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Transfert de matière des continents vers les océans Préparation à l’agrégation SV-STU; Université d’Orsay. Leçon de spécialité géologie-Secteur C Proposition de plan par : Mathieu Rodriguez, Pr. Agrégé & Dr. Géologie marine Adresse mail : [email protected] Avertissement : les processus sédimentaires agissant au niveau des marges continentales ayant déjà été détaillés dans d’autres corrections (sédimentation en milieu océanique, variations du niveau marin), j’ai ici mis l’accent sur l’érosion des continents… mais les deux parties doivent être équilibrées dans votre oral ! J’ai aussi détaillé quelques processus de transfert particuliers notamment au niveau des environnements périglaciaires au cas où vous ayez des documents sur ces processus, mais il faut surtout mettre l’accent sur les courants de turbidité le jour de l’oral. Définition et généralités : Introduction : Les continents sont érodés par différents processus. Les processus d’érosion physique (désagrégation de la roche) font intervenir différents agents : les glaciers (moraines), les fleuves (abrasion et/ou incision du lit d’une rivière), la gravité (glissement de terrains le long des pentes), le vent (abrasion du sable au Sahara, des silts à l’origine des loess en domaine périglaciaire). A l’érosion physique (ou mécanique) s’ajoute l’érosion chimique issue de l’altération des continents (cf diagramme de Goldschmidt). La fraction de matière produite par les processus d’érosion mécanique est en général plus volumineuse que la fraction d’origine chimique. Les produits de l’érosion des continents sont transportés jusqu’aux océans, où se déversent les fleuves. La zone littorale, la plate-forme et la pente continentale constituent la zone de transition vers les plaines abyssales. Par matière, nous considérerons les particules transportées par les différents agents, les ions en solution, la matière organique, les sédiments stockés sur la plate-forme avant d’être transportés vers les abysses. Dans cette leçon, le terme « océan » est à prendre dans le sens de « plaine abyssale », là où la croûte est de nature océanique. Considérer que l’océan commence au niveau du littoral impliquerait de ne traiter que de l’érosion fluviatile ; et de laisser de côté tous les processus intervenant au niveau de la plate-forme et de la pente… qui constituent l’un des points importants de cette leçon ! Problématique : Comment les produits de l’altération continentale sont transférés vers la plaine abyssale à travers le monde, et à l’échelle des temps géologiques? L’objectif de la leçon consiste à mettre en évidence les modalités de l’érosion des continents, et des processus de transport jusqu’à la plaine abyssale, ainsi que les facteurs de contrôle des processus de transfert à l’échelle des temps géologiques. Une description physique sommaire des processus de transport est attendue. Les modalités de transfert de matière diffèrent selon la latitude considérée. Sous les tropiques par exemple, le régime de précipitation est gouverné par la mousson, dont la variabilité saisonnière conditionne à la fois le taux de dénudation, la stabilité des sols et leur capacité à s’effondrer sous la forme de glissements de terrains, le débit des fleuves (épisodes de crues)… En domaine périglaciaire, ce sont l’extension des glaciers et leur fonte saisonnière qui conditionnent le débit des fleuves et la quantité de sédiments apportée aux océans. Au niveau des marges continentales, le transfert ne se fait pas de la même façon en contexte de marge active et en contexte de marge

Transfert de matière des continents vers les océans · PDF fileLes rivières affichent une diversité morphologique en fonction de leur position au sein du bassin versant. En effet,

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Transfert de matière des continents vers les océans

Préparation à l’agrégation SV-STU; Université d’Orsay.

Leçon de spécialité géologie-Secteur C

Proposition de plan par :

Mathieu Rodriguez, Pr. Agrégé & Dr. Géologie marine

Adresse mail : [email protected]

Avertissement : les processus sédimentaires agissant au niveau des marges continentales ayant déjà été détaillés dans d’autres corrections (sédimentation en milieu océanique, variations du niveau marin), j’ai ici mis l’accent sur l’érosion des continents… mais les deux parties doivent être équilibrées dans votre oral ! J’ai aussi détaillé quelques processus de transfert particuliers notamment au niveau des environnements périglaciaires au cas où vous ayez des documents sur ces processus, mais il faut surtout mettre l’accent sur les courants de turbidité le jour de l’oral.

