles doivent trouver et trouveront leurs solutions du fait de laconfiancequenoussauronsétablirentrenous.Aussi,travaillons-nousàinstaureretàpréservercetteconfiance...»

    Lasuiteallaithélasprouverlecontraire.

    PourThomasSankara,lacrisequicouvaitdepuisquelquetemps,etquiétaitdevenuemanifesteaumoisdeMai1987,venaitd'êtrejugulée.Onavaitfrôlélacatastrophe.Fortheureusement,toutrentraitdansl'ordresansgranddommage.Ilfallaitenvisagerl'avenird'unbonpied.

    Lors de la réunion du f Octobre 1987, Blaise n'avait-il pas été mis endifficulté?N'eûtétélesecoursduP.F.,n'aurait-ilpasperduleprivilèged'êtrelenumérodeuxdurégime,etn'aurait-ilpasréintégrélesrangscommetoutofficierde l'armée? Le Président Thomas Sankara n'avait-il pas fait preuve demagnanimité-lespreuvesdelaconjurationdeCompaoréayantétémisesànu-en le sauvant de la déchéance et de l'humiliation méritées? Ne l'avait-il pasimposé contre la volonté de la majorité des membres de l'O.M.R.? BlaiseCompaoré lui-même,ce jour-là,nes'était-ilpasdéfenducontre lesaccusationsdeconjurationmilitairecontre leP.F.en invoquant tous lesdieuxdupanthéonmossietenarguantdesaparoled'officier?Quiplusest,sortidecetteréunion,n'avait-ilpasdéclaréauprèsd'amiscommuns(àluietauP.F.)venuspourprônerl'entente,quesonéducationmossiproscrivaitlatrahison?

    Toujours est-il que pour cette réunion de 20h, le Président du C.N.R.,préconisaituncertainnombredesanctionsparmilesquelles:

    - l'exclusion du Groupe Communiste Burkinabé (G.C.B.) du C.N.R., sesdirigeants s'étant illustrés toutau longde lacrisepardes intriguessordidesenvued'opposerleNuméro2auPrésidentduFaso.

    - des mesures punitives contre le Capitaine Jean-Pierre Palm et d'autres

  • membresduC.N.R.pours'êtredistinguésdans laconfectionet ladiffusiondetractsàcontenuordurier.

    Je me souviens - parlant du Capitaine Jean-Pierre Palm - que le PrésidentThomas Sankara avaitmis son amiBlaise Compaoré en garde sur le fait quePalm,parsesintrigues,pouvaitsemerlazizanieentrenous.Nousfaisionsalorsle point et étions parvenus à éviter la rupture du fait des manigances duditCapitaine. Ce dernier était d'ailleurs venu m'alerter sur un prétendu projetd'homicide dirigé contre ma personne et dont le Président du Faso aurait étél'instigateur!C'étaitaumoisdeJuin1985.Parallèlement, ilserenditauprèsduP.F.pourl'informerdesinquiétudesquejemanifestaisconcernantla«menace»planant surma vie! Il reviendra ensuiteme dire, qu'il avait tenu à prévenir lePrésidentqu'unattentatenpréparationcontremoiledésignerait,luileRF.,auxyeuxdetous,commeenétantl'auteur,etque,danslamesureoùleprojetétaitconnudenombredepersonnes,ilvalaitmieuxqu'ilyrenonçât...

    Ce fait méritait d'être relaté pour démontrer comment on peut semer laméfianceetladiscorde.

    Mais revenons à la réunionde20h.Onpeut supposer que l'action terroristemenéeà16h30mnetquiaaboutiàl'assassinatduPrésidentThomasSankaratrouvesonexplicationdanscesdeuxmesurescitéesplushaut.

    Si, comme l'affirme le Capitaine Blaise Compaoré, Président du Front dit«Populaire», ce qui est arrivé s'est passé à son insu (bien qu'il n'en éprouveaucun regret), faut-il comprendreque l'initiative est venuede ses acolytes - leCapitaine Jean-Pierre Palm en tête - ceux-ci s'étant rendus compte, du reculamorcé par leur chef, et connaissant la faiblesse et l'indécision qui lecaractérisent, avaient-ils décidé d'eux-mêmes de poser l'acte irréversible du 15Octobre?Mêmedanscecas,ilfaudraitsupposerquelescénariomisenoeuvreneconstituaitqu'uncasdefigureparmitantd'autresconçusdelonguedate...

    On ne peut douter que Blaise Compaoré n'ait nourri l'ambition d'être le«Premier».Etce,dèslesderniersjoursdelapréparationduCoupd'Etatd'Août1983quiportaThomasSankaraàlatêtedupays.Ils'enétaitconfiéd'ailleursàVincentSigué,pendantunemissionqu'ilseffectuaientensemble,encestermes:«Sinousréussissonslecoup,jeseraileprésidenttandisqueThomasconserveralepostedePremierministre».

  • Ces propos que Sigué se fit un devoir de rapporter à Thomas Sankara,nécessitèrentune séancede«clarification».Lesquatre«dirigeantshistoriques»(Thomas Sankara, Blaise Compaoré, Boukary Jean-Baptiste Lingani et HenriZongo)sesontretrouvéspour tranchercettequestionainsiquelesévénementsultérieursl'ontmontré.Decetemps,remontel'inimitiédeBlaiseCompaorévis-à-visdeVincentSigué.Onsesouvientqu'aulendemaindu4Août1983,BlaiseCompaorés'estopposéàl'intégrationdeSiguédansl'année,endépitdufaitquecedernieraitétélachevilleouvrièredelaprisedupouvoir.

    Dès le mois de Septembre 1986, la conjuration de Blaise Compaoré étaitdevenuepatentepourunobservateuravisé.

    Lematindu15Octobre,nousavonsleP.F.etmoi,faituneretrospectivedesfaits et gestesdeBlaiseCompaoré et de sespartisans, quidémontraientonnepeut plus clairement que depuis Septembre 1986 (pour le moins), ceux-cis'acheminaientirrésistiblementverslaconquêtedupouvoir.

    J'ainotépourmapart,lesactionssuivantescorroborantcettethèse:

    1.Manominationaupostedeministredel'EnseignementSupérieuretdelaRechercheScientifique

    Le Président Thomas Sankara, n'avait jamais voulu admettre que manominationàceposte lui futsuggéréeparBlaiseCompaoréqui,bienentendu,prit soin de dissimuler ses véritables intentions. Le milieu universitaire étaitcontrôlé sans partage par mon organisation l'U.L.C.(R). L'U.C.B. (UnionCommunisteBurkinabé)quelapartiemilitairesoutenaitàboutdebras,essayaitvainementd'y fairedespercées.Enmeproposantceposte,onescomptaitnonseulementmeparalysermaissurtouttournercontremoilacolèredesétudiantsetdesenseignants(3).LePrésidentThomasSankaramarchadansleplan;ils'étaitlaisséconvaincrequ'il fallaitnécessairementcasser l'U.L.C.(R)pourparveniràl'unificationdesorganisationspolitiquesmembresduC.N.R.

    Aussitôt après la constitution du gouvernement, le ler Septembre 1986, undécretduSecrétariatGénéralNationaldesComitésdeDéfensedelaRévolution(C.D.R.), dissolvait le Bureau National des Etudiants ainsi que le Comitéd'UniversitédeOuagadougou,tousdeuxsouslecontrôleexclusifdel'U.L.C.(R).Mesurebureaucratiqueetarbitraires'ilenfut.

  • Jemesuis renduà la réunionduComitéCentralduC.N.R.ce jourlà, aprèsunejournéechargée,occupéquej'étaisparl'étudedesdossiersdemonnouveauministère, sans avoir entendu le communiqué de dissolution de ces deuxstructures,quifutdiffuséàlaradio.LePrésidentduC.N.R.s'étaitenvolépourHararé,avantmêmeque la listedesmembresdugouvernementnesoit renduepublique. Blaise Compaoré qui devait présider cette réunion avait préféré seretirer à Pô. Il était conscient que l'acte qu'il avait fomenté avec PierreOuédraogo, Secrétaire Général National des C.D.R., allait nécessairemententraîner des «secousses». Il avait mêmemisé là-dessus! Blaise Compaoré etPierreOuédraogoétaientunisparleuroppositioncommuneàl'U.L.C.(R).

    LeCommandantLinganisevitdoncconfierlachargededirigercetteréunion.On inscrivit à l'ordre du jour le point sur la situation des structuresrévolutionnaires de l'Université; arrivé à ce point, la parole fut donnée auSecrétaireGénéralNationaldesC.D.R.pourprésenterlasituationetinformerlesmembresduC.N.R.desdécisionsquivenaientd'êtreprisesetdiffusées.J'étaissidéré.Maistoutlemondes'yattendait.Aussitôt,jelevailamainpourdemanderla parole; le Commandant Lingani craignant le pire, passa la parole à quatreintervenantsetserésolutàmel'accorderàdéfautd'autres.

    -J'estime,commençai-je,qu'ilmanquedesmesuresd'accompagnementàcesdécisions qui viennent d'être portées à notre connaissance par le SecrétaireGénéralNationaldesC.D.R.IIauraitfalluajouterque,dorénavant,leministèredel'EnseignementSupérieurrelèvedel'autoritéduSecrétariatGénéralNationaldes C.D.R. Et d'un! De deux: j'estime que ces décisions ont une incidencetellementgrave,queleSecrétaireGénéralNationaldesC.D.R.n'auraitpasdûlesprendre sans s'en référer au préalable auC.N.R.De trois: j'attire l'attention detout un chacun ici présent, que cette mesure vient s'inscrire dans le lot desmesuresbureaucratiquesqueleSecrétaireGénéralNationaldesC.D.R.necessed'initier auméprismême des principes du centralisme démocratique que noussommes sensés tous respecter. J'affirme que depuis un certain temps, notrerévolutionestentraindedévierdesonorientationinitiale.Etleprincipalartisande cette déviation est le Secrétaire Général National des C.D.R. (et je ledésignai). Enfin, lorsque j'ai été sollicité par le Président du C.N.R. pouraccepter le poste de Ministre de l'Enseignement Supérieur, j'ai tout de suitemarquémonrefus.J'aifiniparaccepter,aprèsmaintesinsistances,parcequejepensaispouvoirbénéficierdel'appuidetous.Orjeconstatequel'ontireàhueet

  • à dia. N'étant pas homme à accepter une misssion que je sais compromised'avance, je déclare séance tenante que je ne suis plus disposé à continuerd'assumercettecharge.J'attendsleretourduPrésidentduC.N.R.pourrendremadécisioneffective.

    LePrésidentdeséancetentadevainesconciliationsetvoulutleverlaréunionsurcesentrefaits.Jereprislaparolepourinsistersurlefaitqu'ilfallaitprendretrèsausérieuxcequejevenaisd'annoncer.

    Aussitôt après la réunion, bien entendu, la rumeur prit la rue. A peine legouvernementvenait-ild'êtreconstituéqu'unministredémissionnait!

