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Sous la direction de Jacky Beillerot et Nicole Mosconi Traité des sciences et des pratiques de l’ éducation S O C I A L E

Traite des sciences et des pratiques de l'education

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  • Sous la direction deJ. B

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    Sous la direction deJacky Beillerot et Nicole Mosconi

    Trait des sciences et des pratiquesde lducation

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    ISBN 2 10 049649 2

    Destin aussi bien aux tudiants quaux professionnels delducation, cet ouvrage propose un point complet sur les savoirset les pratiques dans lensemble du champ de lducation. Il offreun panorama synthtique qui tient compte des derniersdveloppements des connaissances en ce domaine.Ce trait est organis en six parties :1. Connatre lducation : lapport des sciences humaines et sociales2. Les institutions et lieux dducation3. Les professionnels du champ4. Thmes et concepts fondamentaux5. Approches philosophiques et politiques

    Avec la collaboration de :M. ALTET J. AUBRET CH. BARRAS A. BARRRE E. BAUTIER C. BLANCHARD-LAVILLE E. BROSSAIS H. BUISSON-FENET C. MARRY B. CHARLOT H. DESMET F. DUBET P.-A. DUPUIS P. DURNING M. DURUT-BELLAT D. FABLET M. FABRE M. FAYOL G. FELOUZIS A. FLORIN J.-C. FORQUIN D. GAYET J.-M. GILLIG D. GLASMAN M.-A. HUGON J.-M. DE KETELE F. F. LAOT C. LATERRASSE A. LEGRAND C. LELIVRE J.-L. MARTINAND F. ORIVEL H. PEYRONIE J.-P. POURTOIS A. PROST P. RAYOU A. ROBERT J.-Y. ROCHEX J.-C. RUANO-BORBOLAN J. SCHRIEWER A. SIROTA L. TANGUY B. TERRISSE B. TILLARD V. TROGER A. VAN ZANTEN A.VERGNIOUX A. VULBEAU A. WEIL-BARAIS CH. WULF

    Sous la direction deJacky Beillerot et Nicole Mosconi

    TRAIT DES SCIENCES ET DES PRATIQUESDE LDUCATION

    PSYCHO SUP

    www.dunod.com

    PSYCHOLOGIECOGNITIVE

    PSYCHOLOGIESOCIALE

    PSYCHOLOGIECLINIQUE

    JACKY BEILLEROT (1939-2004)

    Professeur mrite desciences de lducation luniversit Paris X-Nanterre, quipe Savoirs etrapport au savoir, Centrede recherche ducation etformation

    NICOLE MOSCONI

    Professeur de sciences delducation luniversitParis X-Nanterre, quipeSavoirs et rapport ausavoir, Centre derecherche ducation etformation

    NordCompoFichier en pice jointe9782100496495_couverture.jpg

  • Trait des scienceset des pratiquesde lducation

    lim Mosconi Page I Lundi, 7. novembre 2005 4:56 16

  • lim Mosconi Page II Lundi, 7. novembre 2005 4:56 16

  • P S Y C H O S U P

    Trait des scienceset des pratiquesde lducation

    Jacky BeillerotNicole Mosconi

    lim Mosconi Page III Lundi, 7. novembre 2005 4:56 16

  • Dunod, Paris, 2006ISBN 2 10 049649 2

    lim Mosconi Page IV Lundi, 7. novembre 2005 4:56 16

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    TABLE DES MATIRES

    Avant-propos (par Nicole Mosconi) 1

    Prface (J. Beillerot et N. Mosconi) 3

    PREMIRE PARTIE LA CONTRIBUTION DES DISCIPLINES LA CONNAISSANCE DE LDUCATION 9

    1 Anthropologie de lducation (Ch. Wulf) 11

    1 Avant-propos 11

    2 Introduction 12

    3 Paradigmes anthropologiques 12

    3.1 Lvolution hominisation anthropologie 13

    3.2 Anthropologie philosophique 13

    3.3 cole des Annales et histoire des mentalits 14

    3.4 Anthropologie culturelle ou ethnologie 15

    3.5 Anthropologie historico-culturelle 16

    4 Thmes anthropologiques 17

    4.1 Le corps 17

    4.2 Apprentissage mimtique 18

    4.3 Rituel et performativit 19

    5 Perspectives 21

    2 Lapport de lhistoire (A. Prost) 23

    1 La question du temps : de quand a date ? 24

    2 La question du changement : force des choses et jeu des acteurs 27

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  • IV TRAIT DES SCIENCES ET DES PRATIQUES DE LDUCATION

    3 Les conomistes et lducation (F. Orivel) 31

    1 Introduction 31

    2 Cots, dpenses et financement 33

    2.1 Quelques dfinitions et principes 33

    2.2 volution des dpenses dducation 35

    3 La rentabilit de lducation 36

    3.1 La rentabilit individuelle 36

    3.2 La rentabilit macroconomique 37

    3.3 Les effets non marchands de lducation 37

    4 Lefficience des services ducatifs 38

    5 Conclusion 40

    4 Droit et ducation (A. Legrand) 43

    5 Sciences politiques et ducation (H. Buisson-Fenet et A. van Zanten) 53

    1 De la dcision politique laction publique 54

    2 De lapplication linterprtation sur le terrain 56

    3 Le rle des usagers dans la modernisation du service public 58

    4 valuation et rgulations 60

    5 Conclusion 62

    6 Sociologies de lcole (F. Dubet) 65

    1 Linstitution rpublicaine 65

    2 La version critique 67

    3 De lcole rpublicaine lcole dmocratique de masse 69

    4 Que fait lcole ? 71

    5 Antinomies de lcole et expriences scolaires 73

    5.1 Intgration et distribution 74

    5.2 ducation et utilit 74

    5.3 Lgalit et le mrite 74

    6 Conclusion 76

    7 Sociologie de lducation (P. Rayou) 79

    1 Lcole et ses acteurs 79

    1.1 Les pratiques enseignantes 79

    1.2 Lexprience des lves 81

    2 Lcole et ses savoirs 83

    2.1 Une sociologie des savoirs scolaires 83

    2.2 Une approche curriculaire 86

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  • TABLE DES MATIRES V

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    8 Sciences du langage et ducation (E. Bautier) 89

    1 Des champs et des objets htrognes qui intressent lducation 89

    1.1 Des questions centrales : la socialisation diffrencie 90

    1.2 Des varits linguistiques et des sujets sociaux 90

    1.3 Oralit et criture : varits linguistiques ou diffrences culturelles et cognitives ? 92

    1.4 Nature du langage et recherches en ducation 92

    2 Langage, socialisation, scolarisation 93

    3 Les connaissances sur la langue et ses usages modifient les curriculums scolaires 96

    9 Psychologie et ducation (A. Weil-Barais) 99

    1 Repres historiques 99

    2 Des points de vue diffrents 100

    3 La psychologie de lducation 103

    4 Des concurrents multiples et un avenir incertain 105

    10 Lapprentissage. La langue crite et larithmtique (M. Fayol) 109

    1 Lapprentissage et les apprentissages 110

    2 Des apprentissages procduraux 111

    2.1 Lire et crire 111

    2.2 Compter et dnombrer 113

    2.3 Pour conclure 113

    3 Des apprentissages dclaratifs 114

    3.1 Du dclaratif au procdural puis 114

    3.2 du procdural au dclaratif 115

    3.3 Quand procdures et remmoration entrent en conflit 117

    4 Conclusion 118

    4.1 Autoapprentissage et auto-organisation des connaissances 118

    4.2 Instances, rgles et rgularits 119

    4.3 Les stratgies 120

    11 Psychanalyse et enseignement (C. Blanchard-Laville) 121

    1 Dbuts 121

    2 Succession 122

    3 Contexte contemporain 123

    4 Des cliniques 124

    5 Une clinique dorientation psychanalytique 124

    6 Vises et spcificits des recherches cliniques dorientation psychanalytique 125

    7 Lespace psychique de la classe 127

    Mosco Livre Page V Jeudi, 29. d cembre 2005 3:46 15

  • VI TRAIT DES SCIENCES ET DES PRATIQUES DE LDUCATION

    8 La prise de dcision de lenseignant en situation 129

    9 Lespace-temps de la formation 130

    10 Pour une clinique du lien 131

    12 Psychologie sociale et ducation (A. Sirota) 135

    1 Apports de la psychologie sociale lducation 135

    2 Le groupe-classe 136

    3 duquer ? 138

    4 Quelques exemples 140

    13 ducation compare (J. Schriewer) 145

    1 Lmergence dun programme ambitieux 145

    2 et la difficile mise au point de ses prsupposs thorico-mthodologiques 148

    3 La pratique de la discipline institutionnalise 151

    4 face aux dfis du tournant du sicle 155

    DEUXIME PARTIE LDUCATION ET LINSTRUCTION DES ENFANTS ET DES ADOLESCENTS : INSTITUTIONS ET LIEUX DDUCATION 159

    14 Lducation familiale : un champ de recherche socialement dtermin (P. Durning) 161

    1 lments chronologiques 162

    2 Ltude des processus ducatifs au sein de la famille 164

    3 Des avances pistmologiques 165

    4 Un champ aujourdhui en dveloppement important 167

    5 Des questions socialement majeures 167

    15 Les programmes dducation parentale : un soutien la parentalit ? (J.-P. Pourtois, Ch. Barras, H. Desmet et B. Terrisse) 171

    1 Lducation parentale et ses origines 172

    2 Les diffrents programmes dducation parentale, leurs objectifs et leurs modalits 174

    2.1 Le contexte, les buts et les publics viss 174

    2.2 Les objectifs 175

    2.3 Les sources thoriques 176

    2.4 Lorganisation des programmes et les lieux dintervention 178

    2.5 La dure et la frquence des interventions 179

    2.6 Les intervenants en ducation familiale : formation et comptences 179

    2.7 Lvaluation des programmes et de leurs effets 180

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  • TABLE DES MATIRES VII

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    3 Un bref aperu sur quelques programmes 181

    3.1 Les programmes du CERIS 181

    3.2 Les programmes du GREASS 182

    4 Conclusion 183

    16 Lducation et les pairs (D. Gayet) 187

    1 Lducation contre les pairs 188

    2 Lducation par les pairs 190

    3 Lidentification au groupe 192

    4 Les rles 193

    5 Les presque pairs 195

    17 Les apprentissages des jeunes enfants (A. Florin) 197

    1 Les dbuts de la vie 197

    2 Le dveloppement du langage 199

    3 Lenfant lcole maternelle 201

    4 Les diffrents contextes de socialisation et la qualit de laccueil des jeunes enfants 204

    18 La scolarit obligatoire (H. Peyronie) 207

    1 Approche historique 208

    1.1 mergence et mise en uvre du principe de scolarit obligatoire en France 208

    1.2 La question de lcole unique 210

    2 La scolarit obligatoire, la massification de lenseignement secondaire et la question de la dmocratisation de lenseignement 212

