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UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES Faculté de Médecine ECOLE DE SANTE PUBLIQUE TRAUMATISMES ET EPIDEMIOLOGIE Un cadre de réflexion Une approche globale indispensable Un rôle central pour l’épidémiologie Alain LEVEQUE, MD, MSc. Thèse présentée en vue de l’obtention du titre de Docteur en Sciences de la Santé Publique Directeur de Thèse : Prof.R.LAGASSE Co-Directrice : Prof.D.PIETTE Année 2001

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UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES Faculté de Médecine

ECOLE DE SANTE PUBLIQUE

TTRRAAUUMMAATTIISSMMEESS EETT EEPPIIDDEEMMIIOOLLOOGGIIEE

Un cadre de réflexion Une approche globale indispensable Un rôle central pour l’épidémiologie

Alain LEVEQUE, MD, MSc.

Thèse présentée en vue de l’obtention du titre de Docteur en Sciences de la Santé Publique

Directeur de Thèse : Prof.R.LAGASSE

Co-Directrice : Prof.D.PIETTE

Année 2001

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RReemmeerrcciieemmeennttss

Mes plus vifs remerciements vont à Raphaël LAGASSE, mon directeur de thèse : il m’a invité y a plus de 10 ans à rejoindre son équipe dans le cadre du projet « PROMOSANTE 2000 ». Ce projet a été pour moi la base de mon expérience de santé publique en Belgique.

C’est lui aussi qui m’a proposé certaines charges de cours dans le cadre du Cours Intensif en Epidémiologie et m’a ainsi donné le goût d’enseigner.

C’est encore lui qui m’a soutenu lorsque j’ai décidé de me replonger dans la réalité d’un projet de coopération et de formation au Burkina Faso.

C’est lui enfin qui a accepté de diriger ce travail de thèse alors que son emploi du temps était plus que complet, et c’est peu dire !

Sa compétence, son professionnalisme, sa clairvoyance, ses conseils judicieux m’ont toujours beaucoup aidé.

Qu’il trouve ici l’expression de toute mon amitié.

C’est grâce à Danielle PIETTE, ma co-directrice, que j’ai parcouru à vive allure la distance qui sépare Bruxelles et Ottawa. Elle m’a initié à la promotion de la santé et est à l’origine de mon intérêt dans ce domaine. Merci d’avoir trouvé le temps nécessaire à mon encadrement même dans des circonstances difficiles.

Avec toute mon amitié. Mes remerciements vont aussi à Perrine HUMBLET, Isabelle GODIN, Michèle

DRAMAIX, Filo VALENTE, Luc BERGHMANS, Yves COPPIETERS, et Walter KESSLER avec qui j’ai eu l’occasion de mener certaines des études reprises dans la thèse. Le travail en leur compagnie fut très enrichissant et très agréable.

En toute amitié. Merci à Elisabeth WOLLAST, France KITTEL et Marcel KORNITZER qui m’ont accueilli au sein du laboratoire d’épidémiologie et de médecine sociale. A tous mes collègues et ami(e)s de l’ESP, à Léo et Martine (HERA) merci pour votre soutien et vos encouragements.

C’est auprès de ma famille que j’ai trouvé l’énergie nécessaire : Sans Béatrice, mon soutien permanent et sans faille depuis toutes ces années,

sans mes enfants, Lydie, Coline et Lucas, ce travail n’aurait jamais vu le jour. Vous avez supporté mon manque de disponibilité, mes absences, et mes humeurs

avec tellement de compréhension et d‘amour. Je vous dédie ce travail.

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PPllaann ddee llaa tthhèèssee 1 Introduction générale ................................................................................................................2 2 Objet de la thèse........................................................................................................................2 3 Méthodologie................................................................................................................................2 4 Un cadre de réflexion autour des traumatismes et de l’épidémiologie ..........................2

4.1 Traumatismes et Accidents : de quoi parle-t-on ? ......................................................2 4.1.1 Historique .....................................................................................................................2 4.1.2 Définitions et classifications ...................................................................................2

4.1.2.1 Définitions ................................................................................................................2 4.1.2.2 Classifications ......................................................................................................2

4.2 l’épidémiologie ......................................................................................................................2 4.2.1 Historique .....................................................................................................................2 4.2.2 L’épidémiologie comme outil de la santé publique ................................................2

5 L’épidémiologie : rôle central dans l’étude des traumatismes ..........................................2 5.1 Introduction .........................................................................................................................2 5.2 La mesure de l’importance du problème.........................................................................2

5.2.1 Quantifier le problème globalement.......................................................................2 5.2.2 L’information dans le champ des traumatismes en Belgique..............................2 5.2.3 L’importance du problème en Belgique....................................................................2

5.2.3.1 La mortalité ..........................................................................................................2 5.2.3.1.1 Les sources de données ..................................................................................2 5.2.3.1.2 Les données officielles...................................................................................2 5.2.3.1.3 Approches alternatives des données de mortalité ..................................2 5.2.3.1.4 Commentaires critiques sur les données de mortalité............................2

5.2.3.2 La morbidité .........................................................................................................2 5.2.3.2.1 Les sources de données..................................................................................2 5.2.3.2.2 Les données officielles publiées (de façon récurrente et systématique) .......................................................................................................................2 5.2.3.2.3 D’autres sources de données........................................................................2 5.2.3.2.4 Commentaires critiques sur les données de morbidité ..........................2

5.2.3.3 Déficience et handicap.......................................................................................2 5.2.3.3.1 Concepts de base.............................................................................................2 5.2.3.3.2 Sources de données........................................................................................2 5.2.3.3.3 Les données publiées......................................................................................2 5.2.3.3.4 Commentaires critiques sur les données de handicap ............................2

5.2.3.4 Le coût économique des traumatismes..........................................................2 5.2.3.4.1 Introduction .....................................................................................................2 5.2.3.4.2 Disponibilité des données en Belgique .......................................................2

5.2.4 La situation des traumatismes dans les pays à faible et moyens revenus .....2 5.2.5 Remarques générales sur la quantification du problème (épidémiologie descriptive)...................................................................................................................................2

5.3 La recherche des déterminants.......................................................................................2 5.3.1 Introduction .................................................................................................................2 5.3.2 Les modèles d’analyse dans le champ des traumatismes....................................2

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5.3.2.1 Introduction .........................................................................................................2 5.3.2.2 La « Matrice de HADDON ».............................................................................2 5.3.2.3 Approche cindynique...........................................................................................2

5.3.3 L’épidémiologie dans le cadre de ces modèles ......................................................2 5.3.3.1 Les méthodes épidémiologiques pour la recherche des « déterminants ». ....................................................................................................................2 5.3.3.2 Application de ces méthodes pour la recherche des déterminants ........2

5.3.3.2.1 INTRODUCTION............................................................................................2 5.3.3.2.2 L’étude « Health Behaviour in School-aged Children (HBSC) »...........2 5.3.3.2.3 L’enquête nationale de santé des belges (1997) ......................................2 5.3.3.2.4 L’enquête sur la santé des jeunes de la province du Hainaut ...............2

5.3.4 Les limites de l’épidémiologie dans la mise en évidence des déterminants des traumatismes ........................................................................................................................2

5.4 L’évaluation des actions préventives...............................................................................2 5.4.1 Les approches préventives des traumatismes......................................................2 5.4.2 Des différences fondamentales d’approche .........................................................2

5.4.2.1 Les approches passives ......................................................................................2 5.4.2.2 Les approches actives ........................................................................................2 5.4.2.3 L’une OU l’autre approche ? L’une ET l’autre approche ..............................2

5.4.3 Les limites de l’épidémiologie dans l’évaluation de ces approches ...................2 6 Un cadre de référence global : une priorité dans le champ des traumatismes ............2

6.1 Introduction .........................................................................................................................2 6.2 Des modèles explicatifs des comportements ...............................................................2

6.2.1 Introduction .................................................................................................................2 6.2.2 Le modèle des croyances relatives à la santé ou Health Belief Model ..........2 6.2.3 Le modèle de l’apprentissage social ........................................................................2 6.2.4 La théorie de l’action raisonnée ...............................................................................2 6.2.5 Théorie de l’action (comportement) planifiée ......................................................2 6.2.6 Théorie des comportements interpersonnels.......................................................2 6.2.7 Les stades du changement de comportement.......................................................2

6.3 Un exemple d’approche globale : le modèle de GREEN...............................................2 6.3.1 Introduction .................................................................................................................2 6.3.2 Principaux aspects du modèle...................................................................................2

6.4 Une adaptation au champ des traumatismes.................................................................2 7 Conclusions : Un rôle coordonnateur et central pour l’épidémiologie..............................2 8 Le rappel des objectifs..............................................................................................................2 9 Références....................................................................................................................................2 10 Annexes .....................................................................................................................................2

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LLiissttee ddeess ffiigguurreess Figure 1 : Les principales causes de décès aux Etats-Unis en 1945, par groupe d'âge. .....2 Figure 2 : illustration du modèle épidémiologique des traumatismes. ....................................2 Figure 3: Matrice de HADDON .......................................................................................................2 Figure 4 : les critères à prendre en compte dans l'analyse de l'importance d'un

problème de santé.......................................................................................................................2 Figure 5 : Evolution de la mortalité par traumatisme et «toutes autres causes » chez les

jeunes de 1 à 14 ans, pays de l’OCDE, de 1971 à 1995 (Taux pour 100.000). ................2 Figure 6 : cheminement de la plupart des personnes victimes d'un traumatisme en

Belgique .........................................................................................................................................2 Figure 7 : Cheminement des certificats de décès en Belgique à partir du 1er janvier

1998................................................................................................................................................2 Figure 8 : évolution des taux d'APVP standardisés entre 1974 et 1993, (comparaison P4

/ P1) en pourcent. ........................................................................................................................2 Figure 9 : indices d'évolution des taux d’APVP suite à un accident impliquant un véhicule

à moteur entre 1977-78 et 1990-94, par arrondissement, chez les hommes ..............2 Figure 10 : indices d'évolution des taux d’APVP suite à un accident impliquant un véhicule

à moteur entre 1977-78 et 1990-94, par arrondissement, chez les femmes...............2 Figure 11: répartition en pourcentage des accidents à domicile en fonction du sexe et de

l'âge. EHLASS Belgique, 1998. (Homme : n= 8108 ; Femme : n= 6492)..........................2 Figure 12: répartition (en pourcent) des produits ayant provoqué une intoxication et

justifiant d'un appel au Centre antipoison, 1999.................................................................2 Figure 13: répartition (en pourcent) des accidents déclarés en fonction du type/lieu de

l’accident. Enquête Nationale de Santé, 1997. .....................................................................2 Figure 14: Répartition des traumatismes (en %) en fonction du lieu de survenue ; n=1644.

Enquête OSH, 1997. ...................................................................................................................2 Figure 15: lieu de l'accident le plus grave survenu durant les 12 mois précédant

l'enquête (n=4.249).....................................................................................................................2 Figure 16: incidence des accidents domestiques par groupe d'âge et par sexe (taux

annuel pour 100.000 habitants). Belgique, 1996...................................................................2 Figure 17: répartition en % des accidents domestiques selon leur nature et selon le

groupe d'âge. Belgique 1996. ....................................................................................................2 Figure 18 : profil de la morbidité hospitalière des 5 hôpitaux étudiés..................................2 Figure 19 : Part des traumatismes dans les urgences (en pourcent) : volets rétrospectif

(3 ans) et prospectif (4 semaines). .........................................................................................2 Figure 20 : types d’accidents (en pourcent du total des traumas.) dans les cinq services

d’urgence des hôpitaux. .............................................................................................................2 Figure 21 : modèle épidémiologique des maladies infectieuses ................................................2 Figure 22 :Illustration du modèle épidémiologique des traumatismes ...................................2 Figure 23 : Matrice de HADDON....................................................................................................2 Figure 24: Courbes de concentration pour "utilisation parfois ou jamais" de la ceinture

de sécurité versus variables socio-économiques chez les jeunes de 15 à 24 ans. Enquête Nationale de Santé, Belgique, 1997 ........................................................................2

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Figure 25: représentation schématique des différents volets de la prévention. ................2 Figure 26 : le modèle des croyances relatives à la santé (HBM). ............................................2 Figure 27 : le modèle de l'apprentissage social ou théorie sociale cognitive. ......................2 Figure 28 : le modèle de l'action raisonnée. .................................................................................2 Figure 29 : théorie du comportement planifié. ............................................................................2 Figure 30 : théorie des relations interpersonnelles. ..................................................................2 Figure 31 : le « Transtheoretical model of change » (TMC). ....................................................2 Figure 32 : modèle PRECEDE-PROCEED. .......................................................................................2 Figure 33: exemple d’application partielle du modèle de GREEN aux traumatismes de la

route impliquant une voiture. ....................................................................................................2 Figure 34: modèle explicatif du comportement « d’usager systématique » de la ceinture

de sécurité....................................................................................................................................2 Figure 35: modèle de changement de comportement : le port de la ceinture de sécurité

par les jeunes et jeunes adultes..............................................................................................2

