5
4ilN16 Frarçois Ecalle, écorpmiste: "Dette, cléficit : il ne faut pas se laisser endormir par le niveau actud des bux d'interêt' Fermêr X - I-ënorræl tic0nomiste.tr François Ecalle, économiste: "Dette, dêficit : il ne faut pas se laisser endormir par le niveau actuel des taux d'intérêt" Pour cet expert en finances publiques, la France ne pourra pas indéfiniment continuer à régler ses problèmes par le déficit et la dette, sous peine de perdre Ie contrôle de la situation. Seule solution à ses yeux ; réduire d'abord la dépense publique François Ecalle, l'un des meilleurs spécialistes des finances publiques, aujourd'hui en disponibilité de ta Cour des comptes, met sa sciênc€ du sujet à la disposition de tous, et tout particulièrement des enseignants et d6 leurs étudiants ainsi que de$ journalistes, en ouvrant un site libre d'accès: Fipeco.fr "Après avoir été pendant huit ans la cheville ouvrière du rapport annuel sur lâ situation des finances publiques à la Cour des comptes, je voulais continuer à partager mes connaissances. La matière est complexe et aride mâis les enjeux sont essêntiels: mon ambition est de les rendre accessibles sous forme de fiches et de commentaires d'actualité", explique-t-il. Fort de son expertise, François Ecalle n'en affiche pas moins de solides conv'rctions en insistant sur l'impérieuse nécessité de réduire le déficit public pour alléger le poids de la deüe et éloigner le pays de la zone de vulnérabilité. "Au-delà d'un certain niveau d'endettement, les risques de perte de contrôle de la situation sont supérieurs aux avantages macroéconomiques des déficits" expliquet-il. Et de rappeler qu'une hausse d'un point des taux d'intérêt a pour effet d'alourdir la charge de la dette de 2,4 milliards d'euros la première année, de 11 Mde la cinquièmo année et de 17 Mde la dixième. Un effet boule de neige qui, lorsqu'il s'enclenche, s'avère redoutable. Propos recueillis par Philippe Plassart Les finances publiques de la France posent deux problèmes principaux. D'abord, la dette publique est trop élevée (95,7 % du PIB à Ia fin de 2015) et elle contlnue d'augmenter, ce qui nous fait courir de gros risques. Or le déTicit public est encore trop fort en 2015 pour la réduire - à la fois le déficit effectif mesuré par I'lnsee (3,5 % du PIB) ei le déficit structurel, c'est-à-dire corrigé de l'impact des fluctuations de la conjoncture, qui est compfis entre 1,5 e|2,5% du PlB. ll faut donc continuer à réduire le déficit public et, surtout si la croissance repart, le déficit structurel. "ll est en effet beaucoup plus facile de réduire les prélèvements que de réduire les dépenses, et la France a souvent commis l'erreur dans le passé de diminuer les prélèvements sans diminuer les dépenses." Ensuite, le tâux des prélèvements obligatoires (44,5%\ est également trop élevé, co qui nuit à la compétitivité des entreprises et à l'attractivité de la France. Mais pour réduire le déficit et la dette, il faut diminuer les dépenses publiques (56,8 % du PIB) avant de baisser les impôts ou les cotisalions sociales. ll est en offet beaucoup plus facile de réduire les prélèvements que de réduire tes dépenses, et la France a souvent commis l'erreur dans le passé de diminuer les prélèvements sans diminuer les dépenses. ll ne faudrait pas refaire cette erreur de poliiique économique et la priorité doit donc être donnée à baisse des dépenses publiques. La société française veut régler beaucoup trop de problèmes par des dépenses publiques tout en refusant - non sans raison - de payer autant de prélèvements obligatoires. Cette contradiction a jusqu'à présent été résolue par le déficit et la dette, mais cela ne durera pas indéfiniment. Le non-respect des engagements de campagne François Hollande s'est engagé pendant la campagne présidentielle à ramener les comptes publics à l'équilibre en fin de mandat. La loi de programmâtion des finances publiques de décembre2012 a ainsi prévu un déficit public de 3% du PIB en 2013, conformément aux recommandations de l'Union européenne, et un déficit de 0,3 % du PIB en 2017, soit un quasi-équilibre. La prévision cle déficit pour 2013 était beaucoup trop optimiste: il s'est finalement élevé à 4% du PlB. Ensuite, le décalage avec ces engagements s'est accentué au cours des années suivantes et le programme de stabilité présenié en avril dernier prévoit que Ie déficit passera sous le seuil de 3 % en 2017 - soit âvec quatre ans de retard par rapport à l'objectif initial - et que l'équilibre sera renvoyé à une date