    Deux jours après la réunion du C.N.R., le premier conseil desministres seréunitsouslaprésidencedeBlaiseCompaoréenl'absenceduPrésidentduFaso.Jerefusaid'yprendrepart.Larumeurpubliquetrouvaitsaconfirmation.BlaiseCompaoré,contrairementàcequesondevoirluicommandait,necherchapasàm'entendre.Mieux, il dut se réjouirde la situation.Tous lesmembresdemonorganisationfurentsolidairesdemadécision.Tous,àquelqueniveauquecesoit,occupant des responsabilités politico-administratives, devaient démissionner àmasuite.Mêmelesdeuxélémentstraîtresquenouscomptionsdansnosrangs-Kader Cissé et Moïse Traoré - ne purent se soustraire à la pression dumouvement. Blaise Compaoré s'arrangea pour porter les enchères au sein del'armée,oùiltentadesurchaufferlesespritsenvued'uneactiondécisivecontrenous.L'affrontementétaitarrivéàunpointculminant.

    Tous attendaient le retour duPrésident duFaso pour voir comment la criseallaitsedénouer.

    LeCapitaineHenriZongose fit l'intercesseur. Ilmemandaà sonbureau etréussit à me convaincre de suspendre ma décision, en attendant le retour duPrésidentduC.N.R.

    Asonarrivée,celui-cimeconvoquaaussitôt:

    -Qu'est-cequi sepasse?Apeineai-je tourné ledosque tumets le feuà labaraque!

    -Quimetlefeuàlabaraque?luirétorquai-je.C'estPierreoumoi?

  • - Il faut trouver un compromis. Je refuse d'avance ta démission. S'il y aquelqu'unquidoitdémissionner,c'estmoi!

    Aprèsdelonguesdiscussions,nousavonsfiniparnousentendre.Jerenonçaiàdémissionner, parce qu'à travers cettemachination, ilm'est apparu que l'arbrecachaitlaforêt.Aprèstout,cen'étaitpasàmoietàmonorganisationqu'onenvoulait.LesintriguesdeBlaiseCompaoré,quejemegardaibiendenommer(leP.F.serefusantàregarderleschosesenface,etdéfendantcoûtequecoûtesonamietalterego)étaientdevenuesàmesyeuxmanifestes.Jeluidis:

    J'ail'impressionquedanstonarmée,ilyadesgensquisontàl'affût,attendantquenouscréionsunesituationdecrise,pourterenverseretnousavec.C'estlaseuleraisonquim'amèneàaccepterlecompromis.Cefaisant,j'essayedesauvermatêteplutôtquelatienne.

    Ilneditmot.

    Toujoursest-ilqu'uncompromisfuttrouvé:etcommetoutcompromis,iln'asatisfaitpersonne!Laguerre seradorénavantàpeinevoilée entre leSecrétaireGénéral National des C.D.R. et moi. L'U.C.B. - dont Pierre Ouédraogo acommencé par être le Secrétaire Général avant de céder la place à WatamuLamien - n'était pas de taille à s'opposer à l'U.L.C.(R). Cette dernière devaitplutôtfairefaceàl'appareilduSecrétariatGénéralNationaldesC.D.R.ainsiqu'àtouslesélémentsmilitairesenmajorité,sanslamoindreformationpolitique,quel'onavaitfaitaffluerdanslescellulesdel'U.C.B.

    2.Lecontrôledesstructuresrévolutionnairesàl'Université

    BlaiseCompaorésortitdesaréserveàcetteoccasion,etpritlesdevantspourfaireélireàlatêtedesstructuresdesélémentsàsadévotiontelJonasSomé.Ilcomprenaitdéjàl'importancedecontrôlerlesstructurespopulaires!

    Menaces,intimidations,corruptions,tellesfurentlesarmesdenosadversairessurleterrainuniversitaire.Rienn'yfit.Noussortîmesmajoritairesdesélections.Des mesures arbitraires furent prises pour proscrire des élections un certainnombre de militants de notre organisation. Blaise Compaoré, le SecrétaireGénéralNational desC.D.R. et l'U.C.B. réussirent à contrôler la direction desstructuresrévolutionnairesdel'université,quandbienmêmenousencontrôlions

  • labase.

    ToutcelafutmasquéauxyeuxduPrésidentduFaso,aunomde«lalutteentrel'U.C.B.etl'UL.C.(R),pourlecontrôledel'université».C'estd'ailleursàcetteoccasion, qu'en compagnie du Capitaine Pierre Ouédraogo, Blaise Compaoréréunitunevingtained'étudiantsparmilesquelsdesmilitantsdemonorganisationpourleurtenirlediscourssuivant:

    - Ça ne sert à rien de persister à supporter l'U.L.C.(R) sur le campusuniversitaire. De toute façon, c'est nous qui détenons le pouvoir, et je vouspromets que lors du prochain remaniement ministériel, nous chasserons dugouvernementlesmilitantsdecetteorganisation.

    Je fis part de ces propos au Président Thomas Sankara qui demanda à lesvérifierauprèsdeBlaiseCompaoré.Ilchercha,parlasuite,àmeconvaincredela bonne foi de celui-ci. «Je devais, disait-il, bien m'assurer de mes sourcesd'information».

    3.Lecomplotàl'intérieurmêmedel'U.L.C.(R)

    Blaise Compaoré entreprit de m'isoler au sein même de mon organisation.Jusqu'àprésent,cestentativesn'avaientpasdonnélesfruitsescomptés.L'U.L.C.(R)continuaitd'influencerlesétudiantsetlesélèvesmêmesiellen'encontrôlaitpaslesinstancesdirigeantes.

    Le phénomène de l'arrivisme petit-bourgeois n'avait pas épargné nos rangs.Deux éléments notoirement connus furent Moïse Traoré et Kader Cissé, quiavaient utilisé l'organisation comme tremplin pour accéder à de hautesresponsabilités. L'un était Directeur de l'Union Révolutionnaire des Banques(U.RE.BA.) et l'autre Président du Conseil Révolutionnaire Economique etSocial (C.R.E.S.). A ces hauteurs, ils ne s'en tenaient plus aux décisions del'organisationetvoguaientselonleurspropresintérêts.Ilsfinirentparsemouillerdansdeshistoiresdecorruptiondont lePrésidentThomasSankara fut informéendétail.IlsessayèrentalorsdefaireoublierleursméfaitsendécidantaucoursdesréunionsduC.N.R.detrahirlespositionsdeleurorganisation.Cestrahisonsservirent àmettre l'U.L.C.(R) en difficulté,mais ils ne furent pas pour autantabsous: on les limogea. Blaise Compaoré fut celui-là même qui hâta leurdestitution!Mais encore là ce fut pur calculde sapart. Il les fit chasserd'une

  • main pour les récupérer de l'autre. En contre-partie de sa protection, il lescommit à la tâche d'affaiblir ma position au sein de l'U.L.C.(R) où j'étais unempêcheurdetournerenrond.

    Ilappartenait,disait-onà l'époque,àchaqueorganisationd'enfiniravecson«Soumane Touré»(4>. En effet, depuis 1985, Blaise Compaoré avait tenté àmaintes reprisesde se rapprocherdemoidans cequ'il considérait commeune«communeoppositionauPrésidentduFaso».Mais,serendantcomptequemonopposition concernant certaines des initiatives du P.F. reposait non sur unequelconque ambition mais sur des principes, il s'était vite détourné de l'idéed'unealliancepossibleentrenousetm'avaitensuitepriscommecibleàabattre.

    ApartirdeSeptembre1987,BlaiseeutlecontrôledetouteslesorganisationspolitiquescivilesduC.N.R.,saufune:l'U.L.C.(R).Ilestvraiquelesdeuxautres- l'U.C.B. et le G.C.B. - dans leur commune rivalité contre l'U.L.C.(R). nefaisaient pas le poids. Un de nos camarades, Simon Compaoré, était sonDirecteurdecabinet.Parsonentremise,ilentreprendraderacolerMoïseTraoré,Kader Cissé et Alain Zoubga (cet ambitieux qui brûlait d'être ministre de laSantélorsdesremaniementsministérielssuccessifs).Ilsentamèrentleursactionssouterrainesdansl'Organisation.Mais,lesconspirateursfurentmalservisparlesdeuxarrivistesMoïseTraoréetKaderCissésuffisammentdécriésauxyeuxdel'ensembledenosmilitants.Noussaisissantdel'undeleursnombreuxactesdetrahison vis-à-vis des positions de l'Organisation, nous entreprîmes de lesexcluretoutenignorantlaconspirationquisetramaitcontrel'Organisationetquiavaitpourmaître-d'euvre,BlaiseCompaoré!

    Ce dernier avait informé, toujours de façon hypocrite, le Président ThomasSankara,qu'une«scissionsepréparaitauseinde l'U.L.C.(R)». Ilenauraitétéavertipar«lesauteursdelascissionencours».LePrésidentduFasoencoreplusignorantquenous-mêmesdel'implicationdeBlaiseCompaoré,lechargeaalorsde tout mettre en oeuvre pour empêcher cette scission. L'U.L.C.(R) affaiblie,c'étaitaussilarévolutionquiaccusaitlecoup.Tel,dumoins,étaitlesentimentduPrésident.Ilnepouvaitsedouterquel'affaiblissementdel'U.L.C.(R)servaitlesdesseinsdeBlaiseCompaoré.

    En toute ignorance donc de ce qui se tramait, nous prîmes la décisiond'exclureMoïseTraoréetKaderCissé,etcecilorsdelaréuniondenotreComitéCentraldu1erFévrier1987.Lamesured'exclusion,pourêtreeffective,devait

  • être soumise pour approbation à la base de l'U.L.C.(R). Nos opportunistesn'attendirent pas l'issue de la procédure ainsi engagée. Le 3 Février 1987, ilsfirent précipitamment une déclaration dans laquelle ils annonçaient avoirscissionnéd'avecl'U.L.C.(R),etavoirconstituéuneorganisationquiretournaitàl'ancienne appellation «U.L.C.», avec pour organe politique un journal intitulé«LaFlamme».

    Tel fut le résultatdesmachinationsdeBlaiseCompaoréau seinde l'U.L.C.(R). Les différentes composantes du futur «Front Populaire» étaient ainsiréunies.Ilnerestaitplusqu'àlescoordonner...

    4.Lesabotageduprocessusd'unificationdesorganisationspolitiquesmembresduC.N.R.envuedelaconstitutiondupartid'avant-garde

    Depuis laveilledu4Août1986, lesorganisationsavaientréussiàsemettred'accord sur les termes de l'unification et une procédure planifiée avait étéadoptée.Ellestipulaitdansl'ordrechronologique,lesactionssuivantes:

    -Elaborationetadoptiond'uneplate-formedeprogramme;

    - Constitution d'un comité d'organisation provisoire pour le parti dont lesmodalitésdemisesurpiedétaientàdéfinir;

    -Auto-dissolutiondesorganisationspolitiques.

