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Synthèse des séminaires 2010-2014 TRANSPORT URBAIN DURABLE EN MÉDITERRA E

TRANSPORT URBAIN DURABLE EN MÉDITERRANÉE · l'Energie, CODATU: «Qui paie quoi en matière de transports urbains ? Guide de bonnes pratiques», édition révisée en 2014 AFD, Ministère

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  • Synthse des sminaires 2010-2014

    TRANSPORTURBAIN DURABLE

    EN MDITERRANE

  • 2

  • Ont particip lorientation, llaboration, lcriture et la relecture de cet ouvrage

    AGENCE FRANAISE DE DVELOPPEMENT :M. Xavier HOANG, Responsable Projet TransportsMme Lise BREUIL, Responsable Projet Transports

    CODATU :M. Julien ALLAIRE, Dlgu GnralDelphine ALBRECHT, Responsable agence Rabat, Transitec Ingnieurs-Conseils SALaila MOKHLISSE, Ingnieur d'tude, Transitec Ingnieurs-Conseils SAMme Laurie MALDERA, Mme Camille MARTINET, M. Charles SIMON et Lorenza TOMASONI, chargs de mission

    CEREMA :M. Thierry GOUIN, Charg de Mission InternationalMme Marine MILLOT, Chef du service Amnagement Rseaux et Transports UrbainsM. Benjamin FOUCHARD, Chef du service Analyse, Prospective et Planification des Mobilits

    PLAN BLEU :M. Sylvain HOUPIN, Charg de mission Villes

    MEDCITS :M. Gabriel JODAR, Consultant FormaPlan

    Nous souhaitons galement remercier tout particulirement les personnes suivantes qui, par leur implication constante, ont contribu au cycle UD4 (par ordre alphabtique) :M. Xavier GODARD (expert) ; M. Alexis JOVIGNOT (CODATU) ; Mme Vanessa KUZAY (Ville de Marseille) ; M. Olivier LAVINAL (CMI) ; M. Jacques LEGAIGNOUX (ex-CETE) ; M. Joan PARPAL (MedCits) ; Dominique ROJAT (AFD) ; Mme Chantal PICARD (CODATU) ; Mme Florence SAINT-PAUL (ex CETE) ; Mme Jocelyne VAUQUELIN (AFD) ; M. Bernard VIDEAU (Ministre franais de lEcologie, du Dveloppement Durable et de lEnergie) ; Mme Agns TRIONE.

    Ainsi que les nombreux intervenants, participants et partenaires qui ont fait le succs de chaque rencontre du cycle Transports Urbains Durables en Mditerrane du CMI

    _Remerciements

  • 4

    AASQA : Associations Agres pour la Surveillance de la Qualit de l'Air (France)

    ADEME : Agence de lEnvironnement et de la Matrise de lnergie (France)

    ADERE Fs : Agence pour la Ddensification et la Rhabilitation de la mdina de Fs

    AFD : Agence Franaise de Dveloppement

    AGAM : Agence durbanisme de lagglomration marseillaise

    ALG-EP : Transportation, Infrastructure & Logistic Europraxis

    AMB : Aire Mtropolitaine de Barcelone

    AMT : Azienda Municipale di Trasporto (Italie)

    AO (TU) : Autorit Organisatrice (des Transports Urbains)

    ATM : Autoritat del Transport Metropolit (Espagne)

    AUAT : Agence durbanisme de lAgglomration de Toulouse

    AYKOME : Altyap Koordinasyon Merkezi (Infrastructural Coordination Department of Istanbul)

    BEI : Banque Europenne dInvestissement

    BHNS : Bus Haut Niveau de Service

    BRT : Bus Rapid Transit

    CERTU : Centre d'tudes sur les rseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques (France)

    CETE : Centre d'tudes Techniques de l'quipement (France)

    CMI : Centre de Marseille pour lIntgration en Mditerrane

    CNRS : Centre National de la Recherche Scientifique (France)

    CO2 : Dioxyde de carbone

    CODATU : Coopration pour le dveloppement et lamlioration des transports urbains et priurbains (France)

    CRET-LOG : Laboratoire Universitaire de Recherche en Sciences de Gestion spcialis en Logistique (France)

    _Liste des acronymes, sigles et sites internet

  • 5

    DCE : Dossier de Consultation des entreprises

    DMQ : Municipio del Distrito Metropolitano de Quito

    DSP : Dlgation de service public

    EEAA : Egyptian Environmental Affairs Agency

    EMT : Entitat Metropolitana del Transport (Espagne)

    ENTPE : cole Nationale des Travaux Publics de ltat (France)

    EPAU : cole Polytechnique dArchitecture et dUrbanisme (Alger)

    ESTRAM : Eskiehir Light Rail Transportation System (Turquie)

    ETUSA : tablissement de Transport Urbain et Suburbain dAlger

    FGC : Ferrocarrils de la Generalitat de Catalunya (Espagne)

    FUBicy : Fdration franaise des usagers de la bicyclette

    GES : Gaz Effet de Serre

    GPL : Gaz de Ptrole Liqufi

    IEFE : Centre for Research on Energy and Environmental Economics and Policy (Italie)

    IETT : Istanbul Electricity, Tramway and Tunnel

    IEVP CT-MED : Instrument europen de voisinage et de partenariat pour la Mditerrane

    IMM : Municipalit Mtropolitaine dIstanbul

    INRETS : Institut National de Recherche sur les Transports et leur Scurit (France)

    ISTAT : Istituto nazionale di statistica (Italie)

    IUAR : Institut d'Urbanisme et d'Amnagement Rgional (Aix-Marseille Universit)

    KNA-MENA : Knowledge Networks Agency for the Middle East and North Africa

    LAURE : Loi sur lAire et lUtilisation Rationnelle de lnergie (France)

    LOTI : Loi dOrientation sur les Transports Intrieurs (France)

    MEDDE : Ministre de lcologie, du Dveloppement Durable et de l'nergie (France)

    NTU : Associao Nacional das Empresas de Transportes Urbanos (Brsil)

    OASA : Athens Urban Transport Organisation

    P+R : Park and Ride ou parking-relais

    PACA : Rgion Provence-Alpes-Cte dAzur

    PDU : Plan de Dplacements Urbains

    PIB : Produit Intrieur Brut

    PLU : Plan Local dUrbanisme

    PM10 : Particulate matter 10

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    PMR : Personnes Mobilit Rduite

    PPA : Plan de Protection de lAtmosphre (France)

    PPP : Partenariat-Public-Priv

    PRQA : Plans rgionaux pour la qualit de lair (France)

    PTU : Primtre des Transports Urbains

    PUM : Plan Urbain de Mobilit

    RATP : Rgie Autonome des Transports de Paris

    RER : Rseau Express Rgional (dle-de-France)

    RFR : Rseau Ferroviaire Rapide de Tunis

    RSS : Rich Site Summary (Flux)

    SCoT : Schma de Cohrence Territoriale

    SF : Secrtariat des Finances (Colombie)

    SNCF : Socit Nationale des Chemins de Fer (France)

    SNCFT : Socit Nationale des Chemins de Fer Tunisiens

    SNTF : Socit nationale des Transports Ferroviaires

    TAD : Transport la demande

    TAM : Transports de lAgglomration de Montpellier

    TAN : Transports de lAgglomration de Nantes

    TCSP : Transport Collectif en Site Propre

    TCU : Transport Collectif Urbain

    TGM : Tunis-Goulette-Marsa (ligne ferroviaire)

    TGV : Train Grande Vitesse

    TMB : Transports Metropolitans de Barcelona

    TRANSTU : Socit des transports de Tunis

    TRANSUB (entreprise publique de transport collectif public Alger)

    UITP : Union Internationale des Transports Publics

    UKOME : Centre de coordination des transports pour Istanbul

    UNESCO : United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization

    ZTL : Zone Trafic Limit

  • 3

    4

    9

    11

    LMENTS DE CONTEXTE 13

    Dynamiques de dveloppement urbain, motorisation et mobilit 14Le dveloppement urbain en Mditerrane 14La transformation de la mobilit des personnes 21La croissance du trafic de marchandises 23Les consquences associes la motorisation 24Le besoin de politiques de transport afin de rduire la dpendance l'automobile et ses consquences 28

    Gouvernance et planification pour une mobilit urbaine durable 29Des modes de gouvernance qui ne semblent pas en mesure derpondre aux exigences d'une gestion urbaine durable 30Quelle planification pour quels objectifs ? 37Les grandes orientations des stratgies urbaines 42

    Comment organiser et grer les rseaux ? 47Comment matriser l'usage de la voiture ? 48Comment renforcer la performance des transports collectifs ? 50Comment favoriser l'usage de la marche et du vlo ? 53Comment organiser la logistique urbaine ? 54Bote outils pour aller plus loin 55

    _Table des matires

    _Remerciements

    _Liste des acronymes, sigles et sites internet

    _Prambule

    _Introduction

    _Premire partie

    _Chapitre 1

    1.1 1.21.31.41.5

    _Chapitre 22.1

    2.22.3

    _Chapitre 33.13.23.33.43.5

  • EXEMPLES DE VILLES 57

    Barcelone : La coordination des rseaux de transport lchelle mtropolitaine 58

    Casablanca : Le dveloppement dune offre de transport au service de la mutation dune mtropole mergente 66

    Eskisehir : La rduction du trafic et le dveloppement dalternatives dans un centre-ville contraint 73

    Ferrare : une politique globale pour promouvoir la pratique du vlo en ville 78

    Izmir : intgration tarifaire et offre de transport varie, le succs dune politique de transformation 83

    Lyon : la dlgation de service public comme mode de gestion 89

    Rabat - Sal : un projet dextension du tramway pour relier les deux rives de la valle du Bouregreg 95

    Sfax : une stratgie de dveloppement urbain revisite 101

    Tunis : liaisons de transport entre lhyper-centre et le restede lagglomration 106

    Marseille : la transformation du Vieux Port pour faire placeaux pitons 111

    Milan : La mise en uvre dun page urbain 118

    Montpellier : La mise en valeur du centre-ville 125

    131

    _Deuxime partie

    _Chapitre 1

    _Chapitre 2

    _Chapitre 3

    _Chapitre 4

    _Chapitre 5

    _Chapitre 6

    _Chapitre 7

    _Chapitre 8

    _Chapitre 9

    _Chapitre 10

    _Chapitre 11

    _Chapitre 12

    _Liste des prsentations

  • 9

    Cet ouvrage synthtise les travaux du programme Transport Urbain Durable du Centre de Marseille pour lIntgration en Mditerrane (CMI). Ce programme a pour objectif de dvelopper une approche intgre complte en vue de planifier, grer et dvelopper des politiques et des systmes de transports urbains durables et efficients.