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LLiissttee ddeess ttaabblleeaauuxx Tableau 1: Définitions de l'épidémiologie ......................................................................................2 Tableau 2 :Distribution des décès en pourcentage du total, par type de pays (et/ou

région) et par grand groupe.. ....................................................................................................2 Tableau 3 : Classement par importance décroissante et par catégorie d’âge des

principales causes de décès (en nombre absolu), année 1998, deux sexes. Monde entier .............................................................................................................................................2

Tableau 4 : taux de mortalité (pour 100,000) par traumatisme, en fonction du sexe et du type de traumatisme, Monde entier, 1998............................................................................2

Tableau 5 : « pyramide » des traumatismes : ratio selon l’issue et/ou le type de prise en charge. ...........................................................................................................................................2

Tableau 6 : Classement par importance décroissante et par catégorie d’âge des problèmes de santé présentant les principales charges de maladie, en fonction de la catégorie d’âge, 1998. Monde entier. .....................................................................................2

Tableau 7 : DALYs pour des problèmes de santé sélectionnés, région subsaharienne. Situation en 1990 et projection pour 2020 (en pourcent de diminution ou d’augmentation)............................................................................................................................2

Tableau 8 : Principales sources de données dans le champ des traumatismes en Belgique2 Tableau 9 : principales causes de mortalité en Belgique, en nombre absolu. Années 1992

à 1995.............................................................................................................................................2 Tableau 10: Causes principales de décès en Belgique entre 1991 et 1995. Taux de

mortalité annuel pour 100.000 habitants entre 1991 et 1995 et part relative (en % de tous les décès) pour l’année 1995. .....................................................................................2

Tableau 11: Les causes de décès par chapitres de la CIM9 en Belgique, de 1991 à 1995 en taux annuel de décès pour 100.000 habitants et part relative de chaque chapitre (en pourcent) en 1995. ...............................................................................................................2

Tableau 12 : Taux de mortalité (pour mille) et taux d'APVP (pour 100.000) chez les personnes de 1-69 ans en Wallonie pour les 10 principales causes de décès. ...............2

Tableau 13 : taux d'APVP standardisés (pour 100.000), classement par ordre d'importance pour les 4 périodes de l'analyse et évolution (en pourcent) entre P4 et P1. ....................................................................................................................................................2

Tableau 14 : indicateurs de mortalité évitable : problèmes de santé, code CIM9 et groupes d'âges retenus, Belgique. ...........................................................................................2

Tableau 15 : Indicateurs de mortalité évitable dans la population féminine: taux d’APVP /100.000 (standardisés 85-89) par période , rangs des périodes P1 et P4 et indice d’évolution P4/P1*100.................................................................................................................2

Tableau 16 : Indicateurs de mortalité évitable dans la population masculine: taux d’APVP /100.000 (standardisés 85-89) par période, rangs des périodes P1 et P4 et indices d’évolution(P4/P1*100). ..............................................................................................................2

Tableau 17 : nombre absolu d'accidents avec dommage corporel et évolution sur 20 ans.2 Tableau 18 : Evolution du taux d'accidents ave dommage et de décédés et blessés

graves pour 100.000 habitants. ...............................................................................................2

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Tableau 19: évolution du taux d'accidents avec dommage et de décédés et blessés graves pour 100.000 véhicules à moteur. ..............................................................................2

Tableau 20 : évolution du taux d'accidents avec dommage et de décédés et blessés graves par milliard de véhicules-kilomètres. ........................................................................2

Tableau 21: Evolution du nombre d’accidents acceptés, du nombre d’accidents avec IP et du nombre d’accidents mortels sur le lieu du travail (LT) et sur le chemin du travail (CT), en nombre absolu.Belgique 1995-1998. ........................................................................2

Tableau 22: évolution du nombre absolu (et du nombre de cas/lits) d'accidents enregistrés par les hôpitaux du système EHLASS en Belgique entre 1994 et 1998..2

Tableau 23: description des circonstances de l'accident le plus grave survenu au cours des 12 mois précédant l'enquête, selon le lieu. ....................................................................2

Tableau 24: description des conséquences physiques de l'accident le plus grave survenu au cours des 12 mois précédant l'enquête, selon le lieu de survenue. ............................2

Tableau 25 : suite des accidents sur le chemin du travail selon l'année, de 1995 à 1998.2 Tableau 26 :Accidents sur le chemin du travail avec incapacité permanente de 1995 à

1998................................................................................................................................................2 Tableau 27 : Caractéristiques de l’échantillon en terme de maladies chroniques et de

handicap. Enquête nationale de la santé des Belges, 1997. ...............................................2 Tableau 28 : . Origine des handicaps, Belgique 1989..................................................................2 Tableau 29: Mortalité pour différents mécanismes de traumatismes dans les

différentes régions du Monde en 1990. Taux d'incidence annuel pour 100.000 personnes. .....................................................................................................................................2

Tableau 30: Associations (rapport de cote) entre la survenue d'un traumatisme et les variables sexe, âge et filière d'enseignement chez les jeunes de 13, 15 et 17 ans en Communauté française de Belgique. Enquête HBSC, 1994. N=1346 ................................2

Tableau 31: Associations (rapport de cote) entre la gravité du traumatisme (le plus grave) et les variables sexe, âge et filière d'enseignement chez les jeunes de 13, 15 et 17 ans en Communauté française de Belgique. Enquête HBSC, 1994. N=1325.........2

Tableau 32: Associations (rapport de cote) entre la « sévérité » du traumatisme (le plus grave) et les variables sexe, âge et filière d'enseignement chez les jeunes de 13, 15 et 17 ans en Communauté française de Belgique. Enquête HBSC, 1994. N=1244.........2

Tableau 33: description de l’échantillon de jeunes de 15-24 ans étudié. Enquête Nationale de Santé, Belgique, 1997 ........................................................................................2

Tableau 34: utilisation de la ceinture de sécurité à l’avant du véhicule en fonction des variables démographiques et socio-économiques , en pour cent ; odds ratio pour « utilisation rare ou jamais » en relation avec différentes mesures de « statut socio-économique ». Enquête Nationale de Santé, Belgique, 1997. .................................2

Tableau 35: utilisation de la ceinture de sécurité « parfois ou jamais » en relation avec les variables socio-économiques : indices de concentration, erreur standard et degré de signification. ...............................................................................................................2

Tableau 36: description de l’échantillon des 4158 jeunes scolarisés (Province de Hainaut, Belgique). Pourcentage par catégories des variables d’intérêt. OSH, 1997..................2

Tableau 37:Relation entre la survenue des traumatismes et les variables indépendantes retenues dans l’analyse. OSH, 1997........................................................................................2

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Tableau 38:Relation entre l’obésité et les variables indépendantes retenues dans l’analyse. OSH, 1997. ..................................................................................................................2

Tableau 39: estimation des Rapports de cote ajustés pour l'ensemble des variables retenues dans le modèle par la régression logistique. OSH, 1997. .................................2

Tableau 40 : caractéristique principale de chaque modèle théorique de changement de comportement ..............................................................................................................................2

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LLiissttee ddeess aannnneexxeess Annexe 1: Ratios de Mortalité Standardisés (SMR) dans les différents Arrondissements

du pays pour les accidents impliquant un véhicule à moteur ( chez les hommes et chez les femmes ). 1990-1993, Belgique. Liste des SMR par Arrondissements et présentation cartographique (SMR en sextiles). .................................................................2

Annexe 2 : Indices d’évolutions (en %) sur 20 ans (entre 1970-74 et 1990-94) des APVP par accidents impliquant un véhicule à moteur, au niveau des 43 Arrondissements du pays. Situation pour les hommes et pour les femmes séparément. .................................2

Annexe 3: Formulaire d'analyse des accidents de la circulation avec tués ou blessés. Ministère des Affaires Economiques, Belgique....................................................................2

Annexe 4: Illustration schématique du réseau EUPHIN. D'après le site web du réseau, document intitulé : « management summary of the EUPHIN GIP »................................2

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1 Introduction générale Chacun de nous a été à un moment ou l’autre de sa vie, victime de ce que l’on appelle couramment un accident ; accident qui a eu sur sa vie, des conséquences très variables allant de l’épisode rapidement oublié à l’événement qui a laissé des traces importantes… Il y a ceux dont on parle beaucoup, qui font la une de la presse et des médias : prenons pour exemple le récent accident du Concorde à Paris. Il y a ceux dont on parle un peu : les accidents de la route font l’objet de quelques campagnes de sensibilisation au moment de la sortie des statistiques officielles de mortalité ou au moment d’un accident faisant plusieurs victimes. Et il y a ceux dont on ne parle pas ou presque pas : les accidents au domicile, les accidents de sport,… Il y a aussi d’autres événements que l’on ne classe pas « spontanément » dans la catégorie des accidents et traumatismes mais qui font pourtant partie de ce que l’on appelle les « causes externes » de mortalité et de morbidité : les suicides, les homicides, la violence. Sans brûler les étapes et sans faire abstraction des indispensables approches scientifiques dans la quantification d’un problème, on peut malgré tout avancer que les traumatismes et accidents sont, depuis longtemps un réel problème de santé publique et qu’ils ont un impact très important sur la santé de la population. Face à cet impact, l’homme n’a pas tardé à réagir : il a cherché à lutter contre le problème tantôt appelé « le destin », tantôt le résultat d’un comportement « à risque », tantôt la conséquence de comportements « peu scrupuleux ». Sans chercher nécessairement à comprendre le pourquoi de ces événements traumatiques, l’homme a d’abord cherché à améliorer la prise en charge des victimes : la croix rouge et ses activités sur les champs de bataille, le développement des ambulances et leur capacité à se rendre le plus rapidement possible sur les lieux de l’accident, les SAMU et SMUR qui tentent par tous les moyens de raccourcir les délais entre l ‘événement et la prise en charge hospitalière, le développement des techniques et matériels de réanimation, etc. bref autant de moyens qui ont rendu la prise en charge des traumatismes de plus en plus performante ont permis de diminuer les conséquences souvent dramatiques des traumatismes et accidents. Les interrogations sur le pourquoi de l'occurrence de l'événement accidentel sont restées rares. Cette démarche n’est évidemment pas spécifique aux traumatismes ; elle a pu être observée pour la plupart des problèmes de santé : si nous prenons l’exemple des cancers, on observera là aussi cette démarche qui vise d’abord la prise en charge des conséquences du problème sur la santé : traitements médicaux, chirurgicaux ont été les premières armes de lutte contre le cancer du sein, …et sont encore pour certains, les seuls disponibles. Pour d’autres, on a dépassé le stade de la seule prise en charge des répercussions de la maladie pour développer des programmes de prévention.

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C’est notamment l’épidémiologie et ses méthodes qui ont permis de grands progrès dans la compréhension de bon nombre de problèmes de santé (cancer, maladies cardio-vasculaires, etc.). Depuis plus de 100 ans, le développement des méthodes épidémiologiques a en effet permis de faire de l'épidémiologie une des sources prioritaires d'information permettant de tendre vers une approche objective et scientifique des décisions en matière de santé et de gestion de la santé. Nous verrons plus avant que pour les traumatismes, problème pourtant connu de longue date, un certain retard dans l'application des concepts connus de l'épidémiologie est constaté. Ce retard est notamment à mettre en relation avec la perception même de la notion d'accident, problème sur lequel nous reviendrons plus loin. Le retard est pourtant en voie de résorption. En effet, depuis deux décennies, un intérêt semble se marquer pour la problématique des accidents et l'application des méthodes épidémiologiques à cette thématique. On est pourtant au début de l'investigation de ce problème qui est sous bien des aspects différent des autres dans la mesure où il est uniquement lié à des causes externes et que les modes de vie et pressions économico-sociales exposent à des risques de plus en plus importants. De l’impression générale à la confirmation scientifique : les accidents constituent-ils un problème de santé publique ? C’est la première interrogation à laquelle nous essayerons de répondre dans les premiers chapitres de ce travail. Les méthodes épidémiologiques appliquées dans le champ des traumatismes apportent-elles les réponses aux questions posées ? C’est une deuxième interrogation que nous aborderons en relevant les particularités de la thématique des traumatismes et accidents. Les modèles d’analyses et de prise en charge dans le champ des traumatismes et accidents peuvent-ils se satisfaire de l’outil épidémiologique ? Comment favoriser les approches multidisciplinaires tant dans l’analyse du problème que dans le développement des stratégies préventives ? Autant de questions que nous tenterons d’aborder dans ce travail synthétique.

