35
Traitement et mise en valeur de l’information dans La Presse de 1884 à 1915: des transformations inspirées par la volonté de plaire Article (révisé) soumis à la Revue canadienne d’études médiatiques Par Judith Dubois, professeure École des médias (Faculté de communication) Université du Québec à Montréal Septembre 2012

Traitement et mise en valeur de l’information dans …Traitement et mise en valeur de l’information dans La Presse de 1884 à 1915: des transformations inspirées par la volonté

  • Upload
    others

  • View
    2

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Traitement et mise en valeur de l’information dans La Presse de 1884 à 1915: des transformations inspirées par la volonté de plaire

Article (révisé) soumis à la Revue canadienne d’études médiatiques

Par

Judith Dubois, professeure

École des médias (Faculté de communication)

Université du Québec à Montréal

Septembre 2012

1

La presse écrite a connu d’importantes transformations au Québec au tournant du XXe

siècle. Il s’agit d’une période marquante dans l’histoire du journalisme au cours de laquelle les

journaux d’opinion, d’allure austère et à faible tirage, ont subi une décroissance importante au

profit des journaux d’information, plus attrayants et diffusés sur une vaste échelle (de Bonville

1988, Beaulieu et Hamelin 1966). Des innovations technologiques, la transformation de

l’économie, le développement des moyens de communication et de transport, l’accroissement de

l’urbanisation ainsi que le recul de l’analphabétisme auraient contribué à l’instauration d’une

nouvelle façon de produire et de présenter l’information.

Si différents facteurs sont à l’origine du développement du journalisme d’information,

leur contribution converge pourtant vers un point : la nécessité de plaire à un large public. Ainsi,

contrairement au journal d’opinion qui défend des idées politiques et dont le contenu doit être

conforme aux intérêts des mécènes qui le financent et de l’élite qui s’y abonne, le journal

d’information profite de la manne que représente la publicité au tournant du XXe siècle pour se

développer, ce qui influence fortement son approche de l’information. Comme le précisent les

auteurs Brin, Charron et de Bonville (2004), on réalise « qu’en délaissant les débats politiques,

sources de division dans la population, au profit de contenus plus susceptibles d’intéresser un

grand nombre de lecteurs, même parmi les moins scolarisés, les journaux peuvent accroître

substantiellement leur lectorat et, par conséquent, leurs revenus publicitaires » (3). L’afflux de

nouveaux revenus publicitaires permet dès lors aux journaux qui ont du succès d’investir les

ressources nécessaires pour devenir plus attrayants et accroître davantage leur diffusion. À

condition, bien sûr, qu’ils s’assurent d’offrir à leurs lecteurs « ce qu’ils désirent ».

2

Les éditeurs de journaux québécois ne disposent pourtant pas d’outils très précis, à cette

époque, pour sonder les goûts du public. À défaut d’avoir une idée claire des préférences de leurs

lecteurs potentiels, ils peuvent néanmoins suivre l’exemple de leurs voisins américains chez qui

se développe le « nouveau journalisme »i entre les années 1880 et 1890, tendance qui se propage

ensuite en Europe et au Canada (Rutherford 1975, de Bonville 1999). Le New York World de

Pulitzer (1883) et le New York Journal de Hearst (1895) en sont les précurseurs (Albert et Terrou

1979, 61-62) et leur succès fait boule de neige. Ainsi, «pas plus que leurs mères patries

respectives, le Canada et le Québec ne peuvent se soustraire à l’influence des nouvelles formes de

journalisme dont la presse américaine fait l’expérience» (de Bonville 1999, 73).

La première caractéristique du « nouveau journalisme » est sans contredit la place

prépondérante accordée aux nouvelles, par opposition aux commentaires et articles d’opinion

(Beaulieu et Hamelin 1966, de Bonville 1988, 1999). Même si la nouvelle a toujours été présente

dans les journaux, le « nouveau journalisme » fait en sorte que le récit des événements de

l’actualité quotidienne se déploie maintenant sur toute la surface du journal et soit mis en

évidence dès la première page, la une, qui devient la vitrine du contenu. Cette nouvelle tendance

favorise les nouvelles de proximité. D’après de Bonville (1988), le public s’intéresse à tout ce qui

se passe autour de lui, dans sa ville ou dans sa paroisse (287). Pour offrir des nouvelles plus

fraîches et en plus grande quantité à leurs lecteurs, les propriétaires de journaux envoient des

journalistes sur le terrain ratisser les nouvelles locales et régionales. On crée ainsi une nouvelle

catégorie de journalistes, les reporters, dont les fonctions se distinguent de celles des rédacteurs

(157-204). Cette pratique modifie non seulement l’accès à l’information mais également le

traitement de la nouvelle: les reportages offrent des récits de plus en plus longs et plus détaillés.

3

Les journaux qui adhèrent au « nouveau journalisme » exploitent par ailleurs l’aspect

sensationnel des nouvelles afin de susciter l’intérêt des lecteurs. Cette approche, baptisée

« yellow journalism », consiste à « donner au public ce qu’il demande, c’est-à-dire non pas tant

de l’information que des sensations » (de Bonville 1999, 80). Ainsi, « vol, meurtre, accident

mortel, incendie désastreux occupent le premier plan du journal » (de Bonville 1988, 227).

D’après Beaulieu et Hamelin (1966), le journalisme à sensation se développe parfois même au

mépris de la vérité. Les journaux rivalisent d’adresse pour dénicher des primeurs. « Les reporters

n’hésitent pas à farcir leurs récits de faits irréels mais vraisemblables » (323). Il arrive aussi que

des journaux se mettent à défendre des causes sociales et à appuyer des luttes de travailleurs.

Joseph Pulitzer, par exemple, mène un grand nombre de « croisades » à la tête du New York

World pour améliorer les conditions de vie des milieux populaires et combattre différentes formes

de corruption politique. « La défense des faibles contre les puissants, des administrés contre les

dirigeants est un moyen efficace d’attirer la sympathie des lecteurs des classes populaires et sert

évidemment les intérêts commerciaux du journal. » (de Bonville 1999, 76)

On cherche par ailleurs à utiliser les innovations techniques les plus avancées pour rendre

les journaux plus attrayants. La linotype (machine à composer), par exemple, permet d’aérer la

mise en page et d’utiliser les gros titres pour mettre en valeur les textes, les illustrations et

éventuellement, les photographies (de Bonville 1988, 1999, Beaulieu et Hamelin 1966).

La Presse et le « nouveau journalisme » et l’information internationale

L’étude de l’implantation du « nouveau journalisme » au Québec permet donc de mieux

comprendre comment les journaux ont tenté de répondre aux attentes de leurs lecteurs au tournant

du XXe siècle. Sans prétendre démontrer le lien direct de cause à effet, nous pouvons néanmoins

4

présumer que cette approche a su plaire aux lecteurs étant donné le succès (confirmé par les

tirages) des entreprises de presse qui ont adopté le « nouveau journalisme ».

Le quotidien La Presse, fondé en 1884, constitue sans doute le meilleur exemple de cette

volonté de plaire. D’après Jean de Bonville (1988), ce journal représente « un cas exemplaire des

changements qui touchent, avec plus ou moins de profondeur et d’à-propos, l’ensemble des

quotidiens» (206). Créé par des intérêts liés au Parti conservateur, La Presse s’oriente rapidement

vers le « nouveau journalisme » surtout à la suite de la vente de ce journal à Trefflé Berthiaume

en 1889, qui lui « donne son caractère de grand journal d’information » (Beaulieu et Hamelin,

322).

