Toujours pas d'équilibre, 100e Journée internationale de la femme, Couverture, FORWARD, le magazine de la FEB, mars 2011

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    EN COUVERTURE Le travail et les femmes

    24 MARS 2011

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    EN COUVERTURELe travail et les femmes

    O

    sez abandonner le modle du pre soutien defamille si vous sentez que, vous aussi, vous ai-meriez vous occuper des enfants. Osez, dans

    votre entreprise, confronter vos ides dautres profi ls queceux qui vous ressemblent. Osez admettre qutre visibledans lentreprise nest pas forcment synonyme de travailacharn ou de rsultats spectaculaires. Et osez convaincrevotre partenaire quelle aussi peut trouver lquilibre entre

    vie familiale et carrire qui convient le mieux sa per-sonnalit.

    Un monde o tout un chacun est libre de seschoix, tant les hommes que les femmes.

    Mme si de nombreux efforts ont tconsentis ces dernires annes, cela resteencore pour beaucoup un rve dans le

    monde de lentreprise. LInstitut pourlgalit des femmes et des hommesreoit chaque anne des dizaines deplaintes concernant des discriminationslies la grossesse. Le sommet de lice-berg, en croire des tudes qui montrentque 80% des femmes affi rment avoir t

    dsavantages dune faon ou dune autresur le plan professionnel par une grossesse.Mme si larrive des enfants entrane souvent

    une cassure dans la carrire des femmes, ce nest certaine-ment pas le seul problme. La diffrence de traitement seconstate divers niveaux, et elle se fait souvent de manireinconsciente. On voit ainsi surgir des classifi cations defonction rtrogrades qui font fi de lgalit des genres, lapolitique de bonus repose souvent sur le principe du qui-ne-demande-rien-na-rien, les hommes se voient souventproposer davantage de formations que les femmes (sousle prtexte quune fois mamans, celles-ci naccorderaientplus la priorit leur carrire) et les strotypes foisonnent(comme : une personne qui travaille temps partiel nesimplique pas). Cest surtout pour venir bout de ces bar-rires que les femmes ont besoin de laide des hommes.

    Les femmes partagent, bien sr, la responsabilit des d-

    squilibres qui rgnent sur le march du travail. Cest sou-vent ds le choix de leurs tudes quelles rduisent leurschances de russite ou quelles sorientent vers des sec-teurs qui paient moins bien. Ainsi, le secteur des soins et

    lenseignement sont domins par la gent fminine tandisque les informaticiennes ou les ingnieures civiles restentminoritaires. Par ailleurs, beaucoup de femmes choisissent

    volontairement de moins travailler et de consacrer davan-tage de temps leurs enfants, dautres senorgueillissentde la carrire de leur conjoint, renforant ainsi les stro-types. En raison dune corrlation de facteurs, les femmesqui se hissent au sommet restent des exceptions.En rdigeant ce dossier, nous nous sommes heurts laquestion fondamentale de savoir si les tches mnagres,la prise en charge des enfants et la tendance opter pourdes secteurs plus doux taient imposes aux femmes parla nature ou par la culture. Beaucoup demployeurs affi r-ment en effet tre ouverts, mais ne pas trouver de candi-dates pour leurs fonctions dirigeantes. La science nap-

    porte pas de rponse dfi nitive la question. On peut trssimplement argumenter que les femmes investissent, cor-porellement, plus que les hommes dans leur descendance.Elles ont galement davantage intrt garder un lien phy-sique avec lenfant une fois quil est n, car, si elles ne le fai-saient pas, cela leur coterait bien plus dnergie den avoirun autre, rsume Heleen Verlinden (KULeuven), docteureen biologie. Les darwinistes renvoient la thorie de lvo-lution : pour nos anctres, la rpartition des tches entrelhomme et la femme tait une question de survie, la slec-tion naturelle a donc favoris les bons lves de lpoque.Par ailleurs, les femmes qui allaitent produiraient une hor-mone appele ocytocine que lon associe aux sentimentsdattachement. Mais imaginons maintenant que ce sen-timent de sollicitude soit plus lev chez les femmes quechez les hommes cest possible , cela ne dit toutefoisrien du sentiment de sollicitude personnel dun homme

    DANS CE DOSSIER27 Lgalit aujourdhui ? Une douce illusion !La diffrence homme/femme dans quatre domaines : le march du travail,la rmunration, les pensions et les conseils dadministration

    33 En route vers les sommetsLes femmes ne sont pas un groupe minoritaire : pourquoi lgalit dessexes dans lentreprise pose encore question

    8 mars : Journe internationale de la femme

    Osez, les mecs!

    25MARS 2011

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    EN COUVERTURE

    concret et dune femme concrte, complte Batja Mesquita,doctorante au Center for social and Cultural Psychology de laKULeuven. Et dailleurs, comment analyser, objectiver le fait

    que les femmes auraient plus de dispositionnaturelle soccuper des enfants ? Cest lune question idologique qui ne me semblepas facilement vrifi able. De nombreusespreuves viennent galement dmontrerque la rpartition des tches entre hommeset femmes est dtermine par des lmentstels que la conjoncture conomique, lesnormes culturelles ou les rglementationsrelatives la garde des enfants. Les biolo-gistes reconnaissent eux aussi quil nous est

    possible de faire voluer notre socit et que nous sommesresponsables de la forme que nous lui donnons. tant donnles dveloppements actuels, les hommes peuvent beaucoup

    plus contribuer lducation des enfants, affi rme Heleen Ver-linden, et les biologistes de lvolution estiment mme quunepolitique de la diversit russie nous permettrait, (trs) long

    terme, dinfl uer sur les critres de slection naturelle.En somme, il nous incombe de faire en sorte que, dansnotre socit, les individus quels que soient leurssentiments envers la maternit/paternit et la carrire puissent choisir librement de vivre leur vie commeils lentendent, sans discrimination ni pression sociale.Mais ce nest pas tout : avoir plus de femmes dans despositions dirigeantes mne une meilleure adminis-tration des entreprises. Avec sept dirigeants de lamme classe sociale, ayant fait les mmes tudes, ilny a pas de confrontations des ides, ni de remise enquestion, estime Michle Mees de FEMCO, abr-viation de Female Empowerment Consulting & Coa-

    ching. Elle affi rme que la crise fi nancire naurait pas eu lieusil y avait eu plus de femmes dirigeantes dans le secteur, etmme que la catastrophe BP aurait pu tre vite. Dans cedossier, vous pourrez dcouvrir les domaines o lon constateencore des diffrences entre hommes et femmes. Puis nousdonnerons la parole quelques fministes qui proposerontdes solutions pour amliorer le monde de lentreprise. l

