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TPE 2010 - 2011
Contraintes et Libertés
L’euthanasie
Problématique : De quelle manière la législation sur
l’euthanasie doit-elle être faite, au vu des différents
facteurs éthiques et biologiques, et des différentes
lois déjà présentes dans d’autres pays ?
Par Elie-Fernand Levy et Gamliel Fraenckel
1ère S
Lycée Eshel
Visitez le site de présentation de notre TPE :
http://tpeuthanasie.doomby.com
2
Sommaire
Introduction …………………………………………………………………3
Explication du projet de site web…………………………………………5
Sondage ……………………………………………………………………6
Interview …………………………………………………………………….7
Lexique ……………………………………………………………………..8
Législation sur l’euthanasie ……………………………………………..10
Législation en France ………………………………………………10
Législation dans le monde …………………………………………11
Carte des législations en Europe …………………………………13
L’euthanasie dans l’histoire, l’éthique et la religion ………………….14
Argumentation sur euthanasie …………………………………….14
L’euthanasie dans la religion …………………………….............16
L’euthanasie dans l’histoire et l’actualité …………………………18
Biologie : L’euthanasie, y-a-t-il de meilleurs moyens ? ………………21
Généralités sur la douleur …………………………………………21
Perception de la douleur physique ………………………………..22
Evaluation de la douleur physique ………………………………..22
Soulagement de la douleur physique …………………………….23
Douleur psychique ………………………………………………….26
Caricatures………………………………………………………………...27
Conclusion ………………………………………………………………..29
Bibliographie ……………………………………………………………...31
Carnet de bord ……………………………………………………………32
Remerciements …………………………………………………………..33
3
Contraintes et Libertés
L’euthanasie
Introduction
Nous avons choisi de traiter dans le cadre de notre TPE le thème de l’euthanasie. Ce sujet
est en effet très actuel, et le débat sur sa légalisation ne cesse d’être renouvelé par les plus
grands politiciens et législateurs1.
Le débat est également couramment relancé par des cas de transgressions des lois actuels
remettant en cause leur légitimité.
Qu’est-ce que l’euthanasie ? Ce mot provient du grec : « eu » signifiant « bien », et
« thanatos », « mort ». Il désigne donc littéralement une « bonne mort », autrement dit une
mort dans de bonnes conditions. Il fut définit pour la première fois en 1605 par le philosophe
anglais Francis Bacon (1561-1626)2 :
« L'office du médecin n'est pas seulement de rétablir la santé, mais aussi d'adoucir les
douleurs et souffrances attachés aux maladies ; et cela non pas seulement en tant que cet
adoucissement de la douleur, considéré comme un symptôme périlleux, contribue et conduit à
la convalescence, mais encore afin de procurer au malade, lorsqu'il n'y a plus d'espérance,
une mort douce et paisible ; car ce n'est pas la moindre partie du bonheur que cette
euthanasie [...]. Mais de notre temps les médecins [...], s'ils étaient jaloux de ne point
manquer à leur devoir, ni par conséquent à l'humanité, et même d'apprendre leur art plus à
fond, ils n'épargneraient aucun soin pour aider les agonisants à sortir de ce monde avec plus
de douceur et de facilité. »
L’euthanasie serait donc à cette époque, un moyen de mettre fin aux souffrances inutiles
vécues par des agonisants (souvent de longue durée) pour lesquels nous n’avons plus d’espoir.
Nous verrons donc dans une partie ultérieure de notre exposé, les moyens et techniques
utilisées dans ce but, permettant une mort douce et agréable.
Actuellement, le débat est fortement relancé à cause des nombreux moyens d’acharnement
thérapeutiques3 récemment inventés, qui font vivre des gens artificiellement à l’état végétatif,
parfois contre leur volonté.
1 Par exemple, en 2009, le député Français socialiste Manuel Valls a vu sa proposition de
loi visant à légaliser l’euthanasie dans certaines conditions rejetée, avec 60% (environ) de voix contre. Des lois sont également en discussion dans d’autres pays comme le Canada et les Etats-Unis.
2 Du progrès de la promotion des savoirs, livre II, partie 3, p.150, Gallimard 1991.
3L’acharnement thérapeutique est selon le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) :
« Une obstination déraisonnable refusant par un raisonnement buté de reconnaitre qu’un homme est voué à la mort et n’est pas curable ». (Avis du comité consultatif national d’éthique : http://www.ccne-ethique.fr/docs/fr/avis063.pdf)
Le CCNE est le comité officiel se chargeant de traiter les problèmes légaux liés à l’éthique, la morale et la religion. Il est composé d’un curé, d’un rabbin, d’un imâm et d’un pasteur, de personnes choisies pour leur intérêt aux problèmes éthiques ainsi que de chercheurs.
4
Le sujet est d’autant plus important, de part le vieillissement de la population, qui
augmente le nombre de personnes en âgées et dont la mobilité et les facultés physiques et
psychiques sont considérablement réduites.
Récemment encore, en janvier 2011, le débat à été relancé par le parlement qui voulait
enfin établir une législation précise quant à l’euthanasie. Malheureusement le débat fût clos
rapidement, sans qu’aucune loi ne puisse passer.
La question se pose également lorsqu’il s’agit d’euthanasier un fœtus malformé, pour qui
la vie n’en vaudrait, selon certains, pas la peine.
Il sera intéressant de constater que les législations peuvent être très différentes selon les
pays, alors que la France n’en a actuellement formulé aucune. Dès lors se pose la
problématique suivante : De quelle manière la législation sur l’euthanasie doit-elle être
faite, au vu des différents facteurs éthiques et biologiques, et des différentes lois déjà
présentes dans d’autres pays ?
Nous présenterons le sujet de l’euthanasie sur deux principaux axes, le premier concernant
la partie historique, légale et éthique de cet acte, et le second développant ces derniers dans un
cadre biologique, où nous expliquerons le fonctionnement de la douleur, de son soulagement
et du mécanisme de nociception.
L’euthanasie fait donc partie de ses sujets principaux, puisqu’elle un problème moral vis-à-vis d’un acte qui pourrait éventuellement être assimilé au meurtre.
5
Explication du projet de site web
Nous avons décidé de présenter ce TPE sous forme de site internet. L’idée que nous
recherchions à atteindre par là, est lié au fait que l’euthanasie est un thème fortement
d’actualité. Il est donc nécessaire que tout le monde soit informé de ses enjeux, et qu’il puisse
se forger des opinions sur ce sujet. Par là, nous pourrons arriver à un projet de législation où
les citoyens pourraient avoir une plus importante participation. Aussi, le site web permet une
publication largement diffuse, un lieu de confrontation et d’échange à travers le forum, et un
lieu d’information sur l’actualité par le blog. Il permettra également de publier des liens
intéressants et d’orienter d’autres recherches dans ce domaine. Enfin, il permet une évaluation
régulière de l‘opinion publique par de fréquents sondages.