Définition et généralités :

Introduction :

Les continents sont érodés par différents processus. Les processus d’érosion physique (désagrégation de la roche) font intervenir différents agents : les glaciers (moraines), les fleuves (abrasion et/ou incision du lit d’une rivière), la gravité (glissement de terrains le long des pentes), le vent (abrasion du sable au Sahara, des silts à l’origine des loess en domaine périglaciaire). A l’érosion physique (ou mécanique) s’ajoute l’érosion chimique issue de l’altération des continents (cf diagramme de Goldschmidt). La fraction de matière produite par les processus d’érosion mécanique est en général plus volumineuse que la fraction d’origine chimique. Les produits de l’érosion des continents sont transportés jusqu’aux océans, où se déversent les fleuves. La zone littorale, la plate-forme et la pente continentale constituent la zone de transition vers les plaines abyssales. Par matière, nous considérerons les particules transportées par les différents agents, les ions en solution, la matière organique, les sédiments stockés sur la plate-forme avant d’être transportés vers les abysses.

Dans cette leçon, le terme « océan » est à prendre dans le sens de « plaine abyssale », là où la croûte est de nature océanique. Considérer que l’océan commence au niveau du littoral impliquerait de ne traiter que de l’érosion fluviatile ; et de laisser de côté tous les processus intervenant au niveau de la plate-forme et de la pente… qui constituent l’un des points importants de cette leçon !

Problématique : Comment les produits de l’altération continentale sont transférés vers la plaine abyssale à travers le monde, et à l’échelle des temps géologiques?

L’objectif de la leçon consiste à mettre en évidence les modalités de l’érosion des continents, et des processus de transport jusqu’à la plaine abyssale, ainsi que les facteurs de contrôle des processus de transfert à l’échelle des temps géologiques. Une description physique sommaire des processus de transport est attendue. Les modalités de transfert de matière diffèrent selon la latitude considérée. Sous les tropiques par exemple, le régime de précipitation est gouverné par la mousson, dont la variabilité saisonnière conditionne à la fois le taux de dénudation, la stabilité des sols et leur capacité à s’effondrer sous la forme de glissements de terrains, le débit des fleuves (épisodes de crues)… En domaine périglaciaire, ce sont l’extension des glaciers et leur fonte saisonnière qui conditionnent le débit des fleuves et la quantité de sédiments apportée aux océans. Au niveau des marges continentales, le transfert ne se fait pas de la même façon en contexte de marge active et en contexte de marge

passive. Les différents contextes dans lesquels s’effectuent les processus de transfert de matière doivent donc être illustrés dans toute leur diversité au cours de la leçon.

Annonce du plan :

Dans un première partie, nous verrons comment les sédiments sont érodés, principalement au niveau des chaînes de montagne, et transportés jusqu’au littoral. Les processus physiques gouvernant l’érosion au niveau des rivières ainsi que les modalités du transport, et les facteurs de contrôle, seront détaillés.

Dans une seconde partie, nous verrons comment les sédiments sont stockés ou transportés dans le domaine de plate-forme, et nous illustrerons le rôle fondamental des processus de pente dans le transfert de matière vers les abysses. Là encore, la physique des processus de pente (glissement de terrain, courants de turbidité) doit être abordée.

Dans une troisième et dernière partie, nous identifierons les facteurs qui gouvernent les transferts de matière des continents vers les océans à l’échelle des temps géologiques. Nous mettrons en évidence comment le flux de matière est contrôlé par la variabilité de ces facteurs ainsi que par leurs interactions complexes.