    2.1 Des usages sociaux de lcole opposs lambition de la dmocratisation sociale par la scolarisation de tous 212

    2.2 Des indicateurs bruyants de la crise de lcole obligatoire 214

    2.3 Repenser lcole obligatoire et vouloir lcole pour tous ? 215

    19 Le collge, au cur des ingalits sociales entre lves (M. Duru-Bellat) 219

    1 Accs universel mais russite ingale 219

    2 Les choix du collge 220

    3 Des collges ingaux 223

    4 Conclusion 227

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  • VIII TRAIT DES SCIENCES ET DES PRATIQUES DE LDUCATION

    20 Le lyce de masse : entre dmocratisation et sgrgation (J.-Y. Rochex) 229

    1 Un paysage institutionnel profondment boulevers 230

    2 Accs accru et dmocratisation sgrgative 234

    3 Lexprience lycenne : tensions, ambivalences et ingalits 237

    21 Les enseignements technologiques et professionnels : la part dombre du systme scolaire (V. Troger) 243

    1 Un processus de scolarisation particulier : la formation des cadres moyens et de la main-duvre qualifie de lindustrie et du commerce 244

    2 Des pratiques pdagogiques originales 246

    3 Lorientation par dfaut 249

    22 Ladaptation et lintgration scolaires (J.-M. Gillig) 253

    1 Les problmatiques actuelles de ladaptation et de lintgration scolaires : dune logique de filires une logique de parcours 254

    2 Prvention, adaptation, remdiation 255

    2.1 Les aides dominante pdagogique 256

    2.2 Les aides dominante rducative 256

    2.3 Les suivis psychologiques 257

    3 Les structures daccueil intgratives 257

    3.1 Les CLIS de lenseignement du premier degr 258

    3.2 Les UPI de lenseignement du second degr 258

    3.3 Les SEGPA 259

    4 Lintgration scolaire individuelle 259

    5 Les autres structures de scolarisation des enfants et adolescents besoins ducatifs particuliers 261

    23 Lenseignement suprieur en France : mutations et permanences (G. Felouzis) 265

    1 Un systme dispers et concurrentiel 266

    2 Dmocratisation, ingalits sociales et effets dtablissement 268

    3 Systmes rgionaux et systme europen denseignement suprieur 270

    3.1 Une autonomie croissante des tablissements universitaires 270

    3.2 La territorialisation de lenseignement suprieur et des universits 271

    3.3 Les enjeux de lharmonisation europenne des diplmes 272

    4 Conclusion 273

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  • TABLE DES MATIRES IX

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    24 La socialisation urbaine des jeunes (A. Vulbeau) 275

    1 Introduction : une thmatique pour les sciences de lducation ? 275

    2 La socialisation urbaine des jeunes : de quoi parle-t-on ? 277

    3 Jeunes en ville 280

    3.1 La ville : un espace inappropri ? 280

    3.2 Les sociabilits urbaines des jeunes 282

    4 Civilits et citoyennets 284

    5 Conclusion : la ville approprie 286

    TROISIME PARTIE LES PROFESSIONNELS DE LDUCATION 289

    25 Les enseignants et leurs pratiques professionnelles (M. Altet) 291

    1 Les pratiques enseignantes, objet spcifique de recherche des sciences de lducation 292

    2 Les premires approches prescriptives 292

    3 Des dfinitions de la pratique enseignante 294

    4 Des traits constitutifs de la pratique enseignante 295

    5 Des approches complmentaires pour comprendre les processus en jeu 296

    6 Professionnalisation des enseignants et formation professionnelle 300

    7 Lanalyse de pratiques : une dmarche rflexive 301

    26 Les conseillers dorientation (J. Aubret) 305

    1 Les conseillers dorientation-psychologue de lducation nationale 306

    2 Le mtier de conseiller : son histoire et son actualit 307

    2.1 Les annes 1900-1930 307

    2.2 Les annes 1930-1950 308

    2.3 Les annes 1950-1980 309

    2.4 Le tournant des annes 1980 310

    3 La mission ducative des conseillers dorientation-psychologue 311

    3.1 Le conseil personnalis en orientation au cur du mtier de conseiller 311

    3.2 Le suivi des lves et les bilans psychopdagogiques personnaliss 312

    3.3 La participation des conseillers aux actions dorientation ducative 313

    4 Conclusion 314

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  • X TRAIT DES SCIENCES ET DES PRATIQUES DE LDUCATION

    27 Les formateurs dadultes (F. F. Laot) 317

    1 Profils de formateurs : de typologie en typologie 320

    2 Formations de formateurs 323

    28 Travail social et action ducative (D. Fablet) 329

    1 Les travailleurs sociaux 329

    2 Du travail social lintervention sociale 331

    3 Travail social et interventions socio-ducatives 333

    4 Principales volutions des pratiques dintervention socio-ducative 334

    5 Les professionnels de lducation spcialise 336

    Lectures conseilles 340

    29 Professionnels de sant (B. Tillard-Cassar) 341

    1 Professionnels de sant et professions sociales 341

    2 Quest-ce quun professionnel de sant ? 342

    3 Question de genre 343

    4 Professions hirarchises 343

    5 Ethnographie hospitalire 344

    6 Professionnels de sant et rle ducatif 346

    7 Sciences infirmires : entre mdecine et humanits 348

    QUATRIME PARTIE THMES ET CONCEPTS CENTRAUX EN DUCATION 351

    30 Didactique et didactiques. Esquisse problmatique (J.-L. Martinand) 353

    1 Les mots 354

    2 Les hommes 355

    3 Les circonstances 356

    4 Les mergences 357

    5 Les caractristiques 359

    6 Les concurrences 361

    7 Les problmatisations 363

    8 Les renouvellements 365

    31 Des aptitudes aux comptences (L. Tanguy) 369

    1 Laptitude au travail dans le systme scolaire 370

    2 Des aptitudes aux comptences, et de lducation la formation 373

    32 Le rapport au savoir (C. Laterrasse et E. Brossais) 381

    1 mergence et volution dun concept 381

    2 Des acceptions multiples et convergentes 384

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  • TABLE DES MATIRES XI

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    3 Les diffrentes approches : champs dapplication et mthodes 387

    3.1 Les travaux de lquipe Escol 387

    3.2 Les travaux mens dans le cadre du Cref 388

    3.3 Les travaux de didactique des sciences 389

    3.4 Les travaux mens dans le cadre du laboratoire de psychologie Personnalisation et changements sociaux 390

    4 Principes fdrateurs et questions en dbat 391

    33 Travail scolaire, travail enseignant (A. Barrre) 395

    1 Les cadres organisationnels du travail lcole 396

    1.1 La forme scolaire et ses consquences sur le travail. 396

    1.2 La dualit de lorganisation du travail scolaire 397

    1.3 Travail et interaction 398

    2 Curricula et pdagogies : lvolution du travail lcole 399

    2.1 volution 399

    2.2 Faire apprendre : un nouveau travail pour lenseignant ? 401

    3 Les acteurs face leurs tches 401

    3.1 Les lves 402

    3.2 Le travail enseignant 403

    3.3 Travaux croiss 404

    4 Conclusion 405

    34 Contrles, examens et valuation (J.-M. de Ketele) 407

    1 Un regard historique : lvaluation conjugue en paradigmes 408

    1.1 Le paradigme de lintuition pragmatique 408

    1.2 Le paradigme docimologique 409

    1.3 Le paradigme sociologique 409

    1.4 Le paradigme de lvaluation centre sur les objectifs 410

    1.5 Le paradigme de lvaluation formative dans un enseignement diffrenci 411

    1.6 Le paradigme de lvaluation au service de la dcision 412

    2 Les fonctions, les dmarches de lvaluation 413

    2.1 Les fonctions de lvaluation 414

    2.2 Les dmarches de lvaluation 415

    2.3 Le croisement des fonctions et des dmarches de lvaluation 416

    3 Une valuation de qualit pour une formation de qualit : une question de choix dobjet et doutils 417

    35 Les pdagogies nouvelles : quel apport pour lcole daujourdhui ?(M.-A. Hugon) 421

    1 Introduction 421

    2 Dfinitions 422

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  • XII TRAIT DES SCIENCES ET DES PRATIQUES DE LDUCATION

    3 Les diffrents courants de lducation nouvelle, leur mergence 424

    4 Des pdagogies populaires 426

    5 La diffusion des pdagogies nouvelles dans lcole franaise aujourdhui 428

    36 En marge de lcole : para-scolaire, cours particuliers et accompagnement scolaire (D. Glasman) 433

    1 Cours particuliers et accompagnement scolaire 435

    1.1 Cours particuliers 435

    1.2 Accompagnement scolaire 436

    1.3 Raison de les traiter ensemble 437

    2 Ressorts communs et diffrenciation 438

    2.1 La recherche de la russite scolaire 438

    2.2 Des espaces intermdiaires 439

    2.3 Individualisation 440

    3 Conclusion 441

    37 Genre et ducation (C. Marry et N. Mosconi) 443

    1 Introduction 443

    2 La socialisation diffrentielle des sexes 444

    2.1 Les strotypes de sexe 444

    2.2 Les relations entre pairs lcole 445

    2.3 Les relations enseignant(e)s/lves 445

    2.4 Le masculinisme des contenus denseignement 446

    3 Orientations et division socio-sexue des savoirs et du travail 447

    3.1 La meilleure russite scolaire des filles 447

    3.2 Le maintien relatif des ingalits sociales daccs lducation 449

    3.3 Une division sexue des savoirs tenace et des orientations moins rentables 450

    3.4 Comment expliquer ces orientations diffrencies ? 452

    4 Conclusion : la division socio-sexue des savoirs et du travail 454

    CINQUIME PARTIE APPROCHES POLITIQUES, PHILOSOPHIQUES ET THORIQUES DE LDUCATION 457

    38 tat et ducation (C. Lelivre) 459

    1 Un tat ducateur et centralisateur 459

    2 La mise en place dune administration publique 461

    3 La question de la lacit : public/priv 464

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  • TABLE DES MATIRES XIII

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    39 Groupes dintrt et politiques de lducation (A. D. Robert) 469

