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SEPTEMBRE/OCTOBRE 2013 - NUMÉRO 63 2NUMÉRO OFFERT Karine Tuil : la consécration ? Dans l’Invention de nos vies, son neuvième ouvrage, le plus accompli, Karine Tuil nous livre un roman sur l’imposture, les faux-semblants, les identités trompeuses, l’argent, la réussite, l’amitié. INTERVIEW EXCLUSIVE ET ANALYSE DU ROMAN • ARCADY TOURNE : «24 JOURS, LA VÉRITÉ SUR LA MORT D’ILAN HALIMI» • LE JOUR OÙ ISRAËL DEVAIT DISPARAÎTRE : KIPPOUR 1973 • LES JUIFS EN CHINE DEPUIS LE VIII ÈME SIÈCLE

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2€ NUMÉRO OFFERT

Karine Tuil : la consécration ?

Dans l’Invention de nos vies, son neuvième ouvrage, le plus accompli, Karine Tuil nous livre un roman sur l’imposture, les faux-semblants, les identités trompeuses, l’argent, la réussite, l’amitié.

INTERVIEW EXCLUSIVE ET ANALYSE DU ROMAN

• ARCADY TOURNE : «24 JOURS, LA VÉRITÉ SUR LA MORT D’ILAN HALIMI»

• LE JOUR OÙ ISRAËL DEVAIT DISPARAÎTRE : KIPPOUR 1973

• LES JUIFS EN CHINE DEPUIS LE VIIIÈME SIÈCLE

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Il y a 68 ans, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, des gens admirables par leur courage et leur intégrité morale, avaient édité un pe-tit journal de 6 puis de 8 pages : Le Bulletin de nos Communautés d’Al-sace et de Lorraine. Le premier nu-méro est daté du 21 décembre 1945 et ce n’est qu’en 1965 que le Bulletin devint La Tribune Juive.

Vous lirez tous les détails de sa naissance et de son développement dans le texte du Rabbin Jacquot Grunewald que nous reproduisons in extenso.

Le magazine eut son heure de gloire surtout sous la direction de Pierre Besnaïnou, et quand Ivan Levaï, jour-naliste de talent et de conviction était aux commandes. Les difficultés de la confection d’un magazine, le coût exorbitant d’une distribution ciblée, la baisse du lectorat devant l’offre surabondante des radios, stations de télévision et le torrent ininterrompu de l’Internet mirent à mal Tribune Juive dont la coque percée prit l’eau jusqu’à s’échouer en mars 2011.

Lui succéda un avatar de Tribune Juive, le site web tribunejuive.info animé par des rédacteurs du maga-zine, qui recrutèrent des talents et qui réussirent à fidéliser un lectorat nouveau dans sa grande majorité. La première conférence de rédaction décida que la mission était de rendre compte de l’actualité de la commu-nauté juive en France, en Israël et partout dans le monde en abordant

tous les sujets et toutes les disciplines.Républicain, laïque et admirateur de l’État d’ Israël, tel devait être le site Internet et ses animateurs se vou-lurent indépendants, rigoureux dans le contrôle de l’information, ennemis de la pensée unique, des controverses stériles et des jugements hâtifs.

Allez sur Internet et cliquez sur tribunejuive.info : vous ne serez pas déçus ! Le site continuera d’exister, de publier tous les jours et d’envoyer par mail plusieurs fois par semaine une newsletter de ses meilleurs articles à ses lecteurs. Ce service gratuit, vous pouvez en bénéficier : il vous suffit de vous inscrire.

Vous avez en mains le magazine Tribune Juive, navire dont nous avons réparé les avaries, que nous avons redressé pour le remettre à flot. On ne sait pas quel sera son destin. Il dé-pendra de l’estime que vous lui porte-rez . Nous avons fait de notre mieux, nous pourrons encore améliorer .

La communauté juive franco-phone et tous nos amis méritent un magazine ouvert à l’actualité avec des analyses sans parti pris, avec de l’intelligence pour convaincre et de l’optimisme pour séduire.

On va essayer tous ensemble.

André Mamou Rédacteur en chef

Edité par Yves Saro & Partners 78 Boulevard Soult - 75012 PARIS Directeur de la publication : Yves SroussiRédacteur en chef : André Mamou Directrice de la rédaction : Sylvie BensaidRedactrice en chef adjointe : Line Tubiana Secretaire de rédaction : Michelle Delinon Maquette : Emmanuel Lacombe Journalistes : Maxime Perez, Brigitte Thévenot, Zibeline, Benjamin Altman, Amandine Sroussi, BelyDirectrice de la publicité : Sylvie Marek Chef de publicité : Jeanine KonfortiPhotographe : Alain AzriaCrédits photo : Wikipédia, Stock.xchngCommission prioritaire en cours. Abonnements : 01 53 33 88 60

Tribune Juive Magazine vient de naître, de renaître.

La renaissance SOMMAIRE

ÉDITO

Histoire du «bulletin de nos Communautés» HISTORIQUE

P4

Karine Tuil la consécration INTERVIEW

P6

Commencer par sa blessure LIVRES

P8

Arcady tourne: «24 jours, la vérité sur la mort de Ilan Halimi» CINÉMA

P10

Israël et la corne africaineAFRIQUE

P12

Le jour ou Israël devait disparaitre : Kippour 1973 DOSSIER

P13

Netanya, veille de Kippour 1973 DOSSIER

P16

En chinois XIN veut dire nouveau ISRAËL

P18

Les juifs en chine: Depuis le VIIIéme siècle INTERNATIONAL

P19

Les odeurs et les saveurs du Maroc de ma jeunesse SOCIÉTÉ

P22

Hanokh Levin, le parcours d’un immense dramaturge Israélien PORTRAIT

P26

«inconnu à cette adresse» SPECTACLES

P28

«Les livres à s’offrir» LIVRES

P30

Un été bien bleu (bilan de rentrée) SPORT

P32

Les brèves P25P34

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Q uant au Bulletin (c’est ainsi que nous abrégerons dans la suite du texte), son premier numéro paraî-

tra le 21 décembre 1945, sous forme d’un bi-mensuel de six puis de huit pages 21x27, sans couleur bien sûr.

Les noms qui apparaissaient, avec celui des communautés d’origine, laissaient devi-ner peu à peu les longues listes de tous ceux qui ne reviendraient plus, dont les noms seront gravés sur les monuments du sou-venir dans les cimetières juifs d’Alsace et de Lorraine.

Le Bulletin a été fondé par Abraham Deutsch, nouveau grand rabbin de Stras-bourg et du Bas-Rhin, qui en était le ré-dacteur en chef et par mon oncle Nephtali Grunewald qui, avec sa sœur Berthe, en assura la charge financière et l’ensemble du travail technique. C’était là une façon de continuer l’œuvre entreprise à Limoges où la Communauté de Strasbourg était officielle-ment et pratiquement réfugiée pendant la guerre.

Journal communautaire ? Il faut s’en-tendre sur les mots. Ils n’ont sans doute plus la même signification qu’en ces temps d’après-guerre, où le retour d’une com-munauté, sa renaissance, étaient par eux-mêmes la chose la plus merveilleuse qui soit, quasi miraculeuse... Le Bulletin de nos Communautés portait ce titre dans cette perspective. Cela dit, le Bulletin était un

journal indépendant. Il faut avoir connu le grand rabbin Deutsch pour comprendre. Le rabbin à tous les niveaux de la réflexion était totalement indépendant des prési-dents, du Consitoire et de la Communauté.

Rubriques et articles

Cependant, le Bulletin n’était pas seu-lement «communautaire». Par son apport rédactionnel, il était bien plus qu’un «bul-letin». Au-delà de ses éditoriaux, le grand rabbin Deutsch rédigeait régulièrement La quinzaine dans le monde juif, de courtes informations et réflexions correspondant au titre de la rubrique. Il y avait bien sûr les lectures bibliques (qui, avec l’éditorial et d’autres articles paraîtront aussi en alle-mand jusqu’en 1965, pour les «parashioth») et puis des billets de toutes sortes.

Dans le n°1, on peut relever les signatures de Edouard Bing, Benno Gross, Henri Smo-larski, J.P. Blum (qui revenait de déporta-tion) ainsi qu’un Rapport sur la situation de la communauté de Colmar après le retour de l’Alsace à la France, par le grand rabbin Fuks. Le fameux Carnet de famille y figurait déjà. Ainsi que Des nouvelles de partout grâce au service de l’Agence Télégraphique juive auquel le journal s’était abonné.

Par la suite, au fur et à mesure que passent les années, le journal s’étoffera; il paraîtra sous une couverture bleue avec sa mosaïque de publicité, une Revue de la presse fran-

Nephtali GrunewaldCo-fondateur du Bulletin

L’histoire du «Bulletin de nos Communautés d’Alsace et de Lorraine» est associée étroitement au retour à la France, après la Shoah, des deux provinces perdues, qui cessaient d’être «judenrein». D’autres ont parlé, d’autres parleront, de ces premières journées, des premières semaines ou des mois d’après-guerre, d’une communauté décimée, exsangue, sans moyens.

Histoire du «Bulletin de nos Communautésd’Alsace et de Lorraine »

Salli, Salomon et Berthe Grunewald

HISTORIQUE

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çaise et étrangère d’André Lazar, les contri-butions parisiennes de Roger Berg, celles d’Arnold Mandel, de Jean-Georges Kahn, du Dr. Joseph Weill, de Hélène Rapoport La Lettre de Jérusalem de Moshé Catane est sans doute le signe le plus évident que le grand rabbin Deutsch admettait que la forteresse d’une certaine orthodoxie intel-lectuelle pût être forcée.

Enfin, avant de m’excuser auprès de tous ceux que je devrais encore citer, il faut sou-ligner le rôle de Claude Hemmendinger qui sut apporter au journal une note profes-sionnelle.

Du «Bulletin» à «Tribune Juive»

Lorsqu’en 1965, mon oncle décida de prendre sa retraite et m’invitait à prendre sa succession (je n’avais alors contribué à la rédaction que par le Coin des jeunes) deux considérations m’amenèrent à répondre positivement. La première, était le caractère indépendant du journal, le seul parmi tous les organes de la presse juive en France.

Je m’en étais longuement entretenu avec le rabbin Charles Friedeman, mon ami, qui lui aussi écrivait dans le Bulletin, et qui considérait, comme moi, qu’une presse juive indépendante méritait d’être dévelop-pée.

La seconde réflexion venait de l’état très faible de la communauté juive dans son ensemble. Et je me disais qu’un journal arrivant dans les foyers, toutes les veilles de Shabath, alors que la plupart des synago-

gues restaient quasi désertes, était une dé-marche importante qui s’inscrivait parfaite-ment dans l’idée que je me faisais du travail rabbinique.

Souvenirs. Dans le premier numéro du Bulletin dont je prenais la charge, peu avant Ticha beav, en 1965, j’évoquais la présence de deux murs, le Kotel qui, cruellement, coupait Jérusalem en deux et celui de Ber-lin qui perpétuait la guerre froide. Ce qui prouve bien que l’optimisme et l’espoir ne sont pas des denrées prohibées.

Je le pensais déjà. Et c’est pourquoi j’ima-ginais que le Bulletin pouvait officielle-ment sortir d’Alsace-Lorraine pour aller au devant d’un lectorat plus large.

Ce fut d’abord, compte tenu de la place de Strasbourg comme capitale de l’Europe et par l’ajout de pages pour la Suisse (après la fusion avec Liaison) et d’un carnet belge, le passage au Bulletin des Communautés d’Europe d’expression française !

A mon grand étonnement, personne ne protesta. Il est vrai qu’aucune organisation juive européenne n’existait encore. Puis, en 1968, le Bulletin prit le titre de Tribune Juive, une façon de rappeler La Tribune Juive qui paraissait à Strasbourg avant-guerre.

L’année suivante, Tribune Juive devint hebdomadaire.

Commençait alors une autre histoire.

Rabbin Jacquot Grunewald

Rabbin Jacquot Grunewald

Ivan Levaï

EN 1968 LE BULLETIN PRIT LE TITRE DE TRIBUNE JUIVE...

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C’est l’histoire d’un trio amou-reux, au destin croisé. Samir, le musulman et Samuel, le juif, sont amoureux de

Nina une somptueuse créature. Vingt ans plus tard, tout a changé. Samir qui est devenu un brillant avocat d’affaires à New York, doit son succès à une usurpation d´identité. Il a emprunté l’histoire familiale de son ami de jeunesse, Samuel. Ce roman phare de la rentrée, fait partie de la pre-mière sélection de romans en lice pour le Goncourt, le prix Interallié et le Femina.