    Sofi e Brutsaert

    Le travail et les femmes

    Comment analyser, objectiver le fait que les

    femmes auraient plus de disposition naturelle

    soccuper des enfants ? Batja Mesquita (KULeuven)

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    Diffrences quantitatives et qualitativesLorsque nous parlons de plaintes lies au march du travail, cest en-

    core, hlas, la discrimination lie la grossesse qui apparat le plus

    souvent, pingle dentre de jeu Carla Rijmenams de lInstitut pour

    lgalit des femmes et des hommes. Les jeunes femmes ne sont pas

    engages si elles mentionnent quelles veulent avoir des enfants. Ou

    les femmes enceintes passent ct dun contrat. Certaines femmes

    se plaignent galement de devoir signer une clause indiquant quelles

    promettent de ne pas tomber enceintes au cours des deux premires

    La diffrence homme/femme en quatre domaines

    Lgalit aujourdhui ? Une douce illusion !Soulever un grabataire de 70 kilos dans une maison de retraite et porter une charge de 30 kilos dans le secteurdu btiment : ces deux tches sont-elles apprcies selon une mme grille de valeur ? Non. Or, la premireest bien plus souvent ralise par des femmes, la seconde par des hommes. Nous avons dtect bien dautresdiffrences encore entre hommes et femmes sur le march du travail, au niveau des salaires, des pensions etdes chances de devenir administrateur. Aperu (non exhaustif) du monde du travail aujourdhui.

    annes. Ce nest, sans doute, que le sommet de liceberg. Une tude

    approfondie est venue confi rmer les craintes de lInstitut. Les chiffres

    sont absolument effarants, complte la coordinatrice de ltude, Ge-

    raldine Reymenants. Les trois quarts des femmes ont t confron-tes une discrimination lie la grossesse, sous une forme ou sous

    une autre. Cela va de la discrimination interdite par la loi, comme le

    licenciement pendant ou juste aprs la grossesse, des promotions

    ou des formations rates, du harclement de la part des chefs ou des

    collgues, limpossibilit de faire des pauses dallaitement ou daller

    chez le gyncologue pendant les heures de travail.

    Dautres tudes prsentent des rsultats similaires en Italie, en Espa-gne, mais aussi en Allemagne, au Royaume-Uni et en Australie. Cet

    1. March du travail

    Le travail et les femmes

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    tat de faits est surprenant, car il est prouv que les mamans semontrent plus effi caces dans leur travail : elles sont plus fl exibles,plus concentres et excellent raliser plusieurs tches la fois.

    On ne parle quen termes ngatifs de la grossesse, jamais sous unjour favorable. Un constat dautant plus amer pour Geraldine Rey-menants quun jeune candidat masculin marque gnralement debons points auprs de son futur employeur en voquant sesloisirs sportifs. Alors quun homme ayant ce profi l est plussouvent absent dans sa carrire pour cause de blessuressportives en tout genre quune femme du fait duncong de maternit. Lemployeur ne pense-t-il pasnon plus tous ces lundis matin o le jeune hommenapparatra pas trs frais au bureau cause dunetroisime mi-temps bien arrose avec son quipe ?

    Ce nest quun exemple des prjugs profondment en-

    racins. Depuis quelles se sont mises travailler lusineau XIXe sicle jusquaux annes 1970, le travail des femmes

    a toujours t li la pauvret. Mieke Denuwelaere, professeurde sociologie la KATHO (Courtrai) : Cest seulement cettedate quest apparu le mnage deux revenus, et ce nest pas unhasard si cette volution a accompagn lmergence de lcono-

    mie des services. Tout au long de lhistoiremoderne, nous voyons dailleurs que le tra-vail fminin suit les vagues de la conjonctureconomique. En 1983, une CCT a interdit ladiscrimination lembauche et, deux ans plustard, lmancipation a t institutionnaliselorsque lgalit des chances est deve-nue une comptence gouvernementa-le. partir de l, une srie de lois rela-tives au travail de nuit, la maternit,etc., a t adopte. Enfi n, en 2001, lesautorits fl amandes ont ratifi la directiveeuropenne qui visait un taux demploi de60% pour les femmes dici 2010. Un objectifqui a bel et bien t atteint.

    Cela a, certes, permis damliorer la partici-pation quantitative, mais la participation qua-litative prsente encore quelques lacunes.Mieke Denuwelaere : On relve encore unesgrgation verticale sur le march du travail.Bien que le taux de scolarisation des femmesait augment, on voit peu de femmes siger des fonctions dirigeantes. Il y a une barrirepresque invisible qui gne laccession des

    femmes aux hautes fonctions ce que lonappelle le plafond de verre. Et ce problmese rencontre dans tous les secteurs. Toute-fois, les diffrences de carrire entre hommes

    et femmes sont peut-tre plus importantes encore. Beaucoup defemmes travaillent temps partiel en vue de prendre en chargelducation des enfants. Elles font gnralement moins dheures

    supplmentaires et choisissent souvent de faire de plus longues in-terruptions de carrire. Tant quune femme soccupera des enfants,elle aura un autre type de carrire et parviendra au

    sommet de la hirarchie moins vite que ses coll-gues masculins dots du mme diplme, re-

    doute Mieke Denuwelaere. Un dernier obs-tacle important est lambiance masculinede lorganisation, avec ses nombreusesrunions en soire, notamment nous enreparlerons plus loin dans ce dossier.Puisquelles ont du mal gravir les che-

    lons au sein des structures traditionnelles,les femmes ambitieuses pourraient trouver

    une issue de secours en montant leur propreentreprise. Mais l encore, les femmes restent

    sous-reprsentes. Elles endossent beaucoup plus queles hommes le statut de conjoint aidant.

