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www.trends.be ÉCONOMIE ET FINANCES • 42 E ANNÉE • N°48 • 6,20 • 30 NOVEMBRE 2017 DÉCOUVREZ VOTRE BANQUE DU FUTUR PHILIPPE VOISIN CRELAN MARC LAUWERS ARGENTA MARC RAISIÈRE BELFIUS PHILIPPE MASSET DEGROOF PETERCAM ERIK VAN DEN EYNDEN ING BELGIUM DANIEL FALQUE KBC BELGIUM MAX JADOT BNP PARIBAS FORTIS leurs stratégies pour la banque de demain 7 banquiers belges dévoilent TRANSPORTS La voiture volante n’est plus un rêve ISSN 0776-3395 - P509559

TRANSPORTS - Deloitte United States...dans leur banque lorsqu’on parle d’argent (lire la suite du dossier «La banque du futur vue par sept banquiers belges»). Un avis que partage

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ÉCONOMIE ET FINANCES • 42E ANNÉE • N°48 • € 6,20 • 30 NOVEMBRE 2017

DÉCOUVREZVOTRE BANQUE DU FUTUR

PHILIPPE VOISINCRELAN

MARC LAUWERSARGENTA

MARC RAISIÈREBELFIUS

PHILIPPE MASSETDEGROOF

PETERCAM

ERIK VAN DEN EYNDENING BELGIUM

DANIEL FALQUEKBC BELGIUM

MAX JADOTBNP PARIBAS

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leurs stratégies pour la banque de demain7 banquiers belges dévoilent

TRANSPORTSLa voiture volante n’est plus un rêve

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PHILIPPE VOISINCRELAN

MARC LAUWERSARGENTA

MARC RAISIÈREBELFIUS

PHILIPPE MASSETDEGROOF

PETERCAM

ERIK VAN DEN EYNDENING BELGIUM

DANIEL FALQUEKBC BELGIUM

MAX JADOTBNP PARIBAS

FORTIS

LA TRANSFORMATION DIGITALE VA REDESSINER LE PAYSAGE BANCAIRE

La banque du futur

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Nouveaux acteurs, nouvelles technologies, nouveaux métiers… La digitalisation de l’économie

n’en finit plus de bousculer la « banque de papa ». Après les crises de 2008 et 2011,

le déluge de réglementations et les plans d’économie, l’heure est maintenant à la transformation

en profondeur des « business models ». En exclusivité pour « Trends-Tendances »,

sept patrons de banques belges se sont prêtés au jeu de l’interview et évoquent avec nous

les nouveaux séismes qui secouent le monde bancaire.SÉBASTIEN BURON

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aux bas qui pèsent sur les mar ges,révolution digitale qui accélère labaisse de fréquentation des agen ces,com portement du client qui changeextrêmement vite, challengers quiviennent contester leur monopole,poids des réglementations qui necesse d’augmenter, ouverture dumarché des paiements, gestion etprotection des données, essor del’intelligence artificielle et des

robots… Les facteurs qui conduisent les banques à repenser leur modèle ne manquent pas en cette find’année 2017.

Non seulement la faiblesse des taux d’intérêt met lecœur de métier sous pression (marge issue de la trans-formation des dépôts en crédits), mais d’autres pochesde rentabilité sont également menacées (paiements,conseil en investissement, etc.). Par les fintechs, biensûr, ces start-up qui allient technologie et finance pourproposer des services innovants; par les géants de laSilicon Valley, les fameux Gafa (Google, Apple, Facebooket Amazon); par des opérateurs télécoms commeOrange en France; etc. Quant aux clients, ils poussentles banques à s’ouvrir pour intégrer le mouvement.

Le modèle de plateforme numérique«Le comportement des consommateurs a en effet

évolué rapidement au cours des dernières années,principalement en raison de la percée du smartphoneet de la technologie numérique, situe Olivier de Groote,partner et financial services industry leader chezDeloitte Belgique. Dans tous les secteurs apparaissent

des plateformes numériques et des nouveaux écosys-tèmes (groupes d’acteurs qui se retrouvent autour d’unethématique commune utilisant les nouvelles technologies,Ndlr). Les clients sont servis de manière conviviale,rapide et à moindre coût. Les institutions financièresréfléchissent au rôle qu’elles veulent jouer dans cenouveau monde, avec quels produits et services, et avec quels partenaires, et c’est une bonne chose.»