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2 Objet de la thèse Formulation de la thèse: « Dans le champ des traumatismes, l’utilisation d’un modèle conceptuel global permet de mieux répondre aux objectifs de santé publique car il permet d’intégrer les différentes approches méthodologiques tant dans la compréhension du problème et de ses déterminants que dans la formulation et l’exécution des programmes et actions de lutte préventive. Dans ce modèle global appliqué aux traumatismes, l’épidémiologie occupe une position stratégique incontournable. » Dans le décours de la recherche, nous montrerons l’importance de la problématique des traumatismes dans le champ de la santé publique et l’urgence qu’il y a à adopter non seulement une approche épidémiologique rigoureuse dans la description et l’investigation des déterminants et dans l’évaluation des politiques et stratégies de lutte mais aussi de développer un modèle d’analyse global permettant de déboucher sur un cadre de réflexion multidisciplinaire dans le champ des traumatismes. Plusieurs objectifs spécifiques seront visés : • Décrire l’importance des traumatismes et accidents dans les pays industrialisés

(exemple de la Belgique) faisant de ce sujet une priorité de santé publique. • Décrire l’importance des traumatismes et accidents dans les pays en développement

(exemple du Maroc), faisant de ce sujet une priorité de santé publique. • Documenter et illustrer la place de l’épidémiologie dans l’étude des traumatismes

notamment sur base des différents modèles d’analyse • Proposer un modèle conceptuel global tenant compte de la multisectorialité du champ

des traumatismes • Discuter la position stratégique de l’approche épidémiologique dans le cadre de ce

modèle global, tant au moment du diagnostic et des interventions qu'au moment de l'évaluation des actions développées.

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3 Méthodologie Plusieurs approches méthodologiques ont été développées pour mener à bien le présent travail. Nous citons ces différentes approches et renvoyons le lecteur, pour plus de détails, au niveau de chaque chapitre ou sous-chapitre où ce volet du travail est développé. Chapitre 4 : « Un cadre de réflexion autour des traumatismes et de l’épidémiologie »

Revue de la littérature. Chapitre 5 : « L’épidémiologie rôle central dans l’étude des traumatismes » : Mesure de l’importance du problème

Revue de la littérature. Analyse secondaire des données de mortalité des années 1974 à 1994 publiées par

l’Institut National des Statistiques et calculs d’indicateurs spécifiques (Années potentielles de vie perdues, Ratios de mortalité standardisés).

Analyse secondaire des données de l’enquête nationale de santé des belges (1997) Etude épidémiologique transversale descriptive sur la santé des jeunes de la

Province de Hainaut. Etude épidémiologique transversale descriptive répétée sur les comportements de

santé des jeunes de la Communauté française de Belgique (enquête exécutée selon le protocole de l’Organisation Mondiale de la Santé : « Health Behaviour in School-Aged Children / HBSC »).

Analyse des rapports publiés par différentes institutions (Ministère de la Santé, Réseau des médecins vigies, Institut belge de la Sécurité routière, etc.)

Analyse secondaire des données publiées par diverses institutions concernant les déficiences et handicaps consécutifs à un traumatisme (Fond des Accidents du Travail, Eurostat, etc.)

Etude épidémiologique descriptive menée dans 5 hôpitaux du Maroc : collecte d’information auprès d’un échantillon représentatif de malades hospitalisés, de consultations externes spécialisées et de consultations dans les services d’urgence.

Recherche des déterminants :

Revue de la littérature Analyse secondaire des données de l’enquête nationale de santé des belges (1997)

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Etude épidémiologique transversale descriptive sur la santé des jeunes de la Province de Hainaut.

Etude épidémiologique transversale descriptive répétée sur les comportements de santé des jeunes de la Communauté française de Belgique (enquête exécutée selon le protocole de l’Organisation Mondiale de la Santé : « Health Behaviour in School-aged Children / HBSC »).

Evaluation des actions préventives :

Revue de la littérature Chapitre 6 : « Un cadre de référence global : une priorité dans le champ des traumatismes »

Revue de la littérature Etude épidémiologique transversale descriptive répétée sur les comportements de

santé des jeunes de la Communauté française de Belgique (enquête exécutée selon le protocole de l’Organisation Mondiale de la Santé : « Health Behaviour in School-aged Children / HBSC »).

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4 Un cadre de réflexion autour des traumatismes et de l’épidémiologie

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il paraît important de planter « le décor » de la thèse :

Qu’entend-on par traumatismes et/ou accidents ?

Que renferme le terme « épidémiologie », objet de nombreuses définitions et souvent utilisé tantôt pour ce qu’il permet d’obtenir (des données quantitatives de qualité) que pour ce qu’il est censé appuyer (la démarche de santé publique et/ou d’analyse clinique) ?

4.1 Traumatismes et Accidents : de quoi parle-t-on ?

4.1.1 Historique Le terme accident apparaît en 1592 dans les statistiques vitales de la ville de Londres: "The bills of mortality". En 1662, J.GRAUNT publie une analyse de ces statistiques : "Natural and Political observations made upon the Bills of mortality". On y décrit plus ou moins 65 catégories de décès dont les principales sont évidemment les maladies infectieuses. A titre d'exemple, en 1647, 13.142 décès sont enregistrés parmi lesquels 27 résultent "d'accidents divers", 47 de "noyade" et 3 de "brûlures". La proportion de décès pour ces différentes causes accidentelles est estimée à 0.6% de tous les décès. Avec le développement de la révolution industrielle, la fréquence des traumatismes augmente de façon importante dès la fin des années 1700 et durant le 19ème siècle. Les industries textiles, la mine, le chemin de fer commencent à enregistrer les traumatismes survenant dans le cadre du travail. ; très peu d'informations sont disponibles sur les accidents en milieu agricole. En 1870, une ville comme Philadelphie, aux Etats-Unis présente un taux annuel de mortalité dus aux accidents de 50 pour 100.000. L'impact de plus en plus important de la révolution industrielle sur les décès par traumatismes suscite des réflexions en sens divers : bon nombre d'industriels souhaitent mettre en avant le rôle primordial de l'ouvrier et surtout son imprudence (et donc sa responsabilité) dans l'acte accidentel. Pour d'autres, il faut impérativement lutter contre des conditions de travail inhumaines, contre le travail des enfants,.... Les hommes de loi commencent à réfléchir aux législations sur la sécurité.

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Mais il faut attendre les années 1900 pour voir une prise de conscience de l'aspect « préventible » de la plupart des traumatismes. Une des premières études épidémiologiques qui a documenté l’efficacité de stratégies de prévention est celle menée par CAIRNS (1941) sur la réduction des conséquences des traumatismes de la tête chez les soldats anglais pilotes de moto grâce au port du casque [Cairns 1941;Cairns and Holbourn 1943]. En 1949, GORDON [Gordon 1949] publie un texte dans lequel il met de façon fidèle en parallèle la description épidémiologique des pathologies infectieuses et ce que l'on connaît des accidents au travers des statistiques vitales :

o l'importance du temps (pic épidémique, variations saisonnières, tendances séculaires) : caractéristique importante lorsque l'on s'intéresse aux maladies transmissibles mais tout aussi importante lorsque l'on analyse les statistiques des accidents (pics épidémiques lors des catastrophes, variations saisonnières dans les accidents de la route, tendances séculaires à la baisse dans certains types d'accidents)

o l'importance des caractéristiques de l'hôte : l'âge, le sexe, "la race"1 sont des paramètres essentiels dans l'étude des problèmes transmissibles ; ils le sont tout autant dans l'étude des accidents : la figure 1 reprise de GORDON[Gordon 1949] illustre les principales causes de décès par catégorie d’âge et la position différente qu’occupe la cause « accident » selon ces catégories d’âge2.

o les caractéristiques en relation avec l'environnement: des différences géographiques, climatiques, saisonnières, socio-économiques sont observées dans les phénomènes infectieux ; il en est de même dans la description de l'occurrence des accidents.

Sur base de ces constats objectifs, GORDON met en avant le fait que les méthodes de la recherche épidémiologique sont parfaitement applicables à la problématique des traumatismes et que l'application de ces méthodes bien rodées dans d'autres secteurs apporteraient une plus-value importante dans la connaissance et la compréhension des phénomènes traumatiques. En 1958, l’Organisation Mondiale de la Santé organise à Spa en Belgique un colloque consacré à la prévention des accidents dans l’enfance. Le Professeur M.GRAFFAR en rapporte les idées maîtresses dans un article publié en 1960[Graffar 1960].

1 cité par l’auteur 2 les faits de guerre ne sont pas repris dans ces chiffres.

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Figure 1 : Les principales causes de décès aux Etats-Unis en 1945, par groupe d'âge. D'après Gordon

En 1961, GIBSON identifie l'ENERGIE (et ses différentes formes) comme l'agent des traumatismes [Gibson 1961]. En 1963, HADDON reprend cette idée de l'énergie comme agent des traumatismes et la place dans un cadre, un modèle similaire aux modèles utilisés dans l'étude des maladies infectieuse. Ce modèle, qui prend en compte « vecteur » et « véhicule » montre qu'un traumatisme survient lorsque l'énergie délivrée à l'hôte (par un vecteur ou véhicule) dépasse la tolérance humaine ; il classe cette interaction "agent-hôte" selon deux catégories : excès d'énergie ou manque d'énergie (empoisonnement, noyade) [Haddon, Jr. 1963;Haddon, Jr. et al. 1964] . La figure 2 illustre le modèle proposé [Kraus et al. 1997].

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Figure 2 : illustration du modèle épidémiologique des traumatismes. Source: d'après KRAUSS[Kraus, Peek-Asa, and Blander 1997]

A partir de ce moment, trois axes principaux ont permis une meilleure prise en compte de la problématique des traumatismes :

o Le développement de différents systèmes de surveillance et la collecte d'informations épidémiologiques pertinentes de certaines catégories de traumatismes : ces systèmes ont notamment permis de mieux connaître l'importance et le coût des traumatismes et dès lors donné un peu plus de priorité à une meilleure connaissance et compréhension de ces problèmes. Un des premiers systèmes informatisés de surveillance des traumatismes a été introduit en 1969 dans un hôpital de Chicago[Pollock and McClain 1989]. Depuis, de nombreux systèmes de collecte et/ou de surveillance se sont mis en place pour tenter de mieux cerner la gravité du problème. Ces systèmes sont souvent thématiques et ne recueillent de l'information que sur certains types de traumatismes (travail, route,...).

o L'ouverture du "champ des traumatismes" aux experts de l'ingénierie

permettant le développement de démarches intéressantes dans le domaine de la sécurité.

o La construction d'un modèle de référence permettant une approche scientifique

et rationnelle tant dans la compréhension du phénomène que dans l'exécution d'études épidémiologiques descriptives et analytiques (voir figure 2).

A la fin des années 60, HADDON [Haddon 1968] a proposé une « grille d’analyse détaillée » de la relation AGENT-HÔTE dans lequel il décompose l'événement "traumatisme" en 3 phases sur base de la notion de temps (phase "pré-événement", phase "événement", phase "post-événement") et étudie l’influence de différents

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facteurs dans le décours de ces trois phases. Ces facteurs sont subdivisés en trois groupes :

L'hôte Le vecteur (ou véhicule) et ses caractéristiques physiques L'environnement vu essentiellement sous deux angles: physique et socio-

économique.

La figure 3 illustre ce modèle appelé «matrice de HADDON». Nous reviendrons plus loin sur cette matrice de décomposition de l’événement traumatique.

Figure 3: Matrice de HADDON

Facteurs Phases Hôte (homme) Vecteur (véhicule) Environ.physique Environ.socio-écon Pré événement Evénement Post-événement Enfin le même auteur, sur base de l’analyse détaillée matricielle, proposera quelques années plus tard un ensemble de 10 stratégies visant à lutter efficacement contre les traumatismes [Haddon, Jr. 1973] : • « The first strategiy is to prevent the marshalling of the form of energy in the

first place, • The second strategy is to reduce the amount of energy marshalled • The third strategy is to prevent the release of the energy • The fourth strategy is to modify the rate of spatial distribution of release of the

energy from its source • The fifth strategy is to separate, in space or time, the energy being released from

the susceptible structure, whether living or inanimate • The sixth strategy uses separation by interposition of material « barrier » • The seventh strategy is to modify appropriately the contact surface, subsurface or

basic structure, as in emilinating, rounding and softening corners, edges, and points with which people can come in contact

• The eighth strategy in reducing losses in people and property is to strengthen the structure, living or nonliving, that might otherwise be damaged by the energy transfer.

• The ninth strategy in loss reduction applies to the damage not prevented by measures under the eighth preceding –to move rapidly in detection and evaluation of damage that has occured or is occuring, and to counter its continuation and extension

• The tenth strategy encompasses all the measures between the emergency period following the damaging energy exchange and the final stabilization of the process

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after appropriate intermediate and long-term reparative and rehabilitative measures. »

Durant les années plus récentes, l’épidémiologie et ses méthodes d’étude ont été introduites et plus largement utilisées tant pour documenter l’importance des traumatismes que dans une démarche étiologique à la recherche des déterminants. Un intérêt plus marqué pour la recherche sur les traumatismes peut s’observer notamment au travers des publications internationales : de l’ordre de 2000 articles par an au milieu des années 80 à plus de 5000 articles par an à la fin des années 90 [Rivara et al. 2001]. On peut ainsi rapidement se rendre compte que l’utilisation de méthodes scientifiques pour comprendre et lutter contre les traumatismes n’est pas très ancienne –une quarantaine d’années au maximum- bien moins ancienne que l’utilisation de ces démarches et méthodes dans le champ des maladies infectieuses ou des maladies chroniques. On peut rappeler qu’en 1982, JENICEK, dans son introduction au chapitre « épidémiologie des lésions accidentelles » de l’ouvrage « Epidémiologie. Principes. Techniques. Applications », dit : « nous abordons ici un sujet encore très nouveau en épidémiologie. »[Jenicek and Cléroux 1983].