Rencontre avec Karine Tuil, une jeune femme à l’allure volontaire, un esprit toujours en éveil, un regard qui dé-voile une part de douceur et de fragilité

Tribune juive : Dans L’invention de nos vies, votre der-nier roman, vous traitez de l’imposture, du mensonge, de la falsification, des sujets universels. Pensez-vous que ce sont des contre-valeurs totalement banalisées dans notre société ?

Karine Tuil : Oui, je crois que Samir est assez emblé-matique de notre société, c’est un Rastignac des temps mo-dernes, un ambitieux mais c’est aussi un pur produit de la « méritocratie » à la française. Il est travailleur, volontaire, il a envie de trouver sa place sociale et est prêt à tout pour ça. Mais il va être acculé au mensonge d’identité parce qu’il pense être victime d’une discrimination raciale. Etudiant brillant, il est persuadé que les lettres de refus d’embauche des prestigieux cabinets d’avocats sont dues uniquement à son patronyme d’origine arabe. Samir Tahar, devenu Sam, rencontre Pierre Lévy, son futur employeur qui, d’emblée, le prend pour un juif. En effet, le nom de Tahar est porté aus-si bien par des juifs d’Afrique du nord que par des musul-mans. Samir ne dénonce pas ce quiproquo et commence à New-York une brillante carrière sous l’impulsion de Pierre Lévy et de celle qui deviendra sa femme, Ruth Berg, la fille

d’un puissant entrepreneur juif américain – l’une des plus grosses fortunes américaines.

TJ : Est-ce la contrainte sociale qui oblige Samir à un changement d’identité ?

KT : Samir est persuadé d’avoir été victime d’une discri-mination raciale, alors que Pierre Lévy, son employeur puis associé, lui dira un peu plus tard dans le livre - c’est un pas-sage très important – que, « dans notre société, la discrimi-nation n’est pas raciale mais sociale », précisant qu’il l’aurait embauché même s’il avait su qu’il était musulman. Samir, d’une certaine façon, s’est laissé piéger par son mensonge originel, mais il n’y avait chez lui ni honte des origines, ni volonté de tromperie.

TJ : Samir a-t-il un désir de revanche si fort qu’il l’em-pêche de se dévoiler ?

K.T : Samir est quelqu’un de très méritant, très brillant, Il est arrivé parmi les premiers au concours du Barreau de Paris. Le jeune des cités veut rompre le « cycle de l’échec et de la misère », lié à ses origines, notamment - sa mère est femme de ménage, son père, qui était chauffeur, est mort dans des circonstances tragiques alors que Samir était en-core jeune. Il y a donc en lui un très fort esprit de revanche. Revanche sur l’amour, car il a été rejeté par la femme qu’il aimait - Nina l’a abandonné pour retrouver Samuel qui avait tenté de se suicider pour la garder - ; revanche contre la société qui impose ses règles sociales impitoyables et aux-quelles il faut se soumettre pour survivre ; revanche contre l’humiliation qu’a subie sa mère qui a eu une liaison avec son employeur, un homme politique français, membre du parti socialiste qui, après lui avoir fait un enfant qu’il a refu-sé de reconnaître, l’a abandonnée.

Tj : Vous êtes-vous inspirée de DSK pour les pulsions

de votre héros?

K.T : Non, je ne me suis pas inspirée de DSK, mais le goût pour une sexualité sans contrainte était un trait de ca-

Dans l’Invention de nos vies, son neuvième ouvrage, le plus accompli, Karine Tuil nous livre un roman sur l’imposture, les faux-semblants, les identités trompeuses, l’argent, la réussite, l’amitié.

Karine Tuil : la consécration ?

INTERVIEW

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ractère qui rendait Samir plus intéressant. C’est un séduc-teur, noceur, un homme à femmes, qui a une sexualité tota-lement débridée, il est incapable de réprimer ses pulsions et le lecteur guette sa chute.

TJ : Si votre livre devenait un film qui pourrait incar-ner Nina ?

K.T : Beaucoup de personnes s’y intéressent. Je vois bien Monica Belluci dans le rôle de Nina. Il faut une femme extrêmement charnelle et sensuelle avec une charge érotique puissante.

T.J : Dans votre roman, les femmes sont soumises et manipulées et au fur à mesure on les voit s’émanciper.

K.T : La question des rapports de pouvoir, que ce soit dans la sphère professionnelle ou intime, m’intéresse de-puis longtemps. J’ai d’ailleurs écrit un livre à ce sujet «La Domination». Il me semble que beaucoup de choses se jouent dans les rapports de pouvoir, de désir. Les femmes deviennent des enjeux, des objets, des faire-valoir pour des hommes plus puissants qu’elles. Au fil du livre, elles s’éman-cipent, se libèrent du regard des hommes.

T.J : Samuel a aussi un rapport ambigu avec son iden-

tité juive… Il va même jusqu’à changer de prénom.

K.T : Samuel Baron, qui rêve de devenir écrivain, recon-verti en éducateur social auprès de jeunes en difficulté est le fils d’intellectuels juifs orthodoxes avec lesquels il rompt tout lien quand il apprend, à l’âge de 18 ans, qu’il n’est pas leur fils biologique, mais celui d’une chrétienne. Il s’éloigne du judaïsme. Il vit dans une banlieue sous tension, où la montée de l’antisémitisme est très forte. Il est menacé, il a peur, et se voit contraint de cacher sa judaïté, il prend le pré-nom de son père, Jacques. Dans mon livre, tout le monde ment sur son identité pour survivre.

TJ : Peut-on se réinventer une vie ou est-ce une illusion ?

K.T : Ce qui m’intéresse, c’est le désir qu’on peut avoir d’échapper au déterminisme, de se créer une identité propre. Dans une société ultra compétitive, où la réussite est une norme sociale à laquelle il faut se soumettre, peut-être encourage-t-on les gens à falsifier leur existence, à mentir pour paraître sous un jour plus favorable, plus enviable. « Avec le mensonge on peut aller très loin, mais on ne peut jamais en revenir » dit un proverbe yiddish, qui m’a guidée tout au long de l’écriture de ce roman. On voit les person-nages, tour à tour s’inventer des vies… mais tôt ou tard ils sont rattrapés par leurs origines, leur passé. Pour Samir, qui a tout eu, être débarrassé de son masque social devient libératoire… il s’affranchit enfin des non-dits et des secrets.

T.J : Vous abordez dans ce livre des thèmes récurrents : le mensonge et l’identité…

K.T : Etre écrivain c’est se nourrir beaucoup des autres, avoir le désir d’incarner plusieurs vies, en changer par pro-curation, c’est être un peu acteur, ça donne une liberté, une audace, une énergie très particulières. J’aime soulever des questions de société comme l’antisémitisme, la discrimina-tion, la quête identitaire et les intégrer dans une grande histoire romanesque. A travers ce livre, je souhaitais évo-quer les compromissions et les trahisons que chacun est prêt à faire pour trouver sa place sociale, notamment le mensonge. Quant à l’identité, c’est un thème qui m’obsède depuis mon premier roman. J’aime beaucoup cette phrase du poète russe Joseph Brodsky qui illustre bien mon livre : « Mon premier mensonge avait un rapport avec mon iden-tité. »

T.J : C’est aussi un livre sur l’amitié ?

K.T : Oui, amitié déçue ou amitié forte, proche de la fraternité. Dans ce livre, l’amitié entre Samir Tahar et son mentor Pierre Lévy est indéfectible. J’ai voulu parler de réconciliation. C’était important d’évoquer l’amitié judéo-musulmane, les préoccupations communes, les crispations identitaires.

T.J : Ce livre est aussi une variation sur la réussite ?

K.T : C’est un roman qui parle de l’obsession de la réus-site dans nos sociétés occidentales. Qui est le raté ? Qui a réussi ? Celui dont la réussite repose sur un mensonge identitaire ? Samuel qui a, en apparence, échoué mais qui tire un certain orgueil de son refus des compromissions ? Mes personnages vont être placés successivement dans des situations d’échec et de réussite.

T.J : Comment vous est venue l’idée de ce roman ?

K.T : J’avais été très marquée par la vague de suicides à France Telecom, signe d’une société malade de son obses-sion de la performance. Je voulais décrire le climat de vio-lence et de brutalité qui sévissait dans notre société contem-poraine, l’esprit concurrentiel, l’obsession de la réussite, de la compétitivité.

T.J : Avez-vous toujours eu ce goût pour l’écriture ?

K.T : Très tôt, ma mère qui était par ailleurs assez réser-vée et pudibonde, qui m’interdisait par exemple de voir une scène un peu osée à la télévision, m’a donné à lire des textes forts – pas toujours adaptés à mon âge d’ailleurs : Camus, Vian, Kafka, dans une liberté totale, m’incitant à échanger avec elle après lecture, sans tabou. J’ai toujours aimé écrire, j’ai fait des études de droit pour rassurer mes parents, mais j’ai écrit mon premier roman à l’âge de dix-neuf ans sans être publiée. D’ailleurs, mon roman est aussi une réflexion sur l’écriture, sur la place de l’écrivain dans notre société.

Propos reccueillis par Sylvie Bensaid

Karine Tuil : la consécration ?

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I l y a trois personnages principaux : Samir, arabe musul-man, fils d’immigrés tunisiens, Samuel, fils d’une polo-naise catholique, adopté par des juifs français commu-

nistes « revenus» à la religion, Nina trop belle, fascinante, que les deux hommes se disputent.

Celui qui devient avocat de haut niveau à New York et qui épouse la fille du juif le plus important de Manhattan, c’est l’arabe. Celui qui végète à Clichy sous Bois dans un emploi d’assistant social, c’ est le juif. Nina, elle a aimé le premier, elle est restée par pitié avec le plus faible mais elle le quittera pour le premier.

Pour réussir à Paris puis à NewYork, Samir ne contre-

dit pas son premier employeur qui pense avoir engagé un jeune avocat juif prénommé Sami. « On peut aller très loin avec le mensonge... » Et Sami bâtira sa carrière, son ma-riage, sa vie sur un malentendu jamais dissipé. Samuel se veut écrivain mais n’ a jamais été édité. Son échec le trans-forme en agressif hystérique. La misère s’impose à lui mais il ne l’assume pas et se drape dans une attitude de mépris envers tous ceux qui connaissent la réussite. Il en est même réduit à recevoir les arabes venus lui demander son assis-tance en se cachant d’être juif.

Personne n’ est à sa place, chacun s’invente un rôle mais

la vie va rebattre les cartes et le jeu va changer pour chacun des personnages.

C’est un beau roman. Karine Tuil raconte une histoire,

une intrigue, avec un début, des rebondissements et des personnages secondaires qui sont les acteurs, les témoins de la tragédie. Le demi frère de Samir, né d’une relation an-cillaire, blond comme son père, homme politique français, qui devient terroriste après avoir été dealer puis musulman intégriste. Il y a l’avocat juif parisien, tout en intelligence et en culture qui écoute les confidences et donne les conseils

sollicités, comme dans les tragédies du répertoire classique. Il y a l’épouse de Samir, parfaite jewish american princess...

Mais le livre de Karine Tuil n’est pas seulement un roman

réussi, c’est aussi un reportage fouillé, une analyse au scalpel des banlieues françaises, « léopardisées» par des zones de non droit, avec une jeunesse en déshérence et en déses-pérance. Les ascenseurs toujours en panne dans les barres

de 8 étages, c’est pour décourager ou ralentir les policiers venus arrêter des auteurs de délits ou les dealers de shit et de coke, ou de simples préposés au guet. « L’invention de nos vies », c’est également une réflexion sur le sort réservé aux arabes ou plutôt sur l’idée qu’ils s’en font:

« Pour trouver un bon travail quand on est arabe,tu peux

crever, et un logement, oublie. Les Français ont fait venir nos parents, ils leur ont promis l’eldorado et, au lieu de ça, ils les ont parqués comme des bêtes dans des cités-dortoirs, ils les ont exploités, maltraités, maintenant ils veulent s’en débarrasser, et tu voudrais quoi, que nous, leurs enfants, on dise merci ? Les juifs sont toujours là, à pleurer sur leurs morts, mais nous, qui pleure sur nos victimes ? Tu veux que je te dise ? Les morts n’ ont pas tous la même valeur ! »

Karine Tuil rapporte aussi ce que beaucoup d’arabes pen-sent des juifs quand il leur arrive de s’ exprimer : « Les juifs ne sont pas paranoïaques peut être ? Dès qu’ils sont visés par la moindre remarque, dès qu’ils se sentent mal-aimés, lésés, critiqués, ils dégainent leur arme, l’antisémitisme ! »

« Commencer par sa blessure, commencer par ça - dernier stigmate d’un caporalisme auquel Samir Tahar avait passé sa vie à se soustraire »« ...Lui même n’aspirait plus qu’à jouir de son identité retrouvée. »Ce sont la première et la dernière phrase de « L’invention de nos vies », roman de Karine Tuil : 493 pages (Grasset).

