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Transhumanisme Introduction Pourquoi ce sujet ? Financiers Progrès technologiques fulgurants Questionne l’identité de l’homme Le gouvernement japonais vient d’autoriser le développement d’embryons hybrides humains-animaux au-delà de 14 jours et surtout leur implantation dans des utérus de substitution, ce qui leur permettra de mûrir et peut-être de naître. Définition « Ce que je pense, c'est que, dans le futur, la technologie ne servira plus seulement à transformer le monde extérieur, mais qu'elle offrira des possibilités de transformer la nature humaine en étendant nos capacités humaines. » « Un jour nous aurons l’option d’étendre nos capacités intellectuelles, physiques, émotionnelles et spirituelles très au-delà des niveaux qui sont possibles aujourd’hui. Ce sera la fin de l’enfance de l’humanité et le début d’une ère posthumaine. » Nick Bostrom « Nous allons au-delà de beaucoup d’humanistes en ce que nous proposons des modifications fondamentales de la nature humaine en vue [...] de son amélioration. » James Hughes « L’humanité ne doit pas stagner. [...] L’humanité est une étape provisoire sur le sentier de l’évolution. Nous ne sommes pas le zénith du développement de la nature. » Max More « Les transhumanistes étendent l’humanisme en mettant en question les limites humaines par les moyens de la science et de la technologie combinée avec la pensée critique et créative. Nous mettons en question le caractère inévitable du vieillissement et de la mort, nous cherchons à améliorer progressivement nos capacités intellectuelles et physiques et à nous développer émotionnellement. […] Nous n’acceptons pas les aspects indésirables de la condition humaine. […] Nous défendons l’utilisation de la technologie et de la science pour éradiquer les contraintes pesant sur la durée de vie, l’intelligence, la vitalité personnelle et la liberté. » Max More «Dans le posthumain, il n’y a pas de différences essentielles ou de démarcations absolues entre l’existence corporelle et la simulation informatique, la machine cybernétique et

Transhumanisme - Paroisse du Mont-sur-Lausanne · Critiques du transhumanisme Résister à la tentation de mépriser le transhumanisme. Il questionne des problématiques bien réelles

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Transhumanisme

Introduction

Pourquoi ce sujet ?

Financiers

Progrès technologiques fulgurants

Questionne l’identité de l’homme

Le gouvernement japonais vient d’autoriser le développement d’embryons hybrides

humains-animaux au-delà de 14 jours et surtout leur implantation dans des utérus de

substitution, ce qui leur permettra de mûrir et peut-être de naître.

Définition

« Ce que je pense, c'est que, dans le futur, la technologie ne servira plus seulement à

transformer le monde extérieur, mais qu'elle offrira des possibilités de transformer la

nature humaine en étendant nos capacités humaines. »

« Un jour nous aurons l’option d’étendre nos capacités intellectuelles, physiques,

émotionnelles et spirituelles très au-delà des niveaux qui sont possibles aujourd’hui. Ce sera

la fin de l’enfance de l’humanité et le début d’une ère posthumaine. »

Nick Bostrom

« Nous allons au-delà de beaucoup d’humanistes en ce que nous proposons des

modifications fondamentales de la nature humaine en vue [...] de son amélioration. »

James Hughes

« L’humanité ne doit pas stagner. [...] L’humanité est une étape provisoire sur le sentier de

l’évolution. Nous ne sommes pas le zénith du développement de la nature. »

Max More

« Les transhumanistes étendent l’humanisme en mettant en question les limites humaines

par les moyens de la science et de la technologie combinée avec la pensée critique et

créative. Nous mettons en question le caractère inévitable du vieillissement et de la mort,

nous cherchons à améliorer progressivement nos capacités intellectuelles et physiques et à

nous développer émotionnellement. […] Nous n’acceptons pas les aspects indésirables de

la condition humaine. […] Nous défendons l’utilisation de la technologie et de la science

pour éradiquer les contraintes pesant sur la durée de vie, l’intelligence, la vitalité

personnelle et la liberté. » Max More

«Dans le posthumain, il n’y a pas de différences essentielles ou de démarcations absolues

entre l’existence corporelle et la simulation informatique, la machine cybernétique et

l’organisme biologique, la finalité du robot et les aspirations humaines »

Katherine Hayles

« A. Robitaille : Je vous ai posé cette question plus tôt aujourd’hui et j’aimerais y avoir une

réponse plus étoffée : qu’est-ce que meilleur signifie dans les expressions que votre

organisation utilise, comme meilleurs humains, meilleure vie ?

N. Bostrom :

« Cela signifie que les gens ont la chance de vivre la vie qu’ils désirent, à laquelle ils aspirent.

Nous ne sommes plus contraints d’accepter ce que la nature nous a donné, nous ne sommes

plus obligés d’accepter de mourir après quelques décennies sur terre ou d’être vaincus par le

cancer avant cela. Cela signifie aussi que nous ne sommes plus limités dans nos capacités

mentales, nous ne sommes plus troublés par des changements d’humeurs. Bref, « meilleur »

signifie avoir plus de contrôle sur notre propre vie, en être totalement maître et pouvoir

développer le type d’idéal que nous souhaitons. Évidemment, ces idéaux, dans un monde

posthumaniste, varieraient d’individu en individu. Les transhumanistes veulent que chacun

puisse faire ses choix pour lui-même. En ce sens, donc, le sens de l’adjectif « meilleur »

différera de l’un à l’autre

« Nous refusons de croire que nous sommes ce qu’il y a de mieux, que nous sommes une

sorte d’aboutissement, une création indépassable. »

« Peut-être le rehaussement [enhancement] germinal conduira à plus d’amour et

d’attachement parentaux. Peut-être certains pères et mères trouveront plus facile d’aimer un

enfant qui, grâce aux améliorations [génétiques], sera brillant, beau et en bonne santé. »

« En 2045, la terre se transformera en un gigantesque ordinateur»

Ray Kurzweil

Promesses du transhumanisme

Shenzhen : fabrication d’un porc phosphorescent retrouver plus facilement ses rillettes

dans le frigo ?