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4.1.2 Définitions et classifications

De l’importance de la définition des termes : Définir de façon claire le champ que l’on couvre est un préalable indispensable tant en ce qui concerne la phase documentaire et comparative d’un problème qu’en ce qui concerne sa traduction opérationnelle ; en phase documentaire et comparative : parler de la même chose, comparer ce qui est comparable, suivre dans le temps les mêmes phénomènes sont les soucis quotidiens notamment des épidémiologistes ; en phase d’action : la compréhension des termes utilisés, les éventuelles connotations qu’ils véhiculent, la clarté, la visibilité,…sont autant d’aspects qui peuvent avoir des répercussions importantes sur le déroulement d’actions et sur l’impact attendu.

De l’importance de la classification : Dans le champ des traumatismes comme dans bien d’autres domaines, l’observation précise et la classification des faits, des événements, est indispensable pour une meilleure compréhension des phénomènes, pour une meilleure prise en charge des événements et pour une plus grande comparabilité des résultats. Les progrès qui ont été réalisés en cancérologie notamment sont pour une part non négligeable liés à une parfaite observation, et une classification rigoureuse selon les types de cellules atteintes, les sites d’extension, la taille des lésions, etc. Complément indispensable de la définition, la classification est une étape indispensable de toute étude épidémiologique.

De l’importance de la définition des termes dans le champ des traumatismes : Lorsque l'on approche le domaine des accidents et des traumatismes encore parfois appelé domaine de "l'accidentalité", les généralités énoncées ci-dessus sont amplifiées notamment par la diversité des acteurs qui à un moment ou l’autre de la démarche, de la réflexion sont impliqués dans ce secteur et par des divergences linguistiques non négligeables. Dans la langue française, le dictionnaire «Petit Robert » définit le mot « traumatisme » comme « l’ensemble des lésions locales intéressant les tissus et les organes, provoqués par un agent extérieur». Le mot « blessure » sera aussi utilisé avec une définition très similaire. Le mot « accident » se définit quant à lui comme « un événement fortuit (qui arrive ou semble arriver par hasard), imprévisible (que l’on ne peut prévoir) » (du latin accidit : il arrive). En anglais, le terme INJURY (dans le sens qui nous occupe) signifie « blessure », « lésion corporelle ». Le mot « traumatism » est également utilisé dans un sens assez proche : il se traduit par « traumatisme ». Le terme « accident » (traduit par accident en français) est utilisé avec une forte connotation de fortuité et de hasard.

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De l’importance de la connotation véhiculée par les mots :

Il apparaît autour des termes que nous venons de présenter une certaine similitude dans le sens premier des termes : le mot accident (Angl) et le mot accident en français, le mot blessure en français et le terme injury en anglais ainsi que les deux autres termes proches : traumatism (Angl) et traumatisme. Dans le langage courant, on dira que Dupondt a été victime d’un accident (ou a eu un accident) et qu’il a été (ou non) blessé. On ne dira pas que Dupondt a été victime d’un traumatisme. Les professionnels travaillant dans le champ des traumatismes sont gênés par la connotation véhiculée par le terme accident. En effet, autour de ce terme apparaît une confusion liée au caractère apparemment fortuit et inévitable de l ‘événement[Loimer et al. 1996]. Il y a là plus qu’une nuance à apporter : en effet, dire que l’accident est imprévisible renforce une attitude fataliste peu propice à une approche scientifique et rationnelle de l’événement tant dans la recherche d’une compréhension des mécanismes que dans le développement de moyens de lutte et de prise en charge (prévention). Reconnaître par contre que l’accident est prévisible donne toute son importance à la prévention.

De l’importance d’un consensus sur les définitions : Ainsi, l’approche scientifique anglo-saxonne la plus récente substitue au terme « accident » celui de INJURY (traumatisme, blessure) regroupant sous ce terme tant l’événement que sa(ses) conséquence(s) éventuelle(s). Ce terme met l'accent sur l'atteinte corporelle et/ou psychologique et inclut toutes les causes de traumatismes (suicide, homicide, etc.). L’approche francophone a quelques difficultés à se séparer des deux concepts que lui fournit son dictionnaire, d’une part l’événement : l’accident et d’autre part les conséquences : la blessure ou le traumatisme, au risque de continuer à véhiculer le caractère fortuit et non évitable de l’événement. Ce sont les Français qui sont les plus grands défenseurs de cette approche argumentant ce choix par l’importance qu’il y a à faire correspondre les « mots » utilisés par les professionnels et les mots compris par le public, les bénéficiaires. Les francophones en Belgique et au Canada sont plus enclins à suivre l’approche anglo-saxonne et à parler de « traumatismes », englobant sous ce terme tant l ‘événement accident que ses conséquences ; approche qui présente l’énorme avantage d’éviter la confusion sur le caractère évitable de l’événement et qui combat la notion de fatalité que suggère le terme d'accident.

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On parlera ainsi de « prévention des traumatismes »(« injury prevention ») en englobant dans cette expression l’ensemble des mesures qui peuvent être développées tant pour prévenir la survenue de l ‘événement que les conséquences de celui-ci. Cette discussion qui peut sembler très théorique et loin des préoccupations quotidiennes tant des professionnels que de la population est malgré tout importante : bon nombre d’experts de santé publique mettent en avant le fait qu’un usage large du terme « accident » ne prête pas seulement à une confusion sémantique mais inhibe sérieusement les efforts et investissements visant à en réduire l’émergence [Girasek 1999;Haddon and Baker 1979;Robertson 1983]. Cette discussion n’est évidemment pas close et fait l’objet de publications sérieuses [Davis and Pless 2001;Loimer et al. 1996]. On observera ainsi une situation contrastée (mais non figée) où : • dans les pays anglo-saxons on parlera de injury et injury prevention / injury control • en Belgique et au Canada francophone : traumatisme et prévention des traumatismes • en France : traumatismes et prévention des traumatismes et accidents. L’orientation que nous tenterons de privilégier tout au long de ce travail est la suivante : nous considérons qu’il y a :

• Des événements (que l’on va encore appeler accident pendant longtemps : accidents de la route,…)

• Des conséquences d’événements : traumatismes Mais lorsque l’on abordera la prévention de ces phénomènes, on parlera de prévention des traumatismes sous-entendant aussi la prévention des événements.

4.1.2.1 Définitions Le traumatisme : Le traumatisme se définit comme un dommage corporel causé par un transfert aigu d’énergie ou par une absence soudaine de chaleur (hypothermie) ou d’oxygène (asphyxie, noyade) dépassant la capacité du corps humain d’y résister ou de s’y adapter. La notion de vitesse est évidemment très importante dans cette définition dans la mesure où des expositions sub-aiguës ou chroniques à de l’énergie (de quelque forme que ce soit) peut provoquer nombre de maladies chroniques ou d’incapacités. Ainsi, un ouvrier du bâtiment qui transporte chaque jour des charges importantes pourra à la longue développer des pathologies musculaires et/ou osseuses dont l’origine est un transfert d’énergie (chronique) : on ne classera pas cette pathologie chronique dans les traumatismes3. Un fumeur qui inhale pendant des années de la fumée et développe une 3 On conviendra que cette distinction est relativement arbitraire et peut poser certains problèmes notamment dans le cadre de la médecine du travail : la distinction entre maladie professionnelle et accident de travail reposera sur le caractère aigu du phénomène de transfert dans le cas du traumatisme.

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pathologie pulmonaire sera victime d’une maladie chronique ; alors que l’inhalation brutale et aiguë d’un gaz et ses conséquences sera considérée comme une lésion traumatique (par exemple suite à un incendie). Il s’agit là on en conviendra de distinctions arbitraires mais qu’il est important de considérer dans un souci de classification, de recherche et de choix stratégiques dans les actions. Le Transfert d’énergie : la cause des traumatismes Sans entrer dans des considérations et des détails techniques qui dépasseraient le cadre du présent travail, il est malgré tout intéressant d’avoir une compréhension générale des mécanismes physiques qui entrent en jeu dans la survenue d’un traumatisme. Même s’il est vrai que l’on utilise peu ce critère « type d’énergie impliquée » pour classifier les traumatismes (on a plus souvent recourt à une classification sur la cause ou sur la nature), identifier et comprendre les mécanismes de transfert permettent de développer des stratégies de lutte mieux ciblées et plus efficaces. Les formes d’énergie qui vont causer la grande majorité des traumatismes sont les suivantes : • L’énergie mécanique Tout objet en mouvement renferme une énergie qui est en relation avec sa masse et sa vitesse : F= m.v²/2 L’importance de la vitesse est évidente au regard de la formule puisqu’elle intervient au carré. Si l’objet s’arrête brusquement, l’énergie de cet objet en mouvement sera dissipée vers le véhicule, vers l’environnement et vers les tissus de l’individu. La nature et l’élasticité du matériel vont déterminer les dégâts au niveau des tissus. Ainsi des stratégies de lutte viseront à diminuer au maximum les contacts avec des surfaces peu élastiques (airbag) , à répartir les zones d’impact (ceinture) , à augmenter les zones d’absorption de l’énergie (au niveau du véhicule ou de l’environnement) (casque chez les cyclistes). • L’énergie chimique et thermique Quelle que soit sa source (feu, liquide, …), la chaleur va se transmettre d’un solide/liquide/gaz vers un autre à proximité, à partir du corps possédant la moyenne de température la plus élevée vers le corps possédant la plus faible. Si cet autre est un corps humain, les effets de la chaleur sur celui –ci seront fonction du niveau de température et de la durée de l’exposition. L’énergie chimique peut être inspirée comme dans un incendie, ingérée, injectée ou absorbée. L’effet sur l’organisme sera fonction de la concentration du corps chimique, de son interaction avec la chimie de l’organisme et la rapidité de l’élimination[Robertson 1998]. • L’énergie électrique Ce type d’énergie est inhérent à la matière ; les atomes étant constitués d’électrons (-), de protons (+) et de neutrons. L’énergie électrique est un flux d’électrons qui pourra

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être capté par les atomes des tissus humains et y provoquer des lésions de nature et d’intensité variable. Ces lésions seront notamment fonction de l’intensité du flux électrique (ampérage). • L’asphyxie L’organisme humain ne peut fonctionner s’il ne dispose d’un minimum d’énergie. L’absence d’oxygène au niveau des tissus ne permet pas le fonctionnement minimum ; des lésions neurologiques et cardiaques surviennent rapidement. L’obstruction de voies aériennes supérieures (bouche, nez, trachée) ainsi que la présence de liquide dans les poumons provoquent cette asphyxie « aiguë ».

4.1.2.2 Classifications Classification des traumatismes Lorsque l’on parle de classification dans le champ des traumatismes, plusieurs dimensions peuvent être avancées et peuvent mobiliser les acteurs en fonction de leur spécialité et/ou de leur cadre professionnel. Pour tenter une classification, on pourrait ainsi considérer : ✎ le « mécanisme » ou la cause externe du traumatisme : on distinguerait ainsi des

catégories telles que : véhicule à moteur, chute d’une hauteur, noyade, … ✎ le caractère intentionnel ou non : traumatisme auto infligé, intentionnel, accidentel,

intervention légale, guerre,… ✎ la nature du traumatisme : fracture, contusion, brûlure,… ✎ la zone atteinte : membres, tête, abdomen,… ✎ le lieu de survenue : au travail, à l’école, au domicile, sur la route,… ✎ l’activité menée au moment du traumatisme : bricolage, pratique d’un sport, jeu,… Le choix de la dimension principale de la classification va dépendre de qui veut classer : le médecin qui prend en charge le blessé sera intéressé par les lésions et leurs conséquences, le responsable de l’ordre public sera lui intéressé par le caractère intentionnel ou non, le responsable de programme de prévention voudra connaître les circonstances de survenue du traumatisme. Dans un contexte de programme de prévention, c’est surtout la notion de « circonstance », de « cause externe » qui va être intéressante alors qu’en milieu hospitalier on trouvera surtout des informations sur la nature de la lésion. Une première classification couramment admise est la distinction entre les ‘traumatismes intentionnels’ et les ‘traumatismes non intentionnels’.

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Parmi les traumatismes INTENTIONNELS, on distinguera : • Ceux qui sont tournés vers l’individu lui-même (self inflected injuries) : cette

catégorie désigne essentiellement les suicides et tentatives de suicide • Ceux qui sont tournés vers les autres : homicides, violence conjugale, violence

familiale, agressions sexuelles, guerres, etc.

