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© Masson, Paris 2004 J. Traumatol. Sport 2004, 21 , 244-248 Mise au point Thrombose veineuse profonde et rééducation de l’appareil locomoteur P.L. PUIG, P. TROUVE, L. SAVALLI, B. CHAPUIS CERS, 83 Avenue de Lattre de Tassigny, 40130 Capbreton. RÉSUMÉ La chirurgie orthopédique en général et les arthroplas- ties de hanche et de genou en particulier, exposent à un risque élevé de complication thrombo-embolique. Les équipes de rééducation qui prennent en charge les patients doivent mettre en place une surveillance efficace basée sur des critères cliniques et paracliniques précis. La prévention de cette complication nécessite la pres- cription d’anti-coagulants mais également la mise en place de mesures préventives associant contention veineuse et remise en charge précoce. Mots-clés : chirurgie orthopédique, thrombose veineuse, diagnostic, prophylaxie. SUMMARY Deep vein thrombosis and rehabilitation of the musculo- skeletal system The high risk of thromboembolism in orthopedic surgery is well known, particularly for hip and knee arthroplasties. Reha- bilitation teams should be well aware of the risk and develop surveillance protocols with precise clinical and laboratory cri- teria. The prevention of deep vein thrombosis requires the pre- scription of anticoagulants as well as preventive measures associating contention therapy and early weight bearing. Key words: orthopedic surgery, venous thrombosis, diagnosis, prophylaxis. Introduction La prévention des thromboses veineuses pro- fondes et de leur complication majeure, l’embolie pulmonaire, est un souci quotidien du médecin de rééducation. Dans les suites d’une chirurgie de l’appareil locomoteur, toute douleur du mollet est a priori une thrombose et nécessite des examens complémentaires pour infirmer ou confirmer le diagnostic. La stratégie du diagnostic La fréquence des thromboses veineuses, en chi- rurgie orthopédique, doit amener le clinicien à mettre en place une stratégie efficace basée sur des critères cliniques, biologiques et d’imagerie. Une étude canadienne menée par Wells [14], sur 1 082 patients consécutifs, a utilisé un modèle cli- nique pour distinguer les patients qui ont une pro- babilité d’avoir une thrombose veineuse des autres. Les caractères cliniques de prédiction rete- nus ont été les suivants : une paralysie, des parésies ou une immobili- sation sous plâtre des extrémités des membres inférieurs ; — un alitement récent pendant 3 jours ou davantage ; — un acte chirurgical majeur sous anesthésie générale ou sous anesthésie locorégionale dans les 30 jours précédents ; — un cancer (patient ayant eu un traitement pendant les 6 mois précédents ou ayant un traite- ment palliatif) ; une sensibilité à la palpation du réseau vei- neux profond du membre inférieur ; — un gonflement de l’ensemble du membre inférieur ; un gonflement du mollet avec une différence de 3 cm avec le mollet controlatéral, mesuré à 10 cm en dessous de la tubérosité tibiale ; un œdème qui prend le godet présent sur la jambe symptomatique ;

Thrombose veineuse profonde et rééducation de l’appareil locomoteur

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© Masson, Paris 2004

J. Traumatol. Sport

2004,

21

, 244-248

Mise au point

Thrombose veineuse profonde et rééducation de l’appareil locomoteur

P.L. PUIG, P. TROUVE, L. SAVALLI, B. CHAPUIS

CERS, 83 Avenue de Lattre de Tassigny, 40130 Capbreton.

RÉSUMÉ

La chirurgie orthopédique en général et les arthroplas-ties de hanche et de genou en particulier, exposent à unrisque élevé de complication thrombo-embolique. Leséquipes de rééducation qui prennent en charge les patientsdoivent mettre en place une surveillance efficace basée surdes critères cliniques et paracliniques précis.

La prévention de cette complication nécessite la pres-cription d’anti-coagulants mais également la mise en placede mesures préventives associant contention veineuse etremise en charge précoce.

Mots-clés :

chirurgie orthopédique, thrombose veineuse,diagnostic, prophylaxie.

SUMMARY

Deep vein thrombosis and rehabilitation of the musculo-skeletal system

The high risk of thromboembolism in orthopedic surgery iswell known, particularly for hip and knee arthroplasties. Reha-bilitation teams should be well aware of the risk and developsurveillance protocols with precise clinical and laboratory cri-teria. The prevention of deep vein thrombosis requires the pre-scription of anticoagulants as well as preventive measuresassociating contention therapy and early weight bearing.