    En rsum, nous nous en sortons moins bien en matire de diversit

    sur le march du travail que les pays scandinaves et les tats-Unis,

    o les hautes fonctions sont beaucoup plus diversifi es que chez

    nous. Mais nous faisons mieux que les Pays-Bas, souligne Geral-

    dine Reymenants. L-bas, la participation des femmes au travail est

    beaucoup plus faible, avec encore plus de travail temps partiel,

    mais il y est aussi possible dassumer de hautes fonctions deux.

    28 MARS 2011

    Hors du champ professionnel, desdiffrences de traitement selonle genre subsistent. Pensons parexemple aux polices dassurance.Une Directive europenne

    autorise chaque Etat membre appliquer des tarifs diffrents entre

    hommes et femmes, pour autant que

    ces diffrences puissent tre justifi es,explique Birgit Hannes, directrice chezAssuralia, lUnion Professionnelle desEntreprises dAssurances. La majorit desEtats membres a ds lors opt pour une tari-fi cation diffrencie pour plusieurs branchesdassurance. Quen est-il en Belgique ?

    Depuis 2007, notre pays nopre de diff-rence de tarifs que pour les contrats das-surance-vie. Cette dcision sest base surla prise en compte du critre objectif delesprance de vie. Les femmes vivent pluslongtemps, cest un fait indniable. Il estdonc normal que pour une pargne sousforme dassurance-vie, elle paie plus quunhomme.En matire dassurance-auto et dassurance-hospitalisation, la Belgique a dcid dap-pliquer un tarif unisexe. Mais, la frquencedes sinistres automobiles tant plus levechez les hommes, ainsi que les montantsdes dgts qui y sont associs, on constate

    que les femmes sont pnalises quant aumontant de leur prime dassurance-auto.Cette prime correspond en effet unemoyenne des tarifs hommes et femmes,une moyenne qui peut tre un peu plusleve que la vritable moyenne..., recon-nat Birgit Hannes.Les assureurs prvoient ainsi le cas o ils au-

    raient plus dassurs masculins que fmininsdans leur portefeuille.

    La situation sinverse par contre en matiredassurance-hospitalisation.Ce sont iciles hommes qui sont pnaliss par le tarifunisexe en vigueur. Abstraction faite desfrais lis la grossesse, les femmes cotentglobalement plus chers que les hommesaux assureurs. Les primes tant niveles, labalance penche en dfaveur des hommes. noter quen matire dhospitalisation, laDirective europenne a prvu une exceptionpour laquelle les Etats membres ne peuventfaire de distinction homme/femme : lesfrais lis la grossesse et laccouchement.Ces derniers sont repris mme hauteurdans toutes les polices dassurance-hos-pitalisation des deux sexes partout enEurope. LEurope a estim que les hommesntaient pas trangers ce domaine de lavie, et leur a impos den supporter une par-tie des frais, conclut Birgit Hannes.

    Assurances

    Le tarif unisexe, source dingalits ?

    -

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    Bien que le taux de scolarisation des femmesait augment, on voit peu de femmes siger desfonctions dirigeantesMieke Denuwelaere (KATHO)

    EN COUVERTURE Le travail et les femmes

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    travail gal, salaire gal nest pas unslogan dmodBien que la Belgique connaisse, dune manire gnrale, un cartsalarial relativement rduit par rapport dautres pays, il reste cer-tains points amliorer. Carla Rijmenams : Il existe en Belgiquede nombreuses rglementations visant encourager lgalit entrehommes et femmes. Une certaine vigilance existe donc ce niveau.Les femmes nont souvent rien redire leurs salaires. Une fi che depaie est une chose complexe quil est diffi cile de comparer entrecollgues, supposer mme que lon en parle. La discriminationsalariale existe pourtant bel et bien, mme si elle est souvent trsindirecte. Sur lensemble du systme de classifi cation de fonctions un systme mis en place dans les annes 1960 et 1970 et qui d-

    termine directement le salaire dun travailleur , on retrouve des cen-taines dexemples de discriminations indirectes. Il est frquent que lacontribution typiquement fminine sur le march du travail rapportesystmatiquement moins de points et donc moins dargent, pour-suit notre interlocutrice.

    Un exemple pour clarifi er ces propos : louvrier du btiment qui portedes charges de 30 kg a plus de poids dans ce domaine que linfi r-mire qui dplace des patients immobiles de leur lit vers une chaise.Puisque les employeurs ne sont souvent pas conscients de cet tatde fait, lInstitut a dress une liste lattention de ceux qui souhaitentrviser le systme de classifi cation de fonctions. Les titres des fonc-

    tions peuvent tre trs trompeurs : un secrtaire nest pas la mmechose quune secrtaire et son poids est diffrent. Autre exemple,les femmes sont trs souvent appeles coordinatrices, alors que leshommes sont chefs de projet. Et un chef rapporte davantage sur leplan fi nancier, poursuit Carla Rijmenams. Les chiffres publis surlcart salarial varient selon la mthode de calcul. Eurostat exprimelcart en salaires mensuels bruts pour travailleurs temps plein et temps partiel confondus et arrive ainsi un cart de 23%. Celasignifi e que les femmes en Belgique gagnent en moyenne 23% de

    moins que les hommes. Cet cart sexplique en grande partie par lefait que les femmes travaillent dans des secteurs moins bien rmu-nrs, travaillent temps partiel, nont pas de contrat dure ind-

    termine ou ont commenc avec dautres choixdtudes, estime Mieke Denuwelaere. De ces