C’est donc en ce sens là que le dossier de TPE ne se suffirait pas à lui tout seul, et nécessite
pour un épanouissement également extrascolaire d’une capacité de diffusion plus expansible.
6
Sondage
Face à un thème d’actualité, il convient avant tout de consulter l’opinion publique pour
voir ce que pense la population de certaines lois et projets. Il sera intéressant de remarquer que
contrairement à ce que présentent la plupart des médecins et personnes politiques, la majorité
est favorable à la dépénalisation de l’euthanasie.
Voici donc un sondage réalisé par le site l’internaute4 :
A la question « Etes vous pour la dépénalisation de l’euthanasie en France » voici ce que
les français répondent :
74,6 % : Oui, chacun devrait pouvoir choisir.
11 % : Oui ce serait préférable pour éviter les abus.
6,6 % : Non, au contraire il faut l’interdire.
6 % : Non, c’est inutile, il vaut mieux qu’elle continue à être pratiquée dans la discrétion.
1,2 % : Je n’ai pas d’avis à ce sujet.
Il est intéressant de constater que seul 1,2 % de la population n’a pas d’opinion à ce sujet.
Ce qui signifie qu’elle se sent entièrement concernée par le sujet, ce qui montre combien le
thème est d’actualité.
4 http://www.linternaute.com/questionnaire/fiche/1298/questionnaire/fiche/imprimer/1298/
7
Interview du Dr Mathis
Le Dr Robert Mathis nous a aimablement accordé une interview au sujet de l’euthanasie.
Celle-ci nous a permis d’avoir un nouveau point de vue sur cette question. En effet,
l’expérience médicale dont il nous a fait part permet de mieux percevoir les véritables enjeux
de l’euthanasie, et des soins palliatifs. Enfin, il a pu nous faire comprendre que la
médiatisation était bien trop grande à ce sujet, ce qui causait une opinion publique erronée, et
que la pratique montrait qu’avec un bon suivi, la plupart des gens préfèreront finalement
vivre.
Lien : http://dl.free.fr/e70l192Ow
8
C.1 : Définition des termes
1. Définition générale
Voici la définition du terme euthanasie que nous présente le Larousse : « Acte d'un
médecin qui provoque la mort d'un malade incurable pour abréger ses souffrances
ou son agonie, illégal dans la plupart des pays ».
2. Définitions détaillés
Il s’agira ici de définir les termes d’usage relatifs à l’euthanasie, et d’éviter ainsi les
abus de langages courants, fréquents quant à l’utilisation de ces termes.
a) Classification par les moyens employés
Il existe deux moyens d’euthanasie :
- Euthanasie active : Ce terme désigne un acte volontaire en vue d’abréger la
vie du patient. Par exemple, donner une quantité importante de morphine
au patient, de façon à ce qu’il décède presque instantanément.
- Euthanasie passive : Méthode consistant à cesser un traitement curatif, où à
arrêter l’usage d’instruments ou de produits maintenant un patient en vie.
Dans ce dernier cas, aucun traitement hâtant la mort du patient ne sera
utilisé.
b) Classification par type de consentement
Il existe également trois types de consentement :
- Euthanasie volontaire : Lorsqu’un patient en fin de vie (ou dans certains cas
de souffrance aigues et/ou perte de tout espoir thérapeutique), ayant la
capacité physique et mentale de demander de l’aide pour mourir présente
une volonté claire de mettre fin à sa vie.
- Euthanasie non volontaire, acception 1 : Lorsqu’un individu sain de corps
et d’esprit, aurait présenté antérieurement la décision de se faire euthanasier
en cas de perte d’espoir thérapeutique, se retrouverait dans cette situation
par la suite (il n’est donc plus détenteur de ses facultés physiques et
mentales).
9
- Euthanasie non volontaire, acception 2 : Lorsqu’un individu n’a plus les
capacités (physiques et mentales) de prendre une décision quant au sort de
sa vie, et qu’on ignore quelle aurait été ses volontés.
c) Définition de l’acharnement thérapeutique selon l’Encyclopédie Scientifique5
L'acharnement thérapeutique désigne le maintien artificiel en vie d'un
patient mourant pour lequel on n'a plus aucun espoir d'amélioration ou de
stabilisation d'un état physiologique jugé précaire : La personne ne peut plus
vivre sans les machines ou les traitements douloureux que l'on met à sa
disposition (respirateurs, médicaments avec de forts effets secondaires).
d) Le suicide assisté, souvent mis en rapport avec l’euthanasie est le fait de donner
à quelqu’un les moyens de se suicider. Par exemple, dans certains pays, il
existe des centres où sont mises à disposition des chaises électriques, pour
faciliter la tâche à ce qui ne désireraient plus vivre. Ces centres sont fréquentés
notamment par les victimes de la maladie du SIDA.
Il n’existe cependant pas de définitions légales de ces termes, ce qui est comme nous le
monterons une des causes de la difficulté du traitement légal de ce sujet (hormis le suicide
assisté, qui n’est pas lié directement à l’euthanasie). Cependant, certaines définitions sont
présentes au niveau du Code de Déontologie Médicale.
5 http://www.techno-science.net/?onglet=glossaire&definition=5956
10
C.2 Histoire C.1
La législation actuelle sur l’euthanasie
Les législations sur l’euthanasie sont différentes selon les pays quant à autoriser
l’euthanasie sous diverses formes. Malgré tout, la motivation des lois est toujours liée à un
seul et même problème, à savoir : La sauvegarde de la dignité du patient.
Les divergences sont souvent liées aux considérations différentes quant à savoir ce qui est
le plus digne pour le malade : Maintenir sa vie, où préférer son décès, alors qu’il a perdu
nombre de ses facultés, et qu’il souffre de douleur plus où moins importantes mais jamais
bénignes.
Nous allons présenter ici les lois en France et dans différents pays, afin que les
comparaisons puissent être facilement effectuées.
I. En France
Il n’y a actuellement en France aucun article dans le code pénal consacré à
l’euthanasie. En effet, la mort donnée à un patient quel que soit son état et sa volonté, est
assimilée à un homicide volontaire. De la même manière, ne pas traiter un patient est
assimilé à un acte de non-assistance à personne en danger. Ce sont des crimes punissables
d’une peine allant de 30 ans de prison, à la réclusion à perpétuité, ainsi que l’interdiction
au médecin d’exercer sa profession. Cependant, dans les faits, l’euthanasie est rarement
pénalisée d’une façon aussi sévère.
Selon le code de déontologie médicale6, il est interdit au médecin de provoquer
délibérément la mort d’un patient. Il doit l’accompagner et assurer ses soins jusqu’à la fin
de sa vie.