    1 Syndicats, identits collectives enseignantes et projet professionnel 471

    2 Affaiblissement du syndicalisme et mergence de formes nouvelles de mobilisation 473

    3 Champ politique, grves et tensions internes au projet professionnel 476

    40 ducation et globalisation (B. Charlot) 479

    1 Vers une libralisation de lducation, travers lOMC ? 480

    2 Les organisations internationales : ducation de base pour tous et privatisation du reste 482

    3 Les altermondialistes et la question de lducation 485

    4 Les volutions institutionnelles, organisationnelles et culturelles 486

    41 Philosophie et ducation (A. Vergnioux) 489

    1 Introduction : un statut et une identit problmatiques 489

    2 Constitution dune discipline 491

    3 Dlimitation du domaine 492

    4 Lorientation axiologique 494

    5 Llucidation critique (hermneutique) 495

    6 Lanalyse pistmologique 497

    7 Conclusion 500

    42 La pdagogie et les pdagogies (M. Fabre) 501

    1 La pdagogie comme thorie-pratique 502

    2 Lexprience pdagogique 503

    3 La pdagogie entre thique et technique 504

    4 Une pistmologie de la prudence 506

    5 Le pluriel pdagogique 509

    6 Conclusion 511

    43 Littrature et ducation (P.-A. Dupois) 513

    1 Lcole et lenfance dans la littrature 514

    2 La littrature et la pense 514

    3 Le registre fictionnel lpoque de la littrature 516

    4 Littrature et pdagogie 517

    5 Littrature et formation 518

    6 Arrire-plans, contextes et dimensions caches 520

    7 La grande culture 522

    44 La recherche en ducation : croissance, objets et diffusion (J.-C. Ruano-Borbolan) 525

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  • XIV TRAIT DES SCIENCES ET DES PRATIQUES DE LDUCATION

    Conclusion : la pense pdagogique, la recherche et les pratiques(J.-C. Forquin) 535

    1 Des savoirs, des comptences, des pratiques, des ides 537

    2 Quelles recherches pour quels usages ? 539

    3 Offre de connaissances ou demande doctrinale ? Le malentendu pdagogique contemporain 546

    Index des notions 551

    Index des auteurs 555

    Liste des auteurs 559

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    AVANT-PROPOS

    Au moment o ce livre va paratre, Jacky Beillerot, qui lavait conu, dans untravail de collaboration troite avec moi, nous aura quitts depuis plus dun an.Lui qui a fortement contribu la structuration de la recherche en ducationet qui avait grand souci de la formation des tudiants et des professionnelsde lducation, avait estim quil tait important aujourdhui de produire un Trait qui donne une ide densemble sur ce que sont actuellement lessavoirs dans tous les champs de lducation. Il avait t tout heureux de recevoirles rponses positives et souvent enthousiastes de la plupart des auteurs sol-licits.

    Cest par amiti pour lui et pour lui rendre hommage que jai tenu conti-nuer seule luvre commence en commun. Jespre quil aurait t satisfaitdu rsultat.

    Nicole Mosconi

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    PRFACE1

    lheure o lon parle de crise de lducation, de crise de la famille, de crisede lcole, de crise de lautorit, de crise de la transmission, mais lheureaussi o lon parle de dmocratisation de lducation, dexpansion sans pr-cdent des taux de scolarisation, daccs de tous la lecture, la culture, lducation tout au long de la vie, quen est-il des savoirs sur lducation ?Quen est-il des savoirs et des comptences de ceux parents, ducateurs,enseignants, formateurs, mdiateurs, presque tout un chacun aujourdhui qui se trouvent un moment ou un autre de leur vie en position dducateurou de formateur ? Chacun aujourdhui a son opinion sur lducation. Maisbeaucoup de discours qui se tiennent sont fonds sur des prjugs, des stro-types, des illusions. Comment permettre ceux qui le souhaitent de passer deces discours purement idologiques, peu clairs de ce que lon sait relle-ment sur ces questions dducation, des discours mieux informs, mieuxfonds sur des connaissances effectives ?

    Dans la socit daujourdhui en transformation constante, avec des popu-lations de plus en plus diverses, ce qui amne dans les systmes de formationdes publics multiculturels, il nest plus possible de se contenter des routineset des savoir-faire transmis par les gnrations prcdentes. Les profession-nels de lducation se doivent dclairer leurs pratiques par des savoirs issusde la recherche, des sciences sociales et humaines et de la philosophie.Existe-t-il un fonds de connaissances commun tous ceux qui font profes-sion dduquer ?

    Savoirs pratiques, issus de la singularit de lexprience, ou savoirs tho-riques, venant de champs disciplinaires varis, les savoirs de ceux qui font

    1. Par Jacky Beillerot et Nicole Mosconi.

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  • 4 TRAIT DES SCIENCES ET DES PRATIQUES DE LDUCATION

    profession dduquer sont-ils des savoirs spcifiques, cohrents, formalisa-bles ? Peuvent-ils donner lieu un trait ?

    Pourquoi un Trait des sciences et des pratiques de lducation ?

    En 1969, au moment o venait de se crer les premiers cursus de sciencesde lducation en France, Gaston Mialaret et Maurice Debesse, qui avaientjou un rle capital dans cette cration, faisaient paratre aux PUF le premiertome du Trait des sciences pdagogiques. Ce premier tome fut suivi de septautres. Ils avaient lambition doffrir un panorama complet des savoirs enducation tels quils existaient lpoque.

    Depuis, le nombre des tudiants qui sintressent lducation sest multi-pli, aussi bien du ct de ceux qui se destinent lenseignement que de ceuxqui se destinent lducation, au travail social en direction des familles ou la formation des adultes. De leur ct, les recherches en ducation se sontconsidrablement dveloppes, aussi bien au sein de la discipline universi-taire sciences de lducation quau sein des autres disciplines de sciencessociales et humaines.

    Ces recherches sur lducation, entendue au sens large, sont foisonnantes,multiples par leurs champs disciplinaires, leurs rfrents thoriques et mtho-dologiques. Savoirs pluri-, multidisciplinaires, ces savoirs sur lducationpeuvent donner limpression dune multiplicit et dune dispersion un peucrasante. Comment, lorsque lon est enseignant, futur enseignant, futur du-cateur, formateur denseignants, de travailleurs sociaux ou dadultes, tudianten sciences de lducation, sorienter dans tous ces savoirs sur lducation ?

    Il tait donc temps de reprendre cette entreprise nouveau frais et de fairele point sur les savoirs essentiels, issus la fois des recherches et des prati-ques concernant lducation.

    Telle est bien la finalit dun trait : permettre de sorienter dans lessavoirs sur lducation. Un trait nous indique le dictionnaire Robert, est unouvrage didactique o est expos dune manire systmatique un sujet ou enensemble de sujets concernant une matire . Ce trait se donne pour objet derunir en un seul volume un ensemble de connaissances prouves et synth-tises, qui fassent le point sur ltat des savoirs dans le champ de lducationentendue au sens le plus large.

    Si nous avons voulu reprendre ce projet ambitieux et peut-tre un peudmesur, cest quil nous a sembl rpondre des besoins et des demandesque nous avons entendu sexprimer au cours de nos enseignements et de nosstages de formation. Chez les praticiens de lducation, ce besoin dclairer,voire damliorer leurs pratiques grce linvestissement de nouveaux savoirsde rfrence, dbarrasss des subtilits et des complexits de la recherche entrain de se faire, mais suffisamment stabiliss et synthtiss pour pouvoir gui-der et orienter leurs pratiques, quel que soit le domaine o elles sexercent, sefait fortement sentir. Mais les formateurs aussi expriment le besoin de misesau point qui leur permettent de mieux jouer leur rle de passeurs des savoirs

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    de la recherche auprs des jeunes en formation ou des adultes en formationcontinue. Quant aux tudiants qui se destinent aux mtiers de lenseignement,ils sont souvent dubitatifs devant une formation qui se limite aux savoirs deleur discipline et sa didactique et ils aspirent ouvrir leur horizon, par-delles savoirs disciplinaires quils auront transmettre leurs lves, sur lesenjeux psychologiques, institutionnels, sociaux, politiques de leur enseigne-ment. Les tudiants de sciences de lducation ou des centres de formation detravailleurs sociaux prouvent souvent un dsarroi face au nombre et lavarit des bibliographies qui leur sont distribues dans leurs diffrents courset ils prouvent le besoin de textes synthtiques qui leur fournissent descadres conceptuels et mthodologiques, qui les aident construire une orga-nisation gnrale de leurs connaissances.

    Ce trait peut donner, soit un panorama densemble sur les savoirs en du-cation, soit tre utilis pour un usage trs prcis, si lon veut faire un point surles savoirs actuels sur lducation dans une discipline prcise des scienceshumaines et sociales ou sur une thmatique spcifique.

    Lducation a cette particularit quelle met en jeu des savoirs, des prati-ques, des normes et des valeurs. Elle fait lobjet la fois de savoirs scientifi-ques qui tendent dcrire et expliquer ce qui est, et de thories pratiques ,comme disait Durkheim, de savoirs pratiques et de savoir-faire. Mais elle metaussi en jeu une conception de lhomme, une thique et une politique.

    Ce trait se veut le reflet de cette ralit multiple et complexe, proposantaussi bien un article de philosophie de lducation et de pdagogie que dessavoirs de sciences sociales et humaines.

    Si nos publics dtudiants et de praticiens nous ont motivs pour concevoirle projet de ce trait, celui-ci naurait pu se construire sans nos collgues,experts des diffrents domaines de savoirs en ducation qui en ont rendu pos-sible la ralisation en rpondant favorablement la demande que nous leuradressions : livrer en une douzaine de pages, suivies de quelques lecturesconseilles, la substantifique moelle de leur domaine de comptence.Cinquante et un auteurs, seuls ou en collaboration, reconnus dans leur spcia-lit, ont accept de relever le dfi, aboutissant ce trait. Outil pour la prati-que, la formation et la recherche, il se veut la fois un instrument de travailpour quiconque veut se faire rapidement une ide densemble de ce que sontactuellement les savoirs dans tous les champs de lducation. Mais il peutservir aussi de base pour les tudiants, en initiation la recherche, qui veulentse faire apprentis chercheurs.

    Construction du trait et modes dusage

    Nous avons voulu viter deux cueils : prendre un point de vue trop unilatralsur lducation qui consisterait laborder uniquement dun point de vue dis-ciplinaire, quitte multiplier les disciplines ; et, dautre part, prendre un point

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  • 6 TRAIT DES SCIENCES ET DES PRATIQUES DE LDUCATION

    de vue pluridisciplinaire ou systmique, voire praxologique, qui, arguant dela complexit des phnomnes ducatifs, contesterait aux disciplines classi-ques toute possibilit de contribuer la connaissance des phnomnes du-catifs. Cest pourquoi nous avons voulu prendre un triple point de vue quidpasse cette opposition simpliste. Dune part, permettre chaque disciplinede sciences sociales et humaines de montrer ce quelle peut apporter laconnaissance dun niveau particulier des phnomnes ducatifs.