    23% , 5 7% restent inexplicables. Cela pour-rait donc tre d la discrimination, ou alors des lacunes dans lenqute. Ainsi, une tudercente du gouvernement fl amand indique m-me un revirement : les femmes ges de 25 40 ans gagneraient

    pour la premire fois plus que les hommes par heure preste. Cettesituation tient une meilleure formation des femmes, une tendance moins interrompre leur carrire, au choix de secteurs plus stables ouoffrant une grande scurit demploi, des fonctions plus leve... partir de 40 ans, par contre, la rpartition traditionnelle des rles estplus courante, avance Michle Claus, experte la FEB.Plusieurs propositions de loi visant lutter contre lcart salarial entreles femmes et les hommes sont actuellement lexamen au Parle-ment. La plupart dentre elles prvoient de nouvelles obligations pourles employeurs, telles quun bilan social renforc ou lobligation din-troduire une classifi cation analytique des fonctions. Nous estimonsque tous les intresss doivent fournir des efforts pour surmonter

    les strotypes. Les coles et les centres dorientation profession-nelle doivent mettre les parents et les enfants en garde contre lesclichs sexistes et leur montrer limportance dun choix dtudes bienrfl chi. Il faut galement dvelopper des solutions collectives pluseffi caces pour laccueil des enfants aprs lcole ou pendant les va-cances, plutt que des solutions individuelles par famille, souvent as-sumes par les mres. Enfi n, les pres et les mres doivent tre incits mieux rpartir les tches familiales, afi n de rduire limpact ngatifdes interruptions sur la carrire des femmes. l

    SBR

    2. Compensation & benefits

    D.Rys

    Les pres et les mres doiventtre incits mieux rpartir les

    tches familialesMichle Claus (FEB)

    EN COUVERTURELe travail et les femmes

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    7/1230 MARS 2011

    Des diffrences, oui. Mais pas de discriminationEn bout de course, pension lgale et pension extra-lgale sont le refl et fi dle deschoix oprs par le travailleur salari tout au long de sa carrire. Le miroir aussi delorganisation du march du travail dans notre socit.

    effet, en 2009, le pourcen-tage demplois tempspartiel chez les femmes(41%) tait plus de quatre

    fois plus lev que chez leshommes (8%).Pas de discrimination, donc.Mais force est de constater, auvu de la situation des femmes sur lemarch de lemploi, que certains amna-gements prvus par le systme de pension jouentdavantage en leur faveur. Cest notamment le cas de la pension an-ticipe, qui permet au travailleur - homme ou femme - de prendresa retraite 60 ans, sous certaines conditions, dont celle davoir 35ans de carrire. Cette disposition permet de prendre en compte,pour louverture du droit cette pension, trois annes maximum

    pendant lesquelles la personne na exerc aucune activit pro-fessionnelle pour pouvoir lever ses enfants, explique Anne-Ca-therine Bouchez. En gnral, les femmes gagnant moins ou ayantune qualifi cation professionnelle moindre, ce sont plutt elles quiont tendance arrter leur activit pour soccuper des enfants.En ce sens, cette disposition joue le plus souvent en faveur desfemmes, poursuit Dominique Schmitz.

    Et les pensions complmentaires ?Assuralia, lUnion Professionnelle des Entreprises dAssurances,constate une nette diffrence entre le nombre dhommes et defemmes constituant des rserves de pension via leur employeur.Que ce soit sous la forme dune assurance de groupe ou dunfonds de pension. On estime que le rapport est de deux tiers,un tiers !, dclare Birgit Hannes, directrice chez Assuralia. Sa-chant quen 2010, 70% des salaris disposaient dune pensionextra-lgale.Pourquoi une telle diffrence ? Ici non plus, il nestaucunement question de discrimination envers les femmes. Lescotisations verses au plan de pension peuvent diffrer en fonc-tion du statut du travailleur, mais non de son sexe. Dans le calculdes primes, les diffrences actuarielles dues lesprance de vie,sont dailleurs charge de lemployeur. La diffrence trouveraiten fait son explication dans les secteurs dactivit des salaries.Dans des secteurs comme la distribution ou les soins de sant -o les femmes sont nombreuses travailler-, il existe encore peu

    de plans de pension extralgale, souligne Birgit Hannes. Reste savoir dans quelle mesure les femmes demandent pouvoir b-nfi cier de cet avantage extra-lgal au moment du recrutement. l

    Florence Delhove

    Le 1er janvier 2009 marquait la fi n des dernires diffrencesfaites entre hommes et femmes dans le systme belge depension. Lge de la retraite tait fi x 65 ans et la dure de

    la carrire 45 ans, pour tous. Ceci mettait aussi fi n une priode

    de transition entame en 1997, suite laction mene en justicepar un citoyen retrait. Ce dernier souhaitait en effet voir son r-gime de pension align sur celui en vigueur pour les femmes lpoque (pension 60 ans et carrire de 40 ans). Lgalit sestfi nalement faite sur base de la situation des hommes, sourit An-ne-Catherine Bouchez, conseiller gnral lOffi ce National desPensions. Ce qui tait davantage en accord avec la tendanceeuropenne dlever lge de la retraite. Une autre diffrencede traitement entre les hommes et les femmes avait, quant elle,disparu ds 1984. Date laquelle les hommes veufs ont pu per-cevoir une pension de survie suite au dcs de leur conjointe.

    Une disposition qui

    ntait auparavantprvue que pourles veuves.Rtrospectivement,on peut imaginer

    les raisons qui avaient conduit le lgislateur faire ces distinc-tions hommes/femmes. La situation des femmes sur le march dutravail ayant volu, ces diffrences ne se justifi aient plus, et aufi l des annes, le systme sest harmonis.

    En fait, ds sa premire mouture en 1911, la rglementationpension ne sest jamais voulue une rglementation discrimina-toire, dclare Dominique Schmitz, conseiller gnral lOffi ceNational des Pensions. Mais le calcul de la pension est ainsi faitque lon prend en compte des paramtres qui, eux, sont sujets discrimination. Le systme tant bas, entre autres, sur les rmu-nrations, il y a un effet mathmatique globalement en dfaveurdes femmes.Les chiffres parlent deux-mmes. Selon lAtlas desPensions 2010, dit par le SPF Scurit Sociale, tous rgimes depension confondus, la pension lgale moyenne des femmes sesitue 65 % de celle des hommes. Dans le pass, les hommesaccomplissaient plus souvent des carrires compltes que lesfemmes. Ceci est susceptible dexercer une infl uence ngativesur la hauteur des pensions des femmes par rapport celles deshommes, constate lAtlas. cause de la participation accrue

    des femmes au march de lemploi, nous nous attendons ceque ces divergences sattnuent progressivement.Mais, nuan-ce-t-il, il nen reste pas moins vrai que les femmes continuent travailler plus souvent temps partiel que les hommes.En

    de

    ausur lens amna-

    Les paramtres du calcul

    de la pension sont sujets discriminationDominique Schmitz (ONP)

    EN COUVERTURE Le travail et les femmes

    3. Pensions

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    Seules 7% de femmes sont administratrices de socits

    cotes en Belgique. Les conseils dadministration desplus grandes socits cotes sur les places boursires

    des Etats membres de lUE ne comptent quune femme pourdix hommes. Et ce, alors que les femmes constituent prs de lamoiti de la main-duvre et 60% des nouveaux diplms danslUnion europenne.