« L’INVENTION DE NOS VIES » DE KARINE TUIL

Commencer par sa blessure

LIVRES

Personne n’ est à sa place, chacun s’invente un rôle mais la vie va rebattre les cartes et le jeu va

changer pour chacun des personnages.

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L’écriture de Karine Tuil est vive, précise, nerveuse : peu de descriptions et beaucoup de dialogues, de confessions. Elle utilise souvent des phrases avec deux ou trois verbes ou adjectifs séparés par des barres obliques : « il te faut charmer/ruser/négo-cier» ou autre exemple : « quelque chose était corrompu/détruit /souillé ». Il y a également quelques notes en bas de page pour rendre vrais des personnages sans importance : par exemple, deux dan-

seuses nues dans une boîte de nuit, asté-risque et en bas de page : « Charlène et Nadia, 23 et 25 ans. La première rêvait de devenir danseuse classique, la seconde avait été longtemps professeur d’aérobic ».

C’est un livre sur l’état de la France au-jourd’hui, laïcité et communautarisme, hostilité raciste et violence incontrôlable, chômage humiliant et assistance découra-geante. Le pays ne va pas bien et chacun le ressent. Karine Tuil restitue la vibration et son livre interpelle : « supporter l’horreur économique, l’horreur sociale-utopie car rien ne changera, toujours plus minable, faut pas rêver »

Le Point parle d’une « fresque post balza-

cienne sur l’ambition et ses ressorts » mais ce livre puissant charrie les craintes « d’un avenir sombre, terrorisant » et il parle sur-tout de passion, d’ambition , de mensonge, et de désillusion .

Samir, Samuel, Nina ont quarante ans.

« Les feux mal éteints » de leur jeunesse brillent encore dans leurs yeux. Le livre de Karine Tuil parle de la vie qui vous fait exul-ter et qui peut vous broyer.

André Mamou

L’invention de nos vies, Karine Tuil Éditions Grasset

Karine Tuil Romancière

« Pour trouver un bon travail quand on est arabe,tu peux crever,

et un logement, oublie. »

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Ilan Halimi, est le premier juif assassiné en France depuis la fin de la guerre mondiale. Aucun d’entre nous ne l’a oublié : c’est notre épine au cœur. Il va y avoir deux films, le second sera tourné par Richard Berri , le premier est en cours de tournage par Alexandre Arcady.

Arcady a été « adoubé » par Ruth Halimi, la mère d’ Ilan qui avait signé avec Émilie Frèche un témoignage intitulé : « 24 jours, la vérité sur la mort d’Ilan Halimi ».

Ce sera le titre du film et la distribution réunit des talents confirmés et des nouveaux venus au profil intéressant.

Zabou Breitman reprend le rôle de Ruth qui devait être celui de Valérie Benguigui. Ilan sera incarné par Syrus Shaidi (pas de commentaire : c’est Ruth qui l’a choisi).

Arcady tourne : « 24 jours, la vérité sur la mort de Ilan Halimi »

CINÉMA

Zabou Breitman Syrus Shaidi Pascal Elbé

L A M È R E I L A N L E P È R E

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Page 11: Tj magazine

Synopsis

E lle est entrée dans une boutique de téléphonie sur le boulevard Voltaire. Elle a fait mine de s’intéresser aux nouveaux portables, a obtenu le numéro du vendeur

et s’en est allée. Elle l’a rappelé dès le lendemain, lui a dit qu’elle voulait le revoir. Ilan ne s’est pas méfié. Il avait vingt-trois ans, la vie devant lui… Comment pouvait-il se dou-ter qu’en rejoignant cette jolie fille dans un café de la porte d’Orléans, il avait rendez-vous avec la mort ?

Le vendredi 20 janvier 2006, Ilan Halimi, choisi par le gang des Barbares parce qu’il était juif, est enlevé et conduit dans un appartement de Bagneux. Il y sera séquestré et torturé pendant trois semaines avant d’être jeté dans un bois par ses bourreaux. Retrouvé gisant nu le long d’unevoie de chemin de fer à Sainte-Geneviève-des-Bois, il ne survivra pas à son calvaire.

Dans ce film, Ruth Halimi revient sur ces 24 jours de cauchemar. 24 jours au cours desquels elle aura reçu, elle et son mari, Didier, plus de six cents appels, des demandes de rançon dont le montant ne cessera de changer, des insultes, des menaces, des photos de son fils supplicié… 24 jours d’angoisse de toute une famille, contrainte de garder le silence pour laisser travailler le Quai des Orfèvres. Mais le Quai des Orfèvres ne sait pas à quels individus il a affaire. Il ne mesure pas la haine antisémite qui habite les ravisseurs, et ne s’imagine pas qu’Ilan allait perdre la vie...

Alexandre Arcady Tournage d’ une scène d’un dîner de Shabbat

Photos : Etienne George

Ilan et sa mère

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L ’attaque, puis la prise d’otages menée par des combat-tants shebabs en plein cœur de la capitale kényane restent encore parsemées de zones d’ombre. Mais ce

qui continue d’intriguer, c’est l’implication de forces spé-ciales israéliennes, relatée par l’Agence France Presse (AFP) un peu plus de vingt-quatre heures après le début des évè-nements. A l’intérieur du centre commercial de Nairobi, au moins deux blessés disent avoir été secourus par un « agent israélien », sans qu’on sache comment celui-ci a pu être identifié.

N’en déplaise aux nostalgiques du spectaculaire raid d’Entebbe en 1976, la présence de commandos israéliens au Kenya répond avant tout à des intérêts stratégiques. Depuis les attentats de Mombassa en 2002, la coopération israélo-kenyane s’est intensifiée en matière de lutte contre le terrorisme. En apportant son assistance militaire à Nai-robi, l’État hébreu espère réduire la capacité de nuisance de groupes islamistes affiliés à la nébuleuse Al-Qaïda, qui prospèrent dans la région. Il engage aussi une lutte d’in-fluence contre l’Iran, dont la présence navale et les activités se sont renforcées dans la Corne de l’Afrique.

Les relations entre Jérusalem et Nairobi ont connu un es-sor exceptionnel sous la présidence de Mwai Kibaki (2002-2013). Sur le plan sécuritaire, des experts israéliens dans la lutte antiterroriste ont formé des centaines de militaires et de policiers kényans aussi bien dans leur pays que lors de stages intensifs en Israël. Plusieurs accords bilatéraux ont été signés, y compris dans d’autres secteurs clés comme l’éner-gie ou l’agriculture. Depuis 2009, un partenariat permet au Kenya de bénéficier des techniques israéliennes d’irrigation et de gestion des eaux de pluie. En 2011, l’agence israélienne pour la Coopération au Développement (Mashav) achevait la construction d’un département médical d’urgences dans l’hôpital de Kisumu, troisième ville du pays.

Sur ordre du ministère de la défense, c’est une équipe du Yamam, unité d’élite de la police israélienne, qui s’est envo-lée vers la capitale kényane.

A Tel Aviv, des sources sécuritaires ont assuré que les hommes engagés sur place étaient des « négociateurs »,

aptes à encadrer le déroulement d’un assaut ou d’opérations de secours, et à prodiguer des conseils à l’armée kényane. Une intervention militaire directe contre le commando terroriste semblait donc exclue. Reste que les Yamam, équi-valent du GIGN, sont surtout réputés pour leur expertise en matière de libération d’otages. Il n’est donc pas impos-sible qu’un petit nombre d’officiers israéliens ait pénétré à l’intérieur du centre commercial, aux côtés de membres des forces de sécurité kenyanes.

Vus d’Israël, les évènements à Nairobi prouvent la néces-sité d’agir dans l’est africain, d’autant que cette région offre un accès privilégié à deux zones sensibles : le Golfe d’Aden et l’Océan indien. L’an passé, lors du passage à Jérusalem de son homologue kényan, Raila Odinga,Netanyahu déclarait : « nous allons aider à la formation d’une coalition contre le fondamentalisme en Afrique de l’Est, incluant le Kenya, l’Éthiopie, le Soudan du Sud et la Tanzanie. » Son objectif, ambitieux, est de rassembler sous son étendard plusieurs nations africaines à forte population chrétienne.

Cet axe pourrait également inclure l’Ouganda. Son prési-dent, Yoweri Museveni, s’était rendu en Israël dans la foulée du Premier ministre kenyan. Sa visite avait été organisée par l’ancien chef du Mossad Rafi Eitan, 86 ans, reconverti dans les affaires en Afrique. Elle lui avait permis de rencon-trer l’ancien ministre de la défense, Ehud Barak, le chef du Mossad, Tamir Pardo, ainsi que plusieurs grands acteurs de l’industrie militaire israélienne.

Maxime Perez

La présence de commandos israéliens à Nairobi pendant la prise d’otages du centre commercial Westgate n’est pas une surprise pour les connaisseurs de la région. L’est africain est une zone stratégique pour l’Etat hébreu.

Israël et la corne africaine

AFRIQUE

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L e 5 octobre 1973 à l’aube, Zvi Zamir, directeur du Mossad, reçoit un message de l’une de ses sources les plus fiables : l’Egypte et la Syrie s’apprêtent à déclen-

cher les hostilités contre Israël. Le général Eliahou Zeïra, chef des renseignements militaires (Aman), se dit scep-tique. Par deux fois, en mai et août, les exercices effectués par les troupes égyptiennes à la frontière avaient obligé l’armée israélienne à se mobiliser. Coût des opérations : 20 millions de dollars. Zeïra demande au directeur du Mos-sad de vérifier cette source avant d’en informer Golda Meir, alors premier ministre.

Zamir s’envole pour Londres afin de rencontrer son in-formateur. Il apprend que plusieurs milliers de familles de conseillers soviétiques en Egypte et en Syrie sont rapatriées en URSS. Des navires russes, habituellement amarrés dans les ports égyptiens de Port-Saïd, Alexandrie et Marsa Ma-trouh, ont même déjà rejoint le large. Le chef du Mossad alerte Tel Aviv dans la nuit du 5 au 6 octobre, au moment où la plupart des réseaux de communication sont para-lysés par la fête de Yom Kippour, le jour le plus sacré du calendrier hébraïque. Par précaution, l’état-major de Tsahal place son aviation en état d’alerte. Plusieurs escadrilles se tiennent prêtes à l’attaque de bases aériennes ennemies.

Samedi 6 octobre, 8h05. Golda Meir, qui a été réveillée à 3h45 par son aide de camp, le général Yisrael Lior, ouvre une réunion de crise. Tendue, elle fume cigarette sur ciga-rette, au point d’incommoder certains membres de son cabinet.

Les débats commencent. Craignant une offensive sy-rienne sur le Plateau du Golan, « Golda » préconise l’évacua-tion immédiate des kibboutz frontaliers. « Nous enverrons des bus chercher les enfants en fin d’après-midi », suggère-t-elle. Le ministre de la défense Moshé Dayan la soutient mais s’inquiète plutôt des divergences de point de vue avec les Etats-Unis : « Les Américains viennent de nous infor-mer que pour l’heure, ils ne constatent aucun préparatif à la

guerre. Mais ils sont incapables d’expliquer le rapatriement des ressortissants soviétiques et beaucoup d’autres choses ».

Tout comme Golda Meir, Dayan rejette l’idée de frappes aériennes préventives, arguant qu’Israël ne peut se per-mettre de passer une seconde fois pour un agresseur, comme lors de la guerre des Six-jours en 1967. Afin de ne pas éveiller la suspicion des occidentaux, il propose une mobilisation partielle des réservistes, 50 à 60.000 hommes, et de deux divisions blindées. David Elazar, le chef d’état-major de Tsahal, juge cette mesure insuffisante : « Avec moins de 200.000 soldats, nous serons limités à une guerre défensive. Il faut décréter une mobilisation générale, cela ne changera rien vis-à-vis de la communauté internatio-nale et les arabes comprendront qu’ils ont perdu l’effet de surprise. »

Elazar annonce que les Syriens ont avancé leurs pièces d’artillerie. Il ajoute que l’aviation israélienne peut lancer une attaque totale à midi précise. Golda Meir se tourne vers Eliahou Zeïra : « quelle est votre estimation ? » - Ils sont en position de nous attaquer à tout moment, réplique le chef d’Aman avant de tempérer : « Selon moi, Sadate (le président égyptien, ndlr) n’est pas en mesure de mener une guerre. L’équilibre des forces n’a pas changé, ils savent qu’ils perdront. »

Ouverts au public, les protocoles de réunions secrètes entre Golda Meir et les membres de son cabinet sont un véritable trésor de l’histoire. Ils traduisent la stupeur qui s’est emparée des responsables israéliens dans les premières heures de l’offensive arabe contre l’Etat juif. Extraits.