tic0nomiste - fipeco 1462307501.pdf · programmâtion des finances publiques de décembre2012 a ainsi prévu un déficit public de 3% du PIB en 2013, conformément aux recommandations

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: tic0nomiste - fipeco 1462307501.pdf · programmâtion des finances publiques de décembre2012 a ainsi prévu un déficit public de 3% du PIB en 2013, conformément aux recommandations

4ilN16 Frarçois Ecalle, écorpmiste: "Dette, cléficit : il ne faut pas se laisser endormir par le niveau actud des bux d'interêt'

Fermêr X

- I-ënorræl

tic0nomiste.tr

François Ecalle, économiste: "Dette, dêficit : il ne faut pas se laisser endormir par le niveau actuel des tauxd'intérêt"

Pour cet expert en finances publiques, la France ne pourra pas indéfiniment continuer à régler ses problèmes par le déficit et la dette, souspeine de perdre Ie contrôle de la situation. Seule solution à ses yeux ; réduire d'abord la dépense publique

François Ecalle, l'un des meilleurs spécialistes des finances publiques, aujourd'hui en disponibilité de ta Cour des comptes, met sa sciênc€ dusujet à la disposition de tous, et tout particulièrement des enseignants et d6 leurs étudiants ainsi que de$ journalistes, en ouvrant un site libred'accès: Fipeco.fr "Après avoir été pendant huit ans la cheville ouvrière du rapport annuel sur lâ situation des finances publiques à la Courdes comptes, je voulais continuer à partager mes connaissances. La matière est complexe et aride mâis les enjeux sont essêntiels: monambition est de les rendre accessibles sous forme de fiches et de commentaires d'actualité", explique-t-il. Fort de son expertise, FrançoisEcalle n'en affiche pas moins de solides conv'rctions en insistant sur l'impérieuse nécessité de réduire le déficit public pour alléger le poids dela deüe et éloigner le pays de la zone de vulnérabilité. "Au-delà d'un certain niveau d'endettement, les risques de perte de contrôle de la

situation sont supérieurs aux avantages macroéconomiques des déficits" expliquet-il. Et de rappeler qu'une hausse d'un point des tauxd'intérêt a pour effet d'alourdir la charge de la dette de 2,4 milliards d'euros la première année, de 11 Mde la cinquièmo année et de 17 Mdela dixième. Un effet boule de neige qui, lorsqu'il s'enclenche, s'avère redoutable.

Propos recueillis par Philippe Plassart

Les finances publiques de la France posent deux problèmes principaux. D'abord, la dette publique est trop élevée (95,7 % du PIB à Ia fin de2015) et elle contlnue d'augmenter, ce qui nous fait courir de gros risques. Or le déTicit public est encore trop fort en 2015 pour la réduire - à

la fois le déficit effectif mesuré par I'lnsee (3,5 % du PIB) ei le déficit structurel, c'est-à-dire corrigé de l'impact des fluctuations de la

conjoncture, qui est compfis entre 1,5 e|2,5% du PlB. ll faut donc continuer à réduire le déficit public et, surtout si la croissance repart, ledéficit structurel.

"ll est en effet beaucoup plus facile de réduire les prélèvements que de réduire les

dépenses, et la France a souvent commis l'erreur dans le passé de diminuer lesprélèvements sans diminuer les dépenses."