Si certains auteurs se sont penchés sur la nature de la transformation du journalisme

québécois au tournant du XXe siècle, il n’existe pas, à notre connaissance, d’études portant sur les

transformations de l’information internationale au cours de cette période. Nous croyons pourtant

qu’il est pertinent de porter une attention particulière à cette catégorie de contenu. D’abord, parce

que la place accordée à l’information internationale est souvent considérée comme une

caractéristique propre aux journaux de qualité (Merrill 2000, 11). Il s’agit donc d’une catégorie

d’information qui pourrait être indicative de l’orientation d’un journal.ii Par ailleurs,

l’information internationale présente une constance : contrairement aux nouvelles rubriques qui

font leur apparition au tournant du XXe siècle, cette catégorie d’information est présente dans les

journaux canadiens depuis leur apparition au milieu du XVIIIe siècle (Kesterton 1970, 6), ce qui

permet d’observer les changements qui surviennent au sein d’une catégorie d’information déjà

existante. Enfin, étant donné que certains facteurs qui ont contribué à la transformation du

journalisme québécois au tournant du XXe siècle (tels que le développement des moyens de

transport et communication ou la création du métier de reporter) auraient dû favoriser la cueillette

5

et la diffusion de l’information internationale, cette catégorie nous semblait toute indiquée pour

observer des changements dans le traitement de l’information.

Nous avons donc entrepris une étude portant sur les transformations de l’information

internationaleiii dans le journal La Presse entre 1884 et 1915iv, dont certains résultats ont été

publiés dans la revue Communication (Dubois 2011). Cette première analyse nous a permis de

remarquer une réduction de l’information internationale par rapport aux autres catégories au

cours des vingt premières années d’existence du journal, diminution que nous avons attribuée à

l’intérêt des lecteurs pour l’information locale, puis une remonté importante de la place de

l’information internationale à la une de La Presse pendant la guerre, également attribuée à une

question de proximité, émotive cette fois, en raison du nombre de Canadiens directement affectés

par le conflit. Nous avons également remarqué que la décroissance de l’information

internationale de la période 1884-1885 à 1904-1905 était inversement proportionnelle à la

popularité grandissante du journal, évaluée en fonction des tirages, ce qui appuie l’impression de

l’influence de la préférence des lecteurs pour une information de proximité sur le choix des

contenus.

Ces résultats ont néanmoins éveillé de nouveaux questionnements. D’abord, peut-on

vraiment considérer qu’à part en période de guerre, l’information internationale ait été considérée

comme une matière de peu d’intérêt pour les lecteurs au point de réduire constamment sa

présence à la une? Par ailleurs, s’il est vrai que le « nouveau journalisme » privilégie des thèmes

tels que les faits divers, cela peut-il avoir influencé le choix et le traitement des sujets de

nouvelles internationales?

6

Afin de répondre à ces questions, nous avons repris notre corpus composé de 24 numérosv

de La Presse sur une période de 30 ans, soit entre 1884 et 1915 et nous nous sommes penchée

plus spécifiquement sur les changements dans la présentation visuelle et la mise en valeur de

l’information à la unevi de ce journal. Nous avons également repris les calculs de la place

accordée à l’information internationale par rapport aux autres catégories (locale et régionale,

provinciale et nationale) mais en évaluant cette fois, la surface totale (incluant les titres et

illustrations) plutôt qu’en comparant uniquement le nombre d’articles pour chacune. Nous

croyons en effet que le fait de donner davantage d’espace rédactionnel à un article et de

l’accompagner d’un grand titre ou d’une illustration, pourrait être révélateur de l’importance

qu’on lui accorde. Nous avons finalement étudié la façon dont les informations sont rapportées et

comparé le genre de sujets traités (politiques, sociaux, faits divers, etc.) de cette catégorie, afin

d’observer les variations de l’importance accordée à ces sujets les uns par rapport aux autres, au

cours de la période étudiée.

Cette analyse devrait ainsi donner un aperçu de la façon dont le traitement et la mise en

valeur de l’information dans La Presse au tournant du XXe siècle répondait à la volonté de plaire

aux lecteurs et de la façon dont l’information internationale a contribué ou non à cette démarche

de séduction.

1. 1884-1885vii : Facture austère et nouvelles pêle-mêle

D’après Jean de Bonville (1988), la représentation typographique des journaux de la fin

du XIXe siècle ressemble davantage à celle d’un livre qu’à un journal moderne. Leur contenu, qui

« rebutait plus d’un lecteur » (1), est hétéroclite. Il est largement constitué d’éditoriaux, de

commentaires, d’entrefilets sur les activités commerciales, de textes littéraires et de réclames.

7

Les premiers numéros de La Presse comptent quatre pages (huit le samedi). À sa sortie le

20 octobre 1884, le journal est tiré à 7 000 exemplairesviii. Dès le début, son fondateur William-

Edmond Blumhart cherche à faire de La Presse un journal différent des autres feuilles de

l’époque, telles que La Minerve (conservatrice) ou Le Canadien (libérale), en proclamant

notamment son « indépendance » des partis politiques. Il précise ce qu’il entend par

« indépendant » dans un court article paru le jour de la première publication. Il écrit : « Nous ne

courtisons rien ni personne. Nos colonnes représentent une tribune libre; toutes les idées

convenables peuvent y avoir accès».

Son journal présente pourtant toutes les apparences du journal traditionnel.

8

Illustration 1. La Presse, lundi 5 octobre 1885.

La une affiche des nouvelles (43,5%), des feuilletons (20,4%)ix, de la publicité (22,7%)x et

des informations de servicexi, disposés sur huit colonnes régulières. La facture est plutôt austère.

Les textes sont écrits en petits caractères, peu aérés. Les plus gros caractères, quand même très

discrets, servent au titre du feuilleton ou pour accentuer le texte de certaines publicités. Quant aux

9

titres des nouvelles, ils se présentent, en général, en petits caractères gras ou en majuscules. Les

très rares illustrations se retrouvent dans les publicités.

Malgré son aspect traditionnel, La Presse se distingue néanmoins de la plupart des

journaux de l’époque. Outre sa prétention d’indépendance politique, La Presse tranche avec la

tradition du journalisme d’opinion en orientant le contenu de son journal en fonction des goûts et

intérêts des lecteurs. Dans un article publié le 17 novembre 1884 qui tient lieu de prospectus,

Blumhart explique que le journalisme est passé dans le monde des affaires et que « celui qui

s’abonne à un journal veut en avoir pour son argent». Ainsi, précise-t-il, « la seule ressource qui

reste, dans les conditions nouvelles de la société, avec ses aspirations, ses tendances, ses besoins,

son instruction, ses intérêts, c’est de faire le journal qui plaise, enseigne, informe». Il résume

ainsi les attentes du public :

« Le public aujourd’hui veut des renseignements, des informations, des nouvelles. Il saura bien lui-même faire ses appréciations, trouver ses conclusions, tirer ses conséquences. Mais cette histoire au jour le jour doit être complète : elle doit raconter en même temps la politique, le commerce, la science, la littérature, les découvertes, tous les faits tant soit peu susceptibles d’intéresser un nombre quelconque de lecteurs; on y veut la mention du plus humble fait divers de la plus modeste des localités, comme le récit des batailles qui décident du sort des empires et changent la face du monde politique. » (2)

La Presse se distingue donc en ne publiant pas d’articles d’opinion et de débats politiques

dans sa première page. Ces articles sont relégués à la page 2. Tout l’espace consacré à

l’information de la une est donc alloué aux nouvelles, c’est-à-dire à des articles strictement axés

sur les faits et développements nouveaux, ce qui témoigne de la volonté du fondateur de La

Presse de leur accorder une place importante. Et des nouvelles, il y en a beaucoup. Pour arriver à

remplir des colonnes qui comptent alors une moyenne de 200 lignes chacune, on doit néanmoins

publier tout ce qui est disponible; tout ce que l’on peut tirer des agences télégraphiques. On

compte ainsi une moyenne de 76,7 articles par page au cours de la période de 1884-1885.