    Lorsdelaréuniondu3Août1986desorganisationspolitiques,lereprésentantduG.C.B., Jean-Marc Palm dénonça les termes de l'accord et fut piteusementconfonduparlePrésidentduC.N.R.Faceàlamalhonnêtetéérigéeenlignedeconduite, lePrésident renonçaàson intentiondedéclarer, lorsdesondiscoursaux cérémonies commémoratives du 4 Août 1986, que les organisationspolitiques membres du C.N.R. étaient parvenues à un degré d'unificationsatisfaisante et qu'elles avaient pris la résolution de s'auto-dissoudre au profitd'uncadreunique.Cequirendaitpourtantbiencomptedel'étatdesdiscussionsentrelesorganisationspolitiques.

    Lesdiscussionsfurentsuspendues.Leprésidentseréserval'initiativedeleurrelance. Elles reprirent de nouveau au mois de Juin 1987. La difficulté qui

  • surgiraalors,concerneralesmodalitésdeconstitutionduComitéProvisoirepourleParti.Surcepoint,nousfûmes,lereprésentantduG.C.B.(Jean-MarcPalm)etmoi (représentant du l'U.L.C.(R)), divergents. Le représentant de l'U.C.B.(Watamu Lamien), comme dans toutes les questions épineuses, demeuralouvoyant.LeG.C.B., proposa que leComitéProvisoire fût composé de deuxmembres par organisation selon un rapport arithmétique. Je proposai de moncôté que l'initiative de la composition du Comité Provisoire soit laissée à ladiscrétion du Président du C.N.R., puisque personne ne s'opposait à sonleadership.

    Le lendemain, Blaise Compaoré qui n'avait pas assisté à la réunion, feraallusionàmapropositionenmetraitantde«lâche».Lorsquejeluidemandaiderépétercequ'ilvenaitdedirepourquejefussesûrdel'avoirbienentendu,ilserétracta.Pourmoi,c'étaitonnepeutplusclair.BlaiseCompaorénevoyaitpasl'unificationd'unbonoeil.Pourquoi?

    Lors de ces discussions, l'Organisation Militaire Révolutionnaire étaitreprésentée par le CapitaineHenri Zongo qui soutenait alors, comme on peuts'endouter,lesvuesduPrésidentThomasSankara.

    L'«U.L.C.»-La Flamme était absente au cours de ces discussions malgrél'insistancedeBlaiseCompaorépourqu'elle fût intégréeauC.N.R.etassociéeau processus d'unification. Sur ce point, nous avons refusé toutmarchandage.Nous étions déterminés à nous retirer du C.N.R. si on y faisait rentrerl'«U.L.C.»-La Flamme, car on ne pouvait se retrouver uni avec des élémentsdontons'étaitséparéauparavant!

    Les discussions aboutirent cependant à des conclusions heureuses et furentsanctionnées par trois procès-verbaux co-signés par les représentants desdiverses organisations(5). Alors, d'où vient l'accusation selon laquelle lePrésident du C.N.R. avait entrepris de «dissoudre de façon autoritaire, lesdifférentes organisations politiques membres du CN.R., et de créer son partifantôche?»

    Les organisations politiquesmembres duC.N.R. ont bel et bien donné leuraccordaupland'unification,fruitdelonguesdiscussionsétaléessurdeuxannéestout au long desquelles le Président du C.N.R. usa de patience et depersévérance. Il ne restait plus qu'à engager la phase concrète de l'unification.

  • Maisc'étaitsanscompteravecBlaiseCompaoré,quivoyaitlàautantdemoyensque le Président Thomas Sankara se donnait pour «asseoir son pouvoirpersonnel».

    5.L'organisationd'unecabalecontrel'U.L.C.(R)etsesmembresdirigeants,afindecompromettrel'accordd'unificationentrelesorganisationspolitiques

    Le ton sera donné lors des Journées anti-impérialistes de l'Université,organisées du 11 au 17 Mai 1987. Les responsables du Comité d'universitérisquèrentd'êtrelynchésparlegrosdelatroupepours'êtreattaquésouvertementet nommément à des responsables de l'U.L.C.(R), non seulementmembres dugouvernement,maisaussimembresdesplushautesinstancesduC.N.R.

    LorsdelacommémorationdelaJournéedu1erMai,l'U.L.C.(R)fitparaîtrelenuméro 8 de son organe central, Le Prolétaire. Une analyse impitoyable del'opportunisme arriviste y était faite et on ymettait en garde contre le dangerimminent d'une restauration bourgeoise néo-coloniale. Il n'en fallait pas pluspourmettrelefeuauxpoudres.Lechefdesconjurés,BlaiseCompaoré,oeuvrantpourladiterestauration,nesetrompapasenprenantlacritiqueàsoncompte.Ilorganisa aussitôt une réplique à la hauteur de l'affront. Il commandital'apparitiond'untractorduriercontrel'U.L.C.(R)etsesdirigeantsetnesecachapasd'enêtreleprincipalpropagateur.Celanesuffisantpas,illoualesservicesdeconférencierstelsKaderCisséetEtienneTraoré.

    Cesconférences,quidevaientêtredonnéesàl'université,mirentlesétudiantsdans un état d'effervescence comparable à une véritable veillée d'armes. Nostroupesfurentmobiliséesetinvitéesàyparticiperactivement.Pourlapremièrefoisdansl'histoiredel'UniversitédeOuagadougou,lesforcesarméesinvestirentles lieux. C'est sous bonne escorte qu'Etienne Traoré réussit à donner saconférence qui n'était ni plus ni moins qu'un plagiat retourné desdéveloppements théoriques contenus dans le numéro 8 du Prolétaire.On avaitinterdit l'accès de la salle de conférence aux militants de l'U.L.C.(R). Laconférence qui devait être donnée par Kader Cissé, le transfuge, ne put avoirlieu. Nos troupes mieux organisées avaient réussi à déjouer la vigilance descommandos et des indicateurs postés aux portes, et à investir la salle. Lesrenforts de commandos arrivèrent et cinq de nos camarades dont Guy Yogo,furent appréhendés. J'en informai aussitôt le P.F. qui ordonna leur relaxe

  • immédiate.

    Aucoursd'unedecesconférences,BasileGuissou,Ministredel'Information,se présenta aux côtés de nos militants. Le lendemain, il fit paraître sous unpseudonyme, un article dans le quotidien national Sidwaya où il dénonçaitvigoureusement la recrudescence dumilitarisme sous laRévolution.Ces deuxélémentsfurentretenusàsachargeetàlachargedel'Organisation.LePrésidentduFaso, lorsd'unconseildesministres, le tançaouvertementet l'Organisationnefutpasépargnée.

    Danscebrasdefer, lePrésidentcontinuaitdeprendrepositionenfaveurdeBlaise Compaoré et de Pierre Ouédraogo. Il n'ignorait pourtant pas que cesderniersétaientlesvraisresponsables,maisilétaitcourroucécontrenousparcequ'il estimait que nous avions donné dans la provocation, en oubliant lesvéritables enjeux que l'on refusait encore de poser en termes clairs. Il acependant arrêté d'autorité la diffusion à la radio de ces conférences au granddépitdesprovocateurs.

    BlaiseCompaorévenaitalorsdegagnerunemanchede labatailleetnon lamoindre!

    6.LatenuedelaConférenceNationaledesEtudiantsàPôenAoût1987

    Unmois avant la tenue de cette conférence, le ton fut donné: Somé Jonas,l'homme demain deBlaiseCompaoré sur le campus universitaire, lança dansdesémissionstéléviséesdesattaquesàpeinevoiléescontrenotreOrganisation.Un certain pigiste, du nom de Gabriel Tamini, prit le relais dans sescommentaires radiodiffusés. C'est dans cette période que l'on convoqua le 18Août1987unedesavant-dernièresréunionsdesOrganisationspolitiquesautourdelaquestiondel'unification.Nousrefusâmesd'yprendrepartenadressantauPrésidentduC.N.R.unelettredanslaquellenousdonnionslesraisonsdenotreabstention(6):

    - on ne peut parler d'unité alors que l'on encourage les militants d'uneorganisationàs'attaquerpubliquementàl'U.L.C.(R);

    - on ne peut être partie prenante d'un processus et en même temps être

  • vilipendédanslesorganesdepressedel'Etatquicontrôleleditprocessus.

    L'aubaine! Blaise Compaoré s'en saisit pour demander l'unification desorganisationsconsentantesetpuisquel'U.L.C.(R)s'yrefusait,tantpispourelle!

    Cette fois c'était trop gros! Le Président du C.N.R. refusa de suivre soncompagnondansl'intérêtquecelui-cimanifestaitsoudainpourl'unificationdesorganisations politiques. Il convoqua une table ronde des organisationspolitiquesafindesortirdel'impasse.Ilmevitauparavantpourmeconvaincredufait que nous perdions de vue l'enjeu primordial en nous retirant du processusd'unification.NousétionsentraindefairelapartbelleàBlaiseCompaoré,medit-il.Enfin,nousétionssurlamêmelongueurd'ondes!Toutétaitdevenuclairpour lePrésidentThomasSankara.Oudumoins, consentait-il enfin à aborderavecmoi,sansdétour, lesvéritables termesde l'enjeu.Nousallâmesdoncà latableronde.

    Les représentants de l'U.C.B. furent confondus. Le représentant du G.C.B.essaya timidement de leur venir en aide tant la cause était difficilementdéfendable. Une conclusion s'imposait: présentement c'était l'U.C.B. - onignoraitpourquelleraison(biensûr!)-quiétaitentraindetoutmettreenoeuvrepour entraver le processus d'unification déjà fort avancé. Le Présidentrecommanda aux uns et aux autres des attitudes responsables et donna desinstructions fermes pour que les organes d'Etat ne soient pas le fief d'unequelconque organisation. Il nous fut demandé de surseoir à notre demande deboycott de la ConférenceNationale des Etudiants. Exerçant le contrôle sur lamajoritédesétudiants,nousavionseneffetentreprispourrépondreauxattaques,de boycotter cette assise nationale. Ainsi à l'Université de Ouagadougou, leComitéd'Universitén'avaitréussiàinscriresurlalistedeparticipationqueseizenoms.LeSecrétariatGénéralNationaldesC.D.R.,desoncôté,s'arrangeapourm'écarterdel'organisationpolitiquedecetteConférenceNationale.Lesattaquesdemeurèrentsournoises.

    Lorsque tous lesmembresdugouvernement furentappelésà se rendre àPôpour l'ouverture officielle de ces assises, j'obtins l'autorisationduPrésident duFasodenepasm'yrendre.LatenuedecetteConférenceNationalefutpournotrecause une erreur stratégique. Il aurait fallu, compte tenu des conditions quiavaient entouré sa convocation, l'annuler ou simplement la reporter. Malgrél'agitation qui fut faite et la mobilisation des grands moyens, la participation

  • étudianteàcetteconférencefutfaible.IlyeutdessortiesàpeinevoiléescontrelePrésidentduC.N.R.LaConférencesetintsouslehautcontrôleduCapitaineBlaiseCompaoréquiavaitacquisleCapitainePierreOuédraogoàsonprojetdeconjuration.