Ensuite, le tâux des prélèvements obligatoires (44,5%\ est également trop élevé, co qui nuit à la compétitivité des entreprises et à l'attractivitéde la France. Mais pour réduire le déficit et la dette, il faut diminuer les dépenses publiques (56,8 % du PIB) avant de baisser les impôts ou lescotisalions sociales. ll est en offet beaucoup plus facile de réduire les prélèvements que de réduire tes dépenses, et la France a souventcommis l'erreur dans le passé de diminuer les prélèvements sans diminuer les dépenses. ll ne faudrait pas refaire cette erreur de poliiiqueéconomique et la priorité doit donc être donnée à lâ baisse des dépenses publiques.

La société française veut régler beaucoup trop de problèmes par des dépenses publiques tout en refusant - non sans raison - de payerautant de prélèvements obligatoires. Cette contradiction a jusqu'à présent été résolue par le déficit et la dette, mais cela ne durera pasindéfiniment.

Le non-respect des engagements de campagneFrançois Hollande s'est engagé pendant la campagne présidentielle à ramener les comptes publics à l'équilibre en fin de mandat. La loi deprogrammâtion des finances publiques de décembre2012 a ainsi prévu un déficit public de 3% du PIB en 2013, conformément auxrecommandations de l'Union européenne, et un déficit de 0,3 % du PIB en 2017, soit un quasi-équilibre.

La prévision cle déficit pour 2013 était beaucoup trop optimiste: il s'est finalement élevé à 4% du PlB. Ensuite, le décalage avec cesengagements s'est accentué au cours des années suivantes et le programme de stabilité présenié en avril dernier prévoit que Ie déficitpassera sous le seuil de 3 % en 2017 - soit âvec quatre ans de retard par rapport à l'objectif initial - et que l'équilibre sera renvoyé à une date

Page 2: tic0nomiste - fipeco 1462307501.pdf · programmâtion des finances publiques de décembre2012 a ainsi prévu un déficit public de 3% du PIB en 2013, conformément aux recommandations

21512016 François Ecalle, économiste: "Detie, déficit : il ne faut pas se laisser endormir par le niveau actuel des taux d'intérêt"

indéterminée au-delà de 2019.

ll était certes difficile d'appliquer des mesurês de redressement plus ambilieuses dans ies années 2012-2A14 sans risquer de easser le peude croissance que la France avait alors, mais l'erreur a surtout été de vôuloir réduire Ie déficit en relevant fortement des prélèvements

obligatoires déjà très élevés. Comme, en outre, les obstacles à l'embauche et à l'investissement n'ont pas vraiment étê levés, la reprise de lacrôissance a été tardive et molle pâr râpport âux autrês pays de la zone euro.

"François Hoilande s'est engagé pendant la campagne présidentielle à ramener les

comptes publics à l'équilibre en fin de mandat"

La croissance des recettes publiques a ainsi été plus faible que prévu parce gue l'évolution du PIB a é1é moins favorable qu'anticipé (à la foisên termes de croissance en volume de l'activité et de croissance des prix).

Les objectifs d'évolution des dépenses publiqr.les en valeur ont été tenus, mais ils étaient peu ambitieux compte tenu de la faiblesse deI'activité économique et de l'inflation, ou encôrê au regard du poids de ces dépenses en France et des efforts réalisés par les autres pays. En

outre, les dépenses publiques ont surtout été maîtrisées en raboiant les budgets sans faire de véritables réformes, c'eslà-dire en secontentânt de dire aux gestionnaires qu'ils doivent s'arrânger pour obtenir les mêmes rêsultats avec moins de ressources. C'est efficace carles gisements de productivité sont consldérables dans l'administration française, mais il faudra bien à un moment ou un autre revoir leursmissions.

Finalement, si le déficit et le toial des dépenses publiques ont diminué chacun de 0,5 point de PIB en France en 2015, ils ont baissé encoreplus dans les autres pays, et ia France reste avec des déficits, des dettes, des dépenses publiques et des prélèvements obligatoiresnettement plus élevés que les moyennes de la zone euro et de l'Union européenne.