Parmi les traumatismes NON INTENTIONNELS, on distinguera : • Les traumatismes de la route • Les traumatismes liés au sport • Les traumatismes dans le cadre du travail • Les traumatismes liés aux activités de loisirs, au domicile, à l’école (les

accidents de la vie courante) Ce choix de terminologie (et de classification) est renforcé par l’ approche actuelle en matière de prévention des traumatismes proposée par l’Organisation Mondiale de la Santé, et qui tend à intégrer les traumatismes intentionnels et non intentionnels dans une même perspective de « promotion de la sécurité »[Organisation Mondiale de la Santé 1998]. La Classification Internationale des Maladies Au-delà de la classification sommaire ci-dessus, il est évidemment indispensable de disposer d’un système de classification qui puisse prendre en compte le large éventail des situations rencontrées et qui puisse être suffisamment « standardisé et transposable » pour être utilisé internationalement. La Classification Internationale des Maladies (CIM) de l’Organisation Mondiale de la santé est le principal système de classification utilisé pour décrire les phénomènes morbides et mortels. Pour rappel [Organisation Mondiale de la Santé 1995a], c’est au début du 18ème siècle qu’apparaissent les premières tentatives de classification des maladies : SAUVAGES publia un vaste traité (Nosologia methodica) comprenant le premier essai de classement systématique des maladies (vers 1750), mais la classification la plus couramment utilisée était celle de William CULLEN d’Edimbourg, publiée en 1785 sous le titre de (Synopsis nosologia methodicae). Au début du 19ème, en Angleterre, le premier registre officiel fût mis en place sous l’impulsion de W.FARR ; ce registre utilisait la classification de Cullen. FARR travailla à l’amélioration de cette classification pour la mettre en « harmonie » avec le progrès de la médecine. En 1853, le premier Congrès International de Statistique, qui s’est tenu à Bruxelles, chargea le Dr William FARR et le Dr Marc d’ESPINE de préparer une nomenclature uniforme des causes de décès applicable à tous les pays. Deux ans plus tard, le même congrès adoptait une liste de 139 rubriques. Des révisions de cette liste survinrent en 1864, 1874, 1880,1886. Ainsi, le principe de base qui consistait à classer les maladies suivant leur localisation anatomique a survécu comme base de la Nomenclature Internationale des Causes de Décès.

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Par la suite, le Dr J.BERTILLON prépara une nomenclature qui distinguait les maladies générales et les maladies localisées à un organe particulier ou à une région anatomique précise. Cette nomenclature fût adoptée par plusieurs pays : l’Amérique du Nord d’abord, le Canada par la suite et plusieurs pays d’Europe. Le principe d’une révision décennale date aussi de cette époque (fin du 19ème siècle). C’est dès 1938 que l’on estima nécessaire d’établir une nomenclature internationale des maladies (et plus seulement des décès). La sixième révision fut adoptée en 1948, la septième en 1955, la huitième en 1965 et la neuvième en 1975. L’introduction de la 10ème révision date, elle, de 1989.

La 9ème révision : Dans la 9ème Révision / CIM9, les traumatismes et accidents étaient classés en fonction de la nature du traumatisme (fracture, brûlure,…) et du site du traumatisme (tête, abdomen,…). Les codes 800 à 999 sont réservés pour les TRAUMATISMES et EMPOISONNEMENTS (exemple : 870-897=plaies ; 980-989=intoxication par substance non médicinale). En complément à cette classification principale, un « set » de codes (codification des CAUSES de traumatismes et empoisonnements) caractérisés par la lettre E (Externe) et allant de E800 (accident de chemin de fer) à E999 (séquelle d’accident de guerre), permettent de décrire le mécanisme de survenue du traumatisme (exemple : piéton renversé par une voiture = E814, accident par morsure de chien =E906.0). Il est intéressant de noter que les traumatismes sont le seul problème de santé pour lequel il existe deux systèmes différents de codage : un pour la nature du traumatisme et l’autre pour la cause externe). Dans son utilisation, cette 9ème classification privilégie la classification de la nature du traumatisme au détriment de la cause externe. Ainsi, de nombreux traumatismes répertoriés au sein des structures hospitalières, ne sont jamais caractérisés par un code E mais uniquement par la nature de la lésion. Même lorsqu’ils sont utilisés (ils le sont assez régulièrement sur les certificats de décès mais plutôt épisodiquement dans les rapports de morbidité), les codes E, puisqu’ils regroupent plusieurs concepts et dimensions au sein d’une classification unique, ne permettent pas de caractériser en même temps les divers éléments en jeu : l’agent étiologique, les circonstances, les événements, les caractéristiques environnementales et le caractère intentionnel ou non de l’événement. Cette CIM9, en application en Belgique pour la codification des certificats de décès jusqu’au 31/12/97, reste la classification de référence notamment au niveau du Résumé Clinique Minimum, relevé dans les structures hospitalières.

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La 10ème Révision : La dixième révision de la CIM [Organisation Mondiale de la Santé 1995a] est d’application en Belgique depuis le 1er janvier 1998 pour le codage des causes de décès mais n’est pas encore d’application au niveau des structures hospitalières pour le codage des épisodes morbides au sein du Résumé Clinique Minimum (RCM). Dans cette dernière édition, on retrouve encore deux « jeux » de codes mais repris comme des chapitres de la classification principale : le chapitre XIX qui caractérise la nature du traumatisme et le chapitre XX la cause externe. Les codes renferment 3 à 4 caractères : une lettre puis deux ou trois chiffres (le niveau à trois caractères étant le niveau obligatoire pour la notification internationale ; le 4ème permettant notamment de coder l’activité au moment du traumatisme). Différents chapitres intéressant les traumatismes :

Le chapitre XIX : Lésions traumatiques, empoisonnements et certaines autres conséquences de causes externes (codes : S00 à T98)

Ce chapitre décrit, à l’aide d’un code « 1 lettre – 2 ou 3 chiffres », les différents types de traumatismes (fractures, plaies, écrasement, brûlures,...) selon qu’ils sont localisés à une seule région du corps (section S) ou à des localisations multiples ou de siège non précisé ainsi que les empoisonnements (code T). Il regroupe les traumatismes par région corporelle, en caractérisant grâce aux 3ème et 4ème caractères du code tantôt la localisation précise, tantôt la nature de la lésion. Il donne également un code pour les problèmes liés aux effets toxiques de substances (médicamenteuses ou non) , aux rayonnements.

Le chapitre XX : Causes externes de morbidité et de mortalité (codes : V01 à Y98

Ce chapitre qui remplace la classification spécifique des causes externes (E) dans la précédente révision (CIM9) est un chapitre à part entière de cette nouvelle révision. Il permet la classification de toutes les CAUSES EXTERNES responsables de lésions traumatiques, d’intoxications et d’autres effets indésirables ou la (les) personnes impliquées. Les rubriques de ce chapitre sont utilisées en association avec les rubriques des autres chapitres qui spécifient la nature de la lésion (essentiellement le chapitre XIX).

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Les principaux groupes sont les suivants :

• Les accidents : V01-X59 • Les lésions auto-infligées : X60-X84 • Les agressions : X85-Y09 • Les événements dont l’intention n’est pas déterminée : Y10-Y34 • Les interventions de la force publique et faits de guerre : Y35-Y36 • Les complications de soins médicaux et chirurgicaux : Y40-Y84 • Les séquelles de causes externes de morbidité et de mortalité : Y85-Y89 • Les facteurs supplémentaires : Y90-Y98

Pour chacune de ces catégories, un 4ème caractère est utilisé tantôt pour préciser le lieu de l’événement, tantôt pour préciser le statut de la personne victime, tantôt l’activité menée au moment du traumatisme. Les consignes formulées par les auteurs de cette 10ème révision sont claires : « pour la mise en tableau des causes de décès, on utilisera de préférence un double classement, chapitres XIX et XX, mais si cette mise en tableau doit être effectuée selon un code unique, on utilisera de préférence le code du chapitre XX » …« quand la cause initiale est un traumatisme ou un autre effet d’une cause externe classée au chapitre XIX, les circonstances qui ont donné lieu à cette affection doivent être choisies comme cause initiale pour la mise en tableaux et classées à V01-Y89. Le code pour le traumatisme ou l’effet en question peut être utilisé comme code supplémentaire. Par exemple Choc traumatique qui a provoqué la mort suite à des fractures multiples, elles-mêmes dues à « piéton blessé dans une collision avec un véhicule lourd (accident de la circulation » = cause initiale : V04.1 piéton heurté par camion) » [Organisation Mondiale de la Santé 1995b]. Pour le codage des causes externes de morbidité, :

« Il est recommandé, pour les traumatismes et autres affections dues à des causes externes de coder tant la nature de l’affection que les circonstances de la cause externe. Le code préféré pour l’affection principale devrait être celui qui désigne la nature de l’affection. Celle ci sera généralement classée, mais pas toujours, dans le chapitre XIX. Le code du chapitre XX indiquant la cause externe sera utilisé comme code supplémentaire facultatif. Exemple : affection principale : fracture du col du fémur due à une chute de plain-pied résultant de trébuchement sur un trottoir inégal. Autres affections : contusions du coude et du bas. Classer à « fracture du col du fémur (S72.0) comme « affection principale ». Le code de cause externe pour chute de plain-pied résultant de glissade, faux pas et trébuchement dans une rue ou une route (W01.4) peut être utilisé comme code supplémentaire facultatif. »

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Cette dixième révision de la CIM , même si elle apporte des améliorations par rapport aux critiques émises à la version 9 ne répond pas encore de façon satisfaisante aux spécialistes du domaine des traumatismes[Langley and Chalmers 1999] car elle ne permet pas encore suffisamment de précision sur les circonstances et conditions de survenue de l’événement traumatique. C’est pour ce motif que l’OMS et son programme de promotion de la sécurité et de prévention des traumatismes s’est attaché à favoriser la création d’une classification distincte pour les traumatismes, classification qui devrait s’insérer dans la « famille » des classifications OMS des maladies et problèmes de santé annexes [Baudier 1996]. Cette « International Classification of External Causes of Injury » (ICECI) est actuellement développée par un groupe de travail international. Elle devrait permettre, en complément de l’ICD 10, de relever plus de détails sur les circonstances, le lieu, les objets utilisés, l’activité menée au moment du traumatisme. Une version résumée fait actuellement l’objet d’une étude pilote menée par le Center for Disease Control and Prevention (CDC) de Atlanta, USA.

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4.2 l’épidémiologie

4.2.1 Historique L'épidémiologie est aussi vieille que la médecine : HIPPOCRATE (460-377 av. JC) avait "tout dit " : il y a une association entre la maladie et l’environnement, la qualité de l’eau, le climat, les habitudes alimentaires …mais il n’avait rien compté. L'introduction des méthodes quantitatives en médecine et en biologie est imputée à John GRAUNT (1662) considéré comme précurseur plutôt que comme fondateur de l'épidémiologie : en effet, il étudia les données de mortalité de Londres et y mit en évidence les différences en fonction du sexe, les variations saisonnières. Il publie « Les observations naturelles et politiques concernant les registres mortuaires » en 1662. Il faudra attendre près de 2 siècles (1839) et les travaux de William FARR (responsable des statistiques médicales en Angleterre) pour poursuivre cette étude des statistiques de mortalité et mettre en évidence certains ‘facteurs de risques’ (type de travail, statut marital, situation socio-économique, etc. ). Quelques années plus tard (août 1854) un contemporain, John SNOW constate, lors de la grave épidémie de choléra que connut Londres, que le quartier de Broad Street était particulièrement touché. Il étudia les décès et réalisa la présentation cartographique des cas. Il souleva l’hypothèse que le choléra était transmis par l’eau alors qu’il était jusqu’alors attribué aux « miasmes ». Il réalisa une véritable étude cas-témoins dans un quartier alimenté par deux compagnies de distribution d’eau. Dans les maisons qui s’approvisionnaient à la pompe de la compagnie qui pompait l’eau de la Tamise (aux abords d’un déversement d’égouts) il mit en évidence dix fois plus de décès par choléra que dans les familles qui s’alimentaient à la pompe de la compagnie pompant l’eau dans un endroit plus propre. Il mit hors d’usage la pompe incriminée et quelques jours plus tard l’épidémie était jugulée [Snow 1849;Snow 1854]4. Les expérimentations sur l’homme ont également largement influencé l’émergence de l’épidémiologie : en 1747, LIND s’intéresse au scorbut et effectue l’une des premières expérimentations sur l’homme et en conclut que la consommation d’agrumes protège contre cette maladie. Il répartit les marins malades en deux groupes et leur administra différentes thérapeutiques. Seuls les marins ayant reçu des oranges et des citrons furent guéris. La cause de la maladie ne sera identifiée qu’au XIXième siècle avec la découverte de la vitamine C dont la carence provoque le scorbut. En 1796, JENNER réalise des travaux sur la variole et inocule à un enfant du pus des mains d’une femme 4 Notons que cette affirmation classique mérite d’être replacée dans son contexte d’évolution temporelle comme l’a fait WHITEHEAD cité par DAVEY SMITH[Smith and Ebrahim 2001] et qui montre que l’impact doit plus s’exprimer en prévention de récurrence éventuelle de l’épidémie plutôt qu’en diminution du nombre de cas.

