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 TRAITÉ DE MÉTAPSYCHIQUE LIBRAIRIE FELIX ALCAN Autres ouvrages de M. le Prof. CHARLES RICHET La chaleur animale. 1 vol. in-8 cart. Essai de psychologie générale. 11 e édit. . 1 vol. in-18 avec figures. Physiologie : travaux du laboratoire de la Faculté de méde- cine : Tome l : Chaleur animale, Système nerveux (épuisé). Tome II : Chimie physiologique. Toxicologie (épuisé). Tome III : Chloralose. Sérothérapie, Tuberculose, Défense de l'organisme. 1 vol. in-8. Tome IV : Appareils glandulaires, Nerfs et muscles. Sérothérapie, Chloroforme. 1 vol. in-8. Tome V : Muscles et nerfs ; Thérapeutique de l'épilepsiè. Zomothérapie . Réflexes psychiques. 1 vol. in-8. Tome VI : Ânaphylaxie, Alimentation, Toxicologie. 1 volume in-8. Tome VII : Anaphylaxie. Fermentation lactique, Antiseptiques, Toxicologie géné- rale. Dictionnaire de physiologie, publié avec la collaboration de divers savants. L Chaque volume, 25 fr. : se compose de trois fascicules se vendant sépa- rément chacun. Tomes l à X (de A à Lum). L'Anaphylaxie, 3 e édition, i vol. in-16. Ce que toute femme doit savoir (Leçons aux infirmières de la Cnrix-Rowje). 1 vol. in-16. Le problème des causes finales, en collaboration avec M. Sully- Phudhommk, de l'Académie française. 3 e édit. 1 vol. in-16. La sélection humaine. 1 vol. in-8. Traité de physiologie médico-chirurgicale (en collaboration avec le D r Gh. Richet fils). 2 forts vol. gr. in-8. Les cahiers de Joachim Legris, publiés par Cb. Richet, 1 vol. in-16. (Sous presse). .* Vf * '' v LIBRAIRIE HACrfETTE

Traité de Métapsychique Dr Charles Trichet

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Extraordinary collection of thousands of witnessed phenomenon for which our limited science has no explanation

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TRAIT DE MTAPSYCHIQUE LIBRAIRIE FELIX ALCAN

Autres ouvrages de M. le Prof. CHARLES RICHET La chaleur animale. 1 vol. in-8 cart. Essai de psychologie gnrale. 11 e dit. . 1 vol. in-18 avec figures. Physiologie : travaux du laboratoire de la Facult de mdecine : Tome l : Chaleur animale, Systme nerveux (puis). Tome II : Chimie physiologique. Toxicologie (puis). Tome III : Chloralose. Srothrapie, Tuberculose, Dfense de l'organisme. 1 vol. in-8. Tome IV : Appareils glandulaires, Nerfs et muscles. Srothrapie, Chloroforme. 1 vol. in-8. Tome V : Muscles et nerfs ; Thrapeutique de l'pilepsi. Zomothrapie . Rflexes psychiques. 1 vol. in-8. Tome VI : naphylaxie, Alimentation, Toxicologie. 1 volume in-8. Tome VII : Anaphylaxie. Fermentation lactique, Antiseptiques, Toxicologie gnrale. Dictionnaire de physiologie, publi avec la collaboration de divers savants. L Chaque volume, 25 fr. : se compose de trois fascicules se vendant sparment chacun. Tomes l X (de A Lum). L'Anaphylaxie, 3 e dition, i vol. in-16. Ce que toute femme doit savoir (Leons aux infirmires de la Cnrix-Rowje). 1 vol. in-16. Le problme des causes finales, en collaboration avec M. SullyPhudhommk, de l'Acadmie franaise. 3 e dit. 1 vol. in-16. La slection humaine. 1 vol. in-8. Trait de physiologie mdico-chirurgicale (en collaboration avec le D r Gh. Richet fils). 2 forts vol. gr. in-8. Les cahiers de Joachim Legris, publis par Cb. Richet, 1 vol. in-16. (Sous presse). .* Vf * '' v LIBRAIRIE HACrfETTE

Abrg d'histoire gnrale. 2 e dition, 1 fort vol. in-8.

CHARLES RICHET Professeur l'Universit de l'aris, Membre de l'Institut.

TRAIT

DE

MTAPSYCHIQUE

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^ISOtthin good Wks lie wir ied ireasures

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PARIS LIBRAIRIE FLIX ALCAN 108, BOULEVARD SAINT- GERJK AIN, i 08 192'2 Tous droit de traduction, de reproduction et d'adaptation rservi pour toi pays

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Copyright by Charles Richet, Paris, Janvier 1922.

Omnia jnm fient fieri quse posse negabam.

Ce livre est ddi la mmoire de mes illustres amis et matres Sir WILLIAM CROOKES et FRDRIC MYERS qui, aussi grands par le courage que par la pense, ouf trac les premiers linaments de cette science.

AVANT-PROPOS

Ceux qui esprent trouver dans ce livre des considrations nuageuses sur les destines de l'homme, sur la magie, sur la thosophie, seront dus. J'ai voulu tenter d'crire un livre de science, non de rve. Je me suis donc content d'exposer les faits et de discuter leur ralit, non seulement sans prtendre une thorie, mais mme en mentionnant peine les thories ; car celles qu'on a jusqu'ici proposes, en mtapsychique, me paraissent d'une fragilit effarante. Qu'une thorie passable puisse quelque jour tre prsente, c'est possible, presque probable. Mais l'heure n'est pas venue encore, puisqu'on conteste les faits sur lesquels aurait s'difier une thorie quelconque. Il faut donc d'abord tablir les faits, les prsenter dans leur ensemble et dans leur dtail, pour en approfondir les conditions. C'est notre devoir pralable : c'est mme notre seul devoir. La tche est d'ailleurs assez lourde. En effet, comme il s'agit de phnomnes peu habituels, le public et les savants ont pris le parti de les nier, tout simplement, sans examen. Cependant ces faits existent : ils sont nombreux, authentiques, clatants. On en trouvera dans le cours de cet ouvrage des exemples si abondants, si prcis, si dmonstratifs, que je ne vois pas comment un savant de bonne foi, s'il consent l'examen, oserait les rvoquer tous en doute. On peut rsumer en trois mots les trois phnomnes fonda-

mentaux qui constituent cette science nouvelle.

FI WNT-PROl'OS 1 La cryptesthsie [Lucidit des auteurs anciens) ; c'est--dire une facult de connaissance qui est diffrente des facults de connaissance sensorielles normales. 2 La tlkinsie ; c'est--dire une action mcanique diffrente des forces mcaniques connues, qui s'exerce sans contact, distance, dans des conditions dtermines, sur des objets ou des personnes. 3 L'ecloplasmie (matrialisation des auteurs anciens) ; c'est-dire la formation d'objets divers qui le plus souvent semblent sortir du corps humain et prennent l'apparence d'une ralit matrielle (vtements, voiles, corps vivants). Voil toute la mtapsychique. Il me semble qu'aller jusquel, c'est aller dj trs loin. Plus loin, ce n'esi pas encore de la science. L Mais je prtends que la science, la svre et inexorable science, doit admettre ces trois tranges phnomnes qu'elle s'est refus jusqu' prsent reconnatre. En crivant ce livre sous la forme qui est donne aux traits classiques des autres sciences, physique, botanique, pathologie, nous avons voulu arracher aux faits qu'on appelait occultes, et dont beaucoup sont indiscutablement rels, l'apparence surnaturelle et mystique que leur ont prte les personnes qui ne les niaient pas \ 1. Pour la bibliographie, qui n'a d'ailleurs pas la prtention d'tre complte, on a adopt l'abrviation A. S. P. pour Annales des sciences psychiques, et P. S. P. R. pour Proceedings of the Society for psychical Research, J. S. P. R. pour Journal of the Society for psychical Research. Am. S. P. R. pour Proceedings of the American Society for psychical Research.

TRAIT DE MTAPSYGHIQUE

LIVRE PREMIER DE LA IVITAPSYCHIQUE EN GNRAL

t 1. DFINITION ET CLASSIFICATION De tout temps les hommes ont constat que des faits singuliers,

irrguliers, imprvoyables, se mlaient aux vnements ordinaires de l'existence quotidienne. Alors, ne pouvant pas trouver d'explication rationuelle, ils ont suppos l'intervention de forces surnaturelles, et l'action de Dieux ou de Dmons tout puissants. Peu peu, avec les progrs de nos connaissances, la foi en ces ingrences, divines ou dmoniaques, dans nos petites affaires humaines, a perdu du terrain. Qu'il s'agisse d'une aurore borale, d'une clipse, d'une comte, ou simplement d'un orage, nous ne voyons plus l aujourd'hui qu'un phnomne naturel dont nous avons appris prciser quelques lois. Qu'il s'agisse de l'pilepsie ou de l'attaque hystrique, nous ne faisons comparatre ni Hercule, ni Satan 1 . Pourtant nos sciences, malgr leurs prodigieux progrs, n'ont pas pu donner la raison d'tre de certains phnomnes exceptionnels auxquels les lois jusqu'ici connues de la physique, de la chimie, de la physiologie, ne s'appliquent plus. Gomme ces vnements et ces forces taient inexplicables par la science classique, la science classique a pris un parti trs commode : elle les a ignors. Mais ces 1. La bibliographie des sciences magiques est tout un monde. Si l'on veut en avoir une ide, mme incomplte, on consultera Gra scieuce a jusqu'ici reconnu comme vrai, mais vous tes incapables d'en donner la preuve, car jusqu'ici cette preuve a chapp toute recherche mthodique. Ce n'est pas nous de prouver que les faits affirms par vous sont faux ; c'est vous de nous prouver qu'ils sont vrais. Et puis, mme si nous les voyions, ces faits tranges, nous nous croirions dups ou illusionns, car vous voluez parmi des imposteurs, et vos affirmations sont trop absurdes pour tre vraies. Tel est peu prs le langage des savants honorables qui dnient la mtapsychique toute ralit. S'ils avaient raison, ce livre serait terriblement inutile, voire ridicule. Il pourrait s'intituler : Trait d'une erreur. Mais pour notre part, comme nous essaierons d'en donner la preuve abondante, nous croyons que ces faits, qu'on appelle occultes parce qu'ils sont incompris, existent. Nous avons lu et relu, tudi et analys les ouvrages qui ont t crits sur ce sujet, et nous dclarons normment invraisemblable, et mme impossible, que des hommes illustres et probes, comme sir William Crookes, sir Oliver Lodge, Reichenbach, Russell WalLCE, LOMBROSO, WlLLIAM JMKS, ScHIAPARELLI, Fr. MyERS, ZLLNER, A. de Rochas, Ochorowicz, Morselli, sir William Barrett, Ed. Gurney, G. Flammarion, et tant d'autres, se sont laiss tous, cent reprises difrentes, malgr leur science, malgr leur vigilante attention, duper fpar des fraudeurs, et qu'ils furent victimes d'une tonnante crdulit. Ils n'ont pas pu tre tous et toujours assez aveugles pour ne pas apercevoir des fraudes qui ont d tre grossires ; assez imprudents pour conclure quand aucune conclusion n'tait lgitime; assez malhabiles pour ne jamais, ni les uns, ni les autres, laire une seule exprience irrprochable. A priori, leurs expriences mritent d'tre mdites srieusement, et non rejetes avec mpris l .