Il existe cependant deux lois en France concernant l’euthanasie : La loi Leonetti du 22
avril 2005 relatives aux droits des malades en fin de vie. Elle favorise les soins palliatifs,
interdit l’euthanasie active, et autorise sa forme passive dans un cadre bien défini. Elle
cherche donc à empêcher une obstination déraisonnable dans les soins en fin de vie, et à
tenter de trouver un équilibre entre les souffrances jugées inutiles pour le patient
incurable, et la volonté de le maintenir en vie. Comme nous l’expliquait le Dr Mathis,
cette loi contient aussi une nouveauté, qui est celle de la possibilité de directives
6 Article 38, alinéa 2.
11
anticipées. En effet, toute personne majeure peut rédiger des directives sur les traitements
qu’on lui feraient s’il en venaient à être en état d’inconscience, dans les limites de ce qui
est autorisé par la loi.
La loi de 2002 aboutit à une reformulation du code de déontologie médicale,
demandant aux médecins de s’abstenir de toute obstination déraisonnable dans la
thérapeutique du patient. Il peut aussi renoncer à entreprendre où à poursuivre des
traitements qui lui sembleraient inutiles et qui n’auraient d’autre objet qu’un maintien
artificiel de la vie7.
Par ailleurs le Code de la santé publique8, écrit qu’il est en le devoir du médecin
d’assurer à son patient une vie digne jusqu’à sa mort. Il peut donc lui donner des
médicaments lui allégeant la souffrance, même si ceux-ci abrègeront d’autre part la vie du
malade, à condition que celui-ci soit d’accord.
Tout ce renouveau de la législation sur l’euthanasie en France est lié à la médiatisation
de l’affaire Vincent Humbert qui à contraint l’état à prendre les choses en mains et fixer
des lois pour la première fois à ce sujet.
II. Dans le monde
En Allemagne, l’euthanasie active est interdite formellement par la loi, mais sa forme
passive est tolérée. Cependant, dans ce pays, on emploie plus régulièrement le terme de
Sterbehilfe signifiant « mort assistée », plutôt que celui d’euthanasie qui fait référence à
l’opération T4 que nous avons exposée précédemment. C’est résumé la même législation
au Canada, en Hongrie, au Mexique ainsi qu’en Finlande.
Dans certain pays comme la Hongrie, le Mexique, la Finlande et la Norvège,
l’euthanasie active est interdite mais sa forme passive est autorisée.
Depuis le 28 mai 2002, en Belgique, l’euthanasie active à été officiellement dépénalisée.
Elle est définie par la loi comme étant « l’acte, pratiqué par un tiers qui met
intentionnellement fin à la vie d’une personne à la demande de celle-ci ». Cependant cet
acte est soumis à plusieurs conditions :
- Le patient doit être majeur où émancipé, capable et conscient au moment de cette
demande
- Elle doit être de manière réfléchie, volontaire et répétée, ceci excluant une
demande due à une pression extérieure au patient.
7 Article R4127-37 du code de la santé publique (ex-art. 37 du code de la déontologie
médicale) : http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=ED8B3191AB28C60B45941D9D8DB32F93.tpdjo11v_1?idArticle=LEGIARTI000021773765&cidTexte=LEGITEXT000006072665&dateTexte=20100316
8 L1110-5
12
- Le patient dans un état de grande souffrance psychique où physique constante et
insupportable, qui ne peut-être apaisée, et qui résulte d’une affection accidentelle
ou pathologique incurable.
Hormis cela le médecin doit aussi être volontaire quant à sa réponse à cette demande. La
procédure est totalement définie par la loi, après examen des possibilités de soins
palliatifs, consultation d’autres médecins et respect d’un délai entre la demande et son
application. Le médecin devra également fournir un rapport après avoir euthanasié le
patient à la « Commission fédérale de contrôle et d’évaluation ».
Enfin, il existe une possibilité de rédiger une demande anticipée d’euthanasie dans le cas
où le patient ne pourrait plus s’exprimer au moment où les souffrances commenceraient à
l’accabler. C’est en majeure partie la même législation aux Pays-Bas.
En Espagne, le corps médical à l’obligation de respecter la volonté du patient même si
cela va jusqu’à entrainer son décès. La demande d’euthanasie peut également être
anticipée. C’est en majeure partie la même législation au Luxembourg9.
En Grande-Bretagne, l’euthanasie est totalement interdite, et est assimilée au meurtre,
donc condamnable à 14 ans de prison. Cependant, certains cas ont déjà étaient plus où
moins tolérés. C’est en majeure partie la même législation au niveau légal (mais pas au
niveau pénal) en Grèce ainsi qu’en Pologne.
En Italie, l’euthanasie active est considérée comme un crime passible d’un
emprisonnement pouvant aller de 5 à 16 ans.
En Suède, l’euthanasie active est interdite, mais le suicide assisté est toléré.
En Suisse, l’euthanasie active est interdite, mais sa forme passive ainsi que le suicide
assisté sont tolérés.
III. Carte résumant la situation de la législation sur l’euthanasie dans l’Europe10
9 Depuis le 17 mars 2009.
10 Carte datant de Mars 2008, reprise du magazine 20 minutes, publié le 20 mars 2008.
14
C.3 Histoire C.2
Euthanasie : Pour ou Contre ?
Introduction
Après avoir présenté les législations actuelles en France et dans le monde sur l’euthanasie,
et avoir montré la diversité de celles-ci, nous en venons au cœur de notre problématique qui se
résume en la question suivante : Faut-il légaliser l’euthanasie ?
Dans ce chapitre, nous présenterons les arguments en faveur et en défaveur de la
légalisation complète où partielle de l’euthanasie. Nous explorerons aussi comment cette
notion est abordée par les différentes religions, ainsi l’évolution de ce sujet dans l’histoire et
dans l’actualité.
En effet, ce sont ces partis et ces arguments qui animent le débat constant sur l’euthanasie.
I. Les arguments pour l’euthanasie
L’essentiel des arguments suivants pro-euthanasie, sont pour la plupart inspirée de
la partie rédigée par André Comte-Sponville du livre Doit-on légaliser l’euthanasie ?
Tout d’abord, un argument pragmatique favorise la légalisation de l’euthanasie : De
nombreuses euthanasies sont pratiquées clandestinement. Il serait bon de les refreiner,
en leur donna un cadre légal, qui limiteraient les abus.
La conception utilitariste de la morale permet et même parfois encourage, le sacrifice
de personnes nécessitants travaux, budget, personnel et n’ayant pas d’espoir de survie,
au profit de la recherche et de l’accumulation de ressource en faveur de ce pour qui il
reste un espoir.
Même si les soins palliatifs peuvent souvent adoucir la souffrance des malades, ils ne
l’atténue pas complètement et ne donne pas aux malades la possibilité de reprendre un
semblant d’une vie normal.
L’euthanasie est donc perçue comme la possibilité de donner fin à la souffrance d’un
malade, et de mettre un terme à la régression que son corps pourrait subir à cause de la
maladie :
- La perte progressive du contrôle de son corps dans le cas de maladie
neurodégénératives, et la perte définitive de son autonomie.
- La déformation du corps, et en particulier du visage.
La vision de la dignité humaine peut-être sauvegardée par l’euthanasie. En effet, un
malade en fin de vie est contraint de voir sa dignité réduite à néant car :
15
- La maladie l’aliénant est perçue par le patient comme une dégradation
inacceptable.