Key words:

orthopedic surgery, venous thrombosis, diagnosis,prophylaxis.

Introduction

La prévention des thromboses veineuses pro-fondes et de leur complication majeure, l’emboliepulmonaire, est un souci quotidien du médecin derééducation. Dans les suites d’une chirurgie del’appareil locomoteur, toute douleur du mollet est

a priori

une thrombose et nécessite des examenscomplémentaires pour infirmer ou confirmer lediagnostic.

La stratégie du diagnostic

La fréquence des thromboses veineuses, en chi-rurgie orthopédique, doit amener le clinicien àmettre en place une stratégie efficace basée surdes critères cliniques, biologiques et d’imagerie.Une étude canadienne menée par Wells [14], sur1 082 patients consécutifs, a utilisé un modèle cli-nique pour distinguer les patients qui ont une pro-babilité d’avoir une thrombose veineuse des

autres. Les caractères cliniques de prédiction rete-nus ont été les suivants :

— une paralysie, des parésies ou une immobili-sation sous plâtre des extrémités des membresinférieurs ;

— un alitement récent pendant 3 jours oudavantage ;

— un acte chirurgical majeur sous anesthésiegénérale ou sous anesthésie locorégionale dans les30 jours précédents ;

— un cancer (patient ayant eu un traitementpendant les 6 mois précédents ou ayant un traite-ment palliatif) ;

— une sensibilité à la palpation du réseau vei-neux profond du membre inférieur ;

— un gonflement de l’ensemble du membreinférieur ;

— un gonflement du mollet avec une différencede 3 cm avec le mollet controlatéral, mesuré à10 cm en dessous de la tubérosité tibiale ;

— un œdème qui prend le godet présent sur lajambe symptomatique ;

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— un réseau veineux collatéral dilaté (endehors d’une varicose) ;

— un antécédent de thrombose veineuse pro-fonde documentée.

Chaque critère clinique est coté à 1 point. Lapossibilité d’un diagnostic alternatif aussi, ou plusprobable que celui de thrombose veineuse pro-fonde (TVP), tel que traumatisme, cellulite, kystepoplité rompu est coté à 2 points. La probabilitéd’une TVP est faible pour un score de 0 ou moins,le risque de TVP contrôlé par phlébographie estde 3,2 % des patients. La probabilité d’une TVPest moyenne pour un score entre 1 et 2, le risqueest de 19,4 %. La probabilité est élevée pour unscore de 3 ou plus, le risque de TVP est évalué à73,9 % des patients.

Pour un score de Wells [14] de 2 ou plus, il fautconsidérer la TVP comme probable et demanderun dosage des D.Dimères. La mesure des D.Dimères reflète la fibrinolyse endogène et consti-tue un marqueur sensible mais non spécifique dela TVP. Lorsque le taux des D. Dimères est néga-tif, c’est-à-dire < à 500

µ

g/ml, il permet pratique-ment d’éliminer une TVP. Lorsque le taux desD.Dimères est élevé, il n’a aucune valeur diagnos-tique précise. Il faut alors avoir recours à l’image-rie par un écho-doppler veineux qui permetd’obtenir des informations topographiques ethémodynamiques. Sa sensibilité est de 98 % et saspécificité de 97 % dans les TVP symptomatiques.

Thrombose veineuse et chirurgie orthopédique

La chirurgie orthopédique majeure et en parti-culier les arthroplasties de hanche et de genouainsi que les fractures du fémur exposent lespatients aux complications thrombo-emboliquesavec mise en jeu du pronostic vital.

Johnson [8, 9], sur une série de 7 959 prothèsestotales de hanche réalisées entre 1962 et 1973, atrouvé une prévalence de l’embolie pulmonaire de7,89 % dont 1,04 % ont une issue fatale.

Les études randomisées et contrôlées sur lathrombose veineuse, après arthroplastie, ont mon-tré que dans le groupe placebo (groupe contrôle),la prévalence de la thrombose veineuse profondedocumentée par phlébographie est, en l’absencede prophylaxie antithrombotique, de 45 à 57 %après prothèse totale de hanche et de 40 à 80 %après prothèse totale de genou [2]. La prévalencedes embolies pulmonaires mortelles oscille entre0,3 et 2 % après arthroplastie de hanche et entre0,2 et 0,7 % après arthroplastie de genou. Aprèsla mise en route du traitement, la mortalité, aprèsembolie pulmonaire, reste élevée entre 10 et 23 %

à un mois. Le risque de récidive est de 5 % à unan. La mortalité à moyen terme est élevée : 15 à20 % dans l’année suivant une hospitalisationpour embolie pulmonaire.