1. Voici comment ose s'exprimer un illustre savant anglais, lord Kelnvin (cit par Fr. Myers, A. S. P., 1904, XIV, 365). Je tiens repousser toute apparence d'une tendance accepter cette misrable superstition du magntisme animal, des tables tournantes, du spiritisme, du mesmrisme, de la clairvoyance, des coups frapps. 11 n'y a pas un septime sens d'espce mystique. La clairvoyance et le reste sont le rsultat de mauvaises observations, mles un esprit d'imposture volontaire, agissant sur des mes innocentes et confiantes. Tel est le degr d'aveuglement auquel est conduit un des plus grands esprits de

Y A-T-IL UNE MTAPSYCHIQUE ? 7 L'histoire des sciences nous apprend que les dco n vertes les plus simplesont t repousses, priori, sous prtexte qu'elles taient contradictoires avec la science. L'anesthsie chirurgicale fut nie par Magendie. Le rle des microbes a t contest pendant vingt ans par tous les acadmiciens de toutes les Acadmies. Galile a t mis en prison pour avoir dit que la terre tourne. Bouillaud a dclar que le tlphone n'tait que de la ventriloquie. Latoisier a dit que nulles pierres ne tombent du ciel, parce qu'il n'y a pas de pierres dans le ciel. La circulation du sang n'a t admise qu'aprs quarante ans de striles discussions. Dans un discours prononc en 1827, l'Acadmie des Sciences, mon arrire-grand-pre, P.-S. Girard, considrait comme une folie l'ide qu'on peut par des conduits amener de l'eau dans les tages levs de chaque maison. En 1840, J. Mller affirmait qu'on ne pourra jamais mesurer la vitesse de l'influx nerveux. En 1699, Papin construisait un premier bateau feu. Cent ans plus tard, Fulton refaisait cette dcouverte, et elle ne fut reconnue applicable la navigation que vingt ans aprs. Quand, en 1892, guid par mon illustre matre Marey, je faisais mes premiers essais d'aviation, je n'ai trouv qu'incrdulit, ddain et sarcasme. On pourrait crire tout un volume en contant les billeveses qui furent dites, au moment de chaque dcouverte, contre cette dcouverte mme. Remarquons qu'il n'est pas ici question du vulgaire ; l'opinion du vulgaire est sans importance, mais des savants. Or les savants s'imaginent qu'ils ont trac des limites que la science future ne saurait franchir. Comme le dit spirituellement C. Flammarion, passs l'tat de bornes, ils jalonnent la route du progrs . Lorsqu'ils dclarent que tel ou tel phnomne est impossible, ils confondent trs malheureusement ce qui est contradictoire avec la science, et ce qui est nouveau dans la science. Il faut insister; car c'est l la cause profonde du cruel malentendu. Les corps se dilatent par la chaleur. Alors, si quelqu'un vient nous dire que le mercure, le cuivre, le plomb, l'hydrogne, dans les conditions habituelles de notre exprimentation, ne se dilatent pas

notre poque : il ne daigne ni regarder, ni tudier, ni essayer de comprendre. Il nie. C'est beaucoup plus facile.

8 META.PSYCHIQUE EN GENERAI. quand ou les chauffe, j'aurai le droit de nier cette affirmation; car il y a l flagrante coutradiction avec les faits observs, coustats et tudis chaque jour. Mais qu'on ait dcouvert un mtal nouveau, et qu'un savant nous vienne dire que ce mtal, au lieu de se dilater, se contracte par la chaleur, je n'aurai pas le droit de nier a priori. Si invraisemblable que soit cette anomalie aux lois de la physique, je devrai, sous peine d'une blmable prsomption, vrifier cette assertion singulire, puisqu'il s'agit d'une substance nouvelle, peut-tre diffrente des autres. Toute vrit nouvelle est d'une extrme invraisemblance. Or il s'en prsente chaque instant dans l'volution des sciences, et, ds qu'un chercheur quelconque en met une, elle suscite toutes les indignations. Au lieu de vrifier, on nie. Claude Bernard dit que les animaux fabriquent du sucre. Alors aussitt les objections se multiplient. C'est dranger l'harmonie du monde vivant que d'admettre la formation du sucre par les animaux. Ce sont les vgtaux qui font du sucre, et les animaux qui le consomment. Le sucre qu'on a trouv dans les organismes animaux tait du sucre amass par l'alimentation, ou rsultant d'une altration cadavrique. Bref le sucre ne peut pas tre fabriqu par un organisme animal. On sait ce que ces phrases sont devenues. Supposons qu'on n'ait encore aucune connaissance des proprits attractives de l'aimant, et que l'aimant soit un corps extrmement rare, presque introuvable. Arrive un voyageur qui, ayant rencontr un aimant, mais ne pouvant le retrouver, raconte qu'il a vu un corps qui attire le fer. Son affirmation provoquera une indignation et une dngation universelles. Pourquoi le fer a-t-il cette proprit que ne possdent ni le cuivre, ni le plomb, ni aucun autre corps? Pourquoi un corps qui attire ? Jamais on n'a rien vu de semblable. Si c'tait chose vritable, on la connatrait depuis longtemps l . Tout ce que nous ignorons parat toujours invraisemblable. Mais les invraisemblances d'aujourd'hui deviendront demain des vrits lmentaires. 1. Quand on a parl de la contagion de la tuberculose, un professeur de la Facult de Paris a dit : Si la tuberculose tait contagieuse, on le saurait . Et l'Acadmie do Mdecine, on l'a, presque unanimement, en 1878, approuv.

Y A-T-IL UNE MTAPSYCHIQUE ? 9 Pour ne prendre que les dcouvertes presque contemporaines, celles qu' cause de mou grand ge j'ai pu voir se dvelopper sous mes yeux, j'en prendrai quatre qui eussent paru en 1875 monstrueuses, absurdes, inadmissibles:

1 Ou peut entendre Rome la voix d'un individu qui parle Paris. (Tlphone) ; 2 On peut mettre en bouteille les germes de toutes les maladies et les cultiver dans une armoire. (Bactriologie) ; 3 On peut photographier les os des personnes vivantes. (Rayons X). 4 On peut transporter cinq cents canons travers les airs avec une vitesse de 300 kilomtres l'heure. (Aroplanes). Celui qui, eu 1875, et mis ces assertions audacieuses et t trait d'alin dangereux. Notre intelligence routinire est ainsi faite qu'elle se refuse admettre ce qui est inhabituel. Et, en effet, bien examiner les faits qui nous entourent, il faudrait se contenter de dire : il y en a d'habituels, il y en a d'inhabituels. Nous ne devrions rien dire de plus. Surtout il faudrait se garder de faire deux classes de faits : ceux qui sont compris, et ceux qui ne sont pas compris. Car en vrit nous n'avons rien compris, absolument rien, aucune des grandes ou petites vrits del science. Qu'est-ce que la matire ? Est-elle continue ou discontinue? Qu'est-ce que l'lectricit ? L'hypothse de l'ther est-elle comprise par ceux qui la professent ? Nous voyons une pierre retomber sur le sol quand on l'a lance en l'air : avons-nous compris l'attraction ? Deux gaz se combinent pour former un nouveau corps qui est tout diffrent et dans le liquide form ou trouve les mmes atomes que dans les gaz qui se sont combins: avons nous compris? Pourquoi tel ovule fcond par uu certain zoosperme va-t-il produire, selon ses origines, un chne, un oursin, un lphant, ou un Michel-Ange? Pourquoi l'araigue ourdit-elle sa toile? Pourquoi les hirondelles traversent elles les mers? Ces merveilles ne nous tonnent pas, parce que nous y sommes habitus. Mais il faut avoir le courage de reconnatre que, tout habituelles qu'elles sont, elles sont absolument des mystres.

10 MTAPSYCHIQUE EN GNRAL Les faits de la mtapsychique ue sont ni plus ni moins mystrieux que ceux de l'lectricit, de la fcondation et de la chaleur. Ils ne sont pas aussi habituels ; et voil toute la diffrence. L'absurdit serait donc norme de ue pas vouloir les tudier, sous prtexte qu'ils ne sont pas habituels '. Ce qui est constant, c'est que les observateurs et les auteurs qui se sont occups de mtapsychique, ont une trs fcheuse tendance considrer leurs observations comme seules exactes, et rejeter absolument les autres. Ainsi sauf exceptions, bien entendu quand on s'est beaucoup et exclusivement occup de tlpathie et de mtapsychique subjective, on attache une importance prpondrante la mtapsychique subjective et on se refuse admettre les phnomnes de tlkinsie et d*ectoplasmie, si bien constats qu'ils soient.. C'est le cas de plusieurs membres minents de la Socit anglaise

de recherches psychiques. Ils sont assez facilement satisfaits quand il s'agit de transmission mentale, quoique celle-ci soit parfois explicable par des concidences ; mais, ds qu'il est question de phnomnes physiques, ils exigent d'impossibles preuves, mme quand celles-ci sont inutiles la dmonstration. Inversement tel exprimentateur, qui a cru voir une matrialisation superficiellement tudie, la considre comme bien tablie, mais se montre d'une svrit exagre et ridicule pour les transmissions de pense ou les matrialisations dcrites par d'autres observateurs, peut-treaussi comptents que lui! 1. J'ai pu constater un curieux exemple des sottises que la crainte de l'inhabituel (nophobie) peut inspirer un savant honorable. Lors de l'Exposition de 1900 Paris, j'ai prsent aux membres du Congrs de Psychologie un enfant de trois ans et trois mois, Pepito Arriola, espagnol, qui jouait tonnamment du piano, composait des marches funbres ou guerrires, des valses, des habaneras, des menuets, et excutait de mmoire une vingtaine, et peut-tre plus, de morceaux difficiles. Los cent personnes du Congrs l'ont entendu et applaudi. Ce minuscule petit pianiste, vritable prodige de prcocit, je l'ai fait venir chez moi, et dans mon. salon, deux fois dans la journe, une fois le soir devant de nombreuses personnes diffrentes, il a jou du piano, sur mon piano, loin de sa mre... Et voil qu'un psychologue amricain, M. Scripture, a annonc, quatre ans aprs, que j'avais t victime d'une illusion, et que les airs entendus avaient t jous non par Pepito Arriola, trop petit pour jouer, mais par sa mre!... (Americ. Journ. of Psychology, 1905.) L'incrdulit porte ce degr d'aberration est digne de la crdulit de l'illustre gomtre Chasles qui montrait avec orgueil une lettre autographe en franais de Vercingtorix Jules Csar. Le scepticisme de M. Scripture est de mme acabit que la crdulit de M. Chasles.

Y A-T-IL UNE MTAPSYCHIQUE ? 14 Quaud un phnomne est inhabituel, on ne l'admet que si on l'a soi-mme vrifi, mme quand on est accessible aux vrits nouvelles. Ilsemble pourtant que nous devrions tous tre moins personnels, et que notre critique, pour svre qu'elle soit et doive tre tche de s'exercer autant, sinon plus, sur nos propres expriences, que sur les expriences d'autrui. Si je me permets de critiquer la mentalit des savants en fait de

mtapsychique, c'est que j'ai commis la mme erreur. Je n'ai pas suivi les procds de travail employs pour l'tude des autres sciences. Avant d'tudier dans les livres, j'ai expriment. J'ai donc commenc par me faire une conviction personnelle (qui n'tait nullement livresque). C'est plus tard seulement que j'ai lu et mdit les travaux des exprimentateurs, anciens et contemporains, qui "s'taient adonns ces recherches. Alors j'ai t en vrit stupfait devant la quantit et la rigueur des preuves. De sorte que de par mes expriences et de par les expriences d'autrui j'ai fini par acqurir la conviction profonde que la mtapsychique est une science, et une science vritable, et qu'il faut la traiter comme on traite toutes les sciences, mthodiquement, laborieusement, pieusement. Eh bien oui ! ces phnomnes inhabituels sont rels. 1// y a une facult de connaissance autre que les facults habituelles. 2 Il y a des mouvements d'objets autres que les mouvements habituels- Et il serait terriblement absurde de ne pas vouloir tudier des phnomnes inhabituels par les mthodes qui nous ont si heureusement servi pour les autres sciences, c'est--dire par l'observation et par l'exprience. Claude Bernard a admirablement formul les conditions diverses des sciences d'observation et des sciences d'exprimentation. La mtapsychique participe des unes et des autres. Souvent elle est exprimentale, comme la chimie et la physiologie ; mais souvent aussi elle se rapproche des sciences traditionnelles, comme l'histoire, puisqu'elle est parfois contrainte de s'appuyer uniquement sur le tmoignage humain. La partie exprimentale doit tre traite comme une science exprimentale, avec le dveloppement ordinaire des moyens techniques