    Face ce constat, plusieurs pays ont adopt des mesures di-verses : lgislation comme en Norvge - quota lgal de 40% defemmes depuis 2003-, en Espagne, en Islande ou en France,approche volontaire inscrite dans les codes de gouvernancedentreprise ou encore signature de chartes par les entreprises

    comme aux Pays-Bas et au Danemark. En Belgique, le Parle-ment dbat en ce moment* de lopportunit dintroduire desquotas relatifs la composition des conseils dadministrationdes socits cotes.

    MarieChristine Marghem, dpute MR, renvoie icila balle dans le camp des entreprises, et des action-naires en particulier. Dans le secteur priv, cest fi -nalement aux premiers intresss, savoir les action-naires, de sanctionner une composition du conseildadministration trop peu reprsentative des deuxsexes. La tche des pouvoirs publics est de garantirune galit de chances entre les hommes et les femmes decomptences quivalentes ; pas dimposer des dcisions aurouleau compresseur sans tenir compte des particularits desentreprises belges. La dpute met en avant lexemple hol-landais o linitiative Talent naar de top invite les entreprises signer une charte volontairement afi n de se donner des ob-jectifs prcis et taills sur mesure pour accrotre la diversit desgenres en leur sein. Cette initiative rencontre un beau succs.Son effi cacit rside dans son caractre volontaire et la sou-plesse de linstrument. Lhypothse de devoir appliquer unesanction ne sy est dailleurs pas encore prsente.

    Confi ance dans les entreprises !Cette approche rejoint celle de la Commission Corporate Go-vernance. Le 11 janvier dernier, elle publiait une recommanda-tion qui prcise le Code belge de gouvernance dentreprise2009. Elle prvoit que les socits cotes devront dici 7 ans

    Une rglementation europenne est-elle ncessaire ?

    Force est de constater que les progrs sont trs lents.Cest un norme gchis pour notre conomie et notresocit, si nous nutilisons pas de manire optimaleles talents des femmes. Nous en avons besoin pouratteindre les objectifs de la Stratgie Europe 2020,pour sortir de la crise et prparer lconomie de lUE

    pour les annes venir. La Vice-prsidente de la Com-mission europenne Viviane Reding, en charge de la Justiceet des droits fondamentaux, examine les diffrentes options politiquespossibles, en vue daugmenter la participation des femmes dans lespostes dcisionnels, en particulier au sein des conseils dadministra-

    tion des socits cotes en bourse actives sur lemarch europen. Elle mnera une rfl exion avecdes reprsentants de grandes entreprises sur lameilleure mthode pour faire des progrs : par desinitiatives entrepreneuriales et autorgulatrices, oupar voie plus contraignante.

    Une voie contraignante, ce serait un quota Le quota nest pas un objectif en soi. Il sagit dun

    instrument effi cace pour arriver, dans un dlai raisonnable, une meil-

    leure reprsentation des femmes dans les instances dcisionnelles,comme le dmontre lexemple de la Norvge. Pour tre efficaces, lesquotas devraient tre accompagns de mesures complmentaires(formations, mentoring, coaching, mise en rseau, constitution deviviers, etc.) et de sanctions adquates en cas de non-respect.

    Les entreprises sont-elles prtes pour une rglementation ?En gnral, les entreprises prfrent des mesures volontairesqui leur permettent plus de fl exibilit. Le problme est que, sansune certaine pression, le secteur tend ne pas agir ou le fairetrs lentement. Si les entreprises ne changent pas leur culture ensengageant rellement promouvoir la mixit dans les fonctions di-rigeantes tous les niveaux, elles devront accepter des mesures pluscontraignantes de la part des pouvoirs publics. Au rythme actuel,

    si des initiatives plus effi caces ne sont pas prises pour augmenterla participation des femmes, il faudra encore 50 ans pour avoir desconseils dadministration plus quilibrs, comprenant au moins 40%de chaque sexe. Les entreprises ont tout gagner, si elles mettent enplace des stratgies pour rvler tout le potentiel des femmes aspi-rant aux plus hautes fonctions, notamment pour palier les dparts ennombre des dirigeants baby-boomers et une plus grande compti-tion au niveau mondial de rtention des meilleurs talents.

    3 questions Franoise Le Bail, directeur gnralde la DG Justice

    La Commissaire Reding examineles options politiques possibles

    Consensus sur le principe mais pas surla manire

    La reprsentation des femmes dans les instances dirigeantes des socits a fortiori dans les conseils dad-ministration des socits cotes reste faible. Faut-il ds lors introduire des quotas ? La question fait dbat,notamment au Parlement. En marge de ces discussions, des initiatives voient le jour pour accompagner lesentreprises dans leur recherche dadministratrices.

    -

    Faute dinitiativesplus effi caces, il faudraencore 50 ans pouravoir des conseils plusquilibrs

    EN COUVERTURELe travail et les femmes

    4. Mixit dans les conseils dadministration

  • 8/7/2019 Toujours pas d'quilibre, 100e Journe internationale de la femme, Couverture, FORWARD, le magazine de la FEB,

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    atteindre une reprsentation dau minimum 30% dadministra-teurs de chaque sexe. Une des critiques qui lui est souvent

    adresse est quelle repose sur larbitraire de lentreprise.Cest tout fait faux, dclare Christine Darville, en chargedu dpartement juridique la FEB. Elle se base sur le prin-

    cipe se conformer ou expliquer, savoirque les socits sont obliges de suivrele Code 2009 et, si elles ne le suivent pas,

    elles sont tenues de se justifi er. Depuis2010, cette approche est lgalement reconnue. Si les admi-nistrateurs ne la mettent pas en uvre, ils engagent leur res-ponsabilit. De plus, les actionnaires et les investisseurs ontun droit de contrle sur la politique mene par la socit enmatire de mixit des genres et, sils nen sont pas satisfaits,ils peuvent le signifi er au conseil dadministration ou quitterla socit.Christine Darville relativise galement lexemplenorvgien rgulirement mis en avant par les dfenseurs desquotas. On oublie souvent de mentionner quen Norvge,

    50% des socits cotes sont entre les mains de lEtat. Parailleurs, on a assist dans ce pays un important mouvementde sortie de Bourse dentreprises. Et 40% des administrateurssonds sur les raisons de ces sorties mentionnent comme une voire la seule des raisons, la rglementation sur lintroduc-tion des quotas !