    Il a t construit pour permettre non seulement de renforcer le rseau mditerranen de comptences dans ce domaine, mais galement pour favoriser la cration dune bote outils mthodologiques et concrets adapts aux villes de la Mditerrane. Le programme a galement t conu pour laborer une culture commune de la mobilit durable dans le bassin mditerranen, dvelopper des partenariats internationaux et diffuser les bonnes pratiques [CMI, 2011]1.

    Le programme Transport Urbain Durable est pilot par lAgence Franaise de Dveloppement (AFD) qui en assure ainsi le montage, la recherche de financements et la mise en uvre avec lappui de CODATU et des centres dexpertise spcialiss du rseau scientifique et technique du Ministre franais de lcologie, du Dveloppement Durable et de l'nergie (CERTU, CETE Mditerrane et Sud-ouest) et du Plan Bleu. Les autres partenaires de lAFD pour ce programme ont t la Banque Mondiale, la Banque Europenne dInvestissement (BEI) et les villes ou pays htes des diffrents vnements.

    Dans ce cadre, plusieurs sminaires ont t organiss entre 2010 et 2012. Une premire confrence inaugurale du programme a eu lieu Damas du 11 au 13 Avril 2010 sur le thme Mobilit urbaine et dveloppement durable.

    La deuxime rencontre a t organise Marseille du 29 Novembre au 1er Dcembre 2010. Elle portait sur les dplacements vers et dans les curs des villes : centres anciens et mdinas.

    Du 17 au 20 octobre 2011, les participants se sont runis Barcelone pour travailler sur les outils pour accompagner les volutions de la mobilit urbaine durable en Mditerrane.

    Du 4 au 5 juin 2012, les experts reprsentants les pays du CMI ont t invits participer un quatrime sminaire intitul : lapproche des transports urbains durables en Mditerrane.

    1. Voir site web : http://www.cmimarseille.org/FR/Urban-transport.php

    _Prambule

    http://www.cmimarseille.org/FR/Urban-transport.php

  • 10

    Cet ouvrage sappuie donc sur les multiples contributions scientifiques, tudes de cas et dossiers dexpertise qui ont t prsents au cours de ces manifestations et donne volontairement une place importante aux expriences partages au cours de ces diffrentes rencontres. Ce document ne peut toutefois reprendre lensemble des exposs et des discussions qui ont nourri les changes entre les experts venus des diffrents pays mditerranens. Pour plus dinteractivit, lensemble des prsentations du cycle de rencontres est directement accessible via les liens Internet mis en bas de page.

    Pour la deuxime phase de ce programme, le CMI a souhait organiser des journes nationales dans ses pays membres, afin dtre au plus prs des proccupations locales et nationales. Il vise, au travers dune approche largement participative, aborder des problmatiques dactualit.

    Des Journes Nationales du Transport Urbain durable ont donc t organises en Tunisie du 11 au 13 dcembre 2012 et au Maroc en du 23 au 24 septembre 2013 afin de dgager les grandes lignes dune feuille de route pour le dveloppement d'un transport public urbain durable.

    Les notes de synthse sont aussi disponibles sur le site du CMI.

    Pour des informations plus prcises, le lecteur pourra galement se procurer les guides suivants :

    CODATU, Ministre franais de lcologie, du Dveloppement Durable et de l'nergie, La Banque Mondiale, KNA-MENA, MedCits : Les dplacements urbains en Mditerrane. Guide de Recommandations . Travaux issus du sminaire Rgional sur les Dplacements Urbains en Mditerrane Skhirat, janvier 2008

    AFD, Ministre franais de lcologie, du Dveloppement Durable et de l'Energie, CODATU : Qui paie quoi en matire de transports urbains ? Guide de bonnes pratiques, dition rvise en 2014

    AFD, Ministre franais de lcologie, du Dveloppement Durable et de l'nergie, Ministre des Affaires trangres et Europennes, CODATU : Laction internationale des collectivits territoriales en matire de dplacements urbains. Guide Mthodologique , octobre 2010

    CMI, AFD, BEI, La Banque Mondiale, CODATU, Transitec Urbaplan : Accessibilit des Mdinas. Guide d'orientation lintention des dcideurs , septembre 2012

  • 11

    Dans les dcennies venir, les villes des rives sud et est de la Mditerrane vont connatre un boom dmographique. Ports par cette forte croissance dmographique, la Turquie, les pays du Maghreb et ceux du Mashrek verront un doublement voire un triplement de leur population urbaine. Cette transition urbaine devrait tre alimente par une dynamique de croissance conomique dj amorce dans certains pays du pourtour mditerranen.

    Les perspectives de dveloppement urbain soulvent de nombreuses questions conomiques, sociales et environnementales :

    Quelles seront les activits conomiques urbaines (emplois, changes, cration de capital, etc.) ?

    Quelles seront les conditions de vie des populations (habitat, accs aux services essentiels, qualit de vie, etc.) ?

    Quelles seront les consquences environnementales (prservation des terres agricoles aux alentours des ples urbaniss, consommation dnergie, qualit de lair, etc.) ?

    Au croisement de toutes ces questions, se trouvent les enjeux de transport, daccessibilit et de mobilit. Le dveloppement conomique et lamlioration des conditions sociales sont gnrateurs de flux de marchandises et de personnes. Les perspectives dans les agglomrations des rives sud et est de la Mditerrane annoncent une explosion de la mobilit urbaine. Celle-ci est toutefois particulirement dlicate prvoir et organiser.

    La mobilit urbaine est un systme complexe qui s'articule, selon Xavier Hoang (AFD) autour de sept dimensions structurantes : des dimensions territoriale, temporelle, fonctionnelle et modale mais aussi, des dimensions lies aux acteurs en prsence, aux sources et modalits de financement ainsi qu'aux effets induits2. chaque ville et pays de trouver son propre systme en fonction de son contexte et de ses spcificits.

    Sur le mme schma que de nombreux pays de la rive nord, les populations qui voient leurs revenus augmenter aspirent possder une voiture individuelle, une volont qui est dailleurs parfois facilite par certaines politiques publiques en faveur de la motorisation de masse. Mais cette dynamique de motorisation gnre des phnomnes de congestion, de scurit routire et de pollution contraires lintrt gnral de la collectivit.

    2. Propos recueillis lors de la clture de latelier de Barcelone, octobre 2011

    _Introduction

  • 12

    Lhistoire de la motorisation des villes du nord est riche en enseignements. Aprs une phase de dveloppement rapide de lautomobile, les gouvernements locaux ont cherch matriser lusage de ce mode de transport au profit des transports collectifs et des modes actifs. Depuis quelques annes, les politiques publiques renvoient ainsi des mesures qui paraissent tout fait applicables dans les pays du sud.

    Dans les villes du sud et de lest de la Mditerrane, les taux de motorisation se situent actuellement en de de 150 voitures pour 1 000 habitants, soit trois quatre fois plus faibles que dans le nord. Cette situation pourrait se rvler un atout pour pouvoir structurer les aires urbaines autour de modes de transport collectif et dvelopper des pratiques plus multimodales chez les habitants.

    Aussi, le prsent document propose un tat des lieux de la mobilit dans les villes du sud et de lest et ouvre le champ des possibilits pour adapter les politiques publiques leur territoire sans passer par une prdominance des vhicules individuels. La premire partie de ce document est un tat des lieux de la situation dans les pays du pourtour mditerranen dune part et, dautre part des grandes tendances lies aux politiques publiques visant ltablissement dune mobilit durable. Parmi les solutions voques, aucune na la prtention de rpondre chaque situation. Mais toutes peuvent tre adaptes au contexte local. La seconde partie illustre, au travers d'une dizaine d'agglomrations du nord, du sud et de lest de la Mditerrane, les thmatiques dveloppes dans la premire partie.

  • Premire partie :

    LMENTS DE CONTEXTE

  • 14

    La croissance dmographique et le dveloppement conomique des villes des rives sud et est de la Mditerrane engendrent une explosion des besoins en dplacement. Sur le mme schma que de nombreux pays de la rive nord, les populations, qui voient leurs revenus augmenter, aspirent possder une voiture individuelle, une volont qui est dailleurs parfois facilite par certaines politiques publiques en faveur de la motorisation de masse.

    Le parc automobile est ainsi en forte progression du fait de louverture des marchs, dune offre modale limite, dun accs plus gnral au permis de conduire, de laugmentation des revenus de certaines franges de la population, etc. Cette dynamique de motorisation individuelle gnre des risques en matire de scurit routire, de la pollution et des phnomnes de congestion contraires l'intrt gnral de la collectivit.

    1.1 Le dveloppement urbain en Mditerrane

    Une forte dynamique d'urbanisation dans les pays du sud

    Certains pays des rives sud et est atteignent des taux durbanisation similaires ceux des pays du sud de lEurope. Toutefois, la transition urbaine nest pas acheve dans la majorit de ces pays. Deux phnomnes se conjuguent. Dune part, il existe souvent une forte croissance dmographique en zone urbaine. D'autre part, certains pays comme lEgypte, la Syrie ou le Maroc affichent un taux durbanisation encore relativement faible.

    _Chapitre 1 Dynamiques de dveloppement urbain, motorisation et mobilit

  • 15

    %

    0,50

    2000-2005 2005-2010 2010-2015 2015-2020 2020-2025 2025-2030 2030-2035 2035-2040 2040-2045 2045-2050

    1,00

    1,50

    2,00

    2,50

    3,00

    3,50

    4,00 Algerie

    LibyeMarocTunisieJordanieLibanSyrieTurquieGrceItalieEspagne

    Egypte

    France

    Figure 1 : Taux de croissance annuelle de la population urbaine3

    85%

    77%

    58%66%

    67%

    78%

    79%

    56%

    70%

    66%

    61%

    87%

    43%

    Figure 2 : Taux durbanisation dans les pays du pourtour mditerranen

    3. Source figures 1, 2 et 3 : UN data

  • 16

    Sur la priode 2010-2015, les taux de croissance de la population urbaine sont de lordre de 1 % par an dans les pays de lUnion europenne, voire moins pour lItalie et la Grce. En revanche, dans les autres pays, lexception du Liban dj fortement urbanis, les taux de croissance se situent entre 1,5 % et 2,5 %. Les projections lhorizon 2050 annoncent une baisse de ces rythmes de croissance pour passer sous la barre de 1 % pour la plupart des pays. cette chance, seuls les taux de croissance de lEgypte et la Syrie qui avec le Maroc sont les pays les moins urbaniss, dpasseraient toujours ce niveau.

    en milliers

    10 000

    20 000

    30 000

    40 000

    50 000

    60 000

    70 000

    80 000

    90 000

    1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050

    Algerie

    LibyeMarocTunisieJordanieLibanSyrieTurquieGrceItalieEspagne

    Egypte

    France

    Figure 3 : Population urbaine constate de 1950 2009 et prvisions pour 2010 2050

    Entre 2000 et 2050, le nombre dhabitants urbains dans la plupart des pays des rives sud et est devrait donc doubler, et mme tripler pour lEgypte et la Syrie. Si dans les villes de la rive nord on compte 170 millions de personnes, sur les autres rives, la population urbaine avoisinera les 300 millions.