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malade de « cow-pox » ; GOLDBERGER s’inocule du sang de malade de pellagre pour démontrer qu’il ne s’agit pas d’une maladie infectieuse (1915), etc. Ces expérimentations ont apporté des connaissances importantes sur l'étiologie des pathologies étudiées plus que sur les méthodes épidémiologiques. C'est à FLETCHER que l'on doit la première randomisation lors d’une expérimentation sur la relation entre le riz et le beriberi (1905). C’est seulement dans la dernière moitié du 20ème siècle, après la seconde guerre mondiale, que l’épidémiologie a été reconnue comme telle, qu'une discipline a été établie, que des départements ont vu le jour [MacMahon and Pugh 1970] et que ses principes scientifiques se sont développés [Kleinbaum et al. 1982;MacMahon and Pugh 1970;Rothman 1986] notamment au travers d’études importantes : • la fameuse « Framingham heart study » : qui a démarré en 1949 et dont l’objet était

l’étude des facteurs de risque cardio-vasculaires [Dawber et al. 1957;Kannel et al. 1970;McKee et al. 1971]

• l’étude expérimentale « essai sur le vaccin SALK » menée en 1954 et qui a concerné près de 1 million d’écoliers [Lambert and Markel 2000]

• etc. Mais malgré de nombreuses études menées durant la deuxième moitié du siècle, l'épidémiologie reste une science très jeune : même les concepts de base posent encore certains problèmes dans leur définition5. Un autre concept a fait et fait encore l’objet de nombreux débats : le concept de causalité. Il fait partie des piliers de l’épidémiologie. La recherche dans le champ de l’épidémiologie est très complexe. La mise en évidence d’un paramètre aussi « élémentaire » que l’incidence d’un problème de santé est parfois extrêmement difficile, le lien de causalité est souvent impossible à prouver ; les études expérimentales sont de plus en plus rares et difficiles à mener. Dès lors l'importance des études non expérimentales notamment de type cas-témoins est devenue de plus en plus cruciale. Cette tendance a été largement renforcée lorsque DOLL et HILL ont, par une étude de cohorte, confirmé les résultats de leur étude cas-témoin[Doll and Hill 1952]. L’apport des méthodes statistiques, et notamment, la démarche d’analyse multivariée de type régression logistique (dont les premières applications remontent aux données de Framingham par CORNFIELD en 1962[Cornfield 1962]) a renforcé cette approche analytique non expérimentale.

5 Un article publié en 1975 dans l’American Journal of Epidemiology tentait de faire le point sur les mesures de fréquences, concept de base s’il en est[Elandt-Johnson 1975].

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Cette évolution de l ‘épidémiologie s’est également traduite au niveau des définitions que nous pouvons retrouver dans la littérature. Les définitions de l’épidémiologie : « Epi, demos, logos : la science de ce qui s’abat sur le peuple ». Au-delà de cette « définition » étymologique, les définitions de l’épidémiologie sont nombreuses et démontrent de la difficulté de « positionner » cette science jeune dans l’ensemble des démarches scientifiques existantes. Le tableau 1 donne les principales définitions que l’on retrouve dans la littérature depuis 1920 (d’après LILIENFELD,D.E. [Lilienfeld 1978]).

Tableau 1: Définitions de l'épidémiologie

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On peut y ajouter les définitions en français de JENICEK [Jenicek and Cléroux 1983] :

"...un raisonnement et une méthode propres au travail objectif en médecine et dans d'autres sciences de la santé, appliqués à la description des phénomènes de santé, à l'explication de leur étiologie et à la recherche des méthodes d'intervention les plus efficaces...".

et de l’OMS (1968) :

"...étude de la distribution des maladies et des invalidités dans les populations humaines ainsi que des influences qui déterminent cette distribution...".

Plus récemment, J.M.Last dans son ‘Dictionary of Epidemiology’ [Last 2001] définit l’épidémiologie comme suit :

« The study of the distribution and determinants of health-related states or events in specific populations, and the application of this study to control of health problems. « Study » includes surveillance, observation, hypothesis testing, analytic research, and experiments. « Distribution » refers to analysis by time, place, and classes of persons affected. « Determinants » are all the physical, biological, social, cultural, and behavioral factors that influence health. « Health-related states and events » include diseases, causes of death, behaviors such as use of tobacco, reactions to preventive regimens, and provision and use of health services. « Specified populations » are those with identifiable characteristics such as precisely defined numbers. « Application to control… » makes explicit the aim of epidemiology – to promote, protect, and restore health. »

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4.2.2 L’épidémiologie comme outil de la santé publique Epidémiologie – Santé Publique : on a tellement l’habitude de voir, d’entendre, de lire ces deux « termes » juxtaposés qu’il paraît parfois difficile d’attribuer à chacun sa place, son champ, son rôle de façon isolée. Mais la question est aussi de voir pourquoi ils sont tellement souvent associés et comment ils s’articulent, se complètent, sont interdépendants. Le premier suffit-il au second ? Le second bénéficie-t-il du premier ? La santé publique est définie comme « le champ d’intervention des efforts organisés de la société pour prévenir la maladie, promouvoir la santé et soigner les malades dans les meilleures conditions ». « Public health is one of the efforts organized by society to protect, promote, and restore the people’s health »[Last 2001]. De la définition de l’épidémiologie donnée par Last [Last 2001], on pourrait simplement retenir que l’épidémiologie est reconnue et considérée comme une discipline scientifique qui étudie les états de santé et leurs déterminants dans la population humaine. Cette dernière discipline oscille depuis un certain nombre d’années entre deux pôles :

D’une part un « pôle » proche de la santé publique c’est à dire un pôle « opérationnel et décisionnel » dont l’objet prioritaire est d’appuyer par des arguments rationnels et scientifiques les décisions dans le champ de la santé publique. Ce pôle correspond à l’approche traditionnelle de l’épidémiologie et qui est notamment à l’origine de ce que l’on peut lire dans la plupart des ouvrages d’épidémiologie à savoir que « l’épidémiologie est la science de base de la santé publique ».

D’autre part un pôle plus proche de la recherche fondamentale dont l’objet est

avant tout la compréhension des maladies et de leurs mécanismes et utilisant notamment les découvertes les plus récentes (biochimie, génétique, etc. ). Cette « épidémiologie moderne » a notamment permis d’investiguer bon nombre de maladies et de mettre en évidence des facteurs de risque individuels très importants (maladie cardio-vasculaires, cancer du poumon, ulcère gastrique, etc.).

Cette subdivision « sommaire » est à l’origine ou plutôt alimente une polémique importante et actuelle quant à la place de l’épidémiologie dans la démarche de santé publique et dans l’aide à la prise de décision [Susser 1989]. Sans entrer dans les détails de ce débat, il paraît pourtant important d’en éclaircir certains aspects dans la mesure où une application directe peut être soulignée dans le champ des traumatismes. En quelques mots, les partis qui s’opposent sont d’un côté les partisans d’une épidémiologie moderne qui serait fondée essentiellement sur une approche biologique individuelle et qui négligerait son rôle, sa mission d’appui à la santé publique et de l’autre les tenants d’une épidémiologie plus traditionnelle reposant sur l’étude des problèmes de

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santé dans une démarche globale. Participant à ce débat, PEARCE [Pearce 1996;Pearce 1999] prend une position claire : « Epidemiology has become a set of generic methods for measuring associations of exposure and disease in individuals rather than functioning as part of a multidisciplinary approach to understanting the causation of disease in populations. …We seem to be using more and more advanced technology to study more and more trivial issues, while the major populations causes of disease are ignored. Epidemiology must reintegrate itself into public health, and must rediscover the population perspective. ». SUSSER renforce ce point de vue en proposant de dépasser le paradigme de la « black box » pour proposer un nouveau paradigme mettant en avant l’intégration des différents niveaux d’approche et d’analyse (moléculaire, individuel, sociétal) caractérisant une épidémiologie orientée vers la santé publique et introduisant un nouveau concept d’éco-épidémiologie [Susser 1999;Susser and Susser 1996b;Susser and Susser 1996a]. On assiste ainsi depuis plusieurs années à un débat parfois virulent et par revues scientifiques interposées entre les partisans et les adversaires d’une certaine autonomie de l’épidémiologie par rapport au champ de la santé publique [Shy 1997b;Shy 1997a;Walker 1997]. Ce débat évolue parallèlement à celui qui touche le champ de la santé publique. Dans un ouvrage récent « Public health at the crossroad » [Beaglehole and Bonita 1997], les auteurs montrent comment les développements de l’épidémiologie ont influencé les orientations de la santé publique et soulignent comment, dans la plupart des pays, les programmes, démarches, actions de santé publique ont focalisé leur attention sur la maladie et sur la santé prise comme une absence de maladie en misant sur des modifications des styles de vie (réduction des risques individuels) par des programmes de prévention de la maladie ; approches qui produisent des bénéfices à court terme mais qui ne présentent que peu de bénéfices à plus long terme pour la santé globale[Beaglehole and Bonita 1997]. Cet élargissement nécessaire du champ de la santé publique vers une nouvelle « santé publique plus globale » [McMichael and Beaglehole 2000] imposerait dès lors, sur base de la dépendance « historique » de l’épidémiologie envers la santé publique, que l’épidémiologie suive le même chemin ? Plutôt que des oppositions sur les champs d’intérêt des uns et des autres, ce qui doit ressortir de ce débat est la nécessité d’un élargissement du champ de l’épidémiologie vers les sciences sociales, l’anthropologie, les sciences économiques et psychologiques. Mais à tout élargir parle-t-on encore d’épidémiologie ? Parle-t-on encore d’épidémiologie quand les méthodes à utiliser s’éloignent sérieusement des méthodes qui permettent d’étudier en détail les facteurs de risque individuels ? [Gori 1998b;Gori 1998a;Pearce and McKinlay 1998]. Face à cette question, deux réactions sont à noter : d’une part, celle de l’éditorial du Lancet [ 1997] « to narrow in focus it may be sometimes, but wooly breadth will help no-one » et d’autre part, un « view point » incisif de ROTHMAN

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[Rothman et al. 1998] posant la question « should the mission of epidemiology include the eradication of poverty ? ». Plutôt que de se focaliser sur les oppositions et arguments contradictoires que se renvoient les différents protagonistes, nous pouvons faire ressortir quelques points qui nous paraissent importants :

1. On peut reprocher à l’épidémiologie moderne de ne pas avoir accordé suffisamment d’importance à l’étude des facteurs environnementaux, sociaux, psychologiques qui jouent un rôle dans l’émergence des problèmes de santé. Les exemples ne manquent pas : en épidémiologie cardiovasculaire, les facteurs de risque individuels ont été bien étudiés et des relations causales ont été clairement mises en évidence. Le succès des approches individuelles de prévention ne peut être remis en question. Mais qu’en est-il des facteurs sociaux et psychosociaux, stress, pauvreté, etc. On ne peut évidemment accuser l’épidémiologie d’être responsable des échecs des programmes de prévention mais peut-être qu’une meilleure prise en compte des paramètres sociaux aurait permis d’anticiper certains échecs.

2. Une « nouvelle santé publique » plus globale impose des nouveaux outils : si le lien entre épidémiologie et santé publique est étroit et si donc un élargissement du champ d’application de l’une va par nature entraîner certains aménagements de l’autre, il n’en reste pas moins que chaque discipline garde certaines spécificités. Ceux qui voudraient que toutes les activités de l’épidémiologie se tournent vers ce champ élargi et qui voudraient que les activités épidémiologiques ne servent que cette approche globale se trompent; en effet l’épidémiologie doit répondre aussi à des questions précises (relation entre uranium appauvri et cancer, efficacité d’un nouveau traitement, etc.) Pour ce faire elle doit continuer à développer des méthodes rigoureuses bénéficiant des développements technologiques dans le domaine de la biologie, de la génétique, etc.[Hunter 1999]. De plus, l’épidémiologie clinique, plus orientée vers des approches diagnostiques, pronostiques et individuelles, est un champ particulièrement important et intéressant [Adami and Trichopoulos 1999;Fletcher et al. 1998;Sackett et al. 1991].