Carte des taux de dénudation. La dénudation est définie par le rapport entre le flux de sédiments sortant d’un bassin versant, et l’aire drainée de ce bassin versant. Les plus forts taux de dénudation sont situés dans la bande inter-tropicale, où les précipitations et les températures sont les plus importantes.

1) Du continent au littoral : érosion des sols et transport fluviatile

a. La notion de Bassin Versant (BV) et diversité des processus érosifs.

Le Bassin Versant est l’unité géomorphologique de base (voir légende de la figure pour le vocabulaire descriptif), à partir de laquelle sont définis les flux sédimentaires, mesurés à l’exutoire. C’est à l’échelle du BV que sont estimés les taux de dénudation D :

Avec Qs flux sédimentaire ; A aire drainée ; h l’altitude

Cette équation montre que la dénudation dépend de la superficie du BV. Tout phénomène faisant varier la superficie du BV influe donc sur le flux sédimentaire délivré aux océans.

Photographie d’un Bassin Versant (BV). La ligne rouge correspond à la ligne de partage des eaux. Les lignes bleues correspondent aux drains du BV, formés par la confluence des eaux de ruissellement. Au niveau des crêtes, les processus de pente dominent. Les drains convergent vers la sortie du BV, l’exutoire. La surface délimitée par la ligne de partage correspond à l’aire drainée maximale du BV. Un BV peut être composé de plusieurs BV élémentaires. La loi empirique d’Anhert relie les taux de dénudation à l’altitude moyenne du relief selon une loi puissance. Selon cette loi, la décroissance des reliefs par érosion est exponentielle, bien que la compensation isostatique du matériel érodé préserve le relief sur plusieurs millions d’années. La loi d’Anhert diffère selon l’âge des terrains érodés, la dénudation des chaînes de montagne cénozoïque étant plus efficace que celle des chaînes paléozoïque. D’autres études empiriques montrent que le taux de dénudation est également fonction des précipitations, mais pas des températures. Comme montré sur la carte des taux de dénudation, les flux sédimentaires vers l’océan seront donc plus importants dans les zones dominées par de fortes précipitations.

La loi d’Anhert : relation empirique entre l’altitude moyenne d’un relief et son taux de dénudation.

Relations empiriques entre température, précipitation, et dénudation. Les processus d’érosion et de transport dépendent de l’agent impliqué. A l’échelle du BV, il existe une certaine zonation de l’action des agents : les glaciers agissent dans les parties les plus internes d’une chaîne de montagne, les glissements sont confinés aux zones de pente… Au niveau des pôles et des montagnes, la fonte des glaciers alimente des crues saisonnières, et augmente la taille du BV : les fleuves transportent donc plus de sédiments au moment des fontes. Les rivières affichent une diversité morphologique en fonction de leur position au sein du bassin versant. En effet, la vitesse d’un écoulement varie en fonction de la pente. Lorsque la pente est forte, le courant est suffisamment fort pour transporter des particules, et même pour éroder le lit de la rivière. C’est pourquoi en montagne les torrents ont un lit rocheux, composés d’éléments grossiers, suffisamment lourds pour ne pas être transportés par le courant. Dans les plaines, la compétence du courant diminue et des alluvions se déposent sur le lit. Des transitions entre rivières en tresses, à méandres, et anastomosées/delta sont observées avec la diminution de la pente.

Morphologie des rivières suivant la pente sur laquelle se fait l’écoulement.

Drainage des eaux de fonte au front du Child’s Glacier, en Alaska. La fonte des glaciers influence le débit des fleuves, mais aussi la superficie du Bassin Versant.

b. La notion de niveau de base

Selon la topographie, il y a donc des zones où les rivières érodent et d’autres où elles déposent. Cette observation permet de définir la notion de niveau de base, qui est tout simplement la surface abstraite sur laquelle il n’y a ni érosion ni dépôt ! Lorsque la topographie est au dessus du niveau de base, il y érosion. Il y a dépôt lorsque la topographie est en dessous du niveau de base. En milieu marin ou proche de la mer, c’est principalement l’eustatisme et la subsidence qui font varier le niveau de base. Plus loin à l’intérieur des terres, ce sont les processus tectoniques (création de reliefs) et climatiques qui influencent les oscillations de ce niveau. Toute variation du niveau de base, quelque soit son origine, influence donc le flux sédimentaire vers les océans (positivement ou négativement).