Le jour où Israël devait disparaître : Kippour 1973

DOSSIER

Par Maxime Perez

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9h05. Golda Meir ordonne d’alerter sans plus attendre les Etats-Unis des mouvements de troupes ennemis aux frontières nord et sud. De vifs échanges se poursuivent sur la nécessité de mobiliser immédiatement les réservistes ou d’attendre le soir. Golda Meir finit par trancher : « Si la guerre éclate réellement, nous devons être dans les meil-leures conditions possibles et disposer de l’armée la plus forte. De toute façon, personne ne saura évaluer l’étendue de notre mobilisation. »

Un quart d’heure plus tard, le ministre de la défense Moshé Dayan fait savoir au chef d’état-major de Tsahal qu’il accepte l’ordre de mobilisation générale, de même que l’évacuation des civils vivant sur le Golan. Mais en ce jour de Kippour, les consignes parviennent difficilement aux populations et aux postes militaires. A 9h30, Golda Meir s’entretient avec l’ambassadeur américain Kenneth Keating qu’elle venait de convoquer en urgence. « Soyez-en sur, nous ne comptons pas attaquer. Mais nous pourrions être en difficulté », lui confie-t-elle.

À 12h30, le gouvernement reprend ses délibérations. « Golda » apparait le visage pâle et ses yeux marqués par la fatigue, donne l’impression d’une vieille dame. Après avoir lentement regagné sa chaise, elle passe en revue une pile de documents, allume une énième cigarette, et finit par lancer : « la séance est ouverte ».

14h05. Le conseil des ministres est brusquement inter-rompu par le bruit des sirènes qui retentissent dans tout le territoire israélien. Les armées arabes viennent de lancer l’opération « Badr », une offensive généralisée contre l’Etat hébreu. Sur le front sud, 200 chasseurs égyptiens bom-bardent les troupes israéliennes stationnées dans le Sinaï : bases aériennes, radars et centres de commandement. Le long du canal de Suez, les fortins de la Ligne Bar-Lev sont

pilonnés par près de 100.000 obus, créant la panique dans les communications radio. Les fantassins des 2e et 3e ar-mées égyptiennes en profitent pour traverser la rive à bord de canots et établir des têtes de ponts.

Au même moment, sur le Plateau du Golan, l’armée syrienne franchit la ligne de cessez-le-feu. Un bataillon héliporté prend le contrôle de la station d’écoute du Mont Hermon, ne laissant aucune chance aux soldats israéliens qui y sont retranchés. Trois divisions d’infanterie se ruent à l’assaut des positions de Tsahal, appuyées par des centaines de tanks et des tirs nourris d’artillerie.

Au premier soir de la guerre, l’armée israélienne parvient toutefois à contenir la progression syrienne. Dans le Sinaï, la situation est plus critique. Les avions israéliens lancés dans la bataille se heurtent aux redoutables défenses anti-aériennes égyptiennes, notamment les batteries de missiles SAM.

7 octobre 1973, 9h10. Itzhak Rabin est convoqué à une nouvelle réunion d’urgence du cabinet israélien. Le géné-ral victorieux de la guerre des Six-jours livre une analyse presque optimiste de la situation sur le terrain. « Au nord, les tanks syriens maintiennent la pression. Au sud, le canal de Suez est aux mains des Egyptiens mais leurs blindés n’ont toujours pas franchi les ponts. Nos renforts sont en route. D’ici ce soir, 200 tanks arriveront dans le Sinaï. L’achemi-nement des troupes se poursuit à un très bon rythme. » Confiant, Rabin préconise d’attendre encore un peu avant de lancer une contre-offensive.

Mais au sein du gouvernement, l’inquiétude est d’autant plus grande que certaines unités manquent déjà d’équipe-ments et de munitions. Golda Meir hésite à porter le com-bat sur la scène diplomatique : « si la situation perdure, il faudra ignorer le monde et laisser l’armée agir. Le plus important, c’est d’avoir le soutien des Américains. » Le Pre-mier ministre israélien doute cependant de la capacité du secrétaire d’Etat Henry Kissinger à obtenir un cessez-le-feu à l’ONU, surtout si la question est portée devant l’Assem-blée générale, noyautée par les « arabes et leurs amis ». La plupart des ministres considèrent que dans les condi-tions actuelles, un arrêt des combats est prématuré. « Nous devons repousser les Egyptiens derrière le canal de Suez. Il nous faut du temps pour frapper », conclut le ministre Israel Galili.

14h50. Vingt-quatre heures après le déclenchement des hostilités, Moshé Dayan dresse un tableau noir de la situa-tion. « Le canal est perdu, ordonnons une retraite de 30 ki-lomètres ! Ceux qui peuvent être évacués le seront. Les sol-dats blessés qui ne le peuvent pas seront abandonnés. Il faut leur dire que nous ne pourrons pas les atteindre et qu’ils ont le choix entre déguerpir ou se rendre. » Le ministre de la défense admet qu’il a sous-estimé le niveau des forces armées arabes. « Le mode opératoire est celui des Russes,

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tout a été parfaitement planifié », affirme-t-il. Golda Meir comprend que les armées égyptiennes et syriennes ne s’arrêteront pas en si bon chemin. « Ils sont assoiffés de sang et veulent s’emparer de toute la terre d’Israël. C’est une guerre d’indépendance, comme en 1948. »

23h50. Ytzhak Rabin revient d’une tournée sur le front. « Le bilan n’est pas clair. Il y a 80 morts et 400 blessés. On estime que l’attaque a fait de 150 à 200 morts. La division Albert a essuyé de lourdes pertes. Nous avons perdu 150 tanks, essentiellement à cause des missiles antichars. Le bilan est identique sur le Golan. » Alors que près de 500 tanks égyptiens ont franchi le canal, il estime que Tsahal doit reprendre l’initiative : « Nous contre-attaquerons de-main avec deux divisions et un appui aérien. Les plans ont été approuvés par Dado (surnom du chef d’état-major). »

8 octobre 1973, 19h50. Les généraux Ariel Sharon et Avraham Adan sont partis depuis plusieurs heures à l’as-saut du canal de Suez. Nommé dans la précipitation à la tête du commandement sud, Haïm Bar-Lev effectue un premier briefing sur l’avancée des troupes. « Un premier contact entre les deux divisions a eu lieu vers 15h30. Ils ont atteint la péninsule du Sinaï et entament leur descente. » Tzvika Zamir, conseiller militaire de Golda Meir, estime qu’il faut rapidement appuyer les forces engagées dans la bataille : « Je propose le renfort d’une centaine de tanks ».

Le Premier ministre israélien s’interroge : « Je voudrais tout de même comprendre. Notre situation s’est-elle amé-liorée ou pas ? » Zamir lui répond par la négative. « La qua-lité des armements soviétiques utilisés sur les deux fronts pose un sérieux problème », poursuit le général Haïm Bar-Lev. Leur utilisation massive explique les succès enregistrés jusqu’ici par les armées syriennes et égyptiennes.

9 octobre 1973, 7h30. Mal coordonnée, insuffisam-ment préparée, la contre-offensive israélienne est un échec. Durant les opérations, les équipages de pointe se trompent de trajectoires, heurtant les Egyptiens de front alors qu’ils devaient les attaquer de flanc. Dans la salle du conseil de guerre, c’est la consternation. Le ministre de la défense Moshé Dayan semble céder à la panique : « C’est une lutte à

mort, la guerre va être longue. » Il poursuit : « nous devons rappeler les anciens généraux, acheter des armes, réorgani-ser le commandement sud et enrôler des Juifs à l’étranger. »

Golda Meir et son cabinet s’interrogent sur la néces-sité de dire la vérité à l’opinion publique. Elle se propose d’effectuer une visite secrète de 24 heures aux Etats-Unis. Son objectif : obtenir du président Nixon une aide militaire urgente. « Je lui dirai que nos hommes se battent contre les soviétiques, c’est notre meilleure carte à jouer pour obtenir gain de cause. Mon intuition me dit qu’il me comprendra.» Golda Meir vise en priorité les tanks et avions de chasse disponibles dans les bases américaines en Europe.

Sur le front du Golan, la situation militaire s’améliore.

Les Israéliens assènent un premier coup sévère aux forces syriennes qui perdent 270 tanks en une nuit. Moshé Dayan estime qu’il faut en profiter pour définitivement briser le moral de l’ennemi : « Je demande l’autorisation d’ordon-ner des frappes sur Damas et ses alentours car leurs tirs de missiles Frog se poursuivent. » Même s’il n’exclut pas une riposte syrienne sur Tel Aviv, le chef d’état-major David Elazar donne son feu vert à une campagne de bombarde-ments stratégiques. Ils débuteront à 11h55.

Epilogue. Ces protocoles rendent avant tout justice au chef d’état-major de Tsahal David Elazar. Lors de la com-mission d’enquête Agranat constituée après la guerre, il porta le chapeau des fautes commises par l’échelon poli-tique et fut poussé à la démission. A l’inverse, Moshé Dayan, dont les erreurs d’appréciations sont aujourd’hui flagrantes, fut innocenté. Sur les 2689 soldats israéliens tués dans les combats, deux tiers le furent dans les premiers jours de la guerre.

Maxime Perez

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Plus de 400 personnes se pressaient à cet office commu-nautaire de Kippour. Parmi elles, tous les olim fran-cophones des années 70 rejoints par les plus anciens,

étaient présents. Rien ne laissait présager le déclenchement d’une guerre. Pour preuve, le lendemain, dimanche 7, les dirigeants francophones devaient partir en croisière. Un voyage de détente organisé par l’UNIFAN et son secrétaire

général, René Kessous. La veille de Kippour, vendredi soir 5 octobre, nous étions réveillés toute la nuit par un défilé incessant d’hélicoptères qui longeaient le bord de mer.Au petit matin, les offices commençant à 6h, je traversais le Kikar Atsmaout et je constatais la présence de dizaines de camions de Tsahal bâchés et dans l’attente... Je mettais cela sur le compte de manoeuvres militaires...

Depuis 1971, les francophones de Netanya avaient l’habitude de se réunir à l’occasion de Kippour à l’hôtel King Salomon de Netanya. L’établissement était mis à leur disposition par les propriétaires Jo Lévi et Fernand Douieb entre autres.

Netanya, veille de Kippour 1973« NOUS SAVIONS MAIS NOUS N’AVONS PAS BOUGÉ »

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Vers 10h du matin, en plein office de Chahrit dans une salle remplie, nous recevons la visite d’un ami. Il nous inter-roge sur l’identité des jeunes présents. Je lui communique la liste. Il me fait savoir qu’il reviendra dans deux heures. Sans aucun commentaire. Rien.

Il est de retour vers 11h avec une liste précise. Il me de-mande de prévenir les personnes dont les noms figurent sur la liste. Tous sont convoqués immédiatement au lobby de l’hôtel. La plupart d’entre eux venaient de terminer leur période de service militaire obligatoire.

J’explique alors au grand rabbin Hazan la raison de ce remue-ménage. Il décide d’interrompre la prière de Cha-hrit avant de monter avec les jeunes au lobby. Il décide d’al-lumer la radio et nous constatons que les informations de 11h reprenaient alors que durant tout Kippour, toutes les émissions sont interrompues.

Sans le savoir précisément, nous pressentions un grave danger. Le rabbin Hazan demande aux parents de venir le rejoindre auprès des enfants et décide alors avant de les lais-ser partir d’organiser une «bircat cohanim» exceptionnelle. Une heure après, il est midi, Israël découvrait que nous ve-nions d’entrer en guerre.

14h. La mobilisation générale est annoncée à la radio. Nous, les non-mobilisables dans l’urgence, terminons notre journée de prière dans l’incertitude totale. Pressés de rentrer et d’allumer radio et télévision. Deux visages appa-raissent alors : le Premier ministre Golda Meir et le ministre de la Défense, Moché Dayan. Blêmes, livides, décomposés. Balbutiants, hésitants, ils tentent de nous expliquer ce qui vient de se produire. C’est le début de la guerre.

Dès le lendemain, les noms de jeunes de Netanya tombés au champ d’honneur étaient publiés et égrenés à la radio.

Les olim qui venaient d’arriver n’étaient pas encore en mesure de combattre. Ils décidaient donc de s’associer pour venir aider les soldats. Les femmes investissaient la tram-piada de Beit Lid sur la route 4, pour ravitailler, surtout en sous-vêtements et en nourriture, les militaires qui, partis précipitamment de chez eux, étaient totalement démunis.

Les hommes, eux, à l’initiative, entre autres de Marcel Hayoun et Yvan Zibi, se rendaient à Roch Pina afin de mettre leurs véhicules (une quarantaine) à la disposition du Magen David Adom pour le transport des blessés très nombreux vers l’ancien hôpital de Safed.