10

Ces nouvelles provinciales, nationales et internationales se présentent sous forme de

dépêchesxii, soit en version courtexiii à l’intérieur de la rubrique « Résumé télégraphique » (qui

occupe la première colonne de gauche) ou en version un peu plus longuexiv, placées à la suite de

cette rubrique (dans la deuxième et troisième colonne). On publie également des nouvelles

locales et régionales qui sont généralement placées à la suite du bulletin maritime, dans les

colonnes du centre du journal. Elles partagent cet espace avec la publicité.

Malgré l’engouement des dirigeants de La Presse pour le journalisme « moderne »xv, le

traitement et l’organisation de l’information sont encore très rudimentaires. Les dépêches sont

disposées les unes à la suite des autres sans ordre apparent lié au type d’événement (politique, fait

divers, économie, etc.) ou à leur origine géographique (régionale, nationale, internationale,

etc.).xvi Dans le « Résumé télégraphique » de la une du 8 décembre 1884 par exemple, on peut

lire une nouvelle annonçant la pendaison au Colorado d’un colonel condamné pour le meurtre

d’un Chinois, suivie d’une autre portant sur la fête de l’Immaculée Conception à l’Université

Laval, puis des remarques faites par le prince von Bismarck « au sujet de M. de Gladstone (sic) et

du cabinet anglais », d’une explosion mortelle à la dynamite au Chili et de la décision des

brasseurs d’Ottawa de ne plus acheter leur orge de certains cultivateurs, etc. De plus, des faits

divers sans importance côtoient souvent des sujets plus sérieux, sans égard à la primauté de la

nouvelle. Dans le numéro du 5 juin 1885 par exemple, on peut lire une nouvelle sur la famille

Bowman de Circleville, Ohio, qui s’est empoisonnée en buvant du café, suivie d’une autre sur la

grève d’employés des manufactures de Pittsburg, puis une nouvelle sur le gouvernement

autonome que Londres accordera à l’Irlande, suivie de celles sur une bataille de jeunes filles en

Virginie.

11

Malgré l’effort de ce journal, lorsqu’un sujet est important, de regrouper ensemble toutes

les dépêches qui s’y rapportent, on ne constate pas de cohérence d’ensemble. Les nouvelles sont

généralement indépendantes les unes des autres et aucun article ne donne d’explication globale de

la situation ou du contexte.

Ce collage pêle-mêle de toutes les nouvelles disponibles favorise portant l’information

internationale. Ainsi, les numéros compilés indiquent qu’en moyenne 52,9% de l’espace

rédactionnel est accordé à des articles concernant des événements qui se déroulent à l’extérieur

du Canada

xviii

xvii. On ne remarque d’ailleurs pas vraiment de différence à cet égard pour l’ensemble

du journal dans lequel l’information internationale constitue 50,7% du contenu informatif.

La guerre (et les conflits politiques) et la politique en général occupent une place très

importante dans les nouvelles internationales publiées en première page en 1885. On y consacre

plus de 40 pour cent des nouvelles. À elle seule, la « question de la Roumélie »xix fait l’objet

d’une douzaine de nouvelles dans le numéro du 5 octobre. La Presse publie également des

nouvelles portant sur des manifestations, attentats ou arrestations de groupes politiques en Suisse,

en Corse, en Égypte ou aux États-Unis. En ce qui a trait aux nouvelles qui concernent la politique

en général, il s’agit souvent de comptes-rendus de discussions parlementaires s’étant déroulées à

Londres, à Paris, à Madrid ou dans certains États américains. Il y est question, entre autres,

d’adoption de projets de loi, de commentaires sur les relations politiques internationales du pays

concerné, de nominations ou de tensions politiques.

Les faits divers occupent par ailleurs une place importante dans La Presse en 1884-1885

(30,2%). Il y est question d’accidents, d’incendies, de procès, de meurtres, de suicides,

d’explosions, d’ouragans ou de tempêtes de neige. Bien qu’elles soient en général très courtes,

ces nouvelles donnent souvent des détails qui ne peuvent être pertinents que pour les gens de

12

l’endroit, comme l’adresse exacte du lieu où s’est déroulé l’événement. On apprend dans le

numéro du 5 juin 1885 par exemple, que: « James Lynch, 23 ans, débitant de liqueurs qui devait

se marier ce soir, s’est brûlé la cervelle dans une chambre d’un hôtel, No. 415 Hudson Street,

New York. » Ces détails d’intérêt local accentuent l’impression que les nouvelles sont choisies en

fonction de leur disponibilité plutôt qu’en fonction d’un lectorat montréalais, pour qui le nom

d’un inconnu ou l’adresse exacte du lieu d’un événement ne présente pas d’intérêt particulier.xx

Plusieurs articles portant sur des sujets à caractère mondain occupent, par ailleurs, une

place importante dans les nouvelles internationales de 1885 (10,9%) compte tenu de leur

pertinence relative pour des nouvelles internationales. Dans le numéro du 5 juin on annonce, par

exemple, que « la population de Cohasset (Mass.) a présenté hier soir à M. Crocker, capitaine du

yacht Puritan, un magnifique pot à eau, une tasse et soucoupe en argent ». Les sujets sociaux

(7,8%) et économiques (4,7%) publiés le même jour semblent, par contre, plus pertinents. Il est

question par exemple, de grèves aux États-Unis, de la situation du choléra au Japon ou en

Espagne ou de négociants allemands qui viennent de former une nouvelle compagnie de

navigation à vapeur en vue du commerce africain.

Il est difficile d’imaginer aujourd’hui que cette approche, qui privilégie les dépêches

télégraphiques et les nouvelles courtes présentées pêle-mêle, indépendamment de leur pertinence,

ait pu plaire aux lecteurs. Même à cette époque, tous n’étaient pas convaincus de la valeur du

résultat. Le journaliste Arthur Buies par exemple, exprime ainsi ses réserves en 1888:

Les journaux reproduiront n’importe quelle dépêche, et il faudra avaler, avant ou après son déjeuner, trois ou quatre colonnes de niaiseries, de traductions épouvantables, d’énormes bévues géographiques et historiques, et une suite interminable de faits divers sans intérêt, attachés les uns à la suite des autres, comme des coquilles à la queue d’un chat (50).

13

Les unes de La Presse au cours de ses premières années de publication sont pourtant le

reflet des objectifs de son fondateur, William Edmond Blumhart, d’en faire un « journal à

nouvelles » et de publier, comme il le proclame, tous les faits un tant soit peu susceptibles

d’intéresser un nombre quelconque de lecteurs. Cette approche boulimique et non sélective est

favorable à l’information internationale, dont est constituée plus de la moitié de la surface

occupée par l’information de la première page.

Malgré le fait que La Presse ne dispose pas encore des outils pour rendre la présentation

visuelle attirante, Edmond Blumhart semble réussir dans sa volonté de plaire au public par son

approche « moderne », qui privilégie les nouvelles. Le 13 avril 1885, soit à peine six mois après

la parution de son premier numéro, la rédaction annonce que son tirage atteint 12 492 copies par

jour (Felteau 1983, 159), soit une hausse de près de 80 pour cent. On est cependant encore bien

loin des transformations qu’apportera le « nouveau journalisme » et du succès qui en découlera.

2. 1894-1895xxi : Attrait de la nouvelle et règne de la proximité

Différents changements surviennent à La Presse au cours des dix premières années de son

existence. Un dessinateur est embauché et l’acquisition de linotypes permet d’aérer la mise en

page. Le nombre de colonnes a été réduit à sept. En 1894, le quotidien compte six pages (12 le

samedi) et est tiré à plus de 35 000 exemplaires. Il est maintenant dirigé par Trefflé Berthiaume,

qui cherche, lui aussi, à répondre aux goûts et intérêts des lecteurs. Les changements qu’apporte

cet ancien typographe concernent d’abord la présentation visuelle.