La notion de niveau de base

c. Les mécanismes de l’érosion et du transport

Il existe deux lois d’érosion principales pour les fleuves. L’érosion fluviatile

-La loi d’érosion limitée par l’érodabilité du substrat : s’applique aux rivières à lit rocheux, dans les zones de forte pente.

Avec ɛ incision ; k coefficient d’érodabilité ; Q flux sédimentaire ; S la pente ; m & n sont des paramètres déterminés empiriquement. -La loi d’érosion limitée par la capacité de transport de la rivière : s’applique aux rivières alluviales, dans les régions de faible pente. Le courant augmente l’incision de la rivière seulement si sa capacité de transport est supérieure à la charge sédimentaire qu’il transporte.

Avec Qc capacité de transport, A aire drainée, S pente.

Pour les deux lois, tout facteur faisant varier k (précipitations notamment) influe sur la quantité de sédiments érodés et potentiellement délivrée aux océans.

Le transport fluviatile

Les fleuves transportent les particules érodées selon différents modes de transport, qui diffèrent selon que l’on considère la matière en suspension dans l’eau et la matière charriée sur le fond du lit. Le mode de transport est fonction de la taille des éléments (argile, sable, gravier, galets, blocs), et de leur cohésion.

Les modes de transport des éléments au sein d’une rivière

La mise en mouvement d’un élément se fait au-delà d’un seuil de vitesse de frottement critique (exercée par le fluide sur l’élément), déterminant un seuil de cisaillement critique τ* , défini par le nombre de Shields (pour les sédiments non cohésifs).

Où ρ densité du fluide, ρs densité du sédiment, et D diamètre de l’élément.

Pour les sédiments cohésifs (argiles), le seul mode de transport est la mise en suspension. Processus de mise en suspension complexe, hors programme.

Le transport de la charge sur le fond de la rivière s’exprime par la loi de Bagnolds :

Avec qs flux sédimentaire, τ 0 cisaillement exercé par le cours d’eau, τc cisaillement critique pour la mise en mouvement, u vitesse par unité de largeur, ρ densité eau, ρs densité sédiment, β fraction du volume sédimentaire déplacé par charriage.

Le mode de transport se définit par le nombre de Rouse

Avec Vsed vitesse de sédimentation (loi de stockes valable pour écoulement visqueux, i.e. nombre de Reynolds <1 et taille de particule inférieure à 1 mm; loi d’impact pour éléments plus grossiers ; pas de loi pour écoulements inertiels) ; u* vitesse critique de mise en mouvement des éléments sédimentaires)

Signification du nombre de Rouse :

Charge de fond Ro > 2.5

50 % de suspension 1.2 < Ro < 2.5

100 % de suspension 0.8 < Ro <1.2

Suspensions intrinsèques Ro < 0.8

Loi de Stockes (Vitesse de sédimentation) :

Vs= 2/9.g. (ρ s – ρ f /η).r²

Avec : g , accélération de la pesanteur ; ρ f, densité du fluide ; ρ s, densité de la particule sédimentaire ; η, viscosité dynamique du fluide ; et r, rayon de la particule. Attention : loi valable uniquement pour les particules dont r<1mm (voir détails in Dercourt et al.)

La nature de l’écoulement de la rivière influence le mode de transport. Un écoulement se caractérise par le nombre de Reynolds.

Avec U vitesse de l’écoulement, L ~largeur de la rivière, μ viscosité dynamique

Le régime d’un écoulement se caractérise par le nombre de Froude. Il traduit l’importance des forces de gravité dans le régime de l’écoulement.