Des machines qui diagnostiquent un cancer avant les oncologues.

Membres bioniques commandés par des puces dans le cerveau.

Membres artificiels, puces électroniques, caméra HD à la place de nos globes oculaires

nous permettant de voir la nuit comme en plein jour.

Impression 3D pour réparer le corps en « imprimant » les pièces défectueuses.

Nano-robots, nano-puces, nano-médicaments.

Boussole intérieure sous forme de puce électronique (Cyborg Nest) / Sonar intégré

Recul du vieillissement (nano-robots qui nettoient les artères plus d’AVC ni d’infarctus,

nanotechnologies pour combattre le cancer espérance de vie de 180 ans voire de 1000

ans)

Choix de son enfant sur catalogue, fabriqué en laboratoire dans un utérus artificiel.

Immortalité (biologique ou digitale)

Connexions cerveaux à cerveaux

Changement d’espèce cyborg, post-humains au regard desquels les hommes que nous

sommes seront une sous-espèce. Nous somme les futurs chimpanzés.

Fusion ou hybridation homme-machine la Singularité (2045)

Plan de mon exposé

Disons-le tout de suite : le but de ma conférence n’est ni de dire quelles réalisations seront

possibles et lesquelles ne le seront pas – j’en serais bien incapable ;

Je n’ai pas la prétention non plus ce soir d’apporter des réponses à toutes les questions

éthiques que pose le transhumanisme. D’abord, je n’en n’ai pas les capacités. Ensuite on

pourrait discuter 3 heures sur chaque avancée disruptive.

Et chaque promesse véhicule ses propres problèmes. Qu’y a-t-il de commun en effet entre

d’un côté la production d’enfants en laboratoire grâce à un utérus artificiel, et d’un autre

côté la connexion permanente de son cerveau avec Wikipédia ? Quel rapport entre des

jambes bioniques permettant de courir à 100 km/h et l’absorption d’hormones pour

aimer à nouveau son conjoint et éviter ainsi un divorce ?

1. Généalogie du transhumanisme

2. Critique du transhumanisme d’un point de vue chrétien

3. Critique du transhumanisme d’un point de vue social et économique

4. Réflexions philosophiques sur l’influence des nouvelles technologies sur notre vie.

Historique

« Vous serez comme des Dieux » Genèse 3

Jean Pic de la Mirandole, philosophe et théologien italien (1463 – 1494)

«Si nous [Dieu] ne t'avons fait ni céleste ni terrestre, ni mortel ni immortel, c'est afin que, doté

pour ainsi dire du pouvoir arbitral et honorifique de te modeler et de te façonner toi-même,

tu te donnes la forme qui aurait eu ta préférence. Tu pourras dégénérer en formes inférieures,

qui sont bestiales ; tu pourras, par décision de ton esprit, te régénérer en formes supérieures,

qui sont divines.»

Francis Bacon, philosophe et scientifique anglais (1561 – 1626)

« Prolonger la vie ; Rendre, à quelque degré, la jeunesse ; Retarder le vieillissement ; Guérir

des maladies réputées incurables ; Amoindrir la douleur ; […] Augmenter la force et l’activité

; […] Transformer la stature ; Transformer les traits ; Augmenter et élever le cérébral ;

Métamorphose d’un corps dans un autre ; Fabriquer de nouvelles espèces ; Transplanter une

espèce dans une autre »

René Descartes (1596 – 1650) : « comme maîtres et possesseurs de la nature »

cartésien

Julian Huxley (1887 – 1975) utilise le terme de transhumain l’eugénisme

Ce fantasme de l’homme voulant être son propre dieu ne date pas d’aujourd’hui mais est

présent dès les origines. Ce qui a changé, c’est que la technologie semble pouvoir permettre

certaines réalisations impensables il y a encore quelques siècles.

Il me faut revenir un peu sur l’idéologie progressiste de la Modernité.

De tout temps les hommes ont souhaité et encouragé les progrès de tous ordres. Personne

n’est évidemment contre les différents progrès.

Le progressisme, c’est autre chose. C’est une idéologie qui pense que l’histoire est un

mouvement de progrès permanent. C’est cette idée que je nomme sous le terme de

progressisme.

Deux grands récits ont accompagné la Modernité. Le premier, d’obédience plutôt française,

voyait dans la science et la technique l’occasion de l’émancipation politique et sociale de

l’humanité.

Le second, d’obédience plutôt allemande, et qui d’ailleurs a accompagné l’essor de l’université

allemande fut un récit spéculatif. Il voyait dans le progrès des sciences l’accomplissement de

l’esprit universel.

La science se présentait comme ce qui allait émanciper l’homme des fadaises religieuses et

métaphysiques. La science allait apporter la paix et le bonheur sur Terre.