Une anecdote en passant : le nouvel hôpital de Safed n’étant ni terminé, ni équipé, notre ami Yvan Zibi pre-nait l’initiative de se rendre à Paris pour réunir ses amis et recueillir des fonds. La communauté francophone de Netanya mettait également du sien en offrant à l’hôpital la somme dont elle disposait pour la construction d’un centre francophone rue Dizengoff (qui hélas ne verra jamais le jour).

Zibi revenait de Paris avec un budget permettant, avec celui des francophones de Netanya, l’équipement immédiat de deux salles d’opération.

Quarante ans plus tard, Je me souvient parfaitement de ces instants comme si c’était hier. Et de se poser la question : «Nos dirigeants savaient. Les camions bâchés sur le Kikar, les hélicoptères, la liste des jeunes enlevés à leurs familles en plein office de Kippour alors que les Egyptiens attaquaient seulement à 14h. »

Nous savions et nous n’avons pas bougé. Pourquoi? Pourquoi ?

Julien Zenouda

Char Syrien sur le Plateau du Golan

Char Israélien sur le Plateau du Golan

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D ans la première phase, les deux universités vont investir des cen-taines de millions de dollars dans

la création d’un institut de recherche qui se concentrera sur les sciences de la technolo-gie et de la vie.

Le centre s’appellera centre XIN (nou-veau en chinois).

Le centre XIN se concentrera d’abord sur des domaines qui bénéficient d’ un développement accéléré en Israël et en Chine tels que les sciences de la vie et la nanotechnologie, mais il sera étendu plus tard à d’autres domaines. Le Centre s’efforcera également de de créer des par-tenariats avec l’industrie high-tech.

Infinity Group

Dans le cadre du projet XIN, un fonds d’investissement sera créé pour initier la création d’entreprises. Le fonds de 100 mil-lions de yuans (environ 16 millions de dol-lars) sera mis en place par Infinity Group.

Ce fonds d’investissement est l’un des plus importants en Chine, et gère déjà d’autres gros projets sino-israéliens. Le gou-vernement de Pékin et d’anciens élèves de l’Université de Tsinghua seront intéressés directement au projet, par Infinity.

Le Centre XIN visera à recruter les meil-leurs chercheurs et étudiants dans les deux pays ainsi que dans le reste du monde . Il encouragera l’innovation chez les étudiants en leur donnant des conditions optimales pour créer, développer et exploiter leurs

idées dans divers domaines de la technolo-gie et de la science. Les chercheurs serviront d’instructeurs et de mentors aux étudiants, et les aideront à développer leurs projets.

Estime considérable

Le président de l’Université de Tel-Aviv, le Prof Joseph Klafter, souligne qu’il s’agit d’un accord extrêmement impor-tant, ouvrant de nouveaux horizons pour Israël et la société israélienne. Selon lui, la création du Centre XIN est la preuve de l’estime considérable dans laquelle les Chinois tiennent l’innovation israélienne et les normes académiques élevées de l’Université de Tel-Aviv.

Le Président Chen de l’Université de Tsinghua a exprimé la volonté de son ins-titution de travailler avec l’Université de Tel-Aviv pour faire avancer la recherche interdisciplinaire et étudier les moyens de répondre aux défis mondiaux. Il a souligné l’importance d’aider les scienti-fiques et les futurs leaders innovants.

Les projets sino-israéliens sont nom-breux. Celui-ci est particulièrement pres-tigieux, et voit le jour à une période où les projets israélo-européens semblent s’éloigner. Il est donc particulièrement important pour Israël de maintenir son ouverture et ses liens avec le monde uni-versitaire de la recherche.

Line Tubiana

L’Université de Tel Aviv va participer à la fondation d’un centre scientifique en Chine. L’Université de Tel Aviv et l’Université Tsinghua de Chine ont signé un protocole d’entente pour la coopération stratégique en matière de recherche et d’enseignement innovant.

En chinois XIN veut dire nouveau

ISRAËL

Accord Infinity Casik Inc Mai 2013

Klafter à Nanjing 2012

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O n trouve les premières traces de juifs venant en Chine vers le VIIIème siècle sous la dynastie des TANG.

Ils sont venus soit par la mer soit par la route terrestre de la soie pour le commerce jusqu’à s’établir sous la dynastie des SONG (960-1279) dans la ville de Kaifeng.

La première communauté juive en Chine est donc née là à Kaifeng ou elle a été ac-cueillie chaleureusement et a pu conserver ses traditions.

Les juifs étaient considérés au même titre que la population du pays et avaient les mêmes droits.

Dans ce climat amical ils ont pu dévelop-per leurs affaires jusqu’à devenir un groupe suffisamment nombreux et construire leur première synagogue en 1163.

Cette communauté grande de plus de 500 familles soit 4500 personnes environ a prospéré jusqu’à la dynastie des MING (1368-1644). Leur statut social s’est égale-ment élevé, leurs affaires étaient florissantes et nombre d’entre eux ont occupé des postes d’officiels du gouvernement en réussissant des examens impériaux.

Peu à peu ce groupe s’est fondu dans la société chinoise jusqu’à s’assimiler tant et si bien qu’ils ont adopté le costume chinois, changé leur nom hébreu en chinois, utilisé la langue chinoise et ont épousé des chinois. Ce glissement vers cette intégration les a amené à adopter les coutumes locales au détriment des leurs.

Au XIXéme, il n’y a plus de rabbin

Cette communauté s’est donc réduite au nombre de 2000 personnes, doucement éteinte jusqu’au XVIIème siècle, et a perdu contact avec le judaisme de l’extérieur.Au XIXème siècle la synagogue de Kaifeng tombait en ruine et il n’y avait plus de rab-bin.

Quelques vestiges de cette communauté florissante subsistent aujourd’hui comme un coffret de Torah, quelques portions de rouleaux de Torah, des illustrations et pho-tos témoignant de cette époque.

Les juifs ont également vécu dans d’autres villes comme Xi’an, Beijing (Pékin aujourd’hui), Hangzhou etc., mais la com-munauté de Kaifeng reste la plus établie.

Il faut attendre le XIXème siècle pour que d’autres juifs arrivent en Chine.

Shangaï la juive

Les uns viennent de Bagdad, Bombay, Singapour, pays sous gouvernement britan-nique.

Parmi les plus célèbres David Sassoon, Elly Kadoorie, Aaron Hardoon. Ces mar-chands d’origine Séfarade s’installent à Shanghai et Hong Kong, développent le commerce d’import – export d’opium tout d’abord avec l’Angleterre.

Peu à peu ils cessent cette activité, se tournent vers la construction immobilière et développent leur communauté tout en

Shangaî-la-juivePar Michèle Kahn

L’université de Tel Aviv et l’université Tsinghua de Chine ont signé un protocole d’entente pour la coopération stratégique en matière de recherche et d’enseignement innovant. Cette collaboration n’est pas surprenante si l’on connaît le lien depuis plusieurs siècles entre les juifs et la Chine.

Les juifs en Chine : Depuis le VIIIéme siècle

INTERNATIONAL

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participant à la vie chinoise, culturelle et politique.

Tout un quartier de Shanghai témoigne de cette vie prospère et sereine, c ‘est le Bund.Malheureusement cette époque est subite-ment stoppée par l’invasion japonaise en 1937.

Ces riches marchands perdirent tous leurs biens et s’expatrièrent.

Les autres, pour des raisons plus tristes, vinrent de Russie par dizaines de milliers suite à la montée de l’antisémitisme à partir de 1880.

Ils purent se réfugier en Chine en toute tranquillité, vécurent principalement dans la ville de Harbin. Cette communauté d’abord pauvre s’éleva ensuite et accéda à la classe moyenne. Ils formaient une force communautaire active mais considéraient la Chine comme leur seconde patrie.

De 1933 à 1941 sous l’impulsion de Ma-dame Sun Yat- sen épouse du père de la nation chinoise Sun Yat sen, Shanghai a ac-cepté plus de 30000 juifs réfugiés d’Europe, bien plus que des pays accueillants comme le Canada ou l’Australie. Malgré nombre de pressions des Japonais et des Allemands pour une solution finale de la communauté juive de Shanghai, les juifs survécurent.

Après la seconde guerre mondiale et sur-tout à la fondation de la république popu-laire de Chine, une partie de la commu-nauté est partie mais ceux restés ont vécu et travaillé en paix en Chine.

En 1992 la Chine et Israël ont établi des relations diplomatiques.

La communauté Habad C’est aux alentours de ces années qu’à

nouveau des juifs reviennent en Chine, par-ticulièrement à Shanghai. La communauté Habad s’y installe, créant un centre com-munautaire, aidée de généreux donateurs et du dynamisme de Maurice Ohana prési-dent de la communauté.

Au sein même de la mégalopole chinoise chaque juif peut désormais vivre un shab-bat dans sa communauté.

Aujourd’hui on peut visiter la synagogue Ohel Moshé remise en état avec un musée attenant, témoignant de la vie de la commu-nauté juive à Shanghai grâce aux fonds mis à disposition par le gouvernement local. Un livre d’or est là pour qui veut y laisser une trace de son passage.

Au delà de l’entente cordiale entre le peuple juif et la Chine, plusieurs convic-tions les rapprochent comme les liens fami-liaux, la priorité donnée à l’éducation.

L’histoire de la communauté juive et la Chine est une histoire qui conjugue admi-ration réciproque, et respect commun.

Zibeline

La synagogue Ohel

La synagogue deKafeng - Musée Beth Hatefusoth - Israël

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Q uand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses,

seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fi-dèles, l’odeur et la saveur restent encore plus longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur goutte-lette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir.

Marcel Proust, Du côté de chez Swann, À la recherche du temps perdu, I, II

L’alliance particulière entre senteur, sa-veur et mémoire constitue mon univers ol-factif. Lors de ma formation de parfumeur, je devais sentir des matières premières

odorantes les yeux fermés. Une en particu-lier sentait le sang de façon incompréhen-sible. Non seulement j’y voyais rouge mais la sensation que son odeur me procurait était même violente. À ma grande surprise, il s’agissait de l’essence de cèdre de l’Atlas du Maroc. Ce ne fut que plus tard que je compris : enfant, lorsque j’accompagnais ma mère chez le boucher, et observais avec horreur les carcasses sanglantes, l’odeur qui me montait aux narines était celle de la sciure de bois du cèdre de l’Atlas recouvrant le plancher.

Un autre exemple est tout aussi signifi-catif. Au cours de mon premier entretien d’embauche, on me demanda d’évoquer un de mes souvenirs olfactifs les plus intenses. Le tabac à priser de mon grand-père pater-nel me vint immédiatement à l’esprit. Culti-vé clandestinement à Bni Ider au Maroc, ce type de tabac sylvestre, de qualité assez rude, était ultérieurement parfumé par mon père à la violette ou au géranium, dans son laboratoire.

Les odeurs et les saveurs de mon enfance à Tanger scandaient les saisons et se renou-velaient au rythme des fêtes religieuses.

Été

En été, les odeurs atteignaient leur pa-roxysme. J’étais assailli de tous sens par leur multitude lors de mes promenades au soco. Je me souviens surtout de voir les paysannes berbères venues des montagnes

Ce texte de Carlos Benaïm, un maître parfumeur, a été publié dans le numéro 9 de la revue Continuum, la revue des Ecrivains Israéliens de langue française. Les odeurs et les saveurs du Maroc de ma jeunesse: ces gouttes de mémoire dans des flacons.

Les odeurs et les saveurs du Maroc de ma jeunesse

SOCIÉTÉ

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du Rif. Leurs habits folkloriques et colorés dégageaient à la fois une odeur rance d’un petit-beurre nommé azuda et de cuir. Elles étaient assises les jambes croisées en tail-leur et épluchaient de leurs mains nues et expertes des figues de Barbarie.

Les marchands de pâtisseries arabes nous offraient des chubaikias, fritures do-rées, fleurant bon le miel dégoulinant. Les odeurs animales et fécales des mulets et ânes qui passaient nonchalamment par les ruelles, étaient si familières que nous n’y fai-sions plus attention.

Tous les vendredis, s’élevait au diapason de la prière du muezzin l’odeur butyrique des centaines de babouches dont les fidèles se déchaussent à l’entrée de la mosquée. Dans les ruelles de la vielle ville, l’agneau enduit d’une sauce au paprika, cumin, poivre et curcuma, et cuisiné en brochettes pinchitos était grillé au feu de bois. La fu-mée aveuglante et parfumée envahissant la rue, faisait à la fois pleurer et saliver J’évitais à tout prix de pénétrer dans la grande salle des vendeurs de poisson, car la puanteur des entrailles de poissons éventrés et déca-pités s’avérait intenable.

Le marchand d’eau affublé de l’accoutre-ment bigarré de sa profession, enjolivé de verres en laiton, nous offrait de l’eau tirée d’une outre en peau de chèvre. La partie in-térieure de cette peau était enduite de gou-dron de bois de Thuya, provenant du Rif et donnant à son eau un goût et une fraîcheur inexplicables.