- Il n’a plus aucune autonomie, et est contraint d’être une charge pour la société et
d’être totalement dépendant d’autrui.
- Dans l’Occident les critères d’évaluation sociale sont les facultés psychiques d’un
homme, et la maladie peut les altérer de façon considérable (raison et volonté en
particulier).
- Le malade peut avoir un sentiment d’inutilité sociale et de perte du sens de sa vie.
Comme le fait remarquer Simon Blackburn11
, l’argument de la dignité humaine,
est souvent milité par les antagonistes de la législation de l’euthanasie. En effet,
les deux partis militent pour cette dignité mais chacun la perçoit différemment.
D’autres encore invoquent la liberté humaine individuelle. En effet, tout homme est
libre et maître de son corps. Il devrait donc disposer de tous les droits, y compris de
vie et de mort à son sujet. Cependant n’a actuellement pas de place dans le cadre légal,
vu que les articles 16 et suivants du Code Civil déclarent le corps comme élément
extrapatrimonial, et sur lequel le possesseur n’aurait pas de propriété.
II. Les arguments contre l’euthanasie
Lors du Forum de Bioéthique12
, Marie de Hennezel soulignait que si aujourd’hui nous avons
affaire à de plus en plus de demande d’euthanasie c’est parce que la population en âge avancé
est de plus en plus nombreuse. Cette population vieille est abandonnée, car les gens ne se sont
pas encore habitués à s’en occuper. Ceci serait à son avis la cause de nombreuses demandes
d’euthanasie, le manque d’accompagnement en soins palliatifs. La solution de la population
souffrante et en âge avancée n’est donc pas l’euthanasie, mais la formation intensive de
personne en capacité de s’en occuper, et de donner du sens à la vie de ses personnes âgées.13
En effet, des chiffres montrent qu’aux Pays-Bas - où l’euthanasie est autorisée, mais où les
progrès en soins palliatifs ont été considérables - les demandes d’euthanasie ont fortement
diminué grâce à l’amélioration de l’accompagnement.
En Janvier 2011, une loi était censée passer au sujet de l’euthanasie, mais cela n’eu pas lieu
finalement. La raison de cela était l’argument suivant : Même si l’on en venait à considérer
l’euthanasie comme bénéfique, justifiée et légalisée, les risques en seraient trop grands. En
effet, autoriser l’euthanasie pourrait conduire à une diminution progressive de la valeur de la
vie, et emmener (avec un brin d’exagération), d’ici quelques années à la législation du
11
http://www.phil.cam.ac.uk/~swb24/rewiews/Anscombe.htm, Times Literary Supplement, 30 septembre 2005.
12 Tenu à Strasbourg du 1
er au 5 février 2011.
13 Cet argument était également soutenu par le Grand-Rabbin Gilles Bernheim lors d’une interview à la radio Judaica de Strasbourg.
16
meurtre. On pourrait également faire forte pression sur le malade pour qu’il fasse une
demande d’euthanasie, à cause de son coût à l’état, à sa famille, ou alors une pression du futur
de sa place sociale en tant que diminué physiquement et psychiquement. Il risquerait de ne
plus pouvoir changer d’avis à partir d’un certain degré d’inconscience, ce qui pourrait être
contraire à sa volonté. Enfin, on risquerait régulièrement la confusion entre la volonté du
patient et celle de ses proches, qui ne supporterait plus sa présence.
Dès lors que l’euthanasie sera légalisée, on en viendra à un eugénisme14
et une sélection
prénatale de ce dont la vie vaudrait la peine. On délaisserait la possibilité de soins palliatifs,
car l’euthanasie reviendrait moins chère, et on la pratiquerait même quand la nécessité ne
serait pas absolue.
La pratique de l’euthanasie est incompatible avec certaines visions du métier de médecin, tel
qu’il apparait dans les différentes versions du serment d’Hippocrate.
L’euthanasie par empoisonnement (aux barbituriques par exemple), peut-être très pénible
d’abord au niveau physique, puis également au niveau psychique, car les moments de la mort
de quelqu’un est un instant de sentiments et de relation intenses entre lui et ses proches, ce qui
ne saurait être le cas d’une mort par empoisonnement.
Comme le précisait le Dr Mathis dans l’interview qu’il nous a accordés, que les personnes en
bonne émettant des directives anticipées en cas de souffrance aigüe, lors d’un moment
d’inconscience, changent souvent d’avis au moment où ils sont véritablement confrontés à la
situation. C'est-à-dire qu’ils prennent conscience de la valeur que peut avoir leur vie, lorsqu’ils
sont dans la souffrance, parfois plus que ceux qui sont en bonne santé.
III. L’euthanasie dans la religion
Le catholicisme
Selon la « Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la foi »15
, la vie est un don de
l’amour de Dieu envers l’homme, et il a la responsabilité de la conserver et de la faire
fructifier. Il en découle l’interdit du meurtre, qui serait de s’opposer à l’amour que Dieu à
pour cet être. On en déduit aussi l’interdiction du suicide, car il constitue un refus de la
part de l’homme de la souveraineté divine, et de son dessein d’amour, et aussi un refus
d’amour envers soi-même, et abdication face à ses obligations de la vie.
L’euthanasie est donc un meurtre, car personne n’a la possibilité de juger et d’ôter de
lui-même où de son prochain l’expression de l’amour divin. Quant à la douleur que
14
L’eugénisme est l’application de théories et méthodes visant à améliorer l'espèce humaine, fondées sur la génétique. C'est-à-dire de modifier l’espèce humaine pour la faire répondre à certains besoins.
15 Déclaration sur l’euthanasie, éd. Pierre Téqui, 1980.
17
ressentent les malades, elle est souvent liée à leur angoisse par manque d’aide et
d’affection. Ce qu’il leur faut c’est de l’aide et de la chaleur humaine et surnaturelle.
Même si du point de vue biologique la douleur peut-être trouvée atroce et inutile,
selon la doctrine chrétienne, elle occupe une place particulière dans le plan salvifique de
Dieu. Elle est participation à la Passion du Christ et union à Son sacrifice rédempteur.
Aussi les fidèles les plus ardus peuvent réduire le nombre d’analgésiques (qui sont
cependant autorisés par la doctrine chrétienne), de façon à assumer d’une conscience
pleinement éveillée, afin de s’unir à Jésus sur la croix (cf. Matthieu 27,34).
La doctrine autorise à utiliser des narcotiques qui risquent de précipiter la mort du
patient, à condition que l’intention soit de ne pas lui faire ressentir sa souffrance et non-
pas de l’euthanasier. Cependant, selon Pie XII16
, il faut que cela n’empêche pas
« l’accomplissement de d’autres devoirs religieux et moraux ». En effet, les analgésiques
faisant perdre la conscience sont déconseillés, car il est nécessaire de se préparer
consciemment à la rencontre du Christ ainsi que d’accomplir ses derniers devoirs moraux
et familiaux.