Cette vision scientiste est bien synthétisée par Ernest Renan qui déclare en 1880 :

« La barbarie est vaincue sans retour parce que tout aspire à devenir scientifique. »

A mettre en face de cette phrase de Nietzsche :

« Une ère de barbarie commence et les sciences seront à son service. »

Le XXe siècle a donné raison à Nietzsche contre Renan.

Cette idéologie du Progrès n’est pas vraiment un optimisme. C’est d’abord une manière de ne pas aimer l’ici et le maintenant.

Nietzsche parle à ce sujet du ressentiment de l’homme face à la vie présente ; ressentiment qui lui fait aspirer à une autre vie

plus tard.

Or ces deux grands récits sont aujourd’hui morts. Plus personne ne croit au Progrès humain

grâce à la science. Je ne parle pas de divers progrès technologiques dans tel ou tel domaine

mais plus personne ne croit que la Science apportera le Progrès pour l’humanité. Qu’elle

apportera le paradis sur Terre. Le XXe siècle avec ses deux guerres mondiales, sa bombe

atomique, ses problèmes écologiques est passé par là.

Il n’y a d’ailleurs aujourd’hui plus d’idéologie globale ou sociale. Le communisme et toutes les

grandes utopies politiques sont morts et enterrés. Ne reste alors que les promesses d’une

amélioration de l’individu et de lui seul. Le transhumanisme est une idéologie de

remplacement. Mais c’est une idéologie profondément individualiste au contraire de celles du

XXe siècle qui étaient encore collectivistes et politiques.

Critiques du transhumanisme

Résister à la tentation de mépriser le transhumanisme.

Il questionne des problématiques bien réelles (souffrance, limites, vieillissement,

mort).

Eviter le manichéisme technophile / technophobe. Il faut prendre du recul sur les

nouvelles technologies pour en apprécier les vertus mais aussi en relever les dangers.

Critiquer la mentalité technocratique, ce n’est pas critiquer la technologie.

Critiques du transhumanisme d’un point de vue

- scientifique (faisabilité, etc. Très osé de s’aventurer sur ce terrain)

- médical (distinguer réparation et augmentation on ne se tourne plus vers

un médecin mais vers un ingénieur !)

Différence entre réparation et augmentation. Entre un médecin et un

ingénieur. Vous allez voir votre médecin quand vous êtes malades. L’homme

augmenté n’ira plus voir son médecin, il ira voir son ingénieur et tout le

temps.

- chrétien

- économique

- social

- philosophique

- juridique (le droit des robots, des cyborgs, accident d’une Google car)

- politique, géopolitique (la Chine le fera si nous l’interdisons)

- éthique (programmation du logiciel d’une Google car)

Vision chrétienne : réflexions

Le transhumanisme, comme toute idéologie, est alléchante aux premiers abords. Qui peut

sérieusement être contre le recul du vieillissement ? Qui peut être contre l’augmentation

des capacités humaines. Qui peut être contre l’idée de faire un homme nouveau ?

Mais la question est : qui a le pouvoir de créer un homme nouveau ? L’homme a-t-il la

capacité de se recréer à neuf ? Le marxisme comme le nazisme ont eu la prétention de

faire un homme nouveau. Nous savons ce que cela a donné. Le transhumanisme a aussi

cette prétention. Comme le christianisme pourrait-on croire. Mais il y a une différence de

taille. Dans les utopies citées, il y a erreur sur le diagnostic et erreur sur le traitement.

Sur le diagnostic d’abord : le problème de l’homme n’est pas un manque de capacité

physique ou mentale. Ce n’est pas non plus la propriété privée. Ce n’est pas non plus une

race dégénérée. Le problème de l’homme s’appelle le péché. Il se situe dans le cœur de

l’homme. C’est le mal qui fait séparation entre Dieu et l’homme. Nous vivons dans un

ordre déchu à cause la Chute. Et seule une solution à CE problème - la révolte de l’homme

contre Dieu - résoudra les problèmes que sont la mort, la souffrance et le vieillissement.

La maladie, la souffrance et la mort sont de vraies questions, de vrais problèmes. La mort

de l’homme est même un scandale. Le Bible le reconnaît et affirme qu’elle sera vaincue.

Mais ces problèmes sont la conséquence de notre séparation d’avec Dieu.

Et nous venons au deuxième problème : le traitement. Comment Dieu va-t-il résoudre ces

problèmes que sont la mort, la souffrance et le vieillissement ? Non pas par des

technologies inventées par l’homme mais en étant vainqueur du mal, du péché et de

Satan. Et ce Salut s’est opéré par JC à la Croix. Par la mort et la résurrection de JC. Il n’y a

pas d’autres moyens de retrouver une relation avec Dieu que de passer par le seul chemin,

à savoir JC.

Le salut que Dieu nous offre par Jésus-Christ est un salut en espérance. Et la victoire sur la

mort, la maladie et le vieillissement ne seront pleinement acquis que dans les nouveaux

cieux et la nouvelle terre (cf. Apocalypse).

Qu’est-ce qu’une conversion ? C’est un changement intérieur, un changement du cœur.

Pas un changement de nos capacités. Mais un changement de nos priorités.

J’aimerais dire encore quelques mots de la souffrance. Dans notre monde déchu, je pense

que la faiblesse et la souffrance peuvent être des portes ouvertes sur Dieu, des moyens

dont Dieu se sert pour amener des gens à Lui mais aussi pour sanctifier le chrétien.