Avec U vitesse de l’écoulement ; h hauteur de la tranche d’eau

Signification du nombre de Froude :

Fr = 1 : Écoulement « critique » (l’écoulement s’écoule avec le minimum d’énergie nécessaire au débit Q)

Fr > 1 : Écoulement « sur-critique » ou torrentiel (faible hauteur d’eau, grande vitesse)

Fr < 1 : Écoulement « sous-critique » ou fluvial (grande hauteur d’eau, faible vitesse)

Diagramme de Hjulström

Les relations entre la vitesse d’un courant et le transport, l’érosion, ou la sédimentation des particules sédimentaires en fonction de leur granularité ont été déterminées expérimentalement par Hjulström. Le dispositif consiste à placer des particules de taille fixe dans un conduit traversé par un fluide dont on fait varier la vitesse d’écoulement ; ou alors de placer des particules de taille variable dans un fluide dont la vitesse est déterminée. On détermine ainsi pour quelle vitesse un grain d’une taille donnée est soit érodé, soit transporté, soit déposé. D’autre part, ces expériences déterminent aussi la taille des grains transportés pour une vitesse découlement donné. Cas particulier des particules très fines (argiles), disposant d’interactions très fortes entre elles : bien que fines, ces particules s’assemblent en agrégats dont la taille est assez grossières…et ne sont donc pas facilement transportables.

L’érosion et le transport par les processus de pente

Sous l’action de la gravité, les pentes se déstabilisent, et évoluent en chute de pierres, glissements de terrain, ou coulées de débris (selon la saturation en eau du sol), qui nourrissent les rivières en éléments détritiques. La stabilité d’une zone se caractérise par son facteur de sécurité (FOS, pour Factor Of Safety), qui est le rapport des forces de résistance du sédiment sur les forces motrices

FOS= c’+ γ’. z. cos2 α. tan φ/ γ’. z. sin α. cos α

Avec c’= cohésion ; γ’ = d en sité sèche ; z= épaisseur des glissements; α= pente ; φ=coefficient de frottement interne.

Lorsque ce rapport est inférieur à 1, la zone est considérée instable et peut être déstabilisée à tout moment. La stabilité des couches sédimentaires est gouvernée par les variations de pression effective. De façon générale, tout processus susceptible d'induire un excès de pression interstitielle est capable de réduire la résistance du sédiment au niveau d'un plan de cisaillement, d'initier la rupture et de générer un glissement de terrain. A terre, la stabilité des sols dépend du couvert végétal, de la valeur de la pente, des précipitations, des séismes.

Photographie de glissements de terrain se déversant dans une rivière, augmentant ainsi la charge de particules transportées par le cours d’eau.

L’érosion et le transport par le vent

2) Transfert de matière entre continent et océan au niveau des marges continentales

a. Littoral et marges continentales : morphologie.

Le littoral se caractérise par différentes morphologies à l’embouchure des fleuves (deltas, estuaires) qui correspondent à des régimes de transports de matière différents. La plate-forme est balayée par des courants formant la dérive littorale, qui conditionnent la distribution des sédiments sur la plate forme. La plate forme peut être une zone de stockage de matériel sédimentaire, qui n’est donc pas transmis aux océans. L’extension de la plate forme continentale sur une marge a donc un rôle important dans le transfert de matière. Au niveau des pentes sont observés les canyons turbiditiques, formations sédimentaires majeures dans le transfert des sédiments vers les abysses. Détailler l’architecture d’un système turbiditique de votre choix dans cette partie (voir corrections de leçons sur « la sédimentation océanique »). Les glissements de terrains sous-marins jouent un rôle important dans le transfert, et peuvent mobiliser plusieurs milliers de km3. Les séismes et les tempêtes favorisent le déclenchement des glissements de terrain. Les cyclones peuvent déplacer des blocs volumineux. Dans les zones de marges actives ou salifères, les structures tectoniques perturbent la course des canyons et des glissements. Les sédiments peuvent être piégés dans les bassins piggy-back.