12 MTAPSYCHIQUE EN GNRAL d'investigation. Balances, photographies, mthodes graphiques, les mtapsychistes doivent employer tous les procds de mensuration adopts par les physiologistes. Je ne vois pas de diffrence essentielle dans les mthodes, cela prs que le chimiste ou le physiologiste agit avec un matriel qu'il peut se facilement procurer, tandis que, pour faire une exprience mtapsychique, nous avons besoin d'un mdium, sujet rare, fragile, minemment fantaisiste, qu'il faut savoir manier avec une finesse diplomatique toujours veille. Mais, une fois que l'exprience a commenc, celle-ci doit se poursuivre avec autant de rigueur qu'une exprience sur la pression artrielle ou sur la chaleur de combustion de l'actylne. - Dans une exprience, quelle qu'elle soit, on n'est jamais absolument le matre de toutes les conditions. Voil un axiome de mthode scientifique encore plus vrai pour la mtapsychique que pour les autres sciences. Peut-tre l'obscurit est-elle ncessaire, et le silence (ou le bruit) ? Peut-tre faut-il certaines conditions psychologiques encore mal dtermines? Aprs tout, il en est ainsi toutes les fois qu'une science se constitue. Dans laphase embryonnaire on ignore les conditions ncessaires au dveloppement des faits qu'il s'agit de prouver. Et alors, on commet chaque instant, par iguorance, de grossires erreurs, et on choue, tandis que navement on croyait avoir amass toutes les conditions de succs. La mtapsychique, en tant que science d'observation et de tradition, est riche en documents de toutes sortes. Ces documents sont

de valeur prodigieusement ingale, et il faut savoir faire un choix, sparer le bon grain de l'ivraie, exercer une critique svre. Mais condamner la mthode de tradition serait absurde. Toute science historique n'est-elle pas fille de la tradition ? Et la mdecine n'a-telle pas t, jusqu' Claude Bernard et Pasteur, une science d'observation ? Ne l'est-elie pas encore, pour une bonne part, aujourd'hui? Une observation bien prise, disait un grand physiologiste, vaut une bonne exprience. C'est peut-tre exagrer un peu ; car la certitude que donne une observation est toujours de moindre qualit que la certitude donne par une bonne exprience. Toutefois les sciences d'observation sont parfois profondes et solides, et ce serait folie que de vouloir les rejeter. Mais il n'y a pas lieu d'opposer une mthode l'autre- Quand

Y A-T-1L UNE MTAPSYCHIQUE ? 13 l'observation et l'exprience aboutissent auxmmes rsultats, elles se confirment l'une par l'autre. Il y aura donc toujours, dans ce livre, soit pour la lucidit {cryptesthsie), soit pour les mouvements d'objets (tlkinsie), soit pour les matrialisations (ectoplasmie), deux chapitres : un premier chapitre d'expriences, un second chapitre d'observations. La mthode d'exprimentation est relativement facile, tandis que la mthode d'observation est d'une extrme difficult. Car les documents trop souvent sont douteux. Ils sont nombreux, et mme trop nombreux; la science mtapsychique est complique par l'encombrement d'expriences mal faites et d'observations mal prises. Il se trouve qu'au lieu d'tre, par ceux qui la cultivent, traite avec la rigueur qui convient une science, la mtapsychique a t envisage par ses adeptes comme une religion. Erreur grave, qui a eu des consquences nfastes. Les spirites ont voulu mler la religion la science, et c'a t au grand dtriment de la science. Non certes que je veuille jeter le blme sur les efforts des spirites. Ce serait d'une assez sinistre ingratitude. Alors que les savants officiels, suivis par l'immense majorit du populaire, rejetaient ddaigneusement, sans examen, et souvent avec une insigne mauvaise foi, les travaux de Crookes, de Walla.ce, de Zollner, les spirites s'en sont empars, et courageusement se sont misa l'ouvrage. Mais tout de suite, au lieu de faire uvre scientifique, ils ont fait uvre religieuse. Ils ont entour de mysticisme leurs sances, faisant des prires, comme s'ils taient dans une chapelle, parlant de rgnration morale, se proccupant avant tout de mystre, satisfaits de converser avec les morts, se perdant dans des divagations enfantines. Ils n'ont pas voulu voir que les choses de la mtapsychique ne sont pas du tout les choses de Yau-del, et mme qu'il n'y a peut-tre pas d'au-del. L'au-del les a perdus : ils se sont noys dans des thologies et des thosophies puriles. Quand un historien tudie les Capitulaires de Charlemagne, il ne pense pas Yau-del; quand un physiologiste enregistre les contractions musculaires d'une grenouille, i ne parle pas des sphres ultra-terrestres ; quand un chimiste dose l'azote de la lci-

14 MTAPSYGHIQUE EN GNRAL thine, il ne se livre aucune phrasologie sur les survivances humaines. Il faut en mtapsychique faire de mme, ne pas rver aux mondes thrs, ni aux manations animiques ; il faut rester terre terre, tre sobre de toute thorie, et se demander, trs humblement, si tel ou tel phnomne qu'on tudie est vrai, sans prtendre en dduire les mystres de nos destines antrieures ou ultrieures. Par exemple, quand on tudie la cryptesthsie et qu'on cherche si tel sensitif, sans aucun signe de notre part, va indiquer le nom auquel on pense, toute notre vigilante attention doit consister ne donner aucun signe, absolument aucun signe, et comparer les lettres dites par le sujet aux lettres du nom qui a t pens, en calculant la probabilit de l/25 e , puisqu'il y a vingt-cinq lettres l'alphabet. Si l'on tudie la tlkinsie, il faut tenir les membres du mdium assez solidement pour que la table ne puisse tre mue ni par ses mains, ni par ses pieds, ni par un artifice quelconque. Aller plus loin ne m'intresse pas. Je me passionne pour ces tches modestes, qu'il faut avoir le courage de se proposer, sans mditer sur l'immortalit des mes. Que de prcieuses observations, que d'admirables expriences ont t ainsi dnatures, dformes, par le perptuel et dangereux souci de constituer les bases d'une religion nouvelle ! La religion spirite est l'ennemie de la science. Et je prendrais volontiers pour l'pigraphe de toutes nos tudes une parole emprunte la Bible. Omnia in numro et pondre, dit l'Ecclsiaste. Principe admirable qui s'applique toutes les sciences, et qui est la ngation mme de la mystique religieuse. S'il fallait une religion, nous dirions que c'est celle de la vrit, de la vrit toute nue, sans parure, et sans verbiage. Constatons les phnomnes, tchons de les relier ensemble par une thorie quelconque, aussi vraisemblable que possible, mais ne sacrifions jamais la thorie aux faits, lesquels sont certainement vrais, tandis que la thorie est probablement fausse. Certes maintes fois les phnomnes mtapsychiques semblent nous pousser des conclusions nuageuses sur l'immortalit des humains, sur les manations d'une volont inconnue, sur la rincarnation, sur des fluides intelligents manant de nous ou des morts.

Y A-T-IL UNE MTAPSYCHIQUE ? 15 J'ai tch de me dfendre encore que je n'aie pu y russir compltement contre ces thories prmatures. A quoi ont servi tous les gros livres d'alchimie avant Lavoisier ? Il a plus fait avec sa balance que toutes les dissertations de Goclenius, d'AGRippA, de Paracelse. Si nous voulons que la mtapsychique soit une science, commenons par tablir fortement les faits. Nos descendants iront plus loin, je n'en doute pas, mais notre mission aujourd'hui est plus humble. Ayons la pudeur de la modration qui sied l'ignorance.

Et pourtant la mtapsychique, certains gards, n'est gure comparable aux autres sciences. Qu'il s'agisse de mtapsychique subjective ou de mtapsychique objective, les phnomnes paraissent tre dus une intelligence, alors qu'il n'y a aucune intelligence dans les manifestations diverses de l'nergie. Certes il est possible que cette intelligence, qui apparat dans les manifestations mtapsychiques, soit tout simplement humaine, mais alors c'est une rgion de l'intelligence humaine qui nous est tout fait inconnue ; puisqu'elle nous rvle sur les choses ce que nos sens ne peuvent nous rvler, et qu'elle agit sur la matire autrement que par des contractions musculaires. En tout cas le domaine des choses mtapsychiques est diffrent du domaine des autres forces, qui sont trs certainement aveugles et inconscientes. Peut-tre un jour sera-t-il prouv que les forces mtapsychiques, productrices des phnomnes, sont tout aussi inconscientes que la chaleur et l'lectricit. Alors la mtapsychique rentrera dans les cadres de la physique classique, de la psychologie classique. Et ce sera un immense progrs. Loin d'en tre mus ou attrists, nous en serons plutt heureux, car il y a une vraie douleur intellectuelle, que personne ne ressent plus vivement que moi, supposer des forces inconnues, arbitraires et fantaisistes, comme tout ce qui est intelligent. Mais ce jour n'est pas venu encore, et provisoirement nous conclurons : 1 que les faits de la mtapsychique sont rels; 2 qu'il faut les tudier, sans souci religieux, comme on tudie les autres sciences ; 3 qu'ils semblent dirigs par des intelligences, humainesou non humaines, dont nous ne saisissons que fragmentairement les intentions.

16 MTAPSYCHIQUE EN GNRAL

3. HISTORIQUE

Les vnements et les dcouvertes se succdent en de tels enchevtrements que toute division en priodes distinctes est fatalement artificielle. Pourtant il faut la faire, cette division, pour mettre de la clart en un sujet obscur et touffu. Nous proposons donc les quatre priodes suivantes : 1 Priode mythique, qui va jusqu' Mesmer (1778) ; 2 Priode magntique, qui va de Mesmer aux surs Fox (1847); 3 Priode spiritique, des surs Fox William Crookes (1847-1872) ; 4 Priode scientifique, qui commence avec William Crookes (1872). Oserai-je esprer que ce livre aidera inaugurer une cinquime priode, classique? 1 Priode mythique. C'est aux historiens, plutt qu'aux savants, chercher dans les

vieilles religions et les anciennes traditions populaires tout ce qui a t dit sur le surnaturel, l'occulte, le magique, l'incomprhensible. Ce voyage travers les livres sacrs, les Kabales, les Magies, ne prsente qu'un faible intrt scientifique l . Dans presque toutes les religions, les miracles et les prophties ont jou un grand rle. De vrais phnomnes mtapsychiques, tlkinsies pour les miracles, prophties pour les prmonitions, sont peut-tre l'origine de certaines croyances religieuses. Mais quel fond pouvons-nous faire sur des rcits datant de vingt sicles, traosforms par les lgendes successives qu'entretenaient des prtres, aussi ignorants que crdules ? Quand il s'agit d'un fait contemporain, tudi dans uu laboratoire par des savants expriments, avec tout le secours de la technique instrumentale moderne, nous hsitons souvent conclure. Alors comment oser rien affirmer d'une histoire invraisemblable qui se serait produite il y a deux mille ans devant trois fanatiques et quatre illumins ? 1. Un expos excellent, extrmement dtaill, en a t donn par G. de Vesme. Storia dello spiriiismo, 3 vol., Torino, Roux Frascati, 1896-1898. Tr. ail., Leipzig. 1904. Pour la bibliographie on trouvera des documents, suivis parfois d'une analyse sommaire, dans uu bel ouvrage d'AntEirr Caillt. Manuel bibliographique des sciences psychiques ou occultes, 3 vol., 8, Paris, L. Dorbon, 1913.