    Redistribuer le pouvoirPour Eva Brems, lvolution naturelle vers lgalit des genresest trop lente. Il est ici question de partage du pouvoir. Celane peut se faire de manire volontaire. Aussi la dputeGroen!, professeur lUniversit de Gand, spcialiste desDroits de lHomme est favorable une politique des quotas,qui nexclut pas une certaine fl exibilit, compte tenu de carac-tristiques propres certaines entreprises. Nous ne sommesplus dans un domaine exprimental, argumente-t-elle, desmesures du mme type ont t implmentes dans le mondepolitique belge, ainsi que dans dautres pays europens pour

    les conseils dadministration.Avec succs. A conditionbien entendu de prvoir unepriode de transition et suf-fi samment de mesures dac-compagnement. Eva Bremssouligne limportance de

    prendre une telle dcisionpolitique, non seulementpour les femmes qui sontaujourdhui confrontes au

    plafond de verre, mais aussi pour toutes les autres femmes entre autres celles qui sont aux tudes chez qui est an-

    cr notre modle de socit et qui verront ainsi slargir lechamp de leurs perspectives de carrire. Enfi n souligne-t-elle, une tude de McKinsey a montr que la diversitdans les conseils tait un facteur de meilleure performancedes entreprises.

    Un vivier se constitueQuil y ait ou non un jour des quotas, les en-treprises seront amenes, dans les annes venir, chercher davantage dadministra-trices. LASBL Women on Board botte entouche lide quil ny ait pas assez de femmessusceptibles dtre candidates cette fonc-

    tion. Son objectif premier est de constituer unvivier. Nous sommes convaincues de la plus-

    value de la prsence de femmes dans les conseils et nous tra-vaillons donc la constitution dun vivier de femmes motiveset comptentes, pour les entreprises prives ou publiques,explique Marie Evrard, partner chez Field Fisher Waterhouseet lune des cinq fondatrices de lassociation. Lorsquuneentreprise cherche un nouvel administrateur - homme oufemme -, elle a souvent tendance se diriger vers des nomsconnus. Nous souhaitons donner de la visibilit des femmesqui jusquici ont travaill dans lombre, mais nen sont pasmoins talentueuses. Il faut aussi

    prciser que 75% des membresde notre vivier ont dj une ex-prience dadministrateur, pour-suit Emmanule Attout, partnerchez PricewaterhouseCoopers,galement fondatrice de lASBL.Un comit dadmission, com-pos parit dhommes et defemmes, assiste lASBL dans sesdcisions. Les femmes qui fontpartie de ce vivier sengagent

    se former aux aspects spcifi ques lis la fonction dadmi-nistrateur, prcisent-elles. Un programme de formation estdailleurs mis en place par lASBL, tout comme un projet pi-lote de mentoring en collaboration avec GUBERNA, lInstitutdes Administrateurs. l

    FD

    * Lors de la clture de la rdaction de ce texte le 22 fvrier,aucun vote ntait encore intervenu.

    32 MARS 2011

    Cest aux actionnaires de sanctionnerune composition du conseil trop peu

    reprsentative des deux sexes

    Marie Christine Marghem (MR)

    La diversit dans les conseils estun facteur de meilleure performancedes entreprises Eva Brems (Groen!)

    EN COUVERTURE

    B.Libe

    rt

    Le travail et les femmes

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    En route vers les sommets

    Les femmes ne sont pas un groupe minoritaireLorsque lon engage le dbat sur lgalit des sexes dans les entreprises, la discussion drive vite vers la pro-blmatique plus gnrale de la diversit. Il faut veiller plus dquilibre, dit-on souvent, et, par commodit,on met les femmes, les allochtones, les seniors et les handicaps dans le mme panier. Or, les femmes nesont pas une minorit. Les femmes hautement qualifi es sont mme plus nombreuses que les hommes. Mais la tte des entreprises, cest linverse. Il y a donc un problme quelque part. Quelques nouvelles fministesne se contentent plus de parler. Il est temps dagir. Elles vous expliquent pourquoi et comment.

    T out commence pourtant bien pour elles. Il ny a pasdtudes qui ne soient accessibles une femme au-jourdhui. Pendant toute leur scolarit, garons et fi llespeuvent rver librement de leur avenir, de ce quils souhaitentdevenir. Aucun professeur duniversit nirait donner de moinsbonnes notes aux fi lles sous prtexte que ce sont des fi lles.Cela donne la jeune gnration limpression quil nexisteplus de discrimination. Elles ne veu-lent plus tre associes au fminisme,car elles pensent appartenir unesocit o elles sont parfaitement

    gales aux hommes, soupire Geral-dine Reymenants, coordinatrice derecherche au sein de lInstitut pourlgalit des femmes et des hommes.Cela brise la solidarit entre femmes.Les femmes qui ont russi malgr les diffi cults disent auxautres candidates : tu vois, cest possible, dbrouille-toi seule.Alors quun homme qui russit paulera sans y rfl chir unautre homme prometteur et laidera gravir les chelons. Etmme dans lunivers de lenseignement, il nest nul besoin destatistiques pour constater que le personnel excutif est essen-tiellement fminin, tandis que le directeur est un homme.