Images satellites du delta de l’Amazone et de l’Estuaire de la Gironde, notez la turbidité des eaux riches en sédiments se déversant dans la mer.

Bathymétrie multifaisceaux (vue 3D) du glissement de Storrega en Norvège, ayant mobilisé plus de 2000 km3 de sédiments.

Vue 3D de la bathymétrie multi-faisceaux du canyon de Capbreton (regard vers l’Est). Voir correction « la sédimentation en domaine océanique » pour commentaire détaillé.

Vue 3D du prisme d’accrétion du Makran, entaillé par des canyons turbiditiques. Une partie des

sédiments est piégée dans les bassins piggy-back.

Cas particulier des milieux périglaciaires :

La partie engloutie des glaciers au niveau des pôles charrie des sédiments en raclant le fond océanique, à la manière des moraines dans les montagnes. Les débâcles glaciaires libèrent des icebergs, dont la base est riche en éléments détritiques, résultant du rabotage du substratum lors de la progression du glacier. Les icebergs se déplacent sous l’action des courants de surface, et fondent autour de la latitude 50-60°N, libérant alors les éléments détritiques qu’ils transportaient. Ces dépôts sont appelés les Ice Rafted Detritus (IRD).

Particules détritiques de taille pluri-centimétrique incorporées à la base d’un glacier (attention, ce ne sont pas encore des IRD…)

b. Les processus de transport de matière du littoral aux abysses

L’analyse morphologique des marges suggère la dominance des processus de pente sur le transport en milieu sous marin. Voir leçon sur la sédimentation océanique pour les détails. Le rôle des crues, dans la formation de courants de turbidité particuliers (les hyperpycnites) est détaillé.

La nature, l’épaisseur, et la localisation des dépôts issus de courants de gravité particulaires sont principalement contrôlés par la manière dont les écoulements se transforment d’un état concentré à dilué, laminaire à turbulent, super-critique à sub-critique La séquence de transformation « idéale » d’un écoulement est composée d’une base hyperconcentrée à concentrée (écoulement laminaire), éventuellement surmontée d’une partie supérieure, plus diluée et turbulente. L’incorporation progressive d’eau ambiante dans l’écoulement tend à le diluer. La partie basale (concentrée) va se déposer assez rapidement tandis que la composante « turbulente » de l’écoulement va se développer et être transportée plus loin dans le bassin. Rappelons toutefois que la concentration et « l’état » initial de l’écoulement dépendent du mécanisme de déclenchement des écoulements (glissement sous marin, courant hyperpycnal, ruptures de fronts de deltas et de prodeltas, remise en suspension de sédiments par des tempêtes, etc… ) et de la nature du sédiment transporté/remanié. Attention, il s’agit d’un continuum idéal : toute coulée de débris n’évolue pas forcément en écoulement laminaire, qui lui même n’évolue pas forcément en écoulement turbulent.

Les différents types d’écoulements gravitaires, et schéma des séquences de dépôt associées. La densité des écoulements (fonction de la concentration en fluide) diminue vers le bas du tableau. Les courants de turbidité sont des écoulements turbulents, à haut Reynolds.

Schéma d’évolution « idéale » d’une coulée de débris en écoulement turbulent.

Les courants de turbidité formés par les crues : les hyperpycnites.

