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1 TranseGaule VIII 11Août – 28 Août 2010 Les guerriers du bitume Photo 1 : Les guerriers du bitume Michel Robert **

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TranseGaule VIII

1 1Août – 28 Août 2010

Les guerr i ers du b i tume

 

Photo  1  :  Les  guerriers  du  bitume  

Michel Robert **

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Le train démarre avec un quart d’heure de retard. Ce n’est pas grave, le départ de la course aura lieu dans trois jours. Il est prévu de faire escale à Paris avant de prendre un nouveau train vers la Bretagne. J’ai pris de la lecture avec moi. Je ne souhaite pas dévier de mes préoccupations actuelles c’est presque naturellement que je me plonge dans ce merveilleux opus de la course de fond qu’est « La grande Course de Flanagan ». Même si les circonstances et les objectifs sont différents, la Transe Gaule ressemble un peu à cette épreuve ayant réuni des athlètes hors du commun mais aussi des gens pour qui la traversée des Etats-Unis pouvait représenter une question de survie.

Je suis presque seul dans ce compartiment confortable. J’ai pris avec moi tout le nécessaire pour que mon aventure se passe au mieux. Ce n’est pas une sinécure que de compacter en deux bagages trois paires de running, une mini pharmacie et des équipements sportifs permettant de parcourir la belle France quasi de haut en bas en partant de la charmante petite ville de Roscoff pour rejoindre les non moins célèbres chalets de Gruissan-Plage immortalisés par le très étrange film 37.2° Le Matin où Betty et Zorg vivent un amour passionné et passionnel menant à la destruction.

Le TGV parti de Metz entre en gare de l’Est. Il y a beaucoup de monde en cette période estivale. Je connais bien cette gare pour avoir participé trois fois au marathon de Paris et m’être rendu dans la capitale pour diverses affaires professionnelles et privées. Mais que pensent tous ces gens ? D’où viennent-ils, où vont-ils ? Peuvent-ils seulement imaginer une seule seconde la raison pour laquelle je vais transiter par Paris pour rejoindre Roscoff ? Dans le fond, cela n’a pas d’importance.

Je me dirige lentement vers la station de Métro qui me conduira vers la Gare Montparnasse d’où mon second train partira en direction de Morlaix. Mes lourds bagages m’handicapent un peu et me forcent à adopter une démarche pour le moins adaptée aux conditions du jour ! Cohue, chaos, les gens courent et moi je flâne, mon esprit est ailleurs. Enfin, je parviens à me hisser au niveau du quai. Ce lieu est tout aussi bondé que le précédent. Chacun scrute attentivement l’horaire de son train et à la mine dubitative de certains, on peut aisément constater que la SNCF n’est pas plus ponctuelle que son homologue belge. Avec l’expérience, je suis parvenu à ne plus m’angoisser pour ces retards intempestifs. En effet, je me rappelle alors aux bons souvenirs de mon service militaire qui m’ont auront appris à attendre. A l’armée, effectivement, on vous apprend à attendre ! Mais attendre quoi ? Et bien que le temps passe et que votre service arrive son terme ! Ah ! C’est super çà et surtout très enrichissant intellectuellement ! Et bien, croyez-moi ou pas, chaque fois que je me retrouve dans une situation où il faut patienter, je repense à mes treize mois passés parmi les fusiliers marins belges, treize mois ou presque durant lesquels la vie fut bien un long fleuve tranquille même si je n’ai vu qu’un bateau durant ce séjour

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auprès des marins ! Il n’empêche, je ne devrais pas être aussi médisant car c’est durant cette année que je me suis sans doute découvert la passion et l’affinité pour la course pédestre. Car cross après cross, marche après marche, j’ai parfait ma condition de footballeur. Mon service aura au moins eu ce mérite là ! J’aurai également appris à en baver, surtout pendant la période initiale d’instruction durant laquelle j’ai bouffé de la manœuvre en veux-tu en voilà ! Cà vous forge un caractère de plonger dans la boue et de ressortir mouillé et puis d’attendre que quelques chose d’autre se passe.

Ca y est mon train est annoncé. Pas de chance, je serai en tête de convoi. Je dois donc me farcir une bonne promenade pour rejoindre la place qui m’est attribuée. Toujours aussi peu de monde dans le train alors que les quais sont bondés ! Je ne comprends pas bien.

Arrivée à Morlaix, je descends mais mon voyage ne s’arrête pas là. Le temps est ensoleillé mais venteux et frais. Je laisse le TGV continuer sa route. J’estime qu’il serait vain d’essayer de le retenir (humour). Je suis sur la bonne voie pour rejoindre Roscoff.

Je suis fatigué et j’ai hâte d’être à l’hôtel pour pouvoir m’affaler sur mon lit. Je m’installe dans l’une des deux voitures de ce train local. Un type d’une quarantaine d’années au visage de bébé occupe déjà l’un des sièges. On dirait un para-commando car il a la chevelure aussi rase que le gazon de Wimbledon. Sans doute que lui aussi a appris à attendre. En tout cas, il m’a l’air bien discret. Mon regard se porte alors sur son sac à dos. Je reconnais la marque typique d’un sac à dos que j’avais acheté lors de ma participation à une course à étapes dans le désert du Niger. Pas de doute, ce mec doit être un coureur à pied. Ouais, c’est çà, un coureur à pied longues distances ! Intéressant ! Que fait un homme de quarante ans avec un sac à dos dans un train en direction de Roscoff à deux jours du départ de la Transe Gaule ? Réponse : cela doit être un participant ! Mais qui est-ce ? Je connais la liste des cinquante coureurs qui vont tenter de rallier Gruissan et je n’arrive pas à identifier le gaillard. En tout cas, ce n’est pas un coureur de 2008 car j’avais participé à l’époque et ce visage ne me dit rien. Une chose est certaine, si ce gars est un participant à la Transe Gaule, nous n’avons pas la même conception du bagage ! Son sac doit peser à tout casser huit kilos, tandis que je trimballe deux sacs d’environs dix kilos chacun ! Je décide alors de m’ôter un doute et engage la conversation. Je lui demande s’il parle Français ! Ben, oui, si c’est un coureur de la Transe Gaule, celle-ci sera animée par onze nations différentes. Oui, le type parle Français. Il s’appelle Jean-Jacques Moros. Ah ! Bien ! Je me réfère alors à ma mémoire qui me rappelle que Jean-Jacques Moros est un récidiviste ! Il a participé et remporté la Transe Gaule deux mille quatre à une allure affolante de plus de douze kilomètres par heure. Là, je me dis, ce gars là, il ne vient pas pour jardiner ! A son apparence physique, on devine qu’il est affûté ! Nous ne parlerons pas beaucoup. Je suis fourbu et lui, renfermé. Le train arrive à Saint-Pol de Léon. Jean-Jacques

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souhaite descendre car il envisage de rallier Roscoff en marchant ! Et là, je me dis : « Hein ! Ca commence bien ! Il annonce la couleur ! Il n’est pas fait comme moi ! ».

Arrivé à Roscoff, quelques kilomètres plus loin, je me repère facilement et me rappelle aux bons souvenirs de deux mille huit. Roscoff est située en bord de Manche. L’Angleterre ne doit pas être bien loin. On y note aussi la proximité de l’île de Batz que je n’avais pas visitée il y a deux ans et que je ne visiterai pas encore cette année. A peine les premiers pas effectués pour rejoindre l’hôtel d’Angleterre, je rentre dans une espèce de nouvelle peau. Tout se passe comme si je n’étais plus le même mais que j’entrais déjà dans une espèce de monde intérieur. Etrange sensation que de se sentir différent, prêt au combat, déjà en proie aux premières joutes d’une bataille qui débutera dans un peu moins de quarante-huit heures. Le Gaumais est à pied de guerre sur le champ de bataille prêt à en découdre avec les autres mercenaires du bitume. Qu’ils soient Français ou étrangers, novices ou chevronnés, amateurs ou semi-pros, hommes ou femmes, jeunes ou vieux, il sait que la lutte sera âpre et qu’il ne faudra rien lâcher ! Me voilà donc parti dans mes émotions, rejoignant peu à peu l’hôtel. Les formalités remplies, on me dit que la chambre n’est pas prête. Je m’en vais alors déjeuner en ville. Je rentre dans un restaurant et m’installe à la terrasse arrière. Personne ne m’accompagnera et je prendrai mon repas seul parmi les touristes dont je note la moyenne d’âge assez élevée. En moins d’une heure j’avale ma pitance tout en appréciant le paysage, l’air de la mer, les mouettes, la vie tranquille quoi !

Après être repassé par l’hôtel et avoir pris le temps de faire une sieste microscopique de trente minutes, je décide de me rendre au point de rendez-vous des coureurs situé au hall omnisport de la ville. Et oh surprise, je m’aperçois qu’il y a déjà du monde. Trois ou quatre camping cars de provenance diverses occupent le parking. Il y a deux ans, j’étais venu au même moment et il n’y avait personne. Tout était fermé. Je fais brièvement la connaissance de ces nouvelles têtes. Cela me détend d’essayer de repérer à qui j’ai à faire. Et puis surgit JB, Jean-Benoît pour les intimes ou le contraire plutôt ! L’émotion est vive de le retrouver deux ans plus tard au même endroit ! D’emblée il me dit : « Oh ! Tu m’as l’air affûté ! » Je réponds : « En apparence seulement ! ». Je ne m’éterniserai pas et irai me balader au centre ville. Je l ‘ai déjà dit, j’ai appris à attendre. La journée s’achèvera ainsi. Je ne prendrai même pas la peine d’aller dîner et me plongerai dans les bras de Morphée en pensant inlassablement à la sublime aventure que je vais vivre pendant dix-huit jours à traîner mes pieds sur le bitume tantôt chaud, tantôt humide des départementales interminables qui jalonnent le territoire gaulois. Trois semaines durant lesquelles tous les participants auront le couteau entre les dents, grimaceront à la moindre irrégularité du sol qui leur lancera un coup de poignard dans des chevilles fragilisées par le martèlement intempestif des foulées rendues imparfaites à cause de la fatigue et de l’inévitable lassitude du corps qui n’en pourra plus d’être ainsi meurtri. Tous ces signaux incessants qui inviteront le coureur à lâcher prise ne seront en fait que de

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légers freins qui inciteront à la ténacité et à la recherche de sensations nouvelles même si celles-ci provoqueront parfois la coulée de larmes et la poussée de cris de douleur. C’est le poing serré que les cinquante courageux ultra-coureurs tenteront de conquérir leur étoile.

Et c’est donc après une nuit agitée par des angoisses incontrôlables que l’on est arrivé à la veille de la Transe Gaule. Mais comment peut-on décrire habilement cette course improbable à ceux qui n’imaginent pas que des êtres humains puissent parcourir près de soixante-quatre kilomètres par jour pendant dix-huit jours ? Comment trouver les mots justes pour décrire à la fois le plaisir que prennent les participants, conjugué à la résistance à l’effort et à la douleur nécessaires pour parvenir à boucler l’épreuve ? Il suffit peut-être de chercher des points de comparaison avec un sport qui attire plus, parce que pratiqué par un plus grand nombre d’adeptes ou bien parce que plus médiatisé. Et bien oui, c’est cela. La Transe Gaule, c’est comme une course cycliste qui aurait eu lieu il y a un siècle ou même plus, quand les bicyclettes pesaient sans doute plus de vingt kilos, quand les routes n’étaient pas aussi bien entretenues qu’aujourd’hui, quand les sportifs professionnels n’existaient pas, quand il n’y avait aucun spectateur sur le bord de la route pour admirer le sportif dans l’effort, quand personne ne s’intéressait à la quête de ces amateurs déjà à la recherche de sensations nouvelles. Oui, la Transe Gaule c’est tout çà ! Une épreuve connue seulement de quelques adeptes des longues distances, courue dans des conditions pas toujours optimales d’un point de vue confort, dont les retombées médiatiques sont quasi nulles et dont le « price money » se résume à une récompense sous forme d’un cadeau fait-main qui aura surtout une valeur sentimentale pour ceux qui parviendront à rejoindre Gruissan. Mais la Transe Gaule ne serait plus la Transe Gaule si ces ingrédients disparaissaient. Si tout était calculé, robotisé, préparé, embaumé, facilité. Cette épreuve perdrait toute crédibilité, elle serait ainsi dénaturée. L’aspect spartiate et simple des conditions de vie sur la course font de celle-ci une épreuve humaine au delà même de l’exploit sportif. Même s’il faut admettre que la Transe Gaule d’aujourd’hui est déjà différente de celle de la première édition, elle conserve les valeurs primaires chères à son organisateur et c’est très bien comme cela. Les hommes et les femmes qui acceptent de jouer le jeu de la Transe Gaule sont des aventuriers dotés d’un esprit de combativité qui leur permet de repousser leurs propres limites sans se soucier du lendemain, ni des autres. La recherche de ses propres limites tout en prenant du plaisir, voilà ce que viennent chercher les athlètes qui se lancent dans la bataille.

C’est la tignasse ébouriffée que je me réveille. Mes cheveux sont trop longs et mon look ne ressemble plus à rien. Je cherche alors après un salon de coiffure à Roscoff que je ne trouverai pas. Je décide de passer ma nervosité en allant à Saint-Pol de Léon qui se situe à cinq kilomètres de là. Pas de chance, après quelques centaines de mètres, je me ramasse une sauce sur la cafetière, mes pieds sont également trempés. Je parviens à Saint-Pol une bonne heure plus tard et me mets à la recherche d’un coiffeur. Il y a un petit marché au centre de la ville, je suis en

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décalage avec les autochtones ! La coiffeuse me coupera les cheveux rapidement et c’est après un passage au supermarché du coin que je reprendrai la route vers Roscoff. Au total, j’aurai à peu près marché vingt kilomètres et ainsi pu passer ma nervosité légitime à la veille du départ de l’épreuve. Au chemin du retour, j’emprunte la route que nous prendrons le lendemain mais en sens inverse. Je constate par ailleurs que celle-ci est loin d’être plate ! Rentré à Roscoff, je passe prendre mes affaires à l’hôtel et me rends au hall omnisport. Plusieurs coureurs sont arrivés. L’effet n’est pas le même que deux années auparavant. Je me sens chez moi, je suis moins impressionné. Ce sont tout d’abord les retrouvailles avec Fabrice Viaud, Philippe Gallou, Fred Borel ainsi que Eric Dérivaz, Regina Van Geene, Jan Nabuurs et Theo Kuipers. Je ne manque pas non plus de saluer celui que j’appelais Papy deux ans auparavant. Dans un langage incompréhensible nous discutons de nos retrouvailles. Richard Hofbauer porte fièrement ses septante-cinq ans et sera le doyen de l’épreuve. Les salutations continuent avec les arrivées de Don Winkley, ce texan qui a bouclé les sept premières éditions et qui s’attaque ainsi à sa huitième étoile à septante-trois ans.

Parmi les nouveaux venus, notons la présence du couple Massif-Perreau que j’avais croisé lors de ma participation aux cent kilomètres du Morvan en Juillet. Ces deux là ont des vraies « gueules » de compétiteurs avec des visages creusés et un teint bronzé qui laisse augurer d’heures d’entraînement passées à arpenter les routes de leur région. Cette année, j’aurai droit à la présence d’un compatriote néerlandophone que je ne connais pas. Je ne serai donc plus l’unique Belge à avoir osé tenter l’aventure. Je lui souhaite bonne chance. Et ainsi, je salue tour à tour les nouveaux venus. Tiens, mon copain voyageur d’hier est présent. Il discute ferme avec une autre tête nouvelle, Didier Cartreau. Leurs discussions m’inspirent peu car j’ai l’impression de ne pas être sur la même planète ! Je fiche mon billet que l’on va retrouver ces deux gaillards aux avants postes de l’étape de demain. A moins qu’il n’y ait d’autres favoris cachés que je ne connais pas encore.

La fin de journée et la soirée seront très longues. Nous aurons droit cette année à des explications trilingues qui n’en finiront pas. La nervosité grandissante des sportifs se lira assez facilement et sera conjuguée à une espèce de lassitude bien compréhensible. Qu’on en finisse ! Que le départ soit donné ! Mais non, il allait falloir attendre encore une nuit avant que les fauves ne soient lâchés. Et donc, tous ceux qui auront fait leur service militaire comme moi attendront patiemment que le soleil ne se lève pour voir enfin arriver le jour de la grande messe ! Pour les autres, je m’imagine que la nuit sera agitée, longue, interminable et que l’attente deviendra insupportable, faisant monter l’adrénaline jusqu’à des niveaux tels que la moindre étincelle provoquerait l’ire de ces concurrents non vaccinés à l’inévitable attente.

C’est le jour J mais pas encore l’heure H ! Rassemblement des troupes, bleusaille et anciens combattants compris pour prendre la direction de l’arène au pied du phare de Roscoff. La marée est au plus haut. Une dernière tasse de café accompagnée de petits gâteaux nous est offerte. Les présentations sont faites à

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Monsieur le Maire. Tout le monde se regroupe sous l’arche de départ sous le regard discret de quelques curieux venus dès l’aube scruter l’événement sportif le moins médiatisé de France.

Ca y est ! Les cinquante coureurs courageux effectuent leurs premières foulées sur le sol breton. L’histoire, leur histoire se met ainsi en marche ou presque puisque les cinq premiers kilomètres sont neutralisés et prendront l’allure d’un petit jogging matinal. Ce dernier permettra à tout à chacun d’effectuer les derniers réglages de chaussures et d’évacuer un stress qui a atteint son paroxysme. De mon côté, c’est fier d’en découdre pour la seconde fois avec cette épreuve que je me lance dans l’aventure. Je ne souhaite qu’une seule chose, c’est de savourer chaque foulée et d’apprécier le parcours sans que les vilaines blessures ne viennent jouer les troubles fêtes. Quarante minutes après que le premier départ ait été donné, les mercenaires se regroupent près de l’église de Saint-Pol de Léon, là où la vraie grande messe va pouvoir commencer. Plusieurs athlètes abandonnent déjà des survêtements auprès des bénévoles qui nous accompagnerons durant la fête. Parmi ceux-ci, quelques troublions viendront agrémenter nos passages aux ravitaillements de leur remarques humoristiques et autres pensées hautement philosophiques du style : « Chaque année il y a de plus en plus de cons, à tel point que je me demande si les cons de l’année prochaine ne sont pas déjà là !» Ceci ne concerne bien sûr pas la caravane qui accompagnera les sportifs, ni les sportifs eux-mêmes ! Dès le début on remarque que l’atmosphère est tendue mais amicale. Non ! Les fauves ne sont pas encore vraiment lâchés. Il faut dire que JB n’aura pas manqué de rappeler à qui veut l’entendre qu’il serait sage de ne pas forcer l’allure lors des premières étapes sous peine d’être irrémédiablement rappelé à l’ordre par Dame Nature ! En effet, l’expérience des sept éditions précédentes a largement démontré que « Qui part trop vite, court à la tendinite ! ». Dans des temps normaux cette lacune vous cloue un coureur dans son fauteuil mais à la Transe Gaule, ce mot, ce mal fait presque partie du quotidien des coureurs. Il est le compagnon fidèle des imprudents et des malchanceux qui n’auront pas su entendre les messages envoyés par leur organisme et … par l’organisateur. Ces signaux, au début, seront peu perceptibles mais à force de faire la sourde oreille, ce sont de véritables coups de poignard qui seront lancés dans les chevilles et les tibias des infortunés coureurs. Et plus le refus de la réalité sera évident, plus le corps se rebellera, au risque même de planter là les imprudents qui auront franchi la zone infranchissable. Mais allez savoir pourquoi, sans qu’il n’y ait vraiment d’explications, certains franchiront tous ces obstacles sans le moindre problème et d’autres verront leurs organismes rester dans un état de fraîcheur identique du début à la fin de l’épreuve. Toute l’astuce d’une Transe Gaule réussie réside dans la gestion du bien, du mal, de l’audace et de la chance.

Les premiers kilomètres sont parcourus à faible allure pour la plupart des participants sauf pour Jan Nabuurs, qui fidèle à son habitude, part sur les chapeaux de roue. Après quelques minutes il a déjà deux cents bons mètres d’avance sur tout le monde. Il faut dire que Jan est un habitué. Il a participé et terminé plusieurs

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épreuves de fond comme la Transe Gaule et même la Transe Europe qu’il a bouclé à la cinquième place en deux mille neuf. Dans son cas, son corps « est fait » à la course de fond. Il peut se permettre de se laisser aller dès le début car l’effet mémoire de l’organisme va faire son œuvre plus rapidement que chez les autres coureurs. Jan, le Hollandais, est réputé pour être le Zoetemelk du peloton, souvent classé mais rarement vainqueur. Pourtant, comme son illustre prédécesseur, Jan ne manque pas de qualités et mériterait un jour de récolter les fruits de son audace et de son panache. Joop Zoetemelk avait une année remporté brillamment le tour de France en bénéficiant cependant de l’abandon du blaireau Bernard Hinault pour cause de ...tendinite !!! L’histoire se répétera-t-elle ?