    J'ai estimé, tout commeau jeud'échecs, qu'il y adespositionsqu'il ne fautjamaiscéderàl'adversaireaurisquedetoutperdre.Onpeutsacrifierdumatériel,pourgagnerdu tempsetde l'espace,mais l'ondoit toujoursveilleràceque lesacrificenesoitpasplusimportantquelegainescompté.

    La-tenue-delaConférenceNationaledePô,danslesconditionsquel'onsait,futuneconcessiontrèsimportantedenotrepart.Apartirdelà,BlaiseCompaorétravailleraà faire tomberuneàune lesplaces fortes.Sespartisansà l'issuedecetteconférencesesentirontassurésd'unecertaineimpunité.Désormais,ilsvonttout se permettre sans craindre aucune autorité et ils multiplieront les actesd'indisciplineetdeprovocation.

    7. Le discours du Président du C.N.R., le 4 Août1987àBoboDioulasso

    A la veille de la commémoration du 4ème anniversaire de la RévolutionDémocratiqueetPopulaire(R.D.P.),prenantencomptelesobservationsdeceuxqui avaient su conservernon seulement l'esprit critiquemais encoreuneclaireconscience de la juste orientation à imprimer au processus révolutionnaire encours,etquiosaientlaformuler(l),lePrésidentThomasSankaraétaitarrivéauconstatsuivant:

    a) l'état de démobilisation des masses soumises à la pression d'unetransformationrapidedeschoses,exaspéréesparlafaçoncavalièreduSecrétaireGénéral National des C.D.R. de résoudre les problèmes - cet état dedémobilisationdonc,suscitaituncertainnombred'ajustementsparmilesquels:

    -larelèveduCapitainePierreOuédraogoduSecrétariatGénéralNationaldesC.D.R.,etsonaffectationàunautrepostederesponsabilité;

    -lacorrectiondecertaineserreurs,telslelicenciementdesinstituteurs,etlesdégagementsabusifsdesfonctionnaires.

  • b)Onnepeutpasfairelebonheurd'unpeupleàsoncorpsdéfendant:«Mieuxvaut,dira-t-il,unseulpasaveclepeuplequedixpassanslepeuple».Lerythmedestransformationsdevaitdoncconnaîtreunepause.

    c) Il s'était jusqu'à présent exténué dans les tâches de l'exécutif et del'administrationdeshommesetdeschoses. Il lui fallaitdureculpours'investirvéritablement dans les questions d'orientation politique et demobilisation desmassespopulaires.

    Quedeviendraitl'exécutif?IileconfieraitàBlaiseCompaoréquideviendraitainsilechefdugouvernement.Onverraparlasuitel'utilisationmalhonnêtequisera faite de cette proposition. Le Président du Faso avait l'intention des'organiserdelongsséjoursdanstouteslesprovincesdupays,afindesemettreàl'écoutedespopulations.

    Aussi, dans son discours du 4 Août 1987 à Bobo Dioulasso, le PrésidentThomas Sankara insistera-t-il sur la nouvelle impulsion qu'il voulait imprimerauxchoses.Ilferaappelàl'unitédesforcesrévolutionnaires,sanssectarisme.Ilappellera lesmilitants révolutionnairesàmoinsde radicalismeverbaletàplusd'actions concrètes en faveur du peuple qui ne se nourrit pas de slogans. Ilcondamnera l'anathématisationdans les diversmilieux révolutionnaires. Il feraappelaudialogueentrerévolutionnaires,etaudialogueentrerévolutionnairesetnonrévolutionnaires.Illoueralesvertusdelaclémenceetdupardonvis-àvisdeceux qui hier ont péché non parce qu'ils sont congénitalement etirrémédiablementmauvais,mais seulement, par erreur, parméconnaissance. Ilannoncera, pour donner l'exemple, la reprise des instituteurs licenciés et leréexamendesdossiersdesfonctionnairesdégagésenvued'unéventuelréemploi.

    Trois mois avant d'être assassiné, tel a été le contenu du discours que lePrésident Thomas Sankara adressa au peuple burkinabé. Un véritable legstestamentaire dans lequel l'homme n'hésite pas à reconnaître les erreurs d'unprocessusdontilétaitleprincipaldirigeantetàproposerdescorrectionsetuneattitudenouvellepouréviterleurretour.

    Aussitôt après le discours de Bobo, Blaise Compaoré et ses partisanspasseront à l'attaque. Il ne leur fallait paspermettre la réalisationd'un tel pland'action annoncé car ce serait là le meilleur moyen d'empêcherl'accomplissementdeleurdessein.

  • De son vivant, le P.F. sera dénoncé pour avoir initié des mesures visant àrectifier leprocessusrévolutionnaire.Mort, ilseracondamnépourn'avoir«pasvouluentreprendrelarectification».Comprennequipourra!

    Lesparjuresoeuvrerontbeaucouppourprendrelecontre-piedducontenududiscours deBobo. Parvenus à leurs fins, ils en feront un acte de foi. Dans lediscoursdeBobo,ilsvoulurentvoiretfairevoirunerenonciationdelapartduPrésident duC.N.R. à la lutte des classes, une apologie de la conciliation desclasses. Ils retournèrent le Discours d'Orientation Politique (D.O.P.) du 2Octobre1983duC.N.R.contrelePrésidentduC.N.R.Ils'enfirentleslégatairesalorsqu'ilsn'étaientpasencorevenusàlaRévolutionquandleD.O.P.traçaitsesgrandesorientationsetsesfondementspolitiques!

    L'indigent et servile pigiste du nom de Gabriel Tamini, le 31 Août 1987,s'emparad'unpassageduD.O.P.pourl'opposeràl'espritdedialoguepréconisépar le Président du C.N.R. entre révolutionnaires et non révolutionnaires. Cepassageindique:

    «Quoique l'on fasse,quoique l'ondise, elles (les classesparasitaires)resteront toujours égales à elles-mêmes et continueront de tramercomplots et intrigues pour la reconquête du "royaume perdu". De cesnostalgiques,ilnefautpoints'attendreàunereconversiondementalitéetd'attitudes. Ils ne sont sensibles et ne comprennent que le langagede lalutte, la lutte des classes révolutionnaires contre les exploiteurs etoppresseursdespeuples.Notre révolutionserapoureux lachose laplusautoritairequisoit;elleseraunacteparlequellepeupleleurimposerasavolontépartouslesmoyensdontildisposeets'illefautparlesarmes».

    ConsidérantnonsanspitiélesthuriférairesdelatrempedeGabrielTamini,ilme revient une histoire que l'onm'a conté lorsque j'étais encore petit: unpèredanslatraditioninitiatique,avaitconfiéàsonfilslemot-cléqu'illuisuffisaitdeprononcerdansuncorps-à-corpspourveniràboutd'unadversairequelconque.Le fils vola de succès en succès, de victoire en victoire; «Dou!», était lemotmagique!Unjour,nesecontenantplus,danslevertigedesessuccès,ilentrepritde s'essayeraupère lui-même.Sitôt lecorps-à-corpsengagé, le fils sehâtadeprononcer:«Dou!».Lepèrerépondit:«Dou-Da!».Etl'aigletouchalesol!Telestprisquicroyaitprendre!

  • Les idéologues de la conjuration n'avaient appris que le «Dou!». Leurimpatienceetleurambitiondébordanteleurontferméàjamaislaconnaissancedu«Dou-Da!»delarévolutionsankariste.

    NullepartdanssondiscoursdeBobo, le4Août1987, lePrésidentThomasSankara n'a préconisé la collaboration avec les classes parasitaires demeuréeségales à elles-mêmes. Il a seulement parlé de la conversion des non-révolutionnaires. Or, «non-révolutionnaire» ne signifie pas forcément anti-révolutionnaireoucontre-révolutionnaire.Lesnuancesetlessubtilitéssonthorsd'atteintedesnéophytesetdesnouveauxvenusàlaRévolutiontelsqueGabrielTaminietautreJonasSomé!

    Aucoursdecetterétrospectivedesévénementsàlaquellenousavonsprocédécematindu15Octobre1987, lePrésidentThomasSankaraetmoi, jen'aipascherché à le blanchir.Au contraire! J'ai conclu en lui affirmant que lui-mêmeavaitmarchédansleplancontrel'U.L.C.(R).Etquec'estseulementàlaveilledela Conférence Nationale des Etudiants à Pô qu'il avait réalisé toute lamachination.Vraiou faux? Il s'est contentédemedirequ'il nevoulait pas endébattremaisquej'étaisendroitdegardermesconvictions.

    Toujours dans la même matinée du 15 Octobre 1987, nous avons eu, lePrésidentThomasSankaraetmoi,àdiscuterdeChantalTerrassondeFougère,la«furie adorable» deBiaiseCompaoré(8). La veille dans la nuit, unmien ami,intimeducoupleCompaoré,s'étaitainsiépanché:

    - Entre le P.F. et son second c'est comme le jour et la nuit! L'un est troppuriste, l'autre trop libertin. Pourquoi n'essayerais-je donc pas, me confia cetami,dedemanderauP.F.de«mettreunpeudevindanssoneau?»Imagine-toileP.F.entrain,enpleinpublic,desouleverunverredebière!Tunepeuxpast'imaginercombienilmettraitlesgensàl'aise!

    Et le même de s'étendre sur les mauvais rapports qu'entrenait le P.F. avecDame Chantal Compaoré qui s'en plaignait énormément, es Limant que toutl'entourageduPrésidentThomasSankaralarejettaitdufaitdesesorigines.D'où,sonattitudedéfensive...C'estpourquoi,unenuitquelePrésidentduFasoétaitàlarecherchedesonamiBlaise,elles'étaitcontentéedelerecevoirsurleseuildesa porte en lui disant que Compaoré n'était pas là. Elle n'avait pas voulu se

  • donnerlapeinedelefaireentrerchezeux,nidelerecevoircommeilsedevait.Aprèstout,ellen'existaitpaspourlui.Ilnevenaitquepoursonami:àcedernierdelerecevoir!

    Ladite Dame Chantal Terrasson de Fougère ne ratait jamais l'occasion dedéfierleP.F.Ainsi,unjourqueleP.F.dînaitaveceux,ellen'avaitpascraintdefairevenirunebouteilledechampagne,del'ouvriretdelaluiproposer.Fidèleàsonéthique,lePrésidentSankaradéclinal'offre.Etelle,dedéclarerdevanttousles convives:«Tantpispour ceuxqui sepriventde champagne!Nous,nousysommes habitués et ce n'est pas au nomd'une prétendueRévolution que nousnousenpriverons!»

    LeP.F.accusalecoupsansdiremot.

    Aunombredesgriefsqu'ellenourrissaitcontreleP.F.,ilyavaitlefaitqu'elleétait continuellement égratignée par l'Intrus(9), alors qu'on y faisait jamaismentiondeMariamSankara.