    Stop, ce nest pas notre monde !Elles entament donc leur carrire pleines de confi ance. quelques exceptions prs, qui ont compris les rgles du jeuplus vite, la plupart des femmes continuent de croire nave-ment que leurs bonnes performances fi niront par tre remar-

    ques et rcompenses. En vain. Ellessimpliquent, font des heures sup avecpassion, font de leur mieux pour sin-

    tgrer et se perdent en chemin. Pour Danielle Moens, il afallu dix annes passes au sein du trs comptitif Nashuatecpour commencer comprendre que quelque chose nallaitpas. Javais limpressiondtre dsquilibre. Jemtais mise inconsciem-ment me comporter

    comme un homme : je participais au jeu de la comptition,the sky was the limit ; javais une attitude trs matrialiste.Jusqu ce que je me demande quelle tait exactement macontribution la socit. Pressentant quelle ntait pas laseule faire face de tels sentiments, Danielle Moens a fondFEMCO, une organisation qui entendait avant tout donneraux femmes les moyens de sautonomiser. Leur permettrede choisir ce quelles veulent et de ne plus avoir une attitudeattentiste. Et comprendre que laspect fminin quelles ap-portent est un atout pour lentreprise, et pas un dfaut dis-simuler. Danielle Moens et sa partenaire de travail MichleMees nhsitent pas parler des traits fminins et masculinsque femmes et hommes portent en eux en diverses propor-tions. Il y a effectivement des diffrences entre les hommeset les femmes dans les environnements professionnels : leshommes prennent, les femmes partagent, les hommes sint-

    33MARS 2011

    ThierryGeen

    en

    Lentreprise qui nest pas prte sengager srieusement en faveur

    de la mixit des genres ne sera pasen mesure de raliser la mixit cultu-relle Danielle Moens et Michle Mees (FEMCO)

    Louvrage The balanced leader, crit par Michle Mees (De gebalanceerde leider, FEMCO), tout juste de sorti de

    presse, propose des cls pour dvelopper les forces fminines et masculines en soi et dans une quipe. Le 5 avril,FEMCO et le Centre for Balanced Leadership organisent un vnement sur ce thme avec, entre autres, Didier Bellens,CEO de Belgacom. Michle Mees, The balanced leader, dit par Yin Books, 2011. ISBN : 9789491233005. 29,95 EUR

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    ressent aux chiffres, les femmes utilisent

    leur intuition, les hommes sintressentaux bnfi ces, les femmes au bien-treet la stratgie sur la dure. Il est au-jourdhui totalement tabou dvoquercela. Homme ou femme, peu im-porte, nous voulons les meilleurescomptences, voil ce que lonentend systmatiquement. Il fautdes comptences, bien sr, maishommes et femmes ont chacun un re-gard particulier sur les choses. Et cestce qui fait la richesse de la mixit desgenres, estime Danielle Moens. PourIsabella Lenarduzzi, cest aussi une ex-prience personnelle qui est loriginede Jump, un autre rseau de femmes

    belge fond rcemment. Lorsque jaisuivi mon mari en Italie au milieu des an-nes 90, la femme daffaires rpute quejtais sest soudain retrouve rduite un

    rle dpouse et de mre. La pression so-ciale pour que je nambitionne rien dautre tait extrmementforte. Jai cru pendant un temps que lon ne pouvait pas toutavoir dans la vie mais aujourdhui, jai limpression davoir tmanipule. De retour en Belgique, Isabella Lenarduzzi a crune plate-forme visant aider les femmes se dployer et tre fi nancirement autonomes la cl dune vritable ind-

    pendance. Linitiative na pas tard sinscrire dans un cadreplus large. Au bout dun moment, jai compris que cette pro-blmatique touchait en fait tous les aspects de notre socit.Il ne sagit pas seulement dautonomie, mais aussi de la fonc-

    tionnalit de lentreprise, de la manire dontnous organisons les systmes de garde den-fants Cela infl uence mme les chiffres denaissances et la rpartition des tches dansles couples. Chez Femco, le projet a aussi

    t rapidement complt par un deuximevolet. Danielle Moens : Nous renvoyionsnos femmes autonomises vers les entre-

    prises o il ny avait absolument aucune prise de consciencede la femme, de sa culture, des diffrences, des cueils dela thmatique. Il est vite apparu quen plus dune approcheascendante, il fallait galement une approche descendante.Nous avons donc dvelopp un moyen daborder la culture delorganisation.Aussi bien Femco que Jump sengagent consi-drablement en faveur du rseautage une chose que les

    34 MARS 2011

    Convaincre Mart Cuypers de nous accorder une interview na pas t facile.Elle naime pas tre sous le feu des projecteurs. Typiquement fminin ?Mart Cuypers a pourtant russi se hisser au poste de directrice RH dunsecrtariat social employant 900 salaris. Sa carrire prsente cependantdes aspects plus fminins. Lorsque jai commenc ici il y a 20 ans, jtais

    lune des premires femmes au sein du dpartement juridique, vritablebastion masculin lpoque. Jy ai travaill 10 ans en tant que conseillre

    auprs de nos clients et jai connu plusieurs restructurations. Lorsquil a tpossible dentrer au sein du management, jai tent ma chance. Jai pos ma candida-ture pour le poste de responsable RH. Mart Cuypers sest vu attribuer ce poste car son

    Personnellement, je trouvemon quilibre en me consa-crant au travail que je faischez Accenture, lance dem-ble Ann Bayart, Senior Exe-cutive Talent and Organisation

    Performance chez Accenture.

    Ce nest certes pas un poste ho-raires rguliers, mais cela me convient. Jesuis certes moins prsente durant la semaine,

    mais le week-end, je suis 100 % disponiblepour ma famille et mes enfants. Ann Bayarta de la chance : elle a trouv un conjoint quise sentait plus laise dans un poste densei-gnant que dans une carrire acharne dans lesecteur priv, et qui peut donc consacrer da-vantage de temps aux enfants et aux tches

    mnagres. Les gens voient cela dun il unpeu compatissant et certains trouvent parfoisque mon mari est une chiffe molle. Mais pour

    nous, tout est parfait : en tant que famille,nous trouvons cela trs naturel. Ann Bayartestime quAccenture a beaucoup voluau cours des 17 annes quelle a passesdans lentreprise. Depuis environ cinq ans,nous avons une personne responsable dela diversit. Nous disposons depuis 2003

    dun programme de formation spcial pourles potentiels fminins. Nous les runissons dessein afi n quelles puissent nouer des