La caravane est totalement différente de celle d’il y a deux ans. La présence de nombreux accompagnants bouleverse un peu l’esprit de la course et suscite ma foi quelques commentaires sur les blogs. Mais on dira ce que l’on voudra, chaque coureur n’a que ses deux jambes pour le propulser et chaque coureur devra « avaler » les kilomètres prévus s’il veut conquérir le précieux graal.

Derrière Jan, un groupe de nouveaux venus entame prudemment cette joute initiale. On devine aisément que beaucoup courent avec le frein à mains comme on dit. Les uns discutent, les autres observent mais tous avancent !

Après quelques kilomètres, le classement évolue et on retrouve aux avants postes les noms qui avaient été annoncés comme favoris. Je dois être un des rares participants à figurer dans les dix premiers alors que mon nom ne figurait sans doute pas en tête de liste des prétendants.

L’étape se résume finalement à une mise en jambes au profit du grandissime favori Jean-Jacques Moros, lequel a privé Jan Nabuurs d’une première victoire. Derrière on retrouve Didier Cartreau et Brigitte Bec qui en ont gardé sous le pied en prévision des obstacles futurs. Je finirai cinquième mais très loin derrière ces quatre personnes après avoir recollé sur le savoyard Dérivaz qui semblait à la peine sur la fin de parcours. Tous les autres concurrents boucleront le parcours sans problème.

La glace est rompue, le spectacle peut commencer et les artilleurs sont prêts à lancer les premières salves d’un combat qui s’annonce très indécis tant chez les hommes que chez les dames. Brigitte Bec devra en effet se méfier de l’Allemande Carmen Hildebrand et de sa compatriote Catherine Massif. A l’arrière, les papys se portent bien et leur longue promenade vers l’Aude débute sous les meilleurs auspices (jeu de mots) !

Il n’y a pas grand-chose à faire à Plounévézel ! Dès lors, chacun en profitera pour tester les conditions de vie auxquelles il sera confronté durant les dix-sept prochaines journées. Il ne reste plus qu’aux guerriers à bien se reposer. Il est un fait qui peut paraître étrange dans ce type de compétition, c’est que peu de coureurs ait recours aux étirements après leur course. Bien sûr certains d’entre eux vont faire un petit tour chez les jeunes kinés qui nous accompagnent mais les carcasses de ces

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vieux briscards ne semblent réclamer aucun soin supplémentaire. Pourtant, il y a un coureur qui échappe à cette anomalie. En effet, Jean-Jacques Moros s’adonne à une séance très poussée de relaxation qui suscite peu de jalousie mais quelques regards interrogateurs. Le bonhomme se contorsionne dans tous les sens pendant de longues minutes, histoire de remettre tous les outils en place sans doute ! Je l’observe délivrer ces gestes étranges qui semblent le mener vers une planète dont lui seul connaît la destination. Je feins alors de ne pas trop regarder et préfère me concentrer sur la mise en place de mon couchage.

Classement Etape 1 62 Chronométrés ROSCOFF – Plounévézel 67 K km/h 1 Moros*, Jean-Jacques 05:00:33 12,377 2 Nabuurs**€, Jan (NED) 05:22:13 11,545 3 Bec Cètre, Brigitte 05:36:59 11,039 Cartreau, Didier 05:36:59 11,039

5 Robert*, Michel (BEL) 06:17:05 9,865 6 Derivaz**, Eric 06:19:07 9,812 7 Habasque, Gérard 06:31:56 9,491 8 Chenais, Maurice 06:32:02 9,489 8 Massif!, Catherine 06:32:02 9,489

10 Hildebrand, Carmen (GER) 06:35:24 9,408 St-Martin, Laurent 06:35:24 9,408

12 Andersson, Mikael (SWE) 06:35:54 9,396 13 Perreau!, Vincent 06:43:53 9,211 14 Madec!, Stéphane 06:45:05 9,183 15 Von Palombini, Jobst (GER) 06:48:48 9,100 16 Ryascoff, Pascal 06:50:59 9,051 17 Petit, Didier 07:03:52 8,776 18 Byeung Sik, Ahn (KOR) 07:05:23 8,745 18 Lange, André (GER) 07:05:23 8,745 20 Frémery, Jean-Michel 07:10:34 8,640 21 Lamp, Reinhold (GER) 07:14:31 8,561 22 Zach*€, Ullrich (GER) 07:18:53 8,476 23 Coldicott, Ian (GBR) 07:20:08 8,452 24 Borrias, Erwin (NED) 07:26:18 8,335

Van den Hende, Jos (BEL) 07:26:18 8,335 26 Kahla, Said (ALG) 07:32:21 8,224 27 Nemeckova, Martina (CZE) 07:32:27 8,222 28 Monot, Anny 07:33:59 8,194 29 Hofbauer*, Richard (GER) 07:36:03 8,157 30 Theissen, Markus (GER) 07:44:51 8,003 31 Gallais*!, Frédéric 07:50:35 7,905 32 Borel*!, Frédéric 07:53:22 7,859 33 Valle**, Romain 07:56:35 7,806 34 Broersen**, Jos (NED) 07:56:54 7,800 35 Gallou*, Philippe 08:12:27 7,554

Morand*, Frédéric 08:12:27 7,554 37 Buchwald, Baldur (GER) 08:20:24 7,434 38 Le Ny!, Gwen 08:24:07 7,379

Miorin!, Robert 08:24:07 7,379 Richard, Jean-Pierre 08:24:07 7,379 Viaud****, Fabrice 08:24:07 7,379

42 Simons**, Marie-Jeanne 08:46:41 7,063 43 Quéant*, Gwen 08:48:55 7,033 44 Cormier, Mireille 09:05:39 6,818

Van Geene**, Regina (NED) 09:05:39 6,818

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Tout le monde en profite également pour faire connaissance et essayer de créer les premiers liens d’une amitié encore embryonnaire. On appréciera les bons mots de l’ami Maurice Chenais, le presque sexagénaire au parler si typique. Maurice peut se décrire en quelques mots. Il est pour moi l’archétype du vieux briscard qui a traîné ses running dans tous les coins de France. Dans son cas, c’est avec brio qu’il a bouclé plusieurs UTMB, cette course devenue si (trop) populaire et qui propose une ballade de plus de cent soixante kilomètres autour du Mont-Blanc. Je l’aime bien Maurice ! C’est un bon Franchouillard au visage un peu marqué mais au physique qui impose le respect. Maurice n’a qu’une crainte, c’est de se perdre ! En effet, il avoue avoir une très mauvaise vue et n’est pas très confiant par rapport au fléchage caractéristique de la Transe Gaule. Pourtant, ce dernier a fait ses preuves. De minuscules petites flèches autocollantes noires sur fond orange nous guident en effet tout au long de notre chemin, elles sont parfois renforcées de marquages plus prononcés aux bifurcations jugées plus délicates. Apposées à hauteur des yeux et dans à des endroits opportuns pour les coureurs, elles nous ouvrent la voie et nous rappellent que nous sommes sur le bon parcours.

Après une bonne nuit réparatrice, chacun se lève avec le ferme espoir de poursuivre l’aventure. Il est vrai qu’à ce stade, tout le monde est encore frais et aspire à ce que la suite de l’épreuve apporte joies et satisfactions. C’est dans la pénombre que le drapeau breton est baissé pour signifier le départ de la seconde étape entre Plounévézel et Pontivy d’une distance de soixante-huit kilomètres qui sont annoncés vallonnés.

Pas de round d’observation aujourd’hui et les dames montrent l’exemple à l’instar de Brigitte Bec et de Carmen Hildebrand. Catherine Massif flanqué de son compagnon Vincent n’est pas en reste et veut montrer qu’elle n’est pas là pour faire de la figuration ! Quelques coureurs timorés la veille décident alors de se lâcher un peu. On retrouve parmi ceux-ci le Suédois Andersson, le Savoyard Eric Dérivaz, le Gersois Laurent Saint-Martin suivi entre autres de l’expérimenté Maurice Chenais. Je reste en retrait de tous ces gens préférant flâner un peu et observer les charmantes petites églises qui se succèdent tout au long du parcours. Mes foulées tentent d’apprivoiser le bitume qui se déroule sous mes pieds mais aujourd’hui, l’envie n’y est pas ! C’est un peu comme un matin brumeux. Il faut se rendre au turbin alors que l’on aurait apprécié de rester sous la couette. Le soldat a décidé de garder son épée dans le fourreau en fuyant à tout prix la bataille dont il sortirait à coup sûr diminué. C’est d’ailleurs ce qui a failli se produire lorsque j’ai partagé mon chemin avec le grand Allemand Jobst von Palombini qui hisse sa grande carcasse en poussant quelques bruits qui laissent penser qu’il souffre sur ses chemins pourtant pas encore trop difficiles. A nos côtés, Stéphane Madec dit « le coureur aux pieds verts » va bon

46 Colliou, Jean-Claude 09:22:08 6,618 Perchoc, Françoise 09:22:08 6,618

48 Eichner****, Sigi (GER) 09:34:20 6,477 49 Kuijpers**€, Theo (NED) 09:53:10 6,271 50 Winkley$*******, Don (USA) 09:58:50 6,212

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train. J’ai du mal à emboîter son pas qui n’est pourtant pas très prononcé. Je laisse partir Stéphane le long du canal de Nantes et m’enferme dans ma bulle en décomptant les kilomètres à parcourir. Devant, la guerre fait rage et les sages consignes qui avaient été respectées lors de l’étape initiale sont oubliées. Chacun pour soi et Dieu pour tous. Sur la ligne d’arrivée, on retrouvera trois féminines dans les dix premiers, ce qui constitue sans doute une première sur la Transe Gaule. Il n’aurait plus manqué que la présence de la Japonaise Hiroko pour hausser encore le niveau et ajouter du suspens à la course. En effet, Hiroko, la battante, détient le record féminin de l’épreuve à plus de onze virgule cinq kilomètres par heure de moyenne. Il est certain que les trois filles précitées ont le potentiel pour pouvoir inquiéter ce record. En tout cas, il est une évidence que Brigitte Bec fera tout pour effacer la Nipponne des tablettes. Elle vient de démontrer lors de ces deux premières étapes qu’elle n’a rien à envier aux hommes et qu’il faudra compter avec elle pour la lutte aux places d’honneur.

La course semble plus ouverte qu’il y a deux ans. En 2008, bon nombre de concurrents étaient en pleine préparation de la Transe Europe et la densité de bons coureurs présents avait donné lieu à de très beaux combats derrière l’inaccessible René Strosny. L’épreuve m’apparaît mieux nivelée cette année avec la présence de concurrents et concurrentes dont les allures sont très proches. Le développement des Blogs sur Internet a permis à tout le monde de trouver des informations pertinentes laissées par les coureurs qui ont déjà participé à l’épreuve et ainsi de se positionner par rapport aux éditions passées. C’est ainsi que je prédis une course ouverte pour les accessits et bien malin sera celui qui pourra pronostiquer le top dix. Dans ce flot de nouveaux arrivés, j’estime pour ma part que pouvoir boucler le parcours vers la quinzième place constituerait une belle performance.

A l’arrière le climat semble excellent. Les habitués comme Marie-Jeanne Simons, Fred Borel et Philippe Gallou avancent à leur cadence sans se préoccuper de la suite. Fabrice Viaud va beaucoup mieux après avoir vécu une première étape catastrophique. En effet, le quadruple étoilé a été victime de tachycardie, ce qui l’a empêché de s’exprimer à son meilleur niveau. La caravane teutonne avance, elle aussi, sans faiblir accompagnée d’une pléthore de coureurs français qui n’ont qu’un seul et unique objectif, rallier Gruissan-Plage.

A quelques centaines de mètres de l’arrivée, je vois mon ami Maurice arrêté au bord de la route. Alors que je redoute un souci, je m‘aperçois en arrivant à sa hauteur qu’il sirote une petite bière an compagnie d’amis venus lui rendre visite ! Un peu perdu, je clôture mon étape en laissant Maurice. Puis, je comprends la manœuvre du vieux briscard ! A partir de la troisième étape, l’organisateur a annoncé que les départs seraient décalés. Les premiers de l’étape partiront en effet une heure plus tard. L’ami Maurice a tout simplement ralenti afin de pouvoir partir dans le premier groupe, me laissant ainsi l’honneur de batailler avec les ténors. Finalement, sa stratégie n’aura pas de raison d’être car je partirai également dans le premier groupe, JB limitant aux onze premiers le fait de figurer dans le second groupe. Ceci

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tend à prouver que bien que cette course se veuille amicale, l’esprit de compétition est bel et bien présent. Chacun y va de sa stratégie pour parvenir à ses fins mais toujours dans un but personnel d’avoir le bonheur de plonger dans la Méditerranée.

L’organisation ne prévoit des repas qu’une soirée sur deux. Ce soir les coureurs auront le choix entre les merveilleux Bolino ou pourront se sustenter à leurs frais dans le restaurant de leur choix. Quelques coureurs dont je fais parti opteront pour la seconde solution, estimant qu’il faille combler les pertes caloriques en ingurgitant un repas consistant. Nous nous rendons avec Eric Dérivaz, mon pote de 2008, au restaurant le plus proche mais faisons d’abord un détour dans un bistro où nous avalons une bonne bière. Attablés parmi les bénévoles, nous nous goinfrons de mets délicieux qui parviennent péniblement à combler nos estomacs. Tout cela sera accompagné d’un apéritif et de quelques verres de vin rosé. C’est à moitié saoul que je rejoindrai mon lit de fortune. Cela aura au moins l’avantage de me procurer l’opportunité de passer une bonne nuit. Ces repas, un peu improvisés, constituent le moment que je préfère. Ils permettent d’aborder d’autres sujets que la course à pied et de faire connaissance avec nos ravitailleurs journaliers. L’ambiance est très joviale et chacun y va de ses bons mots pour détendre l’atmosphère. On oublierait presque que le lendemain il va falloir parcourir septante-cinq kilomètres.

Comme annoncé mon sommeil sera profond. Le départ de la troisième étape se situant à plus d’un kilomètre de la salle omnisport, c’est en navette organisée que nous embarquons. Nous nous retrouvons parfois à dix dans un camping car. Les onze premiers de la seconde étape patienteront donc une heure avant de partir. Une rapide évaluation de la situation me fera penser que je risque fort de faire cavalier seul pendant une bonne partie de la journée. Je devrai sans doute voir dans mes parages Maurice, Jobst et Stéphane, à moins que de nouvelles têtes manifestent l’envie de pousser un peu la machine ! Dès le départ donné, Maurice met le turbo, pas d’échauffement, il est de suite au taquet ! Après quelques centaines de mètres, je ne l’aperçois déjà plus. Derrière, le trou se creuse rapidement et mes prévisions se confirment, c’est seul que j’effectuerai ce parcours. Mon but est de pouvoir atteindre l’entame du dernier tronçon de l’étape sans être rattrapé par les premiers. Le final se passera sur un sentier de dix-huit kilomètres qui nous mènera vers la ligne d’arrivée à Guer. Scénario identique à la veille, l’envie de courir n’est pas là d’autant plus que j’ai le sentiment d’avoir un peu trop forcé sur le rosé. Autant dire que la journée risque d’être longue et pénible !

Je me demande alors comment les autres concurrents vivent leur étape. Pour certains l’affaire sera pliée en plus ou moins six heures et pour d’autres, c’est seulement après treize heures d’effort que la ligne d’arrivée sera franchie. D’autant que l’on constate que peu à peu l’allure des concurrents évolue. Cela tire un peu plus dans les chevilles, l’échine se courbe de plus en plus sous le martèlement des pieds. Don Winkley, le septuagénaire aux sept étoiles éprouve un peu plus de difficultés cette année car d’habitude il bénéficie d’une assistance mais cette fois c’est plus ou moins seul qu’il effectue la traversée. Quelques âmes sensibles lui prêtent main forte

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mais ce n’est pas la même chose que par le passé. Il n’empêche que ce baroudeur impose le respect de tous car son curriculum vitae de course à pied en fait pâlir plus d’un. Et que dire alors de Richard Hofbauer, le papy de la course. C’est fier de ses septante-cinq printemps qu’il est bien décidé à conquérir sa seconde étoile. Il y a bien plusieurs courses en une. Ces personnages atypiques méritent assurément bien du respect. Mais où vont-ils chercher la motivation ? Qu’est-ce qui peut bien les pousser à s’engager dans de telles aventures ? D’autant que Richard, ne traîne pas les pieds ! Aujourd’hui, près septante-cinq kilomètres d’efforts intenses, il terminera à une très honorable trente-troisième place à une moyenne de sept virgule cinq kilomètres par heure.

Tandis que mes modestes quarante-cinq printemps me mènent péniblement vers Ploërmel, un train à grande vitesse passe à côté de moi ! Il en profite d’ailleurs pour me remettre sur le droit chemin car j’ai suivi une ancienne flèche. Et oui, après quarante-cinq kilomètres, le premier de la course, Jean-Jacques Moros, me met une heure dans la vue. Je ne peux qu’être envieux, admirer, observer cette différence d’allure. Mon esprit compétiteur me pousse instinctivement à augmenter ma cadence mais c’est peine perdue. Mon éphémère compagnon de voyage me laisse à mon plus ou moins triste sort d’autant que je n’ai pas encore retrouvé de bonnes sensations. Je serai encore rattrapé par Didier, Jan et Brigitte. Ce quatuor est très impressionnant.

Le chemin de dix-huit kilomètres qui nous mène à travers la campagne vers l’arrivée me semble monotone. Il est même parsemé de grosses pierres qui m’empêchent d’avancer correctement. Après quelques kilomètres, je parviens à hauteur d’une ferme sur ma gauche. Je pense alors que les habitantes m’encouragent par des signes évocateurs. La fatigue m’aveugle. En réalité ces personnes sont en train de me dire que je n’ai pas le droit de courir sur ce chemin. Je pense qu’il s’agit d’une blague car je vois une flèche orange qui me confirme que je suis sur la bonne route. Puis, un homme assez musclé sort précipitamment de la demeure pour renchérir et m’enguirlander. Un peu paumé, je décide de passer sous une barrière et de poursuivre ma route. J’entends les personnes gueuler mais je ne me retourne plus. Je me dis alors que s’ils ont quelque chose à me dire, elles n’ont qu’à me suivre. Et c’est ainsi que j’arrive à deux kilomètres du but. En sens inverse je vois deux silhouettes féminines qui trottinent. Arrivées à ma hauteur, je reconnais une des deux kinés. Les deux dames me demandent si elles peuvent m’accompagner jusqu’à l’arrivée. J’accepte bien sûr leur invitation. Ouf, me dis-je, voilà une grosse étape derrière moi. Trois jours se sont écoulés et nous avons accomplis plus de deux cents kilomètres.

Bien que mes allures et ma place soient meilleures qu’en deux mille huit, je n’ai pas encore la sensation d’être pleinement entré dans ma course. J’ai vraiment beaucoup de mal à m’exprimer mais je me dis que pour un type qui n’a pas de bonnes jambes, je me débrouille plutôt pas mal. Etant d’un naturel assez perfectionniste, je pense alors que je pourrais vraiment mieux faire. Mais dans ce

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genre de compétition, il faut prendre son temps. Le mental nous aidera à surmonter les obstacles mais c’est le corps qui décidera de la performance !

Ce soir, un premier coureur lâche prise. L’Anglais Coldicott renonce suite à des problèmes de genoux. Il laisse les quarante-neuf rescapés poursuivre leur chemin tandis que les organismes sont marqués par les ces trois premières étapes exigeantes.

Le quatuor de tête est identique et on ne voit pas très bien qui va pouvoir venir bousculer cette hiérarchie déjà bien installée. Derrière eux les écarts s’agrandissent sans pour autant être significatifs. La route est encore longue et il peut encore se passer plein de choses.

Ma treizième place du jour me permettra de rester dans le groupe des seconds couteaux tandis que Maurice intégrera l’élite !