    Il est par ailleurs noter que l'Egypte et la Syrie ont des populations particulirement jeunes. En 2010, plus de 40 % de leur population est ge de moins de vingt ans, avec respectivement 41 % pour lEgypte et 48 % pour la Syrie. Parmi les pays tudis, seule la Jordanie, plus urbanise, dpasse ce niveau de 48 %. Les autres pays des rives sud et est se situent plutt entre 30 % et 40 % tandis que dans les pays europens, les moins de vingt ans reprsentent moins du quart de la population.

  • 17

    Une dynamique de mtropolisation autour du bassin mditerranen

    La croissance urbaine dans les pays des rives sud et est de la Mditerrane sopre selon un principe de mtropolisation. Celle-ci est la conjugaison de deux processus indissociables : dune part, l'chelle internationale, les agglomrations sinscrivent dans un rseau mondial de mtropoles et dautre part, l'chelle locale, elles se restructurent tout en largissant leur primtre. Les territoires priphriques des grandes agglomrations surbanisent, entranant l'absorption des villes proches du centre mtropolitain.

    Ce processus, directement li la mondialisation, est caractris par un accroissement du poids des plus grandes agglomrations dans la hirarchie urbaine des pays, qui en mme temps largissent leur aire urbanise. Selon les prospectives des Nations Unies, sur les rives sud et est, on devrait compter plus de 25 agglomrations millionnaires en 2025.

    123456789

    101112131415millions

    Le C

    aire

    Ista

    nbul

    Mad

    rid

    Bar

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    ne

    Alex

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    ie

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    Rom

    e

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    Tel A

    viv

    - Ja

    ffa

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    nes

    Alep

    Mila

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    Alge

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    Izm

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    Nap

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    Aix-

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    Lyon

    Adan

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    Sofia

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    Gaz

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    ep

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    Ha

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    e -

    Can

    nes

    Mar

    rake

    ch

    Toul

    ouse

    Ham

    ah

    1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020 2025

    Figure 4 : volution des agglomrations mditerranennes de plus dun million habitants en 2015 4

    4. Source : UN statistical division

  • 18

    Cette croissance des aires urbaines, qui se fait principalement le long du littoral et des axes routiers, demeure largement non planifie. Selon les pays et les agglomrations, entre 30 et 70 % des citadins ne parviennent construire leur logement quen recourant des filires informelles [Sylvain HOUPIN Plan Bleu, 2010]. Dans de nombreux pays, il nexiste pas dautorits locales en mesure de rguler ce phnomne. Gnralement, le primtre dactions est plus vaste que celui des collectivits locales et la coordination reste limite. Par ailleurs, malgr les lois de dcentralisation que ces pays ont pu connatre, lEtat et ses services dconcentrs conservent lautorit sur la gouvernance des villes. La croissance des grandes agglomrations mditerranennes interroge ainsi les schmas de gouvernance mtropolitaine.

    Une forte croissance conomique

    Les niveaux de Produit Intrieur Brut (PIB) dans le pourtour mditerranen sont trs varis. Les pays de lUnion europenne prsentaient en 2010 des niveaux de PIB suprieurs 25 000 $ par habitant en parit avec le pouvoir dachat. Le Liban, la Turquie et la Syrie se situent un niveau proche de 10 000 $ par habitant ; tandis que les autres pays tudis ont un PIB infrieur 5 000 $ par habitant.

    La crise conomique de 2008 a eu un impact important sur lconomie des pays de la zone euro, tandis que les pays du sud et de lest semblent avoir mieux rsists. Toutefois, les rvolutions en Tunisie et en Egypte ainsi que linstabilit politique en Libye et en Syrie ont un impact consquent sur les dynamiques de croissance de ces pays.

    39 617

    28 278

    2 9525 380

    15 566

    4 414

    2 126

    10 653

    33 069

    9 143

    3 155

    4 414

    4 150

    22 37722 377

    Figure 5 : Niveaux de PIB/habitant (2012)5

    5. Source : UN statistical division

  • 19

    1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

    Algerie

    LibyeMarocTunisieJordanieLibanSyrieTurquieGrceItalieEspagne

    Egypte

    France

    PIB ($)/habitantPPA

    10 000

    15 000

    5000

    20 000

    25 000

    30 000

    35 000

    40 000

    45 000

    Figure 6 : Evolution du PIB/habitant6

    Le processus de motorisation en cours

    Le dveloppement du secteur routier est communment considr comme un vecteur de dveloppement. Dune part, il contribue aux dsenclavements des territoires et offre de nouvelles opportunits conomiques travers le renforcement de laccessibilit. Dautre part, il est considr comme un moteur de la croissance conomique par son poids en matire dinvestissement et de consommation.

    Dans de nombreux pays, on observe des initiatives politiques destines soutenir la consommation (et donc la croissance conomique) en favorisant lquipement des mnages (accs au crdit, matrise du prix des carburants, etc.). On peut citer les programmes de voiture populaire lanc en Tunisie et au Maroc dans les annes 1990.

    La corrlation entre le niveau de PIB/habitant et le taux de motorisation est prsente sur le graphique ci-dessous. Autour de lenjeu du dveloppement conomique des pays du sud et de lest du bassin mditerranen, on peut sinterroger sur la dynamique en matire de motorisation : constatera-t-on un rattrapage par rapport aux pays de lUnion europenne ?

    Les prix des carburants jouent un rle important dans le dveloppement de lautomobile. Plusieurs pays de la rgion sont producteurs de ptrole : l'Algrie, la Libye, l'Egypte et la Syrie. Ils maintiennent un niveau de prix bas qui encourage lusage des vhicules motoriss. Certains pays importateurs peuvent, quant eux, mme subventionner le prix de lessence afin de rduire limpact de lvolution des prix internationaux sur le pouvoir dachat.

    6. Source : UN statistical division

  • 20

    100

    200

    300

    400

    500

    600

    Voitures/1000 habitants

    10 000 15 000 20 000 25 000 30 000 35000 40 000 450005 000

    France

    Italie

    EspagneGrce

    Libye

    Turquie

    Jordanie

    TunisieAlgrieMaroc

    EgypteSyrie

    Figure 7 : Corrlation entre le PIB / habitant et le taux de motorisation en 20097

    Turq

    uieGr

    ce

    Italie

    Fran

    ce

    Espa

    gne

    Maro

    c

    Jord

    anie

    Liban

    Syrie

    Tunis

    ie

    Egyp

    te

    Alg

    rieLib

    ye

    Super

    Diesel

    0

    0,2

    0,4

    0,6

    0,8

    1

    1,2

    1,4

    1,6

    1,8

    2

    Figure 8 : Le prix des carburants en Mditerrane en 20148

    7. Source : UN data 8. Source : http://gasoline-germany.com, donnes 2014

    http://gasoline-germany.com, donnes 2014

  • 21

    La politique de la Turquie est souligner ce sujet. Les prix la pompe sont les plus levs de la zone. Le niveau de taxation, suprieur celui des pays de lUnion europenne, ne semble pas nuire la dynamique conomique du pays. Ce choix politique rend, de fait, les modes alternatifs plus attractifs. Il est probablement un facteur explicatif du dcrochage de la Turquie par rapport la corrlation prsente ci-dessus (figure 7) entre le PIB et le taux de motorisation.

    582

    593

    90

    164

    682

    177

    47

    119

    297(2007)

    73(2010)

    130

    580

    Figure 9 : Motorisation des pays mditerranens, en vhicule par habitant (2011)9

    1.2 La transformation de la mobilit des personnes

    La croissance dmographique, le dveloppement urbain et la croissance conomique se traduisent par une forte augmentation du nombre de dplacements urbains. Dans les villes en dveloppement, on compte entre 0,6 et 1,2 dplacement par personne et par jour. Ce qui est particulirement faible par rapport aux villes europennes o la moyenne est suprieure 3. Trop peu denqutes sont ralises dans les agglomrations des rives sud et est pour pouvoir valuer les tendances mais les perspectives conomiques laissent imaginer une augmentation des motifs de dplacements. La motorisation et laugmentation de loffre de transport collectif multiplient les opportunits.

    9. Source : UN data

  • 22

    Par ailleurs, la dynamique de mtropolisation des territoires se traduit par une dissociation des zones demploi et dhabitat qui engendre une augmentation notable des distances de dplacements. Ce phnomne donne lavantage aux modes de transport motoriss et flexibles. Ainsi, les voitures et le transport collectif artisanal simposent dans les nouvelles configurations urbaines.

    La marche en dcroissance

    Dans toutes les villes des rives sud et est, la marche reste le moyen de dplacement dominant chez les populations urbaines. Les parts modales de la marche se situent entre 30 et 50 % selon les agglomrations. Toutefois elle ptit fortement de la motorisation. Tout dabord, laccessibilit pitonne est diminue par laugmentation des distances gnres par la mtropolisation. Ensuite, les modes actifs sont bien souvent ignors par les pouvoirs publics en charge des dplacements urbains. Les routes nouvellement construites ne prvoient que rarement des traverses scurises, et rares sont les carrefours o lon donne la priorit aux pitons.

    Ainsi, les pitons sont simplement invits sadapter aux flux de vhicules motoriss, leurs risques et prils. La concentration des flux en milieu urbain se traduit par des risques daccidents routiers plus levs. Les premires victimes sont les populations ayant les revenus les plus modestes qui peuvent parcourir de longues distances pied pour limiter leurs dpenses.

    Des transports collectifs institutionnels en crise

    Dans beaucoup de villes de la Mditerrane, les transports collectifs urbains noffrent pas une qualit de service suffisante pour sduire les citadins. Les rseaux institutionnels de transport collectif ne parviennent pas rpondre une demande de mobilit beaucoup plus diffuse du fait de lextension et du fractionnement urbain.

    Sur certains axes, les capacits de transports collectifs sont insuffisantes. Les vhicules surchargs rduisent lattractivit de ces lignes, gnralement empruntes par des voyageurs nayant pas dautre choix.

    Les bus subissent par ailleurs trs fortement la congestion routire. Coincs dans le trafic, ils ne peuvent offrir aucune garantie pour ce qui est du temps de parcours ni de frquence aux arrts.