14

Illustration 2. La Presse, vendredi 7 juin 1895.

15

La une de La Presse des années 1894-1895 est certainement plus attrayante que celle des

années 1884-1885. Ce que l’on remarque d’abord, ce sont les illustrations.xxii Le recours aux

images est encore plus marqué le samedi. Dans le numéro du 10 août 1895 par exemple, le dessin

d’une « tour gigantesque en forme de cyclone » qui sert à illustrer un article sur l’exposition de

1900 à Paris, apparaît en plein centre de la une, occupant presque la moitié de la surface de la

page. Le dessin occupe dix fois plus d’espace que l’article lui-même.

Le recours aux illustrations permet de réduire le nombre d’articles par page et rend la

présentation plus agréable à l’œil. Les articles sont coiffés de titres légèrement plus gros, ce qui

facilite également le repérage des sujets et contribue à aérer la page. L’information, qui est ainsi

davantage mise en valeur, occupe maintenant plus de 91,5% de la première page.

L’augmentation de la surface allouée à l’information et les changements relatifs à la mise

en page (taille des caractères, titrage et illustrations) influencent grandement la façon d’ordonner

l’information de la première page. Les nouvelles n’ont plus de place déterminée sur la page et

elles occupent désormais les sept colonnes du journal. Le nombre d’articles par page est

cependant beaucoup moins élevé qu’avant. On retrouve en moyenne 26,3 articles par page, soit

presque trois fois moins qu’en 1884-1885. Cette réduction du nombre d’articles et le

grossissement des caractères permettent une sélection beaucoup plus rigoureuse des articles

publiés.

Le fait de publier moins de nouvelles permet également d’attribuer aux articles un espace

proportionnel à leur importance. Par conséquent, le « Résumé télégraphique », qui regroupait de

très courtes nouvelles souvent de peu d’intérêt, a disparu. Par contre, les nouvelles régionales et

16

provinciales reçoivent une attention particulière. On leur consacre entre deux et quatre colonnes

chacune. Ces articles sont accompagnés d’illustrations et sont coiffés de titres plus gros que la

moyenne. Tout comme en 1884-1885, les articles portant sur des sujets internationaux publiés en

première page sont principalement présentés sous forme de dépêches. On ne voit cependant plus

de regroupement de dépêches sous un même titre. Lorsque l’on accorde plus d’importance à un

sujet, l’article sera tout simplement plus long.

Le fait de pouvoir être plus sélectif dans le choix des nouvelles et de mettre davantage en

valeur certains textes permet de ne plus avoir à publier toutes les nouvelles « disponibles », mais

bien toutes les nouvelles « pertinentes » et ce, en fonction des attentes des lecteurs. Il est

cependant difficile de déterminer précisément en quoi ces attentes consistaient. On sait

néanmoins que l’accroissement significatif de l’urbanisationxxiii ainsi que le recul de

l’analphabétisme,xxiv ont créé un bassin important de nouveaux lecteurs provenant des milieux

populaires. D’après de Bonville (1988), ces nouveaux lecteurs fraichement arrivés en ville

s’intéressent davantage à ce qui se passe autour d’eux. « Le triomphe de la nouvelle coïncide

avec la hausse de l’intérêt pour les événements locaux. La dimension locale, qui correspond à

l’environnement immédiat du journaliste et du lecteur, l’emporte sur la dimension internationale,

plus abstraite et plus éloignée. » (243)

De toutes les catégories, c’est donc l’information internationale qui est la plus touchée par

la réduction du nombre de nouvelles à la page un. Cette baisse se répercute sur l’espace consacré

à cette catégorie. L’information internationale occupait 52,9% de la surface de la une en 1884-

1885 : dix ans plus tard, La Presse ne lui en consacre plus que 16,5%.xxv La sélection plus

rigoureuse des nouvelles, effectuée en fonction de l’intérêt marqué du public pour les

informations de proximité (régionales et provinciales), pourrait sans doute expliquer cet

17

important changement puisque l’espace qui est consacré à ces deux catégories réunies a plus que

doublé au cours de cette période.xxvi

On remarque également des changements en ce qui concerne le genre de sujets abordés.

Genre de sujets internationaux traités à la une (en pourcentage)

Genre de nouvelles 1884-85 1894-95 1904-05 1914-15

Faits divers 30,2 23,6 63,6 2,9

Politique 17,0 11,3 9,1 0,0

Guerre ou violence politique 24,8 2,9 18,2 90,0

Mondanités 10,9 2,9 0,0 0,0

Culture 2,3 2,9 0,0 1,4

Société 7,8 52,9 9,1 5,7

Économie 4,7 2,9 0,0 0,0

Science et technologie 2,3 0,0 0,0 0,0

Total 100,0 100,0 100,0 100,0

En 1894-1895, plus de la moitié des nouvelles internationales (52,9%) portent sur des

sujets sociaux. L’importance des sujets sociaux s’explique par le nombre très élevé d’articles

provenant de la rubrique « nouvelles ouvrières ». Composée de nouvelles parfois très courtes

(dont on ignore souvent les sources), cette rubrique traite par exemple, de la fin de la grande

grève des cordonniers en Angleterrexxvii, du congrès de la Fédération américaine du travail au

Coloradoxxviii ou des statistiques sur le mouvement des grèves en France.xxix Nous pouvons

présumer que l’éditeur du journal a ainsi voulu plaire aux nombreux lecteurs issus du milieu

ouvrier, à qui l’on offre également des « chroniques ouvrières » rédigées par le journaliste Jules

18

Helbronner (sous le pseudonyme de Jean-Baptiste Gagnepetit) qui, d’après Felteau (1984),

« constituèrent l’un des grands facteurs de la montée constante du tirage de La Presse » (192-

193).

Les quelques autres nouvelles sur des sujets sociaux ont trait, par exemple, au Conseil

national des femmes américainesxxx ou à l’immigration chinoise aux États-Unis.xxxi

On remarque par ailleurs que les faits divers occupent une place de choix (23,6%) en

1894-1895. Si leur nombre est moins élevé que celui des sujets sociaux, les textes sont en général

beaucoup plus longs que la moyenne des autres nouvelles internationales. On accorde donc une

place importante au « drame sanglant » de la femme égorgée par son mari à Hoboken, au New

Jersey;xxxii xxxiii

xxxiv

xxxvi

à l’arrivée à San Francisco des survivants du naufrage du navire « Colima » ou à

la nouvelle du « nègre » lynché dans sa cellule à Kingston, Missouri. Certains sujets

internationaux sont par ailleurs très anecdotiques. On rapporte par exemple, qu’un concours de

fumeurs s’est déroulé en Belgiquexxxv ou qu’en Hongrie, la volubilité d’un des députés a été telle

que les sténographes ont décidé de déposer leurs crayons.

Les quelques sujets politiques concernent des nouvelles du Parlement britannique,xxxvii

xxxviii

xxxix

une pétition au congrès américain et des discussions sur les signataires du traité de Berlin sur

la question arménienne. Les autres catégories de sujets constituent une part négligeable de

l’information internationale.

On remarque donc, au cours des années 1894-1895, une volonté de rendre le journal plus

attrayant et d’offrir davantage d’information locale et régionale aux lecteurs. Cette approche,

inspirée du « nouveau journalisme », semble influencer le traitement de l’information

19

internationale de la une : l’espace accordé aux nouvelles de cette catégorie est réduit et les

nouvelles portant sur le monde ouvrier, ainsi que les faits divers, sont privilégiés.