Le rôle de l’anesthésie

L’anesthésie rachidienne diminue le risquepost-opératoire de thrombose veineuse profondede 40 à 50 % [12], le risque de décès par emboliepulmonaire est diminué par 6, il passe de 0,12 %sous AG à 0,02 % sous péridurale. L’anesthésierachidienne augmente le flux sanguin dans lesmembres inférieurs, ce qui diminue la stase vei-neuse et par conséquent le risque de thrombose.

La durée de l’intervention augmente le risquede thrombose veineuse profonde. Le ratio dethrombose veineuse est de 10 % lorsque l’inter-vention dure moins de 70 minutes et de 35,5 %quand elle dépasse 70 minutes. L’activation de lathrombogénèse survient pendant la préparationdu fémur et elle serait plus fréquente lorsque lechirurgien utilise du ciment. Certains auteurs pro-posent l’injection de 15 unités d’héparine par kgde poids avant la préparation du fémur pour pré-venir le risque de thrombose.

Les risques et bénéfices de la thrombo-prophylaxie

La mise en place d’une arthroplastie totale estassociée à un haut risque de thrombose veineuseavec un risque d’embolie pulmonaire fatale de 1 à3,4 %. Par conséquent, il est souhaitable de met-tre en place systématiquement une prophylaxieantithrombotique. La discussion porte sur le choixdu traitement avec la mesure du coût risques/bénéfices et dans les suites post-opératoires c’estprincipalement le risque de saignement qui doitêtre évalué.

Dans une méta-analyse réalisée par Imperialeet Speroff [7] sur le risque de saignement majeuraprès arthroplastie totale de hanche en fonctionde la prophylaxie utilisée, le risque est de 0,3 %dans le groupe contrôle, de 0,4 % avec l’utilisationde l’aspirine, de 1,3 % avec la Warfarine (Couma-dine), de 1,8 % avec les héparines à bas poidsmoléculaire et de 2,6 % avec l’héparine.

L’aspirine

L’aspirine, à faible dose, est un moyen efficacede prévention des accidents thrombo-emboliques.Si son efficacité est indiscutable dans la préven-tion artérielle de ces accidents (infarctus, AVC),elle est moins évidente dans la préventionveineuse. Quoi qu’il en soit son efficacité dans la

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prévention des TVP et des embolies pulmonaires,après chirurgie des fractures du fémur, a été prou-vée par une étude du groupe de prévention del’embolie pulmonaire [10]. Cette étude en doubleaveugle, randomisée, a suivi pendant 35 jours13 356 patients opérés d’une fracture du fémur quiprenaient 160 mg d’aspirine/jour (n = 6 679) ou unplacebo (n = 6 677). L’aspirine a diminué demanière significative les thromboses veineusesprofondes (P = 0,03) et les embolies pulmonaires(P = 0,002). L’aspirine est associée à un risque desaignement nécessitant une transfusion dans2,9 % des cas contre 2,4 % dans le groupe placebo(augmentation du risque relatif de 24 %).

Dans le cadre des arthroplasties, Westrich [15]sur 2 037 patients ayant bénéficié d’une arthro-plastie totale de hanche sous péridurale avec uneprophylaxie par de l’aspirine, la prévalence de lathrombose veineuse profonde déterminée par unephlébographie est de 10,3 % et celle de l’emboliepulmonaire de 0,44 %.

Les AVK

Les AVK et la Warfarine (Coumadine) en par-ticulier sont le moyen de prévention antithrombo-tique le plus utilisé en Amérique du Nord aprèsarthroplastie totale. La Warfarine est administréeen une prise par jour (il est préférable de donnerle médicament le soir pour modifier la posologiele plus rapidement possible après le résultat del’INR). La dose initiale est de 5 mg. L’ajustementse fait par palier de 1 mg pour obtenir une INRcomprise entre 2 et 3 avec une valeur cible à 2,5.Le premier contrôle doit s’effectuer au 3

e

jouraprès la 1

re

prise. Une INR supérieure à 5 estassociée à un risque hémorragique excessif. Lepatient doit être informé et éduqué du bon suivide son traitement : nécessité de prendre tous lesjours sans oubli à la même heure son comprimé,d’effectuer des contrôles réguliers de l’INR, d’êtrevigilant sur les médicaments associés et d’avoirune alimentation équilibrée. Avec ces précau-tions, chez des patients motivés et éduqués, laWarfarine est un excellent moyen de préventionde la thrombose veineuse profonde.