    Dans les territoires priphriques, les transports collectifs ne peuvent pas dvelopper une offre suffisamment flexible pour rpondre aux besoins des habitants. Dans ce contexte, la condition financire des entreprises de bus devient de plus en plus mauvaise. Nayant aucun moyen de faire face aux volutions, certaines ont tout simplement disparu. Les transports collectifs gardent alors une image ngative et leur usage se limite aux populations captives.

  • 23

    Le transport artisanal en croissance

    La carence de loffre en transports publics institutionnels et lurbanisation spontane observes dans les priphries des villes des rives sud et est ont bnfici au dveloppement des transports collectifs artisanaux.

    Selon Xavier Godard, Le transport artisanal dsigne lexploitation une chelle individuelle de vhicules de transport public dont la proprit est atomise, c'est--dire rpartie entre de nombreux propritaires. Cette exploitation peut sintgrer dans des rgles collectives plus ou moins contraignantes labores par des organisations professionnelles. Il peut y avoir une certaine concentration de la proprit, de sorte que le cur de la dfinition doit reposer sur les modalits dexploitation des vhicules dont la responsabilit est confie largement au chauffeur, qui apparat aussi comme un gestionnaire de terrain dans les cas nombreux o ce nest pas le propritaire qui conduit son vhicule.

    Ces transports privs sont gnralement des vhicules de faible capacit : automobile utilise en taxi individuel, moto-taxi (1-2 places), tricycle (3-8 places), taxi collectif (4-6 places), microbus (9-15 places), minibus (16-25 places), midibus (25-45 places).

    Toutefois tant donn le nombre de vhicules concerns, ils constituent une offre trs importante dans les agglomrations en dveloppement. Ils parviennent rpondre aux besoins de mobilit des populations nayant pas de ressources suffisantes pour acqurir un vhicule. Dans certaines villes, ils assurent plus de 50 % des dplacements motoriss. Le transport artisanal se dfinit principalement par le mode dexploitation des vhicules dont la responsabilit est confie au conducteur. La proprit des vhicules est souvent atomise, tandis que la coordination entre les conducteurs peut se faire via des organisations professionnelles .

    Cette offre reprsente un secteur socio-conomique de premier ordre pour les villes. Cependant, elle contribue laugmentation du trafic et la congestion. Ces vhicules, bien souvent vtustes, reprsentent galement une part consquente des missions de polluants.

    1.3 La croissance du trafic de marchandises

    Le dveloppement conomique implique mcaniquement un dplacement de biens s'inscrivant dans une chane logistique forme d'oprations plus ou moins nombreuses, plus ou moins codifies : transfert d'informations, gestion des stocks, conditionnement du produit, transport d'un lieu un autre, groupage / dgroupage, vacuation des dchets rsiduels, etc.

    La motorisation du transport de marchandises contribue la croissance conomique, mais lenvironnement urbain contraint les dplacements et engendre des problmes de congestion et de pollution. Selon Daniel Boudouin, Directeur de Jonction CRET-LOG, les vhicules qui acheminent les marchandises (y compris ceux qui appartiennent aux particuliers) reprsentent environ 20 % de l'occupation de la voirie. Toute augmentation des contraintes renchrit ce montant et contribue l'affaiblissement des commerces des centres anciens.

  • 24

    L'ensemble des activits lies la circulation des marchandises reprsente de 6 8 % des emplois. Ces derniers participent pleinement la vitalit urbaine et un quart d'entre eux sont directement lis la desserte des zones denses.

    Le trafic li au transport de marchandises est un enjeu majeur pour les villes mditerranennes. Lactivit portuaire dans la plupart des grandes agglomrations accentue lenjeu de lorganisation de la logistique urbaine, particulirement dans les centres historiques. Le transport de marchandises est prendre en considration dans tout schma d'organisation des flux.

    1.4 Les consquences associes la motorisation

    La congestion : symptme d'une motorisation rapide

    Les rythmes de croissance des parcs de vhicules dans les grandes agglomrations peuvent parfois tre deux chiffres. Au niveau national, sur la priode 2005-2010, tous les pays du sud et de lest de la Mditerrane ont vu leur parc crotre de plus de 6 % par an. La Syrie affichant mme une croissance de 16 % par an sur cette priode. Lexplosion du nombre de vhicules en circulation ncessite dune part une organisation du trafic et dautre part une gestion plus large de la mobilit.

    En effet, laugmentation de la flotte de vhicules motoriss gnre trs rapidement des phnomnes de congestion. Celle-ci est un symptme de linadquation entre loffre de voirie en matire d'amnagement et d'exploitation et son usage. La rponse durgence est gnralement la construction de nouvelles infrastructures qui permettent de dsengorger les axes saturs. Toutefois celles-ci se trouvent rapidement sujettes leur tour aux embouteillages.

    En fait, comme le montre le graphique ci-dessous, une forte densit automobile nest pas lunique raison dune congestion chronique. Parmi les villes slectionnes, Barcelone a une densit automobile six fois plus leve quAlger ou Istanbul, mais les embouteillages ne sont pas pour autant six fois plus importants.

    La congestion n'est ainsi pas simplement due au nombre de vhicules en circulation mais est aussi le rsultat dune gestion de la voirie inefficace qui peut avoir des raisons multiples : un rseau viaire mal structur qui donne lieu des goulets dtranglement, une mauvaise gestion du trafic automobile, un manque dorganisation du partage de la voirie entre les modes, des rgles de circulation inxistantes ou pas respectes, des taxis artisanaux qui sarrtent de manire anarchique, une mauvaise gestion des accidents, etc.

  • 25

    Istanbul Le Caire Tunis Alger Tanger Alep Barcelone(AMB)

    2238 313

    84

    3273

    920

    102

    94

    100

    382

    590 50 1263 1114170

    470Densit de population (hab/km2)

    Taux de motorisation (Veh/1000h)

    Densit automobile (Veh/km2)

    134

    38965

    3826

    85 88

    1959

    Figure 10 : Motorisation des pays mditerranens, en vhicule par habitant (2011)10

    La scurit routire

    Le graphique ci-dessous prsente les chiffres recueillis par les Nations Unies concernant la scurit routire. Il montre que les pays du sud et de lest qui ont les plus faibles taux de motorisation sont ceux qui connaissent le plus fort taux daccidents mortels rapports au nombre de vhicules en circulation. Les principaux facteurs d'accidents de la route sont : la vitesse, l'alcool et la drogue, l'organisation de la circulation, le respect du code de la route, ainsi que le port du casque sur les deux-roues ou de la ceinture de scurit dans les autres vhicules.

    Les usagers de la rue les plus vulnrables, c'est--dire les pitons et les deux-roues (motoriss ou non), sont les principales victimes des accidents. Labsence dinfrastructures adaptes pour ces usagers ainsi que le non-respect de la rglementation, autant de la part des conducteurs que des pitons et usagers des deux-roues, sont parmi les facteurs les plus significatifs [CODATU et partenaires, 2008]11.

    Ce non respect des usagers des modes actifs instaure un cercle vicieux : on prend sa voiture pour se dplacer en scurit, augmentant ainsi le trafic et dgradant la scurit routire, ce qui pousse de plus en plus prendre sa voiture.

    10. Source : Plan Bleu 11. CODATU, Ministre franais de lcologie, du Dveloppement Durable et de lnergie, La

    Banque Mondiale, KNA-MENA, MedCits : Les dplacements urbains en Mditerrane. Guide de Recommandations. Travaux issus du Sminaire Rgional sur les Dplacements Urbains en Mditer-rane Skhirat, janvier 2008

  • 26

    Turq

    uieGr

    ce

    Italie

    Fran

    ce

    Espa

    gne

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    cLib

    anSy

    rie

    Tunis

    ie

    Egyp

    teLib

    ye

    Nb de dcs

    Nb de vhicules

    0

    5

    10

    15

    20

    25

    30

    35

    100

    200

    300

    400

    500

    600

    700

    800

    Vhicules/1000 habitants

    Dcs/1000 vhicules

    Figure 11 : Accidentologie et taux de motorisation12

    La scurit des dplacements est une proccupation majeure qui ne peut tre nglige. Elle est un des lments cls dune politique de mobilit durable : la scurisation et la continuit des infrastructures facilite l'usage des modes actifs. Le choix des transports collectifs est galement facilit par lamnagement de cheminements vers les arrts, stations ou gares o lattente des voyageurs doit elle aussi tre scurise.

    De plus pour la collectivit, linscurit reprsente : Un cot conomique : cots mdicaux (service de transport sanitaire

    et de premiers secours, cots des soins, cots funraires, etc.) ; cots matriels (dommages occasionns aux vhicules, dommages occasionns au domaine public, dommages matriels, etc.), cots de carburants supplmentaires, frais de justice et de police, perte de production future ou temporelle des tus ou invalides, perte de productivit, etc. ;

    Un cot environnemental : dommages causs lenvironnement, pollutions dues la congestion du trafic suite un accident ;

    Un cot temporel : le traitement dun accident peut ralentir ou arrter le trafic routier ou des transports de masse en site propre (congestion, dgradation du service, rclamation auprs des autorits comptentes traiter, etc.) ;

    Un cot social : prjudice moral, perte de revenus dans le mnage, chmage, etc.

    Des solutions simples peuvent tre apportes pour amliorer les conditions de scurit. La premire est la rduction des vitesses de circulation (au Maroc et en Egypte, la vitesse maximum en ville est de 60 km/h tandis quelle est de 50 km/h dans les autres pays). Ensuite, il est ncessaire de ddier une partie de lespace public aux pitons en amnageant des trottoirs, mais galement aux cyclistes, en

    12. Donnes 2007 : UN Global overview on road safety

  • 27

    dveloppant un rseau de bandes ou pistes cyclables. Enfin, la gestion du trafic et en particulier des intersections doit prendre en compte les pitons au niveau de l'amnagement (quantit et qualit des traverses pitonnes) et de l'exploitation (feux pitons, minimisation des conflits avec les flux pitons, etc.).

    Les impacts environnementaux

    Les conditions topographiques du pourtour mditerranen prsentent un ensemble de facteurs favorisant la formation dozone (relief, climat chaud et sec, proximit du dsert, temps anticyclonique calme pouvant engendrer un dme de pollution, etc.) et aggravent la pollution locale.

    Sur le long terme, de nombreux problmes de sant peuvent apparatre chez des populations jusqualors non considres comme fragiles (apparition dallergies, augmentation des personnes atteintes dasthme, etc.) et peuvent aggraver celles dj fragilises : hospitalisation pour causes respiratoires et cardio-vasculaires, bronchites, attaques dasthme, etc. Les effets sur la sant saccroissent en fonction des concentrations des polluants et la dure dexposition. Cependant, la prise de conscience des enjeux sanitaires lis la qualit de lair et la concentration de particules fines mises par les moteurs nergie fossile est encore limite dans les villes des rives sud et est.