La nécessaire réduction de la dette publiqueC'est une obligation fixée par les traités européens et ie respect de ses engagements est une condition nécessaire pour que la France soitcrédible sur la scène internationale" ll ne faut pâs oublier que les règles budgétaires de la zone euro constituent une pièce essentielle ducontrat passé, par le traité de Maastricht, avec l'Allemagne, qui a sacrifié l'instrument de sa puissance économique, le mark, pour créer unemonnaie européenne. La France n'a pas renoncé de son côté à une politique monétaire indépendante, car en réalité, elle devait suivre cellede la Bundesbank. De plus, c'êst elle qui s fixé des plafonds de 3 % et 60% du PIB au déficit et è Ia delte. Ceci étant dit, lâ réduction de ladette publique de la France est nécessaire pour des raisons indépendantes de lâ construction européenne et de nos engagementsinternationaux.

Les États remboursent leurs dettes en empruntânt de nouveau, et leurs possibilités d'endettement sont nettement supérieures à celles desménages et des entreprises car ils ont le pôuvoir souverain de lever l'impôt et d'en augmenter le iaux. Cependant, la dêtte publique ne peutpas augmenter indéfiniment car au-delà d'un certâin seuil, les créanciers de l'État prennent peur, lui font payer des intérêts plus étevés, etfinalement refusent de lui prêter plus longtemps. Dans ces crises des finances publiques, en général tout le monde perd : les créanciers

abandonnent une partie de leurs créances, et l'État défaillant est obligé d'accepter des mesures de redressement irès douloureuses enâbandonnant une partie de sâ souveraineté.

Ën outre, lorsque lâ dette publique esi élevée et pârait difficile à maîtriser, les ménages et entreprises commencent à avoir descomportements d'épargne de précaution, ce qui pèse sur la consommation et l'investissement. Les effets keynésiens habituels des déficitssônt âtténués, ce qui signifie que leur accroissement stimule moins l'activité et aussi que leur réduction a moins d'effets négatifs.

Au-delà d'un certain niveau d'endettement, les risques de perte de contrôle rje la situation sont supérieurs aux avantages macroéconomiquesdes déficits. Personne ne sait toutefois où 6e situe ce seuil, car il dépend de nombreux facteurs spécifiques à chaque pâys et à chaquepériode : la crédibilité et la pertinence de la politique économique suivie; la situation de la balance des pâiements; Ia capacité de relever lesimpôts et de réduire les dépenses; le niveau d'endeltement des pays comparables, etc.

"La réduction de la dette publique de la France est nécossaire pour des raisons

indépendantes de la construction européenne et de nos engâgementsinternâtionaux'

Certaines études, contestables, ont conclu que ce seuil pourrait être de 90 % du PlB, mais le Japon continue à emprunter sans difficulté avecune dette supérieure à2O0% du PlB, et l'Ëspagne a connu unê grave crise de ses finances publiques alors que sa dette ne dépassait pas

40 % du PIB en 2008. La principale différence entre ces deux pays est que l'épargne des Japonais leur permet de financer non seulement ledéficit public de leur pays, mâis aussi une partie de celui des autres pays, alors que l'Espagne était très endettée vis-à-vis de I'extérieur en

2008.

Plusieurs de ces facteurs sont défavorables à la France: nous ne pouvons plus augmenter le taux des prélèvements obligatoires; notre

maîtrise des dépenses publiques n'est pas assurée; nos échanges extérieurs sont déficitaires... La France n'est certes pas au bord de lafaillite, et l'État peut continuer à s'endetier pendant longtemps - notamment parce que les investisseurs considèrent que l'Allemagne ne Ia

laissera jamais faillir -, mais les alliances ne sont pas éternelles, surtout quand les contrâts ne sont pas respectés.

La prudence impose donc de réduire notre dette publique. Or, plus elle est déjà importante, plus les efforts requis pour seulement la stabiliser

en pourcentage du PlB, sousforme de hausse des impôts ou de baisse des dépenses hors intérêts, sont élevés. Il ne faut donc pas attendre.