Cependant, tous les étés, l’aventure la plus excitante était la récolte et la distillation des plantes aromatiques sylvestres, du romarin et de la menthe pouliot, pour la fabrica-tion du menthol. Mon père avait créé une industrie d’extraction de plantes aroma-tiques, avec une cinquantaine de distilleries dispersées dans tout le Maroc, au bord des rivières. Nous parcourions les campagnes en Jeep pour les visiter.

Les odeurs d’eucalyptus, menthe, roma-rin, thym, verveine, myrte, laurier, fenouil, faux Poivrier accompagnaient le son as-sourdissant des cigales sous une chaleur accablante. Ces senteurs, constituent des thèmes auxquels je reviens souvent dans mes créations pour hommes. Je m’en suis servi dans des parfums comme Polo de Ralph Lauren.

Mon père rentrait le soir à la maison, les mains imprégnées d’essence de menthe pouliot et jaunies par les cigarettes An-glaises “Craven A”. Cet alliage est plus évo-cateur de lui qu’un vrai portrait.

Le lait d’amandes parfumé à la fleur d’oranger (horchata) et le jus de grenades pressées étaient nos boissons préférées. Nous allions aussi boire du thé à la menthe au café Hafa sur les terrasses surplombant le Détroit de Gibraltar, d’où s’élevait l’odeur des brises marines et du goudron de cèdre utilisé par les pécheurs en contrebas. Pour y arriver, il fallait traverser une salle d’am-biance dangereuse et illicite, où les fumeurs de kif et de hachish étaient nonchalamment allongés par terre dans un état de stupeur. Par la suite, j’ai toujours associé l’odeur du kif au danger.

Automne

À Rosh Hashana, on mélangeait le fenouil doux avec du sucre pour symboliser le dé-but d’une année douce, et signifier un vœu de multiplication du peuple juif promis à devenir aussi prolifique que les graines de fenouil.

À Kippour, pour rompre le jeune, nous prenions une compote de coings rouge par-fumée aux clous de girofle, nommée mosto. Le jour d’après, nous avions coutume de manger un plat à base d’aubergines parfu-mées au carvi Almoronia.

Épices

Épices du marché

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À Souccot, l’élaboration du loulab avec mon grand père maternel était tout un rituel. Pendant l’assemblage que nous fai-sions ensemble, le plaisir d’être auprès de mon grand-père se mêlait aux odeurs syl-vestres de la myrte, du palmier, des joncs et du cédrat.

Hiver

Nos promenades en hiver nous me-naient invariablement à la forêt diploma-tique, une forêt aux alentours de Tanger, où les mimosas en fleur et les aiguilles de pin embaumaient l’air sur fond de mer bleue. Autrefois en hiver pour se réchauf-fer, on initiait sa journée par une soupe de semoule assaisonnée d’une profusion de menthe pouliot poleada. Pendant ces hivers sans chauffage d’autres optaient pour la ma-hia. L’eau-de-vie, ou mahia, comme elle se nomme au Maroc, était traditionnellement parfumée aux graines d’anis. Dans le Sud, on la préparait avec de l’absinthe ou de la cire d’abeille, pour lui conférer un goût de miel. Au Maroc, le gouvernement autorisait toute agglomération de plus de 3 000 juifs à monter un alambic pour la distillation d’alcool destiné au Kiddoush rituel. Mais je me souviens surtout d’entendre parler de la grande consommation de mahia faite lors des longues veillées de la Hevra Kadisha (la Confrérie chargée d’inhumer).

Un jour, mon père décida de se lancer lui-même dans la création d’une nouvelle mahia à partir de fèves de Caroube avec un alambic de laboratoire, installé dans notre cuisine. Il en résulta non seulement un liquide imbuvable, mais également une odeur pestilentielle, à la fois âcre et animale, qui flotta longtemps dans notre apparte-ment. L’expérience, néanmoins, fut inou-bliable.

Pour Pourim, nos grands-mères prépa-raient les hormigos, des pâtes de confection artisanale délicieusement aromatisées aux feuilles de coriandre. Mais ce sont surtout des douceurs appelées Marron Chinos, confectionnées à l’aide d’amandes râpées, de cannelle, de clous de girofle et de vanille, que j’associe le plus à la fête d’Esther. Par-faitement ronds et multicolores sur glaçage blanc, ils annonçaient pour moi les beaux jours et le cycle des odeurs s’apprêtant à re-naître au printemps.

Printemps

La fleur d’oranger évoque plus que tout mon enfance à Tanger : les arbres en fleur, parfumant la ville entière ; son eau dont on aspergeait les convives lors des fêtes ; et la saveur de ses pétales confites, le letuario de Azahar, ainsi que des confitures d’orange douce que l’on préparait toujours au prin-temps. Ainsi, c’est la splendeur de la fleur d’oranger qui m’a inspiré Armani Code de Giorgio Armani.

Pour Pessah, le haroset était une prépa-ration complexe faite de dates, gingembre, clous de girofle, cannelle, jus de grenade, pommes, figues, amandes, poivre (sa-hraouia), noix de muscade et pétales de rose. En lieu du thé, nous buvions des infu-sions de camomille à l’absinthe chiba (Arte-misia absintum), avec de la menthe nana et des pétales de bigaradier (fleur d’orange amère). Un des plats typiques était la cua-jada, un flan de pomme de terre parfumé à la marjolaine.

À Shavouot, nous attendions avec impa-tience les harabullos, des douceurs au gin-gembre, et les fameux fartalejos, gâteaux faits de pâte feuilletée fourrée au fromage blanc, au beurre, à la menthe et à la cannelle.

Comment transmettre ces senteurs et les souvenirs qui leur sont associés, à mes propres enfants grandis aux États-Unis ? Comment communiquer à un ami, à un être cher, aux nouvelles générations, ce que j’ai ressenti dans mon être intime ? Nos sen-sations, libératrices par les univers qu’elles nous font connaître, ne nous isolent-elles pas, si elles ne peuvent être partagées?

Mon métier de parfumeur m’a permis de résoudre cette impasse. Ces saveurs et sen-teurs de mon enfance sont devenues une de mes sources d’inspiration. Et une de mes plus grandes joies est non seulement de recréer ces senteurs qui me sont inextrica-blement liées, mais également de verser ces gouttes de mémoire dans des flacons, et de transmuer ainsi l’intime en universel.

Carlos Benaïm Kefisrael.com

SOCIÉTÉ

Fleurs d’Oranger

Cédrat

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DAVID GUETTA.

Le retour de David Guetta DJ numéro 1 mondial, est vivement attendu apres sa performance de 2010 en Is-raël. C’est chose faite puisque David Guetta se produira à Massada, un lieu touristique d’exception, le 17 octobre pour une représentation unique et exceptionnelle, dans le désert de Judée, près de la mer Morte, le point le plus bas sur Terre.

RÉACTION DU CRIF AUX PROPOS TENUS PAR SÉBASTIEN THOEN DANS LE GRAND JOURNAL DE CANAL+.

Suite aux propos tenus par Sébastien Thoen dans l’émission du 20 septembre 2013, «…Comme quoi, on peut être de confession juive et pas complètement dé-gueulasse !... », Roger Cukierman, Président du CRIF a appelé l’attention de Bertrand Meheut, Président du groupe Canal+, sur la gravité de ces propos qui s’appa-rentent à une banalisation de l’antisémitisme.

BRÉVES...

BRÉVES...

C’EST UNE PREMIÈRE DEPUIS 40 ANS. LE GRAND PALAIS À PARIS OFFRE UNE AMPLE RÉTROSPECTIVE DE GEORGES BRAQUE, INITIATEUR DU CUBISME AVEC PICASSO ET INVENTEUR DES PAPIERS COLLÉS.

Riche de quelque 240 peintures de Georges Braque (1882-1963), l’exposition, qui a ouvert ses portes mer-credi 18 septembre au Grand Palais, embrasse toute la carrière du peintre français. De ses années fauvistes à sa collaboration cubiste avec Picasso, de ses travaux de papiers collés à ses immenses oiseaux, Georges Braque a dominé l’histoire picturale du XXe siècle.

L’exposition se tiendra au Grand Palais, à Paris, jusqu’au 6 janvier.

BRÉVES...

LES BRÈVES

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C ’est ainsi que Hanoch Le-vin, l’un des plus grands auteurs satiriques et prin-

cipaux dramaturges israéliens, té-moigne à la fin de sa vie de sa fasci-nation pour l’art théâtral.

Une enfance inspiratrice

Né dans la banlieue de Tel Aviv en Palestine mandataire le 18 dé-cembre 1943, Hanoch Levin est issu d’une famille immigrée polo-naise profondément religieuse. Il grandit dans le quartier de Neve Sha’anan au sud de Tel Aviv. Son père, qui meurt alors que l’enfant entame sa douzième année, y tient une modeste épicerie. Pour aider sa famille, Hanoch abandonne ses études et suit les cours du soir de l’école artistique Ironi Aleph, tandis qu’il travaille comme coursier la journée. Le quotidien de son voisinage et de sa famille sera, tout au long de sa carrière d’auteur, une source inépuisable d’inspi-ration; il y puisera la substance pour composer un miroir privilégié de la société israélienne.

Naissance d’un citoyen engagé

Après avoir accompli son service militaire obligatoire comme agent de transmission, il entreprend des études de philosophie et de littérature hébraïque à l’université de Tel Aviv, entre 1964 et 1967. C’est pendant ses études univer-sitaires, que le jeune étudiant adhère au Parti communiste israélien. Il atteint l’âge adulte dans les années 1960, au mo-ment où son pays souffre de nombreux clivages : entre Sé-farades et Ashkénazes, entre natifs et immigrés, entre Juifs et Arabes, mais également entre riches et pauvres. Les divi-

sions ne cesseront de croître après la guerre des Six Jours, époque à laquelle le jeune homme fait ses premiers pas comme auteur dra-matique.

Quand le théâtre devient un tremplin à l’analyse poli-tique

Dans la période de 1967 à 1970, Levin se consacre principalement à l’écriture de satires politiques qui lui offrent une réputation d’auteur subversif et qui ne cessent d’agiter l’opinion israélienne. Sa première pièce, au titre plus que provocateur, Toi, moi et la prochaine guerre est mise en scène par son frère, David Levin, dans les caves d’un cabaret

de Tel Aviv. Le jeune communiste s’y moque du masque larmoyant dont se grime le Tsahal (l’armée israélienne) pour justifier son combat et inciter les jeunes à prendre les armes. Il tourne également en dérision dans Discours de cé-lébration de la guerre de onze minutes le discours du général Samuel Gonen à l’issue de la guerre des Six Jours.

Avec une étonnante acuité, l’auteur braque sa plume sur la réalité politique, sociale et culturelle de son pays. Nurit Yaari, professeur à l’université de Tel-Aviv dit à propos de son œuvre : « Levin n’a cessé d’interpeller ses concitoyens contre les conséquences nuisibles d’une occupation durable des territoires conquis. »

Bilan d’une œuvre

L’œuvre dramatique de Levin se compose de 52 pièces dont 32 sont jouées de son vivant. On peut les diviser en

« Mon avis est que le théâtre est plus séduisant. Plus interpellant parce que vous voyez les choses se passer devant vous. C’est plus palpitant. Je ne sais pourquoi… »

Hanokh Levin, le par-cours d’un immense dramaturge israélien

PORTRAIT

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trois catégories : les cabarets satiriques, dont nous venons de parler, et qui feront l’objet de violentes critiques de la part du gouvernement; les comédies, centrées sur des indivi-dus médiocres, représentatifs du microcosme de la société moyenne israélienne; et enfin les tragédies, ayant pour ins-piration notamment des passages de la Bible.

Débat : Un artiste muselé par l’opinion ou un écrivain libre dans la contrainte ?

Certaines de ces pièces sont vivement contestées par cer-tains spectateurs qui quittent, outrés, les sièges des salles de représentations, ou encore par le Mafdal (alors parti nationaliste religieux) qui demande la censure d’un chant de La Reine de la salle de bain. Uri Porat affirme alors : « Ce théâtre dépotoir fait de nous des meurtriers abjects, ci-toyens âpres au gain d’un état militariste ». Dans les années 70 à 80, les textes de Hanoch Levin sont montés à Haïfa ou sur les scènes des théâtres nationaux de Cameri et Habima. Levin dirige lui-même 21 de ses pièces, elles sont dès lors traduites et jouées à l’étranger lors de nombreux festivals autour du monde.