Les soirées sont un peu monotones. Nous blaguons avec Philippe, Gérard et quelques autres mais dans l’ensemble l’ambiance manque et c’est le sérieux qui prédomine. L’épreuve est certes à appréhender avec la concentration nécessaire mais il conviendrait de se lâcher un peu afin d’évacuer les derniers soupçons de stress qui planent encore. On aurait pu imaginer que l’organisateur pousse la plaisanterie plus loin et qu’il organise des petites joutes amicales en soirée. Cela aurait été sympathique d’imaginer un petit match de football entre les étoilés et les novices. Mieux encore ! Puisque l’on a ici à faire des fous du bitume, à des gens qui ont le culte de la performance, à des athlètes qui acceptent d’en découdre quelles que soient les conditions, JB aurait pu créer une épreuve permettant d’octroyer des bonus aux heureux vainqueurs. C’est ainsi que les femmes s’affronteraient par élimination sur une course de cent mètres dans laquelle la hiérarchie pourrait être bousculée. Imaginons une première série avec l’Allemande Sigrid, la Néerlandaise Régina, les Françaises Françoise, Catherine et Brigitte et une seconde série mettant aux prises l’allemande Carmen, les Françaises Mireille, Annie et Marie-Jeanne et la Tchèque Martina. Les deux premières de chaque série et le meilleur troisième temps s’affronteraient en finale. Après une course hyper serrée, c’est Catherine qui l’emporterait devant Brigitte et la vaillante Sigrid dans la première série. Tandis que les lauriers de la seconde salve seraient attribués à la coureuse tchèque Martina devant Carmen et Marie-Jeanne. L’heure de la finale serait venue, la victoire donnerait vingt-cinq minutes de bonus à la première, vingt à la seconde et ainsi de suite. A ce petit jeu et au prix d’une course acharnée sous les encouragements des spectateurs ébahis, c’est Catherine qui l’emporterait devant Carmen, Brigitte, Marie-Jeanne et Sigrid. Tout le monde serait content d’avoir vécu un excellent moment et d’avoir peut-être pu grappiller quelques précieuses minutes pour la suite de la compétition. Les kinés auraient alors du travail supplémentaire pour assouplir des organismes déjà bien atteints par la longueur des étapes. Le lendemain, ce serait autour des hommes. Les demi-finales mettraient aux prises Didier Cartreau, Vincent Perreau, Gérard Habasque, Eric Dérivaz et moi-même, d’une part et Jean-Jacques

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Moros, Jobst von Palombini, Philippe Gallou, Frédéric Gallais et Fréric Borel, d’autre part.

Dans la première demi-finale, c’est Gérard qui l’emporterait devant moi-même et Eric. Tandis que dans la seconde manche, c’est Jobst qui franchirait le premier la ligne devant Jean-Jacques et Fred Gallais mais ce dernier ne pourrait courir la finale car Eric aura été plus rapide que lui dans la première manche.

La grande finale donnerait lieu à une émotion hors du commun. Les cinq athlètes souhaiteront jouer le jeu à fond. La musculature saillante d’Eric, le diamètre des cuisses de Michel, la vélocité de Jobst, l’agilité de Gérard et la légèreté de Jean-Jacques raviraient les spectateurs devenus parieurs. C’est JB qui serait bien sûr l’arbitre de ce combat de titans.

Les coureurs sont bien alignés, pas une phalange ne dépasse de la ligne de fortune délimitant le point de départ. Cent mètres plus loin Philippe et Gérard sont chargés de départager les participants. Tout le monde est concentré et retient son souffle. JB amène le sifflet à ses lèvres et envoie un signal strident signifiant le départ de la course. C’est le grand Jobst qui prend le meilleur départ, j’ai les yeux rivés sur la ligne d’arrivée, mes cuisses poussent tant et plus alors que j’occupe la troisième place. Jean-Jacques lâche prise devant la puissance des autres concurrents. Gérard talonne Jobst tandis qu’Eric et moi sommes à une encablure des deux meneurs. Déjà cinquante mètres parcourus. Il est temps de montrer ce que j’ai dans le ventre. La sueur perle sur mon front, Eric ne peut me suivre. Je remonte Gérard qui semble avoir les jambes qui vacillent. Il reste trente mètres, Jobst semble avoir course gagnée ! Plus que vingt mètres et le verdict tombera. Malgré un dernier sursaut d’orgueil et une foulée volontaire, Jobst ne peut résister à mon retour. Je franchis la ligne d’arrivée en premier en treize secondes, suivi de Jobst, Gérard, Eric et Jean-Jacques. Je reprends mon souffle et c’est le sourire aux lèvres que je salue les autres coureurs. Soudain, on me tape sur l’épaule. Michel ? Michel ? Et réveille-toi vieux, il est cinq heures trente et nous partons dans une heure !

Mince ! Ce n’était qu’un rêve ! Je suis tout dégoulinant de sueur, mes jambes sont lourdes et pourtant, il va falloir faire vite pour se préparer et être en forme pour affronter la quatrième étape qui nous mènera de Guer à Chateaubriant au bout de soixante-sept kilomètres. La course de cette nuit n’était qu’un rêve mais pourtant, c’est convaincu que quelque chose s’est passé que je vais entamer la suite de la compétition. Est-ce le déclic ?

Alors que le jour tarde à se lever, le départ de la quatrième étape est donné. Nous quittons Guer et je me retrouve très vite esseulé en tête de course. Pourtant, après quelques kilomètres, je vois poindre la carcasse du grand Jobst von Palombini. Il paraît que cet Allemand est un pistard ! Je me suis retrouvé quelque fois dans ces parages lors des étapes initiales et il m’a semblé piocher sérieusement avant de chaque fois faiblir sur la fin. Il semble animé aujourd’hui de meilleures intentions et me double sans peine. Je le laisse partir devant et ne cherche pas à

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lutter avec lui. J’ai mon scénario en tête et rien ni personne ne pourra me faire dévier de ma trajectoire. Mes jambes sont pourtant meilleures aujourd’hui mais l’envie de courir est toujours absente. Il faut dire que le parcours et la météo ne font rien pour arranger les choses. Nous avons droit à d’interminables lignes droites et la pluie menace de tomber. Malgré les interrogations qui sont miennes, j’avance et c’est là l’important. Les kilomètres défilent et je n’ai encore rien montré. Dans le fond, je me dis que cela n’est pas plus mal car je ne force pas. Les sensations finiront bien par évoluer me dis-je ! A l’approche du trentième kilomètre, de gros nuages noirs font leur apparition. Je me dépêche d’arriver au second ravitaillement car l’orage menace. Peine perdue, alors que j’aperçois la tonnelle et la camionnette du précieux lieu de repos, j’ai droit à un déluge qui me glace le sang. C’est complètement trempé que je parviens au point précité. J’avale une ou deux tartines et me remet en route alors que la pluie tombe de plus belle. Avancer, avancer, ne penser à rien, tel est mon objectif. Alors que les dieux décident de fermer les vannes (!), j’atteins le ravitaillement de Marie et Marcel. Cet endroit est synonyme de présence de soupe chaude. C’est sans hésiter que j’accepte un bol de ce délicieux breuvage. Il nous reste alors à peu près vingt-cinq kilomètres à accomplir. Les premiers ne doivent plus être très loin et je suis étonné qu’ils ne m’aient déjà rattrapé !

Vers le cinquantième kilomètre, le camping car qui accompagne Didier Cartreau parvient à ma hauteur. Cette fois, je n’y échapperai pas, je vais me faire scotcher sur place par le duo de tête. Effectivement Didier me rejoint. Il est suivi de Jean-Jacques à une cinquantaine de mètres. Je sors mon portable et en profite pour immortaliser ce moment. Le temps de le dire et Jean-Jacques est passé. Visiblement il n’est pas au mieux et se plaint de maux de ventre. Cela ne l’empêchera pas de terminer cette quatrième étape à la première place. Lorsque les deux coureurs sont passés, je me suis dit que la course ne pourrait pas continuer comme cela. Ils se bagarrent trop pour qu’ils sortent indemnes du combat. Je suis quasi certain que l’un des deux ou les deux vont craquer. Néanmoins, je reste admiratif car ils font preuve d’un très beau tempérament. Seul le Hollandais Nabuurs me double encore avant l’arrivée. Son allure est plus saccadée que le premier jour et ses bras l’aident autant que ses jambes à se propulser vers l’avant. Le style laisse à désirer mais il a le mérite d’être efficace. La fin de mon étape sera meilleure. La pluie et le potage m’auront été salutaires. Je franchis la ligne d’arrivée en douzième position et me tiens toujours en embuscade au classement général. J’attends avec impatience que l’envie de courir me reprenne car du côté de mon organisme tout semble au point. Ce qui n’est pas le cas de tout le monde. En effet, aujourd’hui la hiérarchie est un peu bouleversée. Eric Dérivaz semble accuser le coup des gros efforts consentis en début d’épreuve. Le savoyard est pourtant un habitué de cette épreuve pour l’avoir bouclée à deux reprises à la sixième place. Il fait d’ailleurs partie des pionniers. Il fallait avoir un sacré tempérament en 2001 pour se lancer ainsi dans l’aventure sans pouvoir anticiper ce qui allait arriver. Mais depuis, Eric a fait du chemin et a même réussi d’excellents résultats en 2008 et 2009 en s’imposant notamment à la Nove Colli, une course de plus de deux cents kilomètres à accomplir d’une traite dans un

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décor montagneux. Mais cette année, Eric est moins à l’aise, je l’ai notamment ressenti lors de l’étape initiale où il m’avait semblé peiner sur la fin. Je reste cependant confiant pour lui car il fait partie des guerriers de l’impossible, une race pour qui le mot « Abandonner » ne figure pas au vocabulaire. C’est cela aussi la Transe Gaule, une épreuve durant laquelle les sensations évoluent. L’essentiel est de toujours écouter son corps et de ne jamais dépasser les limites qu’il nous impose. Il est encore beaucoup trop tôt pour forcer la cadence et c’est sans doute dans cet état d’esprit qu’Eric à terminé cette étape.

Comme signalé par ailleurs, l’ambiance est différente cette année. Certains coureurs le ressentent. C’est ainsi que Romain Valle, un coureur ayant déjà bouclé la Transe Gaule à deux reprises décide purement et simplement de renoncer par manque d’envie semble-t-il. C’est un sentiment que je peux tout à fait comprendre car je ressens moi-même une certaine retenue qui me dérange un peu. Pour l’instant, je cours d’ailleurs plus à l’instinct que par envie de me surpasser. Romain laisse donc la caravane poursuivre sa route, lassé qu’il est d’en découdre avec le bitume.

Tel un demi vagabond, j’irai faire mes courses à l’hypermarché en prenant soin de d’acheter un nouveau matelas pneumatique car le mien a rendu l’âme. J’erre donc dans les rayons à la recherche du moindre réconfort dans ce combat solitaire que je mène depuis quatre jours. J’en profite aussi pour examiner les démarches des autres concurrents et comparer l’état de fraîcheur des uns et des autres. Les déambulations dans le hall omnisport se font de plus en plus difficiles et tout le monde économise son énergie en vue des futures difficultés. Les glaçons, tapes, kinésiotapes font leur apparition et certains participants sont déjà presque momifiés ! Il n’y a qu’à observer le sympathique coureur sud coréen pour se rendre compte que la Transe Gaule est en train de faire son œuvre. On se demande alors comment va faire notre ami asiatique pour enchaîner Transe Gaule et Deutschland Lauf avec des bandages de plus en plus présents. La Deutschland Lauf est la sœur allemande de la Transe Gaule et se déroule au mois de septembre. Ce sera la dernière édition cette année. Seule l’Allemande Sigrid Eichner est parvenue à ce jour à accomplir l’exploit de boucler les deux courses durant la même année.

Ce soir, les participants ont accompli deux cent septante-trois kilomètres, soit à peu près la traversée de la Belgique du Nord au Sud. On devine aisément que les jours prochains vont révéler certaines réalités impitoyables. En deux mille huit, je me rappelle très bien que c’est au lendemain de cette étape que la vraie course allait débuter. Les imprudents vont commencer à regretter leur départ trop impétueux et les sages apprécieront de plus en plus de pouvoir augmenter le rythme. La course d’attente est à présent terminée, le combat des chefs va réellement avoir lieu. On accentuera encore cette vérité en disant qu’une Transe Gaule réussie est une Transe Gaule durant laquelle la seconde moitié est courue plus rapidement que la première. Combien d’athlètes sont-ils capables de réaliser un tel scénario ? Qui va mordre la poussière et qui va se prélasser sur la plage de Gruissan ? Qui jettera ses

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running au diable et qui remerciera le bon Dieu pour avoir atteint le paradis ? Peu à peu, kilomètre après kilomètre, les vérités vont éclore. Chaque pas sera peut-être celui de trop. Chaque foulée révélera l’aptitude du coureur à parvenir à dompter son organisme. Chaque étape supplémentaire amènera son lot de joies et de satisfactions mais aussi quantité de larmes et de déceptions. La route est encore longue pour qui se sent déjà diminué. La route est bien trop courte pour celui qui n’a encore rien donné ! Tel semble être le cas de Frédéric Borel. Le Breton récidiviste semble épargné de tous les maux et mène ma fois une course aussi sage qu’impressionnante tant son état de fraîcheur impose le respect. Je prédis à ce genre de coureur une suite d’épreuve facile et enivrante. D’autres me laissent plutôt perplexes comme Laurent Saint-Martin ou encore Pascal Ryascoff dont les allures sont moins faciles. Enfin, de vieux renards attendent patiemment leur heure et on devine qu’ils en ont gardé sous le pied. Il n’y a qu’à observer Uli Zach pour s’en rendre compte. De mon côté, je suis un peu comme anesthésié. Je ne ressens aucune douleur mais aucun plaisir non plus. Cette seconde Transe Gaule s’apparente à une longue promenade dont je connais l’arrivée mais dont j’ai oublié certains passages. Les kilomètres défilent insensiblement comme si tout se déroulait sans âme en attendant l’arrivée prochaine des étapes montagneuses et ensoleillées.

A Pâques, j’ai en effet décidé de venir sur le terrain pour m’entraîner sur le parcours de quatre étapes difficiles. Ce fut pour moi l’occasion de me réconcilier avec la nature car deux ans auparavant j’avais pesté lors de mon passage en pays auvergnat. La présence de tendinites et autre contracture handicapantes avaient presque anéanti mes espoirs de rejoindre Gruissan-Plage. C’est au prix d’un combat intérieur que je suis pourtant parvenu à mes fins au détriment du plaisir de savourer la traversée de cette merveilleuse région. Donc je me dis que si je peux atteindre Mauriac en étant encore relativement frais, mon capital confiance sera à son maximum. Ma volonté est alors de ménager ma monture afin de pouvoir prétendre à une fin de course exempte de douleurs. Au soir de cette quatrième étape, je me situe à une très honorable treizième place au classement général avec une avance de une heure trente sur mes temps d’il y a deux ans. Il est vrai qu’à l’époque je m’étais très largement freiné au début car je ne savais pas ce qui m’attendait.

L’étape du surlendemain devrait constituer un des premiers grands juges de paix. La proximité de la traversée de Loire n’y est d’ailleurs pas étrangère car l’adage veut que l’on considère la sixième étape comme le véritable point de départ de l’épreuve.

Alors il ne reste plus qu’aux quarante-huit rescapés à terminer le rodage de leur machine lors de la cinquième étape qui les mèneront de Chateaubriant à la très belle arrivée de Saint Georges-sur-Loire. Il y a deux ans, ce fut pour moi l’occasion de susciter l’étonnement de tous les participants et du staff réunis ! En effet, après un début de course relativement lent, je me suis mis à pousser tant et plus pour terminer à la cinquième place. Cette envolée stupide trouva son origine dans une colère intérieure survenue à la suite de propos déplacés d’un concurrent un peu trop zélé …

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En ce lundi seize août, les départs sont pour la dernière fois décalés. Et comme pour les jours précédents, je pars dans le premier groupe. La traversée de Chateaubriant se fait dans la pénombre. Pas âme qui vive dans les environs. Je me retrouve très vite en tête de peloton et ne suis suivi que par Eric Dérivaz. Après avoir creusé un petit écart, je décide de me freiner et d’effectuer quelques kilomètres avec lui. J’en ai un peu assez de courir seul et souhaite partager mes sensations avec quelqu’un. Et puis, insensiblement, l’écart se creuse à nouveau. Pourtant, je ne force pas. Le premier ravitaillement est atteint sans peine alors que le trou avec Eric n’est pas fait. Je décide alors de prendre mon rythme. Mes jambes me portent sans difficulté et je me mets à flâner et à ne plus penser à rien. Je rêve même d’une première place à l’arrivée. Mon allure est supérieure à dix kilomètres par heure. Il faut croire que le format de cette étape me convient à merveille. Derrière, je m’imagine chaque coureur marteler le sol de sa cadence infernale, asséner des coups répétitifs, lutter contre la fatigue. Chacun est en prospection intérieure et puise son énergie afin d’avancer coûte que coûte. Peu de coureurs viennent sur ce genre de course pour la gagne. La plupart d’entre eux ne rêve que d’une chose, rejoindre la plage aux chalets. Pour ce faire, les techniques les plus diverses existent. Certains arborent un équipement des plus sophistiqués alors que d’autres se contentent de porter un T-shirt rudimentaire glané lors d’une course qui s’est déroulée il y a plusieurs années mais qui représente pour eux un souvenir important. Il y a ceux qui respectent strictement une cadence imposée où les périodes de marche succèdent inlassablement aux périodes de course. Il y a ceux pour qui les ravitaillements sont pris à la sauvette parce qu’ils sont considérés comme une perte de temps et ceux pour qui, au contraire, ces haltes constituent un instant privilégié permettant de bavarder avec les courageux bénévoles et ainsi se remonter le moral et profiter de ces moments de relâche pour les assimiler à de véritables périodes de repos. Il y a pour ainsi dire autant de tactiques et de comportements que de coureurs ! Celui-ci boit à minutages réguliers, celui-là court une banane à la main, cet Allemand court avec une poche eau, etc. Mais tout le monde avance et se motive comme il peut, en chantant, en blaguant, en soufflant, en ronchonnant, en pleurant, en riant, en hurlant et certains même…. en courant ! Il n’y a pas de stratégie unique. La seule règle commune est de se propulser à plus de cinq virgule cinq kilomètres par heure de moyenne ! Peu importe le style, peu importe les gestes, peu importe les regards des autres, peu importe les obstacles, un seul leitmotiv pour tout le monde : AVANCER ! Prenons le sympathique Fred Gallais. Voici encore un personnage atypique animé d’une volonté de fer. Fred avoue qu’il s’arrête au bord de la route et effectue des « microsommeils » qui lui sont salutaires. Il prétend que le temps perdu à récupérer est très vite comblé lorsqu’il reprend son ordre de marche.

Cette longue chevauchée me mène seul en tête de course vers la distance mythique de quarante-deux kilomètres cent nonante-cinq mètres en moins de quatre heures, soient à plus de dix kilomètres heures de moyenne. C’est une sensation intéressante que de se retrouver premier d’une épreuve. C’est sans doute là un adjuvant non négligeable mais qu’il faut utiliser avec précautions sous peine de

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brûler inutilement des cartouches bien précieuses. Sur ce parcours qui ne m’inspire pas beaucoup, je vais être accompagné d’une cycliste qui effectue une randonnée estivale à travers la France. Notre aventure suscite de temps à autres un intérêt auprès des personnes que nous croisons sur notre chemin. Au pied d’une côte, la cycliste m’a doublé et prend un peu d’avance. Son deux roues est fort chargé et je me hisse à sa hauteur. Elle est impressionnée par mon allure et ne manque pas de m’encourager, ce qui fait un bien fou. Arrivé au sommet de la bosse, l’aventurière reprend son rythme et me laisse à mon plus ou moins triste sort. Un peu plus tard, c’est JB qui se portera à ma hauteur comme plusieurs fois au cours de l’épreuve. Je le vois songeur et me demande ce qu’il peut bien penser. Il y a deux ans, je n’étais en effet pas en si bonne posture et mon allure était bien moins vaillante. En deux ans, je pense avoir pu tirer certaines leçons de ma première participation. Que ce soit en gestion de course, à l’entraînement, l’équipement ou l’alimentation, je n’ai rien changé de fondamental mais je crois à l’effet mémoire du corps qui se rappelle ce qu’on lui fait subir. Ma seule tactique actuelle est de courir sans jamais forcer. Je me refuse d’être dans le rouge à quelque moment que ce soit, quitte à marcher, voire même à m’arrêter. J’ai décidé de ne lutter avec personne même si de temps à autres, je pousse une petite pointe, histoire de varier les cadences. C’est ce qui se produit encore lorsqu’à l’approche des dernières difficultés du jour, j’entends derrière moi le martèlement de sol des deux premiers. Pas de surprise donc, Didier et Jean-Jacques sont à nouveau au coude à coude. Je mets juste un point d’honneur à ce qu’ils ne me doublent pas avant le sommet de cette côte difficile. A peine arrivé en haut de cette forte bosse, je ne peux que contempler mes deux compères l’espace de quelques instants que déjà ils disparaissent de mon champ de vision. Ma fin de parcours sera tranquille et je ne serai plus rattrapé par personne. En effet, Jan Nabuurs est un peu en retrait aujourd’hui, tandis que j’ai légèrement augmenté ma moyenne par rapport aux jours précédents. Je dois dire que j’apprécie cette arrivée. Ayant traversé la rue principale de cette bourgade, nous nous dirigeons vers la droite. Une petite descente bien sympathique pour les chevilles nous mène à l’arrivée face un superbe château qui nous rappelle que demain dès le début d’étape, nous franchirons la Loire. Jan bouclera son étape quelques minutes après moi. Nous boirons notre traditionnelle bière dès la ligne d’arrivée dépassée. Je n’ai pas réitéré mon exploit d’il y a deux ans en terminant à la cinquième place mais néanmoins, je termine aujourd’hui à une moyenne kilométrique proche de dix kilomètres par heure à une superbe septième place. Cela me confirme que le parcours convient bien à mon organisme car je n’ai pas eu la sensation de puiser dans mes réserves. La caravane a accompli trois cent quarante-trois kilomètres. Les organismes commencent à être atteints.