    La vtust des parcs automobiles, bus et taxis collectifs dans les villes mditerranennes est un facteur aggravant des missions de polluants. Des amliorations sont observes en raison dun renouvellement progressif des parcs de vhicules, notamment par ladoption de normes svres (exemples : Istanbul a adopt les normes europennes dmission EURO ; Le Caire incite les taxis rouler au gaz naturel ; les bus algriens roulent peu peu au GPL, etc.). Nanmoins, les progrs technologiques ne pourront constituer lunique levier des politiques publiques pour rduire la pollution due aux transports en zone urbaine.

    Outre la pollution locale, la consommation de carburants par les vhicules contribue au drglement climatique. Seuls les pays industrialiss ont pour linstant pris des engagements contraignants dans le cadre des accords internationaux sur le climat. Toutefois, cette question devient de plus en plus prsente pour les dcideurs et les bailleurs de fonds. Dans de nombreux pays, le transport devient un des secteurs les plus proccupants et les impacts attendus en Mditerrane invitent une prise de conscience des populations et des pouvoirs publics.

    Les villes sont toutefois confrontes un manque de disponibilit des donnes concernant les missions de gaz effet de serre. Si ces donnes existent, elles ne couvrent, bien souvent, pas lensemble du territoire pertinent et elles ne font non plus lobjet dune production rgulire. Il a t not que les lments fondamentaux de connaissance font gnralement dfaut aux praticiens locaux dans la conception comme dans lvaluation des plans et programmes sectoriels.

  • 28

    1.5 Le besoin de politiques de transport afin de rduire la dpendance l'automobile et ses consquences

    Comme la expliqu Marc LE TOURNEUR pendant le sminaire de Marseille , dans les annes 1950 jusquaux annes 1970, on a cherch adapter les villes europennes la voiture individuelle, grands renforts dinvestissements au nom du progrs et du dveloppement conomique (pntrantes, rocades, parkings, etc.). Des rseaux de transports collectifs dgrads ont t abandonns au profit de la voiture ; dautres ont t supprims par de vastes oprations de fermeture et de dmantlement. En France comme en Espagne, quasiment tous les rseaux de tramways avaient disparu avant la fin des annes 1970. Seules quelques grandes villes italiennes ont conserv des rseaux.

    Depuis les annes 1980, les mmes villes, qui avaient abandonn leurs rseaux collectifs, reviennent en arrire en ramnageant leur tissu urbain en intgrant des lignes fortes (tramways, Bus Rapid Transit) et des amnagements pour modes actifs, toujours grands renforts dinvestissements. Les politiques de dveloppement durable prolongent cette tendance en laissant toujours plus de place aux modes non motoriss et au transport collectif, tout en rgulant le plus possible lusage de lautomobile, particulirement dans les centres urbains o les politiques de mobilit se conjuguent avec celles de sauvegarde du patrimoine. Ces politiques portent petit petit leurs fruits dans les agglomrations ayant initi ce changement dorientation.

    limage de lhistoire rcente des agglomrations de la rive nord, la dynamique de motorisation pourrait ancrer les villes des rives sud et est dans le cercle vicieux de la dpendance lautomobile : la ville se structure travers la dynamique de motorisation de masse ; laire urbaine devient diffuse et les territoires sont amnags au profit de lautomobile ; lattractivit des transports collectifs et des modes actifs devient rduite.

    linverse, les politiques de mobilit durable visent permettre une organisation urbaine efficiente et un certain quilibre dans lusage des modes de dplacement. Ces politiques permettent de structurer la ville autour des modes de transport durables et de rguler le trafic automobile. Dun point de vue conomique, lenjeu pour les villes en dveloppement est doptimiser les investissements au cours des dcennies venir en vitant de passer par une phase de sur-motorisation comme en Europe.

    Les villes du nord mnent depuis longtemps des politiques de mobilit qui sont autant dexpriences intressantes pour leurs homologues du sud. La proximit culturelle et gographique en Mditerrane doit permettre de faciliter le transfert de connaissances pour que les villes du sud dveloppent leurs propres systmes de mobilit durable. Par ailleurs, certaines expriences des villes du sud dmontrent la faisabilit de la mise en uvre de politiques de transport adaptes aux contextes locaux.

  • 29

    Les politiques publiques de mobilit soulvent ainsi de nombreuses questions relevant des enjeux du dveloppement durable : comment rendre les villes plus accessibles et moins congestionnes ? Comment rduire les missions polluantes et la pression sur les ressources naturelles ? Comment prserver la sant publique, la qualit de vie ? Comment tenir compte des questions de cohsion sociale ? Comment amliorer lespace public ?

    Toutefois, l'exprience montre que les solutions techniques ne suffisent pas pour initier une rorientation en faveur d'une mobilit plus durable. Pour que ces mesures rpondent avec succs aux enjeux identifis, il s'avre absolument ncessaire de dfinir les conditions pour une bonne gouvernance de la mobilit urbaine et le schma institutionnel correspondant. Quelle est lautorit comptente pour rgir les dplacements urbains ? De quelles comptences doit-elle disposer, notamment en matire durbanisme ? Quel est le bon primtre pour laction publique ? Quels sont les modes de dplacements concerns ? Quelles relations entretenir avec la multitude dacteurs impliqus ? Quels sont les moyens mis disposition ?

    Le succs des politiques de mobilit urbaine des pays mditerranens dpend des schmas de gouvernance qui ont ainsi t mis en place pour rpondre aux enjeux du dveloppement urbain durable.

    La dmarche de planification stratgique qui conjugue perspectives de long terme et objectifs de moyen terme suppose lexistence dune entit institutionnelle porteuse reconnue. De plus, une coordination est ncessaire entre les diffrentes chelles territoriales (ville, mtropole, rgion) pour une planification efficace des transports, suivant les comptences locales. Les grands projets de transport collectif sont essentiels dans la mise en uvre de la planification. Ils doivent toutefois tre dvelopps en cohrence avec la stratgie de dveloppement urbain et sintgrer dans un schma global de dveloppement du systme de transport public.

    _Chapitre 2 Gouvernance et planification pour une mobilit urbaine durable

  • 30

    2.1 Des modes de gouvernance qui ne semblent pas en mesure de rpondre aux exigences d'une gestion

    urbaine durable

    Les modes de gouvernance des territoires urbains des villes des rives sud et est, tout comme certaines de la rive nord, ne semblent pas toujours en mesure de rpondre aux exigences dune gestion urbaine durable de la mobilit. Dans beaucoup dagglomrations, aucune institution nest en mesure de mener une politique de transport permettant de planifier le dveloppement des rseaux de transport et dorganiser les dplacements lchelle mtropolitaine.

    On retrouve, selon les cas, les lments explicatifs suivants : Une intervention de ltat encore trop forte dans les villes

    mditerranennes malgr un processus de dcentralisation progressive ; Une organisation et un dcoupage administratifs dconnects du

    fonctionnement rel du territoire ; Un manque de coopration intercommunale pour former une unit

    politique mtropolitaine, alors que ltalement urbain dpasse les frontires de la commune centrale ;

    Un primtre de transport urbain parfois non dfini ; Des instances de coordination nayant pas (ou peu) les pouvoirs suffisants

    pour exercer leur autorit ; Une multiplicit dinstitutions publiques ou prives avec, parfois,

    des chevauchements de comptences qui engendre une faible rgulation du secteur. Celle-ci gnre par ailleurs des conflits entre cultures professionnelles avec des effets de divergences de stratgies dinterventions mais aussi de concurrence ;

    Des amnagements transports domins par des logiques oprationnelles et techniques sur une chelle micro-locale, et non par une logique territoriale et intgratrice pour une gestion urbaine durable.

    La mise en place dautorits en charge des transports urbains est une ncessit pour une majorit des agglomrations mditerranennes. Il y a de toute vidence un besoin dorganisation et de rgulation des transports urbains dans les villes de la rgion.

  • 31

    Comment assurer une gouvernance en faveur des dplacements urbains durables ? Quelles autorits pour porter les politiques de transports urbains ?

    La restructuration des modles de gouvernance existants et/ou la cration dune nouvelle autorit de transport peuvent se rvler difficiles et se heurter un certain nombre dobstacles politiques, institutionnels ou juridiques importants. De nombreuses questions doivent tre prises en considration par les dcideurs sils souhaitent crer une autorit de transport efficace dote de comptences bien dfinies, compatibles avec le contexte historique et socio-conomique local de la ville, de la rgion ou du pays considr, prcise Mohamed MEZGHANI UITP13. Lautonomie est une condition pralable ncessaire pour traiter efficacement les problmes locaux ou rgionaux. Elle est obtenue grce un niveau suffisant de dcentralisation. Le transfert de pouvoirs et de responsabilits concernant les questions locales ou rgionales du gouvernement national vers les autorits locales ou rgionales permettra une meilleure comprhension et une meilleure assimilation de la situation tout en insufflant le sens des responsabilits aux acteurs locaux ou rgionaux, lesquels sont de loin les plus concerns par la mobilit dans leur zone. Au niveau local, il importe de doter lautorit de transport de lautonomie et du pouvoir ncessaires pour la protger contre les volutions politiques et structurelles majeures et pour assurer sa prennit.

    Ainsi selon, Safak HENGIRMEN (SUMPA-MED) et Bernard CORNUT (ADEME) , les autorits organisatrices de transport permettent de dvelopper :

    Une vision globale de long terme des dplacements ; Une planification du territoire lchelle mtropolitaine, au-del des

    simples limites administratives ; Une coordination des actions entre les diffrents chelons administratifs ; La mise en place dun systme de transport intgr ou la coordination des

    offres de services bus, tramways, mtros, le ferroviaire, etc. qui permet une intgration tarifaire et une information multimodale ;

    La mise en uvre dune politique de stationnement adquate ; Un dveloppement de loffre quilibre sur le territoire mtropolitain ; Une articulation entre politique de dplacements et politique de

    dveloppement urbain ; Une matrise douvrage lgitime dote de moyens financiers suffisants et

    prennes afin de disposer dun bon niveau de technicit en interne et de faire autorit auprs des partenaires privs.