La tendance est là, en effet. Bien là. La transformationdigitale va désormais beaucoup plus loin que la simpleversion numérique des services existants. Le smart-phone devient une vraie agence bancaire et révolutionnecomplètement l’approche des banques qui pendantdes décennies se sont contentées de proposer des pro-duits et des services de manière unilatérale au client(un compte d’épargne, un crédit-logement, une assu-rance, etc.). «Les écosystèmes deviennent la norme,poursuit Olivier de Groote. C’est clairement une nou-

velle donne pour les banques. Dans une économie tou-jours plus ouverte, de plus en plus connectée et ali-mentée par les données, chaque banque devra trouversa place. De quel écosystème voudra-t-elle faire partie?Quel sera son rôle dans cet écosystème? Une banquedoit-elle développer sa propre plateforme ou se greffersur une plateforme existante?» Autant de questionsqui taraudent aujourd’hui les banquiers. Car le mou-vement s’amplifie avec l’arrivée en 2018 de la deuxièmedirective européenne sur les services de paiement.Baptisée PSD2, cette dernière vise à corriger le marchéunique des paiements, trop peu concurrentiel carréservé jusqu’ici aux banques. Dès 2018, PSD2 obligeraen effet les banques à donner accès à des tiers auxcomptes de leurs clients. Ce faisant, elle ouvrira laporte à des acteurs non bancaires comme des Ahold-Delhaize, Google, Amazon, Facebook, qui pourraientproposer leurs propres services de paiement.

Des banques «ouvertes»Mais ce n’est pas tout. Car avec PSD2, d’autres services

pourraient également apparaître. On pense notammentaux agrégateurs de comptes, ces applis qui réunissenttous vos comptes bancaires ouverts auprès de diffé-rentes institutions financières. Merci les API, ces appli-cations programming interfaces, devenues égalementun sujet de préoccupation dans le monde bancaire.Pourquoi? Parce qu’elles sont au cœur de ce que lesspécialistes appellent l’open banking, modèle qui reposesur l’ouverture des systèmes d’information des banqueset le partage des données de leurs clients avec des tiers.Les API permettent en effet de se greffer sur les sys-tèmes d’information des banques et d’accéder ainsi

aux données des comptes ban-caires des clients (achats, pla-cements, etc.). Elles sont la cléd’un monde interconnectédans lequel, toute société peutouvrir ses métiers à d’autres.«C’est tout l’enjeu de l’open

banking qui, en donnant à d’autres le moyen de bâtirdes services à partir des leurs, met les banques en posi-tion de devenir des plateformes numériques distribuanttoutes sortes d’application via leur propre AppStore»,explique Olivier de Groote.

Qu’en sera-t-il dès lors à l’avenir des agences et desconseillers? Sont-ils voués à disparaître au profit d’ap-plications mobiles, de robots et d’hologrammes? A quoi, au juste, ressemblera la banque de demain?Pour répondre à ces toutes questions, chaque insti-tution doit partir de ses propres forces, préconise Olivier de Groote. «Cela veut dire qu’il n’y a pas deréponse ni de modèle unique, explique le consultantde Deloitte. Une banque locale fera d’autres choixqu’un groupe international. Les banques moyennesou les banques spécialisées auront également uneposition différente de celle des grandes banques géné-ralistes.» Bill Gates a-t-il dès lors raison quand il dit

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À LA UNE

Les banques sont bien placées pour continuer à jouerun rôle de premier plan car, 10 ans après la crisefinancière, les clients ont à nouveau confiance en elles.

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que «nous n’avons pas besoin de banques mais de ser-vices bancaires»? «Non, répond Olivier de Groote. Le secteur bancaire doit jouer le premier rôle en matièrede services financiers, certainement à l’avenir de façonplus ouverte avec d’autres acteurs économiques.»

Le facteur humain

Telle sont les conclusions de l’étude européenneréalisée par Deloitte sur l’avenir des banques (Bank ofthe Future) et dont nous avons pu prendre connaissanceen exclusivité. Olivier de Groote est en effet intimementconvaincu que «la technologie va à l’avenir jouer unrôle prédominant dans le secteur bancaire mais le fac-teur humain fera la différence». «Seules les banquestechnologiques survivront, mais les grandes gagnantesde la transformation digitale seront celles qui saurontjouer au mieux la carte du facteur humain, que ce soitau niveau managérial ou sur le plan de la relation avecle client», précise encore l’expert.

Pour mieux appréhender ces tendances qui vontdans les années à venir redessiner le paysage bancairebelge (et européen), nous les avons confrontées dansles pages qui suivent à la vision de sept CEO de banquesbelges, à savoir Max Jadot (BNP Paribas Fortis), MarcRaisière (Belfius), Erik Van Den Eynden (ING Belgique), Daniel Falque (KBC Belgique), PhilippeVoisin (Crelan), Marc Lauwers (Argenta) et PhilippeMasset (Degroof Petercam). De même que nous lesavons également soumises à Thierry Geerts, patronde Google pour la Belgique.

Innover ensemble

En définitive, il ressort de ces entretiens que les banques sont bien placées pour continuer à jouerun rôle de premier plan à l’avenir, notamment parceque, comme le souligne Marc Raisière, les clients ont,10 ans après la crise financière, à nouveau confiancedans leur banque lorsqu’on parle d’argent (lire la suitedu dossier «La banque du futur vue par sept banquiersbelges»). Un avis que partage Olivier de Groote quiinsiste par ailleurs sur l’innovation: «Les acteurs ban-caires belges ont tout intérêt à innover ensemble,comme ils ont prouvé savoir le faire par le passé avecBancontact et Isabel. Tout comme ils ont intérêt à s’ouvrir aux partenariats avec d’autres acteurs. Bref,les choix que poseront chacun d’entre-eux serontcruciaux pour leur futur : quel que soit le modèlechoisi, les banques devront fournir une valeur ajoutéede premier plan avec une expérience client à la foisexcellente et personnalisée.» Car comme le résumeErik Van Den Eynden, CEO d’ING Belgique, «les pla-teformes digitales deviennent dominantes. Des entre-prises comme Alibaba ou Amazon créent des placesde marché qui fonctionnent totalement autour du consommateur. Nous devons éviter que les géantsde la technologie ne s’intercalent avec leurs plate-formes entre nous et le client, repoussant ainsi les banques à l’arrière-plan. z