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Classement Général après Etape 5 338 km chronométrés

St-Georges-sur-Loire, Km 343 km/h 1 Moros*, Jean-Jacques 28:00:45 12,066 2 Cartreau, Didier 28:49:51 11,724 3 Nabuurs**€, Jan (NED) 29:34:56 11,426 4 Bec Cètre, Brigitte 31:37:37 10,687 5 Andersson, Mikael (SWE) 32:42:45 10,332 6 Chenais, Maurice 33:29:11 10,094 7 Derivaz**, Eric 34:26:13 9,815 8 Habasque, Gérard 34:41:15 9,744 9 Robert*, Michel (BEL) 35:16:23 9,582

10 Von Palombini, Jobst (GER) 35:30:49 9,517 11 Perreau!, Vincent 35:43:24 9,462 12 Massif!, Catherine 36:10:30 9,343 13 St-Martin, Laurent 36:18:31 9,309 14   Ryascoff, Pascal 37:40:52 8,970 15 Zach*€, Ullrich (GER) 38:11:33 8,850 16 Hildebrand, Carmen (GER) 38:32:36 8,769 17 Madec!, Stéphane 39:05:12 8,647 17 Viaud****, Fabrice 39:11:41 8,624 19   Borrias, Erwin (NED) 39:18:46 8,598 20 Lamp, Reinhold (GER) 40:21:42 8,374 21   Lange, André (GER) 40:53:14 8,267 22 Theissen, Markus (GER) 41:30:47 8,142 23   Byeung Sik, Ahn (KOR) 42:02:53 8,038 24   Borel*!, Frédéric 42:22:54 7,975 25 Nemeckova, Martina (CZE) 42:28:04 7,959 26 Van den Hende, Jos (BEL) 42:29:48 7,954 27 Frémery, Jean-Michel 42:32:09 7,946 28 Broersen**, Jos (NED) 44:14:55 7,639 29 Petit, Didier 44:56:14 7,522 30 Kahla, Said (ALG) 44:58:00 7,517 31 Miorin!, Robert 45:12:52 7,475 32   Richard, Jean-Pierre 45:12:52 7,475 33 Quéant*, Gwen 45:23:15 7,447 34 Monot, Anny 45:38:29 7,406 35 Hofbauer*, Richard (GER) 46:16:18 7,305 36 Le Ny!, Gwen 47:38:31 7,095 37 Gallais*!, Frédéric 47:47:49 7,072 38   Morand*, Frédéric 48:21:43 6,989 39 Buchwald, Baldur (GER) 48:31:51 6,965 40 Simons**, Marie-Jeanne 48:46:43 6,929 41   Gallou*, Philippe 49:17:30 6,857 42   Eichner****, Sigi (GER) 51:51:01 6,519 43   Perchoc, Françoise 52:03:39 6,492 44 Van Geene**, Regina (NED) 52:59:54 6,378 45   Winkley$*******, Don (USA) 53:49:39 6,279 46   Colliou, Jean-Claude 54:21:32 6,218 47   Kuijpers**€, Theo (NED) 55:33:55 6,083 48   Cormier, Mireille 57:56:41 5,833

Sixième étape, tiers de l’épreuve, c’est là où tout commence ou bien ou tout s’arrête. Le tracé du jour nous emmène vers Doué-La-Fontaine. La ville est reconnue comme étant la cité de la Rose mais également pour ses troglodytes. L’acheminement des coureurs rescapés se fait en empruntant les nombreux camping cars des accompagnants. On peut ainsi apprécier le confort de ces véhicules et noter

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l’évolution de l’approche de la course de certains coureurs et coureuses. Pour les « ultrafondus » que nous sommes, l’achat d’un camping car est devenu synonyme de liberté. Il accroît les possibilités de s’adonner à notre passion tout en réduisant les frais de participation. Il permet à tout un chacun de rêver d’une escapade en solo, loin des foules que l’on peut rencontrer lors de marathons internationaux et même sur certains trails comme l’UTMB (Ultra tour du Mont-Blanc). En Belgique, nous appelons ces véhicules des « motorhomes », ce qui fait sourire mes amis français. Eric me charriera tous les jours avec cette dénomination en l’appelant « motorhoume ».

Aujourd’hui, retour aux départs classiques. Les quarante-sept aventuriers partent à six heures trente. La première ville à traverser est Chalonnes-sur-Loire. Symboliquement le fleuve est franchi en compagnie de Brigitte Bec. Nous resterons ensemble pendant toute la traversée de la ville, puis Brigitte haussera le rythme. Mais quelques kilomètres plus loin, je constate que l’expérimentée française est en proie à certaines difficultés. Son allure est soudain moins fluide. Je la dépasse avant de parvenir au ravitaillement mais elle reprend l’avance car elle bénéficie d’accompagnateurs qui lui fournissent ce dont elle a besoin en permanence. Qu’à cela ne tienne, je ne me soucie de rien et continue à évoluer à mon allure. Mais Brigitte est vraiment dans un jour sans. Arrivé à Rablay-sur-Layon au kilomètre vingt-cinq, Brigitte semble perdue. Je la remets sur le bon chemin et sans réfléchir, je la dépasse. C’est sans lutte que le trou se fera naturellement. Je poursuis ma route vers Doué. Je me retourne encore l’une ou l’autre fois pour observer si un coureur me talonne. Je peux apercevoir à environ un kilomètre, un t-shirt fluorescent jaune. Cependant, je parviens à Doué-La-Fontaine sans être rejoint. Mon poursuivant n’est autre que Vincent Perreau qui avoue s’être fait plaisir aujourd’hui. L’arrivée sur la Place se fera au milieu d’un petit marché local. Le soleil nous enchante de sa présence et c’est là que j’aperçois une silhouette que je connais. Rudy Wedlarski, un jeune coureur de deux mille huit nous observe. Rudy, vétérinaire de son état, travaille depuis peu au zoo de Doué-La-Fontaine. Il profite d’une pause pour nous saluer. Deux ans auparavant, j’avais pu courir une ou l’autre étape avec Rudy. Nous avions même partagé nos douleurs lors d’une descente d’enfer dans les dernières étapes. Le vétérinaire, fraîchement marié, me félicite alors pour mon début de course. Alors que je scrute le classement du jour, Brigitte franchit la ligne d’arrivée. Même si sa performance n’est pas à la hauteur de ses ambitions, elle est contente de recevoir un bouquet de fleurs et surtout d’en avoir fini avec l’étape du jour. Elle comprend petit à petit les particularités de la Transe Gaule.

Profitant du soleil généreux agrémenté d’un vent prononcé, tout le monde en profitera pour faire une bonne lessive. La salle étant située à quelques mètres de l’arrivée, je décide de passer le temps en allant encourager les derniers arrivants. C’est ainsi que Regina, Theo, Sigrid, Don et Jean-Claude parviennent à leurs fins. On attend encore une concurrente qui est annoncée à quelques centaines de mètres. JB est inquiet. En effet, Mireille Cormier risque d’être hors délai si elle ne

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pousse pas un peu sur le champignon ! C’est sous les encouragements que Mireille parvient enfin à se hisser sous l’arche salvatrice à …. Quatre malheureuses petites secondes du temps limite. La pauvre est exténuée. J’avoue que je suis septique sur la suite de son aventure tant elle me paraît atteinte physiquement. Mais son courage lui permettra de pouvoir prendre le départ de la septième étape.

Comme annoncé, la course est en train de changer de visage. Tandis que trois coureurs masculins se bagarrent ferme pour les lauriers, les poursuivants changent de nom jour après jour. Ainsi, on note la belle progression du coureur allemand Jobst Von Palombini. C’est à plus de onze à l’heure de moyenne qu’il a franchi la ligne d’arrivée ! Lui qui a eu du mal à atteindre les neuf kilomètres par heure lors des trois étapes initiales augmente jour après jour son allure. Soit il avait bigrement caché son jeu, soit il est occupé à réduire ses chances de rallier Gruissan-Plage en changeant complètement de rythme ! En tout cas il laisse tous les observateurs pantois ! Une nouvelle course semble également avoir débuté pour Brigitte Bec. Elle va devoir lutter contre elle-même et apprendre à gérer de nouvelles sensations. En milieu de peloton, on constate la présence de beaucoup de coureurs réguliers comme le sympathique Robert Miorin ou encore Jean-Pierre Richard, Guen Quéant,… Ces gens sont dans leur course ! Ils ne visent aucun coup d’éclat mais ils aspirent à rester frais le plus longtemps possible. Fabrice Viaud semble lui aussi retrouver des couleurs. Malgré un début d’épreuve délicat, il peut être gratifié de meilleures performances même si Fabrice n’est pas à son niveau de deux mille huit. En grand compétiteur, il connaît ses limites et a décidé que seule la conquête de sa cinquième étoile était importante cette année. J’aime la façon dont Fabrice dose ses efforts. Il peut être considéré comme une référence de gestion de course à condition de ne pas essayer de copier son allure particulière qui n’appartient qu’à lui. En deux mille huit, j’avais essayé de suivre Fabrice sur l’une ou l’autre étape. Il m’était impossible d’évoluer à sa cadence. Il faut dire que nous n’avions pas vraiment les mêmes enjambées car Fabrice me dépasse d’au moins une tête. Les autres coureurs seront tous très discrets, économisant leur forces pour les joutes futures.

Le repas du soir sera pris en ville. Quelques personnes fêtent leur anniversaire. Eric nous gratifie d’une envolée lyrique tout à fait sympathique qui ravit le public présent. Nous nous retrouvons à peu près avec la même équipée tous les deux jours. Nous parlons de tout et de rien, nous mangeons comme quatre, nous buvons un peu de vin, nous apprenons à nous connaître autrement qu’en allongeant le pas sur la route. Comme dans un certain livre, nous créons des liens ! Vers vingt et une heure, nous regagnons nos pénates pour nous plonger définitivement dans les bras de Morphée en attendant la suite du combat.

Deuxième tiers de course. Nous sommes le mardi dix-sept août deux mille dix. La Transe Gaule en est à sa huitième édition et n’a pas encore révélé tous ses secrets. Mireille Cormier prendra le départ mais ne pourra terminer l’étape dans les temps. Sa chevauchée héroïque de la veille l’aura irrémédiablement conduite à sa perte. C’est à chaque fois avec déchirement que les rescapés poursuivent l’aventure.

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Personne n’aime laisser ses compagnons au bord du chemin. Tout le monde se dit qu’aujourd’hui c’est quelqu’un d’autre mais que demain notre tour pourrait venir. Pas un concurrent n’aurait l’audace de dire qu’il est certain d’aller au bout à ce stade de la course. Et c’est donc tout naturellement que chacun fait preuve d’humilité et de respect pour tous les autres concurrents.

Je garderai de cette étape le souvenir d’une asses belle chevauchée en compagnie de Gérard Habasque. Nous avons poussé des pointes à douze voire treize à l’heure qui se rapprochent plus de ce que nous sommes capables de faire sur des distances plus courtes. C’est, parmi les champs de tournesols fanés que nous gambadons traversant ici et là des champs de vigne Layonnais. Mais Gérard ne souhaitera pas m’accompagner jusqu’au bout de l’étape. Il préfère soudain marquer le pas et marcher dans les côtes. La réponse ne se fait pas attendre, je creuse un écart conséquent avec mon hôte du jour. Mes jambes me portent de mieux en mieux et je suis même obligé de réduire l’allure à certains moments. Mon subconscient me dit que je ferais bien de me relaxer car d’autres péripéties m’attendent au bout de la route. Et c’est ainsi que je gagne sans peine Mont-sur-Guesnes après avoir traversé un long chemin de campagne. La journée est belle, il fait un temps splendide. J’avance plus que jamais avec le sentiment que tous les espoirs sont permis de réaliser une très belle course.

Depuis deux jours, je suis pourtant victime de maux de dents. Une visite éclair chez mon dentiste juste avant mon départ m’aura indiqué que j’avais une carie naissante située tout près d’un nerf. Ma dentiste n’a pas osé intervenir et a préféré me prescrire des médicaments au cas où le mal empirerait. C’est ainsi que depuis dimanche, je me soulage à coup d’anti douleurs qui me permette de passer mes nuits sans trop de soucis.

Ce soir, après une réception à la mairie, nous allons manger les traditionnelles joues de porc à l’auberge du cheval Blanc. Le repas sera succulent et comblera nos estomacs. Cette France profonde est belle. Nous ne pensons à rien d’autre qu’à notre course qui va tout doucement nous mener aux portes des massifs montagneux de l’Auvergne. Autant d’obstacles qu’il nous plaira de franchir malgré une fatigue désormais bien installée. Mais avant cela, la route nous entraînera vers le charmant village répondant ou doux nom de Angles-sur-l’Anglin, classé parmi les cent plus beaux villages de France. Encore une étape que je me rappelle très bien car elle constitua pour moi en deux mille huit une première raison de douter de ma suite dans la course. Je couvais une tendinite qui s’était réveillée à l’approche de Châtellerault. Ce ne fut qu’au prix de je ne sais quel miracle que la douleur s’estompa sous l’action d’antidouleurs. Le scénario est fort différent cette année. Mon corps n’a encore révélé aucune faiblesse, si ce n’est qu’en soirée j’ai les chevilles légèrement enflées. Mais après un départ prudent chaque matin, la gêne s’estompe et ne m’empêche pas de m’exprimer librement. C’est donc sans douter ni réfléchir que je démarre l’étape en compagnie de quelques coureurs animés de bonnes intentions. Gérard Habasque joue une fois de plus au yoyo et prend un

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départ tonitruant et en décélérant dès qu’une côte se présente. Il me talonne au classement général et je l’observe à distance. L’important pour moi est de veiller à ce que les coureurs qui sont derrières moi, le restent ! Je ne cherche jamais à rejoindre ceux qui sont devant. Chaque jour je me dis que ceux qui sont devant le méritent et que si je dois les rattraper, cela se fera naturellement. Et c’est ainsi que je fonds sur Gérard. Et que j’effectue une nouvelle fois l’étape en solo. Mais à un ravitaillement, on m’annonce que Jean-Jacques Moros et Maurice Chenais ne sont pas loin du tout. Effectivement après avoir repris ma route, j’aperçois deux silhouettes à quelques centaines de mètres devant moi. Les routes vallonnées et sinueuses m’empêchent d’avoir une vue permanente sur mes prédécesseurs. Puis, alors que nous atteignons le dernier point d’eau de la journée, je vois que Maurice s’apprête à repartir. La distance nous séparant de la ligne d’arrivée étant très courte, je décide de ne pas me ravitailler et d’accompagner Maurice. Pour la première fois cette année, j’aurai l’occasion de finir l’étape avec un autre concurrent. Je bavarde avec Maurice mais j’avoue que je pioche un peu sur la fin de parcours. J’invite mon aîné à ralentir un peu, ce qu’il fait bien gentiment ! C’est donc tout naturellement que nous bouclons cette nouvelle épreuve main dans la main après une descente à vous rompre ce qu’il vous reste de tibia ! JB nous aperçoit et joue du sifflet pour annoncer notre arrivée. A peine la ligne franchie, je suis pris d’une rage de dents épouvantable. Je m’empresse de rejoindre la salle et d’avaler un anti-douleur. Grâce à la générosité de Michel et Martine, nous pourrons nous doucher dans leur merveilleux « motorhoume ».

Le repas du jour sera pris une nouvelle fois entre amis au restaurant. De bons jeux de mots en farces plus douteuses, nous écourterons cette soirée qui se serait à mon avis prolongée s’il n’y avait eu soixante-neuf kilomètres à parcourir le lendemain.

JB décide alors de relancer les départs décalés. Au vu de mes performances des derniers jours, je n’y échappe pas, je partirai pour la première fois avec les cadors de l’épreuve. Mais le réveil ne sera pas des plus encourageants. En effet, pour la première fois, j’ai mal aux dents dès le matin. Jusqu’à présent les manifestations de douleurs n’apparaissaient que le soir mais là, j’allais devoir composer avec de nouveaux paramètres. Par précaution, je demande à Martine, l’infirmière qui nous accompagne, de se renseigner pour voir s’il est possible de trouver un dentiste sur notre route car je crains fort que mes problèmes vont empirer de jour en jour.

Jean-Jacques ne va pas bien ce matin. Il demande pour partir dans le premier groupe alors qu’il est leader de l’épreuve. Une vilaine tendinite est venue contrecarrer ses plans et il s’attend à une journée délicate.

Nous patientons une heure dans la salle municipale alors que les premiers coureurs se rendent sur la ligne de départ. Cette attente inutile aura pour don de m’énerver d’autant que mon mal de dents ne disparaît pas.

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Et puis, c’est à notre tour de nous lancer dans la bagarre. Nous sommes douze. Je pense alors que je vais me retrouver dernier du groupe et que la journée va être longue. Mais finalement, trois ou quatre coureurs décident de partir encore plus lentement que moi. Parmi eux, il y a Vincent Perreau, Ulrich Zach, Eric Dérivaz et Reinhold Lamp. C’est le couteau entre les dents que j’avance à plus de dix à l’heure.

Je parviens au ravitaillement numéro un alors que je recolle déjà à quelques concurrents. A ma stupéfaction, je vois Jean-Jacques Moros en retrait. Je comprends très vite que la Transe Gaule est finie pour lui. Je me porte à sa hauteur et lui souhaite bon courage. Il ne répond pas. Je peux voir toute la tristesse du monde dans son regard. Je ne sais pas quoi dire et décide de poursuivre ma route tandis que ma rage de dents redouble.

Arrivé au ravito de Marie et Marcel vers le quarantième kilomètre, je décide de prendre une soupe comme à mon habitude. Et là, je ressens une douleur violente dans la mâchoire qui me fait littéralement bondir. Les gens présents ne comprennent pas ce qui m’arrive. Robert Miorin que je venais de rattraper aura même un sursaut de frayeur devant mon attitude expressive. Je leur explique mes problèmes dentaires. J’avale trois gélules de je ne sais pas trop quoi et décide de reprendre mon chemin. Je pleure car je m’estime victime d’une malédiction. Je pense alors que jamais dans ma carrière sportive j’aurai droit à vivre une épreuve où j’aurai m’exprimer à ma juste valeur sans rencontrer la moindre embûche ! Puis peu à peu, les médicaments font leur effet. La douleur diminue mais cela a pour effet de me couper les jambes ! Je n’ai plus l’impression d’avancer ! Je suis comme englué dans la route à me débattre pour faire diminuer les kilomètres ! J’atteins péniblement le ravitaillement du kilomètre cinquante où l’on m’annonce que l’on a réussi à m’obtenir un rendez-vous chez un dentiste à dix-sept heures. Cela a le don de revigorer mon mental alors qu’il me reste à peu près vingt kilomètres à parcourir. Je parviens même à remonter certains concurrents qui ne manquent pas les uns après les autres de m’encourager. Ainsi je remonte les concurrents jusqu’à Catherine Massif qui est alors en dix-huitième position.

Je franchis la ligne exténué par tant de souffrances inhérentes à mon mal de dents. Xavier Servel, un coureur que je connais bien et qui nous accompagne depuis quelques jours, me propose de me conduire chez le dentiste. Ce n’est pas la porte à côté. Après quelques petites engueulades, la dentiste, qui a le sentiment d’être la bonne poire qui ne soigne que les urgences, me soigne provisoirement en me promettant que cela devrait pouvoir me permettre de tenir une dizaine de jours. Je la remercie grandement ainsi que Xavier qui me ramènera au bercail. Nous boirons un bon verre ensemble pour fêter la fin de mes soucis dentaires. J’en profite également pour remercier Martine et Michel pour leur dévouement. Ils viennent de sauver ma

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course. Je passerai une nuit tranquille qui me redonnera espoir pour la suite de la compétition.

La moitié du chemin a été parcourue avec plus ou moins de réussite pour la majorité des coureurs. Mais les organismes sont inévitablement atteints et c’est le mental qui va commencer à prendre le dessus. Les filles font de la résistance mais les trois favorites ne parviennent plus à se mêler à la lutte avec les hommes. Leur hiérarchie semble pourtant établie. Seule Brigitte, qui effectue une course en dents de scie parvient de temps à autre à se hisser dans le top 10, par orgueil sans doute. Pour Carmen et Catherine, le combat se résume à une quête personnelle contre les blessures ou contre la lassitude. De mon côté, je suis agréablement surpris de me retrouver en sixième position au classement général suit à un jour creux de Gérard Habasque. Malgré ma rage de dents, j’ai pu limiter la casse mais surtout bénéficier de la forme descendante de mes concurrents directs. Je le répète, le niveau de cette année est légèrement plus faible qu’en deux mille huit et en ce qui concerne les places au classement général, il peut encore se passer beaucoup de choses et celui-ci risque bien d’être bouleversé lors de la seconde partie d’épreuve. A présent, nous allons pouvoir décompter les kilomètres qui rapprochent de la Méditerranée. Cependant, les kilomètres restants risquent de nous paraître bien plus longs.