L'impact du niveau des taux d'intérêt

httpJ/www.lenouveleconomiste.frlfrancois-ecall+economiste.dettedeficit%e2%80%8$il-ne-faut'pas-se-laisser-endormir-par-l+nivealFactuel-des-taux-. . 2J5

Page 3: tic0nomiste - fipeco 1462307501.pdf · programmâtion des finances publiques de décembre2012 a ainsi prévu un déficit public de 3% du PIB en 2013, conformément aux recommandations

2Jü2016 François Ecalle, économiste: "Dette, déficit: il ne faut pas se laisser endormir par le niveau actud des taux d'intérêt'

De 2012 à 2015,|a charge d'intérêt des administrations publiques française a baissé de 10 Mds€ alors que la dette a âugmenté de 285 Mds€

entre la fln dê 201 1 et la fin de 2014. ll est certâin que les êfforts nécessaires pour réduirê le déficit public ont été nettement amoind ris grâce àcet effet d'aubaine, mais cela ne durera pas.

Les taux d'intérêt exceptionnellement bas que nous connaissons actuellement résultent d'une politique monétaire dont l'objectif est d'éviter la

déflation. Je pense qu'elle atteindra cet objectif et que l'inflation repariira. Le dernier glissement annuel "sous-jasent" des prix est d'ailleurs de0,ô % en France. Dans ces conditions, la BCE finira un jour ou l'âutre par relever les taux d'intérêt.

"Les taux d'intérêt exceptionnellement bas que nous connaissons actuellementrésultent d'une politique monétaire dont l'objectif est d'éviter la déflation. Je pense

qu'elle atteindra cet objectif et que I'inflation repartira"

Or une hausse de 1 point des taux d'intérêt sur les emprunts pubiics entraîne une augmentation de la charge d'intérôts de 2,4 Md€ lapremière année, de 11 Md€ la cinquième et de 17 Md€ la dixième. ll ne faut donc pas se laisser endormir par les taux actuels et la baisse dela charge d'intérêts des administraiions publiques.

Une pause fiscale souhaitableLes réforrnes ont déjà été nombreuses ces dernières années, et les contribuables ont besoin d'une stabilité des règles. En outre, il ne faut pas

baisser les prélèvements obligatoires tant que les dépenses n'auront pas été significativement réduites, ce qui va prendre du temps. Ces

ârguments mililent en faveur d'une pause fiscale, mais il y aura certainement des modifications de la législation fiscale et sociale dans lesprochaines années parce que le pouvoir politique ne résistera pas à la tentation du changement. ll est préférable qu'elles aillent dans le bon

sens, et des orientations sont donc nécessaires.

ll faudrait d'abord réduire les prélèvements, fiscaux et sociaux, sur les lacteurs de production que sont le travail et le capital, noiamment en

baissant les taux des cotisations sociales patronales et le taux de I'impôt sur les sociétés. En contrepartie, pourraient être relevés les taux de

la TVA, de la CSG et des taxes environnementales.

La fiscalité du capital devrait être profondément rénovée pour encourager la prise de risque et iaxer plus les placements sans risques, ce qui

signifie notamment diminuer la taxation des actions et augmenter celle des livrets d'épargne ou des contrats d'assurance-vie en euros. Lesimpôis fonciers locaux devraient, âprès plus de 30 ans de tergiversâtions, être assis sur des valeurs de marché et non plus sur des valeursÊadastrales âberrantes" L'ISF pourrait être supprimé en contrepârtie d'une hausse des droits de succession et donation.

"ll faudrait d'abord réduire les prélèvements, fiscaux et sociaux, sur les facteurs de

production que sont le travail et le capital'

L'explosion des dépenses fiscales a été arrêtée et leur coût total a été à peu près stabilisé, si on met à part le CICE, qui en est une. Elles

restent néanmoins bien trop nombreuses et trop coûteuses, surtout celles qui mitent l'impôt sur le revenu et réduisent sa progressivité réelle.

ll faut donc ne pas se contenter d'en stabiliser le coût, mais le réduire fortement.

Enfin, il y a des réformes qu'il est urgent de ne pas faire, et cela concerne plus particulièrement la retenue à la source de l'impôt sur le revenu.

Elle sera très difficile à mettre en ceuvre et se traduirâ par une complexificalion de l'impôt et une augmentation de son coût de gestion,

notamment pour régler les problèmes pûsés pâr l'année de transition (2017). Or ses avantages sont très limités et ne concernent que le tiersdes contribuables, ceux dont le revenu dirninue d'une année à l'autre.