Pensons à Paul, à Job ou au XXe siècle à une Joni Eareckson Tada ou à Nick Vujicic.

Pour un transhumaniste la souffrance ne sert à rien. Pour un chrétien elle a un sens. Un

sens qui n’est pas expliqué ici-bas et qui nous reste bien souvent caché mais Dieu ne fait

rien sans but pour ses enfants.

Comme chrétien, je pense que l’homme a été créé bon tel qu’il est. Avec le corps qui est

le sien. Vouloir changer sa nature, c’est se prendre pour Dieu. En revanche, je crois aussi

que nous vivons dans un monde déchu, à cause du péché et de la révolte de l’homme. Et

que dans ce monde déchu, tout dysfonctionne peu ou prou. Il est alors juste de lutter

contre le mal mais il n’est pas sage de nier les limites posées par Dieu. Qu’est-ce que la liberté humaine ? La question fondamentale que pose le transhumanisme est celle de savoir

si l’homme a une nature définie. Les néo-kantiens – tel Luc Ferry – insistant sur la liberté de l’homme

affirment que la nature de l’homme est de ne pas avoir de nature. D’autres pensent que la liberté humaine

est une illusion, que tout est déterminé car biologique et neuronal.

Comme chrétien nous pensons que l’homme a été créé avec une nature et que la liberté, réelle, de l’homme

fait partie de sa nature. Elle n’est en rien une absence de nature ou pire, liberté de changer de nature. Dieu

nous a voulu comme nous sommes – avec notre âme et notre corps - et vouloir en changer reflète à mon

avis une forme de révolte contre Dieu.

Force physique ou force spirituelle ?

Faiblesse humaine gloire rendue à Dieu seul (Soli Deo Gloria)

« Nous portons ce trésor dans des vases de terre, afin que cette grande puissance soit

attribuée à Dieu, et non pas à nous. […] Et lors même que notre homme extérieur se détruit,

notre homme intérieur se renouvelle de jour en jour. Car nos légères afflictions du moment

présent produisent pour nous, au-delà de toute mesure, un poids éternel de gloire, parce que

nous regardons, non point aux choses visibles, mais à celles qui sont invisibles ; car les choses

visibles sont passagères, et les invisibles sont éternelles » 2 Cor. 4 : 7-18

« Les théories transhumanistes peuvent remettre en cause l’anthropologie chrétienne sur

deux points : elles nient la finitude de la créature humaine et ignorent totalement la notion de

péché. Pour ces théoriciens, le salut n’est donc en rien relié au péché. Il dépend au contraire de

l’homme seul»,

Denis Müller.

« La question de la transformation humaine est éminemment chrétienne. C’est bien saint Paul

qui parle de revêtir l’homme nouveau ! Mais dans la perspective chrétienne, l’agent de

transformation est l’Esprit Saint accueilli par ma liberté profonde… Ce qui n’est pas le cas

lorsque l’on m’impose une technologie. »

Jean-Guilhem Xerri

« Il faut savoir de quelle augmentation on parle. L’être humain est un être matériel et spirituel.

Il se définit par sa capacité d’être en contact spirituel avec l’autre et avec Dieu. Dans cette

perspective, améliorer l’humain, c’est développer sa capacité relationnelle, son altruisme, son

amour. Selon la Bible, on devient humain à la mesure de notre dépouillement, à l’image du

Christ qui, selon la Lettre aux Philippiens, ‘ne retint pas le rang qui l’égalait à Dieu’ pour se faire

homme. »

Thierry Collaud

« S’il s’agit de promouvoir les progrès de la médecine pour soulager la souffrance, c’est un

noble objectif, Mais le transhumanisme va plus loin en poussant l’homme à devenir son propre

Dieu.»

Frédéric Rognon, professeur de philosophie à la faculté de théologie protestante de

Strasbourg.

«Comme sa divine puissance nous a donné tout ce qui contribue à la vie et à la piété, […] faites

tous vos efforts pour joindre à votre foi la vertu, à la vertu la connaissance, à la connaissance

la tempérance, à la tempérance la patience, à la patience la piété, à la piété l'amour fraternel,

à l'amour fraternel la charité.» 2 Pi. 1 : 3-7

Progrès spirituel mais pas augmentation technologique.

Réaffirmer la vraie nature de l’homme : corps et âme

La plupart des transhumanistes sont en fait des matérialistes mais des matérialistes pour qui

l’homme est égal à son cerveau. Ils méprisent donc le corps tel que Dieu l’a fait, tel qu’il nous

est donné. C’est le fantasme d’un homme-ordinateur, d’un homme-cerveau.

Pour le transhumaniste, le corps gêne le cerveau. Il faut dormir, il faut se déplacer lentement,

il faut manger, … Dans un monde que l’on veut fluide, le corps est pesant.

J’ai insisté précédemment sur l’importance de la vie intérieure, de l’âme. Mais face au

transhumanisme il ne faut pas de spiritualisme. Non ! Il faut réaffirmer le corps et la chair.

L’homme, créé à l’image de Dieu, est fait d’un corps et d’une âme.

C’est incroyable que ce soit aux chrétiens, au XXIe siècle, de réaffirmer l’importance du corps

et de la chair.