D’autant que la dixième étape n’est pas des plus faciles. La chaleur s’est par ailleurs bien installée, ce qui complique encore un peu notre tâche. De ce côté, j’avoue ne pas être inquiet car je m’hydrate suffisamment que pour éviter la survenue de crampes ou autres désagréments. Etant assez sensible à ce niveau, j’alterne les ravitaillements salés et sucrés et je veille à ce que mes deux bidons soient à chaque fois vides à l’arrivée au poste de ravitaillement. La meilleure preuve d’une bonne hydratation est que je me soulage à peu près quatre fois par étape, même dans les derniers kilomètres, ce qui n’était pas le cas en deux mille huit. Ces quelques dizaines de secondes d’arrêt me font à chaque fois le plus grand bien car elles me confortent mentalement de ma bonne gestion de course et me permettent de rompre avec la monotonie du martèlement des pieds sur le sol.

Tout de même quand on y repense, qu’est-ce que le comportement et les paroles des participants évoluent au fur et à mesure de notre avancée. Les ambitions sont souvent revues à la baisse sauf pour l’une ou l’autre exception, des liens se tissent entre des coureurs qui ne se fréquentaient pas du tout au début mais qui sont devenus des compagnons de fortune suite aux événements dictés par la course. Il n’était sans doute pas nécessaire d’organiser des départs décalés pour que les coureurs de niveau différents se rencontrent. En effet, la nature ayant repris ses droits, certains ténors ont pu « batifoler » avec des participants qui, sur le papier, sont bien forts qu’eux. Il s’agit là d’un de plus charmes de l’épreuve parce que les plus faibles ont toujours un bon mot pour les cadors déchus et ceci sans arrière pensée ni ironie. Cela rappelle à chacun que nous ne sommes pas des machines et que lorsque nous nous considérons comme tels, notre corps nous rappelle à l’ordre sans hésiter. Pour beaucoup, c’est l’occasion d’apprendre à explorer une nouvelle

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facette de soi. D’ailleurs on constate généralement que quel que soit le niveau de base de l’athlète, celui-ci va s’accrocher plus que de raison. Dans les épreuves d’un jour, lorsque la performance n’est pas à la hauteur des ambitions de départ, généralement l’athlète abandonne mais sur la Transe Gaule. Difficile d’expliquer pourquoi ? Une des raisons est sans doute le fait que l’on se dise que notre participation risque bien d’être unique et que nous n’aurons peut-être plus l’occasion ou l’envie de renouveler ce genre de défi. Et donc, nous nous accrochons comme si c’était notre survie qui était en jeu. Les anciens, les organisateurs, les bénévoles, les amis jouent alors un rôle très important et on peut souvent lire dans le regard des coureurs touchés par les blessures et la fatigue qu’ils recherchent des encouragements et des signes de motivation pour continuer à croire en leurs chances. Il y a aussi des manifestations introspectives de cette recherche de motivation qui se manifeste au travers de gestes qui sonnent un peu comme l’espoir de la dernière chance. Cela va du gars qui s’enveloppe les jambes de films plastiques, à celui qui utilise d’énormes quantités de glace pour atténuer la douleur des tendons ou encore à celui qui se couche et dort dès qu’il le peut en espérant que le sommeil sera réparateur.

C’est l’œil pétillant que j’ai entamé cette dixième journée. Mon moral est revigoré car je ne ressens plus rien aux dents. Je peux même arrêter les anti-douleurs qui jouent sans doute un rôle néfaste sur l’organisme s’ils sont pris en quantité anormales. C’est donc tout guilleret que je me place sur la ligne de départ en imitant Benoît Poelvorde dans le film « Le vélo de Guislain Lambert » en lançant des « hop hop hop » tous azimuts ! Ce qui fera bien rire l’entourage. Précisons toutefois que ce n’est pas pour les mêmes raisons que Guislain que j’extériorise ma joie de vivre …

Au programme du jour, soixante-deux kilomètres vallonnés qui vont nous mener en Creuse, patrie chère à Marie-Jeanne Simons et à son longovicien de partenaire. Tout au long de la journée, je sentirai le souffle de Eric Dérivaz dans mon dos, étant persuadé à tout instant qu’il va rappliquer et me laisser sur place. Finalement, il n’en est rien et comme en deux mille huit, je terminerai devant lui l’étape du jour. Encore un parcours qui me réussit bien même si j’ai un peu peiné vers la fin comme me le fait remarquer JB à l’arrivée. En effet, les derniers hectomètres assez pentus, seront effectués tel un canard boiteux avec des mouvements de bras de plus en plus exagérés. J’aurais voulu imiter Jan Nabuurs que je ne m’y serais pas pris autrement ! Néanmoins, c’est à une excellente cinquième place que je me classe après l’effort du jour à quelques petites minutes de la quatrième place chèrement défendue par l’invité du jour Vincent Perreau qui se sentait pousser des ailes (pas de canard !). L’homme au catogan s’est fait plaisir et son sourire taquin à l’arrivée atteste de sa joie.

Je passerai l’après midi à faire mes lessives qui sècheront facilement et à siroter quelques bières à la terrasse d’un café de la place principale et à rédiger mon blog parce que mes potes des allures de Gaume attendent impatiemment de mes

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nouvelles. C’est ce jour là qu’Eric m’annonce qu’une équipée de Transe Gaulois se rendra à Sparte en septembre pour un autre défi hors norme, le Spartathlon qui relie Sparte à Athènes en deux cent quarante-six kilomètres à parcourir dans un temps maximum de trente-six heures. Je ne peux m’incliner devant tant de courage car je ne m’estime pas capable d’enchaîner autant d’épreuves aussi folles en aussi peu de temps. L’histoire m’apprendra plus tard que aucun des prétendants n’est parvenu à ses fins, c’est-à-dire boucler Transe Gaule et Spartathlon en cette année deux mille dix.

Classement Général après Etape 10 643 km chronométrés Bourganeuf, Km 648 km/h 1 Cartreau, Didier 54:07:28 11,880 2 Nabuurs**€, Jan (NED) 55:17:20 11,630 3 Andersson, Mikael (SWE) 61:13:29 10,502 4 Chenais, Maurice 62:41:50 10,256 5 Von Palombini, Jobst (GER) 63:03:04 10,198 6 Robert*, Michel (BEL) 64:59:35 9,893 7 Habasque, Gérard 66:45:44 9,631 8 Derivaz**, Eric 66:50:19 9,620 9 Perreau!, Vincent 67:00:51 9,595

10 Bec Cètre, Brigitte 67:16:16 9,558 11 St-Martin, Laurent 69:29:11 9,254 12 Zach*€, Ullrich (GER) 70:32:48 9,115 13 Ryascoff, Pascal 71:39:23 8,973 14   Lamp, Reinhold (GER) 73:03:25 8,801 15 Massif!, Catherine 73:06:02 8,796 16 Viaud****, Fabrice 73:10:09 8,788 17 Borrias, Erwin (NED) 73:47:03 8,715 18 Hildebrand, Carmen (GER) 73:53:31 8,702 19   Madec!, Stéphane 74:03:35 8,682 20 Theissen, Markus (GER) 77:08:07 8,336 21   Lange, André (GER) 78:40:33 8,173 22 Borel*!, Frédéric 79:24:32 8,097 23   Frémery, Jean-Michel 80:26:18 7,994 24   Van den Hende, Jos (BEL) 80:34:26 7,980 25 Quéant*, Gwen 83:24:41 7,709 26 Miorin!, Robert 83:37:51 7,689 27 Byeung Sik, Ahn (KOR) 83:44:21 7,679 28 Broersen**, Jos (NED) 84:38:21 7,597 29 Nemeckova, Martina (CZE) 85:08:45 7,552 30 Kahla, Said (ALG) 85:41:15 7,504 31 Richard, Jean-Pierre 86:09:11 7,463 32   Le Ny!, Gwen 87:59:21 7,308 33 Hofbauer*, Richard (GER) 88:18:57 7,281 34 Morand*, Frédéric 90:20:09 7,118 35 Gallais*!, Frédéric 90:35:26 7,098 36 Monot, Anny 91:19:51 7,040 37 Simons**, Marie-Jeanne 91:37:54 7,017 38   Gallou*, Philippe 91:46:16 7,007 39 Buchwald, Baldur (GER) 93:30:25 6,876 40 Perchoc, Françoise 98:48:41 6,507 41   Eichner****, Sigi (GER) 99:37:21 6,454 42   Van Geene**, Regina (NED) 102:07:28 6,296 43   Winkley$*******, Don (USA) 104:57:20 6,126 44 Kuijpers**€, Theo (NED) 105:29:59 6,095 45   Colliou, Jean-Claude 106:54:28 6,015

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L’entrée en Creuse signifie également la proximité de l’Auvergne et donc des parcours plus accidentés. Ceci ne me gêne pas car cela apporte beaucoup de variations de rythme pendant la journée. D’ailleurs demain, nous aurons droit à une journée dite de « relâche » avec un petit quarante-neuf kilomètres au programme nous menant à Peyrelevade, petite cité devenue capitale de la Transe Gaule. Il est difficile de se décider de la tactique à adopter pour effectuer cette étape ! Soit in en profite pour se faire plaisir et augmenter un peu le rythme, soit on préfère réagir sagement en adoptant une cadence similaire aux autres journées et en laissant filer les plus fougueux étant conscients que les écarts ne seront pas énormes à l’arrivée au vu du kilométrage à effectuer. Personnellement, je suis partagé entre les deux options et c’est ainsi que je vais avaler les kilomètres.

On nous annonce une très forte côte après quelques centaines de mètres et donc il est inutile de partir pied au plancher. Je me laisse volontairement glisser à mi-peloton afin d’éviter d’être aspirer par les coureurs rapides. Puis, à mi-côte, je ne sais pas ce qui me prend. Je sens mes jambes pleines d’énergie. Je pousse alors une pointe dont j’ai le secret et me mets à remonter une quinzaine de concurrents en deux trois coups de cuillères à pot ! Arrivé à hauteur de coureurs proches de moi au classement général, je ne réfléchis pas et décide de poursuivre en augmentant encore l’allure. Ceci provoquera des commentaires étonnés de la part de mes compagnons éphémères. Après quelques centaines de mètres, mon souffle me rappelle à la raison et m’invite à me calmer. Mais le trou est fait. Et c’est ainsi que je me retrouve à la quatrième place, en profitant de la fraîcheur matinale. Peu à peu, je sens poindre le retour d’un concurrent. Il s’agit du Suédois Mikael Andersson dont le nom résonne comme celui d’un chanteur des années quatre-vingts. Le grand viking, digne successeur de Mathias et Andreas, suédois eux-aussi ayant bouclé la Transe Gaule deux mille huit et la Transe Europe deux mille neuf sans se quitter d’une semelle. Mikael parvient à ma hauteur sans forcer, nous courrons quelques kilomètres ensemble avant que mon hôte du jour ne décide de me laisser sur place au prix d’une accélération presque imperceptible. Son objectif étant de ne pas perdre trop de temps sur l’Allemand Von Palombini qui se rapproche au classement général. Ma cinquième place me convient alors très bien, d’autant que je flirte avec les onze kilomètres par heure. Je pense même qu’il est plus sage de décélérer et de garder du jus pour le lendemain car de toute façon, personne ne peut revenir sur moi aujourd’hui. Les cinq derniers kilomètres seront parcourus à un train de sénateur comme si j’étais en récupération. Je viens sans doute de vivre mon étape la plus aisée depuis le départ de Roscoff. Je ne comprends pas bien ce qui m’arrive mais ce n’est pas grave, l’essentiel étant que je ne ressens aucun mal et que j’éprouve beaucoup de plaisir à pouvoir dominer mon rythme de course à ce stade de l’épreuve ! Puisse- t-il en être ainsi jusqu’à Gruissan-Plage ? Si je ne peux nourrir qu’un seul regret en ce jour, c’est d’avoir peut-être raté une opportunité de réaliser un gros truc car je ne suis qu’à sept minutes du troisième du jour tout en ayant freiné mon effort dans les derniers kilomètres ! Les premiers ne me précéderont d’ailleurs que de vingt minutes. Mais peut-être que ma sagesse me sera salutaire par la suite.

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Le temps senplide m’incite à flaner parmi quelques échoppes du marché local. Je converse avec un apiculteur en attendant l’arrivée de mon camarade Eric Derivaz. J’ai alors une pensée légitime pour mon épouse et mes enfants puisque Pascale suit des cours d’apiculture depuis deux ans. Il n’y a pas que l’être humain qui est organisé. Certaines espèces naturelles nous apprennent bien des choses sur l’instinct de survie. Mais notons que les TranseGaulois savent également ce que préserver ses forces et engranger des réserves signifie ! cezrtes nous ne butinons pas tout au long de notre périple mais il nous arrive d’avoir des pensées aériennes qui nous emmènent vers des horizons inconnus.

Une petite fontaine à proximité de la ligne d’arrivée nous permet de rafraîchir nos jambes et d’entamer nos lessives sur place. Eric étant arrivé, nous allons nous désaltérer au bstrot du coin. Une bonne bière fraîche nous fait le plus grand bien.

Ce soir, des pensées audatieuses m’envahissent l’esprit ! Comment aurais-je pu imaginer que je doive penser à me freiner lors d’une étape menée tambour battant ? après tout , nous n’avons parcouru que sept-cents kilomètres et de grosses difficultés nous attendent encore au bord cu chemin. Je traverse une période euphorique qui me ravit et pour une fois, je n’ai pas envie de me dire que je ferais bien de ralentir et de ménager ma monture. Pourquoi ne pas se lâcher et tenter de d’explorer des allures jusqu’ici improbables ? Nourrir des regets ne servira à rien. C’est maintenant que la course va se jouer, il n’est pas trop tard pour envisager la performance même si celle-ci va à l’encontre des des objectifs de départ. Car finalement, à part mons manque d’envie du début et ma rage de dents, je domine plutôt bien mon sujet depuis le départ. Alors , c’est promis, à partir de demain, je me poserai en outsider avec l’espoir de grapiller encore l’une ou l’autre place.

Cependant, il conviendra d’être sage ce soir car la douzième joute promet d’être gargantuesque avec septante-cinq kilomètres à avaler et plus de mille mètres de dénivelé positif, le tout sous une température annoncée caniculaire. D’ailleurs, JB prévoit un départ avancé afin de limiter l’exposition aux fortes chaleurs.

Direction Mauriac et le Cantal ! Aujourd’hui est une étape clé. Je pense que tous ceux qui franchiront l’obstacle pourront entrevoir la suite de l’aventure avec sérénité. Sur la ligne départ, la mine des coureurs laisse apparaître fatigue et inquiétude. L’humour n’est plus de mise sauf pour quelques bretons au moral indestructible. Leurs rires hilares dans la pénombre matinale illumine le peloton qui avance inexorablement vers la Méditerrnée. Dès le départ donné, chacun adopte postion et allure de confort qui leur permettra de rallier Mauriac. Chacun se souhaite bonne route, il n’y a plus de lutte contre les autres mais simplement une envie irrésistible de se mouvoir sans trop de difficulté. C’est le nez dans les chaussettes que nous avançons lentement vers les premières dififcultés du jour que nous aborderons dans le noir.

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La hiérachie semble toutefois bien établie et mis à part quelques tentatives personnelles de s’illustrer sur ces routes pentues, chacun semble se contenter de suivre un rythme constant et non destructeur.

Avec la venue de ces étapes pour hommes forts, des coureurs jusqu’ici timorés retrouvent peu à peu des couleurs. Eric Dérivaz et Laurent Saint-Martin, le vainqueur de l’étoile savoyarde sont de ceux-là et semblent avoir gardé suffisamment de forces pour pouvoir bien figurer lors de la fin de parcours.

Etant parti assez rapidement, je ne les verrai cependant pas de la journée. Devant moi je retrouve tous ceux qui me précèdent au classement général excepté l’ami Maurice en proie aux pires douleurs tendineuses !

Nous progressons vers le plateau de Millevaches alors que je fonds sur Gérard Habasque comme c’est la cas depuis quelques temps. Gérard est parti une nouvelle fois comme un fou et a même accompagné jan Nabuurs pendant quelques kilomètres. Alors que le jour se lève et que la chalelur fait lentement son apparition, le parcours devient de plus en plus difficile. Je pense à m’hydrater régulièrement et mes arrêts pipi fréquents témoignent d’une sagesse dans les quantités absorbées.

Alors que j’entame l’une des dernières bosses du jour, je suis pourtant pris d’une certaine lassitude et d’un sérieux coup de mou. C’est sans paniquer et en alternant marche et course que je parviens au ravitaillement de Jacquemine. Je prends bien mon temps car je ne peux rattraper personne et ne peux non plus être repris. Après un repos salvateur, je reprends mon ascension vers Mauriac alors que les kilomètres me semblent interminables. Je pense alors aux autres concurrents qui vont passer ici dans trois, quatre heures et qui souffriront encore plus que moi de la chaleur abondante. A l’entrée de Mauriac, j’ai un pincement au cœur car c’est ici que j’ai démarré ma reconnaissance de quatre étapes lors de ma venue à Pâques. La température n’est pas du tout la même car le thermomètre atteint aujourd’hui les trente cinq degrés alors qu’il avoisinait le zéro an avril ! je me rappelle que l’arrivée a lieu sur la place principale. Je me faufile entre les voitures et stupeur , personne sur la place ! Puis j’entends retentir le sifflet de JB qui se trouve à l’extrême gauche. L’arrivée sera légèrement décalée et se fera près du gymnase. J’ai les traits très tirés. Je parviens néanmoins à boucler la difficulté du jour en un temps magnigfique de sept heures vingt, soit à plus de dix kilomètres par heure ! L’accueil chaleureux à l’arrivée coïncide avec une surprise mutuelle de me voir en si bonne position. Je suis cinquième , comme la veille.

Je ne m’attarderai pas et irai me doucher rapidement car la journée a été très éprouvante. J’espère de tout cœur que tout le groupe parviendra à rallier Mauriac sans encombres.

Après avoiur récupéré un peu, je me rends sur la ligne d’arrivée pour observer les coureurs attardés qui en finissent avec cette journée d’enfer. Les visages sont très marqués et personne n’affiche une attitude sereine, ce qui me me fait mieux

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comprendre mes mauvaises sensations des derniers kilomètres. Si je souffre un peu, il y en a qui souffrent beaucoup plus que moi.

Au classement général de ce soir , je me rapproche de Maurice Chenais qui lutte avec courage contre le mal depuis un petit temps ; l’écart qui nous sépare est à présent d’un peu moins d’une heure et je suis sixième de l’épreuve !

Nous voici arrivés aux deux tiers de la Transe Gaule. Comme en deux mille huit, j’estime que la course ne fait que débuter ! En effet, quelques grosses étapes vont encore s’offrir aux coureurs déjà bien fatigués. Est-ce la nostalgie ? Est-ce la réalité ? La route nous menant de Mauriac à Aurillac devrait s’apparenter à un chemin de croix pour chacun d’entre nous. Personne ne pourra dire qu’il va s’enfiler cette douloureuse difficulté avec facilité.

Aujourd’hui, j’ai une énorme pensée pour les miens. A tel point que je vais me comporter comme si ils étaient avec moi. J’avais réellement apprécié leur présence durant mon périple Pascal. L’apport d’une assistance change un peu la donne mais ne minimise en rien les efforts que nous accomplissons. Celle-ci octroye un zeste de comfort bien salutaire permettant à ceux qui en bénéficient de se concentrer sur leurs efforts. Il est vrai que l’énergie perdue à préparer ses affaires chaque soir constitue un petit obstacle qui devient de plus en plus pesant au fil des jours. Tout le monde rêve d’un bon bain chaud et d’un lit douillet qui auraient pour effet d’atténuer les douleurs bien présentes. Et puis, pouvoir compter sur quelqu’un pour se rendre à la pharmacie, pour effectuer les lessives, pour acheter quelques fruits ou autres rafraîchissements enlève une part importante de stress. Enfin, le réconfort moral que procure la présence de proches est un avantage indéniable. Alors, je vais me plonger dans un rêve et faire comme si elles étaient là près de moi comme à Pâques. Pascale arriverait presque par surprise après deux longues journées passées sur les routes de France. Nous aurions l’occasion de partager les émotions qui seraient encore nombreuses entre Mauriac et Gruissan-Plage. Les enfants s’ennuyeraient un peu mais seraient tellement fières de voir leur Papa en aussi bonne position. Nous passerions la nuit dans notre nouvelle acquisition loin des ronflements intempestifs des guerriers gaulois et autres accompagnants teutons très bruyants ! Chaque moment de silence procurant son lot de bien-être permettant d’atténuer la fatigue accumulée par douze jours de course et près de huit cents kilomètres ! Mais la volonté de l’auteur est surtout de relater l’atmosphère qu’il règne durant la course. Très peu de situations et événements extraordinaires viennent en effet agrémenter les périodes de repos, comme si chacun prenait bien soin de s’économiser en vue des difficultés du lendemain. Qu’on le veuille ou non, la Transe Gaule est une épreuve sportive ! Et à ce titre, chacun a ses objectifs. Pourtant, il existe une énorme nuance avec la plupart des autres épreuves de course à pied. C’est qu’ici, personne n’est certain d’aller au bout ! Dès lors, toutes les tactiques sont permises mais deviennent tout aussi aléatoires car lorsque le corps en aura assez que l’on fasse joujou avec lui, il se réveillera et prendra alors la main telle la nature se réveillant lors de tempêtes , pluies diluviennes et autres raz de marée. Il balayera

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d’un revers de main tous les sacrifices consentis jusque là, obligeant le sportif à revoir ses ambitions et à s’adapter à ses nouvelles conditions de vie.