    Mart Cuypers, responsable RH pour lensemble du Groupe S

    Jai os sauter le pas

    Ann Bayart, Senior Executive Talent and Organisation Performance Management, Accenture Belux

    Mon quilibre personnel, cest travailler dur

    Les femmes ne doivent pas prendrela place des hommes, ce nest pas du

    tout de cela quil sagit

    Isabella Lenarduzzi (Jump)

    Photonews

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    Le travail et les femmes

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    femmes font visiblement moins et autrement que les hommes.Danielle Moens : Lorsquelles ont des contacts sociaux, ellesparlent de leurs enfants. Elles ne rentrent pas au bureau avecla dernire info encore offi cieuse sur un poste intressant quivient de se librer dans le dpartement. Les rseaux doi-vent permettre aux femmes de partager leurs connaissanceset dtre lcoute les unes des autres, pour rveiller la tradi-tionnelle solidarit fminine. Ce qui ne rassure pas toujours leshommes, certains arguant voir merger trop dinitiatives pour

    les femmes. Pourtant, les chiffres indiquent que quinze ans dediscussions et dtudes ont chang trs peu de choses en pra-tique. Il est donc temps dagir.

    Pourquoi pas du rose ?Les hommes nont pourtant rien craindre. Les fministesnont pas pour ambition dorganiser une prise de pouvoir. Lesfemmes ne doivent pas prendre la place des hommes, ce nestpas du tout de cela quil sagit, affi rme Isabella Lenarduzzi. Ceque nous voulons en revanche, cest que les entreprises don-

    nent aux hommes et aux femmes la libert de construire leurcarrire et quelles affi chent plus de respect pour la contribu-tion fminine. Pourquoi le rose ne pourrait-il pas tre la couleurdes affaires? Ou pourquoi ne pourrait-on pas demander si lescollaborateurs sont heureux ? ajoute Michle Mees.Si cette touche fminine simpose vraiment dans le monde delentreprise, cela ne sera pas sans consquence pour la socit.Lobjectif est de crer un monde meilleur et des entreprisesmeilleures. Danielle Moens : Nous voulons des entreprises qui

    contribuent la socit, pas des entreprises qui ne font queprendre ou qui ont mme un impact ngatif sur la socit.Quelques seconds couteaux fminins chez BP auraient dmis-sionn peu de temps avant la catastrophe parce quelles sedisaient insatisfaites de la politique en matire de scurit. Sion les avait coutes, il ny aurait peut-tre pas eu autant debnfi ces, mais pas de catastrophe non plus.

    Les entreprises ont tout intrt commencer satteler lqui-libre des genres si elles veulent tre prtes pour le prochaindfi : celui de la diversit culturelle.Une entreprise qui nest

    pas prte sengager srieusementen faveur de la mixit des genres nesera pas en mesure de raliser la mixitculturelle, prdit Michle Mees. Unevraie politique de diversit, vous lau-rez compris, ne se rduit pas miserde manire opportuniste sur un alloch-tone qui peut crer des contacts avecun certain segment du march. Le di-rigeant de demain quil soit hommeou femme devra tre un manager devisions et dintuitions, sachant quili-brer ses cts fminins et masculins, etrenoncer tre un primus inter pares.

    Welcome to the new world. l

    SBR

    exprience juridique et ses annes de loyaux

    services au sein de lentreprise faisaient dellela personne la plus comptente. Au dbut,son projet tait beaucoup plus modeste :Jambitionnais une autre orientation de macarrire et je voulais quelque chose de plusoprationnel, mais jimaginais quelque chosede beaucoup plus limit. Jai toujours exigbeaucoup du contenu dune fonction, le titremimportait beaucoup moins. Aujourdhuidirectrice des ressources humaines, elle estresponsable de la politique de la diversi-t : Je naime pas les quotas, car cest unecontrainte rglementaire excessive. Un res-

    ponsable des RH doit veiller bien dautres

    quilibres : entre hommes et femmes, maisaussi entre jeunes et vieux, entre les milieuxculturels ou entre les langues. Par ailleurs,on a beau nourrir de belles intentions de cegenre, cest en partie le march qui dcidequi lon engage. Aujourdhui, le dparte-ment juridique sest presque entirementfminis, mais Mart Cuypers prouve encoredes diffi cults quilibrer les sexes dans sondpartement informatique. Pour la fonctionde gestionnaire de dossier qui requiert dela prcision et de la minutie les femmessont bien plus nombreuses que les hommes

    russir les tests. Nous navons pas de

    programmes spcifi ques pour les hautspotentiels fminins, mais nous essayonstoutefois dtre lcoute des besoins desfemmes. Si elles optent pour une carriresans relief afi n de soccuper de leurs enfants,cest leur droit, mais si les femmes indiquentquelles attendent plus de leur carrire, onleur en offre la possibilit. Ainsi, le nombrede femmes assumant la fonction de districtmanager a fortement progress au cours desdernires annes et nous pouvons prsenterun tableau quilibr.

    SBR

    contacts et tre lcoute les unes desautres. La journe de la femme ne passepas inaperue chez Accenture : des inter-venants sont invits, il y a une formation etun dbat. Cette anne, le thme centralest les comptences de ngociation. Jepense enfi n au cadre spcifi que offert auxjeunes mamans qui rentrent de congde maternit. Cest ncessaire si nousne voulons pas perdre ces talents cemoment-l. Car malgr tous les efforts -dont les possibilits de travail fl exible , la

    recherche de lquilibre reste une priorit:Nous avons 6 femmes senior executivessur un groupe denviron 45 personnes.

    Ann Bayart considre que lexistence demodles a t trs importante pour sapropre carrire. Je voulais savoir si ellesavaient fait les choses diffremment desfemmes qui ntaient pas alles si loin.Je men suis inspire et jai cru plus faci-lement en mes propres chances. Ctaitune sorte de mentoring. Bayart constateque de nombreuses entreprises nontpas de politique RH cible. Or, dans lavente, la rpartition des clients par profi lest une vidence. Il est grand temps que

    le monde des RH comprenne quil nexistepas quun seul type de salari.SBR

    EN COUVERTURELe travail et les femmes