HISTORIQUE 17 Probablement tout n'est pas faux ; mais la sparation du vrai et du faux ue peut pas tre faite. Aussi laisserons-nous de ct dlibrment tous les miracles des religions, tous les prodiges qui out signal la mort de Csar, ou celle de Jsus-Christ, ou celle de Mahomet. Pourtant on trouve, dans cette dmesurment longue priode de crdulit et d'ignorance, quelques faits digues d'tre mentionns. C'est d'abord la trs curieuse bistoire du dmon de Soorate 1 . Ainsi que le disent formellement les deux disciples illustres de Socrate,/ Platon et Xnophon, Socrate prtendait avoir un gnie familier, un dmon, qui lui indiquait l'avenir et parfois lui dictait sa conduite. Mme Socrate pensait que cet tre tait tranger lui, diffrent de lui, car il lui rvlait des cboses inconnues. Ce dmon fut ce qu'eu langage spirite on appelle un guide. Dans le Thagte, Platon fait dire Socrate : Depuis mon enfance, grce la faveur cleste, je suis suivi par un tre presque divin, dont la voix me dconseille parfois d'entreprendre quelque cbose, mais jamais ne me pousse faire telle ou telle action. Vous connaissez Charmide, le fils de Glaucon. Un jour il me dit qu'il veut disputer le prix des jeux nmens... Je cherche dissuader Charmide de son dessein, en lui disant : Pendant que tu me parlais, j'ai entendu la voix divine... Ne va pas Nme ! Il n'a pas voulu m'couter ! Eb bien ! vous savez qu'il est tomb . Dans Y Apologie pour Socrate, Xnophon lui fait dire : Cette voix propbtique s'est fait entendre moi dans tout le cours de ma vie :

elle est certainement plus authentique que les prsages tirs du vol ou des entrailles des oiseaux : je l'appelle Dieu ou Dmon (0s6s vi 8ai[i.u). J'ai communiqu mes amis les avertissements que j'en ai reus, et jusqu' prsent sa voix ne m'a jamais rien affirm qui ait t inexact . C'est l un point sur lequel maintes reprises Socrate a insist. Les prdictions de son gnie familier se sont toujours vrifies. Dans toute l'antiquit, l'histoire du dmon de Socrate tait parfaitement connue en tous ses dtails. Plutarque en parle 2 : Socrate, ayant un entendement pur et 1. Le dmon de Socrate, spcimen d'une application de la science psychologique celle de l'Histoire, par F. Llut, Paris, 1836. i>. Du daemon de Socrate. trad. d'Amyot Paris, Gussac, XX, 1803. Riohet. Mlapsychique. 2

18 MTAPSYCHIQCE EN GNRAL net, tait facile tre touch par ce qui l'atteignait, et ce qui l'atteignait, nous pouvons conjecturer que c'tait, non une voix ou un son, mais la parole d'un daemon qui touchait sans voix la partie intelligente de son me. Les intelligences des daemons, ayants leur lumire, reluysent ceulx qui sont susceptibles et capables de telle lueur, n'ayants besoiugny des noms ni des verbes, dont usent les hommes en parlant les uns aux autres, par lesquelles marques ils voient les images des intelligences les uns des autres, mais les intelligences propres, ils ne les cognoissent pas, sinon ceulx qui ont une propre et divine lumire . Socrate, lorsqu'il entendait ces voix, s'interrompait au cours d'une conversation, s'arrtant dans le chemin, et disant, pour expliquer sa conduite, qu'il venait d'entendre le Dieu. Fr. Myers a parl excellemment du dmon de Socrate, et, avec grande raison, ce semble, il assimile ces voix entendues par Socrate aux voix que ds son enfance a entendues Jeanne d'Arc 1 . Il ne trouve d'ailleurs qu'un seul exemple authentique de clairvoyance donn par le dmon de Socrate. Comme le philosophe causait avec Eutyphron, soudain il s'arrte, et dit ses amis de revenir en arrire. Ils ne l'couteut pas. Mais mal leur en prend, car ils rencontrent uu troupeau de cochous qui les bousculeut et les roulent dans la poussire. Dans sou trait de Dwinatione Cicron parle couramment de la prdiction de l'avenir, comme il en tait pour Socrate, dit-il. Mais, chose singulire, il ne s'en tonne pas. Sans y croire, il ne se refuse pas l'admettre. Je pense, dit-il -, qu'il y a rellement une divination, ce que les Grecs appelaient M-av^././,. Si nous admettons qu'il y a des Dieux dont l'esprit rgit le monde, que leur bont veille sur le genre humain, je ne vois pas pourquoi ou se refuserait admettre la divination. Il donne, d'aprs sou frre Quintus, quelques exemples de prmonition, notamment un rve de Quintjs qui voyait son frre Tullius tomber de cheval (ce qui tait rel).

Tullius lui rpond et cette rponse lui parat satisfaisante: L'inquitude o tu tais de moi t'a fait rver de moi. C'est le hasard qui a fait la simultanit du rve et de l'accident . 1. Fk. Myers. The daemon of Socrales, P. S. P. H., 1S89, V, 522-j47. 2. De Legibus, II, 32 et 33.

HISTORIQUE 19 Cicron donne le rcit d'un autre phoomDe mtapsychique, que j'abrge '. Deux amis, taut arrivs Mgare, allreut loger eu deux maisons diffrentes. L'un d'eux rve que son camarade lui demandait secours pour l'empcher d'tre assassin. Il se rveille, comprend que ce n'est qu'un rve, et se rendort. Mais de nouveau son ami lui apparat, et lui dit : Puisque tu n'as pas pu me sauver la vie, au moins faut-il me venger, se interfectum in plaustrum a caupone esse conjectum, et supra stercus injection.. . Hoc somnio commotus mane bulbulco praesto ad portam fuisse, quaesisse ex eo quid esscl in plaustro, illum perterritum f agisse, mortuum erutum esse; cauponem, re patefacta, poenas ddisse . Et Cicron, sans s'tonner outre mesure de cette monitiou, ajoute : Quid hoc somnio dici divinius potest ? >> Plus loin, il dit en parlant des divinations, auxquelles il croit un peu cependant: Multa falsa, imo obscura, idque fortasse nobis... facilius etenit appropinquante morte, ut animi fulura augurent ur . Tacite parle d'une vision qui apparut Curtius Rufus ! : oblata ci species muliebris ultra modum humanum, et audita estvox. Si l'on voulait bien chercher dans l'histoire, ou trouverait quantit de faits d'ordre mtapsychique. Mais toute conclusion srieuse est impassible. Qui donc oserait aujourd'hui parler srieusement de Simon le Magicien, ou d'ApoLLONius de Tvane, voire de Cardan, de Corneille Agrippa ? Les mages, magiciens, mystiques, n'ont rien faire avec la science contemporaine, ni avec la mtapsychique saine, telle que nous la comprenons aujourd'hui. L'apparition d'un fantme Brutus mrite cepeudaut d'tre rapporte.- La voici d'aprs Pluarque 3 . Une nuit, bien tard, tout le inonde estant endormy dedans son camp eu grand silence, ainsi qu'il estoit en son pavillon avec un peu de lumire, il luy fut advis qu'il ouit entrer quelqu'un, et jettant sa veue l'entre de son pavillon, apperut une merveilleuse ]. De dicinatione, I, 27, Ciceronis Opra, Ed. Amar, XVI, 1824, 248. 2. Annales, XI, 21. 3. PlutaRque, Fies des hommes iliuslres : trad. par Amyot, Paris. lSi'2,. IX, Vie de Bru! us, p. 152.

20 METAPSYCHIQUE EN GNRAL et monstrueuse figure d'un corps trange et horrible lequel s'alla prsenter devant luy sans dire mot : si eut bien l'assurance de lui demander qui il estoit, et s'il estoit dieu ou homme, et quelle occasion le menoit l. Le fantosme luy rpondit : Je suis ton ^mauvais ange, Brutus, et tu me verras prs la ville de Philippes . Brutds, sans autrement se troubler, lui rplique : Et bien, je t'y verrai donc . Le fantosme incontinent se disparut, et Brutus appella ses domestiques, qui luy dirent n'avoir ouy voix, ni veu vision quelconque. Les voix et les visions de Jeanne d'Arc rentrent sans doute aussi dans les phnomnes mtapsychiques 1 . Ses voix et ses visions n'taient perues que d'elle seule, de sorte qu'il faut admettre qu'elles taient subjectives. Il est trop facile de supposer que c'taient des hallucinations simples, car ces hallucinations ont t suivies par trop de faits rels, et par des prdictions trop souvent vrifies pour admettre le dlire d'une aline. On ne peut gure douter que Jeanne d'ARc ait t inspire. Tout de mme, comme pour le fantme vu par Brutus, comme pour les apparitions de Lourdes, comme pour les miracles d'ApoLLONius de Tyane et de Simon le Magicien, une apprciation scientifique de ces vieux tmoignages est impossible, et il vaut mieux admettre comme probable, sans prtendre une dmonstration quelconque, que Jeanne d'Arc avait certains pouvoirs mtapsychiques. Telle est peu prs l'opinion de Fr. Myers. 11 y aurait quelque profit tudier les hagiographies, car souvent des saints et des saintes ont eu manifestement de trs rels phnomnes mtapsychiques. L'aurole entourant la tte, la bilocation, l'odeur de saintet, l'incombustibilit, la lvitation, le parler en langues trangres, la prophtisation, se retrouvent dans les vies de beaucoup de saints : saint Franois d'Assise, sainte Thrse, sainte Hlne, saint Alphonse de Ligori, saint Joseph de Gopertino (1603-1663). Je laisse volontairement de ct l'histoire des stigmates, et en gnral de tous les phnomnes organiques observs sur les saints ; car cette influence de l'esprit, c'est--dire du systme nerveux 1. Voy. de Vesme, Storia dello spiritismo (II, 290).

HISTORIQUE 21 central sur la circulation et la nutrition de telle ou telle partie du corps (nerfs tropbiques) n'a rien de mtapsychique, et il suffit de se rfrer quelques-unes des publications que les mdecins ont multiplies sur ce sujet '. J'hsite nier tous les faits anciens de lvitation, Gorres n'en cite pas moins de 72 cas. Encore ne les rapporte-t-il pas tous, dit-il. Mais il est impossible de savoir le degr de vrit de ces miracles. Le saint qui a eu les lvitations les plus frquentes est certainement saint Joseph de Copertino (batifi en 1753) (1603-

1063). Ses saisissements et ses dit Gorres (p. 308), pour tmoins ordre. Le pape Urbain VIII le vit hors de soi d'tonnement. Joseph, sence du vicaire de Jsus-Christ, dessus de terre.

ascensions n'eurent pas seulement, le peuple et les religieux de son un jour dans cet tat, et il en fut considrant qu'il tait en prtomba en extase, et s'leva au-

Pendant longtemps, hier, aujourd'hui encore, on a raill maintes crdulits, les lvitations des saints, les divinations des somnambules, les pressentiments de mort par les rves, les gurisons extatiques, les stigmates, les maisons hantes, les apparitions, et on a ple-mle confondu toutes ces croyances dans un immense mpris, insoucieux de tout examen. Il me parat que c'est une grave faute. Tout n'est pas vrai assurment dans ces histoires : mais tout n'est pas faux non plus. Les rcits tranges que parfois on nous apporte excitent un sourire railleur, et nous sommes tout d'abord ports croire qu'on draisonne. Eh bien ! on ne draisonne pas ; on ne ment pas ; il n'y a jamais ou presque jamais de mensonge dans les rcits fantaisistes qu'on nous [confie, et trs rarement des illusions totales. On exagre, on transforme, on arrange les choses, on oublie des dtails essentiels, on ajoute des dtails imaginaires ; mais toutes ces

1. A.PTB (M.), Les stigmatiss, tude historique et critique sur les troubles vasomoleurs chez les mystiques. Th. de doctorat, Paris. 1903. Kohnstamm, Hypnotische Stigmatisierung, (Zeilsch. /'. d. Ausbau d. Enlwicklungslehre, 1908, II, 314-321). Gorres, La mystique divine, naturelle et diabolique, trad. fr., Paris, 1854, II, 174-210. Bourneville, Science et Miracle, Louise Lateau, ou la stigmatise belge, 8, Paris, 1875. Carr de Muntgeron, La vrit des miracles oprs par l'intercession du diacre Paris, 11, Cologne, 1747. Alfred Maury, La magie et l'astrologie, Paris, 1895. P. Janet, Bullet. de VJnstitul psychologique international, juillet 1901. A. de Rochas, A. S. P., janvier 1903.

22 MTAPSYCHIQUE EN GNRAL lgendes contiennent quelque fragment de vrit. L'histoire des sciences nous prouve qu'il a fallu bien souvent revenir des ides considres d'abord comme puriles. L hypnotisme, et surtout le spiritisme, sont l pour tablir quel point les ngations, si elles s'talent sans examen, font que la science, au lieu d'avancer, se fossilise, quand la routine, et non l'amour du progrs, anime l'me des savants. Mais je renvoie au livre de Grres, trs complet, naturellement d'une crdulit sans limites, pour toutes ces lgendes, desquelles jamais sans doute on ne saura extraire la quantit de vrit qui y est incluse 1 .