C’est ainsi, que chaque jour on peut apercevoir le coureur qui aura son jour « sans ». Peu d’entre nous échapperont à cette impitoyable règle ! Bien sûr ce passage à vide n’aura pas la même ampleur pour tout le monde mais chacun aura à un moment ou un autre son corps qui lui rappellera que rien n’est acquis.

La treizième étape de la Transe Gaule constitue à ce titre un juge de paix important au sortir duquel on pourra entrevoir la porte du paradis ou celle de l’enfer !

Les visages sont très fermés ce matin. Chacun appréhende les difficultés qui vont nous mener à Aurillac via la charmante cité médiévale de Salers suivie de la longue montée vers le toit de la Transe Gaule que constitue le col du Legal.

Personnellement, je suis très confiant même si je compte ménager ma monture au moins jusqu’à Salers. Je connais à présent le parcours par cœur et pense savoir où il faut donner et où il faut se freiner. Une fois le départ donné, j’essaie d’adopter un rythme économique. Les premiers kilomètres ne sont pas très difficiles et permettent un échauffement de l’organisme. De nouvelles têtes apparaissent en tête de course. Ainsi, Ulrich Zach vient se frotter aux ténors et montre à qui veut le voir qu’il va falloir compter avec lui pour la fin de l’épreuve. Cet Allemand expérimenté a pour coutume de gérer parfaitement les courses auxquelles il participe. Il en garde sous le pied pour progressivement « ouvrir les vannes » et libérer les forces qu’il a sagement épargnées jusqu’alors.

Ulrich me devance de quelques mètres, tandis que derrière moi, Maurice Chenais semble avoir retrouvé quelques forces. Il est vrai qu’il a une place à défendre ! Je décide alors de me freiner un peu et de me laisser rattraper par Maurice qui progresse tout de même à plus de dix à l’heure. Nous ferons un bout de chemin ensemble tout en échangeant quelques banalités. Derrière nous, j’aperçois brièvement Laurent Saint-Martin et Stéphane Madec à quelques encâblures.

Chemin faisant, je me détache progressivement de Maurice. Ulrich Zach est en point de mire juste derrière Gérard Habasque. Arrivé au premier ravitaillement, Ulrich prend son temps, ce qui me rapproche de lui. Gérard marque aussi le pas. Chacun se préserve avant les grosses difficultés du jour. Alors que la route s’élève progressivement, Ulrich me rejoint mais reste positionné à quelques mètres de moi. Je suis un peu perdu et ne sait plus trop quelle allure adopter. Je décide alors de ne plus me retourner et de faire ma course. Se laisser influencer par le rythme d’un autre concurrent n’est jamais une bonne chose. Il faut considérer l’épreuve comme une lutte individuelle. Après plus de vingt kilomètres et près de deux de course, nous entrons dans Salers. Un petit chemin nous fait contourner la ville et nous empruntons une montée courte mais raide qui nous mène progressivement vers la place centrale. Après un petit circuit sympathique, nous sortons progressivement du village pour entamer l’une des plus fortes descentes de la Transe Gaule. Pendant trois

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kilomètres, nos tibias et chevilles vont en voir de toutes les couleurs. Les coureurs en bonne santé en profiteront pour pousser une pointe tandis que ceux qui seront handicapés par les tendinites prieront tous les saints de mettre fin à ce calvaire. Je me rappelle alors qu’il y a deux ans, je ne pouvais courir dans cette descente à cause de tendinites aux deux chevilles et de l’apparition d’une contracture à la cuisse gauche. J’étais alors passé par la pharmacie pour acheter un bandage qui allait sauver la fin de mon étape. Mais les années passent et les situations changent. Cette fois, je suis animé d’un esprit plus entreprenant et d’une volonté de me faire plaisir qui m’incitent à me laisser aller. Mon état de santé général me permettant de n’avoir aucun doute sur mes facultés du jour, je décide alors de dévaler cette route sans retenue. Je fonds sur le grand Jobst von Palombini qui semble souffrir de l’accumulation des chocs brutaux occasionnés par le martèlement sauvage des pieds sur le bitume. Lorsque j’arrive à la hauteur du grand Allemand, celui me pousse un cri admiratif qui a pour effet de me booster encore un peu plus. Parvenu au bas de la descente, je n’ai pourtant pas créer un trou suffisant par rapport à Jobst. Nous sommes respectivement troisième et quatrième de l’étape derrière les inaccesibles Didier Cartreau et Jan Nabuurs.

Nous profitons de quelques kilomètres faciles pour admirer le paysage. Jobst m’a rejoint. Je lui dis alors que cela ne sert à rien de forcer dans cette portion et qu’il vaut mieux garder des forces avant l’entame de la montée du Legal. Je sens Jobst très nerveux. Il vocifère quelques mots en Allemand et en Anglais alors que nous arrivons au ravitaillement annonçant le début de l’ascension. Jobst s’arrête pour avaler un Bolino, tandis que je poursuis ma route après un passage écourté pour remplir mes gourdes. Nous y sommes ! J’entame prudemment l’ascension en alternant marche et course. Jobst décide de ne pas marcher et c’est sans peine qu’il me rattrape et me dépasse. Il me prpose d’effectuer la montée avec lui mais je refuse. Je décide de conserver mon rythme. Un lacet plus haut, j’entends jobst souffler et je pense qu’il est un peu fou de forcer de la sorte avec toutes les difficultés qui nous attendent encore ! D’autant qu’il ne parvient à réellement creuser l’écart sur moi. Mais Jobst est un compétiteur. Apparement, c’est inconnu en ultra, a de belles références sur piste et sur marathon et c’est sans calculer qu’il progresse à grands pas ! Cà y est ! Au sortir d’une forêt de résineux, j’aperçois les bénévoles et la pancarte annonçant le sommet du col. Jobst n’a que deux, trois minutes d’avance sur moi alors qu’il reste encore près de trente kilomètres à parcourir.

Parvenu au sommet, je prends mon temps. Je n’aperçois aucun coureur susceptible de fondre sur moi. La fin de parcours me permettra de souffler un peu car beaucoup plus abordable. Jobst reste en point de mire et je pense à chaque fois qu’il est encore possible que je le rattrape avant Aurillac. Cependant, je n’en fais pas un objectif et me contente de conserver ma très belle quatrième place du jour. L’écart entre Jobst et moi n’évoluera plus. Le grand Allemand négocie mieux l’arrivée sur Aurillac que la descente de Salers et parvient à franchir la ligne d’arrivée cinq minutes avant moi. J’imagine alors Pascale m’accueillant avec les enfants et être

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toute surprise de me voir en si bonne position. Et puis, à ma surprise, à peine trois minutes après moi, surgit Ulrich Zach que je n’ai plus vu depuis l’entrée dans Salers. J’avais l’impression d’avoir créé un trou conséquent mais c’était sans compter sur le talent de ce coureur. Je ne peux dès lors qu’avoir une seule réflexion ! C’est sans doute la dernière fois que Ulrich sera derrière moi.

Aujourd’hui, c’est le savoyard Pascal Ryascoff qui a mangé son pain noir. Cet imposant athlète par ailleurs très discret, habitué à des classements honorables dans les vingt premiers aura mordu la poussière en terminant à la quarantième place. Il est certain que Pascal a dû tutoyer l’enfer comme je l’avais fait ainsi que quelques autres dont Frédéric Morand en deux mille huit. Gageons que Pascal puisse tenir le choc et récupérer avant l’étape de demain. Autre victime du jour, l’élégant Suédois Mikaël Andersson. Il occupe la quatrième place au classement général mais a dû diminuer la cadence ! Il termine à une inhabituelle vingtième place qui doit lui faire prendre conscience que tout peut encore arriver. Aujourd’hui, tout le monde est arrivé à bon port mais tous ont laissé des forces dans la bataille. Les novices commencent à douter de leurs capacités tandis que les anciens savent que rien est joué mais que tout reste possible.

Ce soir, Maurice Chenais ne me devance plus que de sept minutes au classement général ! Sept minutes, cela représente un gros kilomètre , soit environ un huit centième de ce que nous avons déjà parcouru. Mais il se bat Maurice, plus avec les mêmes armes qu’en début d’épreuve mais son courage devrait pouvoir lui permettre d’envisager de rejoindre Gruissan-Plage. La plupart des athlètes qui se sont bien entraînés ou qui jouissent d’une condition physique exemplaire ont toutes les raisons de croire que même diminués , il est possible de rallier la plage. Personnellement c’est ce qui m’avait sauvé il y a deux ans. Celui qui est déjà limite physiquement et qui subit les affres de la blessure voit ses chances réduites presque à néant de pouvoir brandir le trophée de finisher. Cette course ne récompense que les meilleurs, elle est impitoyable pour ceux qui l’abordent avec nonchalance.

C’est dans la fraîcheur que notre bivouac s’installera dans la cuvette d’Aurillac. La pluis fera même son apparition sans que cela ne gêne les participants. Il faut dire que la météo a été fort clémente depuis le départ de Roscoff. Le hall des sports ressemble ce soir à un hôpital de campagne où les blessés pansent leur plaies tout en se concentrant déjà sur la prochaine bataille. Les troupes s’organisent et se ravitaillent avant d’affronter les difficultés suivantes qui s’annoncent encore nombreuses. Cependant, chaque pas supplémentaire rapproche les valeureux candidats à la conquête de la Gaule d’une ligne d’arrivée de moins en moins hypothétique. On se dit qu’il est temps d’oublier toute tactique et qu’à présent le maître mot sera « tenir !». Chacun observe une réserve bien légitime dans ces circonstances et encourage son voisin. Il n’y a pas d’ennemi sur la Transe Gaule, que des gens qui veulent aller au bout d’eux-mêmes, à la recherche de sensations extrêmes les conduisant vers le Graal, leur Graal !

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Il est bien connu que les plus grandes épopées sont celles issues de la difficulté, de la douleur et des larmes. L’héroisme relatif des coureurs transe gaulois mériterait d’être relaté par l’emploi de superlatifs mais cela ne serait pas le bon reflet de l’esplrit qui anime la course. Les protagonistes progressent en effet pour la plupart en silence, sans faire état de leur souffrances. Le profil psychologique du coureur d’ultra ressemble à celui d’une personne introvertie qui a pour habitude de prendre sur elle-même sans ameuter tout le quartier. Quelques manifestations douloureuses sortent parfois de cette vérité mais seulement quand le candidat a l’impression que c’en est trop, qu’il faut que la colère intérieure sorte manifestant ainsi un sentiment d’injustice ! La plupart du temps, le transe gaulois blessé souffre en silence. On peut à peine apercoir dans son comportement ou dans son regard les effets de la blesssure bien présente. Pourtant, à la vue spectaculaire de certaines manifestations négatives des organismes, il y aurait de quoi hurler. Cela va de la cheville qui a triplé de volume au tibia rouge écarlate ou à la cuisse gonflée par la présence d’eau . Malgré cela, le coureur lutte avec les armes qui sont les siennes. La raison l’abandonne peu à peu, laissant place à une instinct de survie qui doit le conduire à accomplir sa mission. Pourtant, la sagesse voudrait parfois que l’individu ait le courage de renoncer. Histoire de ne pas mettre en péril sa santé et pouvoir prétendre à des joutes futures tout aussi improbables que cette traversée de la France. Mais le héros silencieux lutte comme si parvenir à fouler la plage de Gruissan relevait d’un objectif vital. Et comme tout le monde vise ce même objectif, une certaine compassion et un respect mutuel s’installent au fil des kilomètres. D’observateur envieux des performances de l’autre, le participant devient le spectateur privilégié d’actes courageux face à l’adversité procurée par la présence des traces visibles de la souffrance corporelle.

La quatorzième étape menant les valeureux rescapés de cette huitième Transe Gaule de Aurillac à Saint Cyprien-sur-Doudou permettra à ceux-ci d’agir dans la continuité des derniers jours en affrontant monts et vallées alors qu’ils vont progressivement quitter le Cantal pour entrer dans le département de l’Aveyron. Les tendinites sont de plus en plus présentes et les mines de plus en plus fatiguées mais les sourires sont bel et bien présents. Le Transe Gaulois aime souffrir !

Je décide aujourd’hui de partir à un rythme plus soutenu. Je suis motivé par ma superbe étape d’hier et me dis qu’il est temps de penser un peu à soi et surtout ne rien regretter ! Dès le départ donné dans la pénombre et sous un crachin bien présent , je prends la foulée de Jan Nabuurs. Je me dis que je vais le suivre jusqu’à la sortie d’Aurillac où j’ai peur de me perdre. Les premiers kilomètres sont parcourus à vive allure et on retrouve en tête les mêmes acteurs que la veille à savoir Jan Nabuurs, Didier Cartreau , qui semble éprouver quelques difficultés dans les descentes ainsi que les Allemands Jobst et Ulrich. C’est à plus de douze kilomètres par heure que nous entamons presque groupés la montée à la sortie d’Aurillac. Peu à peu les coureurs trouvent leur rythme et je dois laissé filer mes compagnons. Les deux Allemands évoluent côte à côte tandis que Jan et Didier ont pris le large. Sans

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doute parti à un rythme trop élevé, je paie un peu mes efforts et je constate en me retournant que je n’ai pas fait le trou avec mes poursuivants. Eric Dérivaz et Laurent Saint-Martin ont retrouvé des forces depuis quelques jours et j’ai de plus en plus de mal à m’en séparer. C’est surtout dans les montées qu’ils excellent et en profitent pour diminuer les écarts. Cependant, je ne m’affole pas et me dis que ce qui doit arriver arrivera. Au fil des kilomètres, nous entamons une longue descente vers le Lot que nous franchirons sur un pont désaffecté. Il nous reste environ quatorze kilomètres à parcourir le long du Doudou. Cette route sinueuse est plus difficle qu’il n’y paraît et je pioche un peu. J’aperçois cependant de temps à autre la carcasse du grand Jobst, ce qui signifie qu’il n’est pas très loin devant moi. Nous parvenons progressivement à hauteur du magnifique village de Conques qui, situé dans la roche, est un incontournable lieu de passage des pélerins en route vers Saint-Jacques de Compostelle. La pluie nous a quitté et c’est sous le soleil que je franchis la ligne d’arrivée à la cinquième place. Il nous reste quatre étapes à parcourir et tout est encore possible. Didier Cartreau remporte cette joute et creuse l’écart avec Jan Nabuurs tandis que je pointe désormais à une excellente et surprenante cinquième place au classement général. Je me mets alors subitement à rêver mieux. Pour l’instant hormis l’épisode malheureux de ma rage de dents, j’effectue une course étonnante et seules mes chevilles enflées me rappellent parfois qu’il s’agit de rester prudent. Mais à y regarder de plus près, je constate que le quatrième classé actuellement ne possède qu’une heure d’avance sur moi alors qu’il est en proie à quelques difficultés depuis deux trois jours. Quant à Maurice que je viens de passer au général, je ne pense pas qu’il prendra des risques pour essayer de récupérer sa place dans le Top Cinq. Jobst ne semble également pas au mieux, ses traits sont de plus en plus tirés et j’avoue être admiratif des risques qu’il prend car pour un novice il est à l’attaque à tout instant. Sa foulée est tout sauf fluide et je me dis que n’importe quel autre coureur aurait déjà explosé depuis longtemps à vouloir courir au dessus de ses possibilités. Mais il tient bon le Teuton !

Le début de soirée sera agrémenté d’un apéritif offert par la mairie, comme c’est parfois le cas lors de nos passages éphémères dans ces coins reculés de France. Le beau temps est au rendez-vous et ne devrait plus nous quitter jusqu’à Gruissan. Au contraire, on annonce des températures caniculaires pour la fin de course. Personnellement cela ne me gêne pas trop car la montée en température se fait progressivement au cours de la matinée. Les étapes se terminant souvent aux alentours de midi, treize heures, cela me permet de limiter mon exposition au soleil. Pourtant, je prends bien soin de m’hydrater abondamment car je redoute les crampes qui m’ont si souvent empêché de m’exprimer valablement lors de courses antérieures.

En pensée ou ailleurs mes proches sont toujours avec moi et c’est pour eux et elles que je vais essayer de finir l’épreuve. Mon état d’esprit est quelque peu différent de celui qui m’habitait lors de ma première participation. A l’époque, j’ai le sentiment de vivre une folle aventure à l’issue incertaine. Mon seul et unique but et de

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conquérir mon étoile. J’avais savouré les douze premiers jours de course avant de connaître une fin d’épreuve très pénible qui m’avait empêché d’apprécier ma réussite à sa juste valeur. Cette année, je me dis que je l’ai déjà fait et qu’il me faut quelque chose de plus. Je suis plus impliqué par l’esprit de compétition et ceci au détriment parfois du sentiment de vivre une aventure hors du commun. Je bavarde moins avec les autres concurrents si ce n’est avec Eric Dérivaz devenu définitivement mon ami Transe Gaulois, le gars sur qui je peux compter en toute circonstance. Eric a un autre passé et d’autres références d’ultra que moi et je le respecte profondément. J’ai même du mal à penser que je suis devant lui au classement général. Mais à présent à quatre journées de la fin, cela ne fait plus peur. Je me dis que si j’avais emprunté des rythmes exagérés, mon corps me l’aurait déjà rappelé. Alors, je persiste dans l’idée que je dois laisser mes jambes dicter la cadence et ne plus me retenir comme c’est parfois le cas. C’est ainsi que durant les étapes, je m’emballe parfois et procède à des accélérations incensées sur ce genre d’épreuve. Heureusement, la technologie qui m’accompagne me rappelle souvent à l’ordre et la raidson reprend le dessus.

Aujourd’hui, nous allons passer par Rodez. Jean-Benoît nous fait la surprise de modifier le parcours car celui-ci n’est guère approprié pour des coureurs à pied. Bien avant Rodez donc, nous prenons une route à gauche qui est est synonyme de nouveauté pour tout le monde. Et là, nous avons droit à un pic non un roc ! Une montée franche va nous faire éviter le trafic . En me retournant, je sens le souffle d’eric dans mon dos. Il est dans son élément le bougre ! je m’attends à tout instant qu’il me rejoigne mais ce moment ne vient pas ! Nous évoluons sur un plateau avant de redescendre et rejoindre l’itinéraire habituel juste avant Rodez. Je connais bien cette portion et c’est tout à mon aise que j’enfile un bon ravitaillement avant de marcher dans la montée nous menant à la sortie de la ville en direction de « Le Monastère » . Tandis que la route s’élève à nouveau et que je suis seul, je parviens à un ravitaillement où l’on m’annonce que je suis en train de fondre sur Didier Cartreau ! Le leader de la course est en grande difficulté et découvre lui aussi ce qui signifie la tendinite au releveur ! Il n’en faut pas plus pour me motiver et après quelques kilomètres, alors qu’Eriic ne m’a toujours pas rattrapé, j’aperçois Didier qui malgré la douleur avnace encore à environs dix kilomètres par heure. A la faveur d’une descente et en présence d’une équipe de la télévision, je rattrape Didier et l’encourage. Je peux m’imaginer ce qui se trame dans sa tête, lui qui mène la dans depuis le malheureux abandon de Jean-Jacques Moros. Didier me rejoint à nouveau en bénéficiant de mon arrêt au ravitaillement suivant. Qu’à cela ne tienne, quelques centaines de mètres plus loin, c’est à nouveau la jonction. Elle sera le dernier fait d’armes du jour car je retrouve alors de l’énergie pour entamer la dernière difficulté. Je me souvenais plus de cette montée mais dans ces conditions, j’avoue qu’elle m’afait plus de bien que de mal. C’est en boulet de canon que je traverse cassagnes Begonhès avant d’aboutir dans le hall signifiant ll’arrivée de l’étape. Didier finira près de vingt minutes après moi. Il vient probablement de perdre la transe Gaule car je ne l’imagine pas recouvrer toutes ses facultés d’ici demain. Au classement général, il n’a

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plus que quarante minutes d’avance sur Jan qui ne faiblit pas. De mon côté, je me suis rapproché à vingt cinq minutes de Mikael Anderson qui finira pourtant à la sixième place de l’étape en compagnie d’Eric Dérivaz. Je n’en crois pas mes yeux. A trois jours de la fin, rien n’est encore joué car tout le monde semble accuser le coup à part Jan Nabuurs et Ulrich Zach qui respire la forme en cette fin d’épreuve. Voilà qui ajoute encore à la magie de la course. Le suspens va grandissant non pas à cause de lavaleur des coureurs mais surtout par le fait que la nature reprenne peu à peu ses droits. Cette quinzième étape sera égalment fatale à la lanterne rouge. Jean-claude colliou qui lutte depuis deux semaines avec les barrières horaires a dû jeter l’éponge aujourd’hui. Son organisme lui a fait savoir qui était le maître et c’est le mort dans l’âme que le vaillant Français a définitvement refermé la page de son aventure. Jean-Claude m’accueillera à l’arrivée et ne semble pas trop affecté par ce coup du sort. Il est fier d’avoir accompli plus de neuf cents kilomètres et promets de revenir achever son œuvre lors d’une autre édition. Une nouvelle fois, la salle surchauffée qui nous accueille ressemble à un champ de bataille où se croisent des gladiateurs las de recevoir des appels négatifs de leur corps. Au rang des battus du jour on notera encore ce brave Maurice Chenais qui a un genou à terre mais qui, tel le roseau, ne rompt point. Tandis que d’autres, les forçats du bitume forts de leurs expériences passées y vont de leur cadence improbalble qui les mèneront tout doucement vers le paradis. Citons parmi ceux-ci Don Winkley, Théo Kuipers, Regina Van Geene, Sigi Eichner. Nous voici arrivés à deux cents kilomètres de Gruissan-Plage, c’est la distance qui sépare mon domicile de Bruxelles ! Trois malheureuses étapes et nous pourrons nous affaler dans le sable et jurer les grands dieux qu’on ne nous y reprendra plus !