3. 1904-1905xl : Prédominance des faits divers et remontée de l’international

On peut qualifier de spectaculaire le bilan de la progression de La Presse entre 1894 et

1904. En 1904, les tirages atteignent 85 440 exemplaires (ils grimperont à 96 771 l’année

suivante). Le journal est alors le plus important quotidien au pays. Le nombre de pages par

numéro a grimpé atteignant 12 à 16 pages la semaine et 28 pages le samedi. Il n’y a cependant

pas que la progression du journal de Trefflé Berthiaume qui soit spectaculaire. Les changements

de sa présentation le sont également.

20

Illustration 3. La Presse, mercredi 15 février 1905

21

La une des années 1904-1905 témoigne de nouvelles transformations de la mise en page

et du contenu. Les croquis sont toujours utilisés mais la photographie, qui a fait son apparition

dans les pages du journal en 1900, constitue maintenant la plus grande part des illustrations. On

voit également apparaître des titres sur plusieurs colonnes occupant même parfois toute la largeur

de la page (en 1895, seules les illustrations transcendaient les colonnes). Les titres des nouvelles

sont aussi plus gros (ils ont à peu près doublé en dix ans), ce qui permet d’attirer davantage

l’attention sur certains articles.

Même si l’information occupe désormais toute la une, le nombre de nouvelles par page

continue de diminuer. On compte maintenant 10,6 nouvelles dans la première page, comparé à

26,3 en 1894-1895. Les photos et les illustrations occupent beaucoup plus d’espace qu’avant, ce

qui explique cette réduction.

En plus des illustrations, les titres des nouvelles occupent également plus d’espace. La

grosseur des titres utilisés permet de mettre certaines nouvelles en valeur. Dans le numéro du 15

février 1905 par exemple, les titres les plus évidents portent sur deux fugitifs américains à

Québec (« Autour des deux exilés Gaynor et Green ») et les techniques d’enquête de la police

(« Comment nos détectives se travestissent pour pincer les coupables »). Ainsi, il apparaît évident

que les faits divers et les nouvelles spectaculaires sont celles que l’on place en évidence sur la

première page. Par ailleurs, plusieurs nouvelles se poursuivent maintenant dans les pages

intérieures, ce qui permet à la une de jouer totalement son rôle de « vitrine du journal » (de

Bonville 1988, 289).

22

On voit également apparaître une nouvelle façon de mettre en page les nouvelles pour

lesquelles on cherche à présenter différents aspects du sujet. On ne présente plus une série de

courtes dépêches indépendantes les unes des autres mais on rédige un seul article qui résume le

sujet, auquel on ajoute, au besoin, quelques textes complémentaires encadrés.

La diminution du nombre de nouvelles dans la première page du journal est encore plus

prononcée dans le cas des nouvelles internationales. Sur la moyenne de 11 articles par page, à

peine deux articles (1,9) sont consacrés à cette catégorie d’information. L’espace occupé par les

nouvelles internationales, par contre, s’est réajusté à la hausse. Alors que la proportion avait

baissé de 52,9% à 16,5% en 1894-1895, elle représente maintenant 26,5% de la surface consacrée

aux nouvelles. Il semble que les dirigeants de La Presse aient réalisé que l’information

internationale pouvait représenter un intérêt pour les lecteurs, pourvu que les sujets soient

attrayants.xli

Ce qui retient l’attention, c’est donc le genre de nouvelles internationales publiées : près

de 64% sont des faits divers. Ainsi, les nouvelles auxquelles on accorde le plus d’espace dans

cette catégorie portent sur l’arrestation à Burlington d’un Canadien français soupçonné de fraude

et de polygamie;

xliii

xlii le procès d’une jeune femme de Cleveland qui a tenté de soutirer des milliers

de dollars à vieillard; le procès d’un Canadien français au Minnesota accusé de meurtre;xliv la

mort d’une fillette « broyée sous les roues d’un lourd camion sous les yeux de sa mère »xlv et la

corde du bourreau dans une prison du New Jersey qui a cassé sous le poids d’un pendu.xlvi

Cet intérêt pour les faits divers se déroulant à l’étranger semble être le reflet d’un intérêt

général pour ce genre d’information. Dans le numéro de La Presse du 27 avril 1905 par exemple,

16 des 17 nouvelles de la une sont des faits divers. Il n’est donc pas surprenant que la seule

23

nouvelle internationale publiée à la une de ce numéro (« Trop beau cavalier ») soit également un

fait divers.

Deux nouvelles qui concernent la guerre ou des violences politiques occupent par ailleurs

près des deux tiers de la une le 2 juin 1905. Il s’agit du bilan d’une bataille ayant opposé le Japon

et la Russie dans le Détroit de Corée, ainsi qu’un attentat à la bombe commis par des anarchistes

en France à l’encontre du roi d’Espagne Alphonse XIII et du président français Loubet.

Les deux seules nouvelles des catégories « société » ou « politique » ont trait au décès du

polémiste français Eugène Veuillotxlvii

xlviii

et à la succession éventuelle du mikado, au Japon, par son

petit-fils âgé de quatre ans et ne comptent que quelques lignes.

La période 1904-1905 est donc très représentative de la tendance du « nouveau

journalisme » de favoriser les faits divers et les événements spectaculaires, particularité qui

s’exprime également dans le choix des nouvelles internationales. Le développement du reportage,

par contre, est cependant très peu exploité comme forme de collecte et de diffusion de

l’information internationale, contrairement à ce que l’on peut remarquer dans le cas de

l’information régionale et provinciale. Ainsi, le seul reportage à l’étranger que nous ayons

recensé dans notre corpus sur 30 ans est celui intitulé « Menace de l’échafaud—Joseph

Guilmette, de Woonsocket, R.I., paraît devant ses juges ». L’article, publié en décembre 1904,

comporte le sous-titre : « IL PROTESTE de son innocence devant l’accusation d’avoir assassiné

son compatriote Joseph Mongeon ». Il s’agit donc de la couverture d’un procès, couvert « Par

l’envoyé spécial de LA PRESSE » dépêché sur les lieux.xlix

Cette approche de La Presse face à l’information internationale est tout à fait conforme à

son orientation éditoriale. Une note de régie interne non datée, mais rédigée probablement au

24

début du siècle (Felteau 1984) précise la marche à suivre pour hausser le tirage. On recommande

notamment de :

« Donner plus de nouvelles des centres de la province en général… (Engager) plus de correspondants surtout dans la province de Québec

Inclure des nouvelles des États-Unis dans l’édition du Canada… Donner au peuple ce qu’il demande…» (348)

Cette note de service recommande également de « faire souvent des titres ‘flamboyants’ et

‘sonores’, tout en donnant la nouvelle dans une page intérieure… et de mettre également « au

sommaire » (la une) « le fait saillant, le plus sensationnel» pour qu’il serve de réclame pour la

vente du journal, ce qui « aiderait à la circulation. » D’après Cyrille Felteau (1984), il n’est donc

pas étonnant qu’au cours de cette période, La Presse ait pu être taxée de sensationnalisme, voire

même de « jaunisme » en certaines occasions. « Elle fit grande, dans ses informations la part des

meurtres et des crimes de tous genres, qu’elle décrivait avec force détails, accompagnés souvent

d’illustrations très explicites» (372). Certains auteurs tels que P. F. Rutherford (1975) estiment

même que Berthiaume a fait de La Presse « Canada’s first yellow journal» (179).

4. 1914-1915l : Première guerre mondiale, domination de l’information internationale

La hausse des tirages de La Presse se poursuit au début du siècle. Il dépasse les 140 000

exemplaires en 1914. Le nombre de pages par numéro varie entre 14 et 18 pages la semaine et

tourne autour de 24 pages le samedi.