Le parcours de Levin témoigne de la puissante liberté d’expression de l’état israélien. L’audace de l’auteur aura forte-ment dérangé l’establishment du pays, qui l’accable de pres-sions diverses et variées pouvant aller jusqu’aux menaces de censure. Pourtant, jamais l’écrivain ne fut contraint au silence et la majorité de ses pièces ont été représentées dans des théâtres subventionnés par l’état. La liberté de Levin était totale, l’homme n’épargnait personne, pas moins ses spectateurs que les politiques, religieux, militaires, traditio-nalistes ou encore intellectuels de son époque.

Derrière l’agitateur, le poète de l’intime

Avare en interview, le dramaturge devient peu à peu l’en-fant chéri de l’intelligentsia israélienne. Bien que la nature tortueuse du propos de Levin rende parfois difficile son ac-cessibilité au grand nombre, sa dénonciation de la guerre, son mépris du besoin de « posséder », de « conquérir » au détriment du besoin d’« être » seront les leitmotivs princi-paux de son œuvre. Derrière la silhouette agitée du contes-tataire, du militant et de l’artiste engagé, on retient essentiel-lement du talent du dramaturge cette faculté qu’il avait de rendre sur scène les petites vicissitudes de la vie, les micros événements qui s’avèrent parfois bien plus douloureux et pénibles que les grandes tragédies et les guerres. Il maniait le burlesque, la chanson, les masques avec une rare habilité, tout en restituant, avec une légèreté assumée, les failles les plus profondes de l’humanité.

En lisant ou en assistant à une représentation de Yaacobi et Leidental, de Kroum, l’éctoplasme, ou encore de Ceux qui marchent dans l’obscurité, on constate que les questionne-ments des personnages, propres à un temps et à un mo-ment donnés, sont bien plus universels qu’ils n’y paraissent. De tristesse en malaise, exprimant l’énergie de l’agonie, chaque voix imaginées par Levin laisse bientôt éclater la ré-volte et s’élever les cris d’hommes et de femmes en détresse dans un monde absurde et nihiliste.

Mort d’un homme, genèse d’une œuvre ma-jeure

Le dramaturge décède d’un cancer, le 18 août 1999 en Israël, à l’âge de 55 ans. Si aujourd’hui il est étudié dans les universités, si ses œuvres sont traduites et jouées un peu partout à travers le monde, c’est parce que, à l’instar d’un Shakespeare, d’un Molière ou d’un Brecht, Levin fait partie de ces écrivains qui auront permis de mieux appréhender le monde qui nous entoure.

Elle survivra à l’épreuve du temps.

Amandine Sroussi

Le parcours de Levin témoigne de la puissante liberté d’expression de l’état israélien

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SPECTACLES

P oignante, l’oeuvre de Kressmann Taylor, adaptée au théatre, a été récompensée aux Globes Cristal 2013. Elle raconte, au travers de la correspondance, 19

lettres échangées à partir de novembre 1932, l’histoire de deux amis durant l’ascension du nazisme en Allemagne.

Patrick Timsit et Thierry Lhermitte, son complice, seront en Israël pour interpréter cette pièce les 22 et 23 Octobre, un pari audacieux et un véritable challenge.

Entretien avec Patrick Timsit

Tribune juive : Après le succès de la pièce au festival d’Avignon, vous entamez une tournée mondiale. Vous revenez en Israël en homme de théâtre, dans un tout autre registre que celui dans lequel on vous connaît. Cette rencontre aura-t-elle une dimension particulière ?

Patrick Timsit : Oui effectivement, jouer en Israël a une résonance particulière, c’est intéressant, je m’y suis déjà produit sous un autre registre, celui de l’humour. Je vais à la rencontre d’un public à l’esprit vif et aiguisé pour lui propo-ser un texte fort, bouleversant. C’est une pièce qui va faire réfléchir et qui va prendre tout son sens là-bas.

Tribune juive : Vous êtes Marc Eisenstein dans la pièce, vous avez un rôle à contre-emploi de ce que l’on connaît de vous. Votre judaïsme a-t-il facilité votre interpréta-tion ?

Patrick Timsit : En interprétant Marc Eisenstein je suis dans mon «emploi». Un comédien doit pouvoir s’adap-ter, changer de registre. Quand on est un bon acteur on rentre dans son rôle, l’interprétation se fait naturellement. Comme on est dans un travail de vérité, d’émotion pure, mon judaïsme m’a peut être donné une force particulière. Mais il peut arriver que le texte et son interprétation posent des problèmes, c’est ce qui s’est passé avec Tcheky Karyo, mon ancien partenaire, au demeurant un très bon acteur, qui est pourtant d’origine juive et qui n’était pas fait pour ce rôle.

Tribune Juive : La pièce a été écrite en 1938 mais elle parle de 32 et 33. On voit monter l’esprit qui mène à la catastrophe...

Patrick Timsit : Il n’est pas évident de faire vivre au théâtre un échange de lettres, c’est notre défi à tous les deux. Le

Thierry Lhermitte et Patrick Timsit sont Martin Schulse un Allemand, et Max Eisenstein, un juif américain. Un duo fraternel dont l’amitié tourne au drame, sur fond tragique des errements politiques et moraux de la vieille Europe.

« Inconnu à cette adresse » en Israël

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texte est formidable, tellement dans la réalité, qu’on lui a été très fidèle. On ne nait pas nazi, on le devient, c’est un esprit, un endoctrinement qui se forge. On a tous en nous une zone d’ombre qui peut ressurgir. Regardez ce qui s’est passé récemment en Grèce, tout d’un coup les néo- nazis ont commencé à tirer dans les rues. L’idéologie fasciste s’infiltre de cette manière.

Tribune Juive : Est-ce que de tels événements peuvent revenir ?

Patrick Timsit : Après l’interprétation de cette pièce, je peux vous dire que de telles horreurs peuvent se repro-duire, car l’homme n’apprend rien de ses erreurs. Chacun a une part sombre en soi, et la crise sociale que nous traver-sons est dangereuse.

Tribune Juive : Vous êtes l’un des acteurs les plus en vue, avec une actualité chargée, sur tous les fronts : la réali-sation, le théâtre, la comédie, l’humour, rien ne vous arrête. Avez-vous d’autres projets ?

Patrick Timsit : Oui, bien sûr, j’ai des projets, j’ai aussi la tournée de cette pièce, c’est vrai, j’ai beaucoup travaillé ces derniers mois, mes 7 vies, je suis en train de les vivre en même temps.

Inconnu à cette adresse, avec Patrick Timsit et Thierry Lher-mitte, mise en scène par Delphine de Malherbe.A Jérusalem - théâtre Gérard Bechar- le 22 octobre 2013.A Tel-Aviv – théâtre Guesher – le 23 octobre 2013.

Propos recueillis par Sylvie Bensaid

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• SADATE

Le dernier Robert Solé, tout d’abord, une biographie remarquable consacrée à Sadate publiée aux Éditions Perrin. Longtemps journaliste au journal Le Monde, Robert Solé a consacré de nombreux essais à son pays d’origine, l’Égypte. Habitué des media, ses ouvrages sont toujours une référence et accueillis comme telle, en plus d’être bien écrits, ce qui ne va pas forcément de pair.

Après son livre consacré à la chute de Moubarak et au « Printemps égyptien » (2011, Le Pharaon renversé), son Sadate se lit comme un roman, le roman de la vie d’un homme, un petit garçon d’origine pay-sanne né en 1918 près du Caire, que rien ne prédisposait à prendre un jour la tête de cet immense pays pour lequel il allait aussi donner sa vie dans des circonstances tra-giques.

Un homme plein de contradictions mais aussi d’audaces et de courage, un de ces hommes, « peu nombreux, » comme le dit l’auteur, « qui par un discours ou par un geste ont changé le cours de l’histoire ». Les années Sadate ont laissé des traces pro-fondes que le livre de Robert Solé explique et éclaire pour nous aider à mieux com-prendre l’Égypte d’aujourd’hui et les enjeux géopolitiques essentiels de toute cette ré-gion.

Sadate, Robert Solé, Éditions Perrin, 22,50 €

• HISTOIRE DES JUIFS

Et les Éditions Perrin restent à l’honneur avec le très beau livre de Michel Abitbol, Histoire des Juifs de la genèse à nos jours, paru en avril dernier mais qui mérite vrai-ment que nous y revenions car, à n’en pas douter, c’est un ouvrage qui fera désormais référence. Orientaliste de réputation inter-nationale, Michel Abitbol nous livre ici un travail d’une érudition remarquable de plus de 700 pages à savourer sans modération, à ma connaissance unique en son genre, sur l’histoire du peuple juif, « éparpillé comme autant de fines gouttelettes d’huile sur les eaux profondes des autres civilisations ».

Des origines jusqu’à nos jours, enjam-bant les siècles, les continents et les civili-sations dans un périple dont on a souvent oublié des épisodes, c’est une véritable odyssée que nous raconte ici l’auteur, avec toute la rigueur et la précision d’analyse qui le caractérisent, nous confiant ainsi les clés d’un destin souvent douloureux, parfois tragique, mais qui n’en finit pas de s’écrire et dont chaque page, ancienne et nouvelle, est nôtre. Passionnant.

Histoire des Juifs de la genèse à nos jours, Michel Abitbol, Éditions Perrin, 27 €

• L’HUMOUR YIDDISH

Enfin, un dernier coup de cœur avec le livre de Jacqueline et David Kurc, Humour Yiddish, un ouvrage très soigné (couver-

C’est la rentrée donc la rentrée littéraire.Pour vous accompagner en douceur, mais non sans intelligence et en soignant votre inlassable curiosité, nous avons sélectionné pour les lecteurs de Tribune Juive trois ouvrages, laissant volontairement de côté les romans de tout genre.

« Les livres à s’offrir » Par Brigitte THEVENOT

LIVRES

Sadate, Robert Solé Éditions Perrin

Histoire des juifs, Michel Abitbol Éditions Perrin

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ture, papier, textes, glossaire et un DVD de 26 minutes des spectacles sur scène de David), bilingue français/yiddish, en caractères hébraïques pour les yiddishisants, et en yid-dish translittéré, pour ceux qui le comprennent mais ne le lisent pas.

Là encore, un livre sans pareil, que nous encourageons d’autant plus que les deux auteurs, médecins retraités, y ont mis plus de dix ans de leur vie et en assurent eux-mêmes l’édition pour être sûrs de bien obtenir le livre qu’ils vou-laient. Cerise sur le gâteau, l’ouvrage est préfacé en plus par deux maîtres ès yiddish, Marek Halter et Yitskhok Nibors-ki. Un pari réussi !

Humour Yiddish, de Jacqueline et David Kurc, aux Éditions Zeldov, (livre et DVD) 29 €

Le vitsn de mame-loshen : les blagues dans la langue de maman

La religion, l’argent, la famille, les médecins, les riches, les pauvres, les avares, les simples d’esprit, les femmes, les vitsn s’inspirent de tout, se moquent de tous, sans restric-tion. Sans restriction mais jamais sans respect ni jamais méchamment.

Les vitsn ? Ce sont ces histoires drôles où l’on rit de soi plus que des autres, éternelle-ment revisitées, anecdotes ou réparties que l’on se raconte traditionnellement en famille ou entre amis surtout lorsque l’on a des ra-cines polonaises et qui sont en grande par-tie responsables de la réputation mondiale et légendaire –n’ayons pas peur des mots - de « l’humour juif », même s’il convient de distinguer sans plus tarder, au risque de fâcher les uns et de déplaire aux autres, l’hu-mour ashkénaze de l’humour séfarade… A chacun sa culture, à chacun son humour, même si les blagues sont souvent les mêmes, accommodées d’autres saveurs, d’autres parfums.

502 HISTOIRES RETENUES

Jacqueline et David Kurc sont tous deux enfants de pa-rents immigrés de Pologne. Tous deux ont grandi dans le quartier du Marais à Paris, les oreilles baignées de la musi-calité du yiddish, la mame-loshen, « langue de maman », leur langue, que l’on parlait encore au quotidien dans tous les foyers du Pletsl dans les années 1930/40 et qu’ils vont parfaire ensuite en suivant les cours de Yitskhok Niborski. C’est dire s’ils ont l’un et l’autre longtemps porté en eux –sans même le savoir vraiment ?- ce recueil de vitsn qu’ils publient aujourd’hui après plus de dix ans de travail assidu, avec un soin émouvant, des précautions et des attentions dans la forme et le fond de l’ouvrage que seul le désir pro-fond de transmettre un patrimoine rare et précieux en per-dition peut motiver et qu’aucune maison d’édition n’aurait

été capable d’assurer. Et c’est une réussite complète : non seulement le livre est original mais il est beau.

Les 502 histoires retenues ici ont été sélectionnées parmi des milliers et chacun y retrouvera sans doute un peu des siennes, un peu de soi. Certaines ont valeurs de fables et, à l’instar des proverbes yiddish, expriment une sagesse an-

cestrale, la richesse d’un patrimoine culturel et folklorique unique.