«Dans une économietoujours plusouverte, de plus en plus connectée et alimentée par les données,chaque banquedevra trouver sa place.»Olivier de Groote

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banking.Cette image a évolué, plus vite que prévu,vers un cylindre où les canaux digitaux sont d’oreset déjà devenus aussi importants en termes de vo-lume de contacts que les agences.Les banques sont-elles en mesure de resterpertinentes dans le monde digital ou devront-elles faire de la place à d’autres acteurs?J’estime que les banques sont bien placées pourrester incontournables dans le monde digital.Elles bénéficient de la confiance des clients quantà la bonne gestion de leurs données personnelles

tout comme ils ont confiancedans la manière dont les banquesgèrent leurs avoirs. Comme ges-tionnaires de risques, nous veil -lons à ce que les dépôts à courtterme soient réinvestis à longterme dans l’économie réelle. Lesbanques irriguent l’économie.C’est un rôle crucial que les entre-prises technologiques ne peuventpas reprendre.D’accord, mais les entreprisestechnologiques ne sont-ellespas plus rapides et plus agiles

que les banques, ce qui leur permet de mieuxrépondre aux besoins du client?Nous introduisons aussi de nouvelles façons detravailler dans notre organisation pour stimulerl’innovation et pour accroître l’autonomie, la res-ponsabilité et l’autogestion. Aujourd’hui, pasmoins de 2.500 personnes travaillent déjà chezBNP Paribas Fortis de manière agile. Nous avonscalculé que cela pouvait représenter à long termeun gain de productivité de 30%. En même temps,nous engageons de nouveaux profils, et les em-

Comment le premier banquierdu royaume appréhende-t-illa disruption numérique?Patron de BNP Paribas Fortis,leader du marché en Belgique,Max Jadot nous livre sa visionde la banque 4.0, alors que

l’enseigne ne comp tera plus que 679 agences d’icifin 2018, soit 40% de moins qu’il y a cinq ans.Une réduction progressive du réseau de labanque en Belgique mais qui s’opère plus viteque prévu. D’ici 2020, la filialebelge du groupe français a pourambition de vendre la moitiéde ses produits via ses canauxdigitaux.TRENDS-TENDANCES. Entant que CEO de la premièrebanque du pays, commentvoyez-vous la révolution digi-tale ? MAX JADOT. Tout va très vite.Le client demande beaucoup. Il veut être mieux servi et plusrapidement. Parmi nos 2,3mil-lions de clients digitaux, nous comptons aujour -d’hui déjà 1,2million d’utilisateurs mobiles quiattendent toujours plus de fonctionnalités de leurappli. Autrement dit, on ne mesure plus l’impor-tance d’un banquier à son nombre d’agences,comme on ne mesure plus l’importance d’un bras-seur au nombre de cafés qu’il possède, mais à sonbrand, à ce qu’il apporte à sa clientèle, etc. L’andernier, nous parlions encore d’une pyramide àpropos de nos canaux de distribution, aveccomme socle les agences et au sommet le mobile

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Avec l’arrivée de la nouvelle directive européenne PSD2, les banques font face

à deux défis de taille. «Les paiements et les données sont les deux grands champs

de bataille des années à venir», selon Max Jadot, CEO de BNP Paribas Fortis,

première banque du pays. PROPOS RECUEILLIS PAR SÉBASTIEN BURON / PHOTO: FRANKY VERDICKT

«La révolution digitale, c’est comme le réchauffement

climatique»

«On ne mesure plus l’importance d’un banquier à son nombre d’agences, mais à son ‘brand’, à ce qu’il apporte à sa clientèle, etc.»