Enfin, l’acharnement thérapeutique disproportionné pour faire vivre le patient n’est
pas nécessaire s’il n’en désire pas, et qu’il n’y a plus d’espoir de guérison. Le malade à
également le droit de faire un acte de bienfaisance et de charité envers l’humanité, en
offrant aux médecins la possibilité de tester sur son corps, de nouveaux moyens dont le
résultat n’est pas certain.
En conclusion, l’important est de porter réconfort aux souffrants et aux malades, qui
sera aussi un service du seigneur, comme il est dit : « Dans la mesure où vous l’avez fait
à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait »17
.
Le protestantisme
Certains courants du protestantisme ne partagent pas la doctrine catholique sur ce
point. Ils soutiennent l'idée que Dieu n'est pas exclusif dans le fait de disposer du droit a
la vie. L'homme participe, avec Dieu, au maintien de la vie.
Ce qui explique le fait que dans plusieurs pays à réputation protestante comme la
Suisse où le Pays-Bas, l’euthanasie et le suicide assisté sont totalement où en partie
légalisés.
En effet, la vie divine ne peut être conçue comme purement physiologique ou
biologique. Elle représente plutôt un dynamisme issu de l'amour et du lien
qu'entretiennent les humains entre eux.
16
Discours du 24 février 1957. 17
Matthieu, 25,40.
18
L’islam
Pour l’islam, l’homme est la plus importante est plus complexe œuvre divine. Il
représente le pouvoir divin sur terre. Par conséquent l’euthanasie active est formellement
interdite, même à la demande du patient, car Dieu à donné la vie et l’on ne peut être plus
miséricordieux que lui qui à décidé de la laisser au patient. Par contre, la loi islamique
n’interdit pas de laisser le patient mourir et autorise donc l’euthanasie passive, car la
guérison est selon les juristes musulmans une possibilité, mais non une obligation.
Le Judaïsme
Dans le judaïsme, la vie est donnée par Dieu et n’est pas la propriété des hommes.
Pour le Talmud, réduire la vie d’un malade agonisant ne serait-ce qu’un instant serait
considéré comme un meurtre et donc passible de mort18
. L’euthanasie active est donc
formellement interdite à cause du respect inconditionnel que le judaïsme accorde à la vie.
Cependant, l’euthanasie passive ne sera pas sanctionnée.
Le Bouddhisme
Dans le bouddhisme, la chose et plus complexe : le suicide est déconseillé, car la mort
ne marque pas la fin du continuum de l’esprit. Par conséquent, la suppression de la vie
est considérée comme un acte négatif.
En revanche, cet acte fait par le médecin peut-être considéré comme une marque de
compassion envers le patient, et sa condamnation n’est pas évidente.
Sogyal Linpoché19
, met en garde contre l’euthanasie active, car les souffrances qui y
mènent pendant la vie, pourraient être plus dures dans l’au-delà. D’autres grands maîtres
bouddhistes qu’il cite, comme Kalou Rinpoché ne sont apparemment pas défavorables à
l’euthanasie passive.
IV. L’euthanasie dans l’histoire
Dans la Grèce antique, la conception dominante était qu’une mauvaise vie n’est pas
digne d’être vécue, car elle serait sans facultés physiques et psychiques. L’euthanasie et
l’eugénisme (sélection prénatale des embryons), ne seraient pas choquant selon cette
forme de pensée.
18
Talmud de Baylone, Traité Chabat, folio 151b, éd. Tel-Man, Jérusalem 1981. 19
« Le livre tibétain de la vie et de la mort », éditeur Lgf, 2005.
19
Cependant, les grecs n’étaient pas unanimes à ce sujet. En effet, le père de la
médecine, Hippocrate, interdit dans son célèbre serment aux médecins, toute forme de
suicide. Nous pouvons citer « Je ne remettrai à personne du poison, si on m’en demande,
ni ne prendrait l’initiative d’une pareille suggestion ».
La Bible fait aussi référence à un cas de suicide assisté considérable comme un acte
d’euthanasie, lorsque Saül demande à son porteur d’arme de le tuer, plutôt que les
ennemis le tuent20
. Mais le porteur d’arme refusa de le faire et le roi Saül du se suicider
lui-même.
En outre, l’euthanasie était aussi pratiquée chez les celtes. Chez les gaulois le « dieu
du maillet21
», Sucellos, était selon les croyances, le patron de ces pratiques. Le maillet
était aussi utilisé en Bretagne armoricaine jusqu’au début du XXème
siècle pour achever
ceux don la mort s’éternisait, lorsque la famille en faisait la demande.
Thomas More22
défend au XVIème
siècle déjà le concept de volontary death, lorsqu’à
des mots incurables se d’atroces souffrances que l’on arrive point à adoucir.
A l’aube et durant la Seconde Guerre Mondiale, les nazis établirent le programme
Aktion T4. Ce programme ayant débuté en juillet 1939 avait pour but d’euthanasier
nombre de gens dont la vie était inutile selon le gouvernement fasciste. Il prévoyait
l’assassinat systématique d’handicapés et d’aliénés. Ils utilisèrent le gaz Zyklon B23
fabriqué par le docteur Becker, qui servit par la suite à l’extermination de juifs et
tziganes. Ils assassinèrent 100 000 aliénés. Même si le terme « euthanasie » dans son
sens moderne, ne correspond pas tout-à-fait à ce qu’à fait l’état nazi, ce fut malgré tout le
terme employé pour désigner cette opération.
Dans l’actualité, de nombreux cas d’euthanasie ont eu lieu dans les dernières années.
Un cas mérite cependant d’être cité : c’est celui de Vincent Humbert. En effet, ce cas là
déclencha de fortes polémiques par sa grande médiatisation. En voici la chronologie :
24 sept. 2000 : Vincent Humbert, jeune homme de 19 ans, est victime d’un accident
de la route. Il se réveille après 6 mois presque entièrement paralysé, muet, quasi-
aveugle.
16 déc.2002 : Il demande à mourir par une lettre au président Chirac. Ce que ce
dernier lui refuse.
24 sept. 2003 : Sa mère lui injecte une dose de barbituriques. Le Dr Frédéric
Chaussoy tente de le réanimer.
25 sept. 2003 : Publication d’un livre que Vincent aurait écrit « Je vous de mande le
droit de mourrit.
20
Samuel 31,4. 21
Le maillet est une arme médiévale de choc constituée d’une masse cylindrique de plomb fixée au bout d’une longue hampe.
22 L’utopie, Thomas More, éd. Librio, Paris, p.91.
23 Ce produit était à l’origine destiné à la purification de l’eau, ou du moins à des fins moins
cruelles que ce qui en a été fait (voir à ce sujet le film Amen).
20
26 sept. 2003 : Le Dr Chaussoy débranche l’appareil respiratoire de Vincent, puis lui
injecte des produits accélérant sa mort.