    Dautre part, considrer les phnomnes ducatifs selon des thmatiqueset des objets complexes en montrant ce quun point de vue pluridisciplinairepouvait nous apprendre sur ceux-ci, tels quils sont travaills et clairs dansla discipline des sciences de lducation, avec les productions de savoir origi-nales que cette pluridisciplinarit rend possible.

    Enfin, si, comme le dit Kant, lhomme est la seule crature qui doive treduque , autrement dit, si lducation est ce processus par lequel un trehumain shumanise, devient humain et plus humain, nous avons voulu prendreacte du fait que lducation ne constitue pas seulement un champ de savoirs,appuys sur des ensembles conceptuels, des mthodes rigoureuses et soumis lvaluation dune communaut scientifique, mais quelle reprsente aussiun champ de pratiques, un champ de dbats philosophiques et politiques surles finalits, les normes et les valeurs. Ce trait se veut un espace o lonparle de lducation dans toutes ses dimensions.

    Il a t construit en cinq parties. Dans une premire partie sera mise en vi-dence la contribution de chaque discipline de sciences sociales et humaines la connaissance de lducation des enfants et des adolescents. Des spcia-listes de chaque discipline (anthropologie, histoire, conomie, droit, sciencespolitiques, sociologie, linguistique, psychologie, ducation compare) serontinvits faire le point sur ce que peut apporter leur discipline comme savoirsfondamentaux sur lducation.

    La deuxime partie sera centre sur les connaissances concernant les insti-tutions et les lieux dducation : la famille dabord et les dispositifs chargsde laider dans ses tches ducatives, puis les lieux dducation du jeuneenfant et les apprentissages quil y effectue, le rle jou par les pairs danslducation et la socialisation des enfants et des jeunes, le systme scolaire(cole, collge, lyce, enseignement technique et professionnel, enseigne-ment spcialis), lenseignement suprieur, et enfin, la ville, comme lieudducation des jeunes.

    Une troisime partie traitera des divers professionnels du champ de ldu-cation : les enseignants et leurs pratiques, mais aussi les conseillers dorien-tation psychologues, les formateurs dadultes, les travailleurs sociaux et leursinterventions socio-ducatives, les personnels de sant qui ont des pratiquesdducation.

    Une quatrime partie abordera les thmes et concepts centraux en du-cation : la didactique et les didactiques, les aptitudes et les comptences, le

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    rapport au savoir, le travail des lves et des enseignants, les questions decontrles et dvaluation, les pdagogies nouvelles, le priscolaire (coursparticuliers et accompagnement scolaire) et enfin la question du genre enducation.

    Enfin une cinquime partie, intitule, Approches politiques, philoso-phiques et thoriques , regroupera les contributions qui organiseront plusexplicitement la confrontation des savoirs, des pratiques et des finalits. Unepremire srie de contributions abordera des approches politiques et institu-tionnelles de lducation : le rle de ltat dans lducation, le rle des groupesdintrt dans le systme ducatif et les transformations de lducation lies la globalisation. Une deuxime srie de textes regroupera des approches plusphilosophiques. Un premier chapitre examinera les questions traites par laphilosophie de lducation. Puis viendra un chapitre de rflexion philosophi-que sur la pdagogie et les pdagogies ; ensuite seront confrontes littratureet ducation. Le dernier chapitre traitera la question gnrale de la rechercheen ducation et de sa diffusion.

    Enfin une conclusion gnrale posera la question de la confrontation desrecherches en sciences sociales et humaines avec laction des praticiens.

    Certes, ce trait ne prtend pas avoir abord toutes les questions pertinen-tes concernant lducation. Un certain nombre de chapitres prvus au dpartnont pu tre raliss dans les dlais impartis par lditeur : il en est ainsi duchapitre sur les sciences cognitives et lducation, sur le rle des nouvellestechnologies dans lducation, sur le corps et lducation, sur ladministra-tion et la gestion scolaires, sur les sciences de lducation comme disciplinepasse, prsente et future. Et certains verront sans doute encore dautres th-matiques qui ont t oublies : on pourrait citer, par exemple, la question dela relation formation-emploi.

    Cest tout fait volontairement que nous navons pas consacr de cha-pitres la formation des adultes, en dehors du chapitre sur les formateursdadultes. En effet, il existe chez le mme diteur un Trait des sciences etdes techniques de la formation, dirig par Philippe Carr et Pierre Caspar,publi en 1999 et rdit en 2004, qui traite ces questions de manire appro-fondie. Cest celui-ci que les lecteurs intresss plus spcialement par laformation des adultes doivent se reporter.

    En somme, ce trait est conu pour permettre plusieurs usages. Pour qui-conque souhaite sinformer sur lensemble du champ des recherches, despratiques et des rflexions, sur lducation, il peut tre lu ou parcouru en sonentier. Mme si lon ne peut jamais prtendre quun tel trait donne une vueexhaustive de tous les savoirs, de toute nature, qui touchent dune manire oudune autre lducation, on peut cependant, grce la varit des auteurs etdes modes dapproche, esprer avoir gagn au bout de sa lecture une visionlarge de la diversit des savoirs et des questionnements sur lducation.

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  • 8 TRAIT DES SCIENCES ET DES PRATIQUES DE LDUCATION

    Mais on peut aussi imaginer que tel ou tel prfre cibler sa lecture sur unepartie de louvrage, soucieux de se faire une ide densemble soit sur lesrecherches disciplinaires en ducation, soit sur les institutions ou encoreles professionnels du champ de lducation, soit sur la varit des conceptsou des thmatiques travaills en sciences de lducation, soit sur la questiondes rapports entre pratiques, finalit et valeurs. En ce cas, le lecteur peut choi-sir dans louvrage la partie qui correspond sa proccupation du moment. Etenfin, pour quiconque voudrait faire le point sur une discipline ou un objetbien prcis, la lecture cible dun chapitre, pris sparment, est tout faitpossible, avec les lectures conseilles. Mme sils rpondent une cohrencedensemble, voulue par les coordonnateurs du livre, chaque chapitre, critpar un ou des auteurs diffrents, a sa consistance propre et peut se lire ind-pendamment de ceux qui le prcdent ou qui le suivent.

    tous ceux qui auront en main ce trait, soit pour une longue aventure dedcouverte de lensemble des savoirs et des rflexions sur lducation, soitpour une information ponctuelle sur un sujet bien cibl, nous souhaitonsbonne lecture !

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  • Premire partie

    LA CONTRIBUTION DES DISCIPLINES

    LA CONNAISSANCE DE LDUCATION

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    1 ANTHROPOLOGIE DE LDUCATION1

    1 Avant-propos

    Depuis les commencements de la pense occidentale, il existe une relationentre lanthropologie et la pdagogie. Dnu dhypothses anthropologiquesimplicites ou explicites, lacte ducatif est impossible. La recherche anthro-pologique reprsente donc un domaine important des sciences de lduca-tion. Bien que le concept anthropologie nexiste que depuis le XVIe sicle2

    et que son emploi avant la lettre nest pas sans poser problme, les rap-ports entre la pdagogie et lanthropologie sont manifestes dans La Rpubli-que de Platon ainsi que dans les crits de saint Augustin et de saint ThomasdAquin. Au XVIIe sicle, chez Comenius, ainsi quau XVIIIe, chez Rousseau,Pestalozzi et Kant, et au XIXe chez Herbart, Humboldt et Schleiermacher, ilssont indniables. Au XXe sicle, lanthropologie et les modes dobservationanthropologiques gagnent de plus en plus dimportance dans de nombreusesdisciplines scientifiques, en particulier dans la philosophie. Max Scheler voitle point de dpart de cet intrt pour lanthropologie dans la situation suivante :

    Au cours dune histoire denviron dix mille ans, notre poque est la pre-mire dans laquelle lhomme est devenu totalement problmatique, maisaussi o il ne sait pas ce quil est et sait en mme temps quil ne le sait pas3.

    Cette situation constitue le point de dpart de lanthropologie pdagogi-que, devenue depuis la seconde moiti du XXe sicle un domaine important dusavoir pdagogique.

    1. Par Christoph Wulf.2. O. Marquard (1971). Anthropologie , in J. Ritter (dir.), Historisches Wrterbuch der Philoso-

    pie, Basel/Stuttgart, p. 362.3. M. Scheler (1976). Gesammelte Schriften, Bern/Mnchen, Bouvier, p. 11.

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  • 12 TRAIT DES SCIENCES ET DES PRATIQUES DE LDUCATION

    2 Introduction

    Selon Kant, lhomme ne peut devenir homme que par lducation. Il nestrien dautre que ce que lducation fait de lui [], mais puisque lducationtantt apprend, tantt ne fait que dvelopper quelque chose chez lui : on nepeut savoir quelle est chez lui la part des dispositions naturelles1 . Et dautrepart, il affirme aussi :

    Du bois tordu dont est fait lhomme, on ne peut construire aucune char-pente. Seul le rapprochement cette ide nous est inflig par la nature. Le rlede lhomme est de ce fait trs superficiel2.

    Ce que lhomme est dpend donc de ce quil doit tre et de ce quil peuttre. Lhomme nest rien de lui-mme et doit faire de lui ce quil est et cequil doit devenir, ce en quoi il se heurte frquemment ses propres limites.Ltude et la catgorisation de ces rapports reprsentent pour Kant le devoirde lanthropologie pragmatique. la diffrence de lanthropologie physio-logique qui tudie les conditions biologiques de lexistence humaine, lanthro-pologie pragmatique sattache au domaine de lagir humain et de la liberthumaine. Elle reprsente le berceau de lanthropologie des sciences humaines.

    Si lon veut tre la hauteur de ce devoir, il est dans un premier tempsncessaire de rpondre une question : quentend-on de nos jours par anthro-pologie ? Que signifie ce concept pour les sciences humaines ? Selon maconception, lanthropologie ne peut tre dveloppe de nos jours que dans lecadre de la recherche historique et de la philosophie des sciences humaines entant quanthropologie rflexive historico-culturelle. Elle doit tre guide par larflexion sur la manire dont lanthropologie peut tre mene aprs la mortde Dieu (Nietzsche), cest--dire aprs la disparition dune anthropologieuniverselle, et aprs la mort de lhomme (Foucault), au sens de ltre mas-culin europen et abstrait qui servait de modle la conception de lindividu.

    3 Paradigmes anthropologiques

    Si lon veut approfondir lpistmologie de lanthropologie dans les scienceshumaines et sociales, il est alors indispensable doprer une confrontationcritique et constructive vis--vis des paradigmes anthropologiques qui auplan international sont significatifs. Lorsquil est question danthropologie ensciences humaines, on se rfre :

    lvolution, lhominisation, lanthropologie ;

    1. I. Kant (1982). Schriften zur Anthropologie, Geschichtsphilosophie, Politik und Pdagogik 2,Frankfurt/Main, Suhrkamp, p. 699.