Il nous enfin affirmer et vivre dans notre quotidien que la véritable émancipation de l’homme

passe par une relation avec Dieu par Jésus-Christ, par une véritable conversion. C’est alors

une émancipation du mal en nous et non une émancipation des limites fixées par Dieu.

Critiques sociales et politiques

Une première critique sociale que nous pouvons faire est que le transhumanisme

apportera sans doute une société à deux vitesses.

Les pauvres n’auront pas les moyens de se payer les augmentations high-tech et les

mises à jour qu’il faudra faire fréquemment. On aura donc d’un côté une élite

augmentée qui dominera et de l’autre la masse. Une minorité de surhommes dominera

la majorité qui sera devenue des sous-hommes.

Mais la différence ne se fera pas uniquement sur les capacités financières. Quid de

parents chrétiens ne voulant pas jouer avec l’ADN de leur enfant ? Exemple de votre

enfant.

Le transhumanisme est instrumentalisé par un capitalisme à bout de souffle. La

croissance exponentielle commence à marquer le pas. Alors le corps des humains

devient le nouveau gisement. Le corps de l’homme devient le nouveau marché. Avant

on exploitait le mineur pour qu’il travaille à la mine. Dorénavant, ce sera le corps

humain qui deviendra le gisement.

A l’Université de la Singularité ce ne sont pas tant les scientifiques qui accourent mais

les financiers.

Le transhumanisme est sous-tendu par une vision purement individualiste de

l’homme. Aucune vision politique, aucun sens du bien commun qui est plus que la

somme des biens individuels. Famille. Eglise, Commune, Nation.

Critiques philosophiques Le transhumanisme est un révélateur de la mentalité de nos sociétés. C’est un miroir

(grossissant) de notre société. Et il nous montre, de manière parfois caricaturale, certains

aspects de notre monde et de notre façon de vie.

Le transhumanisme pousse à l’extrême le paradigme techno-économique dans lequel la

société occidentale baigne déjà. Dans ce sens, avant de critiquer le transhumanisme, il nous

faut être vigilant sur la mentalité technocratique qui nous habite déjà.

Le transhumanisme, par ses excès, nous pousse à interroger notre rapport à la finitude de

nôtre être. Il nous force à nous reposer la question éternelle : qu’est-ce qu’une vie bonne ?

Qu’est-ce que le sens de ma vie aujourd’hui ? Qu’est-ce que le véritable progrès humain? Le

transhumanisme interroge notre rapport à la technologie et à notre humanité incarnée

(charnelle).

La critique du paradigme technocratique n’est pas de la technophobie. Il ne faut pas critiquer

la technologie en tant que telle mais la mentalité technoscientifique qui affecte notre pensée

et notre rapport au monde dans presque tous les domaines.

J’aimerais relever 5 traits de notre société technocratique qui prépare le transhumanisme.

1. Le transhumanisme est un refus de la limite.

Les Grecs condamnaient la démesure (ou l’hybris). Pour les Anciens, les frontières et les

limites étaient ce qui donnait une identité aux choses. Ce qui n’a pas de limite est indéfini.

Accepter les limites fixées par Dieu c’est faire preuve de bon sens et d’humilité.

« La limite n’est pas ce où quelque chose cesse, mais bien, comme les Grecs l’avaient

observé, ce à partir de quoi quelque chose commence à être »

Heidegger

2. Notre société voue un véritable culte à la performance et à la performance quantitative.

Performance du corps. Performance sexuelle, performance des machines, performance

des indices boursiers, croissance du PIB, indices du bonheur par pays.

Le quantitatif cherche à remplacer le qualitatif. Et même la qualité est mesurée par des

quantités (normes ISO). Tout doit être mesurable et tout doit croître. Ce culte de la

performance laisse peu de place pour les véritables vertus chrétiennes.

Quel est l’indice qui mesure ma progression dans la sainteté, la droiture, l’Amour, la

miséricorde. Mesure-t-on la qualité de l’éducation parentale par des indicateurs ? La

relation d’un père avec son fils va-t-elle être bientôt monitorée par des chiffres ? Y a-t-il

de la place dans notre société pour la fragilité et le mystère ? Qu’est-ce que la grandeur

d’une nation d’une famille, d’une vie ? Se mesure-t-elle par des quantités ?

Le surhomme est un être entièrement fonctionnel (un super instrument, on est dans

la gestion)

Plus de place pour une vie intérieure. [Bernanos]

L’homme augmenté est un homme pour qui la performance l’emporte sur la joie de

vivre. Or nous sommes d’abord là pour ça. Et sur ce point, le trisomique a plus à nous

apprendre que le surhomme.

.

3. Culte de l’innovation. Nous sommes passés dans nos sociétés modernes de la nouveauté

comme renouvellement à la nouveauté comme « innovation ».

Or l’innovation est opposée au renouvellement. L’innovation technologique implique

l’obsolescence de l’objet précédent. L’objet N+1 remplace l’objet N qui est bon pour la

casse. L’économie de l’innovation est donc une économie du déchet et de

l’obsolescence. On ne répare plus.

Qu’est-ce qu’un renouvellement ? La naissance d’un bébé c’est un renouvellement ? Ce

n’est pas une innovation - rien de vraiment nouveau - mais un renouvellement radical. Le

printemps est un renouvellement. Pas une innovation.

Dans le renouvellement, le passé est assumé. Il n’est pas anéanti. Au contraire, il est

sublimé par le renouvellement. La conversion est l’exemple parfait du renouvellement.