    Ilyavaitaussilefaitqu'elles'étaitsentiebafouéelorsdelavisiteofficielleduPrésident français accompagné de son épouse. Le protocole d'Etat les avaitsaisieselleetmadameZongopourlacérémonied'accueil.Auderniermoment,le Président Thomas Sankara les avait convoquées à la Présidence, pour leursignifierqu'ellesdevaients'abstenirdes'yrendre:seuleMariamSankaradevaitenêtre.

    Etmonamiconclut:

    -Ilvousfautfairetrèsattention.CettefemmeestcapablederetournerBlaiseCompaoré contre vous. Quel mari à chaque fois qu'il rentre chez lui, aimes'entendre dire: -Regarde les airs que tu te donnes!Alors que dehors, tu n'esqu'unfigurantdansledécoraménagépourlarenomméed'unindividuquiapournomThomasSankara.

    L'amienquestion(devenuministredeB.Compaoré)m'aaffirméavoirétéletémoind'unescènedecegenreentreBlaiseCompaoréetsonépouse.

    Le matin du 15 Octobre 1987, j'ai donc rapporté ces propos au PrésidentThomasSankara,luireprochantsonmanquededélicatessevisà-visdesonalter

  • ego.Ilareconnuavecmoi,qu'iln'avaitpaslesmeilleursrapportsavecChantalCompaoré,maisqu'ilavaitprisdepuis l'engagementdenormaliser lasituation.Aussitôt qu'elle serait rentrée de Paris, où elle se trouvait présentement, ilinitieraitunchangementdeleursrapports.

    Concernant l'incident du «protocole d'accueil de Monsieur et MadameMitterrand», sa version fut tout autre. Pour l'Intrus, il m'assura que tous lesarticlesparussurChantalCompaoréavaientétéenvoyésparsoncherépoux!Ilétaitdoncsurprisqu'onluientiennegriefàlui!IlattendraitleretourdeChantalpouréclaircircetteaffaire.Ilserendraitchezeux,etenprésencedesonépouxlui demanderait ce qu'elle pense de l'Intrus, après quoi il lui dirait: - Tu saisChantal, toutcequiaétéécritdansce journalsur toi, l'aétépar le faitde tonmari.Jen'ysuispourrien,moi!Ilestlà,tupeuxleluidemander.

    Cerappelde la«petitehistoire»estnécessaireafinque l'onréalisebienquependantque lePrésidentThomasSankaranourrissait desprojets d'avenir pourl'amélioration de ses rapports avec le couple Compaoré, Blaise Compaoré luifourbissaitsesarmespourlemettreàmort!

    Cette question ci-dessus exposée, quenous avons eu à aborder inopinémentlui et moi, m'a convaincu davantage vu sa disposition d'esprit, que ThomasSankaranenourrissaitcontreBlaiseCompaoréaucundesseinfunesteetl'hommesemblaitsincère.

    Tel fut le contenu du dernier entretien que j'eus avec le Président ThomasSankara.J'ometsdefairementiondequelquesquestionssubsidiairesoun'ayantaucuneimportancepourlacompréhensionduprésentsujet.

    Jel'aiquittéauxenvironsde11h.Jen'allaispluslerevoir.

  • Cequi est arrivé le 15Octobre1987 au soir est l'aboutissement conséquentd'unplanminutieusementélaboréetconduitdemaindemaître.Onpeutrésumerleplandelaconspirationcommesuit:

    1°)S'assurerlecontrôledesOrganisationspolitiquesmembresduC.N.R.,ens'attachantleursprincipauxdirigeantsparlacorruption.

    2°) Par l'entremise des Organisations politiques ainsi acquises, exercer uncontrôle sur les diverses structures populaires (Comités de Défense de laRévolution, Pouvoirs Révolutionnaires Provinciaux, Union des FemmesBurkinabé,syndicats,etc.)envuedesusciterunmouvementdemécontentementcontrelapolitiqueduC.N.R.etsurtoutcontresonPrésident.

    3°) S'attacher par la corruption, les principaux chefs militaires (à cet effet,beaucoupdemillionsdefrancsCFAontétédistribuésdanslescasernes).

    4°) Susciter des alliances en dehors du C.N.R., avec des organisationspolitiquestellesqueleP.A.I.(PartiAfricainpourl'Indépendance)etleP.C.R.V.(PartiCommunisteRévolutionnaireVoltaïque).Destentativesd'approcheontétéeffectuéesendirectiondecesdeuxorganisations.

    5°) Réveiller les sentiments du groupe de pression tribale des Mossi deOuagadougou.

    6°)Pratiquerlamaximesuivante:«ErrealliédeRome,ets'enfaireunappui,c'estl'uniquemoyenderégneraujourd'hui»(la).Pourcefaire,parl'entremisedeDjibrinaBarry,AmbassadeurduBurkinaFasoàParis,un intriguantde laplusbelle eau,présenterune imageacceptabledans lemilieude ladroite françaisedonnéegagnanteauxélectionsquis'annonçaient.

    Lechefdelaconspirationlui-mêmemettraàprofitl'année(Septembre1986àSeptembre 1987) pour effectuer de nombreux voyages à l'extérieur du pays,

  • notamment en Chine, en URSS, en Libye et en Côte d'Ivoire, s'arrangeanttoujours,lorsquec'étaitpossible,pourfairedesescalesplusoumoinsprolongéesàParis.

    De retour de Moscou, il s'arrêtera à Tripoli où il gagnera le soutien deKhadafi.LePrésidentThomasSankaraavaitfiniparporterombrageau«GrandFrère» Khadafi à cause de ses «immixtions» impromptues dans les questionsinternationales où était impliquée la Libye (ce fut le cas pour la questiontchadienne).

    Parl'entremisedeFrédéricKorsaga,AmbassadeurduBurkinaFasoàAbidjan,Compaorévamultiplierlesactesd'allégeanceau«Vieux».Danslemilieudelaclassepolitiqueivoirienne,plusroyalistequeleroilui-même,l'impatienceétaitàpeinecontenued'enfinirenfinavecce«dérangeant»CapitaineThomasSankara.Le «Vieux», longtemps demeuré sourd aux interpellations renouvelées de saclassepolitique,avaitfinipardonnerlefeuvert:«raitoutfait,dira-t-il,pourmeconcilierle"Petit",maisenvain».

    Le Veux se décrit lui-même, comme étant «un crocodile qui dort les yeuxouverts.Uncrocodilequisenourritdecapitaines».Ilavaitprononcécettephrasecomme réplique auxprovocationsduCapitainePierreOuédraogo (encore lui),qui au cours d'un meeting aux portes du «Vieux» à Gnangologo (villagefrontalier)l'avaitqualifiéde«Vieuxcrocodile»...

    ConcernantlecasduBurkinarévolutionnaire,Houphouët-Boignyavaitchoisilatactiquedelapriseduchâteau-fortdel'intérieur.Ils'arrangeapourmettre leverdanslefruitetilluisuffitd'attendrequelepourrissements'effectuât.Quellesque soient ses protestations énergiques (la quête forcenée duPrixNobel de laPaixl'yoblige!), iln'estpasétrangeràcequis'estpasséàOuagadougoule15Octobre1987mêmes'iln'apeut-êtrepassouhaitélamortduPrésidentThomasSankara.

    Aussitôt après le 15 Octobre 1987, on raconte, que Blaise Compaoré s'estrenduclandestinementauprèsdu«Vieux»pourluirendrecompte.Celui-ciseraitrentrédansuneviolentecolèrecontresonprotégé:«Pourtant,devait-il luidire,tum'avaisassurédesonimpopularité!»

    7°) Amener la presse à décrier le Président Thomas Sankara et à présenter

  • BlaiseCompaoré,commel'alternativenécessaire.Aunombredestractsquiontpu circuler dans cette période contre le Président du C.N.R., il en est un,particulièrementsymptômatique,signéparunregroupementdeMossismilitantpourl'hégémoniesanspartagedecetteethniemajoritaireauBurkina.Onpouvaityreleverlefaitqueplusjamaislesangd'unMossinecouleraitdufaitd'unautreMossietauprofitd'unétranger.L'allusionauPrésidentThomasSankaraétaitàpeinevoilée.Onyinvitait touslesMossisàs'unirpourbouterhorsdeslimitesdupouvoir l'ennemicommunétranger!Dans leBurkinaFasode1987, quedetellesmanifestationsdetribalismeaientétéencorepossibles,voilàquisurprendàplusd'untitre.

    8°)Enfin:travailleràendormirlavigilanceduPrésidentThomasSankaraenarguant la fidélité et l'amitié, principes sacrés chez les Mossi et que l'on nesauraittrahir.

    Ce qui fait des événements du 15 Octobre 1987, une véritable tragé diecornélienne, c'est que le Président Thomas Sankara était au fait et dans leursmoindresdétails, de tous les agissementsdesmembresde la conjuration et deleursréellesintentions.

  • 1.Desdéclarationsd'intention

    Sont relatées ici les déclarations d'intention des conspirateurs qui furentconnuesduPrésidentThomasSankara,cequiauraitpuluipermettred'entraverleurprojethomicide.

    Aumois de Septembre 1987, il y eut unmouvement général des chefs desRégionsmilitaires.Lescommandantsdela3èmeet4èmeRégionmilitairefurentinterchangés:leCapitaineBoukaryKaborécédant lecommandementduB.I.A.au Commandant Louis-Joanny Yaméogo, pour aller remplacer ce dernier àBobo.

    Unsieurdetristerenom,àlasoldedeBlaiseCompaoréetduCapitainePalm,connusouslenomdeCisséalias«Kennedy»,s'enallatrouverleCommandantYaméogo:

    - J'ai appris que tu es concerné par le mouvement général des chefs desRégions militaires.Mais rassure-toi, tu n'auras pas à bouger d'ici, car bientôtBlaiseferasafêteàThomasSankara(sic!).

    De cet entretien, il y eut une fuite. Blaise Compaoré, craignant que lePrésidentduFasoen fut informé,prit lesdevantsetproposa l'arrestationdudit«Kennedy».Ce qui fut fait.Mais dans l'idée deBlaiseCompaoré, ii s'agissaitseulementdeluidonnerunepetiteleçon,etdelefairerelâcherensuite.LeP.F.ne l'entendait pas de cette oreille. Il exigea le transfert du prisonnier de lagendarmerie de Bobo à celle de Ouagadougou, afin d'éclaircir les tenants etaboutissantsdecetteaffaire.Lesévénementsdu15Octobre1987l'ytrouverontencore pour des raisons d'enquête. Ce fut la première déclaration d'intentionconnue.

    La deuxième déclaration d'intention se produisit la veille du voyage duPrésident du Faso en Ethiopie, soit aux environs du 12 Septembre 1987, afin

  • d'assisteràlaproclamationdelaRépubliqueéthiopienne.J'aieuàl'informerducontenudes propos tenusparWatamuLamien, Secrétaire général de l'U.C.B.,quiaffirma:

    -Ilsavaientsimulétoutesleshypothèsesd'uncoupdeforceetavaientfiniparretenir celle de l'assassinat.Mais ils ne pouvaient entreprendre de renverser lePrésidentduFasopendantqu'ilsetrouvaitàl'étranger.