    2. I. Kant (1982). Idee zu einer allgemeinen Geschichte in Weltbrgerlicher Absicht, Frankfurt/Main, Suhrkamp, p. 31.

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  • CONTRIBUTION DES DIFFRENTES DISCIPLINES 13

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    lanthropologie philosophique dveloppe en Allemagne ;

    lanthropologie historique et lhistoire des mentalits, initie en France parles historiens et impulse par lcole des Annales ;

    la tradition anglo-saxonne de lanthropologie culturelle ;

    lanthropologie historico-culturelle1.

    3.1 Lvolution hominisation anthropologie

    Lanthropologie sattachant tudier lhomme, il coule de source dintgrerlhominisation dans lhorizon de lanthropologie si lon veut comprendre le paradigme perdu quest lhomme2. Cependant, lhominisation ne peuttre comprise que si elle est considre comme une partie de lhistoire. Sonirrversibilit et celle de lhistoire de la vie, saisie de nos jours comme uneconsquence dune organisation matrielle de soi, constituent galementune dimension de lanthropologie rflexive historico-culturelle. Tout commelanthropologie souligne le caractre historique de ses problmatiques et deses analyses, la thorie de lvolution insiste sur la chronologisation radicalede la nature et de lhominisation. Le temps et lhistoire font ainsi partie desdimensions centrales de lvolution. Lhominisation est le long processus delvolution, daustralopithque homme primitif, dhomo erectus hommemoderne, qui se ralise sous forme dune morphogense pluridimensionnellese fondant sur les effets combins de facteurs cologiques, gntiques, cr-braux, sociaux et culturels.

    Alors que la prise en compte de lvolution dans lanthropologie sert montrer la parent de toutes les vies les unes avec les autres, la longue durede lhominisation ainsi que les lois gnrales de lvolution, lanthropologiephilosophique sintresse au caractre particulier de lhomme obtenu partirde la comparaison homme-animal.

    3.2 Anthropologie philosophique

    Sa proccupation tait de comprendre lessence, la nature de lhomme engnral. Dans ce cadre, lanthropologie se concentrait sur une comparaisonentre lhomme et lanimal3. Il sagissait, dans cette comparaison, de dgagerdes points communs et des diffrences. On voulait saisir la conditio humana,

    1. Ch. Wulf (d.) (2002). Trait danthropologie historique. Philosophies, histoires, cultures, Paris,LHarmattan ; Ch. Wulf et al. (2004). Penser les pratiques sociales comme rituels. Ethnographieet gense de communauts, Paris, LHarmattan.

    2. E. Morin (1973). Le Paradigme perdu, Paris, Le Seuil.3. A. Gehlen (1986). Der Mensch. Seine Natur und seine Stellung im Kosmos, 13e d., Wiesbaden,

    Aula ; H. Plessner (1995) ; Le Rire et le Pleurer, une tude des limites du comportement humain,Paris, d. de la Maison des sciences de lHomme ; J. Poulain (2001). De lhomme. lmentsdanthrobiologie philosophiques du langage, Paris, Le Cerf.

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  • 14 TRAIT DES SCIENCES ET DES PRATIQUES DE LDUCATION

    la condition humaine . Pour cela, on rapportait la rflexion philosophiquesur lhomme aux connaissances biologiques. On voyait dans ces caractristi-ques biologiques et surtout morphologiques les conditions de la constitutionde lespce humaine. Cette perspective a eu deux consquences. Dune part,la focalisation de la recherche et de la rflexion anthropologique a alors ttranspose au corps humain. Dautre part sest dvelopp le discours gnra-lisant propos dun modle dhomme unique. Si celui-ci semble appropri lattribution de caractristiques types dune espce, comme la station verti-cale , il perd pourtant son sens lorsque lon supprime cette focalisation etque lon tend lanthropologie la recherche de la ralit historique et cultu-relle de lhomme.

    galement cette poque, la question de la relation entre vgtaux, ani-maux et hommes est centrale pour Helmuth Plessner. Daprs lui, la particu-larit de lhomme repose dans son excentricit. Elle rend possible le fait quelhomme puisse prendre conscience de son corps aussi bien sur le mode deltre que le mode de lavoir. Dun ct, les hommes ressentent, par exemple,leur main en tant que partie de leur corps. De lautre, ils considrent la maingalement en tant quorgane quils utilisent, dont ils disposent et peuventcontrler lemploi.

    3.3 cole des Annales et histoire des mentalits

    Lanthropologie connat un autre dveloppement et approfondissement en setournant vers lhistoire, comme on le peroit dans le travail historique sur desthmes anthropologiques de lcole des Annales et de lhistoire des menta-lits qui en a dcoul1. Cet alignement sur des thmes anthropologiques mne une nouvelle orientation en ce qui concerne lhistoriographie. Il complte lareprsentation et lanalyse de la diversit et de la dynamique des vnementshistoriques et des conditions sociales et conomiques de lhistoire structu-relle et sociale. De par la concentration sur des thmes anthropologiques, onen vient de plus en plus ce quaussi bien les structures sociales relles queles lments subjectifs de laction du sujet social soient thmatiss. Cestainsi que sont analyss des types de comportements humains lmentaires etdes situations de base. Au contraire des hypothses qui insistent sur le carac-tre commun tous les hommes de ces phnomnes de base, on tudie dansles sciences historiques orientes vers lanthropologie le caractre spcifi-quement historique et culturel de chacun de ces phnomnes. Les tudes deFerdinand Braudel sur la Mditerrane2, dEmmanuel Leroy-Ladurie sur le

    1. P. Burke (1990). The French Historical Revolution, the Annales School, 1929-1989, Cambridge,Polity Press ; Ph. Aris, G. Duby (1985). Histoire de la vie prive, vol. 1-5, Paris, Le Seuil.

    2. F. Braudel (1949). La Mditerrane et le monde mditerranen lpoque de Philippe II, Paris,A. Colin.

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    village de Montaillou1, de Carlo Ginzburg sur le monde des meuniers vers 1600en sont des exemples russis2. La recherche ne de ce tournant historique ettudiant les expriences lmentaires humaines ou lhistoire des mentalitsest invitablement moins dtaille. Cela est souvent d linsuffisance dessources, qui limite les possibilits des connaissances historiques. La connais-sance historique nat de la tension entre vnement et rcit, entre ralit etfiction, entre histoire structurelle et historiographie narrative3. Une dlimitationprcise entre rcit et description nest pas possible. Lhistoriographie reprsenteune fiction et une construction contrles.

    3.4 Anthropologie culturelle ou ethnologie

    Bien que lanthropologie soit le rsultat dune volution philosophique etscientifique, elle ne peut plus de nos jours faire comme sil nexistait finale-ment que lhomme europen et comme sil tait lunique chelle de mesure.Mme lpoque dune mondialisation marque dans son contenu et saforme par la culture occidentale, il est vident quil existe aujourdhui diff-rentes formes de vie humaine qui sont influences par diverses cultures loca-les, rgionales et nationales. La tradition anglo-saxonne de lanthropologieculturelle a port son attention sur cette situation. Dans ce cadre, laccentrepose sur cette diversit sociale et culturelle de lexistence humaine. Sesrecherches explicitent quel point les volutions culturelles sont htrogneset quel point sa profonde diversit reste mconnue. Cest justementlanalyse de cultures trangres qui montre quel point la comprhension estdifficile et insuffisante. Comparer des manifestations humaines dans plusieurscultures a fait comprendre quel point ltude de phnomnes culturels soulvede nouvelles incertitudes et questions. Grce lanalyse de produits culturelsprovenant de cultures htrognes, les travaux anthropologiques livrent uneimportante contribution lapprofondissement et lvolution de lanthropo-logie ; ses mthodes ethnographiques obligent se servir de sources historiques.Outre le fait de sensibiliser au caractre tranger des autres cultures, ellessensibilisent ce qui est tranger sa propre culture. Le point de vue rflexifde la perspective de lanthropologie culturelle envers les cultures europennesa contribu une volution considrable des connaissances anthropologiques4.

    1. E. Leroy-Ladurie (1975). Montaillou, village occitan de 1294 1324, Paris, Gallimard.2. C. Ginzburg (1976). Il formagio e i vermi. Il cosmo di un mugnaio del 1500, Torino, Einaudi.3. J. Le Goff (1999). Un autre Moyen ge, Paris, Gallimard.4. Cf. M. Harris (2001). The Rise of Anthropological Theory. A History of Theories of Cultures,

    Walnut Creek, Ca., Altamira Press ; E.E. Evans-Pritchard (1971). La Religion des primitifs tra-vers les thories des anthropologues, Paris, Payot ; B. Malinowski (1963). Les Argonautes duPacifique occidental, Paris, Gallimard ; M. Mead (1963). Murs et sexualit en Ocanie, Paris,Plon ; C. Lvi-Strauss (1955). Tristes Tropiques, Paris, Plon.

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  • 16 TRAIT DES SCIENCES ET DES PRATIQUES DE LDUCATION

    3.5 Anthropologie historico-culturelle

    De la confrontation avec la rflexion philosophique est ne une critique delanthropologie qui est constitutive de lanthropologie en sciences humaines.Elle se concentre sur les objets, les thmes et les mthodes dacquisitiondu savoir par la recherche. La situation spcifique de lhomme dans lemonde , la comparaison avec lanimal ou la machine ne reprsentent plusle centre dintrt de lanthropologie. Au lieu de cela, de nombreuses recher-ches historiques et culturelles se concentrent sur ltude et la comprhensionde la diversit culturelle de la vie sociale. On remarque lintrt particuliertrs prononc pour ltude de phnomnes actuels. De ce qui dcoule de macomprhension, les recherches de lanthropologie rflexive historico-cultu-relle ne sont plus seulement laffaire de lhistorien, comme ctait encore lecas dans le cadre de lcole des Annales. Dans la continuit de cette compr-hension plus large, lanthropologie historico-culturelle est une orientationvers les sciences humaines et sociales. Elle touche lhistoricit et la cultu-ralit de la culture et de ses phnomnes, leur tude ainsi quune rflexionprenant en compte des problmatiques et perspectives ethnologiques et phi-losophiques. Voue cette tche, elle apporte une importante contribution lautocomprhension et lauto-interprtation des cultures et socitsdaujourdhui. Dans ce processus de comprhension culturelle, ces recher-ches peuvent rapidement courir le danger de ne pas dpasser le niveau deleurs propres connaissances. Pour cela, la rflexion sur sa relation avec lepouvoir et le savoir est ncessaire, ainsi que la mise jour des implicationsnormatives involontaires de ses recherches. La critique de lanthropologie estun lment constitutif de lanthropologie historique qui mne une inscu-rit pistmologique et remet en doute la concordance entre le nom delhomme et le nom de lessence, de la logique du concept didentification,de la porte hermneutique, de lhistoire en tant quhistoire du progrs et delacquisition, et du sujet en tant que champ de conscience monocentral etconstitutif dans son rapport au monde.