MAX JADOT

CEO DE BNP PARIBAS FORTIS

À LA UNE

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un quasi-monopole qui vient du cash et qui a étéperpétué grâce aux cartes. Ce qui est sûr aussi,c’est que celui qui a accès aux transactions desclients, peut également avoir accès à ses dépôtset à ses crédits. C’est ce que fait d’ailleurs Alipayen Chine. Le défi est donc énorme pour lesbanques. Mais la confiance que nous accordentles clients nous permet de nous positionnercomme un coffre-fort électronique (e-vault,Ndlr), qui protège non seulement les avoirs mo-nétaires du client mais aussi ses données per-sonnelles et sa vie privée.A vous entendre, vous n’avez pas l’inten-tion de commercialiser les données de vosclients?Non, ce n’est pas à l’ordre du jour. Et si jamaisnous le faisons, ce sera toujours de façon agré-gée et anonymisée. De toute façon, le clientdevra explicitement nous donner son accorddans tous les cas de figure. Sur le plan des don-nées, il attend selon nous trois choses de sabanque: protect me, serve me and don’t fool me.En d’autres termes, il attend de sa banquequ’elle protège ses données, qu’elle les utilisepour mieux le servir et, enfin, qu’elle soit trans-parente, c’est-à-dire qu’elle lui dise ce qu’elle enfait et qu’elle lui laisse toujours le choix.D’aucuns voient un jour les robots rempla-cer les employés de banque. Quel est votreavis à ce propos?Tant que les clients des banques seront desêtres humains, il y aura des êtres humains pourles servir, mais ils rempliront d’autres tâchesqu’aujourd’hui, des tâches à plus grande valeurajoutée. L’intelligence artificielle va gagneren importance dans le secteur bancaire, il n’y aaucun doute là-dessus. Mais je vois davantageles robots et l’intelligence artificielle commeun moyen pour augmenter les capacités hu-maines et fournir ainsi un meilleur service auxclients. C’est notre modèle de la banque hy-bride, c’est-à-dire une banque qui offre un mé-lange adéquat entre technologies numériqueset expertise humaine.Quand le client verra-t-il les effets de cettetransformation interne?Aujourd’hui, le client fait surtout l’expériencede la facilité d’utilisation et de l’efficacité desapplications mobiles. Mais là où nous concen-trons pour le moment nos investissements, c’estsurtout dans des systèmes informatiques ou-verts qui rendront possible la collaboration avecdes partenaires extérieurs, pour proposer denouveaux services et intégrer l’intelligence ar-tificielle. Ceci améliorera sensiblement le ni-veau de service fourni, mais le client devraencore attendre quelques années avant de pou-voir en faire l’expérience. z

ployés existants sont formés et réorientés, desorte qu’ils puissent remplir d’autres fonctions.On présente souvent la révolution digitalecomme un tsunami qui ravage tout sur sonpassage. Etes-vous d’accord avec cetteimage ? Non, ce n’est pas juste. La digitalisation n’estpas un choc imprévisible. C’est un processusprogressif, comparable au réchauffement cli-matique. Le niveau de la mer monte inexorable-ment, et pour toujours, à cause du réchauf fementde la planète. Or, certaines banques sont dansles dunes et d’autres sur la digue. La banque du futur est celle qui se trouve aujourd’hui surla digue, parce que nous ne savons pas pendantcombien de temps les dunes résisteront à lamontée des eaux.Le fait que BNP Paribas Fortis soit unegrande banque, qui en plus fait partie d’ungroupe international, est-il un avantage?Bien sûr. Vous avez besoin d’une taille minimalepour pouvoir accélérer la transformation digi-tale, mettre en place une nouvelle expérienceclient, améliorer l’efficacité opérationnelle etmutualiser les investissements informatiqueslourds. Je ne sais pas quelle est la taille de cettemasse critique minimale. Par contre, je saisqu’elle augmente constamment. Je peux m’ima-giner que certaines institutions ne disposent pasdes moyens financiers nécessaires pour procé-der à ces investissements et rester au top pourservir les clients.Vous attendez-vous à une nouvelle vague de consolidation?Je sais seulement que cela va devenir de plus enplus compliqué pour les petites banques géné-ralistes. Les petites institutions peuvent opterpour une spécialisation ou une niche, mais toutfaire et investir dans tous les domaines, ce n’estpas possible si vous n’avez pas suffisammentd’envergure. Je reviens à ma comparaison avecle réchauffement climatique: les banques qui setrouvent dans les dunes vont essayer de rejoin-dre celles qui se trouvent sur la digue. En d’au-tres termes, je pense qu’elles vont comprendrequ’il y aura un temps où elles devront s’adosserà des entités plus grandes et plus solides, y com-pris en Belgique.Avec l’arrivée de la nouvelle directive sur lespaiements, les banques seront obligées departager certaines données de leurs clientsavec des tiers. A quoi vous attendez-vous à ce niveau-là?La grande bataille va se jouer sur le terrain despaiements et des données. La question est de sa-voir qui va la gagner. Ce n’est pas clair. Ce quiest sûr par contre, c’est que jusqu’ici les paie-ments ont été un domaine réservé des banques,

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FINANCE

La banque du futur vue par sept

banquiers belgesPour mieux voir à quoi ressemblera la banque de demain, nous avons rencontré sept CEO

de banques belges qui, en exclusivité pour « Trends-Tendances », décortiquent les nouveaux

défis de l’industrie bancaire, au départ d’une étude européenne réalisée par Deloitte.

SÉBASTIEN BURON / PHOTOS: FRANKY VERDICKT

Dans son étude intitulée TheBank of the Future, le groupeinternational de conseilsDeloitte identifie cinq ten-dances qui devraient redes-siner le paysage bancairebelge dans les années à

venir : l’accélération de la transforma-tion digitale, l’ouverture du marché despaiements, l’apparition de nouveauxécosystèmes, la gestion et la protection des données des clients et, enfin, l’essorde l’intelligence artificielle. D’accord,pas d’accord? Voici ce qu’en pensent lespatrons de sept banques belges : MaxJadot (BNP Paribas Fortis), Marc Raisière(Belfius), Erik Van Den Eynden (INGBelgium), Daniel Falque (KBC Belgique),Philippe Voisin (Crelan), Marc Lauwers(Argenta) ainsi que Philippe Masset(Degroof Petercam).