    LeP.F.n'enparutpassurpris.Lui-même,devait-ilmedire,avaitenvisagéunetelle éventualité de la part des conspirateurs. L'essentiel pour nous, devait-ilpoursuivre, est de veiller durant cette période difficile à empêcher ce projetd'assassinat...

    La troisième déclaration d'intention fut le fait de Chantal Terrasson deFougère devenue Madame Compaoré. En présence de l'épouse de PaulinBamouni(tt),elleprétenditqueMariamnesavaitpass'habillermalgrésesgrandsairsd'intellectuelleetquebientôtl'onverraitladifférence,lorsqu'elledeviendraitlaPremièreDamedupays...Audelàdecesconsidérationsridicules,onpouvaitpercevoirquequelquechosesemijotait.

    Laquatrièmedéclarationd'intentionesttoujoursdeChantalCompaoré,surlecheminquimèned'AbidjanàParis.BlaiseCompaoré,enprévisiondel'épreuvede force qu'il comptait engager, avait entrepris demettre en lieu sûr sa petitefamille.C'étaitfinSeptembre1987.AAbidjan,aucoursd'uneconversationdesalon entre gens de bonne compagnie (conversation qui nous fut rapportée),MadameCompaoré affirma devoir se rendre à Paris pour y attendre, le tempsquesonmari«règlelecompteàceprétentieuxdeThomasSankara»(sic!).

    La cinquième déclaration d'intention connue fut faite par JeanMarc Palm,Secrétairegénéral duG.C.B. et frère aînéduCapitainePalm, leplus faroucheserviteur de Blaise Compaoré. Jean-Marc Palm a été le premier ministre desRelationsExtérieuresdu régimeduFront«Populaire».LespartisansdeBlaiseCompaoré venaient de se voir infliger une défaite après le grand meetingorganiséle10OctobreàBobo.LeHaut-CommissairedelaprovinceduHouet,Thomas-PaulSanou,venaitdeconfirmerparcettedémonstrationéclatante soncontrôle sans partage sur les masses de sa province. Sa popularité était bienassise.LespartisansdeBlaiseCompaoré-notammentlesdirigeantsduG.C.B.-en furent pour leurs frais, eux qui faisaient croire qu'ils contrôlaient cette

  • province! Furieux, Jean-Marc Palm proféra le soir même du meeting, desmenacesàl'encontredecertainsmilitantsdel'U.L.C.(R):

    - Vous venez de remporter une manche, mais vous ne perdez rien pourattendre.Jepeuxvousgarantirquec'estlà-haut(àOuagadougou)quetoutvaserégler.Là-bas,voschefsserontchâtiésetvousvousretrouverezorphelins,sansprotection.Acemoment,rirabienquiriraledernier!

    2.Desoccasionsmanquées

    La commémoration de l'anniversaire du 4 Août à Bobo Dioulasso fut lapremière occasion manquée. On devait y récidiver le scénario par lequel lePrésidentégyptienAnouarElSadateatrouvélamort.

    Sous prétexte d'assurer la sécurité de la manifestation, Blaise Compaoré,Commandantdela5èmeRégionmilitaire,avaitfaitdescendredeP8surBobo,legrosdeses troupesafind'yoccuper lespointsstratégiques.Ledangerd'uneagression extérieure servit de diversion. Divertir avec le «Fou» (le CapitaineKamboulé réfugié en Côte d'Ivoire) pour «faire mat» avec la «Reine» (leCapitaineBlaiseCompaoré). Soupçonnant lamanoeuvre, le Président ThomasSankara fit doubler les hommes de Pô par les hommes de Koudougou, leshommesduC.N.E.C.parleshommesduB.I.A.,leshommesduCapitaineBlaiseCompaoréparleshommesduCapitaineBoukaryKaboré.

    Tousceux,nationauxcommeétrangers,quiétaientvenusàBobo, le4Août1987, prendre part aux manifestations ont certainement ressenti le malaiseambiant même s'ils étaient loin de se douter qu'un drame était en train d'êtredéjoué.

    La commémoration de l'anniversaire du Discours d'Orientation Politique(D.O.P.), le 2 Octobre 1987, à Tenkodogo, constitua la seconde occasionmanquée.Là,onprojetaitd'assassinerlePrésidentThomasSankaraaucoursdubal populaire organisé pour clôre les cérémonies commémoratives. On devaitmettre àprofit lepenchantduP.F. pour se fondredans lesmasses loinde sesgardes du corps et l'abattre. Grâce à l'insistance de son aide de camp, leCapitaine Etienne Zongo, le Président quitta précipitamment le cocktail offertparleHaut-Commissairedelaprovince,uneheureavantl'ouverturedubal,pourregagnerlacapitalesousbonneescorte.

  • La troisième occasion manquée fut une tentative de désespoir. La paniques'étaitinstalléedanslesrangsdesconspirateursaprèsdenombreusesdéfections.Le Président Thomas Sankara avait annoncé sa visite à Blaise Compaoré quisimulait la maladie. C'était le 8 Octobre 1987. Dès l'apparition de la voitureprésidentielle, lesgardesdeBlaiseCompaoré,dirigéspar sonaidede camp leSergentYacintheKafando, avaient reçu l'ordre d'ouvrir le feu.Onmettrait ceforfait au compte d'un accident regrettable survenu à la barrière de contrôleinterdisant l'accèsà la résidencedeBlaiseCompaoré.A ladernièreminute, seravisant, Blaise Compaoré annula l'ordre.Mais déjà, àAbidjan, au sein de laclasse politique, la rumeur de l'assassinat de Thomas Sankara s'était répanduecommeunetraînéedepoudre...

    Laquatrièmeoccasionmanquée,cefutlorsd'unemanifestationquieutlieuàKaya,chef-lieude laprovinceduSanmantenga, situéà100kmde lacapitale.C'était le 13 ou le 14 Octobre 1987. Le Président, informé à temps qu'unemachinationl'yattendait,s'abstintdes'yrendreetyenvoyaleCapitainePierreOuédraogopour lereprésenter.Cederniervenait, le lerOctobre1987,defaireamendehonorableensedésolidarisantdesconjurésentourantBlaiseCompaoré,aveclesquelsilavaitlongtempscheminé.

    Il y a certainement eu d'autres tentatives avortées d'assassiner le PrésidentThomasSankara.Jen'aifaitmentioniciquedecellesdontj'aieuconnaissance.

  • Une question naturellement vient à l'esprit après ce qui vient d'être dit:Pourquoi étant en possession de toutes ces informations concordantes, lePrésident Thomas Sankara n'a-t-il pas réagi? Pourquoi ne s'est-il pas donnél'initiative de l'action, puisqu'il en avait les moyens, en faisant par exemplearrêterBlaiseCompaoréetsesacolytes?Adéfaut,pourquoin'avoirpascherchéàuserdesmêmesarmesscélératesquelescomploteurs?

    1.Croireenlapostérité

    Au cours de l'entretien que le Président Thomas Sankara a eu avec lejournalisteJean-PhilippeRapp,cedernierluiaposélaquestionsuivante:

    «Vousn'êtes pas à l'abri d'une prochaine élimination physique.Quelleimage aimeriez-vous laisser de votre rôle, de vousmême, si vousdisparaissiez?»

    ThomasSankara:

    «Jesouhaitequemonactionserveàconvaincrelesplusincrédules,qu'ilyauneforce,qu'elles'appellelepeuple,qu'ilfautsebattrepouretaveccepeuple.Laisserlaconvictionaussique,moyennantuncertainnombredeprécautions et une certaine organisation, nous aurons droit à la victoire,une victoire certaine et durable. Je souhaite que cette conviction gagnetous les autres pour que ce qui semble être aujourd'hui des sacrificesdeviennepoureuxdemaindesactesnormauxetsimples.Peut-être,dansnotre temps,apparaîtrons-nouscommedesconquérantsde l'inutile,maispeut-être aurons-nous ouvert une voie dans laquelle d'autres demains'engouffrerontallègrementsansmêmeréfléchir;unpeucommelorsqu'onmarche (...).Et notre consolation sera réelle àmes camarades et àmoi-même,sinousavonspuêtreutilesàquelquechose,sinousavonspuêtrepionniers. A condition, bien sûr, que nous puissions recevoir cetteconsolation,làoùnousserons...»(12)

    Avantlui,unautrerévolutionnaireintransigeantavaitdéclaré:

  • «Jesuisfaitpourcombattre lecrime,nonpour legouverner.Letempsn'estpoint arrivéoù leshommesdebienpeuvent servir impunément lapatrie; lesdéfenseursdela liberténeserontquedesproscrits tantque lahordedesfriponsdominera.»

    Cetautrerévolutionnaire,c'étaitMaximilienRobespierrequidiraencore:

    «Le ciel qui me donna une âme passionnée pour la liberté (...),m'appelle,peut-être,àtracerdemonsanglaroutequidoitconduiremonpaysaubonheur»(13)

    Cinqjoursavantd'êtreassassiné,leCommandantMarienNgouabi,PrésidentdelaRépubliquePopulaireduCongoavaitdéclaré:

    «Sitonpaysdevienttropsale,tunepeuxluirendresapropretéqu'enlelavantavectonpropresang»(14)

    2.Craindrelejugementdel'Histoire

    L'histoire, ce grand juge qui doit venger l'humanité trahie et les peuplesopprimés,voilàlerefugedesmartyrs.

    LedilemmeapparutdefaçonévidenteauPrésidentThomasSankaralorsqu'ilaperçut que son alter ego était résolu à passer à l'offensive. II devait soitconserver le pouvoir et perdre sa dignité, soit risquer de perdre le pouvoir enpréservantunedignitéchèrementacquise.Lepeuple,sanslesoutienduqueltoutl'universdeThomasSankaras'écroulait,n'auraitpascautionnéunequelconqueinitiativecontreBlaiseCompaoré,«sonamidetoujours,soncompagnonleplusfidèle»,commeill'avaittoujoursprésenté.Lepeupleburkinabéluiauraitréservéle même dédain ou la révolte qu'il affiche aujourd'hui vis-à-vis de BlaiseCompaoré et des membres de la Coordination du Front «Populaire». ThomasSankaranes'yrésignadoncpas.

    3.Legoûtdurisquequicaractérisaitl'homme

    Le Président Sankara préférait à la voie royale et aisée la marche sur unecorde raide: il pouvait à tout instant tomber et se rompre le cou. Son sportpréféré - toutPrésidentqu'ilétait -consistaitàvoltigeraubordd'undespetitsaéroplanes italiens (SIAL Marchetti) dont s'était dotée l'armée burkinabé. Le

  • risquequecomportaitlastratégiedéfensivenel'effrayaitguère.