22 avril 2005 : La loi Leonetti permet certaines formes d’euthanasie passive, mais en
aucun cas ne légalise l’euthanasie active.
27 fév. 2006 : Un non-lieu est délivré à Mme Humbert et au Dr Chaussoy, par la juge
d’instruction Anne Morvant.
21
C.4 Biologie : L’euthanasie, y a-t-il de meilleurs
moyens ?
Comme nous l’avons expliqué précédemment, la demande d’euthanasie est souvent liée à
la douleur ressentie par le patient. Aussi la calmer serait peut-être une meilleure solution
qu’euthanasier le patient. Dans ce chapitre, nous allons donc définir la douleur, présenter ses
mécanismes, et montrer quels en sont les traitements possibles. Au regard de cela, nous
pourrons nous demander si l’euthanasie est la seule porte de sortie où non pour les souffrants.
D’après l’IASP (International Association for the Study of Pain) : « La douleur est une
expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, liée à une lésion tissulaire réelle ou
potentielle, ou décrite en termes d'une telle lésion. »
Néanmoins, il convient de rappeler que la douleur est avant tout une sensation sans
laquelle on ne pourrait vivre. En effet, les gens qui ne la perçoivent pas meurent en général
très rapidement. Ceci est dû au fait que cette perception nous permet de reconnaitre un danger,
et sans cela nous ne pourrions nous préserver de ceux-ci.
Le mécanisme qui transmet le sentiment de douleur au cerveau se nomme la nociception.
Nous allons à présent le présenter et l’expliquer.
I. Généralités sur la douleur
Il existe trois dimensions de la douleur :
- Sensorielle : La sensation physique de la douleur.
- Affective-émotionnelle : En relation avec la douleur ressentie
personnellement.
- Sociologique : La façon dont la douleur est perçue par les autres.
Outre la souffrance de la douleur elle-même celle-ci peut provoquer entre autres des
spasmes, des troubles de la respiration, des syncopes etc.
Il existe aussi deux types de douleurs :
- La douleur aigüe : cette douleur est vive et immédiate, souvent brève. Elle est
causée par une stimulation nociceptive, pouvant se produire sous la forme d’un
stimulus thermique (brûlure), où mécanique (pincement).
- La douleur chronique : Celle -ci est plus prolongée dans le temps (au minimum
plus de 6 mois). Même si elle n’est pas très intense, elle peut-être très difficile
à vivre à cause de sa permanence et sa chronicité.
22
II. Douleur physique
A. La perception de la douleur
Nous allons ici expliquer le phénomène de transmission de la douleur, et plus
précisément comment agissent les connexions entre neurones pré-synaptiques et les
neurones post-synaptiques.
Lorsqu’un stimulus douloureux est effectué sur notre corps, un mécanisme de
transmission synaptique se met en place. Il repose sur la libération par les axones pré-
synaptiques de deux neurotransmetteurs principaux : la substance P (de l’anglais pain
qui signifie douleur), et le glutamate. Les neurones post-synaptiques possèdent sur leur
membrane, des récepteurs spécifiques à ces deux substances ; la fixation des
neurotransmetteurs sur ces récepteurs excite les neurones correspondants.
Dans le cas le plus simple, le message nerveux nociceptif émis par des récepteurs
périphériques fortement stimulé déclenche, au niveau du relais médullaire, la libération
des deux neurotransmetteurs. Les neurones post-synaptiques excités à leur tour émettent
vers le cerveau un message codé en fréquence de potentiel d’action : plus l’excitation des
neurones par les neurotransmetteurs est intense, plus la fréquence des potentiels d’action
émis est importante… et plus la douleur ressentie par le sujet est elle-même intense !
B. L’évaluation de la douleur
L’intensité de la douleur est tout d’abord une notion subjective. En effet, une même
douleur (liée à un traumatisme où à une maladie) pourra être ressentie différemment selon
23
la personne et sa situation. Cela peut aller d’une simple incommodation à un malaise, et
même une mise en danger du pronostic vital où psychiatrique du patient.
Le médecin questionnera donc son patient afin de pouvoir l’évaluer. Il lui demandera
où est son siège, son évolution, son type (brûlure etc.), ses possibles facteurs etc.
Il existe trois façons de l’évaluer :
- L’échelle visuelle analogique (EVA) : Le patient devra situer sa douleur entre 0 et
10.
- L’échelle verbale simple (EVS) : Le patient qualifiera de toutes sortes d’adjectifs
sa douleur (intensité…), et le médecin la convertira dans une échelle numérique
entre 0 et 5.
- L’échelle verbale relative (EVA) : Le principe est le même que dans l’EVS, sauf
que le patient sera questionner sur le type de sa douleur (sentiment de décharge
électrique, d’épuisement etc.).
Ces trois façons d’évaluer sont appelées auto-évaluation. Elle nécessite une
coopération du patient, et sa capacité à bien décrire le plus objectivement possible sa
douleur. En cas d’impossibilité de coopération (par exemple les nourrissons où les
personnes âgées), on procèdera à une hétéro-évaluation, soumise à des critères bien plus
complexes, comme l’intensité des cris pour les nourrissons, ou l’interrogation de
l’entourage du malade.
Dans la classification de l’OMS, il existe trois paliers de douleurs, auxquels
correspondent différents moyens thérapeutiques :
- Niveau 1 : Douleurs faibles où modérées
- Niveau 2 : Douleurs modérées
- Niveau 3 : Douleurs intenses
C. Le soulagement de la douleur
Nous allons développer ici les moyens d’inhibition des mécanismes de nociception et
la manière dont ils sont utilisés dans les soins hospitaliers.
a) Mécanisme
Dissocions les deux moyens d’inhibition de la douleur : Les substances modulatrices
endogènes (dans le corps), et les substances modulatrices exogènes (apport de
l’extérieur).
Les substances modulatrices endogènes :
24
Dans les conditions physiologiques normales, le fonctionnement de ce premier relais
synaptique est modulé par des interneurones localisés au même niveau, dans les cornes
dorsales de la moelle.
Ces interneurones synthétisent et libèrent à leur extrémité axonique des enképhalines,
neurotransmetteurs qui se fixent sur des récepteurs spécifiques, situés sur la membrane
des neurones nociceptifs post-synaptiques. Ces récepteurs sont qualifiés d’opioïdes car ils
fixent aussi un certain nombre de substances dérivé de l’opium comme la morphine.
La fixation d’enképhalines sur les récepteurs entraîne une inhibition de ces neurones,
c’est-à-dire, les rend moins excitables. Si des messages nociceptifs pré-synaptiques
arrivent alors au niveau des synapses à substances P et à glutamate, les neurones inhibés
par les enképhalines vont donner naissance à des messages post-synaptiques moins
intenses : la douleur ressentie sera donc moins violente. Un tel effet est qualifié
d’analgésique (du grec algos qui signifie douleur).