1.Un nouvel âge digital

Selon Deloitte, nous sommes entrésdans une sorte de deuxième révolutionnumérique, caractérisée par l’émergenced’un monde de plus en plus ouvert etl’apparition de nouvelles technologiestelles que l’intelligence artificielle, lesblockchains, les monnaies digitales, etc.Pour Olivier de Groote, partner et finan-cial services industry leader chezDeloitte, « cette nouvelle ère digitale

apporte deux opportunités uniques ausecteur bancaire: une connectivité beau-coup plus grande par rapport au client etun accès à un rôle plus large dans lasociété au-delà des services tradition-nels». Un avis que partage pleinementMarc Raisière, patron de Belfius, qui

insiste sur le fait que tous les métiers dela banque sont impactés. «Trop souvent,lorsqu’on parle de la banque du futur, onse limite au retail banking, et encore plusà son aspect transactionnel. Je pense quec’est une erreur, estime le CEO de Belfius.Tous les métiers bancaires sont impactés

À LA UNE

«Nous pourrionsmême être desagents immobi-liers. Nos agentsvendent desprêts hypothé-caires et ilsconnaissent le marchéimmobiliercomme leurpoche.»Marc Raisière(Belfius)

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par le digital: le retail mais aussi le wealthmanagement, le corporate banking, etc.»Confirmation également du côté de Philippe Masset: «Nous ne sommes pasprotégés des révolutions qui nous entou-rent, dit le CEO de Degroof Petercam. La transformation digitale permet auxbanquiers privés de réinventer leur rela-tion avec les clients. C’est une opportu-nité unique pour être plus proche d’euxsous une forme plus en phase avec lemonde d’aujourd’hui». Quant à DanielFalque, patron de KBC pour la Belgique,il est conscient d’une possible offensived’un des quatre Gafa, comme Amazon,dans le monde financier. « Vu la forceextraordinaire de leur plateforme et lesmoyens financiers dont ils disposent,cela pourrait avoir un impact non négli-geable sur le secteur», assure-t-il. D’oùcette prérogative essentielle pour pou-voir tenir les premiers rôles dans cettenouvelle ère digitale: avoir la confiancedes clients. Tous les CEO que nous avonsinterrogés observent d’ailleurs avec satis-faction à quel point les clients fontaujourd’hui confiance à leur banque.«Malgré le fait que les banques ontconnu une crise majeure en 2008, il y atoujours une chose qui score très hautdans les enquêtes de satisfaction, c’est laconfiance des clients dans leur banquelorsqu’on parle d’argent, se réjouit MarcRaisière. Au même titre que Max Jadot,CEO de BNP Paribas Fortis, qui souligneque les banques sont bien placées pourrester incontournables dans le mondedigital, parce qu’«elles bénéficient de laconfiance des clients quant à la bonnegestion de leurs données personnellestout comme ils ont confiance dans lamanière dont les banques gèrent leursavoirs», déclare-t-il (lire entretien en page30 «La révolution digitale, c’est comme leréchauffement climatique»).

2.L’impact de PSD2

Pour Marc Raisière, la nouvelle direc-tive européenne sur les paiements(PSD2) qui obligera, entre autres, lesbanques à partager avec d’autres cer-taines informations de leurs clients, est«une opportunité pour gagner des partsde marché», considère le CEO de Belfius.Philippe Voisin, CEO de Crelan met éga-lement en évidence certaines menacesdans la mesure où il n’est pas certain que

les règles du jeu seront les mêmes pourtout le monde. «Il est bien de mettre lesbanques en concurrence avec de nou-veaux acteurs mais il ne faudrait pas queces nouveaux acteurs aient une latituderéglementaire plus importante», sou-ligne le CEO de Crelan. De son côté, Philippe Masset nuance: «La question

est de savoir comment on se positionnepar rapport à PSD2. Un acteur du privatebanking comme Degroof Petercam peuttrès bien choisir de ne pas jouer le jeu dePSD2 et se délester de ses activités depaiement en les sous-traitant à un parte-naire extérieur du type grande banquegénéraliste ou à une fintech».

Plus globalement, c’est tout le conceptd’open banking, ouverture du marchérendu possible par l’arrivée de la direc-tive PSD2, qui pose question. Du côté deKBC, on se dit prêt à s’ouvrir mais àcondition de garder la maîtrise de la rela-tion avec le client, souligne DanielFalque: «C’est un élément-clé pour gar-der sa confiance. Quelle que soit la plate-forme, notre marque doit être clairementvisible et reconnaissable par le client.Nous adaptons notre informatique pour

pouvoir travailler avec tout le monde,mais pour le moment, personne ne peutprévoir quelles seront les plateformesdominantes à l’avenir». Big boss d’INGBelgique, Erik Van Den Eynden pointe,quant à lui, à ce propos les nouveauxstandards de réactivité, de facilitéd’usage et de connectivité imposés par

les grandes plateformes numériques, les-quelles poussent les banques à suivre lemouvement: «Obtenir sept sur 10 ne suf-fira plus, dit-il, votre service doit êtrecinq étoiles. C’est nouveau pour notresecteur».