Le sujet est conservé et le passé est mieux assumé. Quand quelqu’un se tourne vers Dieu,

il est renouvelé. Mais le sujet reste le même sujet. C’est la même personne.

Le renouvellement c’est une nouveauté par assomption pas par disruption.

Le renouvellement n’a pas besoin de rendre obsolète ce qui précède. Dans l’ordre de la

nature, de la culture et de la grâce, le mode de la nouveauté est le renouvellement.

Au contraire du renouvellement, l’innovation c’est l’obsolescence. Le nouvel objet

remplace et rend obsolète – bon pour la casse – le modèle précédent.

Deux conséquences :

1. L’homme augmenté sera un homme jetable. Eh oui, vous avez un bras bionique

(version 7.0) commandé par une puce logée dans votre cerveau. Bien. Mais 6 mois

après, sort la nouvelle version du bras (la 8.0) et la nouvelle version du logiciel. Il faudra

mettre à jour le logiciel. Il vous faudra remplacer votre bras. Retour chez le chirurgien.

2. L’homme augmenté sera donc un homme jetable mais il sera aussi un homme

monnayable. Car tout se paie.

Le culte que notre société voue à l’innovation est inséparable de l’idéologie du Progrès et

donc du culte porté au mouvement permanent. Notre société moderne nous enjoint de

changer et d’être toujours en mouvement. Il faut être en marche, accepter le changement

sans même poser la question du but et de la finalité. On en arrive à ne plus apprécier ni la

stabilité, ni le repos.

Tout doit devenir numérique pour être liquide et finalement échangé sur les marchés. Les

marchés financiers sont l’endroit du flux où tout peut être échangé contre n’importe quoi

via le prix. Je n’ai rien contre les marchés. Mais contre la logique qui veut que tout soit

achetable ou vendable. Et on en arrive à la GPA où on peut louer le ventre d’une femme

pour avoir son propre bébé ou au catalogue dans lequel vous choisirez votre bébé.

Attention : les roux sont moins chers !!

Marx dans misère de la philosophie : « Vint enfin un temps où tout ce que les hommes

avaient regardé comme inaliénable devint objet d'échange, de trafic et pouvait s'aliéner.

C'est le temps où les choses mêmes qui jusqu'alors étaient communiquées, mais jamais

échangées; données mais jamais vendues; acquises, mais jamais achetées - vertu, amour,

opinion, science, conscience, etc., - où tout enfin passa dans le commerce. C'est le temps

de la corruption générale, de la vénalité universelle, ou, pour parler en termes d'économie

politique, le temps où toute chose, morale ou physique, étant devenue valeur vénale, est

portée au marché pour être appréciée à sa plus juste valeur. »

Le culte de l’innovation implique aussi le culte du jeunisme. Chez les Anciens et dans la

Bible, les personnes âgées devaient être respectées. Aux jeunes la force mais aussi

l’incertitude. Aux anciens l’expérience de la vie et la sagesse. Notre société a inversé les

rôles. Dans notre monde de la performance le jeune de 18 ans est présenté comme l’idéal.

Et tout est fait pour rester jeune, ne pas vieillir. Mais comment voulez-vous que les ados

aient envie de devenir adultes quand la société des adultes leur dit que leur adolescence,

c’est le nec plus ultra ? On vante Macron car il est jeune. Mais en quoi sa jeunesse est-elle

gage de sagesse ? En rien ! Vous aurez d’ailleurs noté que dans la Bible les responsables

d’Eglise sont appelés les Anciens.

4. Progrès des objets mais pas progrès des sujets.

L’homme moderne délègue le progrès à des objets technologiques. Est-ce alors un vrai

progrès humain, un progrès du sujet humain ? On dit que l’homme est capable de manier

la matière à l’échelle du nanomètre. Mais quel homme le peut ? Personne. C’est le

système entier et complexe mais personne ne sait le faire.

Pour comprendre ce point, j’aimerais introduire une distinction entre technique et

technologie. Exemple : la technique du footballeur ou du tennisman. Celle du pianiste ou

du menuisier.

La technique est un savoir-faire que l’on acquiert avec le corps.

La technique est une vraie augmentation de l’homme. L’homme est augmenté par sa

technique. Le pianiste virtuose est augmenté par sa compétence technique. Il est capable

de jouer une étude de Chopin alors que moi pas.

La technologie, a contrario, c’est appuyer sur un bouton pour écouter un morceau de

musique sur Spotify.

La technique c’est être capable de jouer d’un instrument de musique.

Or en déléguant le progrès à l’appareillage technique, l’homme augmenté perd ses

compétences techniques. Les savoir-faire nous sont retirés par les objets technologiques.

Notez que les savoir-faire investissent le corps tout entier. Il faut le cerveau et la main pour

jouer du piano ou pour cultiver un champ.

Citation Houellebecq : « "Je ne sers à rien, dit Bruno avec résignation. Je suis incapable

d'élever des porcs. Je n'ai aucune notion sur la fabrication des saucisses, des fourchettes

ou des téléphones portables. Tous ces objets qui m'entourent, que j'utilise ou que je

dévore, je suis incapable de les produire ; je ne suis même pas capable de comprendre leur

processus de production. Si l'industrie devait s'arrêter, si les ingénieurs et techniciens

spécialisés venaient à disparaître, je serais incapable d'assurer le moindre redémarrage.