L’entrée en activité des interneurones à enképhaline, complexe, peut-être déclenchée
par des messages venant de la, périphérie, mais aussi par des messages descendant des
centres nerveux supérieurs. C’est ainsi qu’une douleur très intense au moment d’un
traumatisme, devient ensuite « un peu plus supportable », notamment suite à l’entrée en
action de ce contrôle médullaire du passage des messages nociceptifs.
Les substances modulatrices exogènes :
Historiquement, ce n’est pas l’activité analgésique des enképhalines qui a été
découverte en premier, mais celle d’une substance d’origine végétale, la morphine,
capable de se fixer sur les mêmes récepteurs. Cette substance, extraite de l’opium du
pavot, est connue depuis deux siècles pour ses propriétés narcotiques (étymologiquement
de Morphée, dieu des songes), et analgésiques puissantes. Son action anti-douleur
remarquable s’exerce notamment au niveau des relais médullaires étudiés ci-dessus : elle
peut bloquer elle peut bloquer durablement et presque totalement l’émission des messages
nociceptifs, ascendant par les neurones post-synaptiques. Ces messages n’atteignant plus
le cerveau, la douleur est abolie. Contrairement aux enképhalines dont l’action est fugace,
la morphine n’est pas dégradée rapidement ; toutefois l’effet analgésique disparait
progressivement à mesure que la substance est éliminée de l’organisme.
Les scientifiques ont compris pourquoi l’organisme humain contenait des récepteurs
capables de se lier à la morphine, substance totalement étrangère, lorsqu’ils ont pu établir
la structure moléculaire précise de la morphine d’une part, des enképhalines d’autre part :
ils ont alors constaté que les deux molécules possèdent une région très comparable, celle
qui se fixe sur les récepteurs opioïdes.
b) Utilisation dans le milieu médical
25
Une des causes principales des demandes d’euthanasie, est la douleur que ressentent
les malades, insupportable et inutile à leur regard. Pour y remédier, en soins palliatifs, on
recherche à traiter la douleur de la meilleure façon possible, afin de diminuer au
maximum les souffrances de fin de vie du patient. Nous allons donc expliquer ici les
différentes façons de soigner la douleur.
Les moyens (morphine) que nous avons expliqués précédemment sont fréquemment
utilisés en cas de maladies graves, à condition que le patient soit au niveau 3 de douleur
selon la classification de l’OMS. En cas de douleurs spécifiquement intenses, les malades
peuvent bénéficier d’avoir à leur disposition sous le contrôle d’un médecin, une pompe à
morphine, leur en délivrant régulièrement.
Si la souffrance est de niveau 1, on prescrira des antalgiques non-morphiniques,
comme le paracétamol, l’aspirine ou le kétoprofène. Enfin, si la douleur est de niveau
intermédiaire, le médecin délivrera des dérivés de la morphine comme la codéïne, le
nefopam et le tramadol.
Attention ! La morphine utilisée en trop grande quantité peut être un moyen
d’euthanasie active en faisant mourir le patient en douceur. Cependant, si l’intention du
médecin est uniquement de soigner le patient et de le soulager, cela ne sera pas considéré
comme un acte d’euthanasie.
D’autres moyens thérapeutiques existent pour soulager la douleur. En effet, la
morphine ne soulageant que les symptômes, on recherche lorsque cela est possible,
d’attaque la provenance même de la douleur, où de la soulager différemment tout au moin
de façon plus adaptée. On peut notamment citer :
- Les sédatifs
- Divers antalgiques
- La kinésithérapie, lorsque la douleur est plutôt musculaire
- Les anti-inflammatoires
- Des moyens psychologiques comme l’hypnose, où le réconfort pour détourner le
patient de sa douleur.
- On peut aussi procéder à l’anesthésie. Particulièrement, dans le cas du cancer du
poumon, le patient finit généralement par mourir d’asphyxie pulmonaire. Cette
asphyxie étant très douloureuse, l’anesthésie est souhaitée pour lui permettre de
mourir en douceur.
26
III. Douleur psychique
Nous ne nous étalerons pas beaucoup sur la souffrance psychique vue qu’elle a déjà
été développée dans les chapitres précédents, et dans l’interview du Dr Mathis. Nous
allons néanmoins en rappeler ici les points essentiels.
La douleur psychique est liée en général à un sentiment d’inutilité sociale du patient.
Elle peut aussi être liée à une incapacité à faire quoi que ce soit. Le plus généralement,
ces sentiments proviennent du fait que les patients sont abandonnés et délaissés. Ils ne
trouvent alors plus de sens à leur vie.
C’est aussi à cela que peuvent répondre les soins palliatifs, en réunissant psychologues
et assistantes sociales et bénévoles. Ces derniers permettent aux malades de retrouver un
sens à leur vie, des relations, et à désirer à nouveau la vie telle qu’elle est à présent devant
eux.
Ex : Morphine
Résumé des mécanismes de
transmission et de soulagement de la
douleur
27
Caricatures
Cette caricature ironise mais dénonce également. Elle évoque le coût que représente un
malade dans un hôpital. Il est certes terrible de penser "argent" devant des condamnés. Même
si cette image peut servir d’argument aux pro-euthanasies, en montrant ce que coûtent les
malades, elle montre surtout les intérêts personnels qui peuvent motiver les lois sur la fin de
vie.
28
Sur cette caricature on voit une personne âgée qui est reliée par un câble à la police, un
autre à l’infirmière, un autre vers un cardiogramme et un autre pour sa pression sanguine. Il
semble même prêt à appeler la police pour une quelconque raison.
Sur son lit, se tient un journal avec comme titre « Euthanasie : législation prochaine » ce
qui montre que le patient attend impatiemment qu’il y ait du changement au niveau des lois
sur l’euthanasie.
Ces deux caricatures expriment les deux points les plus courants quant à la législation de
l’euthanasie : Certains, pour des arguments pratiques refusent de légaliser l’euthanasie en
prétendant qu’il n’y a que des mauvaises motivations qui génèrent un tel projet de loi.
D’autres affirment qu’au contraire, si l’on recherche le véritable bien du malade, il faut lui
permettre de terminer sa vie tel qu’il le désire et l’y aider si possible.
29
Conclusion
« Un sourire est souvent l'essentiel. On est payé par un sourire. On est récompensé par un
sourire. », disait Saint-Exupéry. Cette maxime nous a accompagnés, et s’est finalement
incrustée de façon indélébile, durant la majeure partie de nos recherches. Ainsi, elle soutient
l’action des soins palliatifs, en montrant combien un sourire peut tout changer. Ces soins
redonnent en effet sens et goût à la vie du patient, et lui accordent un peu d’espoir et
d’humanité, lorsqu’il marche vers la fin de sa vie.
Lors de cette recherche, nous avons constaté, que selon les médecins, l’euthanasie ne
serait pas autant demandée, si il y avait un soutien des malades en amont de leur fin.