    Le schma ci-aprs reprsente les diffrents enjeux lis au transport. Ce sont autant de domaines de comptences qui peuvent tre confis une autorit organisatrice de transport. Ainsi, une autorit publique peut tre constitue simplement pour la rgulation de loffre de transport collectif, puis voir ses comptences largies la coordination de lensemble de loffre de services lchelle mtropolitaine. Mais on peut galement confrer cette institution un rle dans la gestion de lensemble des dplacements et, au-del, lui donner pour fonction la planification des dplacements et larticulation avec la politique de dveloppement urbain.

    13. Mohamed MEZGHANI UITP : Quelles autorits pour porter les politiques de transports urbains ? , 2011

  • 32

    Transports urbains Politique de mobilit urbaine Trafic et stationnement Logistique urbaine Modes intgrs

    Dveloppement urbain Transports intgrs et planification urbaine

    March global des transports publics Services de Mobilit Organisation du march informel Taxis

    Transports publics rguls Accs la profession Cadre rglementaire Suivi de qualit Obligation de service public Tarifs et billettique Contrats de service Normes techniques Promotion et information Dfinition du rseau et des services requis

    Figure 12 : Champs dintervention des autorits organisatrices (Mohamed MEZGHANI - UITP)14

    Certains pays se sont rcemment dots dinstitutions destines la gouvernance de la mobilit urbaine. Ainsi, au Liban, plusieurs projets de lois ont t labors afin de crer une autorit organisatrice au niveau national avec des dclinaisons pour les grandes agglomrations. Toutefois, lautonomie de ces dclinaisons resterait limite et contrle. En Jordanie, une Commission Rgalienne du Transport Terrestre a t cre en se basant sur une loi promulgue pour lorganisation des transports urbains et interurbains.

    Comment mettre en place des financements prennes pour un bon fonctionnement des politiques de transports urbains durables ?

    Une autorit organisatrice de transport doit disposer de ressources consquentes pour acqurir un bon niveau dexpertise afin de planifier la politique de transport, coordonner les acteurs et gouverner les rseaux.

    Un systme de transport collectif suppose des investissements consquents pour rpondre la demande de dplacements (politique dinvestissements) et des capacits financires suffisantes pour financer lexploitation, la maintenance et le renouvellement des infrastructures et du matriel roulant. Il est donc essentiel de garantir un mode de financement prenne. Selon Rami SEMAAN LEB15, un manque de ressources affectes se traduit par un dsquilibre chronique de financement en faveur des modes individuels et dun manque dinvestissements dans des projets structurants de long terme.

    14. Mohamed MEZGHANI UITP : Testimonials from International Association of Public Trans-port (UITP) , 2011

    15. Rami SEMAAN LEB : Planification des Transports Urbains lEst , 2011

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    Ensuite, dans les villes des rives sud et est de la Mditerrane, les recettes tarifaires ne permettent pas de couvrir les dpenses dexploitation des oprateurs de transport collectif. Ce dficit dexploitation est li essentiellement une tarification inadapte conjugue labsence de participation des secteurs conomiques aux recettes, dune part, et une gestion inefficace dautre part. Des subventions permettent gnralement dquilibrer les budgets dexploitation. Toutefois, elles sont ralises sous un volet social, qui renforce limage ngative des transports collectifs. Enfin, les oprateurs privs interviennent sur les axes rentables, compliquant davantage le dveloppement dune logique de rseau lchelle mtropolitaine.

    Lexemple des pays du nord donne aux pouvoirs publics un rle de contributeur essentiel au financement des transports collectifs urbains. Toutefois ce financement par limpt prlev sur les mnages et les entreprises ne doit pas tre la seule ressource financire des autorits organisatrices. Mateu TURRO (Universit Polytechnique de Catalogne) et Graldine BONNET (CERTU) ont propos diffrentes pistes de financement pour les Autorits Organisatrices de Transport en Mditerrane. Pour aller plus loin le lecteur peut se reporter louvrage de CODATU Qui paie quoi en matire de transport urbain?.

    Tout dabord, la contribution des usagers des transports collectifs est essentielle pour le financement des rseaux. Cela implique davoir une politique tarifaire qui peut intgrer une dimension sociale (avec des rductions pour les mnages faibles revenus, handicaps, sniors, tudiants, familles nombreuses, etc.), et prvoir une dimension commerciale (pour sduire une nouvelle clientle par la qualit de service et le dveloppement de loffre, etc.). Pour tre efficace, la politique tarifaire doit tre accompagne dune lutte contre la fraude. Les exemples de certaines villes en Amrique Latine prsents par Jorge REBELO de la Banque Mondiale montrent quil est possible de couvrir les cots dexploitation des rseaux uniquement par la contribution des voyageurs.

    En faisant appel aux employeurs pour financer les trajets de leurs employs, il est possible de renforcer laccessibilit financire au rseau. En France, les entreprises doivent rembourser 50 % de labonnement transports collectifs des salaris. Au Brsil, les bons Vale Transporte utilisables dans les transports collectifs publics sont pays par lentreprise aux employs qui touchent les salaires les plus bas (voir encadr 1).

    Par ailleurs, la frquentation des rseaux de transport collectif peut tre valorise auprs dautres acteurs conomiques. Ainsi, la publicit (en station, sur les arrts ou sur les vhicules) peut apporter des recettes annexes.

    Ensuite, les rseaux de transport collectif peuvent tre financs par les usagers des transports individuels. Linstauration de taxes peut permettre de contribuer au dveloppement des rseaux de transport collectif tout en dissuadant lusage de la voiture. Celles-ci peuvent tre bases sur la consommation de carburants (ce fut le parti pris en Syrie o une taxe de 5 % sur les carburants est ddie au financement des transports collectifs). En Asie, dautres options existent : taxe sur limmatriculation des vhicules, sur limportation, lachat ou la possession de vhicule.

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    ENCADR 1

    Le Vale Transport brsilien :une prise en charge pour les salaris les moins aiss

    Instaur en 1987, ce bon de transport est subventionn par les employeurs qui sont tenus de payer le cot du transport de leurs employs au-del de la part de 6 % de leur salaire. Lemployeur achte des crdits transports lautorit rgulatrice de transport et approvisionne la carte de transport lectronique du salari. Il sagit dune obligation lgale valable pour lensemble des centres urbains dont bnficient en moyenne prs de 40 % des passagers des transports publics.

    0% 10%14%

    24%26%

    29%30%30%30%

    33%33%33%

    35%36%

    37%38%38%

    39%39%

    50%64%

    78%

    20% 30% 40% 50% 60% 70% 80%Niveau dutilisation

    Agg

    lom

    rat

    ions

    PALMAS/TOBELOHORIZONTE/MG

    RIO DE JANEIRO/RJSANTA MARIA/RS

    MACEIO/ALVITORIA/ES

    FORTALEZA/CEMOYENNENATAL/RN

    CAMPOGRANDE/MSFLORIANPOLIS/SC

    SOLUIS/MAPORTOALEGRE/RS

    SALVADOR/BATERESINA/PLMANAUS/AM

    CAMPINAS/SPBRASLIA/DFMACAPA/AP

    SO PAULO/SP

    Figure 13 : Part des trajets effectus laide du Vale Transporte dans les systmes de transports municipaux en 201216

    Les bons de transport sont utilisables dans les services de transport en commun urbains et interurbains faisant lobjet dune tarification dcide par lautorit organisatrice de transport. Les transports privs en sont exclus, notamment les transports artisanaux, trs rpandus dans les grandes villes brsiliennes.Le Vale Transporte est un outil essentiel pour financer les services de transport et prsente de nombreux avantages :

    il est utilis pour environ quatre trajets sur dix raliss dans les systmes de transport du pays ;

    il minimise l'impact des ajustements tarifaires pour ses usagers, puisque leurs dpenses sont plafonnes 6 % du salaire. Cest lemployeur qui les prend en charge ;

    il reprsente un instrument de justice sociale dans la mesure o seuls les plus pauvres y ont droit, au moins pour les travailleurs du secteur formel de l'conomie. Cest Braslia que lutilisation du Vale Transporte est la plus importante (68 %) car y dominent les emplois publics.

    16. Source : Association Brsilienne des Entreprises de Transport Urbain NTU. pesquisa anual sobre vale transporte 2012

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    ENCADR 1 (SUITE)

    Cependant au fur et mesure de son dveloppement certaines distorsions ont prvalu : le Vale Transporte sest transform en une vritable monnaie parallle et a fait lobjet dun march noir, notamment pour lutilisation des transports artisanaux. Le dveloppement de lutilisation des cartes lectroniques a permis de rduire sensiblement ce trafic.

    Autre inconvnient : le Vale Transporte ne concerne que des travailleurs lis l'conomie formelle. Malgr de gros progrs dans le march du travail, l'emploi formel ne reprsente toujours que 52 % de la main-d'uvre totale des six plus grandes rgions mtropolitaines du pays. Une grande part des usagers en est donc exclue.

    Malgr tout, ce systme est plbiscit par les autorits de transport et les entreprises exploitantes car il assure une fidlisation des usagers et une incitation lutilisation des services collectifs.

    Qui bnficie du Vale Transporte ?Le tarif moyen pour un titre de transport au Brsil est de lordre de 2,7 rais (0,8 ). Un salari paiera donc 35,6 par mois en moyenne pour se dplacer en comptant un aller-retour sur 22 jours, sil ne prend quun seul moyen de transport (beaucoup de villes nont pas mis en place dintgration tarifaire et cest donc plus souvent deux modes de transport par dplacement).

    Sans le bon de transport, ce cot reprsenterait 20 % des revenus dun salari gagnant le salaire minimum qui est de 203 . Grce ce dispositif, tous les salaris gagnant moins de 650 par mois, peuvent bnficier dune aide au transport. Cette catgorie de population reprsente une proportion trs importante puisque le salaire moyen mensuel au Brsil est de lordre de 403 .

    Une autre source de financement peut tre louverture de pages dinfrastructures ou de pages urbains (voir lexemple de Milan). La politique de stationnement peut galement tre mise profit du financement des rseaux. Les recettes de stationnement peuvent reprsenter des ressources non ngligeables ( Montpellier, une partie des recettes de stationnement sert financer le rseau de transports publics). Paris, le Syndicat des Transports dIle de France reoit mme le produit des amendes de stationnement.

    Lautorit organisatrice peut bnficier de lvolution positive des prix du foncier autour des axes de transport collectif. La mthode la plus simple est lanticipation de lachat de terrains qui seront alors viabiliss et amnags par les autorits puis revendus des promoteurs immobiliers suivant le concept de Transit Oriented Development (TOD).

    Ainsi la Greater Amman Municipality puise essentiellement ses ressources depuis les recettes des permis de construire. Par ailleurs, la location despaces commerciaux en stations peut tre une ressource pour lautorit organisatrice ou pour lexploitant des rseaux. A Istanbul, le centre de maintenance du mtro est financ par la construction dun centre commercial. Des mcanismes de taxation de la plus-value immobilire peuvent galement permettre dapporter des ressources substantielles. La loi Grenelle II en France a permis la mise en uvre dun mcanisme de ce type.