« Ce sont celles de l’enfance, celles qu’il

nous reste aujourd’hui d’une génération perdue dans les fureurs de l’Histoire dans une langue qui est la nôtre, que nous aimons et qui a été massacrée avec ses locuteurs pendant la Shoah », expliquent les deux auteurs. Elles proviennent aussi des innom-brables livres en français, anglais, allemand, yiddish, russe, et hébreu parus, ainsi que de quelques anecdotes authentiques et savou-reuses dont ils se sont abreuver pour nour-rir aussi parallèlement les spectacles que

David, « humourologue » et conteur dans l’âme, montait en one man show sur de nombreuses scènes, dont le DVD contenu dans le livre donne un bel aperçu.

« Le but de cet ouvrage n’est pas d’analyser les caractères et les mécanismes de l’humour juif, d’autres l’ont fait bien avant nous et très bien, continuent-ils. Nous avons voulu donner avec ce livre un aperçu de la société ashkénaze en Europe de l’Est avant la Shoah, ainsi que de la vie juive en Israël et en diaspora aujourd’hui ».

La dédicace qu’ils font parlent d’elle-même : « En hom-mage à nos parents disparus, en héritage à nos enfants et petits-enfants, à tous ceux qui ne veulent pas oublier et à leurs descen-dants. A tous les curieux… »

Brigitte Thévenot

Humour iddish, Jacqueline et David Kurc Éditions Zeldov

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C oup de chance, en ces temps où le sport business pare les clameurs des stades d’un gênant halo mercantile,

notre été fut marqué par la fraîcheur de triomphes juvéniles propres à changer un peu l’image de sports gangrenés par les in-civilités et la cupidité. Tandis que le mercato footballistique s’enfonçait dans une déme-sure, aussi gênante que propre à raviver les couleurs ternies de notre Ligue 1, ce sont les enfants du ballon qui nous ont offert la joie du triomphe en bleu. Excusez du peu : la France du prodige Paul Pogba a décroché le titre de championne du monde des moins de 20 ans, tandis que l’équipe féminine des moins de 19 ans est montée sur le toit de l’Europe, les garçons de la catégorie ayant eux accédé à la finale dans la même compé-tition. Plus que les succès, ce sont également

l’état d’esprit et la manière qui ont frappé les observateurs. A mille lieues de Knyssa ou des mouvements d’humeur de l’Euro 2012, les bleuets ont prouvé que le football peut encore être synonyme de joie et de solidari-té, d’émotion et de partage. Hélas, la reprise du championnat et les transferts houleux de deux des héros de l’été, Florian Thauvin et Mario Lemina, tous deux vers l’OM, ont vite rappelé combien les sirènes financières et un entourage vénal peuvent transformer de gentils garçons en avides négociants.

MARION BARTOLI

Mais qu’importe, depuis, la Ligue 1 a repris ses droits et ce sont bien les nouveaux mastodontes, Monaco et Paris Saint-Ger-main qui, avec Marseille et l’outsider stépha-nois occupent le haut de l’affiche et du clas-sement. Avec les arrivées de stars mondiales et autre valeurs sûres de la trempe de Fal-cao, Moutihno, Toulalan, Abidal, Carvalho côté monégasque ou Cavani, Marquinhos et Digne côté parisien, les nouveaux riches de la L1 commencent à inquiéter l’Europe, même si ce faste masque la réalité d’un championnat dont les autres équipes ont tendance à s’appauvrir.

Sur les courts, outre la sempiternelle vic-toire de Raphael Nadal à Roland-Garros et la domination sans partage du robotique big four (Nadal, Djokovic, Murray, Fede-rer), le tennis français peut s’enorgueillir

Parler de rentrée quand on évoque le sport est toujours impropre, puisque celui-ci ignore les vacances, au point de souvent écrire ses plus belles pages à l’heure où les citoyens goûtent un repos mérité sur les plages. Certes les saisons de championnat dans l’ensemble des sports attentent la percée de l’automne pour vraiment prendre leur envol, mais l’été livre souvent les événements les plus riches en fulgurantes émotions et déraisonnables exploits. Tribune Juive fait le bilan.

Un été bien bleu(Bilan de rentrée)

SPORT

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de la magnifique victoire de la jeune retrai-tée, Marion Bartoli, à Wimbledon, comme des demi-finales respectives de Tsonga à Roland-Garros et de Gasquet à l’US Open. Avec 5 victoires en Grand Chelem depuis 1995, les filles ont cependant largement pris l’ascendant sur les garçons qui attendent en-core le successeur de l’icône Yannick Noah.

Du côté des sports épris de chimie, le Tour de France à accouché d’un nouveau héros en proie à la maladie, Chris Froome, ouvrant encore les vannes du doute et fai-sant planer à nouveau le souvenir de l’escroc Lance Armstrong. Et que dire de la victoire de Chris Horner à la Vuelta ? Quand un papy de 42 ans, sans palmarès flamboyant, dompte trois semaines durant les jeunes poulains de la giclette, les questions se bous-

culent et la gêne s’installe. Certes, remettre systématiquement en cause les feuilles de résultats des grandes compétitions cyclistes n’aidera pas à laisser respirer un sport émi-nemment populaire, mais l’habitude et les précédents sont trop présents pour envisa-ger toute candeur.

LAVILENIE ET TAMGHO

Il en est de même pour l’athlétisme, dont les Championnats du Monde de Moscou se déroulèrent sans une part conséquente d’une équipe jamaïcaine encore une fois rat-trapée par le dopage. La terre du reggae n’en fut pas moins à l’honneur avec la énième consécration de l’extraterrestre du sprint, Usain Bolt, dont le palmarès, la personna-lité et les caractéristiques surnaturelles le font presque échapper au soupçon et le tri-plé historique de Shelly-Ann Fraser-Pryce sur 100, 200 et 4 x 100 m. Dans tous les cas, ces deux là ont déjà fait de longue date leur entrée au Panthéon du sport et ne sont pas près d’en être délogés. Côté français, en dé-pit de la relative déception de la deuxième

place de Renaud Lavilenie au concours de saut à la perche, le bilan est encourageant avec 4 médailles, dont l’exceptionnel titre de Teddy Tamgho au triple saut, avec un bond historique au-delà des 18 m.

Nous finirons cet incomplet tour d’hori-zon d’un riche été sportif, en replongeant dans les bassins du Championnat du Monde de natation de Barcelone qui ont confirmé l’installation de la France dans le carré de tête des plus grandes nations mondiales, tandis que l’Australie perd peu à peu de sa superbe. Avec 9 médailles dont quatre en or, et une historique domination dans les relais masculins, l’hexagone touche les fruits d’un changement dans sa gestion du haut niveau qui, désormais, privilégie la qualité à la quantité. Les Américains et les Chinois n’en restent pas moins les grands vainqueurs de la compétition, durant la-quelle ils ont respectivement glané 15 et 14 titres.

TONY PARKER

Alors que l’été s’est donc achevé, la rentrée s’ouvre elle aussi en bleu, avec le premier titre majeur obtenu par le basket masculin, l’Équipe de France, guidée par un Tony Par-ker en feu, ayant enfin vaincu ses démons en remportant l’Euro en Slovénie au prix d’unparcours éprouvant pour les nerfs. Reste à espérer que les footballeurs de Didier Des-champs sauront s’inspirer des hommes de Vincent Collet, à l’heure où, après d’inquié-tantes rencontres face à la Géorgie (0-0) et la Bielorussie (4-2), se profilent d’étouffants barrages qui conditionneront la présence des bleus au Mondial brésilien de 2014.

Benjamin Altman

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DAVID GROSSMAN SOUS LES FEUX DE LA RAMPE

David Grossman déjà lauréat du Prix Médicis étran-ger 2011, gagne le prix du meilleur roman des Edtions Points présidé par Marie Desplechin avec son livre «Une femme fuyant l’annonce»

L’histoire : une femme partagée entre deux hommes, et qui hésite toute une vie. Elle est une mère dont l’enfant est en danger, et qui préfère fuir la réalité. En Israël, pour elle, l’espoir et l’émotion se logent entre les bombes.

YOUSSOUF FOFANA CONDAMNÉ À 7 ANS DE PRISON SUPPLÉMENTAIRES

Youssouf Fofana, condamné en juillet 2009 à la prison à perpétuité avec une peine de sûreté de 22 ans pour avoir séquestré, torturé et tué le jeune juif Ilan Halimi, écope de 7 ans de prison supplémentaires pour apolo-gie du terrorisme. Le tribunal a diffusé des extraits de vidéos tournées par Youssouf Fofana où il appelait à «la révolte des Africains»

ZELDA & SCOTT.... FITZGERALD, BRÛLENT LES PLANCHES AU THÉÂTRE LA BRUYÈRE.

Il est peu de couples aussi mythiques que celui que formaient, dans les années 20, Zelda et Scott Fitzgerald, symbole du faste et de la démesure, qui a fasciné toute une génération par son anticonformisme.

Lorsqu’il rencontre Zelda, Scott Fitzgerald est persua-dé qu’elle est venue au monde pour incarner l’héroïne de ses romans. Deux ans plus tard, ils sont devenus le symbole de l’Amérique, et les livres de Fitzgerald ont fait de sa femme une légende.

Ernest Hemingway devient le confident passionné, le frère de littérature. Le couple mythique est interprété par des comédiens de talents. Sarah Giraudeau incarne en femme libérée, une Zelda, totalement scandaleuse. Julien Boisselier fait un Scott assez fin, tout en nuance. Jean-Paul Bordes, campe un Ernest Hemingway confondant de ressemblance. Une excellente pièce de rentrée.

Zelda & Scott, du 4 septembre au 28 décembre 2013.

DEUX CANDIDATS POUR UN FAUTEUIL

Le 5 octobre au soir, après le bilan moral et financier des deux années écoulées, le nouveau Président de l’UE-JF sera élu.

Deux personnes se sont portées candidates à la Pré-sidence de l’UEJF: Sacha Reingewirtz vice président de l’institution et Yoann Sportouch, Secrétaire Général de l’UEJF pour succéder a Jonathan Hayoun le président sortant.

C’est la première fois depuis 10 ans que deux candidats sont en lice pour cette élection, cela montre que l’institu-tion fait preuve d’une grande vitalité

Sacha Reingewirtz et Yoann Sportouch, ne sont pas des inconnus. Tous les deux sont membres actifs de l’UEJF depuis de longues années et occupent des postes à responsabilité, ils connaissent parfaitement les rouages et le fonctionnement de l’institution. Nous leurs souhai-tons bon courage et que le meilleur gagne.

Voici le site officiel de la campagne 2013 pour la prési-dence de l’UEJF : http://electionsuejf.org/ Vous y retrouverez les professions de foi et affiches des candidats.

BRÉVES...

BRÉVES...

BRÉVES...

BRÉVES...

LES BRÈVES

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ILS REVIENNENT : LES SOUL MESSENGERS, CHANTENT POUR HADASSAH

Les Soul Messengers, un groupe originaire d’Afrique

de renommée internationale, séjournant en Israël, diri-gé par Abraham Ben Israël, chantent pour Hadassah

Le comité de Hadassah France et sa directrice Ka-rine Israël organisent leur soirée de gala le 7 octobre à la salle Gaveau en présence de nombreuses person-nalités. Yossi Gal, l’Ambassadeur de France en Israël, le professeur Alexander M.M. Eggermont, directeur de l’institut de cancérologie Gustave Roussy, Nicole Gue-dj, présidente de la Fondation France Israël, et Michel Leeb, parrain de Hadassah France sont attendus.

Cette formation, au style inimitable, composée de 17 artistes, musiciens et danseurs, remporte un grand succès dans le monde depuis 33 ans.

L’histoire débute en terre promise au début des années 70 lorsque ce groupe de 12 artistes, issus de la communauté des blacks Hebrews de la ville israélienne de Dimona, commence à se produire avec éclat sur de nombreuses scènes du pays et officie régulièrement lors de réceptions données pour les chefs d’état et per-sonnalités officielles. Ils ont été invités à se produire aux côtés d’immenses stars de la scène, Ray Charles, Stevie Wonder, Whitney Houston, Barry White et Kool and the Gang.

Leur spectacle vous fera voyager à travers des décen-nies de musique. Leurs chansons, combinant le son classique de la musique soûl des années 60, reprennent des airs des plus grands artistes contemporains et de leurs propres productions.

Les bénéfices ré-

coltés lors de la soirée seront destinés à la recherche sur le can-cer et les maladies neuro dégénératives telles que la maladie d’Alzheimer, le Par-kinson ou la Sclérose en plaques.

Une très belle soirée en perspective à ne pas manquer.

Dimanche 6 Octobre au Plaza - NiceLundi 7 Octobre à 20 heures à la Salle Gaveau - Paris

BRÉVES...

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