Dans ce contexte, Marc Raisière nevoit pas Belfius se greffer sur une plate-forme qui ne partagerait pas les valeursdu groupe dont il a la responsabilité.«Les Gafa vont aujourd’hui trop loin,lance-t-il. Si toutes les entreprisesavaient la même attitude, il n’y auraitplus de routes, plus d’écoles, etc. Il estgrand temps de fixer des limites.» MarcLauwers d’Argenta va dans le mêmesens: «Les banques ne doivent pas êtreles seules à se conformer à des réglemen-tations strictes, tandis que les entreprisestechnologiques ne seraient pas sou-

«Nous ne sommespas protégés desrévolutions quinous entourent. La transforma-tion digitalepermet aux ban-quiers privés deréinventer leurrelation avec les clients.»Philippe Masset(Degroof Petercam)

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mises aux mêmes règles que les banques.Quiconque exerce les mêmes activités etcourt les mêmes risques doit être soumisà la même surveillance», estime le CEOd’Argenta, rejoignant ainsi son alter egochez Crelan. Quant à Rudi Bonte,aujourd’hui senior advisor chez Deloitte,après une longue carrière auprès desautorités de contrôle, il observe que lesbanquiers interrogés sont dans leurensemble positifs à l’égard du rôle jouépar les régulateurs (BNB, FSMA). Rôlequi sera, selon eux, encore plus impor-tant à l’avenir.

3.Sortir de son métier de base

Comme le souligne Deloitte dans sonétude, les nouvelles technologies per-mettent aujourd’hui au secteur bancairede jouer un rôle au-delà des activités tra-ditionnelles de banque et d’assurance(ce que les spécialistes appellent lebeyond banking). «L’émergence de nou-veaux écosystèmes supportés par lestechnologies digitales vont permettreaux banques de jouer un rôle plus largedans la société», note Olivier de Groote.De fait, de premiers exemples apparais-

sent. Beobank souhaite offrir des ser-vices de surveillance à ses clients, à l’ins-tar de sa maison mère française CréditMutuel. KBC propose un service deréparation Happy@Home en combinai-son avec une police d’assurance. De soncôté, Belfius se positionne dans le déve-loppement de projets immobiliers dequalité, avec comme objectif de com-mercialiser des appartements neufsauprès de sa clientèle aisée. «Nous pour-rions même être des agents immobiliers,imagine Marc Raisière. Nos agents ven-dent des prêts hypothécaires et ils

connaissent le marché immobiliercomme leur poche.»

En fait, « il est incontestable que lepositionnement des banques au sein desfuturs écosystèmes ou plateformes digi-tales est au cœur des réflexions straté-giques de nombreux acteurs bancaires»,poursuit Olivier de Groote. Belfius veutd’ailleurs aller plus loin. «Nous devonsêtre au cœur de la vie de nos clients,explique Marc Raisière. Par exemple, nosclients private banking aiment les foiresd’art contemporain en Belgique et àl’étranger mais n’aiment pas les tracasse-

ries pour organiser leur voyage. Grâce ànos applications mobiles, nous devonsêtre un facilitateur de connections entreces clients et le monde de l’art, en créantune plateforme mobile qui les met encontact avec les organisateurs et les aideà réaliser leur rêve.» Par ailleurs, fort deson récent contrat de sponsoring avec lesRed Lions, Belfius veut également déve-lopper un écosystème autour du hockey,ici aussi au départ de ses applicationsmobiles. Et puis, dans un autre registre, labanque vient de signer un partenariatavec Touring pour créer un écosystèmeautour de la mobilité et se positionnerainsi auprès de ses clients comme unesorte de «fournisseur de mobilité». Au même titre d’ailleurs que KBC:«Nous cherchons à nous développerdans des activités qui restent proches denotre cœur de métier qu’est la bancassu-rance. L’assurance auto et le leasing devoiture constituent des prolongementsnaturels lorsqu’on parle de mobilité»,indique Daniel Falque. Par contre, «unemaison comme Degroof Petercam estdéjà un écosystème en soi dans la mesureoù c’est une plateforme relativement fer-mée avec une série de services pointus oùdes tiers ne sont pas nécessaires dansl’immédiat, même si l’avenir pourraitapporter des nuances», estime son CEOPhilippe Masset.

A l’inverse, « l’arrivée d’acteurs nonbancaires mérite d’être suivie de près,observe Philippe Voisin (Crelan). Je nesous-estime pas la venue d’Orange Bank.Ceci dit, je ne pense pas qu’un opérateurtélécom puisse du jour au lendemaindevenir banquier, sauf peut-être pour desproduits simples (comptes gratuits,cartes gratuites). Etre banquier, c’est plusque cela, c’est accompagner le client dansles moments clés et parfois difficiles desa vie, avec toujours en tête une gestionprofessionnelle du risque».