Au restaurant, je mangerai en compagnie de Didier qui semble un peu abattu. Il s’emploira cependant à boucler sa course avec toute l’énergie du désespoir. Chaque pas supplémentaire qu’il pourra encore accomplir comptera double et lui demandera des efforts non encore consentis jusque là. A deux cents bornes de l’arrivée, une nouvelle épreuve débute pour lui ! Jan Nabuurs, le Joop Zoetemelk de la Transe Gaule parviendra-t-il enfin à conquérir un titre cent fois promis à la grâce d’une gestion de course exemplaire mais en mettant à profit la chute de héros à qui la victoire ne semblait pouvoir échapper. Pour les accessits, l’issue est encore incertaine et de belles bagarres vont encore bouleverser l’ordre établi.

Cassagnes-Begonhès est une petite bourgade sans intérêt. Elle ne doit sans doute sa célébrité que parce que d’illustres Transe Gaulois y sont passés, laissant au passage l’empreinte de courageux coureurs anonymes.

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Classement Général après Etape 15 950 km chronométrés

Cassagnes-Bégonhès, Km 955 km/h 1 Cartreau, Didier 81:19:43 11,681 2 Nabuurs**€, Jan (NED) 81:58:21 11,589 3 Von Palombini, Jobst (GER) 90:54:10 10,451 4 Andersson, Mikael (SWE) 93:26:40 10,166 5 Robert*, Michel (BEL) 93:50:33 10,123 6 Chenais, Maurice 96:39:54 9,828 7 Derivaz**, Eric 97:20:29 9,759 8 Perreau!, Vincent 98:32:43 9,640 9 Habasque, Gérard 99:13:46 9,574

10 Zach*€, Ullrich (GER) 100:13:52 9,478 11 St-Martin, Laurent 101:05:16 9,398 12 Bec Cètre, Brigitte 102:23:37 9,278 13 Lamp, Reinhold (GER) 106:23:04 8,930 14   Massif!, Catherine 107:00:48 8,877 15 Borrias, Erwin (NED) 107:17:26 8,854 16 Viaud****, Fabrice 108:18:56 8,771 17 Madec!, Stéphane 108:34:11 8,750 18 Hildebrand, Carmen (GER) 109:13:26 8,698 19   Ryascoff, Pascal 110:40:06 8,584 20 Lange, André (GER) 115:33:12 8,221 21   Borel*!, Frédéric 115:56:52 8,193 22 Theissen, Markus (GER) 115:56:59 8,193 23   Van den Hende, Jos (BEL) 117:27:22 8,088 24   Frémery, Jean-Michel 121:33:11 7,816 25 Quéant*, Gwen 122:11:13 7,775 26 Kahla, Said (ALG) 124:56:32 7,604 27 Broersen**, Jos (NED) 125:26:09 7,574 28 Gallais*!, Frédéric 126:22:11 7,518 29 Miorin!, Robert 126:28:09 7,512 30 Nemeckova, Martina (CZE) 126:55:05 7,485 31 Le Ny!, Gwen 127:01:14 7,479 32   Richard, Jean-Pierre 127:51:35 7,430 33 Byeung Sik, Ahn (KOR) 128:06:20 7,416 34 Hofbauer*, Richard (GER) 128:24:54 7,398 35 Morand*, Frédéric 131:42:46 7,213 36 Simons**, Marie-Jeanne 134:02:37 7,087 37 Gallou*, Philippe 135:26:01 7,015 38   Monot, Anny 137:33:50 6,906 39 Buchwald, Baldur (GER) 139:34:08 6,807 40 Perchoc, Françoise 145:25:45 6,532 41   Eichner****, Sigi (GER) 148:28:16 6,399 42   Van Geene**, Regina (NED) 152:39:48 6,223 43   Winkley$*******, Don (USA) 155:28:42 6,110 44 Kuijpers**€, Theo (NED) 155:38:18 6,104

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Dès le départ de la seizième étape, mes deux acolytes Allemands adoptent un rythme soutenu. Mais qu’est-ce qu’ils mangent pour avoir ainsi autant d’énergie ? je les laisse partir en compagnie de Gérard Habasque, qui fidèle à son habitude, part sur les chapeaux de roue, et de Jan Nabuurs sans doute motivé pour prendre la tête du classement général. Je me retrouve en compagnie d’Eric Dérivaz et Laurent Saint-Martin. Mais j’ai des fourmis dans les jambes et je décide d’accélérer. Une fois de plus, je rattraperai rapidement et Gérard pour effectuer une étape dans la solitude. Cependant, j’ai de plus en plus de difficulté à distancer Eric et Laurent qui m’ont en point de mire pendant de nombreux kilomètres. Nous entamons une longue descente vers un superbe petit village répondant au doux nom de Lincou. Cet à cet endroit que nous nous étions arrêtés avec les enfants et Pascale à Pâques. Nous avions alors profité d’une météo favorable pour savourer notre premier barbecue de l’année. Alors que j’ai entamé la descente à vive allure, je ressens soudain une décharge électrique dans l’arrière de ma cuisse droite ! Ca y est le rêve va prendre fin, je vais devoir rentrer dans le rang en espérant que cette alerte ne m’ handicape pas trop. C’est en boîtillant que je termine la descente qui me mène au ravitaillement suivant. Après celui-ci, nous aurons droit à une très longue montée pas trop dificile de neuf kilomètres. Eric et Laurent sont sur mes talons bien que je ne les aperçois pas en me retournant. Nul doute qu’il vont fondre sur moi dans cette difficulté que j’entame prudemment car ma cuisse me gêne toujours. L’épouse de Laurent se porte plusieurs fois à ma hauteur, ce qui siginife qu’il n’est pas loin. La douleur s’estompant peu à peu à la faveur de cette montée agréable, je refais le trou avec mes poursuivants tandis que je parviens au sommet. J’en profite pour boire énormément et regarder derrière moi. J’ai visiblement creusé le trou avec mes les deux gaillards à ma grande surprise ! Cet endroit est l’un des plus beaux du parcours, on peut y observer des champs à perte de vue. La fin de l’étape sera anecdotique bien que nous amenant au symbolique millième kilomètre parcouru ! Ce passage aura lieu au village de Plaisance dont l’église perchée sur les hauteurs est un ravissement pour mes yeux. Les derniers kilomètres seront avalés sans difficulté alors que ma cuisse me fait toujours un peu mal et que la chaleur est suffocante. J’en profite alors pour ne pas forcer et terminer l’étape à ma main mais tout de même à la quatrième place juste derrière Jobst qui ne me devance finalement que de cinq minutes ! Mais le fait du jour est l’ étape « galère » de Didier Cartreau qui doit se contenter d’une modeste vingt-neuvième place à plus de trois heures de Jan Nabuurs ! Il ne doit plus penser qu’à une seule chose, finir ! Maurice Chenais et Mikael Anderson ayant également vécu une journée noire, me voici propulsé à une inespérée quatrième place au classement général. Je possède à présent plus de quarante minutes d’avance sur Mikael avant d’entamer les deux dernières étapes de cette Transe Gaule 2010 qui semble cette fois avoir révélé la plupart de ses secrets ! Aujourd’hui deux personnes ont certainement dû éprouver un plaisir immense à terminer ensemble à la onzième place. Les Fred Gallais et Borel respirent en effet la forme sur cette fin de Transe Gaule, une forme qui doit pouvoir laisser envisager un dénouement heureux à ces désormais vétérans de la Transe Gaule. De manière générale, un constat s’impose, les personnes qui ont déjà participé à ce genre de course à étapes terminent dans

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un meilleur état de fraîcheur que les novices. Rares sont les bizus qui passent entre les gouttes et ne sont pas victimes des contrariétés habituelles, c’est-à-dire les tendinites, sur ce type de challenge. Je reste personnellement convaincu que plus encore pour d’autres épreuves, la clé de la réussite est de courir la seconde moitié de la course plus rapidement que la première. Le tout étant d’adopter le rythme parfait lors des neuf premières étapes afin de n’avoir aucun regret par la suite, ni dans un sens ni dans l’autre !

Dans cent quarante-deux kilomètres, la mer ! Tous les soirs, quelques coureurs prennent la peine de rédiger un petit résumé de leur aventure du jour. Les progrès de la technologie nous permettent de rester en contact avec nos proches et nos supporters. C’est ainsi que le blog que j’ai créé en juillet s’affole les derniers jours. Les visites se font de plus en plus nombreuses et cela me va droit au cœur. Beaucoup de mes amis coureurs m’encouragent et cela me fait le plus grand bien. Je ne veux plus les décevoir et compte bien réussir à accomplir mon œuvre sans fausse note. Pourtant, je n’aurais jamais pensé en arriver là après une année d’entraînement durant laquelle les sensations ont rarement été bonnes. Certes les quelques épreuves test m’ont plutôt souri, à l’exception de la piste des sangliers, mais quelque chose me freinait et par moment, j’avais envie de tout laisser tomber. La raison essentielle trouvait son origine dans un mal de dos permanent avec lequel j’ai appris à composer durant mes phases d’entraînement. En 2009, alors que je passais une année relativement calme au niveau de l’ultra, j’ai retrouvé un peu de vitesse en me lançant sur des circuits plus courts. Lors d’une course de seize kilomètres, alors que j’allais bon train, j’ai fait une chute violente en pleine descente alors que j’essayais de doubler trois concurrents. Je suis tombé sur le dos et ai peiné pour rejoindre l’arrivée, perdant au passage quelques précieuses places au général. A l’arrivée, je me suis affalé dans l’herbe car mon dos me faisait souffrir. Après deux trois jours, ne ressentant plus rien, j’ai repris l’entraînement pour le marathon de Bruxelles. Cette course s’est plus ou moins déroulée et j’ai voulu enchaîné avec le marathon de La Rochelle, un des derniers marathons de l’année. Réalisant une course sage , je fus pourtant victime d’un nouveau mal dès le trente-cinquième kilomètre. Une douleur partant de mos dos vers ma jambe droite m’a progressivement forcé à ralentir l’allure. Cette course marquant plus ou moins ma fin de saison, je n’ai pas prêté plus attention que cela à ce qui venait de m’arriver, le repos ferait son œuvre et me permettrait sans doute de récupérer toutes mes facultés. Et puis en décembre, trois amis me demandent pour effectuer une course relais de trois heures à laquelle je réponds favorablement. Après deux ou trois relais, je ressens à nouveau une gêne dans le dos. Début janvier 2010, alors que la météo est plus qu’hivernale, je débute mon entraînement transe Gaule et dès les premières sorties, je dois constater que ma gêne au dos est toujours présente. A chaque sortie, après une henere trente de course et à peu près dix-sept kilomètres, une douleur supportable me prend. Je termeine à chaque fois mon entraînement en peinant un peu. Au mois de février, je décide d’aller voir un médecin et d’effectuer une analyse posturale. Un scanner et une radio du bassin ne révéleront rien d’anormal tandis que

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j’essaie de m’entraîner avec mes nouveaux supports. Après quelques essais infructueux, je décide de renoncer à l’utilisation des semelles spéciales car je ne pense pas pouvoir encaisser ce rigoureux changement avnt la Transe Gaule. J’effectuerai un dernier essai pendant cinquante kilomètres à la piste des sangliers (course trail de 111 km). Ce jour là, je serai pris de crampes violentes qui feront définitivement renoncer au port des semelles pour cette année. Je compris dès lors qu’on ne pouvait ainsi modifier sa manière de travailler en deux coups de cuillères à pot et que ce type de changement requérait une adaptation progressive. Mon pénible entraînement se terminait par un dernier test en juillet aux 100 km du Morvan où je fus agréablement surpris de terminer onzième au scratch, ayant pu bénéfécié de l’abandon d’une foule de concurrents indisposés par la chaleur du jour. Et puis, une ultime sortie longue et lente en compagnie de Serge Girard lui-même à l’occasion de son passage dans ma région m’aura incité à penser que je n’avais pas l’état de forme de 2008. Mes douleurs au dos sont désormais devenues mes partenaires de courses et je n’y prête plus attention car je sais qu’elles restent supportables et m’incitent à adopter une vitesse plus adaptée en deçà delaquelle la douleur disparaît. Quelques jours avant le départ pour Roscoff, j’ai pourtant eu une frayeur terrible car j’ai dû marcher pendant cinq kilomètres lors d’une sortie de dix kilomètres. La raison futr une douleur au dos conjuguée à une très forte douleur à l’aine droite. Autant dire que mon moral était dans les chaussettes et que j’allais entamer la Transe Gaule avec un moral au plus bas ! Mais voilà qu’un miracle s’accomplit ! Mis à part une dolueur à l’aine droite en fin de première étape qui nécessita un reconditionnement de la part descharmantes kinésitérapeutes nous acoompagnant sur le parcours, je n’ai ressenti aucune contrante dorsale comme cela avait été le cas pendant les huit mois qui précédaient la course ! Quelle en est la raison ? je ne peux l’expliquer que par deux hypothèses. La première est la sécrétion d’endorphines qui ont tendance à nous « anesthésier » ou du moins à nous aider à supporter la douleur. La seconde est le rythme adopté qui est plus lent que celui que nous adopterions sur une course d’un jour. En effet, j’ai déjà constaté que lorsque l’on reste en dessous du seuil de la douleur on peut ainsi progresser sans souffrir outre mesure. N’est-ce d’ailleurs pas pour ces deux mêmes raisons que les coureurs blessés sur la Transe Gaule continuent à avancer malgré tout ?

Toujours est-il que nous voici arrivés à l’avant dernière étape de l’édition 2010 de la Transe Gaule qui en est à sa huitième édition ! Un seul coureur pourra encore se vanter d’avoir boucler toutes les éditions s’il parvient à Gruissan-Plage, ce dont personne ne doute à ce moment de l’épreuve. En effet, le septuagénaire Don Winkley, aura le privilège d’avoir parcouru plus de 9000 km sur des routes de France qu’il doit maintenant connaître par cœur ! Nul doute que si le français Daniel Muller n’avait été victime d’un malheureux accident du travail, il aurait également été de la partie et aurait mis un point d’honneur à lui aussi boucler sa huitième Transe Gaule. Mais la vie en a décidé autrement et Daniel devra se contenter de nous accueillir lorsque nous entrerons dans l’Aude à l’arrivée de l’avant-dernière joute.

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Que dire de cette dix-septième étape. Elle est pour moi l’étape reine du parcours (avec l’étape treize reilant Mauriac à Aurillac). Elle possède tous les ingrédients qui permettent aux coureurs de vivre une journée extraordinaire. L’étape est longue de septante kilomètres, le dénivelé positif avoisine les quinze cents mètres et la chaleur qui devrait nous accompagner tout au long de la journée devrait encore augmenter le degré de difficulté. Sans compter que tous les participants, quels qu’ils soient, commencent à en avoir plein les godasses de fracasser leurs jambes sur ce bitume devenu insupportable mais qu’ils chérissent pourtant en d’autres circonstances. Cependant, chacun est persuadé que s’il boucle ces septante kilomètres, le graal lui se sera promis car on ne voit pas comment on pourrait renoncer à ce stade de la course.

En prévision d’une chaleur annoncée importante, le race director avance le départ à six heures. C’est avec une certaine nostalgie que nous prenons la traditionnelle photo de groupe devant la salle de Saint Sernin-sur-Rance. Les mines sont tendues, c’est qu’il va falloir jouer serré durant cette longue journée ! Ne retrouvant plus ma lampe frontale et étant toujours soucieux de progresser en sécurité, je demande à Jacquemine de me prêter la sienne, ce qu’elle fait gentiment. JB nous demande d’être très prudents car le départ est en descente et les rues sont étroites. Cà y est, l’avant dernier départ est donné. Le peloton groupé s’élance sous la vigilance de JB qui nous guide dans ces rues étroites. Nous parvenons à un escalier alors que nous devons passer à cinq ou six dans un passage très étroit. Soudain, je perds l’équilibre en posant mon pied droit dans un trou. Je ne peux me retenir et chute brutalement sur le sol tandis que je pousse un cri de douleur en entendant un petit crac dans ma cheville droite. JB est sous le choc, lui qui est toujours à nos côtés, il pousse un grand « noooonnnn » de désespoir car il craint le pire. Tout le monde est surpris. Eric me relève et m’invite à me tenir à lui pour descendre les marches de cet cet escalier de la mort. On verra bien en bas ce qu’il advient de ma cheville. Parvenu au pied de l’escalier, je boitille. Eric reste un peu avec moi. J’essaie de marcher, puis de trottiner. Je sue de grosses gouttes de stress. J’ai mal mais je peux avancer. Eric me propose de m’accompagner. Je refuse et lui dis de faire sa course. Il s’exécute et je me mets dans son sillage en tentant de suivre son train. La douleur est trop forte et je suis encore sous le choc. Je dois lâcher prise. J’occupe la septième ou huitème place de l’étape derrière Jan, Ulrich, Jobst, Laurent, Eric et l’un ou l’autre candidat. Je verse des larmes de détresse car je pense que tout ce que j’ai construit pendant seize jours est en train de s’effondrer. Arrivé si près du but et être victime d’une telle injustice, ce serait trop ingrat. Mais il est écrit quelque part que cette année, les dieux de l’ultra seront avec moi. En effet, alors que la route s ‘élève plus ou moins progressivement et que le jour apparaît, je ne ressens presque plus la douleur consécutive à ma chute. Je n’ose pas regarder ma cheville et me dis que si je m’arrête, je suis foutu. Je fulmine, je rumine, je doute mais malgré tout j’avance . Les bénévoles qui se portent progressivement à ma hauteur en remontant toute la caravane, ne manquent pas de s’inquiéter de mon état de santé et je leur fais signe que cela peut aller. Plus de peur que de mal mais j’ai