    Dans ce cadre, lanthropologie historico-culturelle dsigne les multiplesefforts transdisciplinaires et transnationaux pour venir bout de lide uni-verselle dune norme anthropologique abstraite et pour continuer analyserdautres phnomnes humains. Lanthropologie historico-culturelle est cequi est commun lhistoire et aux sciences humaines. Elle ne se perd pour-tant ni dans une histoire de lanthropologie en tant que discipline, ni dans unecontribution lhistoire en tant que discipline de lanthropologie. Elle essaieplutt de mettre en relation lhistoricit et la culturalit de ses perspectiveset mthodes avec lhistoricit et la culturalit de son objet. Lanthropologierflexive historico-culturelle peut, par consquent, mettre en commun lesrsultats des sciences humaines avec ceux dune critique de lanthropologiefonde sur la philosophie historique et les faire fructifier pour crer denouvelles problmatiques. Au centre de ces efforts rgne une agitation de la

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    pense et de la recherche qui ne peut tre apaise. Lanthropologie historiquenest pas limite certains espaces culturels ou bien des poques particu-lires. Dans la rflexion sur sa propre historicit et sur sa propre conditionculturelle, elle russit laisser derrire elle autant leurocentrisme des scien-ces humaines que lintrt finalement antiquaire pour lhistoire et donner lapriorit des problmes actuels ainsi que futurs1.

    4 Thmes anthropologiques

    Les trois complexes thmatiques qui vont tre traits titre dexemples dansce qui suit vont permettre dillustrer les buts fixs et de mettre en pratique lamthode de travail prne pour lanthropologie rflexive orientation histo-rique et culturelle ; ces thmes sont : le corps, lapprentissage mimtique, lerituel et la performativit.

    4.1 Le corps

    Le point de rfrence le plus important des tudes anthropologiques actuellesest le corps, ce qui tait dj le cas lors de lanthropologie philosophique.Celle-ci sappuyait sur lanthropologie biologique et se concentrait principa-lement, dans la premire moiti du sicle pass, sur ltude de la diffrenceentre corps animal et corps humain. On considrait alors que les caractristi-ques de lhomme taient : la notnie, lanne prmature extra-utrine ,lhiatus entre stimulus et raction, la marche en station verticale, le volumedu cerveau, etc.

    Avec le retour du corps qui allait se rvler primordial pour lvolutionde lanthropologie historique, le corps continua constituer un thme centralde la recherche anthropologique2. Avec la fin de lanthropologie normative,le corps ntait plus tudi sous son aspect de corps du genre humain, maissous celui des corps individuels, produits de lhistoire et la culture. Il nestplus question de se mettre en qute du corps humain, mais de ltude de ladiversit des corps humains et de leurs formes dexpression et de reprsenta-tion diffrentes du point de vue culturel et historique. Les discussions qui onteu lieu ces dernires dcennies oscillent entre des positions mettant en valeurla matrialit et la continuit des corps, et dautres, motives par lapparitiondes nouveaux mdias et des technologies du vivant, avanant au contraireune transformation lincidence profonde sur sa matrialit.

    1. Cf. les ouvrages de Ch. Wulf : Anthropologie de lducation, Paris, LHarmattan, 1999 ; Traitdanthropologie historique. op. cit. ; Penser les pratiques sociales comme rituels, op. cit.

    2. B. Andrieu (2005). Dictionnaire du corps, Paris, d. du CNRS ; Ch. Wulf, D. Kamper (d.)(2002). Logik und Leidenschaft, Berlin, Reimer ; D. Le Breton (1990). Anthropologie du corpset modernit, Paris, PUF.

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  • 18 TRAIT DES SCIENCES ET DES PRATIQUES DE LDUCATION

    Indpendamment des prvisions quant aux volutions futures, on constateune certaine unanimit au sujet de limportante prdominance des imagesdu corps dans les processus culturels de mise en thme et dinterprtation desoi. Les analyses historiques retraant la naissance du corps moderne ontdpeint celle-ci sous laspect de ses processus constitutifs de distanciation etde discipline, de la mise en vidence lextrieur de lintrieur et de lauto-observation, de la volont de savoir et du corps en tant que forme de lexten-sion du pouvoir. Ce qui constitue le centre dintrt des recherches actuellessur le corps sont des questions touchant la dmatrialisation, technologi-sation, fragmentarisation, le rapport la sexualit et la performativit ducorps.

    4.2 Apprentissage mimtique

    Mimsis nest pas seulement un concept esthtique, mais aussi anthropolo-gique. Des processus mimtiques jouent premirement un rle importantdans la vie sociale ; nous acqurons la plupart de nos comptences socialesdans des processus mimtiques. Deuximement, les processus mimtiquesne sont pas des processus de copie, ni de simple imitation. Ce sont des pro-cessus actifs et cratifs dans lesquels on tire de quelquun ou de quelquechose une impression partir de laquelle on accomplit ses propres actes etuvres. Il nexiste pas de simple rptition dans lagir humain. Chaque rp-tition est une transformation, parfois mme une nouvelle cration ; ceci vauten particulier pour les processus mimtiques dans lesquels la rfrence unmodle ou un autre monde au sens large est justement ce qui permet decrer quelque chose de tout fait nouveau. Le modle ou le monde de rf-rence sont ncessaires pour produire quelque chose de nouveau dans lagirpersonnel, dans laction sociale. Bien souvent, la condition motivant un actede rfrence est le souhait de devenir comme celui-ci ; nanmoins devenirle semblable de celui-ci nest pas un pralable impratif pour la naissance deprocessus mimtiques. Ce qui est bien plus dcisif est quune relation soittablie : celle-ci peut par principe tout aussi bien se traduire par une dmar-cation, par le souhait de ne pas tre comme lAutre.

    Je tiens montrer combien cette dimension mimtique est importante etfrquente dans la vie sociale. La mimsis ne doit pas tre comprise en ce senserron qui ferait de celle-ci un phnomne universel. Les actes ne sont mim-tiques que :

    sils sont des mouvements se rfrant dautres mouvements ;

    sils peuvent tre considrs comme des scnes physiques qui possdentalors un aspect reprsentatif et dmonstratif ;

    et sils sont non seulement autonomes et capables dtre compris deux-mmes, mais aussi sils se rfrent dautres actes ou dautres mondes.

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    On ne peut parler dactes sociaux mimtiques que quand ces trois condi-tions sont remplies. On exclut ainsi les actes non physiques tels que lescalculs mentaux, les dcisions, les rapports structurels, ainsi que les compor-tements rflchis ou routiniers, mais aussi les actes exceptionnels, uniques etles violations de rgles1.

    4.3 Rituel et performativit

    Les rituels ne sont pas dissociables des questions et des perspectives deshommes qui sexpriment en eux et des chercheurs qui les examinent. Le faitquune action soit considre comme un rituel dpend de processus de sym-bolisation et de construction. Un point de vue important pour la classificationdes rituels consiste les diffrencier selon leurs diffrents motifs. laide dece critre, on peut tablir une typologie qui montre que les rituels et les ritua-lisations jouent un grand rle dans de nombreux rapports sociaux :

    les rituels de passage (la naissance et lenfance, linitiation et ladoles-cence, le mariage, la mort) ;

    les rituels dinstitution ou de prise de fonctions (la prise en charge de nou-velles tches et de nouvelles positions) ;

    les rituels calendaires (Nol, les anniversaires, les commmorations, lesftes nationales) ;

    les rituels dintensification (les ftes, lamour, la sexualit) ;

    les rituels de rbellion (les mouvements de libration, les mouvementscologiques, les rituels de jeunesse) ;

    les rituels dinteraction (les salutations, les aurevoirs, les conflits).

    En classant ainsi les formes dapparition et les effets de lagir rituel2, onconsidre au dpart que les phnomnes rituels se situent tous au mmeniveau et ont tous la mme importance. On renonce utiliser les mots de rituel ou de ritualisation comme des termes gnriques qui dtermi-neraient les points communs de diffrents phnomnes rituels. Il nexisteainsi aucune possibilit danalyse structurelle des phnomnes rituels quiaurait pour but den faire ressortir les points communs, mais cette analyse estpourtant indispensable une tude compare des rituels, tude qui examineles conditions de construction et les fonctions des actions rituelles, par exemplepour faire ressortir comment lespace et le temps y sont structurs, quels sont

    1. G. Gebauer, Ch. Wulf (2005). Mimsis. Culture Art Socit, Paris, Le Cerf ; P. Ricur (1983-1985). Temps et rcit, vol. 1-3, Paris, Le Seuil ; R. Girard (1982). Le Bouc missaire, Paris,Bernard Grasset.

    2. Ch. Wulf, M. Ghlich, J. Zirfas (2001). Grundlagen des Performativen. Eine Einfhrung in dieZusammenhnge von Sprache, Macht und Handeln. Weinheim, Mnchen, Juventa ; G. Gebauer,Ch. Wulf (2004). Jeux, rituels, gestes. Les fondements mimtiques de laction sociale, Paris,conomica.

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  • 20 TRAIT DES SCIENCES ET DES PRATIQUES DE LDUCATION

    les objets et les symboles que lon y manipule et comment, quelles actions ysont ralises, qui les ralisent et comment, et quels rles y jouent les gestes,le langage et la musique1.

    Les rituels se composent de squences daction ordonnes dans le tempsdans lesquelles les sujets sociaux assument des rles diffrents, par exemplespectateurs ou remplaants dautres personnes. Les rituels utilisent des objetsrvlateurs, des moyens symboliques et des arrangements gestuels et scni-ques expressifs ; ils crent, conservent et transforment la socit. Ils structu-rent le temps de la communaut en modelant un prsent qui se rfre au passet se projette la fois dans le futur. Les rituels oprent en tant que mises enscne du corps, actions symboliques, spectacles esthtiques et vnementsthiques. Ils sont produits, transfrs et faonns en processus mimtiques ;ils ont des consquences individuelles et sociales profondes et se rfrent laltrit ; ils mettent en forme les relations sociales et oscillent entre conflitet intgration. De ces rflexions ressortent des lments caractristiques deleur structure, dimensions importantes pour lanalyse des actions rituelles.Parmi ces lments, il y a lambigut, le temps, laltrit, les relations socia-les, conflit et intgration, action symbolique et arrangement scnique.