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    ENCADR 2

    Le Versement Transport en France : une ressource toujours croissante

    Le Versement Transport reprsente un pourcentage de la masse salariale dont la fixation est laisse lapprciation des AOT, les taux plafonds tant fixs par la loi :

    pour la rgion parisienne, depuis 2013, les taux plafonds sont de 2,7 % Paris et dans le dpartement des Hauts-de-Seine (o se situe notamment le quartier daffaires de la Dfense) ; 1,8 % dans les zones urbanises autour et 1,5 % dans les autres territoires de la rgion le-de-France ;

    dans les autres rgions de France : 2 % pour les villes de plus de 100 000 habitants ayant un rseau de transport collectif en site propre en fonctionnement ou en projet ; 1,1 % pour les villes de plus de 100 000 habitants ; 0,80 % pour les villes de moins de 100 000 habitants.

    2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011

    7000

    6000

    5000

    4000

    3000

    2000

    1000

    0

    Hors Ile-de-France

    Ile-de-France

    Figure 14 : Evolution du produit du versement transport de 2001 2011 en M17

    Le produit du VT reprsente environ 6,5 Mds en 2011 rpartit peu prs galit entre lIle de France et les autres agglomrations, avec une lgre progression en faveur des grandes agglomrations qui ont dvelopp des projets en bnficiant du VT pour les financer.

    En le-de-France o le VT reprsente 37 % des ressources du Syndicat des Transports dIle-de-France, le rendement du VT est de lordre de 263 par habitant et par an. Hors Ile-de-France, dans les douze plus grandes agglomrations, le produit du VT compte hauteur de 45 % du budget transport et reprsente en moyenne plus de 190 par habitant et par an. On estime que les administrations contribuent hauteur d'un tiers au montant total du produit du versement transport.

    17. Source : GART : Lanne 2011 des transports urbains

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    La combinaison de diffrentes sources de financement peut permettre dune part de maintenir des tarifs accessibles pour la population tout en dveloppant de nouveaux projets de transport de masse. Le fait de disposer dune ressource ddie, comme cest le cas avec le Versement Transport en France, est un atout majeur pour la politique de transport (voir encadr 2). Lautorit organisatrice a un niveau de financement garanti qui lui vite de subir des arbitrages budgtaires dont les consquences pour le systme de transport pourraient conduire labandon de projet ou larrt de services.

    2.2 Quelle planification pour quels objectifs ?

    Les dplacements sont lune des composantes importantes du fonctionnement du territoire urbain mais ils nen sont pas la seule. La planification urbaine prend en compte des enjeux environnementaux, conomiques et sociaux plus larges que ceux lis aux seuls transports.

    Un lien fort doit donc tre assur entre planification des dplacements et planification urbaine. Les systmes de transport orientent le dveloppement des villes. La forme des villes conditionne les performances des systmes de transport.

    Depuis les annes 2000, la planification stratgique est apparue dans les villes en dveloppement. Cette dmarche est porte, entre autres, par les City Development Strategies dveloppes par Cities Alliance pour aider les villes dfinir des stratgies conomiques et urbaines en concertation avec tous les acteurs du territoire.

    La planification stratgique permet de coordonner les acteurs de la ville lchelle mtropolitaine. Elle cherche dfinir des objectifs clairs qui servent de rfrence. Elle doit garantir quils ne seront pas compromis par une somme dactions locales contradictoires. Enfin elle doit permettre la mise en cohrence des projets oprationnels.

    La planification stratgique privilgie des schmas de structure simple et de lecture comprhensible, en vue dun consensus sur les objectifs et les moyens entre acteurs publics et socio-conomiques. Via des plans dactions concrets, elle peut alors cibler des sites et des projets avec un effet de levier maximum pour la convergence des investissements publics et privs. Mais la dmarche projets urbains ne doit pas se substituer lapproche stratgique : celle-ci doit en tre la vritable charpente urbaine qui les justifie et les explicite.

    Si les lignes directrices du dveloppement territorial un horizon temporel loign doivent tre clairement tablies, les schmas doivent aussi laisser une part de flexibilit entre les objectifs intangibles et ceux adaptables la conjoncture. Il faut pour cela intgrer un tableau de bord et une valuation priodique en vue dajuster les documents et leur mise en uvre.

    Lenjeu de la planification stratgique est de faire le lien entre le projet politique, la stratgie et sa mise en uvre, sans oublier le suivi et lvaluation. Elle sinscrit dans un processus continu dadaptation et de concertation permanente avec lensemble des acteurs mtropolitains.

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    Quelles volutions pour la planification des dplacements urbains ?

    Etant donne la croissance rapide en Mditerrane, anticiper lavenir est un enjeu crucial. Sil existe des exercices de planification dans la plupart des grandes agglomrations, ils ont souvent t mens sans intgrer la contrainte financire et se projettent donc des horizons lointains.

    Dans le cadre de la planification stratgique, lobjectif est darticuler la planification de long terme, ncessaire pour introduire une cohrence entre des actions qui supposent des investissements de long terme et des actions ralises des horizons plus rapprochs de 5 10 ans, dont le financement pourra tre assur.

    La planification urbaine au Maghreb est diffrente selon les pays o les plans de transports ne sont pas toujours coordonns avec les plans durbanisme : en Algrie, la planification est porte par lEtat avec diffrents plans et schmas selon lchelle territoriale. En Tunisie, le pouvoir est plus dcentralis. Il existe des plans de dplacements urbains, des rglements durbanisme et des projets stratgiques. Au Maroc, il y a une coexistence de schmas rgionaux, de schmas directeurs de Wilayas, de projets stratgiques, de rglements durbanisme et de plans de transports.

    Selon ric HUYBRECHTS, la planification dans les villes mditerranennes volue dune planification durgence une planification intgre des dplacements selon la typologie suivante :

    Une planification durgence pour rgler une crise , qui s'accompagne de la construction dinfrastructures spontanes, au risque davoir des coupures urbaines ;

    Une planification de rattrapages qui s'appuie sur de grandes infrastructures guides par les opportunits foncires et les infrastructures existantes ;

    Une planification par anticipation (extensions et transformations urbaines) qui s'articule avec une planification des transports pour guider lurbanisation (densification, centralit, extensions urbaines) ;

    Une planification intgre et participative avec llaboration de plans de dplacements urbains qui intgrent la promotion des modes actifs, le stationnement, la hirarchisation et la gestion de la voirie, les transports en commun, la tarification et intermodalit, les transports et livraisons de marchandises, la scurit routire et le management de la mobilit.

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    La participation citoyenne : comment associer la population l'laboration et la mise en uvre des politiques de transports urbains ?

    Quen est-il de la participation citoyenne dans le dveloppement et la mise en uvre des politiques de transports urbains et des projets ? Comment faire participer la population ? Quelle communication avoir ? (daprs les questions de Thierry GOUIN CERTU)

    Pour reprendre les propos de Jean-Charles CROCHET La Banque Mondiale, lexprience montre que la consultation et la participation de la population llaboration et la mise en uvre des politiques de transport urbain sont une ncessit. Car, mme si les enqutes quantitatives sont utiles pour apporter des connaissances sur les situations actuelles, ces dernires traitent mal la dimension qualitative des dplacements urbains. Des citadins confronts quotidiennement la ralit du terrain peuvent apporter ces connaissances qui manquent aux politiques de dplacements urbains.

    Nanmoins, la consultation et la participation sont difficiles et peuvent trs bien chouer, prvient Jean-Charles CROCHET. Les causes tant quil existera toujours des divergences entre les situations et les diffrents groupes de la population (les commerants, les habitants dun quartier, une association de personnes handicapes, etc.). Ces groupes chercheront dfendre leurs intrts propres avant l'intrt collectif.

    En outre, l'chec d'une dmarche participative peut aussi tre d un dficit dinformation de la population sur le projet en question ou sur les dplacements urbains en gnral.

    De fait, les projets et les enjeux sont le plus souvent mal compris et mal assimils : voix contre des projets, dolances, critiques, etc. Afin de favoriser la prise de conscience de tous de l'intrt du projet, les porteurs sont donc invits communiquer la fois sur lanalyse technique pour faciliter l'appropriation d'une vision globale qui peut tre difficile dapprhender pour lindividu et sur les rapports cots / bnfices engendrs.

    Communiquer auprs de la population au-del des projets pour sensibiliser une mobilit plus durable

    Communiquer aprs la concrtisation des projets de dplacements urbains est aussi essentiel afin de faire connatre les nouvelles dispositions mises en uvre (nouvelle organisation du stationnement, ouverture de voie verte, nouvelles lignes de transports, etc.) et sensibiliser des usagers potentiels, encore peu convaincus.

    La communication et la sensibilisation peuvent prendre diffrentes formes (campagne daffichage, ateliers, etc.) et intervenir dans des lieux divers (coles, entreprises, dans la rue, etc.). Plusieurs structures font lanalyse suivante : le message est mieux assimil par les enfants que par les adultes, les premiers pouvant entraner les seconds dans leurs bonnes pratiques.

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    ENCADR 3

    Quito, informer et faire participer le citoyen des actions ludiques pour promouvoir

    une meilleure mobilit urbaineQuito, capitale de lquateur, est situe 2 850 mtres daltitude et compte prs de deux millions dhabitants. La croissance urbaine rpond un modle expansionniste, fortement influenc par les contraintes du territoire montagnard, ce qui en fait une ville peu dense avec moins de 100 habitants / hectare en zone urbaine et une distribution des services trs ingale sur le territoire.

    Trois lignes de BRT desservent la ville du Nord au Sud avec un systme de rabattement de bus urbains et interurbains au niveau des ples dchanges. Malgr les efforts, [] il existe des difficults en matire daccessibilit pour les usagers vulnrables, dans une ville conue, hormis le Centre Historique, suivant les impratifs de la voiture , explique Sandra BONILLA. Cest dans ce contexte, quen 2007 la municipalit entreprend la rvision du Plan Directeur des Transports datant de 2002. Il nest plus question de transport, mais plutt de mobilit. On considre les dplacements des personnes et des marchandises en y intgrant les questions denvironnement et de participation citoyenne dans la planification.

    En plus de la participation citoyenne via la concertation, la gestion participative au plan de mobilit et la participation des dbats citoyens, Quito propose ses habitants, avec le soutien notamment de collectifs citoyens, des vnements tournant autour de la mobilit alternative la voiture (par exemple, avec la semaine de la mobilit ou encore le jour sans voiture ).