25

Illustration 4. La Presse, jeudi 22 avril 1915.

La Presse des années 1914-1915 continue de coiffer ses articles de titres qui s’étendent

sur plusieurs colonnes, ce qui permet d’utiliser de plus gros caractères. On peut remarquer aussi

26

que le texte s’étend parfois sur plus d’une colonne, ce qui ajoute de la variété dans la mise en

page. Les titres ont également pris de l’expansion. Ils sont un peu plus gros et surtout, déclinés

parfois sur deux ou trois lignes (en plus des sous-titres), ce qui attire d’autant plus l’attention.

Ce qui frappe cependant le plus dans les éditions de 1914-1915, ce sont les sujets abordés

ou plutôt, le sujet : la Grande Guerre. Ce conflit mondial qui a commencé au cours de l’été 1914

modifie totalement le rapport de La Presse avec l’information internationale. Cette catégorie de

nouvelle fait une remontée spectaculaire : 56,8% de l’espace rédactionnel de la une est accordé à

l’information internationaleli. Cette proportion dépasse même la moyenne de 1884-1885 qui était

de 52,9%.

Cependant, cet intérêt nouveau pour l’information internationale se limite presque

exclusivement à la guerre: 90 % des articles portent sur ce sujet. Le 15 décembre 1914, «133e

jour de la guerre » comme l’indique le surtitre qui chapeaute les articles sur ce sujet, on rapporte

par exemple que « les Français maintiennent toujours ferme leurs positions » et que « les

Autrichiens font à la Russie redoutée des propositions de paix ». Au « 260e jour de la guerre » (22

avril 1915), on annonce entre autres que « les hauts fonctionnaires prussiens admettent même

qu’ils ont perdu la partie » et que le gouvernement italien a réquisitionné tous les navires

disponibles ».

Les rares autres nouvelles internationales de notre échantillon (toutes dans le numéro du

22 avril) consistent en des faits divers, une nouvelle sur le décès de la fille de Victor Hugo, deux

courts articles sur des sujets impliquant le Vatican et un entrefilet de trois lignes sur la

fréquentation des cinémas aux États-Unis.

27

L’intérêt insatiable des lecteurs envers la guerre et leur désir de suivre les développements

du conflit commande un usage accentué de dépêches. Ce recours accru au fil de presse influence

le nombre de nouvelles à la une. Alors que ce nombre était passé de 26,3 en 1894-1895 à 10,6 en

1904-1905, on constate que l’usage de courtes dépêches fait remonter la moyenne des articles à

21,1 par page en 1914-1915.

L’urgence de transmettre toute information pertinente entraîne également le retour du

collage de dépêches rapportant des bribes d’informations individuelles liées au sujet général.

Dans l’édition du 15 décembre 1914 par exemple, la nouvelle du jour porte le titre suivant : « Les

Français maintiennent toujours fermes leurs positions et les Autrichiens font à la Russie redoutée

des propositions de paix ». Néanmoins, il ne s’agit pas d’une seule nouvelle. On retrouve en fait

neuf dépêches, provenant de cinq villes différentes (Berne, Paris, Londres, Pétrograde et New

York). D’ailleurs, le titre principal est suivi de neuf sous-titres résumant les dépêches qui

suivent.lii

On assiste également à un retour en arrière en ce qui a trait aux illustrations. Alors qu’en

1904-1905, La Presse présentait plusieurs illustrations (photos et croquis) accompagnant les

nouvelles les plus importantes, la difficulté d’obtenir des photographies portant sur les

événements cruciaux liés à la guerre réduit, dix ans plus tard, l’usage de l’illustration. Dans le

numéro du 22 avril 1915 par exemple, aucune image n’accompagne le sujet principal (« Les

hauts fonctionnaires prussiens admettent même qu’ils ont perdu la partie »). La seule illustration

en rapport à la guerre est une petite photographie d’un religieux français de Québec tué à la

guerre.

28

Si la présentation visuelle de La Presse des années 1914-1915 présente un certain recul en

ce qui concerne les acquis du « nouveau journalisme » au chapitre de l’illustration des nouvelles

et de la cohérence d’ensemble, le choix des sujets traités ne laisse cependant aucun doute quant à

la volonté du journal de donner « au public ce qu’il veut ». Les nouvelles relatives à cette guerre

sont incontournables; il s’agit de bouleversements politiques internationaux majeurs et

spectaculaires susceptibles de captiver les lecteurs du journal, mais également d’événements qui

affectent directement des milliers de Canadiens. Deux mois après l’entrée en guerre du Canada,

un premier contingent du corps expéditionnaire canadien de 32 000 hommes s’était embarqué

pour l’Angleterre et à la fin de l’année 1916, « 424 000 hommes sont en service actif ».

(Lacoursière, Provencher et Vaugeois, 2001, 397). Le conflit touche donc non seulement les

milliers de personnes qui vont joindre les forces armées et leurs familles, mais également tous les

Canadiens, en raison de « l’effort de guerre » imposé par le gouvernement et à ses conséquences

pour l’ensemble de la population (401-403).

Conclusion

L’importance de plaire au public a été déterminante dans la transformation du journal La

Presse au tournant du XXe siècle. L’entreprise a cherché à utiliser les ressources disponibles et

les nouvelles approches dictées par le « nouveau journalisme » pour tenter de répondre aux

attentes du public, afin d’accroître son tirage. L’analyse du traitement et de la mise en valeur de

l’information internationale au cours de cette période nous permet de croire que cette catégorie

d’information a été mise à contribution pour assurer le succès de l’entreprise. Dès le lancement

du journal, l’abondance des dépêches télégraphiques en provenance de l’étranger sert la volonté

du journal d’offrir à ses lecteurs le plus grand nombre possible de nouvelles. Lorsqu’une

sélection plus rigoureuse des nouvelles réduit, par la suite, la place de l’information

29

internationale, cette catégorie continue de contribuer à l’effort du journal d’intéresser les lecteurs

par le choix des sujets traités. On observe alors une prédominance de sujets sociaux

(principalement liés au monde du travail) et de faits divers dans les années 1894-95, ainsi qu’une

domination du fait divers dans les années 1904-1905, au moment où l’approche sensationnaliste

du « nouveau journalisme » est la plus visible. Malgré une baisse continue de l’information

internationale à la une en proportion du nombre de nouvelles traitées (Dubois 2011), l’analyse de

la proportion en fonction de l’espace occupé (incluant les titres et illustrations) démontre une

légère remontée de l’information internationale (de 16,5% à 26,5%) en 1904-1905 qui permet de

croire que les dirigeants de La Presse ont sans doute réalisé que l’information internationale

pouvait représenter un intérêt pour les lecteurs, pourvu que les sujets soient attrayants. Le

déclenchement de la Première guerre mondiale en 1914 constitue un tournant marquant en ce qui

concerne l’information internationale dans La Presse. L’importance de cet événement dans la vie

des lecteurs de La Presse en raison de l’effort de guerre qu’il impose (autant humain

qu’économique) entraine une remonté spectaculaire de l’espace occupé par l’information

internationale à la une, ainsi qu’une concentration des sujets traités dans cette catégorie (90% des

nouvelles portent sur la guerre). Le tirage de 1914, qui dépasse désormais les 140 000 copies, ne

laisse aucun doute sur le fait que cette information internationale correspondait alors clairement

aux attentes du public.

Bibliographie

Répertoires

Canada. Ottawa. Recensement du Canada, 1891 et 1911.

30

The Canadian Newspaper Directory, Montréal, A. McKim & Co. Publishers, 1892-1915.

Journaux dépouillés (corpus)

La Presse, 1884-1885.

La Presse, 1894-1895.