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bien le sentiment d’être passé miraculeusement à côté d’une catastrophe. Les kilomètres défilent et je suis désespérément seul. Cette longue chevauchée me propulse peu à peu vers le premier ravitaillement alors qu’à ma surprise, je viens de dépasser le grand Jobst qui n’est pas au mieux aujourd’hui. Sans doute paie-t-il progressivement les nombreux efforts qu’il a consenti depuis le départ de Roscoff. Je ne m’attarde pas au ravitaillement car j’ai peur qu’un arrêt prolongé ne soit néfaste pour mon entorse. La route continue globalement de s’élever malgré quelques portions plus faciles. Le parcours me convient bien. Nous avançons tout doucement vers Lacaune, village encaissé dans la vallée qui ne sera accessible qu’au prix d’une descente très difficile. Deuxième moment de grande satisfaction en ce jour , je rattrape Laurent Saint-Martin, alors classé quatrième de l’étape. Laurent des cend moins vite que moi, les releuveurs sont sans doute douloureux ! je me laisse aller et parvient au centre du village pour faire le plein de mes bidons. Depuis le départ, je prend un bidon d’eau et un bidon d’eau avec un sucre ou avec une moitié de cola. La recette semble fonctionner car je n’ai encore eu aucun de barre. La sortie de Lacaune est l’occasion de s’embarquer dans une montée très longue. En me retournant, je constate que Laurent me suit à quelques centaines de mètres. Parvenu au sommet, je sens que mes jambes en veulent plus. C’est peut-être l’occasion de pousser une pointe puis qu’il nous reste au bas mot cent kilomètres à accomplir sur cette Transe Gaule 2010. Incroyablement frais, j’augmente l’allure pour évoluer à un bon douze kilomètres heures sur ce terrain devenu favorable. Mes efforts sont récompensés car j’aperçois à quelques centaines de mètres devant moi la silhouette caractéristique du savoyard Eric Dérivaz. Il n’en faut pas plus pour me motiver et décider de poursuivre sur le même rythme. C’est sans peine que je fonds sur le gars qui m’a sauvé lors de ma chute. Comme lors de la première étape, je sens qu’eric peine un peu. Arrivé à sa hauteur, il est tout surpris de me voir et est très content que j’aie pu retrouver des forces après l’épisode de la chute. Je continue sur ma lancée et distance à peine eric alors que nous allons parvenir à la Salvetat-sur-Agout. Mais une pierre est entrée dans ma chaussure. Je m’arrête et profite pour l’enlever. Eric est juste derrière moi. Dans la traversée du village, je reprends un peu d’avance. Nous arrivons à un ravitaillement où les accompagnateurs sont nombreux. JB en profite pour me demander comment je me sens. Ma mine, bien qu’un peu fatiguée, atteste de ma motivation. Et puis se là, je me pose une question. Est-ce que je tente de finir seul ou est-ce que j’attends Eric ? Après un court moment de réflexion, j’ opte pour la seconde solution d’autant qu’une énorme difficulté nous attend. Il me semble alors plus évident d’attaquer celle-ci en duo afin de ne pas gaspiller d’énergie. Après quelques centaines de mètres effectués « hors route », nous reprenons la route principale. A mon grand étonnement, eric ne prend pas de relais et au contraire, je mène le train et me détache progressivemnt de lui. Mais je reste sur ma décision et ajuste mon allure pour aider Eric a effectuer une montée honnête. Ceci confirme mon impression, Eric est fatigué ! Alors que nous nous dirigeons vers le somment et qu’il nous restera dix kilomètres de descente avant l’arrivée à Saint-Pons-de-Thommières, je me retourne et aperçois Lurent qui essaie de recoller. Il ne nous en faut pas plus pour subitement pousser une accélération car

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il n’est pas question que quelq’un puisse nous ôter le plaisir de terminer main dans la main à la troisième place de l’étape. Eric retrouve alors de la vigueur et entame la descente à toute allure. Les nombreux lacets nous permettent de juger de notre écart avec Laurent. Soudain, nous nous mettons à fabuler sur nos illustres repères que sont Bernard Hinault et Eddy Merckx. Les guerriers coureurs ont succédé aux guerriers rouleurs ! Michel devient le canibale et Eric devient le Blaireau ! Laurent, nous sommes désolés, mais tu devras être très fort pour avaler ces deux là ! La descente de dix kilomètres est interminable. Je me dis que nous avons deux avantages. Le premier est que je sais que Laurent descend moins vite que moi en référence à la descente de Lacaune mais surtout, à deux nous pouvons à tour de rôle donné le rythme. Eric a retrouvé des forces et j’avoue queje peine à le suivre. Pourtant, il progresse par à coup ! Arrivés sur le plat, je ne sens plus mes jambes et suis prêt à augmenter l’allure pour effectuer les deux derniers kilomètres du jour. Mais Eric paie un peu cuit ! Ce n’est pas grave, le trou est fait avec Laurent et nous pouvons nous relâcher car l’arrivée est en vue. Et qui est là pour nous accueillir à bras ouverts ? Et bien c’est le malchanceux régional du jour , Daniel Muller, septuple étoilé de l’épreuve qui nous fait le plaisir de nous rendre visite. Ce sont donc des retrouvailles deux ans après. Daniel nous trouve fort frais, ce qui nous fait très plaisir car intérieurement nous savons que nous avons beaucoup donné aujourd’hui. Eric et moi avons bouclé cette majestueuse étape à l’allure assez affolante de 10,78 kilomètres par heure ! depuis quelques jours et malgré la chute du début d’étape, je ne cesse d’augmenter la cadence, comme Eric et Laurent d’ailleurs . Celui-ci terminer plus ou moins cinq minutes après nous à une superbe cinquième place. Cette fois, nous sommes tous convaincus qu’il ne peut plus rien nous arriver. Notre étoile nous tend les bras. Les quarante-quatre rescapés parviendront au bout de la difficulté du jour avec des fortunes diverses. Didier Cartreau a retrouvé un peu de forces mais est très loin des allures qu’il pratiquait en début de course. Qu’à cela ne tienne, il ira au bout de sa première Transe Gaule qu’il devrait terminer à la seconde place, ce qui vous l’avouerez est déjà un sacré bel exploit. Chez les dames, la lutte pour la première place est terminée depuis longtemps, d’autant que brigitte a retrouvé certaines forces en terminant neuvième du jour. Malgré toutes les qualités de Catherine Massif, celle-ci n’avait pas assez d’armes pour pouvoir inquiéter Brigitte. Mais était-ce là son objectif ? je crois que tout athlète qui participe à sa première Transe Gaule n’espère qu’une chose, rallier Gruissan en se souciant peu du classement général. Malgré quelques baisses de moral, Catherine aura d’ailleurs fait une course exemplaire, tout comme son boyfriend Vincent Perreau. Derrière, les papies et mamies ont avancé à leur rythme tandis que deux coureurs ont vécu un enfer. Maurice Chenais terminant à la trente-septième place et René Lange, victime de très fortes tendinites aux deux releveurs finit bon dernier du jour alors qu’il occupait encore hier matin la dix-huitème place au général ! Nul doute que les derniers septante-deux kilomètres vont compter double, voire triple pour lui demain !

Au niveau du classement général, tous les verdicts semblent tombés. Seule une ultime bagarre de principe dans le top dix entre deux, trois coureurs peut encore

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faire évoluer le classement. Je suis plus que jamais accroché à ma quatrième place avec quarante-cinq minutes d’avance sur le Suédois Mikael Andersson qui semble avoir retrouvé, lui aussi, des forces en cette fin de Transe Gaule.

Comme deux ans auparavant, l’atmosphère à Saint-Pons-de-Thommières est étrange, comme si c’était là que se clôturait l’aventure. En tout cas, c’est ce que je ressens car presque inconsciemment la pression retombe à l’aube de la dix-huitième et dernière bataille à livrer pour les guerriers du bitume. Un peu comme au tour de France, la dernière joute s’apparentera à un critérium et sera courue pour le principe même si la distance à avaler reste conséquente ! A ce moment là, on ne ressent plus de mal, cela sent bon l’écurie et chacun se dit que même en rampant il franchira la ligne de la délivrance. Les coureurs, les accompagnateurs et les bénévoles sont taiseux comme si les vacances allaient se terminer et que chacun allait déjà rentrer chez soi. Pour ceux qui ont encore quelques restes, ils voudraient prolonger le rêve et continuer à ne plus penser à rien et surtout pas au au train train de la vie quotidienne. Pour les autres, le calvaire s’achèvera enfin. Enfin, l’organisateur et les bénévoles seront déjà à l’heure des bilans et des impressions de cette huitième aventure Transe Gauloise. Tout le monde s’endormira en pensant à demain et la fin de la bataille. L’ennemi sera définitivement vaincu et quarante-quatre vainqueurs pourront accrocher une étoile à côté de leur nom qui ne résonnera plus jamais de la même manière. Ce sont eux, les forçats du macadam qui écrivent de leurs empreintes pédestres l’histoire d’une course qui ne sera jamais banale.

Samedi 28 Août 2010. La caravane se réveille difficilement. Le départ avancé ne fait rien pour réveiller les esprits. Le vent est violent. Pourvu qu’il nous pousse vers Gruissan et non pas le contraire ! Les navettes nous conduisent vers le point d’arrivée de la veille et après un regroupement général, le dernier baisser de drapeau a lieu sur la Transe Gaule. Pas de départ décalé comme en 2008 mais un départ groupé symbole de la solidarité qu’il règne entre les coureurs. Un rapide calcul me fait penser que je dois partir calmement en observant l’attitude de Mikael Andersson. Je possède quarante-cinq minutes d’avances sur lui et il me suffit d’adopter sa cadence pour pouvoir assurer mon classement. La traversée de saint Pons se fait au pas sauf pour trois quatre téméraires qui semblent ne pas encore avoir brûlé toutes leurs cartouches. Je laisse filer. J’opte pour une étape que je compte bien savourer car les derniers jours, je me suis pris au jeu du classement et cela m’a fait un peu oublier l’esprit fraternel des débats. J’ai toujours été animé d’un esprit compétiteur même si je n’ai jamais rien gagné. Mais en toutes circonstances, j’ai toujours voulu donner le meilleur de moi-même. Pourtant, le sentiment qui m’anime au départ de cette ultime étape est un sentiment du devoir accompli. Je savoure les dix-huit jours que je viens de vivre et me repasse déjà le film de mon aventure. Nous voici arrivés au pied du dernier col. Je teste un peu ma cheville qui semble vouloir me laisser tranquille même si elle est assez gonflée. Un bon taping devrait pouvoir m’éviter d’avoir des doutes à ce sujet. Le vent violent est toujours présent. Nous débutons l’ascension dans le noir ; je suis en compagnie de Mikael et

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de Didier Cartreau tandis que les cinq premiers sont les mêmes que la veille, à savoir Jan, le probable vainqueur, Ulrich, l’Allemand au finish improbable, Jobst , toujours aussi généreux dans l’effort et enfin un duo composé d’Eric et Laurent. Nous n’apercevons bientôt plus les frontales de nos prédécesseurs et chacun prend petit à petit son rythme de course. Sans m’en rendre compte, je lâche Mikael et Didier. Mieux même, alors que je n’ai pas l’impression de pousser plus que cela, j’entrevois à nouveau deux lumières de lampes frontales. Quelques kilomètres plus loin, à l’approche du sommet du col, je fonds sur Eric et Laurent. Que faire ? Attendre ou continuer à mon allure ? Je ne pose pas la question et je décide de continuer sur ma lancée. Je pousse même une toute petite accélération lorsque je parviens à la hauteur des deux hommes, histoire de juger de leurs intentions. Seul Eric répond ! Il a compris que je souhaitais éventuellement rééditer la même étape que la veille. Laurent est cloué au sol. Il ne réagit pas. Donc, sans avoir réellement prémédité quoi que ce soit, je me retrouve quatrième avec Eric. Nous passons le sommet ensemble, avant de plonger et de remonter à nouveau. Le trou est fait avec Laurent. Daniel Muller, qui souhaite suivre l’étape à bord de son véhicule, se porte à notre hauteur et tel un directeur sportif nous donne les directives du jour. Il ne nous en faut pas plus pour reparler du canibale et du blaireau ! Daniel prend même le soin de prendre les écarts avec Jobst, le troisième. Il nous annonce sept minutes de retard mais nous encourage à tenir ce rythme car Jobst semble moins fringant que nous. Nous gardons quelques centaines de mètres avec Laurent, un peu comme la veille. Son épouse se porte à notre hauteur régulièrement, ce qui nous permet de juger de l’écart. Alors que le jour s’est levé et que la température commence à monter, nous atteignons la plaine et une portion dont je me rappelle la monotonie ! Après un ravitaillement pris rapidement, nous reprenons notre route sur un chemin caillouteux qui nous mène vers une zone assez peu intéressante. J’accuse un peu le coup car ma cheville me fait mal sur ce terrain inégal. Eric, lui, donne la cadence et semble en très grande forme. Je m’accroche. Et puis, à la faveur d’une longue ligne droite, alors que nous sommes à peu près à vingt kilomètres de Narbonne, nous aperçevons Jobst. Inutile de se presser, nous revenons progressivement sur lui. Je retrouve quelques forces tandis que jobst n’est plus qu’à une centaine de mètres de nous. Eric semble à son tour un peu moins à l’aise. J’augmente l’allure pour créer une espèce de pont entre Jobst, moi et Eric. Jobst se retourne. Il a compris qu’aujourd’hui, nous étions plus frais que lui. Pourtant, il insiste. Je décide alors de pousser une pointe sur cette portion plate. Mais je scrute le comportement d’Eric qui, courageusement, arrive à hauteur de Jobst. Ca y est, nous sommes troisièmes ! Nous empruntons une voie de chemin de fer désafectée qui nous mène vers un chemin le long du canal de la Robine et Narbonne Ville. Ayant retrouvé des forces, j’avance à un bon train et sans le vouloir, je laisse faire le trou avec Eric. Après quelques instants, je me retourne pour constater que le Savoyard n’apprécie pas ce chemin ! Sans hésitation, je me freine pour le laisser revenir à quelques mètres de moi. J’attends. Je savoure. Il n’y a pas d’enjeu aujourd’hui. Enfin, nous atteignons la fin de ce canal interminable et nous prenons un ravitaillement salutaire. Eric passe devant pour me guider dans Narbonne. Il nous reste vingt kilomètres à parcourir. A la

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sortie de la ville, je reprends le relais car je constate que nous faiblissons et que Laurent nous a toujours en point de mire. Eric me dit alors que nous allons défintivement prendre le large et d’un coup, il se met à courir à environ treize à l’heure ! Je m’accroche ! Eric faiblit car il ne peut tenir cette cadence très longtemps. Et c’est de cette manière, qu’inexorablement nous nous rapprochons de Gruissan-Plage. Laurent ne reviendra plus. Au dernier ravitaillement, au camping des Momosas, nous apercevons un coureur. Qui est-ce ? Il ne semble pas que ce soit un des concurrents ! en nous rapprochant de lui, nous pouvons soudain l’identifier. Il s’agit de Chen, le coureur Taiwanais avec qui j’avais sympathisé en 2008. Mais que fait-il là ? Nous supposons qu’il profite d’un séjour en Europe pour venir voir ses potes Transe Gaulois ! Nous passons devant Chen en le saluant brièvement et nous continuons de pousser sur nos jambes, pressés d’en terminer avec cette étape. Chen se tient à distance de nous. Et puis, malgré un trafic intense sur cette petite route, la pression se relâche presque définitvement. Eric semble tout aussi ému que moi lorsque nous franchissons la pancarte Gruissan ! nous sommes tous les deux heureux d’avoir passer ensemble les deux dernières étapes. L’arrivée est proche. Nous longeons le canal interminable qui nous mènera progressivement vers la plage. Je dis à Eric que ce serait stupide de se blesser maintenant ! Nous prenons à gauche. Il nous reste cinq cents mètres à parcourir. Au bout de la rue, nous empruntons deux marches qui nous conduisent sur la plage. Allez ! Plus que cent mètres ! Nous apercevons l’arche magique, les bénévoles sont là pour accueillir les héros sous l’assistance d’un caméraman. Sur un banc situé à notre droite, nous apercevons une dame assise. Il s’agit de Shu ! Shu est cette concurrente miraculée de 2008 qui a flirté avec la mort et qui s’est vue privée à tout jamais d’une jambe. Elle a souhaité revenir en France pour assister à l’arrivée ! On nous avait annoncé qu ‘elle serait peut-être là mais ce n’était pas certain. L’émotion est à son comble et c’est les larmes aux yeux que le blaireau et la canibale franchissent ensemble la dernière ligne d’arrivée. Nous nous congratulons et nous nous retournons immédiatement pour aller saluer Shu. Nous ne savons pas quoi dire mais les sourires et les regards se suffisent à eux-mêmes. Ca y est, Eric vient de conquérir sa troisième étoile et est pour la troisième fois sixième de l’épreuve ! Quant à moi, je n’en reviens pas de l’exploit inespéré que je viens de réaliser. Je pulvérise mon temps de 2008 de dix-huit heures pour terminer cette transe Gaule 2008 à la quatrième place. Les dieux de la course ont été cléments avec moi et il était écrit quelque part que cette année serait la mienne. Jamais je n’aurais pu imaginer telle réussite. Laurent Saint-Martin finit à son tour sa première TranseGaule quelques minutes après Eric et moi. Nous nous félicitons respectivement ainsi que Jan et Ulrich, tandis que d’autres concurrents franchissent à leur tour la ligne d’arrivée. Une émotion très palpable règne à Gruissan. Les quarante-quatre guerriers du bitume se succèdent et récoltent chacun l’étoile tant convoitée. Certains n’hésitent pas à se jeter dans la mer tandis que d’autres s’affalent sur le sable avec la satisfaction du devoir accompli. Le rideau tombe sur la Transe Gaule 2008 remportée par le récidiviste Jan Nabuurs, auteur d’une course très régulière. Mais sur cette épreuve, on peut considérer qu’il y a quarante-quatre vainqueurs car chacun a eu le mérite de

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se battre jusqu’au bout , avec ses propres qualités et ses propres armes. Le dernier ayant passé sur la route près du double de temps du premier classé !

CLASSEMENT GENERAL FINAL 1145 km chronométrés

Gruissan-Plage, Km 1150 Temps km/h 1 Nabuurs***€, Jan (NED) 98:23:43 11,637 2 Cartreau*, Didier 104:13:32 10,986 3 Von Palombini*, Jobst (GER) 109:23:25 10,467 4 Robert**, Michel (BEL) 111:54:54 10,231 5 Andersson*, Mikael (SWE) 113:26:44 10,093 6 Derivaz***, Eric 115:30:32 9,913 7 Zach**€, Ullrich (GER) 117:21:39 9,756 8 St-Martin*, Laurent 119:29:43 9,582 9 Perreau*!, Vincent 120:02:45 9,538

10 Habasque*, Gérard 120:14:00 9,523 11 Chenais*, Maurice 121:49:55 9,398 12 Bec Cètre*, Brigitte 124:00:54 9,233 13 Lamp*, Reinhold (GER) 127:08:05 9,006 14 Massif*!, Catherine 128:10:36 8,933 15 Borrias*, Erwin (NED) 129:10:56 8,863 16 Madec*!, Stéphane 129:54:55 8,813 17 Viaud*****, Fabrice 130:53:20 8,748 18 Hildebrand*, Carmen (GER) 131:12:07 8,727 19 Ryascoff*, Pascal 134:03:00 8,542 20 Borel**!, Frédéric 138:11:48 8,285 21 Theissen*, Markus (GER) 140:13:59 8,165 22 Van den Hende*, Jos (BEL) 141:35:40 8,086 23 Quéant**, Gwen 146:56:55 7,792 24 Frémery*, Jean-Michel 147:42:48 7,752 25 Kahla*, Said (ALG) 148:57:26 7,687 26 Gallais**!, Frédéric 149:30:45 7,658 27 Lange*, André (GER) 149:42:22 7,648 28 Le Ny*!, Gwen 150:05:03 7,629 29 Miorin*!, Robert 150:37:45 7,601 30 Broersen***, Jos (NED) 151:53:15 7,538 31 Hofbauer**, Richard (GER) 152:19:46 7,517 32 Richard*, Jean-Pierre 155:36:33 7,358 33 Byeung Sik*, Ahn (KOR) 156:29:54 7,316 34 Nemeckova*, Martina (CZE) 156:41:36 7,307 35 Morand**, Frédéric 158:06:46 7,242 36 Simons***, Marie-Jeanne 161:20:17 7,097 37 Gallou**, Philippe 163:49:35 6,989 38 Monot*, Anny 164:38:12 6,955 39 Buchwald*, Baldur (GER) 169:31:07 6,754 40 Perchoc*, Françoise 174:27:40 6,563 41 Eichner*****, Sigi (GER) 180:30:49 6,343 42 Van Geene***, Regina (NED) 184:39:39 6,201 43 Winkley$********, Don (USA) 187:17:25 6,114 44 Kuijpers***€, Theo (NED) 188:26:22 6,076

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L’émotion traditionnelle lors de la remise des récompenses sera cette année amplifiée par la présence de la coureuse Liu Shu. Chacun se rendra chercher son trophée bien mérité non sans avoir une pensée pour cette grande dame. C’est sous des applaudissements très soutenus que Jan Nabuurs, le Hollandais, reçoit des mains de Jean-Benoît et de Liu Shu la récompense réservée au meilleur combattant ! Du côté féminin, Brigitte Bec peut être fière de sa première place même si la performance chronométrique n’a pas été à la hauteur de ses ambitions de départ. Mais à la Transe Gaule, un seul objectif compte, c’est de conquérir la précieuse étoile qui fait de vous un Transe Gaulois pour l ‘éternité.

Après le repas de clôture et une nuit passée sereinement à resasser les bons moments des dix-huit derniers jours, chacun plie bagage et s’apprête à regagner ses pénates. Comme il y a deux ans, je trouve cet arrêt assez brutal. La prise est débranchée et les guerriers du bitume ainsi que les bénévoles vont reprendre le cours de leur vie normale. Chacun est très fier du devoir accompli et a le sentiment d’avoir gagné une grande bataille mais chacun sait aussi que la guerre n’est pas terminée car d’autres joutes viendront les inviter à enrichir leur palmarès d’ultramarathonien.