Certains défenseurs de la retenue à la source souhaitent prolonger cette réforme par la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG. Mais les

objectifs visés avec cette fusion (renforcement de la progressivité des impôts, clarification du financement de la protection sociale,simplification du système fiscal...) pourraient très bien être atteints autrement, alors que cette fusion poserait de très difficiles problèmes,parfois des questions de société: faut-il que le nouvel impôt fusionné soit familial, comme l'impôt sur le revenu (avec un quotieni conjugal etfamilial), ou individuel comme Ia CSG ?

Dépenses publiques: faire mieux avec moinsll n'existe pâs de limite précise et déterminée scientifiquement au moniânt des dépenses publiques, mais il faul que leur utilité soit supérieureau coût des prélèvements obligatoires nécessaires pour les financer. ll n'y a pas non plus de limite absolue au poids des prélèvements

obligatoires, mais il est certain que leur taux doit rester du même ordre de grandeur que celui des pays voisins, sauf s'ils sont utilisés pourfinancer des dépenses particulièrement utiles.

Or d'une part, le tâux des prélèvements obligatoires est nettement plus élevé en France que chez nos concurrents (nous sommes au

deuxième rang de l'Union européenne et de I'OCDE) ; d'autre part, la qualité des services publics ne justifie pas Ie niveau de nos dépensespubliques (également au deuxième rang de l'Union européenne et de I'OCDE). Les résultats obtenus dans de nombreux domaines(éducation, logement...) grâce à ces dépenses nous placent en effet rarement au second rang: nous sommes juste dâns la moyenne deI'OCDÊ pour nos performances éducatives mesurées par les enquêtes P|SAet, pour prendre un ind,cateur synthétique, seulement au 16e

rang pour le niveau de vie.

"D'une part, le taux des prélèvements obligatoires est nettement plus élevé en

France que chez nos concurrents d'autre pârt, la qualité des services publics ne

justifie pas le niveau de nos dépenses publiques"

Ces observâtiôns générales sont certe$ insuffisantes pour apprécier Çorrectement l'efficience de nos dépenses publlques, mais l'ampleur des

g5

Page 4: tic0nomiste - fipeco 1462307501.pdf · programmâtion des finances publiques de décembre2012 a ainsi prévu un déficit public de 3% du PIB en 2013, conformément aux recommandations

u92016 François Ecalle, économiste: "Dette, déficit : il ne faut pas se laisser endormir par le niveau actuel des taux d'intérêt"

dépenses trop coÛteuses ou inefficaces se voit dans les centaines de rapports et d'études publiés depuis de nombreuses annêes quidénoncent les gaspillages de I'argent public. Nous pouvons donc réduire significaiivement le montant des dépenses publiques, enpourcentage du PlB, sans dégrader Ia qualité des services publics et sans réduire l'importanee de la redistribution.

Les dépenses publiques ont ceries diminué de 0,5 point de PIB en France en 2015, mais elles ont baissé de 0,7 point dans la zone euro et de0,8 pointdans l'Union européenne, si bien que le ratio dépenses/PlB de la France reste supérieur de B points de PIB à la moyenne de la zoneeuro, de I points à Ia moyenne de l'Union européenne et de 13 points à celui de I'Allemagne. ll serait envisageable de viser un ratio dedépenses publiquesiPlB de 50 % à l'horizon de la fin du prochain mandat présidentiel {les Suédois l'ont fait).

La nécessaire contribution des collectivités locales à l'effort collectifll n'y a aucune raison d'exonérer les collectivités locales de I'effort collectif de réduction des dépenses publiques et des prélèvementsobligatoires. Leurs dépenses ne sont en effet certainement pas plus utiles que celles de l'État ou de Ia Sécurité sociale.

La Constitution leur garantit certes une libre administration, mâis elle ajoute que c'est dans les conditions prévues par la loi et il pouffait doncètre envisagé de leur lixer des règles d'évolution dê leurs dépenses inspirées par l'exemple de l'Assurance maladie avec I'Ondam lobjeciifnational des dépenses d'assurance maladie, ndlrl. Si les réflexions doivent se poursuivre sur ce sujet, on peut toutefois craindre qu'une tellerègle soit beaucoup trop difficile à mettre en æuvre car l'hétérogénéité dês situations des collectivités locales est lrès grande. L'État ne peutprobablement agir sur les dépenses locales que par des voies indirectes, en pratique en réduisant les ressources qu'il leur apporte (40 % dutoial de leurs recettes).