Il n’en reste pas moins que le développement d’une approche plus globale dans le champ de la santé publique doit susciter chez les épidémiologistes une réflexion sur la façon d’appuyer, avec leur discipline, la prise de décision. En effet, l‘épidémiologiste fait face à quelques difficultés méthodologiques quand il doit appréhender « globalement » l’impact des facteurs « globaux » sur la « santé globale » des populations [Ducimetière 1999]. Mais, et c’est peut-être là l’objet d’un autre débat contradictoire (et/ou conflictuel), de nombreuses autres disciplines doivent être impliquées dans cette approche rationnelle de la relation entre différentes variables psycho-économico-sociales et la santé. Il est important de laisser aux autres disciplines (sciences humaines et sociales) leur relative autonomie

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comme discipline participant au champ de la santé publique au même titre que l’épidémiologie. Cette relative autonomie est importante car elle permet le développement de méthodologies spécifiques et non contradictoires (exemple des méthodes qualitatives) . Cet élargissement vers d’autres disciplines avec d’autres méthodes doit permettre de participer à l’élargissement du champ de la santé publique[Fenster et al. 1999;Kaufman and Cooper 1999;Link and Phelan 1996;Muntaner 1999;Shenassa 2001;Thacker and Buffington 2001;Wall 1999]. Dans cet élargissement, nous pensons, et nous le développerons plus loin, sans vouloir subordonner une discipline à une autre et sans vouloir donner la prépondérance de l’une sur l’autre, que l’épidémiologie a une place de choix (place de référence, rôle de référence) dans la mesure où :

Elle fournit les informations indispensables et incontournables dans la recherche de certaines relations causales

Elle a développé des méthodologies quantitatives bien rôdées Elle s’appuie sur des méthodes d’analyses statistiques sophistiquées Elle a développé un champ d’interventions évaluatives Elle mesure en terme d’incidence, de prévalence, les impacts attendus et

mesurés au niveau des populations. Ainsi vont se développer des approches :

De plus en plus moléculaires et qui feront appel à des techniques et des méthodes dépassant l’épidémiologie

De plus en plus sociales qui, en plus des approches quantitatives, feront aussi appel à des méthodes qualitatives[Kaplan 1998;McMichael 1998].

Dans le champ des traumatismes, comme nous le verrons plus loin, ce débat prend toute son importance. En effet, ces problèmes de santé sont par essence « inscrits » dans un cadre global où les facteurs sociaux et environnementaux jouent un rôle majeur dans leur émergence[Manciaux 1995]. Le développement de recherches épidémiologiques essentiellement orientées vers des aspects biologiques, génétiques, etc. n’aura que peu d’intérêt (hormis peut-être un ensemble de recherches sur les assises génétiques de la violence ?) . L’essentiel de la démarche épidémiologique s’inscrira dans une approche globale et interdisciplinaire des traumatismes à savoir :

Une description classique de la situation Une étude détaillée d’un ensemble de facteurs de risques Une compréhension des facteurs socio-économiques Une étude approfondie des facteurs environnementaux

Nous reviendrons plus loin sur notre façon d’envisager la place de l’épidémiologie dans ce champ d’intervention multidisciplinaire.

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Au-delà de ce débat, une autre question tout aussi importante est de savoir si les décisions de santé publique s’appuient sur les connaissances épidémiologiques ? Le fossé est parfois (souvent ?) profond et large entre les connaissances et l’action. Prenons à titre d’exemple la découverte du rôle de la relation entre la consommation d’aspirine et le syndrome de Reye : première mise en évidence en 1965 – action gouvernementale aux Etats-Unis en 1985, soit 20 ans plus tard. FOXMAN plaidait d’ailleurs il y a plus de 10 ans pour la mise en place d’un « epidemiologic policy forum »[Foxman 1989] . Quels sont les problèmes pouvant expliquer cette situation qui nous semble, à nous scientifiques, quelque peu contradictoire ?

Des problèmes liés à l’épidémiologie : o Les résultats que nous produisons sont-ils valides ? Durant la dernière

décennie, les progrès et de l’informatique et des capacités d’analyse statistique se sont développés de façon majeure. Le risque n’est pas négligeable, au travers de cette sophistication, de se donner une fausse impression d’exactitude.

o Les indicateurs développés sont-ils valides ? Il faut soulever ici les répercussions importantes du choix d’un indicateur sur le message à faire passer et ainsi sur la décision à influencer : prenons l’exemple, au niveau de la mortalité, des taux de mortalité et des Années Potentielles de Vie Perdues. Nous reviendrons sur cet exemple par la suite.

o La qualité des données : les données que nous utilisons pour l’analyse sont-elles de qualité ? Si cette interrogation est vraie pour toutes les thématiques abordées, elle est particulièrement de circonstance lorsqu’on aborde le problème des traumatismes (au domicile par exemple).

o Les résultats intra discipline ou inter disciplines ne sont pas toujours cohérents ; l’information contradictoire n’est pas rare et ne fait que déforcer le poids que peut avoir une démarche scientifique dans le processus de prise de décision.

Des problèmes liés aux bénéficiaires : les constats dressés par les

épidémiologistes et les choix de priorité ne seront pas toujours en accord avec la perception des besoins et les demandes formulées par les bénéficiaires.

Des problèmes liés au processus même de prise de décision : de très

nombreux paramètres et déterminants vont entrer en ligne de compte lors de la prise de décision : paramètres politiques, économiques, culturels, sociologiques, religieux, techniques ; à cela s’ajoutent les opportunités et contraintes, les perspectives temporelles (souvent à court terme quand la décision est politique),etc.

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Ainsi, la rationalité technique que nous fournissons aura probablement un poids très relatif pour ne pas dire très faible dans la liste hiérarchique des déterminants qui influencent la décision. Illustrons par l’exemple du tabac et de la lutte contre le tabagisme où les deux logiques qui s’affrontent sont d’une part une quantité importante d’arguments scientifiques fournis par les épidémiologistes et démontrant les impacts négatifs graves sur la santé des populations et d’autre part la logique économique, appuyée par des lobby importants, où les sommes colossales encaissées par l’Etat par l’intermédiaires de taxes et autres contributions sont probablement le facteur qui détermine ou qui a déterminé pendant de très nombreuses années l’absence totale de réglementation concernant l’usage du tabac6. Est-ce que ce constat signifie que la démarche épidémiologique n’a qu’un intérêt très limité dans la prise de décision ? Nous répondons par la négative. L’information épidémiologique est indispensable mais elle doit s’inscrire dans une démarche de prise de décision globale ; le chercheur découpe souvent les problèmes en diverses questions de recherche alors que le décideur doit prendre en compte au même moment l’ensemble des données du problème. Cette nécessité d’une approche globale dans la prise de décision doit influencer le choix des informations utiles et nécessaires à prendre en compte. Pour ce faire, la première étape est probablement de « travailler » à vaincre les problèmes internes au champ de l’épidémiologie (qualité des données, qualité des indicateurs, validité des résultats, cohérence interne, etc.) ; la prise en compte d’autres secteurs impliqués (ingénierie, ergonomie, anthropologie, balistique, sécurité routière, sciences sociales,…dans le cas des traumatismes) et le développement d’une démarche intersectorielle s’inscrivant dans un cadre conceptuel multidisciplinaire devrait aider à donner plus de poids à la rationalité scientifique et réduire la marge de manœuvre des décisions politiciennes.

6 Une étude très récente menée par la société Philip Morris est à ce sujet très édifiante[Kmietowicz 2001]

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5 L’épidémiologie : rôle central dans l’étude des traumatismes

5.1 Introduction Dans le chapitre précédent, l’importance de l’épidémiologie comme outil de la santé publique a été discuté. Dans le champ des traumatismes, l’épidémiologie joue un rôle central que l’on pourra décrire par trois tâches principales : • Une tâche descriptive : L’épidémiologie va permettre de documenter et de décrire la situation des traumatismes ; l’objectif sera de mettre à disposition des données descriptives de qualité permettant de caractériser l’importance du problème (fréquences, ratio, taux) et d’émettre un certain nombre d’hypothèses quant aux relations entre l’émergence des traumatismes et différents déterminants. Des aspects spécifiques liés à la nature même de ce que l’on souhaite décrire devront être pris en compte : les traumatismes, par définition, trouvent leur origine dans une « cause externe » dont les modalités peuvent être éminemment variables et dont la description sortira souvent du champ de la santé et de la médecine. L’énergie, agent responsable des lésions traumatiques sera transmis par un vecteur spécifique dont l’étude nécessitera des approches spécifiques. • Une tâche analytique : Analyser les relations existant entre certains facteurs et l’issue traumatique afin de mettre en évidence des facteurs de risques, des situations prédisposantes, des facteurs facilitants va occuper une part importante des activités épidémiologiques dans le champ des traumatismes. Les études expérimentales ou quasi expérimentales, les études d’observation de type cohorte ou de type cas-témoins seront les plans d’investigation les plus souvent utilisés. • Une tâche évaluative : L’évaluation des politiques, des pratiques, des choix stratégiques, des actions développées est indispensable dans une démarche rationnelle et scientifique. En effet, faire la preuve de l’efficacité d’un programme de prévention sera une étape obligée vis à

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vis des partenaires, des commanditaires, des opérateurs et aussi de la population et ce notamment dans une perspective de multiplication ou de généralisation de ce programme. L’évaluation de résultat (un des aspects de l’évaluation) va très souvent faire appel à des méthodes quantitatives. L’épidémiologie trouve là un terrain d’application extrêmement intéressant et se développant de plus en plus. Cette simple transposition des objectifs classiques de l’épidémiologie vers une thématique qui l’est moins ne doit pas masquer des spécificités : o La description : même si ce volet est probablement celui qui est le plus développé, il

faut rester réaliste et oser le constat de lacunes importantes dans les informations disponibles et leur caractère utilisable.

o L’analyse : la recherche des déterminants par l’utilisation des méthodes

épidémiologiques se développe notamment dans le champ des accidents et traumatismes de la route. Ce secteur bénéficie de statistiques assez complètes qui permettent des analyses épidémiologiques et statistiques à la recherche des principaux déterminants (vitesse, consommation d’alcool, âge, conditions climatiques, etc.). Par contre d’autres thématiques spécifiques telles que les traumatismes domiciliaires, les traumatismes du sport, des loisirs, la violence, etc. sont sous-documentés. L’analyse des déterminants est, dans ces conditions, rendue plus difficile.

o L’évaluation : l’évaluation des actions développées dans le champ des traumatismes et

de leur prévention va souffrir du manque de données disponibles ainsi que du rôle prépondérant que jouent dans l’émergence de ces traumatismes, les facteurs environnementaux et comportementaux qui ne sont pas souvent maîtrisés ou documentés de façon satisfaisante dans les démarches épidémiologiques classiques.

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5.2 La mesure de l’importance du problème La mesure de l’importance du problème passe par une analyse détaillée d’un certain nombre de critères tels que repris dans la figure 4 [Berghmans et al. 1992].

Figure 4 : les critères à prendre en compte dans l'analyse de l'importance d'un problème de santé

ANALYSE DES BESOINS DE SANTE

IMPORTANCE DU PROBLEME DE SANTE VULNERABILITE DU PROBLEME

FREQUENCE :Mortalité, morbidité, facteurs de risque, distribution et évolution

GRAVITE :Létalité, handicaps, impact physique, psychique et social

COUTS :Financiers (indemnités, soins de santé,...)Sociaux

POPULATION A RISQUE :Enfants, travailleurs, femmes,...

ESTIMATION DE LA DEMANDE :Enquêtes, articles de presse, associations,

EFFICACITE TECHNIQUE de la prise en charge (résultats d’essais contrôlés)

EFFICACITE OPERATIONNELLEde la prise en charge (évaluation d’impact sur le terrain)

Berghmans, Leveque et al. Promo Santé 2000 , ESP,ULB,, 1991

Tenant compte de ces différents critères, les informations suivantes nous paraissent incontournables :

La mortalité que le problème occasionne La charge de morbidité qu’il représente Le coût tant direct qu’indirect Les conséquences en terme de désavantage, handicap, perte de qualité de vie.

Dans un premier temps, nous présentons de façon très globale les estimations mondiales et internationales de ces différents paramètres, permettant de se faire une idée générale sur l’importance du problème sans entrer dans les détails des descriptions nationales. Dans un second temps, nous étudions de façon spécifique la situation en Belgique.

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5.2.1 Quantifier le problème globalement « Every day around the world, almost 16.000 people die from injuries. For every person that dies, several thousands more are injured, many of them with permanent sequelae of injuries. Injuries occurs in all regions and countries, and affect people in all age and income groups » [WHO 1999] . Dans ce récent rapport, l’OMS estime que pour l’année 98, plus de 5,8 millions de personnes sont mortes suite à un traumatisme, ce qui correspond à un taux de 98/100.000 personnes. On estime que les traumatismes représentent de 6 à 13% de l’ensemble des décès selon les pays et/ou régions. Le tableau suivant illustre ces chiffres [Murray and Lopez 1996a;Murray and Lopez 1996b].

Tableau 2 :Distribution des décès en pourcentage du total, par type de pays (et/ou région) et par grand groupe. D’après MURRAY et al.

Groupe I Groupe II Groupe III Pays à économie de marché établie 6.4 87.4 6.3 Pays d’Europe à économie « socialiste » 5.6 84.1 10.3 Inde 50.9 40.4 8.6 Chine 15.8 72.7 11.5 Autres pays d’Asie 39.6 50.3 10.1 Afrique sub-saharienne 64.8 22.7 12.5 Amérique latine et Caraïbes 31.3 55.7 12.9 Maghreb et moyen Orient 42.7 47.4 9.9 Monde 34.2 55.8 10.1 Monde « en développement » 41.9 47.4 10.7 Monde « développé » 6.1 86.2 7.6 Groupe I : maladies transmissibles, périnatales et maternelles Groupe II : maladies non transmissibles (traumatismes exclus) Groupe III : traumatismes Le tableau suivant montre, en effectif absolu, le rang occupé par différentes catégories de traumatismes dans les différentes catégories d’âge[WHO 1999].