Amstutz [1] a prescrit systématiquement de laWarfarine, pendant 3 semaines, en post-opéra-toire d’une prothèse totale de hanche. Sur les3 000 patients étudiés, il y a eu 14 embolies pul-monaires non mortelles (0,5 %) confirmées par unscanner pulmonaire ventilation perfusion ou parangiographie avant la sortie de l’hôpital et 5 aprèsla sortie de l’hôpital (0,17 %). Le taux global decomplications dues à un saignement était de 1,5 %(44 pour 3000 PTH avec 36 hématomes du site

opératoire et 8 saignements du tractus gastro-intestinal ou génito-urinaire) mais aucun décès.

Plusieurs études récentes sont en faveur d’unenette diminution de la prévalence de la thromboseveineuse profonde par l’association d’une anes-thésie péridurale, du maintien d’un cathéter épi-dural pour une analgésie efficace, d’unemobilisation précoce et d’une prophylaxie anti-thrombotique par Warfarine avec une valeur ciblede l’INR à 2,5.

Les HBPM

Les HBPM ont supplanté les héparines stan-dard dans la prévention des thromboses veineusesprofondes car elles sont plus maniables en ce quiconcerne la surveillance de la coagulation. Ellessont caractérisées par leur fort antagonisme vis-à-vis du facteur Xa et leur importante affinité pourl’antithrombine III. Elles ont une action anti-thrombotique puissante et une faible activité anti-coagulante. Elles peuvent provoquer desthrombopénies, c’est la raison pour laquelle lanumération plaquettaire est impérative pendanttoute la durée du traitement au rythme de 2 con-trôles par semaine. La fréquence des thrombopé-nies est de 1 à 2 %. Il s’agit d’un accidentimmuno-allergique qui survient en moyenne au10

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jour de traitement, ce délai variant entre 3 et15 jours. Pour parler de thrombopénies, il faut untaux de plaquettes < à 100 000 ou une baisse > de40 % du taux de base. La conduite à tenir imposel’arrêt immédiat de l’héparinothérapie et son rem-placement par un anti-vitamine K à demi-viebrève.

La durée moyenne du traitement doit coïncideravec celle du risque thrombo-embolique, c’est-à-dire jusqu’à déambulation active et complète. Ladurée moyenne sera inférieure à 10 jours, au-delàles HBPM doivent être relayées par les anticoagu-lants oraux. Il existe un risque hémorragique, enparticulier chez le sujet âgé, en cas d’insuffisancerénale et si la durée du traitement dépasse10 jours. En raison du risque d’hématome intra-rachidien, les HBPM sont fortement déconseilléeslors de rachianesthésies.

Plusieurs études ont comparé l’efficacité desHBPM dans la prévention des thromboses veineu-ses après chirurgie de l’appareil locomoteur. LesHBPM ont une efficacité supérieure de 8 à 15 %avec un taux de thrombose < à 5 %. Le risque desaignement est important sous HBPM. Dans uneméta-analyse des méthodes de thromboprophy-laxie après arthroplastie de la hanche, Imperialeet Speroff [7] évaluent le risque de saignement

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6 fois supérieur à la population de contrôle et2 fois supérieur aux patients sous Warfarine.

Pour Hull [6], dans une étude sur 795 PTH avec397 patients sous Warfarine et 398 sous HBPM, letaux de complication par saignement majeur estde 1,5 % sous AVK et de 2,8 % sous HBPM.Colwell [3], dans une étude multicentrique avec495 patients sous Warfarine et 1 516 sous HBPMtrouve un taux de saignement dans 1,2 % des cassous HBPM et de 0,5 % sous AVK.

L’ensemble de la littérature confirme la diminu-tion de la prévalence de la thrombose veineuseprofonde sous HBPM mais avec comme corollaireune augmentation du risque de saignement.

Malgré la remarquable efficacité des HBPM,l’incidence des thromboses veineuses profondesasymptomatiques reste élevée de l’ordre de 16 à30 % selon les études avec un risque d’emboliepulmonaire de 0,1 à 4 %.

Geerts [5] a publié lors de la 6

e

conférence deConsensus de l’American College of Chest physi-cians en 2001, une méta-analyse du risquethrombo-embolique en fonction de la thrombo-prophylaxie. Après arthroplastie totale de hanche,l’incidence de la thrombose veineuse profondeproximale asymptomatique et/ou symptomatiqueobjectivée par une phlébographie est de 26,6 %dans le groupe placebo, de 10,2 % sous héparine,de 5,9 % sous HBPM et de 5,2 % sous AVK(Warfarine).