"ll n'y a aucune raison d'exonérer les collectivités locales de l'effort collectif deréduction des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires. Leurs dépenses

ne sont en effet certâinement pas plus utiles que celles de l'État ou de la Sécurité

sociale."

Elles peuvent certes ne pas réduire leurs dépenses mais s'endêtter, la "règle d'or" budgétaire qui s'irnpose à elles ne leur interdisant pas

d'emprunter pour investir. Elles peuvent aussi âugmenter le taux des impôts locaux, mais les analyses des déterminants de leurs dépensesmontrent qu'elles fixent leur montant en grande partie en fonction des ressources apportées par l'État. La baisse des dotations de l'État adonc une certaine efficâcité, comme I'a montré l'évolution des dépenses locales en 2014 e12015, ei elle doil être poursuivie comme prévu.

À plus long terme, il faudra vraiment simplifier l'organisation territoriale de la République pour réduire le coût des services locaux, car il n'estpas du tout évident que les réformes votées ces dernières années y ont contribué. L'enchevêtrement des compétences subsiste et la créationde nouvelles structures, notamment en lle-de-France, n'â pas clarifié leur répartition. ll faut garder tes petites cômmunes mais transférer leurscompétences à des intercommunalités en prenanl exemple sur I'organisation de Paris, Lyon et Marseille, où il y a toujours des mairesd'arrondissement mais avec des pouvoirs limités (célébration des mariages et tenue de l'état civil...)

Effectifs et durée du travail des fonctionnairesll serait difficile de réduire le total des dépenses dês administrâtions publiques sans diminuer Ia mâsse salariale qui en représente 15%.La politique salariale ne le permettra prohablemeni pas car il faudra, dans les prochaines années, financer le dégel du point d'indice et larestructuration des grilles salariales, qui ont été déjà décidés, ainsi que la convergence des régimes indemnitaires ou encore des incitationsplus fortes à la mobilité êt à Iâ performance, qui restent nécessaires. Des économies peuvent être trouvées dans la suppression ou lâ

réduction de ceriaines primes et indemnités, comme les majorations de rémunéraiion outre-mer, mais elles ne seront sâns doute pâs

suffisantes.

Une diminution de§ effectifs des trois fônctions publiques (5,4 millions d'agenls au total) est donc nécessaire. Les gains de productivité dansles administrâtions et l'abândon de leurs activités insuffisamment utiles pourraient permettre une baisse de 1 % par an dê ces effectifs, soit 55000 postes, ce qui dégagerait une économie de 7,5 Mds€ au bout de cinq ans. ll ne paraît guère possible d'aller plus vite, car la baisse deseffectifs ne peut se faire qu'en ne remplaçant pas une partie des départs en retraite. ll n'y aura pas de licenciements économiques dans lafonction publique, avec ou sans le statut, car l'État aura toujours une obligation sociale de reclassement des fonctionnaires.

"Une diminution des effectifs des irois fonctions publiques (5,4 millions d'agents âu

total) est nécessaire"

ll n'est donc pas nécessaire de remettre €n cause leur emploi à vie, sauf en cas de faute ou d'insuffisance professionnelle. En revanche, il estimpératif d'accroître la mobilité des fonctionnaires, en aidant linancièrement ceux qui i'acceptent et en sanctionnant ceux qui la refusent.

Une augmentation de la durée annuelle du travail permettrait enfin de réduire plus fortement les effectifs sans dégrader la qualité des servicespublics. Un alignement de celle des fonctionnaires sur celle des salariés du secteur privé, ce qui correspondrait à une hausse de 5 70,

entraînerait, à rémunération inchangée, une économie supplémentaire de 3,5 Mds€.