Ce qui est intressant, c'est de constater que presque tous les phnomnes du mtapsychisme contemporain sont indiqus. Il est vrai que la navet des chrtiens d'alors n'attribue pas Dieu seul et aux bons anges, et aux saints, ces pouvoirs mtapsychiques. Le diable est, lui aussi, capable, quand il prend possession d'une malheureuse femme, de bien des merveilles. Il est presque aussi puissant que Dieu, et il communique au possd ou la possde des pouvoirs tranges : 1 Facult de connatre les penses, mme non exprimes ; 2 Intelligence des langues inconnues au possd, et facult pour lui de les parler ; 3 Connaissance des vnements futurs ; 4 Connaissance de ce qui se passe dans les lieux loigns, ou situs hors de la porte de la vue ordinaire ; 5 Suspension en l'air (lvitation). Ce sont l des phnomnes essentiellement mtapsychiques. Il n'est donc gure douteux que, pour les possds comme pour les saints, de tels phnomnes ont d, et l, se manifester de tout temps. Mme on trouve dans l'antiquit mentionnes les tables tournantes divinatoires (Mensae divinatori) . Tertullien parle des chanes et des tables qui prophtisent, et il ajoute que c'est un fait 1. J'ai essay d'analyser un phnomne ancien de possession fort curieux, Presbourg en 1641. mais on ne peut en rien dduire (Phnomnes mtapsychiques d'autrefois, A. S. P., 1905, 197-217; 413-421).

HISTORIQUE 23 vulgaire 1 . D'aprs Ammien Maucellin, on avait construit uue table, sur laquelle tait pos un plateau, portant graves les vingt-quatre lettres de l'alphabet. Un anneau suspendu par un fil tait tenu par un des assistants, et se balanait au-dessus des lettres. Ou inscrivait la lettre laquelle il s'arrtait, et on avait ainsi une consultation divinatoire. 2 Priode magntique '. Avec Mesmer, tout change : Mesmer a t l'initiateur du magntisme animal, qui, sans pouvoir tre confondu avec le mtapsyehisme, lui est cepeudant troitement uni. En 1766, Antoine Frdric Mesmer (1733-1815) fait paratre Vieune, pour thse inaugurale de doctorat en mdecine, une tude sur l'inlluence physiologique des plantes". Pendant dix ans, de 1766 1776, il tudie, rflchit, analyse, essayantde runir l'astronomie la mdecine, et cherchant activement le bruit et la publicit. En 1778, il arrive Paris, et l'anne suivante publie son premier ouvrage dogmatique *.

Tout de suite on comprit qu'il s'agissait l de faits nouveaux et extraordinaires. La vogue s'eu mla. La Socit royale de Mdecine, l'Acadmie des sciences et la Facult intervinrent. 11 fut prouv que par les mthodes de Mesmer un certain tat psycho-physiologique tait provoqu, qui pouvait parfois tre efficace dans la gurisou des maladies. La doctrine nouvelle conquit tout de suite de nombreux adeptes, mdecins, magistrats, gentilshommes, savants. Bientt le magntisme animal fut couramment pratiqu. Ce fut surtout grce 1. Voy. Figuier, Histoire du merveilleux, Paris, 187;>, I, 18. 2. Sur l'uvre de Mesmer et les origines du magntisme, voir surtout l'article remarquable de J. Ociiorowicz. Hypnotisme, in Dict. de Physiologie, de Ch. Richet, Paris, 190'.). Vlll. 700-777. K. Kiesewetter, Geschichte des neueren Occullismus ; geheimwissenschaf'tliche Systme von Agrippa bis Karl du Prel., 1 dit., Leipzig, 1007. Quant la bibliographie du magntisme ariimal et de l'hypnotisme, on la trouvera dans le livre de M. Dessoir. 3. Diss. pliysicv-medica de planetarum influxu. 4S p., 16, Vindobonae, Ghelen, 1766. 4. Mmoire sur la dcouverte du magntisme animal, Sa p., 12, Genve et Paris. P. -F. Didot, 177'J. Voir aussi Mmoire sur la dcouverte du magntisme animal. 46S p., 8. Paris. 1799. Ochobowicz a rendu pleine justice Mesmer, qui l'ut vraiment un prcurseur.

24 MKTAPSYCHIQUE EN GNRAL de Puysgur, lequel, modifiant les mthodes de Mesmer, a vraiment cr (avec d'EsLON, et avec le naturaliste Deleuze, bibliothcaire de la Bibliothque du Jardin des Plantes), le magntisme animal (somnambulisme provoqu) tel que nous le connaissons aujourd'hui l . Mesmer, en adoptant le mot magntisme, voulait seulement dire action distance, comme jadis Paragelse ou Goglenius, quand ils parlaient de l'action magntique des astres ou des substances. C'est dans ce sens que Mesmer est plus mtapsychiste que ne l'ont t ses successeurs immdiats. Avec de Puysgur, d'EsLON, Deleuze, la magntisation devint surtout un pocd th rapeutique. Pourtant, de-ci del, des faits mtapsychiques, l'action distance, la vision travers les corps opaques, la clairvoyance (ou lucidit), furent observes. Mais ce qui est assez singulier presque tout l'effort des magntiseurs s'est concentr sur la diagnose et la thrapeutique des maladies 2 . Pttin, mdecin de Lyon, a cit divers faits de cryptesthsie qu'il explique d'une manire nave par une sensibilit spciale de l'pigastre. Une de ses malades, cataleptique, quand on lui mettait une carte sur l'estomac, reconnaissait cette carte. Pttin est un des magntiseurs du temps pass qui ont, avec le plus de soin, tudi les phnomnes psychologiques, ou pour mieux dire, mtapsy-

chiques, qui accompagnent si souvent l'hypnose. Le baron Du Potet, et Husson, mdecin de l'Htel-Dieu et membre de l'Acadmie de Mdecine, firent en 1825 des expriences retentissantes sur le somnambulisme provoqu distance 3 . Un rapport mmorable, prsent l'Acadmie de Mdecine de Paris, parut en 1833 (Husson, rapporteur). Parmi les conclusions qui furent adoptes, je signalerai les suivantes, qui sembleront tmraires, mme aujourd'hui : 1. Maxime de Puysguu, Rapport des cures opres Bayonne par le magntisme animal, adress M. Vabb de Poulouzat, conseiller clerc au Parlement de Bordeaux, Bayonne, 1784. Mmoires pour servir l'tablissement du magntisme animal, Paris, 8, 1820. Deleuze. Histoire critique du magntisme animal, l re dition, 1813. Pttin, Electricit animale, mmoires sur la catalepsie. Foissac, Rapport et discussio?is sur le magntisme animal, Paris, 1825. Deleuze, Instruction pratique sur le magntisme animal, dern. d., Paris, 1853. 2. Pourtant il y a un ouvrage posthume de Deleuze, Mmoire sur la facult de prvision, avec des noies de M. Miell, Paris, 1834. 3. Rapports et discussions de i Acadmie royale de Mdecine sur le magntisme animal, 8, Paris, 1833.

HISTORIQUE 25 La volont, la fixit du regard, out suffi pour produire les phnomnes magntiques, mme l'insu des magntiss. L'tat de somnambulisme peut donner lieu au dveloppement de facults nouvelles dsignes sous le nom de clairvoyance, d'intuition, de prvision intrieure. Par la volont, on peut non seulement agir sur le magntis, mais encore le mettre compltement en somnambulisme, et l'en faire sortir son insu, hors de sa vue, une certaine distance et au travers des portes fermes. Nous avons vu deux somnambules distinguer, les yeux ferms, les objets que l'on a placs devant eux : ils ont dsign, sans les toucher, la couleur et la valeur des cartes, ils ont lu des mots tracs la main, ou quelques lignes de livres que l'on a ouverts au hasard. Ce phnomne a lieu alors mme qu'avec les doigts on fermait exactement l'ouverture des paupires. Malgr ces affirmations, le scepticisme des savants officiels triompha. Le rapport de Husson fut combattu, puis oubli, et les phnomnes mtapsychiques, dont les romanciers s'emparrent, furent nis ou plutt ddaigns par les hommes de science. En Allemagne, il y eut une observation remarquable, celle de

Federica Hauff, que Justus Kerner, mdecin et pote, a pendant longtemps tudie, avec une prdilection justifie par les facults extraordinaires de ce mdium remarquable 1 . Il n'est pas douteux que Federica Hauff n'ait t une puissante mdium. Elle voyait des esprits, et mme elle pouvait provoquer des matrialisations. Un jour, dit Kerner, pendant que je conversais avec son frre, il me dit : Silence ! Voici un esprit qui traverse la chambre et qui va vers ma sur. Alors je vois prs du lit de Federica Hauff une forme indcise, comme une colonne lumineuse, ayant la taille d'un tre humain qui est au pied du lit de la voyante, et qui lui parle voix basse. Autour d'elle on entendait des coups frapps spontanment, 1. Die Seherin von Prevorst, Erffnungen iiber das innere Leben d. Menschen und iiber das Hereinragen einer Geisterwelt in die unsere, Stuttgart, 1829, t" dit., Stuttgart. 1877. Die Seherin von Prevorst und ihre Geschichte in der Geisterwelt, nach Just. Kerner, von einem ihrer Zeitgenossen, Stuttgart, 1869. A. Reinhard, Justinus Kerner und das Kerner haus, zu Weinberg, Tubingen, 1886. J. Kerner, Bltter aus Prevorst Originalien und Lesefrilchte fur Freunde des innern Lebens, Stuttgart, 1831-15539.

2>'> MTAPSYCHIQOE EN GNRAL mme elle pouvait les provoquer dans les objets voisins, sur des tables, sur le bois de sou lit. Les objets pouvaient se mouvoir sans contact, et il est probable qu'elle parlait des langues inconnues. Elle a eu des phnomnes de lvitation. C'est pendant trois ans seulement, de 1826 1829, qu'elle a pu donner ces remarquables phnomnes. Pendant ces trois annes, elle tait trs malade et ne pouvait presque plus quitter son lit. Tous ceux qui, au lieu de railler, ont tudi Fedrica Hauff, ont t convaincus, non seulement de sa boune foi, mais encore de ses phnomnes mtapsychiques (on disait alors surnaturels) ; par exemple le magistrat Pfaffer et Strauss, le clbre auteur de la Vie de Jsus. A cette poque aussi en Allemagne paraissaient les travaux de Reichenbacii. Son uvre est d'ailleurs plutt un chapitre (bien obscur) de physiologie que de mtapsychique ; car l'actiou de l'aimant sur les organismes ne peut se confondre avec la cryptesthsie ou la tlkiusie. Les travaux de Reichenbach ont t malheureusement bien moins tudis que contests 1 . Ce qui se rapporte tout l'ait la mtapsychique, ce sont les observations de lucidit que donnrent, surtout en France, des somnambules lucides, comme Mad. Pigeire et Alexis Didier. Cependant, de 1830 1870, les savants et les mdecins, sauf de rarissimes exceptions, ne s'occuprent du somnambulisme que pour le combattre. Et on comprend assez bien leur tat d'me. Profitant de la soi-disant vertu thrapeutique du magntisme, de nombreux cabinets de somnambules consultantes, lucides ou extra-lucides, s'tablirent partout, en France comme l'tranger, dans toutes les grandes et

petites villes. Il y eut des somnambules dans tous les champs de foire. Cela deviut une profession, et de moralit problmatique. Les somnambules tiraient les cartes, ou devinaient l'avenir dans le marc de caf, ou faisaient de la chiromancie. Le public crdule allait leur rendre visite, et les savants haussaient les paules. Au milieu de tout ce fatras, la clairvoyance de certaines somnambules, comme Mad. Lenormand, Mad. Pigeire et Alexis, disparaissait et devenait

t. A. de Roi:h\s les a partiellement publies en franais, avec les additions inlressantes.