La Presse, 1904-1905.

La Presse, 1914-1915.

Monographies (livres et chapitres de livres)

Brin, Colette, Jean Charron et Jean de Bonville, dir. 2004. Nature et transformation du

journalisme. Théorie et recherches empiriques. Québec : Presses de l’Université Laval.

Buies, Arthur. 1888. Anglicismes et canadianismes. Québec : Typographie de C. Darveau.

De Bonville, Jean. 1988. La presse québécoise de 1884 à 1914 : Genèse d’un média de masse.

Sainte-Foy : Presses de l’Université Laval.

De Bonville, Jean. 1999. « Le "nouveau journalisme" américain et la presse québécoise à la fin

du XIXe siècle. » Dans Florian Sauvageau, dir., Variations sur l’influence culturelle

américaine. 73-100. Québec : Les Presses de l’Université Laval.

Felteau, Cyrille. 1984. Histoire de La Presse, Tome 1. Montréal : Éditions La Presse.

Lacoursière, Jacques, Jean Provencher et Denis Vaugeois. 2001. Canada-Québec. Synthèse

historique 1534-2000. Sillery : Les éditions du Septentrion.

Linteau, Paul-André, René Durocher et Jean-Claude Robert. 1989. Histoire du Québec

contemporain, tome I. Montréal : Éditions du Boréal.

Albert, Pierre et Fernand Terrou. 1979. Histoire de la presse. Paris : Presses universitaires de

France.

31

Kesterton, Wilfred H. 1970. A History of Journalism in Canada. Toronto/Montréal : McClelland

and Stewart Limited.

Articles

Beaulieu, André et Jean Hamelin. 1966. « Aperçu du journalisme québécois d’expression

françaises ». Recherches sociographiques, VII, 3:303-348.

Dubois, Judith. 2011. « L’information internationale dans le quotidien La Presse au tournant du

XXe siècle. Une progression marquée par l’attrait de la proximité ». Communication, 28/2.

(En ligne : http://communication.revues.org/index1758.html)

Merrill, John C. 2000. « Les quotidiens de référence dans le monde ». Les Cahiers du

journalisme, 7:10-14.

Morel, Ludovic (pseudonyme d’Aegidius Fauteux). 1909. « Le journalisme d’aujourd’hui.

L’évolution de la presse canadienne vers le mercantilisme ». Le Nationaliste. 15 août 1909,

2.

Rutherford, Paul F. 1975. « The people’s press. The emergence of the new journalism in Canada,

1869-1899 ». Canadian Historical Review, 2:169-191.

Voyenne, Bernard. 1959. « Les journalistes ». Revue française de science politique, 4:901-934.

i D’après Bernard Voyenne (1959), cette expression vient du critique Mathew Arnold qui avait annoncé « un journalisme nouveau » dans un article paru dans la revue Nineteenth Century en mai 1887. ii Cette problématique ne sera pas cependant pas abordée directement dans le cadre de cette étude. iii « L’information » peut être définie comme un renseignement ou un événement que l’on porte à la connaissance d’une personne, d’un public. Ce terme inclus autant les textes d’opinion que les nouvelles ou les grands reportages. Dans le cadre de notre étude, nous établissons une distinction claire entre information et nouvelle, une nouvelle étant le récit d’un événement récent porté pour la première fois à la connaissance du public. Nous utilisons par ailleurs le terme « international » dans son acception par la presse, dans le sens d’«étranger », plutôt que dans le sens littéral du terme qui implique le rapport entre les nations. iv Les premiers échantillons ont été sélectionnés à partir des numéros publiés au cours des premiers mois suivant le lancement du journal, c’est-à-dire en 1884-1885. Les autres années d’échantillonnage ont été

32

déterminées sur la base d’un échantillonnage systématique, en observant un intervalle régulier. Ainsi, les trois autres périodes sélectionnées sont : 1894-1895, 1904-1905 et 1914-1915. Pour tenir compte des fluctuations hebdomadaires ou annuelles que connaissent les quotidiens, nous nous sommes assurée de reproduire les « cycles médiatiques » hebdomadaires et annuels de ce type de publication, en appliquant le principe de la « semaine construite » et de l’échantillonnage systématique. Cette façon de procéder ne vise pas à identifier les moments précis qui marquent les changements mais permet de donner un aperçu représentatif des transformations survenues au cours des dix années qui séparent chaque période. v Nous avions d’abord sélectionné 24 numéros. Cependant, étant donné que le nombre d’articles par page a connu une baisse importante après la période 1884-1885, surtout dans les numéros publiés le samedi qui comportaient généralement davantage d’illustrations, nous avons ajouté en 1895, un numéro du samedi de plus (celui du 17 août) à celui de notre échantillon du samedi (le 10 août) et nous avons fait la moyenne des deux, afin de moduler les résultats du samedi au sein des six numéros de cette décennie. Pour les mêmes raisons, nous avons ajouté deux autres numéros du samedi en 1905 (ceux du 19 et du 26 août) ainsi qu’en 1915 (ceux du 21 et du 26 août). Chaque fois, nous avons fait la moyenne des données des numéros du samedi avant de les intégrer au calcul des données des six numéros de la décennie. Ainsi, 29 numéros ont été utilisés pour compiler nos statistiques mais chacun des jours de la semaine n’a compté que pour une seule fois par période. Les données sont donc basées sur une moyenne de 24 numéros. vi Nous nous sommes concentrée sur la première page du journal, la une, puisqu’elle est considérée comme le reflet des politiques rédactionnelles des journaux. Cet échantillon nous a permis de compiler un total de 806 articles (pour 24 numéros). Pour avoir une vision d’ensemble des transformations pour l’ensemble du journal, nous avons également effectué une compilation statistique des éditions complètes des numéros d’octobre de 1885, 1895, 1905 et 1915, soit un total de 32 pages supplémentaires (534 articles de plus), ce qui a porté notre échantillon à 1340 articles. vii Les numéros de notre échantillon sont ceux du mardi 9 décembre 1884, mercredi 18 février 1885, jeudi 23 avril 1885, vendredi 5 juin 1885, samedi 8 août 1885 et lundi 5 octobre 1885. viii Les données portant sur les tirages sont extraites du Canadian Newspaper Directory (A. McKim & Co. Publishers) pour les années 1904 et 1914, de La Presse (16 octobre 1909, p. 4) pour les années 1884 à 1890, ainsi que du Fonds Trefflé Berthiaume (Felteau, 1984 : 260) pour les années 1892 à 1897. ix Les feuilletons portent des titres tels que « Le secret de Roland », « Les orphelines », « La fille de Caïn », « Le fils de Gabrielle » ou « La fille du forçat », et sont publiés quotidiennement. x Un bon nombre d’annonces ressemblent davantage à de « petites annonces » qu’à des publicités. Elles sont souvent composées avec les mêmes caractères que les nouvelles et elles sont disposées sur des colonnes de même largeur. Parfois, elles sont même rédigées comme des textes de nouvelles qu’il faut lire jusqu’à la fin pour réaliser qu’il s’agit de réclames. Les annonces ainsi composées sont parfois disposées en alternance avec de vraies nouvelles, alors que celles qui comportent de plus gros caractères sont en général regroupées. xi Les informations de service que l’on retrouve en première page consistent en un « Bulletin maritime » (les lundi, vendredi et samedi) qui rapporte des informations sur la navigation intérieure et comprend un tableau résumant les activités des ports locaux et étrangers (heures d’arrivée au port et provenances). On retrouve également des prévisions météorologiques quotidiennes, publiées sous le titre « Température ». xii La Presse obtient ces dépêches de l’agence américaine Associated Press, fort probablement par l’entremise de la Great North Western Telegraph Company (filiale du Grand-Tronc) qui assure le service de transmission télégraphique au Québec et en Ontario. xiii Ces nouvelles sont d’une longueur d’une ligne et demie à 15 lignes, ce qui est très court étant donné que chaque colonne compte environ 200 lignes. Elles ne comportent pas de titre. xiv Ces nouvelles varient de trois à 70 lignes, la plupart comptant en moyenne entre sept et 30 lignes. Elles sont généralement coiffées d’un bref titre.