4.Les données: un défi majeur

Histoire de proposer au client la bonnesolution au bon moment, la plupart desbanques ont massivement investi ces der-nières années dans l’exploitation des don-nées dont elles disposent sur leurs clients.Comme le souligne Olivier de Groote, «ledata management est devenu une sourced’efficacité impressionnante pour lesbanques». Sur le plan de leur utilisation

À LA UNE

«Obtenir sept sur dix ne suffira plus,votre servicedoit être cinq étoiles.C’est nouveaupour notre secteur. »Erik Van Den Eynden (ING Belgique)

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en interne, «les données sont notre plusgrande richesse, indique Marc Raisière(Belfius). Si nous sommes devenus meil-leurs dans la gestion des coûts grâce audigital, nous avons encore pas mal de pro-grès à faire dans l’approche du client, afind’augmenter son équipement en termesde produits». Que des progrès puissentêtre faits dans l’analyse interne des don-nées des clients, Erik Van Den Eynden esttout à fait d’accord: «Il y a encore beau-coup d’espace pour approcher les clientsà grande échelle et de manière proactiveaux moments qui comptent, confirme

le patron d’ING Belgique. Des algo-rithmes d’analyse de données peuventnous aider à détecter ces moments, etpermettre à nos banquiers de travaillerplus précisément sur le client. C’est surcela que sera axée notre politique de don-nées dans les années à venir».

Avec aussi l’arrivée du nouveau règle-ment GDPR (qui encadre le traitementdes données en Europe), certains, commeKBC, voient même ici apparaître un nou-veau métier, notamment dans tout ce quitouche à ce que les experts appellent l’e-vault (coffre-fort électronique), par

exemple. «Les clients savent que leursdonnées sont en sécurité chez nous, et que nous pouvons les protéger. Les banques peuvent développer unbusiness autour de la protection des don-nées, de l’identité et des données sensi-bles. Les entreprises technologiques ontaujourd’hui moins de contraintes quantau respect des données par rapport à lavie privée et ne bénéficient pas du mêmecapital-confiance que les ban ques»,observe Daniel Falque. Même son decloche du côté de Belfius qui «ne com-mercialisera jamais les données indi-

THIERRY GEERTS, GOOGLE BELGIQUE

«LA PLUS GRANDE MENACE VIENT DE CHINE»

Google n’a pas l’ambi-tion de devenir unebanque. Au contraire,

«nous voulons être un parte-naire de la transformationnumérique du secteurbancaire», affirme ThierryGeerts, patron de Google pourla Belgique, citant l’exempled’Android Pay que le géant duNet a lancé en Belgique avecBNP Paribas Fortis et KBC.«Nous vivons principalementdu marketing digital, des transactions en ligne et desdonnées qui se trouvent der-rière. Il est donc importantpour nous qu’il soit facile d’ef-fectuer des achats en ligne.Certes, le paiement mobile estau centre de l’économie digi-tale, mais nous ne voulons pasdevenir une banque pourautant.» Le plus grand dangerpour les banques ne vient pasdes Gafa, mais plutôt de Chine,poursuit Thierry Geerts: «Si les banques belges ontenvie d’avoir peur, qu’elles ail-lent en Chine. Le smartphoneet l’application WeChat deTencent (une appli de message-rie instantanée devenue le plusgros moyen de paiement enChine, Ndlr) y sont devenus enquelques mois les principauxmoyens de paiement. C’est làque se trouve le grand dangerde disruption pour le secteur

bancaire. Les banques belgesont fait beaucoup de progrèsces dernières années dans le domaine du digital. Ellessont nettement plus réactivesque par le passé. Mais sidemain, Alibaba ou Tencentdébarquent en Belgique, ellesne sont pas encore suffisam-ment armées pour pouvoir réa-gir.» D’après Thierry Geerts,les banques ont intérêt, pourpouvoir contrer une grandedisruption, à s’inspirer de la culture Google qui s’efforcede résoudre les problèmes duclient. «Pendant des décen-nies, les banques se sontconcentrées sur la vente deproduits, la croissance et leurcours de Bourse, et pas sur un meilleur service à la clien-tèle. Après la crise financière,elles se sont recentrées surleurs valeurs de base. Maiselles ne sont encore qu’à mi-chemin dans le changementculturel. Dans une économiedigitale, où beaucoup dechoses s’automatisent, touttourne autour du client et de cequ’il veut. Les banques doiventencore plus s’approprier cettementalité, tout en respectantbien sûr la vie privée du client,ce qui est indispensable.» Cela étant, les banques ont un rôle sociétal important àjouer dans les écosystèmes du

futur, estime le country mana-ger de Google: «Les banquesbelges doivent davantage fairela promotion de l’économiedigitale. Nos entreprises accu-sent un retard par rapport àl’étranger. Nous n’avons pas de Zalando, de Cool Blue, etc.Environ 70% du chiffre d’affaires réalisé dans

l’e-commerce en Belgique estaspiré par des entreprisesétrangères. C’est inquiétantpour une économie aussiouverte que la Belgique. Lesbanques peuvent, comme lescomptables ou les consultants,sensibiliser le monde les PMEà l’importance de la digitalisa-tion», conclut Thierry Geerts.