HISTORIQUE 27 quantit ngligeable. Pourtant il y eut alors quelques ouvrages srieux l . 3 Priode spiritique. En 1847, un vnement survint, insignifiant en apparence, en ralit d'une importance considrable, qui introduisit dans le monde des faits imprvus et des doctrines aussi imprvues que les faits. Le magntisme animal, force de n'tre plus qu'une douteuse thrapeutique, ne faisait pas de progrs. Le spiritisme, apportant de nouvelles pratiques et de nouvelles thories, constitua une re nouvelle : c'est la troisime priode, (spiritique), des sciences mtapsychiques, qui va de 1847 1874. En 1846, dans la petite ville d'Hydesville (Arcadie), prs de NewYork), un certain Michel Weakman entend un bruit insolite au dehors. Il sort, ne voit rien. Mais comme les bruits se renouvellent et l'importunent, il quitta Hydesville. Sa maison fut occupe par un sieur John Fox qui vint l avec ses deux filles, Catherine et Marguerite, ges de douze et quatorze ans. Une nuit, en se mettant au lit, Catherine et Marguerite entendirent des coups, des chocs, (raps) et elles constatrent (dc. 1847, mars 1848), que ces coups taient intelligents 2 . Bientt les phnomnes se dvelopprent : diverses personnes constatrent que ces raps intelligents tmoignaient quelque con1 . Du Potet, Essai sur renseignement philosophique du magntisme, 8, Paris. 1845. La Fontaine, L'art de magntiser ou le magntisme vital considr sous le point de vue thorique, pratique et thrapeutique, Paris, 1847, 5 8 dit., 1887. Bertrand A., Du magntisme animal en France, suivi de considrations sur l'apparition de l'extase dans les traitements magntiques, Paris, 1826. Teste, Manuel pratique du magntisme animal, 12, Paris, 1840. Ellotson, Animal magne tism. Lancet, 1837. 1838, p. 122, 282, 377, 400, 441, 516, 546, 585, 615, 634.

Esdaille, Reports of the magnetic Ilospital, Calcutta, 1848, 761. Passavant, Untersucliungen uberden Lebenmagnetismus und das Hellsehen,2* dit., Franckfuit, A. M, 1837. De nombreux journaux ont paru, qui. en gnral, ont eu une existent e phmre. D'autres, au contraire, ont vcu longtemps. Le Journal du Magntisme dit par Du Potet, 1845-1885. The Zoist, journal of crbral physiology and mesmerism and their application to human welfare (Londres. II. Baillire, 18431853). Archiv fur den thierischen Magne tismus, Altenburg et Leipzig, 18171822. On pourrait en citer bien davantage. 2. Explanation and history of the mysterious communion with spirits in western New-York (New-York, Foxler, and Wels, 1850) ; London, 1853. E. Capron, Modem spiritualism, ils facts and Fanaticism (Boston, 1855;.

28 MTAPSYCHIQUE EN GNRAI. naissance de faits tenus secrets. La famille Fox, en aot 1848, quitta Hydesville, pour aller Rochester. La Fish, sur ane de Catherine et de Marguerite, se joignit ses deux surs pour les manifestations spiritiques. Ou imagina (Isaac Post) de construire un alphabet et de converser par le moyen de cet alphabet avec les forces inconnues, qui se disaient des esprits. Pour contrler srieusement les faits annoncs par les surs Fox, et qui attiraieut une assistance chaque jour plus nombreuse, il y eut des runions parfois tumultueuses, parfois enthousiastes. La premire enqute scientifique parat dater de juin 1852 SaintLouis (Missouri). Elle semble avoir t favorable. Et cependant la famille Fox n'tait rien moins que dsintresse. Les expriences taient payantes, et des reprsentations publiques taient donnes, o on payait sa place comme un cirque. Tous ces dbuts du spiritisme, le hasard d'abord, puis un mercantilisme hont, sont en somme assez misrables *. Mais l'impulsion tait donne. En Amrique, puis bientt en Europe, la pratique des tables tournantes et la doctrine du spiritisme firent en trois ans d'extraordinaires progrs. Comme en 1780 pour le magntisme animal, l'engouement fut extraordinaire pour les tables tournantes en 1850, et il est assez puril de ne voir l que l'effet d'une colossale et collective illusion. D'ailleurs la crdulit fanatique d'une masse aveugle et ignorante, et la dngation railleuse d'une masse tout aussi ignorante et tout aussi aveugle, venaient se mler des opinions rflchies et des convictions raisonnes. Il fut prouv bientt que les phnomnes de raps et de tlkinsie pouvaient tre observs avec d'autres mdiums que les surs Fox -.

1. Il y eut quelque chose d'analogue pour l'admirable dcouverte, faite aussi en Amrique, de l'anesthsie chirurgicale. Elle est due au hasard, et tout de suite Horace Wells et Morton ont song prendre un brevet et tirer profit de cette invention. Mais cette pret au gain ne change rien la ralit des choses. 0. et W. Wright n'ont pas davantage nglig de prendre un brevet pour leur machine volante. La grandeur de leur dcouverte n'en est gure diminue. 2. Une singulire aventure s'est produite. Marguerite Fox, devenue Mad. Kane, a imagin en 1888, pour en tirer quelque profit, qu'elle avait tromp jadis, et que tous ses rcits d'enfant et de jeune iiile n'taient qu'impostures. La sance o elle pronona cette tonnants dclaration fut tumultueuse, et indigna toute l'assistance (Acadmie musicale de Boston). L'autre sur, Catherine,

HISTORIQUE 29 Parmi les adhsions, nulle n'exera d'influence plus puissante que celle du juge Edmunds, snateur, homme considr dans tous les tats-Unis, tant pour sa probit que pour sa sagacit. Les mdiums sont le plus souvent d'une telle instabilit mentale que leurs affirmations, positives ou ngatives, n'ont pas grande valeur. Que plus tard, aprs le prodigieux essor du spiritisme, conscutif leurs premires expriences, les surs Fox aient simul, trich, c'est possible, c'est probable, c'est presque certain. Nous avons de nombreux exemples de mdiums trs puissants, qui ont eu d'abord des phnomuesauthentiques, maisqui,plus tard, par cupidit, ou par vanit, voyant que leur pouvoir mdianimique dcroissait, ont essay de le remplacer par la fraude. Il est difficile d'admettre que le phnomne des raps, qui est certainement vrai, ait t invent de toutes pices par les surs Fox, sans avoir aucune ralit. Avant 1847, on ne savait rien des coups frapps et des raps 1 . Arrivent les surs Fox, deux petites filles, qui en donnent des exemples mmorables et clatants. Alors, de toutes parts, ce mme phnomne est authentiquement constat, et aprs que les exemples se sont multiplis, les surs Fox prtendent qu'elles ont menti! Il est probable que c'est cette dngation qui est un mensonge. Elles ont essay, voyant la faveur et l'argent du public s'loigner d'elles, d'appeler de nouveau, par un dmenti, l'attention du public sur leurs chtives personnes. Or, en 1847, Marguerite Fox avait quinze ans ; Kate, douze ans. Peut-on admettre que ces deux enfants aient machin une fraude devenue Mad. Joncken, puis Mad. Sparr. adonne d'ailleurs l'alcool, ft la mme dposition en novembre 1888 Rochester. Mais, en 1892, Marguerite et Catherine, revenant sur leurs soi-disant confessions, les rtractrent. Ces faits lamentables ne prouvent rien, sinon la fragilit mentale des mdiums.

Au demeurant, quand on a aftirm un fait, il ne suffit pas de dire plus tard qu'on a menti, il faut encore indiquer comment on a pu mentir et tromper. Un sieur Blackman a racont qu'il avait, par d'habiles subterfuges, de concert avec G.-A. Smith, tromp longuement Gurney, Myers, Podmore, IL Sidgwick et Barrett {Confessions of a lelepathist, J. S. P. R., octobre 1911, 116). Mais dans cette soi-disant rvlation il a certainement menti. Je crois bien qu'aussi Marthe Braud, une fois, un certain avocat d'Alger, jadis, a racont qu'elle avait simul la villa Carmen; mais elle l'a ni plus tard, et l'affirmation de cet individu n'est gure valable. Il y aurait un petit chapitre assez curieux crire sur les pseudoconfessions des mdiums. 1. Cependant, d'aprs J. Maxwell (Les sciences psychiques, Revue de Paris, 1 mars 1921) l'vque Adrien de Montalembert aurait en 1526 constat le phnomne des coups chez uno religieuse de Lyon.

30 MTAPSYCHQUE EN GNRAL qui a fait l'objet de milliers de coustatatious pendant trois quarts de sicle"? La ralit des rps ne dpend plus des surs Fox. En 1888, il tait trop tard pour se ddire, et leur palinodie ne prouve rien 1 . Tl est dplorable de penser que, ds Tanne 1849, la famille Fox donnait dj des sances payantes pour des expriences thtrales de spiritisme. Cela ne diminue pas la vrit des phnomnes, plus que les brevets pris par Wells et Morton pour l'emploi de l'ther ne contredisent la ralit de Tanesthsie 2 . On ne peut suivre ici le dveloppement rapide du spiritisme. En 1852, une ptition portant 14.000 signatures tait prsente au Snat des Etats-Unis, demandant qu'une commission scientifique ft nomme pour l'tude de toutes les questions se rfrant au spiritisme. Et dj c'tait comme une religion nouvelle. Les cercles spirites, les journaux spirites se multipliaient. Parmi les premiers adeptes, ct d'EDuuNDs 3 , il faut citer, en Amrique, le professeur Britton, David Wells, Byrant, Bliss, professeurs l'Universit de Pensylvanie, et surtout le D' Robert Hare, professeur de chimie Harvard Collge 4 , qui fut converti aprs avoir t incrdule. En Europe, le spiritisme se dveloppa trs vite 5 . Et bien entendu ce ne fut pas sans provoquer de vives ractions. 1. Les expriences faites par ksk'off et Boutleroff avec Rate Fox, assez peu intressantes d'ailleurs, sont rapportes plus loin (.4. S. P., 1901, XI, 192).

2. Pour plus de dtails dans l'histoire du spiritisme, on consultera E. Morsellt, qui donne des renseignements abondants et prcis {Psicologia e spirilismo, Torino, 1908, I, 12-27). 3. Ses crits, en collaboration avec Talmadge, ancien gouverneur du Visconsin, et le O r Dexter, sont publis sous lu titre : Spirilualist tracts (New-York, 1858-1860)' 4. Hare. Exprimental investigations of the spiril manifestations dmons Lrating the existence of spirits, and tlieir communications wilh mortals, Philadelphie, \$a&. MA.iL\$,Modemmysteries explained andexposed, Boston, 1855 (University). 5. Voyez de Mirville, Pneumalologie des esprits et de leurs manifestations diverses (fluidiques, historiques, etc.), Paris, 1" dit., 1853, 5 dit., a vol.. Paris, 1863-lSGi. Gasparin (A. de), Des tables tournantes, du surnaturel en gnral, etc., Paris, 1854. Thiky (2), Les tables tournantes considres au point de vue de la physique gnrale, Genve, Kessniann, 1855. Hornung (E.), Spirituellistische Mittheilungen aus der Geislerwelt, Berlin, 1859 etl8G2. Kiesewetter (C), Die Entwickelungsgeschichte des Spiritismus von der Vrzeit bis zur Gegenivart, Leipzig, Spohr, 1893. Leymarie, Histoire du spiritisme, compte rendu du congrs spirite de 1880, Paris, librairie spirite, 1890, p. 3-45. Malgras, Les pionniers du spiritisme, Paris, Lib. des sciences psychologiques, 1906.