Placé en dehors du complexe économique-industriel, je ne serais même pas en mesure

d'assurer ma propre survie : je ne saurais comment me nourrir, me vêtir, me protéger des

intempéries ; mes compétences techniques personnelles sont largement inférieures à

celles de l'homme de Neandertal."

Une mutation de l’espèce humaine, c’est un changement d’espèce. Ce n’est pas un progrès

humain. Pour qu’il y ait progrès humain, il faut que l’humain reste. Sinon on sort de la

condition humaine. On peut le souhaiter - comme les transhumanistes – mais ce n’est plus

un progrès humain. C’est autre chose.

Le vrai progrès suppose un sujet qui reste en tant que sujet.

Exemple : Enfant envoyé à l’école. Revient un petit génie mais ce n’est plus votre enfant.

Progrès ou pas ?

Une conséquence de cette délégation des compétences :

En délégant son progrès aux objets, l’homme augmenté est un homme de plus en plus

dépendant voire aliéné. Si votre réseau wifi a une panne, vous êtes déjà très embêtés,

non ? Imaginez si votre bras bionique a un bug !!

Le monde technologique que nous annoncent les prophètes du transhumanisme ne risque

d’être qu’une vaste extension des soins intensifs où le corps est maintenu en vie que par

son branchement sur un appareillage Hi-Tech. On nous promet l’émancipation. Mais toute

notre vie dépendra du branchement au système technologique.

On n’aurait donc pas à faire à une augmentation mais plutôt à une radicalisation de la

dépendance. Obéir au système ou être débranché pourra être le dilemme des dissidents.

5. Culte de l’instantanéité. On appuie sur des boutons et on a tout ce que nous désirons et

tout de suite. La mentalité technocratique est ce que Günther Anders appelle une « push

button society ». Tout, tout de suite. Cette mentalité fait régresser parfois l’homme dans

un état infra-païen. Exemple de l’ordi qui plante ou du Wi-Fi qui est trop lent. L’homme

insulte la machine

La mentalité technocratique est opposée à la culture et à l’agriculture. La mentalité de

l’agriculture, c’est élaguer, tailler, laisser pousser. On ne fait pas pousser plus vite le blé en

tirant sur les tiges. Cette mentalité agricole est celle de l’Evangile et celle des paraboles.

Dans la parabole du Semeur, il faut du temps pour produire du fruit. Il faut que cela

mature. Et cela prend du temps. On ne peut pas aller plus vite que la musique. D’ailleurs

dans une des quatre terres, le blé pousse trop vite puis il meurt avant d’avoir porté du

fruit.

Si nos modes de pensées sont liées à l’efficience technologique alors on est dans

l’impatience.

La structure profonde du paradigme technocratique = appuyer sur un bouton pour avoir

un résultat. Ne pas reconnaître « la patience comme vertu fondamentale», « la dimension

de l’histoire », « l’inertie du corps », « la profondeur de la liberté », la pesanteur de la

matière. On veut un monde liquide sans friction où tout est achetable instantanément.

Notre société veut des recettes pour avoir des résultats immédiats. La méditation

transcendantale, ce n’est qu’une recette pour avoir des résultats. Cela n’a rien à voir avec

une relation avec le Dieu souverain, avec le Tout Autre, avec tout le mystère que cela

comporte : on ne maîtrise pas Dieu ni notre vie spirituelle par des recettes.

Or n’importe quelle relation (familiale, entre collègues, avec Dieu) demande du temps, de

la patience, de la maturation.

Du coup, le surhomme est un homme pulsionnel, incapable de supporter la moindre

contrariété, voulant que tous ses souhaits soient réalisés sur-le-champ.

Et derrière cet homme pulsionnel peut couver une sauvagerie latente.

Le paradigme techno-économique (le pape François dans l’encyclique Laudato Si !) a essaimé

dans tous les domaines de la société. Quelques exemples :

Cette personne doit changer de logiciel. Alors que le logos qui nous est donné

demande l’exercice permanent de la pensée et n’a rien à voir avec un algorithme. La

pensée – le logos – cela n’a strictement rien à voir avec un algorithme. Un algorithme

ne pense pas. Il exécute des opérations. Alors que l’homme est capable du Logos,

d’élaborer une pensée philosophique, de synthétiser, de faire un tri.

La psychologie, les ressources humaines, l’économie, la sociologie, tout est imprégné

de cette mentalité technocratique où tout doit pouvoir être mesuré par des

indicateurs chiffrés et décrit par des processus qui ressemble à des algorithmes. Le

management taylorien a été introduit dans le but d’être scientifique. Dans mon

entreprise on parle du portefeuille de projets comme du portefeuille des

collaborateurs.

On veut tout mesurer, mettre des quantités sur tout : ranking des universités,

sondages d’évaluation à la sortie de la Poste, de Media Markt, grilles d’évaluation

après une conférence, QI, QE

Même les tentatives de retourner à la nature se font souvent sous le mode de pensée

technocratique :

« se reconnecter à la nature ». C’est encore un mode de pensée technocratique. Parce

que c’est une nature fantasmée. Le lion que vous voyez sur votre écran dans votre

salon grâce à un drone, ce n’est pas ça la nature. C’est une nature fantasmée par un

téléspectateur citadin. Une nature présentée comme un doux paradis idyllique alors

que la vraie nature est aussi hostile et dangereuse.