    Dans la lutte politique ou dans le conflit de gnrations aussi, des rituelsjusqualors inexistants, et dont leffet rside justement dans leur caractreinnovateur, sont invents et mis en uvre. Comme les rituels hrits dupass, ces nouveaux rituels lient des groupes en une communaut et, par leurralisation, permet celle-ci de se dmarquer des autres communauts et desautres groupes. En crant de nouveaux rituels, une communaut accentue sadiffrence par rapport dautres groupes et sassure delle-mme en mettantses propres rituels en scne et en sy identifiant. De ce processus mergedu sens pour la communaut, relatif ses buts et son sentiment dexistence.Le pouvoir social des actions rituelles tient ce quelles permettent aux mem-bres dune communaut davoir des sensations et des interprtations diff-rentes de la mme mise en scne rituelle et dobtenir ainsi en un mme momenthomognit et diffrence.

    Les reprsentations rituelles mettent en scne des situations ou des dramessociaux qui refltent des valeurs culturelles essentielles. Que les participantsen prennent conscience pendant la reprsentation ou non, ceci est secondaire.Ce qui importe, cest que les membres de la communaut prennent part cesvaleurs en participant la reprsentation rituelle.

    Les rituels ont un aspect corporel, performatif, scnique, expressif, spon-tan et symbolique ; ils sont rguliers, non instrumentaux et efficients2. Ils ne

    1. Voir A. van Gennep (1909). Les Rites des passages, Paris, Noumy ; les ouvrages de E. Goff-man : La Mise en scne de la vie quotidienne, t. I : La Prsentation de soi, Paris, d. de Minuit,1973 ; Les Cadres de lexprience, Paris, d. de Minuit, 1991 ; C. Geertz (1986). Savoir local,savoir global. Les lieux du savoir, Paris, PUF ; V. Turner (1990). Le Phnomne rituel. Structureet contre structures, Paris PUF ; C. Rivire (1995). Les Rites profanes, Paris, PUF.

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    sont pas sans ambigut ; en gnral, ils unissent ce qui est htrogne etcontradictoire dans leur arrangement scnique. Dun ct, ils ritrent desarrangements scniques avec leurs structures, leurs ordres traditionnels etleurs rapports de force. Dun autre ct, ils prennent de nouvelles formes,sont spontans et articulent des forces innovatrices ; les rituels de rsistancedes sous-cultures de jeunes et les rituels relevant du style de vie en sont desexemples. On ne peut que partiellement les dcrire si lon utilise les dis-tinctions suivantes : rationnel et irrationnel, logique et motionnel, cognitifet affectif. Au contraire, les rflexions qui comprennent les rituels commedes formes du social semblent primordiales. Dans ce cas, on considre lestraits caractristiques cits ci-dessus comme des aspects de lagir social. Oncomprend la rptition, larrangement scnique, le caractre symbolique etlexpressivit la ritualisation comme des lments constitutifs de lagirsocial et du social.

    5 Perspectives

    Lanthropologie rflexive historico-culturelle est une anthropologie pouvantpanouir sa fcondit : elle tient compte de la double historicit de ses objetset de ses propres mthodes et problmatiques de recherche, ce qui lui vautdacqurir une signification constitutive dans lducation et la recherche ensciences de lducation. Quant son contenu, il est illimit. Les trois champsde recherche qui ont ici t esquisss possdent une signification exemplaire.Leur point commun est limportance primordiale de lapprentissage mimti-que pour la constitution de lindividu et de la communaut. Ces recherchesouvrent lhorizon de nouvelles analyses qui prennent en compte un principeintangible de la recherche anthropologique : en faire le tour est impossible ;ce qui correspond limpossibilit de principe de russir sonder lhomoabsconditus sous toutes ses facettes.

    Lectures conseilles

    AUG M. (1994). Pour une anthropologie des mondes contemporains, Paris, Flam-marion.

    CASTORIADIS C. (1975). LInstitution imaginaire de la socit, Paris, Le Seuil.

    GEBAUER G., WULF Ch. (2004). Jeux, rituels, gestes. Les fondements mimtiques delaction sociale, Paris, conomica.

    GEBAUER G., WULF Ch. (2005). Mimsis. Culture Art Socit, Paris, Cerf.

    2. Ch. Wulf et al. (2004). Penser les pratiques sociales comme rituels. Ethnographie et gense decommunauts, op. cit., et Bildung im Ritual. Schule, Familie, Jugend, Medien, Wiesbaden,Verlag fr Sozialwissenschaften, 2004.

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  • 22 TRAIT DES SCIENCES ET DES PRATIQUES DE LDUCATION

    GEERTZ C. (1986). Savoir local, savoir global. Les lieux du savoir, Paris, PUF.

    GOFFMAN E. (1974). Les Rites dinteraction, Paris, d. de Minuit.

    LE BRETON D. (1990). Anthropologie du corps et modernit, Paris, PUF.

    LE GOFF J. (1999). Un autre Moyen ge, Paris, Gallimard.

    LVI-STRAUSS C. (1955). Tristes Tropiques, Paris, Plon.

    MALINOWSKI B. (1963). Les Argonautes du Pacifique occidental, Paris, Gallimard.

    MORIN E. (2001). La Mthode 5. Lhumanit. Lidentit humaine, Paris, Le Seuil.

    PLESSNER H. (1995). Le Rire et le Pleurer, une tude des limites du comportementhumain, Paris, d. de la Maison des sciences de lHomme.

    RIVIRE C. (1995). Les Rites profanes, Paris, PUF.

    WULF Ch. (1999). Anthropologie de lducation, Paris, LHarmattan.

    WULF Ch. (d.) (2002). Trait danthropologie historique. Philosophies, histoires,cultures, Paris, LHarmattan.

    WULF Ch. (2006). La Gense du social, Paris, Ttradre, paratre.

    WULF Ch. et al. (2004). Penser les pratiques sociales comme rituels. Ethnographie etgense de communauts, Paris, LHarmattan.

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    2 LAPPORT DE LHISTOIRE1

    Proposer une rflexion sur lapport de lhistoire aux sciences de lducationest doublement prilleux. Le champ, dabord, connat une croissance impres-sionnante. Il y a quarante ans, il tait dsert. Les livres taient rares et souventanciens : une anne suffisait pour lire lensemble de la littrature historiqueconsacre lenseignement franais des XIXe et XXe sicles. Aujourdhui, lesthses fleurissent, les rayons des bibliothques se garnissent, des chairesexistent, dans les dpartements dhistoire, de sciences de lducation, voiredans certains IUFM. Le service dhistoire de lducation dvelopp par lINRPet le CNRS a cr des outils de travail : rpertoires de sources, dictionnairesbiographiques, guides, collections de textes officiels. Depuis 1978, il publieune revue trimestrielle, Histoire de lducation, qui comprend chaque anneun numro thmatique et un numro double consacr la bibliographie dudomaine. Qui pourrait prtendre matriser un champ aussi vaste ?

    Le second risque est plus grave : il tient la nature mme de lexercice.Le sujet appelle le plaidoyer pro domo. En effet, le lecteur sattend ce queje montre combien essentiels sont les apports de lhistoire aux sciences delducation. Je me dois de dfendre ma discipline, quau demeurant personnenattaque et qui beaucoup accordent un prestige probablement excessif.Bref, la rhtorique du sujet conduit des variations sur le thme : hors delhistoire, point de salut , variations dautant plus loquentes quvidem-ment sincres. Il mest pourtant difficile de tenir ce discours en toute bonnefoi, sans lui apporter un correctif majeur. Dun point de vue pistmologique,lhistoire ne mrite pas un statut privilgi dans lensemble des sciencessociales. Lhistoire nest pas la proprit des historiens et ils nen ont pas lemonopole : tout le monde fait, peu ou prou, de lhistoire. En effet, lhistoire

    1. Par Antoine Prost.

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  • 24 TRAIT DES SCIENCES ET DES PRATIQUES DE LDUCATION

    se dfinit fondamentalement par une question que chacun se pose un momentou un autre : la question diachronique, celle du temps, des origines, deschangements, des volutions. Elle est la diagonale temporelle qui questionnetoute science. Elle ne met en uvre aucune mthode propre qui la diffren-cierait radicalement. Comme les autres sciences sociales, elle se meut danslunivers non popprien du raisonnement naturel , pour reprendre la formulede J.-C. Passeron. La mthode critique nest gure plus quune liste derecommandations de bon sens pour qui veut ntre pas dupe de ses sources :mieux vaut, en effet, que le tmoin ait assist aux vnements quil raconte,et que le papier sur lequel il crit ne date pas dune poque diffrente.Aucune de ces vrifications ne demande dapprentissage spcial, sauf quandil sagit de documents trs particuliers, inscriptions antiques, critures mdi-vales, etc. Pas davantage le travail darchive nest le propre des historiens :beaucoup de contribuables le pratiquent quand ils plongent dans les papiersdu mnage pour rdiger leur dclaration de revenu. Quant lexplicationhistorique, elle est souvent dune grande simplicit, comme le note P. Veyneavec son humour implacable :

    Par amour de la gloire, ce qui est bien naturel, le roi fit la guerre et futvaincu cause de son infriorit numrique, car, sauf exception, il est normalque les petits bataillons reculent devant les gros. Lhistoire ne dpasse jamaisce niveau dexplication trs simple : elle demeure fondamentalement un rcitet ce quon nomme explication nest gure que la manire qua le rcit desorganiser en une intrigue comprhensible.

    Lexplication narrative ne met en uvre aucune comptence propre. Lhis-torien qui explique les origines de la guerre de 1914, par exemple, ne rai-sonne pas autrement que le tmoin qui explique laccident aux gendarmesvenus le constater : la voiture venait un peu vite, la chausse avait t rendueglissante par la pluie et le conducteur a frein mais na pu viter la vieilledame qui traversait. Ces remarques liminaires nont pas quune fonction decaptatio benevolentiae. Elles sont une invitation adresse chacun. Si lhis-toire nest pas le monopole des historiens, lapport de lhistoire ne se confondpas avec celui des historiens et il revient chaque chercheur dintgrer sadmarche une dimension historique. Cest la porte de tous, et lhistoiremrite mieux que la position liminaire qui est souvent la sienne dans lesouvrages des sociologues. Lui rendre hommage dun coup de chapeau par unchapitre introductif traduit en fait une grande mconnaissance de lenrichis-sement quelle peut apporter. Au demeurant, les questions quelle pose nepeuvent tre cartes sans dommages collatraux.