HISTORIQUE 31 Les savants notamment se refusrent admettre l'authenticit des phnomnes, et, pour expliquer le fait incontestable des tables tournantes et des raps, ils ont imagin des hypothses assez compliques, et des explications parfois trs exactes, parfois trs subtilement errones. A cette poque, en ellet, c'est--dire vers 1854, ou ignorait peu prs compltement le phnomne des mouvements inconscients assez bien connus aujourd'hui. C'est Caiivurcur, qui a eu le grand mrite de les expliquer et d'eu donner une interprtation ingnieuse, rationnelle 1 . Celte thorie de Chevreul fut appuye par Babixet 2 , Faraday 8 , Carpentkr, et en gnral par tous les physiologistes et les physiciens. De fait l'tude des tables tournantes est une des plus difficiles de la mtapsychique objective ; car rien n'est plus malais que de dterminer la part de l'inconscient dans les mouvemeuts oscillatoires de la table. La bonne foi des assistants n'est pas douteuse, mais videmment ils ne peuvent tre ni conscients ni responsa-

bles de coutractions musculaires inconscientes et involontaires. Aussi la preuve qu'il y a mouvement de la table sans contraction musculaire ne put-elle tre alors faite d'une manire rigoureuse. De mme pour les raps. Un physiologiste miuent, M. Schiff, fit sur lui-mme une exprience singulire. Il prouva qu'en dplaant par une contraction musculaire le tendon du muscle pronier latral il pouvait faire entendre un craquement, tout fait comparable aux raps que produisent les soi-disant esprits. Cette explication enfantine, qui fait aujourd'hui sourire, trouva bon accueil auprs des savants d'alors, qui n'avaient probablement pas entendu les raps qui font vibrer le bois d'une table, bruits parfois retentissants, parfois rythms musicalement, alors que les craquements 1. Chevi>eul, De la, baguette icoire, du pendule explorateur, et des tables tournantes. Paris, 18-34. 2. Babinet, Etudes et lectures sur les sciences d'observation, Paris, 1856. CarI'K.nter, Principles of mental physiology et psychological curiosities of spiritualism (Pop. se. Monlkly, 1877, III, 128. Faraday, The table turning delusion. Lance t, 1So3. Cumbf.iu.and, Fraudaient aspects of spirituulism, Journ. of mental science, 1881, XXVII, 280-628. Moiun (M. -S.), Le magntisme et les sciences occultes, Paris, 185u. 3. Voir sur les travaux de Faraday le rc.pnt article de Fr. Grxewald, Faraday berd. Tischrticken. Paych. Stud;, 1920, XLVIT, toi, 298,293

32 MTAPSYCHIQUE EN GNRAL du tendon du pronier, si tant est que d'autres personnes que l'illustre physiologiste de Florence puissent les produire, n'ont rien de commun avec les vibrations du bois. Les assertions de M. Schiff avaient t prcdes par celles de A. Flint, autre distingu physiologiste, qui, aprs avoir tudi les surs Fox, attribuait aux craquements du genou les raps produits 1 . A ces objections d'ordre exprimental, assez pauvres d'ailleurs, les spirites rpondirent mal. Ils eussent d sans doute, comme il fut fait plus tard, rpondre par des expriences, mais ce fut par des thories et par l'essai d'une religion nouvelle. C'est surtout M. H. Rivail, docteur en mdecine (1803-1869), peine connu sous ce nom de Rivail, clbre sous le pseudonyme de Allan Kardec, que fut due cette thorisatiou du spiritisme 2 . La thorie spirite d'AnAN Kardec est assez simple. 11 n'y a pas mort pour lame. Aprs la mort, l'me devient un esprit, qui essaye de se manifester par le moyeu de certains tres privilgis, qui sont les mdiums, capables de recevoir les ordres et les impulsions des esprits. V esprit cherche se rincarner, c'est--dire revivre sous la forme d'un tre humain dont il est l'me. Tous les tres humains, comme le pensait dj Pythagore, passent par

des phases successives migratoires. Leur prisprit peut, dans certaines circonstances exceptionnelles, se matrialiser. Les esprits connaissent le pass, le prsent et l'avenir. Parfois ils se matrialisent, et ont le pouvoir d'agir sur la matire. Nous sommes entours d'esprits. Au point de vue moral, on doit se laisser guider par les bons esprits, qui nous dirigent vers le bien, et ne pas couter les mauvais esprits qui nous induisent en erreur. Il faut admirer sans rserve l'nergie intellectuelle d'AAAN Kar1. Flint (A.), On the discovery of the source of Ihe Rochester knockings. and on sounds produced by the movements of joints and tendons. Quarlerly Journ. Psychical Med., New-York, 1869, III, 417-446. M. Schiff, Comptes rendus de t'Ac. des sciences. 18 avril 18o9, Jobert, Velpeac, Cloouet. Discussion sur le mme sujet. Ibid., passim. 2. Le livre des esprits, Paris, 1857, 1 dit. Le livre des mdiums, Paris, 1861, 1"> dit. Il y a eu plus de trente ditions de ces livres clbres. Des traductions en toutes langues ont paru. Allan Kardec fut le fondateur de la Revue spirite qui se continue encore aujourd'hui, et qui est sa 30 e anne.

HISTORIQUE 33 dec. Malgr une crdulit exagre, il a foi dans l'exprimentation. C'est toujours sur l'exprimentation qu'il s'appuie, de sorte que son uvre n'est pas seulement une thorie grandiose et homogne, mais encore un imposant faisceau de faits. Elle a cependant, cette thorie, un ct faible, douloureusement faible. Toute la construction du systme philosophique d'AixAN Kardec (qui est celle mme du spiritisme), a pour base cette tonnante hypothse que les mdiums, en lesquels s'est soi-disant incarn un esprit, ne se trompent pas, et que les critures automatiques nous rvlent des vrits qu'il faut accepter, moins qu'on ne soit du par de mauvais esprits. Aussi bien, si l'on suivait la thorie d'ALLAN Kardec, serait-on amen prendre pour argent comptant toutes les divagations de l'inconscient, qui, sauf exceptions, tmoignent toujours d'une trs primitive et purile intelligence. C'est une bien grave erreur que d'difier une doctrine sur les paroles des soi-disant esprits, qui sont des pauvres d'esprit. Tout de mme Allan Kardec est certainement l'homme qui, dans cette priode de 1847 1871, a exerc l'influence la plus pntrante, trac le sillon le plus profond dans la science mtapsychique 1 . En Angleterre, le spiritisme fut dfendu par Dale Owen et par A. R. Wallace. Alfred Russell Wallace est le grand savant qui eut la gloire de devancer Darwin. Il ne craignit pas d'entrer dans la mle, et ses livres tmoignent de sa vaillance, car il fallait de la vaillance pour dfendre la cause d'une science qui avait si peu les caractres d'une science *.

En Allemagne Zollner est rest isol. Les temps taient mrs pour qu'enfin part le grand pionnier d la mtapsychique, sir William Crookes.

1. Owen (K.-D.), Footfalls on the bour.dary of another world. with narrative illustrations, Philadelphie, 1877. Onvem (R.-D.), The debatable land between this worldandthe next, New-York, London,i871. (Trad.allem., Bas streilif/e Land, Leipzig, 1876). W.vllace, A. Russell, A defenceof modem spiritualism (Fortnigh' tly Beview, London, 1874, XV, 630-657). The scientific aspect of the super' nalural, London, 1866 : (Trad. allem., Die wissenschaftliche Aussicht. etc., Leipzig, 1874). On miracles and modem spiritualism, London, 1873. (Trad. fr., Les Miracles, etc., Paris, Leymarie. Richet. Mtapsychique. 3

34 MTAPSYCHIQUE EN GENERAL * 4 Priode scientifique. Quelque considrable que soit le mrite de Crookes, aussi grand que son courage, Crookes a t prcd par les membres de la Socit dialectique de Londres, qui en janvier 1869, sur la proposition d'EDMUNDS, se runirent au nombre de trente-six pour tudier scientifiquement les phnomnes du mdianimisme. Parmi eux le savant ingnieur Cromwell Varley, et le grand Russell Wallace, avec un homme de haute intelligence, Sergeant Cox, paraissent avoir jou un rle prpondrant. Des savants rputs, comme Tyndall, Carpenter, ref usrent de faire partie de la commission. Mme il y eut des dissidences au sein de la commission. Notamment le prsident Lubbock et le vice-prsident Huxley taient opposs aux conclusions favorables del majorit 1 . Les faits coustats par la Socit dialectique taient d'une vidence clatante : ils n'entranrent pourtant pas la conviction des savants, mais ils eurent un admirable rsultat : ils engagrent William Crookes tudier la question. Par une heureuse fortune, Crookes trouva deux mdiums extrmement puissants avec lesquels il put exprimenter : D.Douglas Home et Florence Cook. Crookes avait alors trente-sept ans, il tait dans toute la vigueur de 1 ge et de l'intelligence. C'tait dj un savant illustre. Il avait dcouvert un nouveau mtal, le thallium (1868), et poursuivi des recherches fructueuses sur la spectroscopie, l'astronomie, la mtorologie. Il tait directeur des Chemical News et du Quarterly journal of science:

Alors il se dcida tudier les proprits extraordinaires de Home. De 1869 1872, il publia des mmoires, remarquables par la prcision du langage et la svrit de l'exprimentation, qui contrastaient avec le style habituel des publications spirites. C'tait l'avnement de la priode scientifique du spiritisme 2 . Je ne dis pas que c'est possible, disait Crookes,^ dis que cela est. 1. Reporl on spirilualism of the committee of ilie London dialectical Society, toqelhev wilh the vidence, oral, and written, and a slection from the correspondance (Longmans et Green, London, 1871, trad. fr., Libr. spirite, 1903. Trad. allem., Leipzig, Mitze). 2. Beaucoup de ses crits sont des crits de polmique. Je me contenterai de

HISTORIQUE 3o Mais le respect des ides habituelles tait idoltrique ce point qu'on ne se donna la peine ni d'tudier, ni de rfuter. On se contenta de rire, et j'avoue, ma grande honte, que j'tais parmi les aveugles volontaires. Oui! je riais, au lieu d'admirer l'hrosme du grand savant qui osait dire, en 1872, qu'il y a des fantmes, qu'on peut entendre leur cur battre et prendre leur photographie. Mais ce courage fut sans grand effet immdiat. 11 devait produire ses fruits plus tard. C'est aujourd'hui seulement qu'on peut bien comprendre Crookes. Encore aujourd'hui, la base de toute mtapsychique objective, ce sont les expriences de Crookes. C'est du granit, et nulle critique ne les a pu atteindre. Aux derniers jours de sa glorieuse et laborieuse vie, il disait encore qu'il n'avait rien rtracter de tout ce qu'il avait affirm jadis. Dsormais les spirites vont savoir comment il faut exprimenter, il ne s'agit plus d'une doctrine d'aspect religieux ou mystique perdue en de nbuleuses considrations spiritualistes ou th phiques : il s'agit d'une science exprimentale, ddaigner^ se ^ thories, aussi exacte, dans sa prcision voulue, que la r jn j m j e j a physique, et la physiologie. Le magntisme animal passait, lui aussi, par \\ QG volution analogue. Depuis Puysgur, Deleuze, et Du Potet j| n ' ava it pas Dr0 . gress. J. Braid, de Manchester, en l'appelar^ hypnotisme, ne l'avait gure dgag de ses voiles mystiques p? iS plus que de ses infortu . nes tendances thrapeutiques ', de ^ orte que les mdecins et les physiologistes, en 1875, n'y croyar dnt pas beaucoup plus qu'ils ne croyaient aux matrialisations (\q k.vty King. citer : Exprimental investigations - on psyc ki c force, London, Gillmann 4871 tr. fr., Libr. des se. psychologiques. Paris. 1897. - Researches on the phenomen of spirituahsm, Londres, B'arns, 1894. Cet ouvrage a t traduit en franais, Pans, 1878, en allemand., Leipzig, 1874, en italien, Locarno, 1877. On psy-

chical research. Report ^mithsonia?i institution, Washington, 1898-1899, 185-205. Psyckic force and modem spiritualism, a reply to the quarterly Revieiv and other critica (Londo /Q , 1872). Discours rcents sur les recherches psychique (Tr. fr., Paris, Leyrnarie, 1903). 1. Bhaid (J.) v Neurypnology or the rationale of nervous sleep considrai in relation with animal magnetism. lllustrated by numerous cases of ils sucessful application in the relief and cure of diseuses, London, Churchill, 1843. Nouvelle dit., Lo-udres, 1899. Power of mind Upon the Body, London, 1846. Der Hypnotismus, trad. allem., Berlin, 1882. - Neurypnologie, trad. fr., Paris, Delahaye, 1883.

36 METAPSYCHIQUE EN GENERAI. Eu 1875, tant tudiant encore, j'ai pu prouver qu'il s'agit d'un phnomne physiologique normal, et que l'intelligence, dans cet tat provoqu, reste entire, et parfois est suractive, qu'il n'y a pas lieu de supposer quelque action magique ou magntique. Quelques annes plus tard, j'ai donn aussi les premiers exemples de ddoublements de la personnalit, entrevus par Philips et par Azam 1 . Et ces changements de personnalit clairent singulirement tous les phnomnes dits spiritiques. Certainement rien de ce que je disais dans mon mmoire de 1875 n'tait absolument nouveau. Les anciens magntiseurs avaient vu les mmes faits. De mme assurment, quand en 1872 Cuookes tablissait la ralit des fantmes, il ne disait peu prs rien que les spirites n'eussent dj dit. Mais ce qui tait nouveau, c'tait l'application rigoureuse de la science exprimentale des phnomnes incompltement tudis, imparfaitement tablis, et qui jusqu'alors a cause de ces incompltes et imparfaites analyses, taient rejets hors de la science. * \. A s "uite de mon mmoire, de toutes parts, de nombreuses expriences fu rent fcutes, el le magntisme animal ne fit plus partie des sciences t occultes-. L'eiort des s t Tvaul;s Q 11 * tudient la mtapsychique doit tre de faire sortir de l'occ >u ^ e cette science, comme le magntisme animal est sorti de l'occulte. Un vnement mmorable tout aussi important que les publications de Cuookes, se produisit en Angleterre aussj. Ce fut la fondation de la Society forpsychical Re^arck, dont E. Gdrney et Fa. Myers i. Gh. Richet, Du somnambulisme provoqua- Journ de Vawl l et de la physiolook, 1875, XI, 348-378. Revue philosophique 1680, X, oo7-384 ; - A t. pour

il i w ,-' les hallucinations altruistes illull. de la Soc. de Riol. de Paris, 1891, 451.)