Les courants hyperpycnaux en milieu marin représentent un courant turbulent formé par le prolongement continu en mer d’un courant fluvial. Ces courants de turbidité se forment aux embouchures des fleuves lors des crues, lorsque la charge sédimentaire en suspension transportée par l’eau douce est suffisamment élevée pour générer une densité supérieure à celle de l’eau de mer. Le mélange eau douce/sédiments peut alors « plonger » et s’écouler sur le fond, sous la forme d’un écoulement turbulent, dit « hyperpycnal ». La formation d’un courant hyperpycnal au débouché d’un fleuve nécessite donc une concentration critique en sédiments, qui dépend des caractéristiques hydrographiques (salinité, température) à l’embouchure. Cette concentration critique (Cc)est estimée entre 36 et 43 kg.m-3. Dans des conditions de débit « normales », la charge en suspension dans les rivières est assez faible, et seules les rivières dites « sales » (i.e. avec une charge en suspension très élevée la majeure partie de l’année) sont capables de produire des courants hyperpycnaux de façon. La plupart de ces rivières sont des petits systèmes caractérisés par des bassins versants restreints et montagneux. En outre, les rivières sporadiques, localisées dans les environnements arides, et soumises aux crues instantanées (flash floods) sont d’excellents systèmes générateurs de courants hyperpycnaux. Ces systèmes vont apporter des concentrations importantes de sédiments à la côte lors des crues violentes, comme le montrent les exemples actuels des oueds d’Afrique du nord et des rivières éphémères (arroyos) de Californie et du Mexique.

Les dépôts associés aux courants hyperpycnaux peuvent être considérées comme des turbidites (i.e. déposées par un écoulement turbulent »), mais les séquences sédimentaires qu’ils produisent présentent des différences par rapport aux turbidites « classiques ». le profil de

vitesse théorique du courant hyperpycnal évoluant dans le temps en suivant l’hydrogramme de crue, la séquence « hyperpycnite » idéale est composée d’un terme basal granocroissant (granoclassement inverse), lié àla monté en charge de la crue, surmonté d’un terme supérieur granodécroissant (granoclassement normal). La transition entre les deux termes est classiquement associée à la granularité maximale, caractérisant le pic de crue L’énergie atteinte peut alors générer une surface d’érosion intra-séquence, ce qui est un cas très particulier !

La formation des courants hyperpycnaux. Les particules sédimentaires sont concentrées au niveau des zones de contrastes de T°C et de densité de la tranche d’eau (stratification). Les épisodes de reconcentration successifs, à chaque strate de la colonne d’eau, produisent des écoulements assimilables à des courants de turbidité au fond des océans.

La séquence des hyperpycnites, des turbidites particulières formées lors des épisodes de crues.

Cas particulier en domaine périglaciaire :

En domaine périglaciaire, les écoulements sédimentaires, peu denses, remontent vers la surface, produisant des plumes turbides au front des glaciers.

3) Facteurs de contrôle du transfert de matière des continents vers les océans.

a. Mesure des flux sédimentaires/ quantification des transferts océan-continent

La reconstruction des flux et bilans sédimentaires repose sur la détermination de la surface et de l’épaisseur d’unités sédimentaires et sur la connaissance de la masse volumique du sédiment qui les constituent, déterminées à partir des profils sismiques/sondeurs de sédiments et carottages, respectivement. Les taux de sédimentation caractérisent l’épaisseur d’un dépôt sédimentaire par unité de temps (cm ka-1). Cependant, du fait de la compaction croissante (diminution de la porosité / augmentation de la densité) du sédiment au cours de son enfouissement, il faut intégrer la densité des sédiments étudiés dans l’évaluation des apports sédimentaires. Les flux, qui rendent compte du poids de sédiment (ou du nombre de particules sédimentaires) qui se dépose par unité de surface et par unité de temps (g cm-2 ka-1), permettent ainsi de comparer qualitativement les apports sédimentaires, quelque soit la compaction des sédiments étudiés. Il ne faut estimer que la fraction terrigène dans l’étude des flux continent-océan, c'est-à-dire à la fraction sédimentaire issue de l’érosion continentale et transporté à la mer par les fleuves ou encore par le vent ou les icebergs, en opposition à la fraction biogène, d’origine carbonatée