L’euthanasie active, serait donc de l’avis général du personnel médical à éviter, au profit d’un
meilleur accompagnement en fin de vie. Comme disait Marie de Hennezel au Forum de
Bioéthique de Strasbourg, la vieillesse peut autant être prise en heure de gloire, qu’en phase
triste et douloureuse, selon la façon dont on s’y est préparé. Elle ajoutait par ailleurs un fait de
langue intéressant, à savoir : Le mot désignant l’âge et la joie en hébreu, est le même : guil.
L'accompagnement doit-être autant psychologique que médical.
La loi devrait donc – selon le personnel médical (dans sa majorité) – plus se préoccuper de
fournir du soutien aux mourant que de se perdre en veines conjecturations législatives de
l’euthanasie active. En effet, il n’est pas envisageable de légaliser cette forme d’euthanasie,
malgré les nombreux pays l’ayant permis, tout d’abord pour des raisons éthiques – parce que
les médecins ne peuvent avoir droit de vie ou de mort direct sur le malade -, et par peur des
dérives et dérapages inévitables que porterait une telle loi. On ne devra pas non plus tenir
compte de l’opinion publique, qui est quant à elle favorable à une législation de l’euthanasie,
car elle n’est malheureusement pas au courant des méthodes thérapeutiques et palliatives ainsi
que des aides psychologiques dont on dispose à l’heure qu’il est.
Cependant, le dilemme se pose plus à l’endroit de l’euthanasie passive et de l’acharnement
thérapeutique. En effet, même si les médecins n’ont pas le droit moral de donner la mort à un
patient délibérément, ont-ils le droit de le forcer à vivre ? Si la réponse est négative, pourquoi
distinguer comme le font les légistes entre euthanasie passive et active : Si la question est celle
de la valeur suprême de la vie, il faudrait interdire les deux ; si par contre on revendique une
certaine compassion et liberté pour le patient, pourquoi ne pas légaliser également
l’euthanasie active ? Ceci montre un lourd dilemme chez les médecins et législateurs, qui se
résout facilement en demandant en résumé, la non-action du soignant.
Cette solution est certes positive dans la mesure où elle est relativement conforme autant à
l’opinion publique qu’à celle du personnel médical et des hommes politiques. Cependant, la
solution idéale se trouverait lorsqu’on répondrait à un problème général sur la législation de
notre pays : Soit elle est uniquement d’ordre social, c'est-à-dire pour permettre une société
viable, dans ce cas on pourrait légaliser toutes les formes de l’euthanasie (en dehors des
30
risques de dérive et de dérapage, qui pourraient être résorbés par une législation suffisamment
stricte), ainsi que l’avortement, et de nombreuses choses posant des problèmes éthiques et
moraux. En revanche, si la loi est également régie par des principes moraux, il faudrait
interdire toutes ces choses (cependant l’euthanasie passive pourrait rester problématique, dans
la mesure où nous considèrerions que forcer quelqu’un à vivre une vie atroce pose aussi un
problème moral). Nous avons en effet l’impression que la France n’a pas de position tranchée
à ce sujet, entre la légalisation de l’avortement, l’interdiction de l’euthanasie active etc.
31
Bibliographie
- Faut-il légaliser l’euthanasie ? Par Alain Houziaux, André Comte-Sponville, Marie de
Hennezel, Axel Kahn, éd. Les Editions de l’Atelier, Septembre 2004.
- Déclaration sur l’euthanasie, Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la foi, éd.
Pierre Téqui, Juin 1980.
- Avis sur fin de vie, arrêt de vie, euthanasie n. 63, CCNE, Janvier 2000.
- Le livre tibétain de la vie et de la mort, Sogyal Linpoché éditeur Lgf, 2005C
- Du progrès de la promotion des savoirs, Francis Bacon, livre II, partie 3, p.150,
Gallimard 1991
- Talmud de Baylone, Traité Chabat, folio 151b, éd. Tel-Man, Jérusalem 1981
- L’utopie, Thomas More, éd. Librio, Paris, p.91
- Bible, Ancien Testament, Samuel Tome 1 ch.31, verset 4
Sites Web
- http://www.techno-science.net/?onglet=glossaire&definition=5956
- http://www.phil.cam.ac.uk/~swb24/rewiews/Anscombe.htm, Times Literary
Supplement, 30 septembre 2005
- http://www.linternaute.com
- http://fr.wikipedia.org
- Site du conseil national de l’ordre des médecins :
- http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=ED8B3191AB28
C60B45941D9D8DB32F93.tpdjo11v_1?idArticle=LEGIARTI000021773765&ci
dTexte=LEGITEXT000006072665&dateTexte=20100316
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Carnet de Bord 15/09/10 1er rendez-vous au sujet du TPE avec la professeure d’SVT et choix du sujet : L’euthanasie. 18/09/10 Début des recherches de documents. - internet - livres 19/09/10 Ecriture de l’introduction. - décision d’un projet de site web 26/10/10 Ebauche de problématique et commencement du chapitre 1 du TPE. 14/12/10 Avance dans le chapitre 1 et élaboration de la problématique - 01/01/11 Finition de la problématique - rendez-vous TPE avec la professeure d’Histoire 03/01/11 Hésitation sur le plan et la part de la SVT et de l’Histoire 07/01/11 Recherches personnelles 15/01/11 Avance dans la partie biologique du TPE - rendez-vous TPE avec la professeure d’’SVT 25/01/01 Rendez-vous TPE avec la professeur d’Histoire 01/02/11 Présence au Forum de Bioéthique à Strasbourg - conférence d’ouverture 03/02/11 Présence au Forum de Bioéthique à Strasbourg -conférence Marie de Hennezel et autres 05/02/11 Réflexions et résumé à l’écrit suite au forum de bioéthique 13/02/11 Séance commune d’avancée dans la partie Histoire 15/02/11 Rendez-vous TPE avec la professeure d’Histoire et d’SVT - recherche sur la morphine 16/02/11 Recherche sur les législations à travers le monde 20/02/11 Séance commune d’avancée dans les deux parties - préparation d’une interview 21/02/11 Interview du Dr Mathis en soins palliatifs - Recherches personnelles 22/02/11 Suite à interview, changement de plan général et donc correction de la problématique 22/02/11 Séance commune d’avancée dans les deux parties 23/02/11 Recherches personnelles sur la nociception et sur la législation Française 24/02/11 Séance commune d’avancée dans les deux parties - rendez-vous TPE avec la professeure d’’SVT 25/02/11 Fin des recherches en SVT 26/02/11 Fin der recherches du point de vue éthique sur l’euthanasie 27/02/11 Fin des recherches en Histoire 28/02/11 Ecriture de la conclusion et élaboration d’une ouverture 02/03/11 Séance de relecture avec les professeurs, conseils de corrections 03/03/11 Réécriture de l’ouverture de la conclusion - recherche d’images et de carricatures 05/03/11 Correction à propos du point de vue religieux 06/03/11 Ecriture des fiches de synthèses, quelques difficultés persistent en SVT 07/03/11 Explication et clôture du site web 08/03/11 Problème quant à un choix de mise en forme dossier 10/03/11 Clôture du TPE