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viduelles de ses clients», insiste MarcRaisière. Un avis que partage égalementPhilippe Voisin: «Il est hors de questionde commercialiser les données de nosclients pour les monétiser. Ce serait dra-matique et un suicide du marché ban-caire. En faisant cela, nous irions nousaventurer sur le terrain des Gafa, sansavoir leurs avantages, leurs atouts ni leurhistoire. Non, surtout pas. La bonne uti-lisation des données doit permettre auxbanques d’améliorer leur raison d’êtresans mettre en péril leur crédibilité.Grâce à la technologie, les banques ont àfaire valoir leurs atouts et leurs diffé-rences, à commencer par la con fiance duclient», complète le CEO de Crelan.

5.L’humain fera

la différence

Dans le monde de la banque digitale,la technologie permet de faire beaucoupde choses à un coût moindre et donc deredéployer les capacités humaines surce qui a pleinement du sens. Si lestâches répétitives sont automatisées, lamanière de travailler change donc aussi.Autrement dit : il faut parfois savoir seréinventer pour survivre. Voilà pour-

quoi les banques s’inspirent aujourd’huide l’organisation des géants du Netcomme Amazon et Google, qui inter-agissent de manière beaucoup plus sim-ple, rapide et automatisée avec les leursclients (lire l’encadré « La plus grandemenace vient de Chine»). En fait de nou-velle façon de travailler, «ING Belgiquepasse par une transformation intense»,rappelle Erik Van Den Eynden, patronde la filiale belge du groupe néerlandaisoù environ 3.000 personnes aurontquitté la maison d’ici l’été 2018 et oùdeux tiers des employés restants serontaffectées à de nouvelles fonctions. « Au cours des prochaines années,Argenta consacrera beaucoup de tempset d’énergie à la formation de ses em -ployés, pointe à ce propos Marc Lauwers.Nous voulons les emmener dans unvoyage numérique et stimuler leur inté-rêt et leur ouverture pour ce nouveaumonde. Nous avons un réseau de distri-bution physique extrêmement perfor-mant. Le défi consiste à mettre en placeune organisation et une culture numé-riques à part entière.»

À LA UNE

«Vu la forceextraordinairedes Gafa, ilspourraientavoir un impactnon négligeablesur le secteur. »Daniel Falque(KBC Belgique)

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«Les fintechsnous forcent à nous remettreen question et àrester éveillés.»Philippe Voisin(Crelan)

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Alors précisément, quel sera le rôle del’humain dans la banque de demain ?«Le digital va bien évidemment conti-nuer à transformer les métiers ban-caires. Mais la relation avec le clientdans des métiers comme le private ban-king ou le corporate banking est telle-ment importante, que l’humain estirremplaçable, estime Marc Raisière(Belfius). Ce sont d’ailleurs des métiersdans lesquels nous recrutons. La tech-nologie peut faciliter le travail de back-office, mais jamais un robot ne pourraremplacer le contact humain lorsquevous discutez avec un entrepreneur àqui vous accordez un crédit de 10 mil-lions d’euros.» Pour une banque privéecomme Degroof Petercam, « la confi-dentialité et le contact humain restentles éléments les plus importants », souligne Philippe Masset. Certes, « les fintechs nous forcent à nous remettreen question et à rester éveillés, recon-naît Philippe Voisin. Nous ne les voyonspas comme des concurrents. Elles nousobligent à nous remettre en question. Il faut aller chercher le savoir-faire là oùil se trouve, par exemple du côté des fin-

techs, surtout en tant que banquemoyenne. On ne peut pas tout faire toutseul. Ceci dit, les fintechs n’ont encorejamais pris de parts de marché impor-tantes. Quant à l’intelligence artificielle,ce n’est pas Watson qui va faire la diffé-rence face à un client qui a un problèmede succession. Même le meilleur robotn’apportera pas une réponse dans cecas-là», ajoute Philippe Voisin. De fait,« la disruption est moins facile dans lagestion de patrimoine que dans d’autrestypes d’industrie, avance Philippe Masset.Ce qui n’empêche que nous avons beau-coup à apprendre des fintechs, desjeunes entrepreneurs, etc. Aussi parceque nous devons tous nous mettre dans le bain de la transformation ». En somme, «l’automatisation des tâchesadministratives permettra à nosconseillers de disposer de plus de tempspour servir le client, résume Erik VanDen Eynden, mais les logiciels seronttoujours en deçà d’une relation clientpersonnelle. Faire des affaires sansinteraction humaine ne fonctionne pas.Il est très difficile de disrupter un sys-tème dans lequel le client est content»,conclut le patron d’ING Belgique. z

À LA UNE

«Les banques nedoivent pas êtreles seules à seconformer à desréglementa-tions strictes, il doit en être de même pourles entreprisestechnolo-giques.»Marc Lauwers(Argenta)

«Les banquesbénéficient de la confiance des clientsquant à la bonnegestion de leursdonnées person-nelles et de leursavoirs.»Max Jadot (BNP ParibasFortis)