Pour la chirurgie orthopédique majeure, lenombre d’événements thrombo-emboliques resteimportant malgré une thromboprophylaxie. Laprévalence des TVP sous HBPM est, selon lesétudes de Geerts [5] et celles de Rosencher [11],de 30,6 % dans les arthroplasties totales du genou,de 27 % dans les fractures du fémur et de 16,1 %dans les prothèses totales de hanche. C’est rappe-ler l’importance d’associer à cette thrombopro-phylaxie d’autres moyens de prévention enattente d’autres molécules qui semblent promet-teuses (Fondaparinux Sodique cf. Samana [13]).

Les autres moyens de prévention

La contention veineuse, la mobilisation précoceet la remise en charge rapide sont égalementd’excellents moyens de lutter contre la stase vei-neuse et de prévenir la thrombose veineuse pro-fonde et l’embolie pulmonaire.

La reprise de la marche en appui, après un gestechirurgical sur l’appareil locomoteur, augmente lavitesse du retour veineux et participe ainsi à laprophylaxie antithrombotique.

Un auteur Allemand, Eisele [4] a montré qu’àpartir d’un certain niveau d’appui (196 Nm), lavitesse de retour veineux est la même que lorsd’un appui total. Il est très facile d’obtenir unappui partiel reproductible en 3 jours avec unedéviation tolérable entre 190,9 et 225 Nm. Lalimite inférieure de l’intervalle de confiancenécessite un appui de 98 Nm. Dès que le sujetmarche avec un appui à 200 Nm (environ 20 kg) lavitesse de retour veineux est comparable à celled’un appui total, ce qui fait chuter le risque dethrombose veineuse profonde.

La mobilisation passive continue participe éga-lement à la lutte contre la stase veineuse de mêmeque les postures déclives.

La contention veineuse a un effet mécaniqueimmédiat par la contre-pression dégressive qu’elleexerce de bas en haut. Elle réduit le calibre desveines, elle augmente la vitesse du retour veineux,elle permet d’augmenter la pression tissulaire etde diminuer le volume veineux du segment con-cerné, ce qui limite la stase veineuse et a un effetanti-œdème.

À la marche, elle améliore le jeu de la« pompe » du mollet, probablement en renforçantl’action de l’aponévrose jambière qui donne toutson effet à la contraction du muscle sur la chasseveineuse.

Selon 2 méta-analyses publiées en 1999, les basde contention veineuse ont réduit l’incidence desthromboses veineuses profondes, dépistées parexamen complémentaire, d’environ 60 % en chif-fre relatif. Il existe 3 classes de contention vei-neuse en fonction de la pression exercée auniveau de la cheville. La classe I exerce une pres-sion entre 10 et 15 mm Hg, la classe II entre 15 et20 mm Hg et la clase III entre 20 et 36 mm Hg.Dans le cadre de la prévention de la maladiethrombo-embolique, la contention de classe I estsuffisante et il ne semble pas y avoir de supério-rité des bas de cuisse par rapport aux bas de jar-ret. Dans la phase aiguë d’une thromboseveineuse profonde, le but de la contention est deréduire un œdème ou une grosse jambe et d’éviterl’extension de la thrombose. La contention declasse III s’impose, de même que les bas de cuisseet ceci pendant un minimum de 3 mois.

Conclusion

La chirurgie orthopédique majeure expose lespatients à un haut risque thrombo-embolique. Larééducation doit tenir compte de ce risque élevéet mettre en route une surveillance efficace avec

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une stratégie diagnostique basée sur les critèrescliniques, biologiques et d’imagerie.

La thromboprophylaxie repose en priorité surla pharmacopée anti-thrombotique où les hépari-nes de bas poids moléculaire, en attente des inhi-biteurs synthétiques et spécifiques du facteur Xa,se sont imposées en pratique quotidienne face auxAVK et aux anti-agrégants. Mais à côté de cettethromboprophylaxie il ne faut pas oublier lesautres méthodes de prévention qui vont de lamobilisation passive à la remise en charge précoceet à la contention veineuse systématique.

On l’aura compris, la prévention de la maladiethrombo-embolique veineuse est une préoccupa-tion constante de l’équipe multi-disciplinaire etplus particulièrement du rééducateur dans les sui-tes d’une chirurgie de l’appareil locomoteur.

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