    4.Lahantisedela trahisonet l'attachementquasisacréàcertainesvaleurs,tellel'amitié

    Qu'on ne lui fasse surtout pas l'insulte de n'avoir pas pris connaissance duPrincedeMachiavel.Ilm'aracontéavoirétéprofondémentmarquéparunactequ'ilavaiteuàposerétantélèveauLycéeOuezzinCoulibalydeBobo:toutesaclasse avait décidé de boycotter un devoir que voulait imposer un professeur,maislorsqu'ils'agitdepasseràl'acte,ils'étaitretrouvéparmiceuxquifaillirent;depuis lors, lesouvenirdecet acteétait restégravédans sonesprit et il s'étaitjuréqueplusjamaisonnel'yreprendrait.

    Agirenscélératcontresonami,celui-làmêmequiauxyeuxdesmassesetdel'Histoireétaitentréle17Mai1983enrébellionpourexigersalibération(15)etqui,le4Août1983,aconstituésonbrasarmépourlaconquêtedupouvoir,neserait-cepaslàunactedetrahison?

    Outre ces quatre raisons qui expliquent l'impassibilité du Président ThomasSankarafaceaucomplotmenaçant, ilyaaussi le faitqu'auseinde l'armée, lerapportdeforcesétaitensafaveur, tantpourlagarnisondePô,placéesouslecommandementdeBlaiseCompaoré,quepourlesautrescampsmilitaires.

    AuseindesgarnisonsentièrementacquisesauPrésidentduFaso,commecelledeKamboïnsé(situéeà10kmsdeOuagadougouetdotéedelamêmepuissancedefeuquecelledePô)commandéeparleLieutenantMichelKouama(assassinéluiaussi le15Octobre1987), lesélémentsqueBlaiseCompaoréavaitréussiàinfiltrer en tant que commandant de la 5èmeRégionmilitaire, étaient connus:LieutenantGaspardSoméetSergent-ChefMaïga.

    Avecun tel rapportde forces, il s'agissaitdedissuader l'adversaire.Et cettestratégieavaitcommencéàdonnerses fruits,commenous l'avonsvu,avec lesdéfectionsenregistréesdanslesrangsdelaconjuration.Lesputschistesavaientfiniparnepluscroireenlaréussitedeleurentreprise.Sousl'actionconjuguéededivers facteurs (intervention de la famille et d'amis de tous horizons dont leCapitaine J. J. Rawlings, Président du Ghana), la solution d'entente, deconciliation,avaitfinipars'imposeràtous.

  • Cesontlàautantderaisonsquiexpliquentl'impassibilitéduPrésidentThomasSankara. Sa seule préoccupation comme il a été dit tantôt, résidait dans lesmesuresadéquatesàprendrepouréviterl'assassinat.

  • Pourquoil'assassinateut-ilcependantlieu?

    Lastratégiedéfensiveayantportésesfruits,BlaiseCompaorés'étant«rendu»,contraint par la force des choses, les retrouvailles s'étant faites, tout périlsemblaitdèslorsécarté...

    Le soir du jeudi 15 Octobre 1987 en se rendant au Conseil de l'Entente,toujourshabillédesonsurvêtementdesport,lePrésidentThomasSankaraavaitfaitdesserrerl'étaudesaprotection.

    Si l'on en croit quelquepeu leCapitaineBlaiseCompaoré, c'était oublier le«débordement»de ses acolytes, leCapitaine J.P.Palmet leSergentYacintheKafando,quieuxnepouvaientcourirlerisquedevoirlesretrouvailless'opérersur leur dos. Un des scénarios parmi tant d'autres depuis longtemps élaborés,devaitêtremisàexécution.

    C'est le lieu d'établir un parallèle avec la façon dont s'est opéré le coup deforcedu4Août1983quiaportéleCapitaineThomasSankaraaupouvoir.Audernier moment, à la sortie d'un entretien avec le Président Jean-BaptisteOuédraogo,lechefdelaRévolutionenmarche,avaitenvoyéunémissaireàlarencontre des commandos de Pô en route vers la capitale, pour faire annulerl'action. L'émissaire tomba sur Vincent Sigué qui allait en tête de la troupe.Lorsque le Capitaine Blaise Compaoré lui demanda le contenu du message,VincentSiguépritsurluilaresponsabilitédefalsifierl'ordrereçuetrépondit:

    Le Capitaine Sankara nous fait dire que tout va bien et nous pouvonspoursuivrenotreavancée.

    Lui-mime m'expliquera par la suite qu'il ne pouvait suivre le CapitaineSankaradans son recul et courir le risquede faire abattre par la suite tous lesrévolutionnaires(16).Aussi,lespremierscoupsdefeusurprirent-ilsleCapitaineSankara à son domicile, confiant qu'il était d'avoir annulé le coup. VincentSigué,parsatéméritéetsaperspicacitévenaitainsidesauverlaRévolutionenla

  • portantaupouvoir!

    Fort de ce parallèle, il est permis de croire aux dires du Capitaine BlaiseCompaoré, lorsqu'il prétend que dans la soirée du 15 Octobre 1987, il a étésurprisparlebruitdestirsvenantdel'enceinteduConseildel'Entente:

    -Lorsquej'aientendulesbruitsdetirsenprovenanceduConseildel'Entente,me dira-t-il lors d'un tête-à-tête, deux semaines après les événements du 15Octobre 1987, j'ai d'abord cru que c'était contre ma résidence qu'ils étaientdirigés.Jemesuissaisid'uneKalachnikov,etj'aicouruaucoindelarueàcôtédu Ministère de l'Administration Territoriale. Les gardes sont venus m'ychercherpourmefaireréintégrerlarésidencepourdesraisonsdesécurité.Aveclapersistancedestirs,jesuisressortidenouveau.C'estseulementaprèsquej'aisongé à téléphoner au Commandant Lingani afin qu'il me rejoigne à mondomicile.Ensemble,nesachantpasl'originedesattaquants,nousavonsentreprisdemettretouteslesgarnisonsmilitairesenétatd'alerte.J'aipersonnellementeuauboutdufil,leLieutenantKouamaMichelquisetrouvaitàKamboïnsé.Ilm'ademandécequisepassait.J'airéponduquejen'ensavaisrien:

    -Ça tire auConseilde l'Ententeetnousne savonspaspourquoi et par qui.C'estpourquoi,ilfautquetouteslestroupessoientmisesenétatdeguerre.Ilsepeutquecesoituneattaquedesforcescontrerévolutionnaires.MariamSankaram'atéléphonépoursavoircequesignifiaientcestirs.-Jen'ensaisrien,luiai-jerépondu,enajoutantqu'aussitôtquejeseraisfixéjelarappellerais.Cen'estqu'à18h,quel'onestvenunouschercherpournousconduireauConseildel'EntenteàborddelaPeugeot205duP.F.LePrésidentétaitdéjàmort.

    Voilàlaversionquej'aipurecueillirdevive-voixauprèsdeBlaiseCompaoré.Jen'aipascruunseulmotdecettehistoireàdormirdebout.Maisjen'airiendit.Pouvais-jed'ailleursobjecteralorsquoiquecesoit?

    Lapremièreinfirmationquej'auraietquidémontrelanonvéracitédecerécit,c'estMariamquime la fournira.Elledénie catégoriquement avoir téléphonéàBlaiseCompaoré. Pourquoi ce recours à unmensonge futile et inutile pour lemontagedetoutel'affaire?

    Letémoignaged'uncommandoquisetrouvaitauConseildel'Entente,établitqueBlaiseCompaoréestarrivéseul.Aprèsavoirconstatéleforfait,ilasaisile

  • téléphoneetappeléleCommandantLingani:

    -Viensmerejoindre,j'aitreizetombessurlesbras!

    Auxjournalistesétrangers,BlaiseCompaoréaracontélamêmeversionenyajoutant:

    -Quandjesuisarrivé,j'aidemandépourquoiilavaitététué.Ilm'ontditqu'ilsvoulaienttoutsimplementl'arrêteretqu'unefusilladeavaitéclaté.LespremiersàtirerontétélesélémentsdeSankara.

    Maisàlaquestiondesavoirquiadonnél'ordred'arrêterlePrésidentduFaso,leCapitaineBlaiseCompaorébalbutie:

    «... Quand j'ai demandé à mes hommes pourquoi ils avaient arrêtéSankara sans me le dire, ils ont répondu que s'ils l'avaient fait, j'auraisrefusé.Etc'estvrai.Jesavaisquemoncamppolitiqueétaitfort.ThomasnecontrôlaitpluslEtat.Jen'avaisplusbesoindefaireuncoupd'Etat.Maismes hommes ont pris peur quand ils ont appris l'après-midi que nousdevions être arrêtés (que l'on note bien le mot «arrêtés» et non«assassinés»)à20h.a7n»

    «J'aiassumé,sanschercherplusloin,lesconséquencesdeleuracte.(lo»

    Depuis, le recoupement de nombreux témoignages a permis d'établir lachronologiedesévénementstragiquesdu15Octobre1987.Voici:

    Ilétaitenviron16h15mnlorsquelaPeugeot205noireprésidentiellesegaradevant le pavillon«HauteVolta»duConseil de l'Entente, suivied'unevoitureblanchedemarquejaponaisedontlesoccupantsétaientquelquesgardesducorpsduPrésident.LePrésidentdescendit de savoiture et entradans lepavillonoùl'attendait tout lepersonnelnouvellementchoisipourfairepartieduSecrétariatde la présidence duC.N.R. qui se réunissait une fois par semaine.A peine laréunion venait-elle de commencer, qu'une autre voiture, une Peugeot 504,pénétra dans l'enceinte du Conseil de l'Entente et se dirigea tout droit vers lavoiture présidentielle. Le Caporal Maïga (l'un des gardes du corps de BlaiseCompaoré)endescenditpourbraquerleSergentDerSomda,chauffeurduP.F.Aumêmemoment,uneGalantebleue,conduiteparleSergentYacintheKafando

  • (l'aide de Camp de Blaise Compaoré), pénétra en trombe dans l'enceinte, etfonçadroitsurlepavillon«HauteVolta».LegendarmeSoréetlesoldatdelèreclasse,OuédraogoNoufou, avant qu'ils ne réalisent ce qui leur arrivait, furentécraséscontrelemurdupavillon.Aumêmemoment,leCaporalMaïgaabattaitàboutportantleSergentDerSomda.

    Dans la foulée, les assaillantsdescendusdesdeuxvoituresdéclenchaientunfeunourrisur tousceuxquise tenaientdeboutauxalentoursdupavillonoù lePrésidentduC.N.R.étaitenréunionavecsonsecrétariat.

    A l'intérieur, les premiers instants de surprise passés, tout le monde seprécipita derrière les fauteuils pour y trouver refuge. Se ravisant, le PrésidentThomasSankaraseleva,poussaunsoupirets'apprêtaàserendreens'adressantàsescollaborateurs:

    -Nevousenfaitespas,c'estàmoiqu'ilsenveulent.

    Lesmainsenl'air,tenantsonrevolverdeparade,ilfranchitleseuildelaporteets'engageadanslecouloiràlarencontredesassaillants.