Le flux terrigène (MAR) s’exprime finalement comme suit: MAR = LSR * Dsèche* (1 – taux de carbonate), en g cm-2 ka-1 avec : -LSR = taux de sédimentation, en cm ka-1 -Dsèche, en g cm-3 -Taux de carbonate moyen sur l’intervalle considéré, en % Le flux terrigène est déterminé entre les points de contrôle d’âge de chacune des carottes (datations radiocarbones).

b. Les facteurs agissant au niveau du Bassin Versant Quelques éléments de discussion, selon les documents qui vous seront fournis :

-Les changements climatiques : variation des précipitations. Augmentation des précipitations affaiblit la stabilité des sols…et favorise donc le déclenchement de glissements de terrain.

-Le couvert végétal : selon le climat les espèces changent…une prairie ne fixe pas le sol de la même façon qu’une forêt ; l’érodabilité des sols change. Par exemple, la transition écologique à la fin du Miocène marquée par la dominance des plantes en C4 p/r aux plantes en C3 a entraîné une diminution du flux sédimentaire vers les systèmes turbiditiques de l’Indus et du Bengale. -L’extension des glaciers et la superficie du bassin versant : variation de l’aire drainée, et donc des apports sédimentaires aux océans. Variations du flux selon périodes glaciaires/interglaciaires. Crues beaucoup plus importantes en période glaciaire. Illustré par l’exemple du fleuve Manche et des flux sédimentaires au niveau de la marge armoricaine. -Surrection des reliefs : quel effet réel sur les flux sédimentaires ? Les plus grandes accumulations sédimentaires océaniques (STP Indus & Bengale, Amazone…) sont situés au débouché des plus grands fleuves, alimentés par les reliefs les plus importants. Voir leçon sur « facteurs de contrôle de la sédimentation » pour discussion). La sismicité favorise les glissements de terrain, et donc augmente la charge sédimentaire dans les fleuves.

c. Les facteurs agissant au niveau de la marge continentale -Les variations du niveau marin relatif, en lien avec les changements climatiques et tectoniques. En général : en période de haut niveau marin, les sédiments sont stockés sur la

plate forme, et en période de bas niveau marin, l’activité des systèmes turbiditiques est accrue, favorisant le transfert de matière…mais pas toujours ! Importance des interactions entre les facteurs de contrôle (ex. du Var, de la Manche). Relations entre niveau marin et glissement de terrain très discutées. Périodes de bas niveau marin semblent favoriser l’occurrence de volumineux glissement, de plusieurs centaines de km3. Voir correction de leçons sur les thèmes de la stratigraphie séquentielle. -La sismicité et les taux de sédimentation. Paradoxalement, les marges les plus sismiques produisent des glissements assez peu volumineux par rapport aux marges passives. Ceci est lié au fait que plus les séismes sont fréquents, plus les glissements sont fréquents. Le stock de sédiments disponible n’a pas le temps de se renouveler, favorisant des glissements de faible volume. Les glissements de marge continentale les plus volumineux ont lieu à l’embouchure de grands fleuves ou sur les anciennes marges glaciaires. -Tectonique : réactivation d’une marge, inversion d’une marge. Cas des olistostromes de près de 40 000 km3 sur les prismes d’accrétion du Makran, du Golfe de Cadiz…

Conclusion :

Dessiner au tableau un grand schéma bilan montrant un continent avec une chaîne de montagne, la variation de la morphologie des fleuves selon la topo, puis une marge et une plaine abyssale, avec leur morphologie caractéristique (canyon, glissements…). Indiquer les processus dominant dans chaque domaine, et les facteurs de contrôles principaux (interactions sous la forme de flèches ?) Quelques références en vrac : Océanologie, Biju-Duval et Savoye Stratigraphie Séquentielle, de G. Merzeraud Risques Naturels, de Schneider et Lefèvre Ouvrages généralistes (Pomerol, Caron, Dercourt …) Hors liste : Thèses de S. Toucanne, J. Bourget