33

xv La nouvelle approche préconisée par Blumhart, qui consiste à prioriser les nouvelles et à chercher à plaire aux lecteurs avant tout, ne correspond pas encore à toutes les caractéristiques du « nouveau journalisme », mais en contient les fondements. Blumhart n’utilise pas le terme « nouveau journalisme » pour qualifier ces changements. C’est l’expression « journalisme moderne » qui est utilisée par les journalistes de l’époque pour parler du « nouveau journalisme », comme on le remarque dans un article de la presse publié le 27 mai 1904 qui explique la nécessité d’adhérer à cette nouvelle tendance, ou dans un texte signé par Ludovic Morel en 1909, qui utilise également l’expression « journalisme d’aujourd’hui » pour parler de cette nouvelle façon de produire et de présenter l’information. xvi Néanmoins, l’ordre des dépêches n’est pas totalement arbitraire : les nouvelles les plus courtes sont généralement placées au début, celles de moyenne longueur au milieu et les plus longues à la fin… xvii Pour les fins de la compilation, le classement des articles par catégorie s’effectue en fonction du lieu où se déroule l’événement. Cependant, une nouvelle portant sur des Canadiens en visite à l’étranger sera classée dans la catégorie nationale (exemple : visite d’un premier ministre à l’étranger), à moins que les Canadiens en question soient impliqués dans un événement international. xviii Cette observation provient du calcul de la surface du numéro entier du 5 octobre 1885. Même s’il s’agit d’un échantillon très réduit, nous croyons que les données qui en résultent donnent néanmoins un aperçu du contenu de l’ensemble du journal. xix La Roumélie orientale, province autonome de l’empire turc créée 1878 par le traité de Berlin, est annexée par la principauté de Bulgarie le 9 septembre 1885 à la suite d’un coup d’état dans sa capitale (Philippopolis) survenu trois jours plus tôt. Cet état de fait ne sera reconnu par la Turquie qu’à la suite de la guerre serbo-bulgare déclarée par la Serbie en novembre de la même année. xx Cette impression de pertinence purement locale ne se limite d’ailleurs pas aux faits divers. D’autres genres de nouvelles présentent un intérêt limité pour un lectorat étranger. Dans un article du 12 octobre 1885, par exemple, on annonce l’élection d’un dénommé S.N. Sterling au poste de président de l’assemblée des commis voyageurs de l’Ouest à Londres. xxi Les numéros de notre échantillon de la deuxième décennie sont ceux du mardi 11 décembre 1894, mercredi 20 février 1895, jeudi 25 avril 1895, vendredi 7 juin 1895, samedi 10 et 17 août 1895 et lundi 7 octobre 1895. xxii Parmi les six numéros de notre échantillon, quatre comportent des illustrations, allant de simples croquis de témoins ayant comparu à une enquête de police (20 février 1895), à la publication de plusieurs dessins très détaillés du nouveau bâtiment de l’université Laval rue St-Denis (dont 4 plans de l’édifice) qui occupent presque la moitié de la surface totale de la page (lundi 7 octobre 1895). xxiii Le pourcentage de la population urbaine passe de 19,9% en 1871 à 44,5% en 1911 : Leroy O. Stone, Urban Development in Canada, cité par Linteau, Durocher et Robert (1989, 167, 470). xxiv 40,7% en 1891 à 12,66% en 1911 : Recensement du Canada, 1891, tableau XIII et 1911, tableau XXVII. xxv Dans le calcul de la surface accordée à l’information pour le numéro entier du 7 octobre 1895, la proportion de l’information internationale est également en chute. Elle est descendue à 14%. Bien qu’il s’agisse de données ne provenant qu’un d’un seul numéro, cette similarité avec les données de la première page (16,5%) permettent néanmoins de soupçonner qu’au cours de cette période, le contenu de la une ne se différencie pas encore totalement du contenu de l’ensemble du journal. xxvi L’information locale et régionale passe de 20,2% en 1884-1885 à 47,7% en 1894-1895, alors que l’information provinciale passe de 9,5% en 1884-1885 à 19,9% en 1894-1895. xxvii La Presse, 25 avril 1895, p.1. xxviii La Presse, 11 décembre 1894, p.1. xxix La Presse, 7 octobre 1895, p.1. xxx La Presse, 20 février 1895, p.1. xxxi La Presse, 11 décembre 1894, p.1. xxxii La Presse, 20 février 1895, p.1.

34

xxxiii La Presse, 7 juin 1895, p.1. xxxiv Ibid. xxxv La Presse, 11 décembre 1894, p.1. xxxvi Ibid. xxxvii La Presse, 20 février 1895, p.1. xxxviii La Presse, 25 avril 1895, p.1. xxxix La Presse, 11 décembre 1894, p.1 xl Les numéros de notre échantillon de la troisième décennie sont ceux du mardi 13 décembre 1904, mercredi 15 février 1905, jeudi 27 avril 1905, vendredi 2 juin 1905, samedi 12, 19 et 26 août 1905, ainsi que du lundi 2 octobre 1905. xli Nous remarquons d’ailleurs que pour l’ensemble du numéro du 2 octobre 1905, la proportion de l’information internationale ne totalise que 17,5%. Bien qu’il s’agisse de données ne provenant qu’un d’un seul numéro, cette différence avec les données de la première page (26,5%) permettent néanmoins de soupçonner qu’au cours de cette période, le contenu de la une se démarque davantage du contenu de l’ensemble du journal et confirme que cette page est désormais réservée aux sujets « les plus susceptibles d’attirer l’attention des lecteurs. » (de Bonville 1988, 226) xlii La Presse, 27 avril, 1905, p.1. xliii La Presse, 13 décembre 1904, p.1 xliv Ibid. xlv La Presse, 2 juin 1905, p.1 xlvi La Presse, 15 février 1905, p.1. xlvii La Presse, 2 octobre 1905, p.1 xlviii La Presse, 15 février 1905, p.1. xlix La Presse, 13 décembre 1904, p.1. l Les numéros de notre échantillon de la quatrième décennie sont ceux du mardi 15 décembre 1914, mercredi 17 février 1915, jeudi 22 avril 1915, vendredi 4 juin 1915, samedi 14, 21 et 26 août 1915 ainsi que du lundi 4 octobre 1915. li Pour l’ensemble du numéro du 4 octobre 1915, cette proportion est de 37,9%. Bien qu’il s’agisse de données ne provenant qu’un d’un seul numéro, cette différence avec les données de la première page (51,3%) permettent néanmoins de soupçonner qu’au cours de cette période, le contenu de la une continue à se démarquer du contenu de l’ensemble du journal afin de prioriser les sujets les plus susceptibles d’attirer l’attention. lii Ces articles traitent notamment des propositions de paix de l’Autriche, de la progression des soldats anglais et français en France et en Belgique, du paiement de la taxe de guerre par la Belgique, de la déroute de soldats autrichiens à Belgrade et de l’éditorial du New York Times qui prévoit la défaite de l’Allemagne. Même les dépêches qui traitent d’un même aspect du sujet, comme la progression des alliés en France et en Belgique, sont présentées de façon indépendante. Cette façon de procéder qu’impose la difficulté d’accès à l’information et le besoin de rapporter rapidement les faits donne aux articles de 1914-1915 une similarité de présentation avec ceux de 1884-1885.