    LeSergentYacintheKafando et leCaporalNadié se trouvèrent face à faceavec le Président du Faso, le braquant avec leur Kalachnikov. Une premièredécharge lâchée par le Caporal Nadié atteint le Président Thomas Sankara àl'épaule. Malgré la blessure, il réussit à se replier dans le couloir. Il essayed'ouvrirlaportedupremierbureau,maissesoccupantssesontenfermésàclefaubruitdestirs.

    Nul ne salira ce qui s'est passé dans la tête duPrésident duFaso pour qu'ilrevienne sur ses pas et reçoive la mort de ses assassins. Une seconde ballel'atteint au front. Il chancelle, se retrouve sur les genoux pendant quelquessecondes, puis s'écroule sans avoir pu, ni direunmot à ses tueurs,ni faireungestequelconquequiprouvequ'ilavaitl'intentiondesedéfendre.

    DetousceuxquiétaientaveclePrésidentThomasSankaracejourlà,unseulamiraculeusement échappé à la boucherie:AlounaTraoré. Et il soutient que leCapitaineGilbertDiendérén'étaitpasaunombredesassaillants.Celui-cineferasonapparitionquebeaucoupplustard.

  • Unautre témoignageconcordantaffirmequec'est leCapitaineDiendéréquiest intervenu pour arrêter lemassacre gratuit.Après avoir constaté lamort duPrésident Thomas Sankara, il se serait réfugié dans la pièce du Conseil del'Ententepours'effondrerenpleurs.C'estparlasuitequ'ilseseraitressaisiafindes'investirpourlimiterlesdégâts.

    C'estdirequ'ilpersistedeszonesd'ombressurlescirconstancesdel'assassinatduPrésidentThomasSankara.

    L'adjudant Christophe Saba, Babou Paulin Bamoum, Frédéric Kiemdé,Bonaventure Compaoré, Patrice Zagré, ont accompagné le Président ThomasSankaradanscettefintragique.

    Septmortsparmilesoccupantsdupavillon,plussixautresendehors,celafaitbien treize tombes, pour lesquelles Blaise Compaoré aurait appelé leCommandantLinganiàlarescousse.

    En guise de «tombes», on jettera ces corps dans des fosses d'à peine deuxpouces de profondeur, que l'on couvrira d'une couche de terre. On voyaitapparaîtrelescheveuxduPrésidentThomasSankara!Unboutdeboisplantésurchaque «tombe» a reçu un papier sur lequel on a griffonné une inscriptionindiquant le nom de l'occupant. On y a même inscrit le nom d'un soldat quin'étaitpasmort!Maissurlestreizetombes,nulletracedunomdeBonaventureCompaoré... Ce n'est qu'après sept mois de va-et-vient entre le Conseil del'Ententeetsondomicile,quel'épousedecedernierfiniraparseconvaincrequelecorpsdesonmarireposebienàDaghnoënauxcôtésdesdouzesuppliciésdu15Octobre1987.

    Thomas Sankara repose au cimetière de Daghnoën, parmi la multitude dessans-noms, parmi ceux qui ont été enfouis dans le sol sans honneurs et sanstrompettes. Sur sa tombe véritable ou supposée, le peuple burkinabé a tenu àgraver des inscriptions dont la valeur est incomparable aux mille discourshypocritesquiauraientpuêtreprononcés,incomparableauxdécorations,élégieset titres posthumes qu'on aurait pu lui décerner! Sur sa tombe sont gravés lessentiments d'affection que continue de lui vouer son peuple. Des mainsanonymesontainsitracécesmessages:

    - «Hommage à toi, Thomas Sankara, digne fils du Burkina. Les jaloux, les

  • assoiffés du pouvoir et les traîtres t'ont assassiné. A bas les minables, lesignobles.»

    -«Est-ilpossibledet'oublier?Mortauxtraîtres,mortauxlâches.Etpaixàtonâme.»

    - «Ta sincérité et ton honnêteté t'ont valu lamort. Non!Un héros nemeurtjamais!Noussommesavectoietlemondeentiertepleure.»

    -«MamanSankara,tonfilsseravengé.NoussommestousdesSankara.»

    - «Un tant soit peu, cette idée ne nous eût effleurés, un tant soit peu nousn'osions y croire. Mais aujourd'hui, l'éternel destin nous a montré que noussommesvidésdesens.»

    -«4-1=0»(Quatremoinsunégalezéro)

    -«VivelePrésidentdesenfants!VivelePrésidentdespauvres!».

    -«Sankara,tuasététrahiparunamiàquituavaisdonnétoutetaconfiance;tadisparitionnouschoqueénormémentcarpournoustuasétélelibérateur.»

  • Retenons pour hypothèse de toute investigation que le Capitaine BlaiseCompaoréaétédébordéparsesacolytes;cequinel'innocentepaspourautant,car il projetait la disparition de Thomas Sankara depuis longtemps. C'estpourquoi vraisemblablement il n'a pas pris de mesures punitives contre seshommesdemain.

    Toujours dans la même logique, il faudrait admettre que, profitant de laconfusion générale qui s'en est suivie, le Front «Populaire», réuni dans laprécipitation et dont les éléments à l'exceptiondunoyaudur avaient entretenuentre eux jusqu'alors des rapports plus oumoins informels, porta le CapitaineBlaiseCompaoréàlatêtedel'Etat.

    Maisquelles«preuves»ontconvaincuBlaiseCompaoréqueThomasSankaras'apprêtait à le faire assassiner lui et d'autres révolutionnaires au cours de laréunionde20h,«preuves»quil'ontempêché,commeill'aditlui-mêmeensuite,depunirceuxquiavaientcommisl'actedeforfaiture.«S'iln'yavaitpaseucespreuves,affirme-t-il,jamaisjeneserairestéàlatêtedecetEtat».(Libérationdu22.10.1987). «Preuves»que la coordinationduFront «Populaire»mettra cinqmois à réunir avant de les publier dans le fameux «Mémorandum sur lesévénementsdu15Octobre1987»!

    Onliraetrelirale«Mémorandum»maisonnepourraytrouvernulletracedecequipeuttenirlieudepreuves.

    Le26Octobre1987,PierreHaski,journalistedeLibération,interpellaBlaiseCompaorésurcesprétendues«preuves»:

    «P. Haski: - Etes-vous intimement convaincu que Sankara allait vousarrêteretvousexécuterà20hcesoir-là?

    BlaiseCompaoré: -Sankara,c'estunmilitaire.Si jepréparaisuncoupcommeça,jenelaisseraispasd'élémentsdepreuve.Maisilyauncertain

  • nombred'informations».

    En guise de «preuves», il n'y a que des présomptions. Il n'y a que l'intimeconviction de Blaise Compaoré lui-même, qui s'accroche désespérément pourjustifierlefaitqu'ilsoit«restéàlatêtedecetEtat».Cette«convictionintime»deBlaise Compaoré tient en fait à peu de choses: il s'empêtre dans descontradictionsinextricablesàchaquefoisqu'iltentedesejustifier.Voici:

    -«C'étaitluioumoi».(Libérationdu21.10.1987).

    -«Ilauraitfalluqu'onselaissetuerpourquelesgensetlesjournalistessoientcontents» (...) «Avous entendre, nous, on avait seulement le droit demourirpourSankara».(ProposrecueillisparDidierFrançois,etpubliésdansLeMatindu26.10.1987).

    -«Si j'avaissu,en1983,qu'aprèsdesannéesaupouvoir,nousn'aurionspasd'autresmoyensderéglernosconflitsqu'uncoupd'Etatmilitaire,croyez-moi,jeneme serais jamais engagé». (Propos recueillis par Stephen Smith et publiésdansLibérationdu21.10.1987).

    - «J'auraispréféré l'avoir vivant»dit-il àDidierFrançois, envoyé spécialdujournal LeMatin. Tout demême étonnant pour quelqu'un qui n'a «pas donnéd'ordres»!Etquel'onnes'ytrompepas:onn'arrêtepasunSankara.Lesconjuréslesavaienteuxquiavaient«simulétoutesleshypothèsesdeprisedepouvoir»etqui avaient fini par «opter pour l'hypothèse de l'assassinat». (Déclaration deWatamuLamien,aumoisdeSeptembre1987).

    -«Jen'aijamaischerchélepouvoir».

    -«Jen'ai jamaispensédansmaviequ'un jour jepourraisêtreà la tête d'unEtat. Si le 4 Août 1983, j'avais su qu'on allait revenir encore à des actionsmilitaires pour résoudre des questions politiques, alors, jamais je n'auraisparticipéàcecoupd'Etai».(ProposrecueillisparDidierFrançoisetpubliésdansLeMatindu22.10.1987).

    Biensûr,celuiàquiBlaiseCompaorétenaitcespropos,nepouvaitsavoirqueprécisémentlorsdelapréparationducoupd'Etatd'Août1983,lemêmehommeavaitexprimésonambitiond'êtreàlatêtedel'Etat,tandisqueThomasSankara

  • secontenteraitd'êtrePremierMinistre...

    Mais pourquoi avoir laissé traiter aussi ignominieusement, celui qu'ilcontinuait de considérer comme «son meilleur ami»? Pourquoi l'avoir faitinhumerdefaçonaussisordide?AcelaBlaiserépond:

    - «Je vais vous dire franchement, j'avais moi-même l'impression quec'étaituneaffairequipouvaitmedépasser.»(Soulignéparnous;notezletemps utilisé et remarquez que le déroulement ultérieur des événementsconfirmeralesimpressionsdeBlaiseCompaoré).

    -«Quandvousvoyez lapremièreproclamationetmondiscours, ilyaune différence. Pour la première proclamation, les camarades insistaientpourquequelqu'unmettesonnom... Jedoisvousavouerque jen'aipasmaîtrisélesévénements.Mettez-vousàmaplace-lesrelationsquej'avaisavecThomasSankara-commentpouvais-jem'expliquertoutça?Depuis,j'aiprisleschosesenmain.Larectificationétaitnécessaire.»

    - «Vous ne pouvez pas vousmettre àma place cette nuit du jeudi auvendredi, pour savoir que je ne pouvais pasme préoccuper de cela. Cesont les soldats iciqui l'on fait (l'enterrement sordide, enquestionVS.).Maistoutçanousallonslerésoudre.IlyauraunbilandeSankara,cequ'ilafaitpourlepays,cequ'ilafaitcontre.Nousverronsalorslerespectquenous lui devons». (Propos recueillis par Pierre Haski et publiés dansLibérationdu26.10.1987).

    Enattendantce«bilan»,ThomasSankaraaété«rectifié»àlaKalachnikovetvouéauxgémonies.

    Dujeudi15Octobreaulundi19Octobre1987,Compaorégarderaunmutismecomplet. Le Président du Front «Populaire», faisait dire aux journalistes qu'ilétait«trop fatigué».L'hommeétait-il effondréou jouait-il la comédie?Le soirmêmedu16Octobre,jel'aieuauboutdufil,savoixétaitclaireetrésolueetsespropospleinsd'humour:«Oùtecaches-tu?mequestionna-t-il.Ilfautsortirpoursoutenir leFrontPopulaire».Cen'était pas unhommeabattu quim'a parlé autéléphonecesoir-là!

    Le lundi 19