136 METAPSYCHIQUE SUBJECTIVE au point de vue mdical, n'a aucun intrt mtapsychique, quoique les thoriciens du spiritisme aient fait de grands efforts pour lui attribuer une importance dont elle me parat tout fait dpourvue.

L'autoscopie interne, mentionne par Du Potet, a t bien tudie par le D r Comar l et ensuite par le D r Sollteh, qui en a fait l'objet d'uue monographie intressante 2 . Nous n'avons pas examiner ici dans le dtail les modalits de l'autoscopie, puisque aussi bien nous sommes ici au vrai border iand qui spare le psychique et le mtapsychique. Pour que notre conscience ait la reprsentation visuelle de nos viscres, il n'y a pas supposer quelque proprit nouvelle de l'esprit ou du systme nerveux. Tout de mme cela conduit une conclusion curieuse. S'il est vrai que certains individus, hypnotiss, hystriques, anormaux, ont la notion visuelle de leurs organes, et on est forc de considrer le fait, quelque exceptionnel qu'il soit, comme tabli, il s'ensuit que, dans certains cas de maladie, la patiente (hypnotise ou hystrique) pourra se rendre compte qu'elle a telle ou telle lsion organique, dont elle peut diagnostiquer le sige, en voyant cette lsion. Et en effet, parfois des malades magntiss ont tendance dcrire leur maladie, son tendue, sa localisation, en mme temps qu' en indiquer les remdes. C'est mme peut-tre par cetteautoscopie interne que peuvent s'expliquer les cas assez nombreux et bien authentiques d'auto-prmonitions. Or ces auto-prmonitions de mort ou de maladie ne sont pas des prmonitions vritables. C'est l'autoscopie qui permet un somnambule de faire une prvision sur sa mort ou sur sa maladie, absolument comme un mdecin expriment peut, en examinant les organes d'un de ses malades, prvoir qu'il est en danger de mort, et annoncer rvolution de sa maladie.

4. L'autoreprse?ilalion de l'organisme chez quelques hystriques. Revue neurologique. 1901, 491. 2. Les phnomnes d'auloscopie, Paris, Alcan, 1903. Pour qu'il n'y ait pas de confusion, il faut distinguer l'autoscopie interne et l'autoscopie externe. Elle est externe quand l'hallucin voit son double distinct de lui. Elle est interne quand un somnambule aperoit ses organes, cur, foie, intestins, et en dcrit les formes, pathologiques ou non.

CRYPTESTHSIE DANS L'HYPNOTISME ET LE SOMNAMBULISME 137 II. CKYPTESTIISIE DANS L'HYPNOTISME La cryptesthsie exprimentale peut tre tudie tautt chez les individus hypnotiss, tantt chez les mdiums. Pourtant, le plus souvent, le mdium, pendant la sance, est daus un tat de trance; mais cette trance spontane se coufond singulirement avec l'tat hypnotique proprement dit, comme si le mdium s'tait, pour ainsi dire, hypnotis lui-mme, sans que des mauuvres dues un magntiseur aient t ncessaires.

Or ce n'est pas encore l une diffrence essentielle. La diffrence principale, c'est que le mdium croit qu'il est en rapport avec des personnalits relles, diffrentes de lui, et que ces personnalits nouvelles, ses guides, parlent par sa voix, crivent par sa main. En tout cas, chez l'hypnotis comme chez le mdium, il y a, des degrs divers, assoupissement des sens normaux, et diminution de la conscience. Cependant en apparence chez beaucoup de mdiums la conscience est reste intacte. Ilscontinuent parler, causer avec les personnes prsentes, alors que leur inconscience labore d'autres conversations, d'autres actes, lesquels se traduisent par des mouvements musculaires qu'ils connaissent et qu'ils contrlent peine (criture automatique ou mouvements de la planchette). C'est ce que j'ai appel Y hmi-somnambulisme. Parfois mme cette dissociation entre la personnalit consciente, normale, et les nouvelles personnalits qui apparaissent, est plus complique encore. Car, dans certains cas, avec la main droite, le mdium crit des phrases cohrentes, rpondant la personnalit d'une personne D... tandis qu'avec la main gauche, il crit de tout autres phrases cohrentes, comme si c'tait une autre personnalit G... Et pendant ce temps, il continue paratre normal, il rit, il cause, il chante, il discute avec les diverses personnes du cercle. Mais cette dissociation de la personnalit, soit dans le somnambulisme, soit dans l'hmi-somnambulisme, n'a rien de mtapsychique. C'est encore de la psychologie classique. Il suffit d'admettre le fait banal, qu'on a si souvent constat, d'un ddoublement, et

138 MTAPSYCHTQUE SUBJECTIVE mme parfois, quoique bien plus rarement, d'un dtriplement de la personnalit. Or ce qui nous intresse ici, ce ne sont pas tant ces variations de la personnalit que les manifestations de lucidit, c'est--dire de cryptesthsie. De cette tonnaute cryptesthsie, les preuves sont tellement nombreuses et certaines qu'il faut se contenter de faire un choix, et de ne citer que les principales l . A. Expriences sur les sujets hypnotiss. Les anciens magntiseurs, ds le dbut du magntisme animal, ont insist sur la clairvoyance ou lucidit. J'en citerai seulement quelques cas 2 . Le gnral Noizet 3 raconte qu'une somnambule (en 1842) lui a racont avec une prcision extrme ce qu'il avait fait dans la journe, et cependant ce n'tait pas ordinaire. Il avait t aux Tuileries dans l'appartement du duc de Moutpensier, fils du roi, de l en voiture avec le duc de Moutpensier l'Htel des Invalides, pour tudier les plans reliefs des places fortes. Tout cela fut dit trs exactement. (Le rcit en est trop long pour tre donn ici.)

D'aprs une lettre du D r Despine M. Charpignon 4 , Mad. Sghmitz, Genve, tant malade, demande au D r Julliard d'crire une consultation pour elle. Le D 1 ' Julliard, dans la plus profonde obscurit de toute la salle, lui met le papier sous les pieds. Elle dit : Voil 4 . On me permettra de citer avec quelque prdilection mes expriences personnelles. Je m'excuse d'avance pour la part, probablement trop grande, que je donne mes propres recherches, mais quelques-unes sont indites, et mritent, je crois, d'tre retenues. 2. Dans les vieux journaux de magntisme (allemands, franais, anglais, italiens), on trouve nombre de cas de lucidit des magntiss. Mais il n'est pas certain que le bandeau ait toujours t assez bien mis sur les yeux pour empocher toute vision; car, mme en mettant de l'ouate de chaque ct du nez, le tampon d'ouate peut se dplacer, et permettre de voir un peu. Or un peu, c'est trop. Il est probable que la clairvoyance de la petite fille de Pigeaire, par exemple, tait aulhentique, mais la preuve n'en est pas suffisante (voir Journal du magntisme animal, parJ.-J.-A. Ricard, Paris, Bourgogne et Martinet, 1840, et Toulouse, 1839, t. I, p. 624. 3. Cit par Flammarion, loc. cit., 339. 4. Physiologie, mdecine et mtaphysique du magntisme, Paris, J. Baillire, 1848, 114.

CRYPTESTHSIE DANS [/HYPNOTISME ET LE SOMNAMBULISME 139 ma lumire! et elle lit ce qu'avait aussi d'autres cas de clairvoyance ou alors on n'avait pas la mme svrit tification de pareils faits, de sorte saire, d'en douter. crit M. Julliard. Charpignon cite transposition des sens. Mais qu'aujourd'hui pour l'authenqu'il est permis, et mme nces-

Il faut toujours tre trs prudent dans les conclusions. Aussi bien vais-je rapporter un exemple de cryptesthsie qui probablement comporte une erreur. Ce sera comme une indication des prcautions ncessaires une bonne exprience. , En prsence de M. Legludic, directeur de l'cole de Mdecine d'Angers, le D r Binet Sangl 1 fit quelques expriences de cryptesthsie. Une femme de quarante-cinq ans est endormie, face au mur, et les yeux bands. Le D r Legludic ouvre un livre au hasard et souligne le mot vautour. Sans rien dire, M. Binet Sangl dessine la tte d'un vautour et M... dit : C'est un drle d 'oiseau, il n'a pas d'ailes, c'est un vautour . Dans une autre exprieuce, ouvrant un livre au hasard, M. J... souligne le mot limace. Alors M... dit : C'est une limace . Dans une autre exprience, plus tonnante encore, M. J... souligne le vers suivant :

Souffle, bise, tombe flots, pluie ! 0... dit : S... SS... S... et enfin : Souffle, bise... Enfin, dans ce mme livre ouvert au hasard, M. J... souligne ce vers : Le Dieu ne viendra pas. L'glise est renverse. M... dit alors : Le Dieu ne viendra pas. Cette exprience serait dcisive, si une complicit n'tait pas possible, et, ce qu'il semble, probable, entre 0... et M... les deux sujets qui taient prsents. Aussi ne faut-il pas plus l'admettre que les expriences de Misses Creery. Il faut se mfier des complicits, voulues ou inconscientes, dans toute exprience de cryptesthsie. William Gregory-, professeur de chimie l'Universit d'Edimbourg, a constat que le major Bcckley a pu dvelopper la lucidit 1. Expr. sur la transmission directe del pense, A. S. P., 1902, XII, 131-143. 2. Letters to a candid inquirer on animal magnetism (18-l) cit par E. Boirac, in A. S. P., 1893, III, 242.

140 MTAPSYCHIQUE SUBJECTIVE chez maints individus hypnotisables, assez pour leur faire lire avec exactitude des devises, des lettres, des adresses, des empreintes postales, enfermes dans des enveloppes ou des botes de carton et de bois. Dans un cas Sir T. Wilshire avait crit le mot concert, et croyait avoir crit correct. Le voyant lut concert. Sir Wilshire lui dit que c'tait une erreur, mais, en ouvrant la bote, il constata que c'tait bien concert qui avait t crit. La statistique que donne le major Buckley serait absolument dcisive, s'il n'y avait pas possibilit de quelque erreur systmatique. Il a t lu des devises contenues dans 4.680 coquilles de noix, et comprenant environ 36.000 mots. Herbert Mayo, mdecin et physiologiste anglais minent, qui soignait en Angleterre le colonel C... envoya un ami amricain qui habitait Paris, une boucle de cheveux d'un de ses malades, le colonel G... Une somnambule de Paris dclara que C. . avait uue paralysie partielle des hanches et des jambes, et que pour une autre affection il avait l'habitude de se servir d'un instrument de chirurgie. Si je cite ce fait de lucidit, ce n'est pas qu'il soit plus remarquable que beaucoup d'autres, mais c'est parce qu'il est attest par un physiologiste expriment, tel que M. H. Mayo, et qu'il fut assez net pour avoir convaincu ce savant distingu que la lucidit existe l . Le D r Dufay de Blois a eu avec une somnambule non professionnelle, nomme Marie, de bons exemples de cryptesthsie 2 . Il reoit le matin une lettre d'un officier de ses amis qui est en Algrie, malade, dysentrique, forc de coucher sous la tente. Il

place la lettre sous deux enveloppes qui ne portent aucune indication, et met le soir la lettre entre les mains de Marie. Elle dit qu'il s'agit d'un militaire, malade de dysenterie. Et, pour aller le retrouver, elle s'embarque (imagiuairement), a le mal de mer, voit des femmes en blanc, qui ont de la barbe (sans doute de