Retraites: appliquer les règles du privé aux nouvelles rêcruesUn rapprochement a déjà êu lieu entre les régimes de retraitë de la fonction publique et des salariês du secteur privé, mais d'importantesdifférences §ubsistent, notamment le calcul du salaire de référence : pour les fonctionnaires, il est égal à celui des six derniers mois mais il

n'intègre pas les primes, alors que pour les salariés du secteur privé, ie sâlaire de référence est la moyenne des salaires (primes comprises)des 25 meilleures années actualisés avec l'indice des p.ix à la consommation

Par un effet du hasard, les taux de remplacement des salaires par tres pensions sont aujourd'hui guâsiment identiques en moyenne dans le

Page 5: tic0nomiste - fipeco 1462307501.pdf · programmâtion des finances publiques de décembre2012 a ainsi prévu un déficit public de 3% du PIB en 2013, conformément aux recommandations

z5DA16 François Ecalle, économiste: "Dette, déficit : il re faut pas se laisser endormir par le niveau ætuel des taux d'intérêf'

public et dans le privé (en incluant les retraites complémontaires) mais, à réglementation inchangée, ils baisseront plus fortement dans leprivé dans I'avenir.

Un alignement des règles du public sur celles du privé est souhaitable par souci d'équité vis-à-vis des prochaines générations de retraités, et

parce qu'il faudrâit rapprocher les statuts et les régimes de Sécurité sociale pour faciliter les transitions professionnelles entre les deux

secteurs.

"Un alignement des règles du public sur celles du privé est souhaitable par souci

d'équité vis-à-vis des prochaines générations de retraités"

Toutefois, si les taux moyens de remplacement sont en moyenne identiques, ils sont très différents pour certaines catégories de personnels.

Un alignement conduirait à des pertes très importantes pour certains agents (de 13 % en moyenne pour les enseignants par exemple). ll est

fort probable que ces pertes seraient compensées, mais le coût pour les finances publiques serait alors irès élevé. ll serait donc plus judicieux

de n'appliquer les règles du privé qu'aux nouvelles recrues des administrations, comme l'ont fâit France Télécom et Lâ Poste-

Par ailleurs, certaines catégories de fonctionnaires diies "actives" (par exemple les policiers pour la fonction publique d'État et les aides-

soignants dans les hôpitaux) peuvent partir en retrâite 5 à 10 ans avant l'âge minimal de droit commun. ll faudrait supprimer cette dérogation

aux règles générales mais, de nouveau, il faudra sans doute compenser les pertes des agents si elles sont trop importantes, en étant

éventuellement tenté de mettre on ceuvrê un compte pénibilité dans l'administration. Ce compte pénibilité risquant d'avoir un coÛt

disproportionné par rappûrt à ses avantages, même sans l'étendre âux admlnistrations, il faudrait le supprimer avant que les droits acquis ne

soient trop importants et appliquer les règles d'âge de droit commun aux nouvelles générations d'agents publics des "catégories actives".

Biô expresaExpert es finânces publiques

François Ecalle, conseiller maftre â la Cour des comptês aujourd'hui en disponibilité, est ingénieur de l'École æntrale de Paris et ancien élève de l'ENA. Sa

canière a été consacrée à l'anâlyse et au contrôle des finances publiques ; âu ministère des Finances, où il a notamment été sous-dlrecteur en charge des

lnances publiques à la direction dê la prévision de 1993 à 1997; à lâ Courdes comptes, où il a été responsable du rapportânnuel surla situalion etlesperspeciives dês finances publiques de 2008 à 201 5 ; au Haut Consêii des înances publiques dont il a été membre de 201 3 à 201 5. En se mettant en

disponibilité pourcréer Fipeco, un site dédié âu décryptage desflnances publiques, il espère pouvoirfaire pârtagerles tonnaissances êtl'êxpériencê âcqui§es

au cours de cêtte carrière. Frânçois Ecalle a pubtié en 2005 'Maltriser lês fnances publiques I Pourquoi, comment?' chez Economica, préîacé par Raymond

Baffe, grand prix de I'Académie des sciencês motales êt poliliques.

Pâr Philippe Plassart

Rubriques:EntrêpriseslAvoixhautelBudgetlEconomielEtailEurqpelSociallPhilippePlassart

Fublié le 02105/20'16