    En outre, tous les dimanches, laxe Nord-Sud est ddi aux circulations douces avec des activits vlos, rollers, etc. ouvertes aux enfants et aux adultes. Ces activits sont compltes par des cours de vlo pour enfants et femmes, des parcours destination des lycens et tudiants ainsi que des caravanes cyclistes pour salaris entre le domicile et le lieu de travail. Lobjectif est dinciter au transfert modal par la pratique et par ailleurs encourager l'appropriation de l'espace public par les divers usagers de la route.

    Ces actions concrtes sont renforces par une politique de sensibilisation auprs de la population, par lintermdiaire de tracts, affiches, spots, etc.

  • 41

    Cependant, pour que le message soit retenu par une population, il est conseill de sensibiliser avec une communication choc pouvant passer par une campagne dimages violentes, comme il peut tre vu pour la scurit routire, ou par une sensibilisation avec humour comme lopration Accro l'auto ? mene par les Transports Publics Vannetais (figure 15) ou Autopatch dans le rseau STAR du Grand Roanne (France).

    Figure 15 : Affiche de la campagne Accro lauto (Transports Publics Vannetais)

    Cette opration reprend les campagnes publicitaires des patchs anti-tabac. Elle a pour objectif de sensibiliser avec humour les automobilistes lutilisation des transports en commun et mettre en avant les bnfices quils peuvent en attendre. [] Pendant la dure de lopration, infirmiers et mdecins Autopatch remettent gracieusement des plaquettes de gommes mcher Autopatch composes dconomie, de srnit et dcologie, prendre en complment du traitement base de bus [ADEME, 2011]

    Suivre et valuer les documents de planification

    Situation problmatiquebesoin de planification

    Objectifs oprationnels(indicateurs)

    Rsultats(indicateurs)

    MoyensInvestissements, tarification,

    rglementation.

    Cohrence interne

    Efficacit

    Efficience

    Pertinence

    Figure 16 : Que faut-il valuer ? (schma de B. FOUCHARD CETE Mditerrane)

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    Enfin, une fois la planification mise en uvre, une valuation est prconise pour connatre les impacts par rapport aux objectifs fixs. Pour reprendre les propos de Benjamin FOUCHARD CETE Mditerrane , valuer, cest avoir des objectifs et en mesurer latteinte . En isolant les effets dune politique publique, on peut en mesurer l'impact, porter un jugement de valeur et comparer la projection et la ralisation.

    Pour que lvaluation soit consistante, elle doit sappuyer sur un appareil statistique qui permette de mesurer le quantifiable. Toutefois, elle ne doit pas ngliger les aspects plus qualitatifs. Pour cela lvaluation doit tre partenariale. Enfin, la communication autour de lvaluation est ncessaire pour valoriser tant loutil de planification que la dmarche dvaluation.

    2.3 Les grandes orientations des stratgies urbaines

    Priorits des politiques locales en matire de transports urbains

    Pour Marc LE TOURNEUR, les priorits des politiques locales en matire de transports urbains correspondent :

    Une densification de lhabitat et des activits prioritaires sur les axes des transports collectifs en site propre (matriser lurbanisation et donner lavantage aux transports alternatifs et non la voiture individuelle) ;

    Une tarification du stationnement avantageuse pour les rsidents mais dcourageante pour les dplacements domicile-travail et favorisant la rotation (dynamisation du commerce, moins demprise de lespace public par la voiture, etc.) ;

    Un dveloppement des modes actifs avec la pitonisation du centre historique, le dploiement du vlo en libre-service (gratuit pour les abonns au rseau de transports collectifs publics, tarifs attractifs pour les non abonns, etc.), le dveloppement de la location longue dure de vlos pour les tudiants et entreprises, ainsi que le gardiennage des vlos dans les parkings ;

    Une prise en compte des flux de marchandises. Les activits conomiques dune ville produisent des dplacements (logistique urbaine) : artisan en intervention, approvisionnement des entreprises, ravitaillement des chantiers, livraisons chez les particuliers, etc. sans oublier les interventions des vhicules durgence (ambulances, sapeurs-pompiers, police, gaz de ville) et le ramassage des ordures. Lorganisation de la logistique urbaine est aussi un des dfis des villes tant ce secteur implique d'acteurs, relevant du secteur priv (transporteurs, gestionnaires des stocks, industriels, commerants, etc.), du secteur public (lus, techniciens, forces de police, chambres consulaires, etc.), ainsi que la population impacte par ces dplacements (disponibilit des marchandises, livraisons domicile, bruit, etc.).

  • 43

    Le rle des projets de transport de masse dans la planification des dplacements

    De nombreuses villes de la Mditerrane ont lanc des projets de transport de masse pour rpondre une demande toujours croissante de mobilit, enrayer la congestion et garantir un environnement urbain de qualit.

    Pour Alicia CASART, le transport de masse est un engagement pour la qualit de vie, un outil urbanistique et une raison de fiert technologique. Il est aussi un lment cl pour la restructuration dun rseau de transports urbains. Linvestissement dans un systme de transport de masse catalyse plusieurs processus dinnovation et damlioration (haute frquence, intgration tarifaire, nouvelles technologies, etc.).

    Toutefois, chaque mode doit pouvoir sadapter la structure de la demande, la topographie, le contexte urbain.

    Pour une mme enveloppe budgtaire, on ne construira pas autant de kilomtres de mtro, de tramway ou de BRT. Par ailleurs, ces diffrents modes noffrent pas non plus la mme capacit de transport et ne reprsentent pas les mmes cots dexploitation. Pour viter des surinvestissements ou des sous-investissements, il est ncessaire de calibrer loffre de transport en valuant la demande en amont et de coordonner le dveloppement urbain la mise en uvre de ces systmes de transport.

    Etant donne leur porte symbolique, ces grands projets revtent une grande importance politique. Il est toutefois important que ces projets s'inscrivent en cohrence avec les dmarches de planification urbaine ou des transports. Il arrive en effet que des lignes de transport de masse soient imposes ex nihilo. Cette situation peut engendrer des difficults non ngligeables en termes dintgration et de complmentarit avec les rseaux existants. Ceci dit, globalement, la ralisation dun tramway, dun mtro ou dun BRT permet de faciliter et dacclrer la mise en uvre de certaines mesures inscrites dans un plan de dplacements urbains, qui nauraient peut-tre pas t acceptes sans le projet de transport de masse.

    La ligne de transport de masse sinscrit dans un objectif plus gnral de liaison entre la priphrie au centre, de connection entre les ples urbains et les nouveaux programmes immobiliers (bureaux, habitats, universits, stades, etc.) et damlioration du cadre de vie par la requalification de lespace public et des amnagements paysagers en grignotant de la place la voiture.

    Ainsi, des grands projets de transport participent la protection de la ville et lloignement de la voiture en centre-ville, aids par des amnagements et des planifications connexes : plan de circulation, rocade ou boulevard de contournement, zones faible trafic (zone 30, pitonisation, zone de rencontre, zone trafic limit, etc.).

    Frdrique HERNANDEZ (IUAR Aix-Marseille Universit) prvient toutefois que le transport de masse nest pas un outil vertueux en soi. En France, on associe souvent au tramway les mots magiques : modernit , cologique , urbanit , etc. Mais, le succs d'un transport de masse est fortement li son intgration au sein d'une planification globale des dplacements.

  • 44

    Bote outils pour aller plus loin

    Pour terminer cette partie concernant la gouvernance urbaine et la planification des transports, nous proposons trois lments permettant aux dcideurs des villes du sud dapprhender ces questions sur leur propre territoire. Voici deux visions schmatiques ainsi quune liste dinterrogations qui peuvent tre utiles dans llaboration dune politique de transport.

    Mthodologie "Eviter Reporter Amliorer" La Figure 17 prsente la mthodologie utilise par des experts internationaux pour apprhender les enjeux de matrise de lnergie dans le secteur des transports. Lquation prsente la fois les facteurs explicatifs de la consommation dnergie dans le secteur : la population, le nombre de dplacement par personne, les kilomtres parcourus par dplacement, la rpartition modale, le taux doccupation et lintensit nergtique des modes.

    La croissance des dplacements sur les rives sud et est de la Mditerrane est due la fois la pousse dmographique, laugmentation du nombre de dplacements et au report modal vers les modes de transport privatifs dont les taux doccupation sont gnralement en diminution. Trois options majeures complmentaires sont proposes pour rduire lintensit nergtique du secteur : viter la ralisation de dplacements, reporter les dplacements vers les modes les moins consommateurs dnergie, et amliorer lefficacit nergtique des dplacements.

    nergieMobilit

    Rpartitionmodale

    VITER REPORTER AMLIORER

    Rpartitionmodale

    Tauxdoccupation

    Intensitnergtique

    Distance dedplacement

    = x x x

    x

    xpopdpl. km

    VP

    TP

    MA

    vh.

    vh.

    vh. km

    vh. kmdpl.pers.

    pers. Tep

    Teppers.

    Figure 17 : Eviter-reporter-amliorer une mthode propose pour apprhender les dfis du secteur des transports

  • 45

    Corrlation entre formes urbaines et rpartition modale La Figure 18 quant elle reprsente les rpartitions modales en fonction de trois types de modes : les modes actifs, le transport priv et le transport public. Pour les planificateurs des transports, ce schma invite sinterroger sur le type de forme urbaine souhaite et les objectifs de parts modales viser dans les agglomrations.

    Villes mixtes

    Villes domines par le transort

    public

    0%transport

    public

    100%transport

    public

    100%transport

    priv

    0%transport

    priv100%modesactifs

    0%modesactifs

    Villes domines par les modes

    actifs

    Villes dominespar le transport

    priv

    Figure 18 : Les formes urbaines en fonction des parts modales (M. Replogle, 1992)

    Questions se poser absolument sur le cadre institutionnel et de financement des transports Enfin, pour prolonger la rflexion, nous proposons ici une srie de questions pour aider les acteurs locaux expliciter leur propre comprhension de l'environnement institutionnel de leur agglomration.

    Comme voqu prcdemment, le succs et la prennit des politiques de transport sont fortement dpendants du cadre de gouvernance et des mcanismes en place. C'est pourquoi la liste suivante invite les acteurs locaux poser un diagnostic objectif sur la rpartition des tches, des comptences et des responsabilits, sur les moyens humains disponibles (en quantit, en qualit, disponibilit, etc.), sur les moyens matriels et financiers ainsi que sur la culture de planification et de rgulation en vigueur.

    Il s'agit bien d'identifier les enjeux lis l'amlioration du cadre institutionnel ainsi que les leviers d'action potentiels pour engager les rformes modestes ou d'envergure ncessaires.

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    Les questions essentielle