Et même le christianisme est affecté par ce mode de pensée technologique :

Se connecter à Dieu : comme si la relation avec le Tout Autre relevait de la connexion

wifi !!

Effusion du St-Esprit par une technique (louange ou autre).

Conclusion d’Olivier Rey (YouTube) :

« Par la surenchère technologique, la transhumanisation ambiante fait de nous des

incapables. Des incapables techniques, mais aussi, des incapables politiques,

technologiquement séparés les uns des autres, sans cesse flattés dans des fantasmes de toute-

puissance et encouragés dans l’individualisme rivalitaire, au mépris de l’existence collective.

La véritable augmentation consisterait à nous faire accéder à l’âge adulte au lieu de nous

garder immatures, désorientés par la première panne de réseau, incapables de supporter la

moindre frustration et pleurnichant au moindre aléa, anéantis par le plus petit trauma sans le

secours de plaques d’anxiolytiques et l’assistance de psychologues diplômés. Elle consisterait

aussi, et peut-être surtout, à revitaliser les facultés spirituelles, qui après quelques siècles de

Progrès, ne subsistent qu’à l’état de résidus. Les racines du Ciel sont en aussi mauvais état que

les racines terrestres. De toutes les extravagances dont notre monde est envahi, les contes

sur le triomphe de l’intelligence artificielle et le transhumanisme comptent parmi les plus

maléfiques. Ils incitent, en annonçant la mort de la mort à persévérer sur une voie qui conduit

à la mort de masse. Ils alimentent des fantasmes de surpuissance à un moment, où il faudrait,

plus que jamais, accepter de mettre des limites à la puissance ; Ils flattent l’individualisme

alors qu’il serait urgent d’assumer une communauté de destin ; ils engagent à ignorer et

mépriser toutes les sagesses élaborées par les hommes au fil des millénaires, en une

conjoncture où celles-ci seraient nos plus précieuses ressources. Ils bercent de chimères

quand il faudrait se confronter à la réalité.

Nous sommes entrés dans des temps chaotiques et nous ne sommes pas prêts. Chaque jour

qui passe, nous sommes moins prêts, du fait d’un assujettissement toujours croissant à un

système hors de contrôle et d’un flot de promesses absurdes qui aggrave l’hébétude. Pour

être à la hauteur de ce qui vient ce ne sont pas les innovations disruptives, la liberté

morphologique ni les implants dont nous aurons besoin mais des facultés et des vertus très

humaines. »

Conclusion

Il ne suffit pas de condamner les farfelus qui veulent créer des cyborgs. Il nous faut remettre

en question notre mode de vie qui est de plus en plus influencé par le paradigme techno-

économique. Le monde techno-économique occidental ne peut qu’aller dans le sens du

transhumanisme qui est déjà à l’œuvre à partir de l’apologie absolue de l’innovation, de la

croissance exponentielle et de la mise à disposition du monde par des boutons.

Il nous faut nous réapproprier le véritable progrès qui passe par un renouvellement intérieur

– et non par une innovation technologique ;

Réaffirmer que la grandeur de l’homme ne passe pas par une augmentation de ses

performances intellectuelles, physiques ou cognitives mais par la culture patiente des vertus

intérieures que sont la patience, l’humilité, la justice et l’amour.

Il faut donc d’abord, retrouver le sens du corps, le sens de la terre, retrouver la vertu de la

patience et le goût des choses simples.

Il nous faut encore redécouvrir l’émerveillement devant le don gratuit de la nature et de notre

corps.

Il nous faut enfin aimer l’Homme parfait – le Christ - dans son humilité plutôt que le surhomme

dans son fantasme de toute-puissance.

Pour reste simplement humain, il faudra de plus en plus croire que Dieu s’est fait Homme.

Je vous remercie.

Bibliographie

Penser l’humain au temps de l’homme augmenté, Thierry Magnin, Albin Michel, 2017

Leurre et malheur du transhumanisme, Olivier Rey, Desclée De Brouwer, 2018

Rechercher l'immortalité, folie ou réalité ? Le défi du transhumanisme, Yannick Imbert, Farel éditions,

2016

La Société de l’amélioration. La perfectibilité humaine des Lumières au transhumanisme, Nicolas Le

Dévédec, Liber, 2015

Transhumanisme : la grande illusion, Bertrand Vergely, Le Passeur, 2019

La Tentation de l’homme-Dieu, Bertrand Vergely, coll. « Le passeur intempestif », 2015

La Reproduction artificielle de l’humain, Alexis Escudero, Le monde à l’envers, 2014

La Mort de la mort. Comment la technomédecine va bouleverser l’humanité, Laurent Alexandre, JC

Lattès, 2011

« Le transhumanisme, ou quand la science-fiction devient réalité », Jean-Guilhem Xerri, in Document

Épiscopats, 2013

Liens internet

Yves Caseau : pourquoi-le-transhumanisme-est-il-dangereux

Johann Roduit : Le transhumanisme: nouvelle religion ou hérésie chrétienne?

Loup Besmond de Senneville: Comment le transhumanisme percute la foi chrétienne

Pierre Pistoletti : Le transhumanisme, nouveau défi éthique pour l’Eglise

Olivier Rey : https://www.youtube.com/watch?v=sS9IXYtukrE

Fabrice Hadjadj : https://www.youtube.com/watch?v=IdwHKFD_CiI

https://www.youtube.com/watch?v=uipRrMB2wNY&t=2s