    1 La question du temps : de quand a date ?

    La premire question de lhistoire est celle des origines. une vision troppelliculaire qui se limite au temps prsent, lhistoire oppose une remonte dans

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    le temps, dmystificatrice. La construction sociale du temps conduit souvent,en effet, comme le notent les anthropologues, opposer laujourdhui unautrefois largement imaginaire, construit par diffrence et souvent revtu desprestiges dont le prsent est dpourvu. Ou charg au contraire de tous lesmaux que lon combat au jour le jour. Construction nostalgique ou idologi-que, mais toujours imaginaire, et que lhistoire met la question sans piti.En quoi elle est toujours rvisionniste. Remonter le temps lamne souvent constater que les choses ntaient pas ce que lon croit aujourdhui quellestaient. On a beaucoup dnonc par exemple limprialisme linguistique dufranais, et lon a prsent les instituteurs de la Rpublique comme les agentsdune entreprise de destruction des identits rgionales voulue par Paris.J.-F. Chanet a montr, preuves lappui, que tout au contraire les instituteurs,et mme les coles normales, avaient prserv le folklore local et cultiv lestudes rgionalistes. La gnralisation du franais nest pas le fait dun colo-nialisme culturel intrieur mais une rponse un dsir de promotion venuden bas.

    Autre exemple, celui du dveloppement des salles dasile au XIXe sicle,tudi par J.-N. Luc. Comme il concide chronologiquement avec le dvelop-pement du travail fminin en atelier ou en usine, beaucoup dauteurs lexpli-quent par les besoins de garde des enfants : pour mettre les mres de familleau travail, le capitalisme conqurant aurait cr des structures daccueil. Maislhistorien ne relve aucune corrlation globale entre lindustrialisation et ledveloppement des salles dasile. Et quand, changeant dchelle, il examineles crations dans tel ou tel dpartement, il en dcouvre trs prcocementdans des rgions rurales o elles ne prsentent aucun intrt conomique.Leurs crateurs obissent en fait des motifs pdagogiques et philanthropi-ques.

    Cette remonte du temps donne aux questions dducation une profondeurde champ qui en accrot la complexit. Posez un historien la question de laviolence dans les tablissements scolaires : il commencera par se demanderde quand elle date. Cest comme un rflexe : on reconnat le discours de lhis-torien au fait quil est truff de dates. Dans le cas prsent, une relecture histo-rique de la littrature sociologique rserve des surprises. En 1979, lun desdouze collges tudis par D. Paty, Les Horzins, prsente toutes les caract-ristiques des actuels tablissements de ghetto suburbain lauteur emploiedj ce terme. Les lves sont prsents comme instables, nerveux, agressifs,violents. Ils sont dphass, ils russissent mal Les plus grands se sententprofondment dvaloriss. Ils pensent quils seront au chmage, renvoysdans leur pays, etc. la question : Pourquoi les lves cassent-ils ou ab-ment-ils du matriel ? , un lve de troisime rpond : Pour que lcolesoit en ruines et pour ne pas travailler.

    Quinze ans plus tt encore, dans sa clbre tude du chahut anomique,D. Testanire pointait lmergence du refus de linstitution scolaire. Dans lecas limite dun lyce technique, les manifestations de dviance observes

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    sont trs graves : insultes envers les ducateurs, dprdations trs nombreu-ses, vols, absences illgales, fraudes nombreuses aux compositions, et mmeparfois actes de dlinquance commis en groupe au retour de lcole. Lesparents, dans lensemble, justifient la conduite de lenfant, de peur quil nesoit exclu. Des rvoltes collectives ont lieu, le plus souvent dans les cou-loirs . Lintensit de la crise urbaine et conomique des dernires annes dusicle ne suffit pas expliquer un phnomne dont lapparition remonte auxTrente Glorieuses.

    La remonte dans le temps est particulirement importante dans les ques-tions dducation pour deux raisons. Dabord, lducation est en charge de latradition, et non de linnovation comme la recherche : sa mission propre estde transmettre un hritage linguistique, culturel, historique. Et si les structu-res ducatives ont beaucoup volu, lenseignement lui-mme, les pratiquespdagogiques semblent se perptuer sans rupture. Pourtant une tradition peuten cacher une autre. Un dbat rcurrent oppose pdagogues novateurs etdfenseurs de lenseignement traditionnel, des mthodes qui ont fait leurspreuves , de la dicte aux dissertations. Mais quand remonte cette tradi-tion ? En simplifiant beaucoup, car les volutions pdagogiques prennentdes dcennies, la mutation de lenseignement secondaire date de la fin duXIXe sicle. Ltudier, cest dcouvrir une tradition antrieure, centre sur latransmission de grands textes anciens, traduits, comments, appris et imits.

    Pdagogie dcrite par A. Bruter par exemple sous lAncien Rgime, et quirgnait encore dans les tablissements secondaires des deux premiers tiers duXIXe sicle, quand les lves passaient moins de temps en cours avec leur rgent quen tude crire leurs devoirs quotidiens. De cette plusancienne tradition , o lexercice prvalait sur le cours et lcrit sur loral,il subsiste aujourdhui comme une trace archologique : nous jugeons naturelquun seul professeur enseigne la fois le franais, le latin et le grec, lins-tar des rgents dautrefois, alors que la seule ide de professeurs bivalents suscite la rprobation de tous les dfenseurs de la tradition la plusrcente. De mme, les travaux dA. Chervel ont beaucoup contribu dissi-per lide trop simple dune correspondance directe entre les savoirs univer-sitaires et les disciplines enseignes : la grammaire des coles nest pas lasimplification dune grammaire savante, elle a t invente par les matresdcole du XIXe sicle qui ont imagin lanalyse grammaticale pour enseignerlorthographe.

    Dautre part, lducation est un domaine travers de dbats rcurrents, oles clivages ne cessent de rejouer , comme les failles des gologues.Lexemple du conflit scolaire et de ses multiples rebondissements simposeaussitt, mais il en est dautres, comme celui des pdagogues et des antipda-gogues, dont le dbat autour des TPE (travaux personnels encadrs) nest quele dernier pisode. Impossible den saisir loriginalit sans le confronter auxpisodes antrieurs, autour des modules il y a dix ans, du tutorat il y avingt ans, du travail autonome dix ans plus tt On peut remonter plus loin

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  • CONTRIBUTION DES DIFFRENTES DISCIPLINES 27

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    encore, aux discussions qui prcdent et suivent la rforme de 1902, voireaux discours des fondateurs de la Rpublique. La rptition, dans des contex-tes changeants, des mmes discours, toujours vains, ne laisse pas dinterrogersur les fondements dune si constante rsistance au changement. Et en mmetemps elle risque de faire ngliger les diffrences qui donnent chaque pi-sode sa couleur, sa signification et son importance. La remonte dans letemps doit conduire faire la part des permanences et des changements.

    2 La question du changement : force des choses et jeu des acteurs

    La seconde grande question que pose lhistoire mais cest lavers de la pre-mire est celle du changement. Pourquoi les choses changent-elles unmoment donn, et pas dautres ? Quest-ce qui fait quelles changent ? Pourtenter de rpondre, lhistorien marie des dmarches trs diffrentes. Dabord,il contextualise. Lun des prsupposs quil partage avec certains sociolo-gues, mais dont un Simiand faisait grief Seignobos, est ce que les Alle-mands appellent le Zussamenhang : le fait que les diffrents lments dunepriode donne vont ensemble , quils sont plus ou moins interdpendantset sclairent les uns par les autres. La partie, ici, sexplique par le tout. Pourexpliquer ce qui change dans lducation, lhistoire prend donc en comptelensemble du contexte.

    Si lon veut comprendre par exemple les transformations morphologiquesmajeures du systme ducatif dans les annes 1960, avec les collges, lesnouveaux bacs, le glissement des formations techniques de deux ans verslaval, la rforme de lenseignement suprieur, et leffervescence pdagogi-que qui culmine au colloque dAmiens, deux mois avant les vnements de1968 qui sinscrivent dans cette squence, il faut se replacer dans le contextedes Trente Glorieuses, de leur dmographie positive, des transformations dela main-duvre, du dsir de promotion que la hausse du pouvoir dachatsuscite chez les parents pour leurs enfants ; il faut tenir compte du change-ment de rgime, de la fin de la guerre dAlgrie, de la volont politique demodernisation qui bouleverse au mme moment lagriculture, lurbanisme, larecherche ; et ne pas oublier les changements culturels, la transformation desstandards sexuels dont tmoigne la loi Neuwirth, la vulgarisation dune cer-taine psychologie, lducation familiale qui se fait permissive, la puriculturequi donne un rle central laffectivit et abandonne les langes pour les cou-ches jetables que lindustrie invente point nomm, etc. Lenqute historiqueabandonne alors la perspective diachronique pour une synchronie qui posede redoutables problmes. Relever des concordances ne suffit pas, en effet :il faudrait identifier les mdiations, les liens qui unissent entre eux cesphnomnes, il faudrait les hirarchiser et identifier les facteurs dcisifs, lesconditions dterminantes.

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    Or ce type danalyse bute trs vite sur des causalits circulaires et finit pardonner valeur explicative la conjonction de tous ces facteurs : cest leurcombinaison qui explique les rformes. On risque alors, si lon ny prendgarde, de conclure la force des choses, qui est la forme molle du dtermi-nisme. Dans ce paradigme, les choses tant ce quelles sont par ailleurs, cequi se passe dans lenseignement obit une logique quon a vite fait de pen-ser inexorable. Cest le chemin quont emprunt, en le simplifiant abusive-ment, certaines histoires de lenseignement technique dinspiration marxiste,qui ont trouv dans lvolution du systme de production leur explicationcentrale. En fait, les choses ne sont pas si simples, et il faut revenir la narra-tion du changement pour articuler la force des choses et le jeu des acteurs,comme dans lexemple donn plus haut, le tmoin de laccident intgraitdans un mme rcit une condition objective, la chausse glissante et la res-ponsabilit dun individu, la vitesse excessive. G. Brucy a montr, traverslhistoire des diplmes de lenseignement technique, des luttes autour despreuves dexamen, de leur notation, de leur poids respectif, des choix desujets, de correction et de jury, comment se combinent les contraintes mat-rielles ou conomiques, la volont de ladministration, celle des professions,dans leur feuilletage national et local, et les volutions des qualifications.Autoriser en 1919 les lves des coles passer le CAP qui, sa cration en1911, leur tait ferm, savre ainsi un choix qui aurait pu ne pas tre fait, etqui porte consquences pour la suite. Cest dire quen mme temps quillargit sa perspective lensemble du contexte, lhistorien doit aussi se foca-liser sur lhistoire des dcisions. Il doit sans cesse aller des structures, desconditions objectives, aux circonstances, lvnement. Cest le seul moyendchapper ce que R. Aron appelait lillusion de la fatalit .

    La dcision cependant nest jamais le fait dun acteur solitaire : le dci-deur unique et tout-puissant est un mythe analogue la sorcire ou lafe des contes denfant. Les acteurs sont toujours pluriels : les ministres onttoujours des conseillers et des directeurs, et des relais rgionaux, dparte-mentaux ou loca