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Tableau 3 : Classement par importance décroissante et par catégorie d’âge des principales causes de décès (en nombre absolu), année 1998, deux sexes. Monde entier7 Rank 0-4 years 5-14 years 15-44 years 45-59 years 60 years et + All ages

1 Perinatal conditions 2 155 000

Acute lower respiratory infections

213 429

HIV/AIDS 1 629 726

Ischaemic heart disease

887 146

Ischaemic heart disease

6 239 562

Ischaemic heart disease

7 375 408

2 Acute lower

respiratory

infections

1 850 412

Malaria 209 109

Road traffic injuries 600 312

Cerebrovascular disease

600 854

Cerebrovascular disease

4 247 080

Cerebrovascular disease

5 106 125

3 Diarrhoeal diseases 1 814 158

Road traffic injuries 161 956

Interpersonal violence 509 844

Tuberculosis 407 737

Chronic obstructive pulmonary disease

1 974 652

Acute lower respiratory infections

3 452 178 4 Measles

887 671 Drowning 157 573

Self-inflicted injuries 508 621

Trachea/bronchus /lung cancers 305 982

Acute lower respiratory infections 1 184 698

HIV/AIDS 2 285 229

5 Malaria 793 368

Diarrhoeal diseases 133 883

Tuberculosis 427 314

Cirrhosis of the liver

264 117

Trachea/bronchus /lung cancers

889 873

Chronic obstructive pulmonary disease

2 249 252 6 Congenital

abnormalities

404 849

War injuries 57 285

War injuries 372 935

HIV/AIDS 214 571

Tuberculosis 570 513

Diarrhoeal diseases 2 219 032

7 HIV/AIDS 349 885

Nephritis/nephrosis 44 640

Ischaemic heart disease

244 556

Liver cancers 205 394

Stomach cancers 561 527

Perinatal conditions 2 155 000

8 Pertussis 345 771

Congenital abnormalities

43 056

Cerebrovascular disease

195 983

Stomach cancers 205 212

Diabetes mellitus 426 964

Tuberculosis 1 498 061

9 Tetanus 302 668

Inflammatory cardiac disease

40 802

Cirrhosis of the liver

142 445

Chronic obstructive pulmonary disease

Colon/rectum cancer

424 463

Trachea/bronchus /lung cancers

1 244 407 10 Protein-energy

malnutrition 214 717

HIV/AIDS 39 042

Drowning 141 922

Self-inflicted injuries 178 478

Cirrhosis of the liver

355 615

Road traffic injuries

1 170 694 11 Drowning

125 301 Fires

38 968 Fires

122 666 Road traffic

injuries 172 312

Nephritis/nephrosis 307 832

Malaria 1 110 293

12 STDs excluding HIV 118 178

Cerebrovascular disease

38 349

Maternal haemorrhage

116 771

Breast cancers 132 238

Oesophagus cancers 117 352

Self-inlicted injuries 947 697

13 War injuries 103 323

Tuberculosis 38 093

Acute lower resiratory infections

115 100

Oesophagus cancers 117 352

Liver cancers 295 756

Measles 887 671

14 Road traffic injuries 82 429

Interpersonal violence 34 938

Rheumatic heart disease

104 635

Diabetes mellitus 104 855

Inflammatory cardiac disease

268 545

Stomach cancers 822 069

15 Meningitis 60 198

Leukaemia 34 503

Liver cancers 103 131

Inflammatory cardiac disease

97 511

Self-inflicted injuries 227 724

Cirrhosis oh the liver

774 563

Comme on l’observe dans ce tableau, c’est essentiellement dans les groupes d’âges 5 à 44 ans que ces traumatismes sont prépondérants. 7 chaque couleur indique un type de traumatisme

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Dans les pays industrialisés, ils sont très importants chez les jeunes[Carre and Zucker 1989;Kaminski et al. 1985] ; ils occupent d’ailleurs la première place parmi les causes de décès dans les groupes d’âges de 1 à 44 ans. Aux Etats-Unis, les traumatismes non intentionnels sont la première cause de décès (données 1997) dans les catégories d’âges de 1 à 34 ans8. Ce sont les décès par accidents de la route qui sont les plus nombreux (près de 20/100,000) suivi des suicides et homicides(respectivement 16 et 12 / 100,000). On observe bien sûr des taux différents selon le sexe. Le tableau suivant présente les taux de mortalité pour l’année 98, tous pays du monde confondus [WHO 1999]

Tableau 4 : taux de mortalité (pour 100,000) par traumatisme, en fonction du sexe et du type de traumatisme, Monde entier, 1998

Deux sexes Masculin Féminin Tous traumatismes 97.9 128.6 6.7 Accidents de la route 19.9 28.8 10.8 Suicide 16.1 19.1 13.1 Homicide 12.5 19.6 5.3 Guerre 10.0 11.6 8.4 Noyade 8.4 11.2 5.6 Chutes 5.4 6.0 4.7 Feu 4.8 4.0 5.6 Empoisonnement 4.3 5.2 3.3 Autres 16.6 23.1 10.0 Le décès n’est évidemment que le sommet de la pyramide, la partie la plus visible de l’iceberg. Sur base de différentes études, quelques auteurs ont tenté de reconstituer cette pyramide en prenant en compte des données qui concernent la morbidité. On constate au travers des ratios DECES / HOSPITALISATION / TRAITEMENT l’ampleur des traumatismes et le poids qu’ils vont représenter en terme de morbidité et probablement de handicap. Le tableau suivant illustre la pyramide et les ratios mesurés dans différents pays sur base d’études locales.

8 The fact Book for the year 2000. Working to prevent and control Injury in the United States (www.cdc.gov/ncipc/pub-res/FactBook/)

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Tableau 5 : « pyramide » des traumatismes : ratio selon l’issue et/ou le type de prise en charge. Réf : voir ci-dessous.

Australie1 Suède2 Pays-Bas3 USA4

Décès 1 1 1 1

Hospitalisation 47 30 17 19

Traité à l’hopital sans hospit. 133 200 166 233

Traité par médecin généraliste 1333 ?? 353

Traité par profess.de santé non médecin ?? ?? ?? 450

1,2,3,4 : http://www.who.int/VIP. 1 Ashwell, M., Pinder, T., Thomson, N. An Overview of Injury in Western Australia 1985-1994 Health Department of Western Australia 1996. 2 Personal communication with: Anders Aberg, Epidemiologiskt Centrum, Socialstyrelsen. The information on fatal injuries is based on data from the Swedish Cause of death Register, persons admitted to the hospital is based on data from the Swedish National Hospital Discharge Register, and the number of persons treated as outpatients at hospitals and other emergency units is an estimate based on data from the Swedish EHLASS-database. (EHLASS = European Home and Leisure Accident Surveillance System). 3 P.C. den Hertog, H.Toet, H.F. van Driel, W. Schoots, P.J. van Ommeren. Kerncijfers: Letsel door ongevallen en geweld: Een overzicht van sterfte en letsel door verkeers-, bedrijfs- en privé-ongevallen, sportblessures en geweld. Consument en Veiligheid, 1997. 41. Adams, P F., Benson, V. Current estimates from National Health Interview Survey, 1991. 2. Burt, C W. Injury-related visits to hospital emergency departments, United States, 1992. Advanced Data from Vital and Health Statistics; #261. Hyattsville, MD. National Center for Health Statistics, 1995. 3. Graves, E J. 1992 Summary: National Hospital Discharge Survey. Advanced Data from Vital and Health Statistics; 264. Hyattsville, MD. National Center for Health Statistics, 1995. 4. Kochanek, K D., Hudson, B.L. Advance report of final mortality statistics 1991. Monthly Vital Statistics Report, Volume 43 : Supplement. Hyattsville, MD, National Center for Health Statistics, 1995

Prenant en compte la mortalité, la morbidité et les conséquences en terme de déficience, l’équipe de MURRAY et coll (Harvard University et OMS) ont construit un indicateur appelé « Disability-Adjusted life Years » (DALYs)[Murray 1994]. Cet indicateur est calculé en prenant simultanément en compte les décès prématurés (estimation du nombre d’années de vie perdues à la suite d’un décès prématuré) et du nombre d’années de vie vécues avec une incapacité à la suite d’un nouveau cas de maladie ou de traumatisme) : ils sont combinés pour donner le nombre d’années de vie ajustées sur l’incapacité (disability-adjusted life years / DALYs).[Murray 1994] Cet indicateur a été utilisé pour calculer « le poids de la morbidité dans le monde » (Global burden of disease) et notamment pour les traumatismes. Le tableau suivant d’après MURRAY[WHO 1999] présente la charge de morbidité pour les principaux types de traumatismes et leur ordre d’importance par rapport à d’autres problèmes de santé.

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Tableau 6 : Classement par importance décroissante et par catégorie d’âge des problèmes de santé présentant les principales charges de maladie, en fonction de la catégorie d’âge, 1998. Monde entier9. Rank 0-4 years 5-14 years 15-44 years 45-59 years 60 years et + All ages

1 Perinatal conditions

80 558 861

Falls 10 956 652

Unipolar major depression 48 723 776

Ischaemic heart disease

15 184 630

Ischaemic heart disease

29 028 308

Acute lower respiratory infections

82 344 294 2 Acute lower

respiratory infections

64 228 262

Road traffic injuries

8 701 689

HIV/AIDS 45 990 984

Cerebrovascular disease

10 835 472

Cerebrovascular disease

20 431 975

Perinatal conditions

80 563 550

3 Diarrhoeal diseases

61 928 529

Acute lower respiratory infections 8 393 604

Road traffic injuries

22 817 459

Chronic obstructive

pulmonary disease 7 737 631

Chronic obstructive

pulmonary disease 13 856 850

Diarrhoeal diseases

73 100 467

4 Malaria 28 377 796

Malaria 7 786 061

Alcohol dependence 16 399 139

Unipolar major depression 7 458 410

Dementias 5 345 048

HIV/AIDS 70 929 569

5 Measles 25 431 470

Drowning 5 913 678

Interpersonal violence

16 379 055

Osteoarthritis 7 343 566

Trachea/bronchus/lung cancers

5 059 575

Unipolar major depression 58 246 285

6 Congenital abnormalities 25 000 333

Diarrhoeal diseases

5 877 867

Self –inflicted injuries

16 258 293

Tuberculosis 6 711 389

Acute lower respiratory infections 4 862 411

Ischaemic heart disease

51 947 726

7 HIV/AIDS 18 802 590

Anaemias 5 233 961

War injuries 15 074 260

Cirrhosis of the liver

5 129 074

Cataracts 4 711 846

Cerebrovascular disease

41 626 214 8 Protein-energy

malnutrition 14 143 562

Measles 4 726 253

Bipolar affective disorder

14 957 032

Trachea/bronchus /lung cancers

4 747 878

Diabetes mellitus 4 117 836

Malaria 39 267 129

9 Pertussis 11 740 117

Fires 4 354 125

Tuberculosis 14 213 396

Diabetes mellitus 3 772 964

Tuberculosis 3 749 742

Road traffic injuries

38 848 625 10 Tetanus

10 121 217 Tropical diseases

3 265 006 Psychoses

14 008 554 Cataracts 3 623 541

Stomach cancers 3 258 550

Measles 30 255 379

11 STDs excluding HIV

5 782 412

HIV/AIDS 2 957 143

Anaemias 13 668 409

Stomach cancers 3 297 807

Osteoarthritis 2 977 733

Chronic obstructive

pulmonary disease 28 653 713

12 Falls 5 635 576

Intestinal nematode infections 2 826 447

STDs excluding HIV

10 835 570

Road traffic injuries

3 257 794

Colon/rectum cancers

2 461 593

Tuberculosis 28 189 21

13 Drowning 4 191 300

Asthma 2 649 491

Obsessive-compulsive disorders 9 178 795

Liver cancers 3 137 898

Cirrhosis of the liver

2 409 307

Congenital abnormalities 28 146 782

14 War injuries 3 942 734

War injuries 2 578 041

Cerebrovascular disease

8 121 363

Self-inflicted injuries

2 841 741

Unipolar major depression 2 064 100

Falls 27 020 881

15 Road traffic injuries

3 122 911

Nephritis/nephrosis

2 003 418

Falls 7 796 120

HIV/AIDS 2 694 108

Liver cancers 1 720 706

Anaemias 24 746 124

9 chaque couleur indique un type de traumatisme

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Cet indicateur synthétique a fait l’objet de nombreuses publications internationales [Murray and Lopez 1997a;Murray and Lopez 1997b] et est référé par de très nombreux auteurs. Pourtant, tant dans la conception même de l’indicateur[Arnesen and Nord 1999] que dans l’origine des données utilisées, beaucoup de commentaires se sont élevés critiquant sa qualité et sa fiabilité[Appleby et al. 1997;Barendregt et al. 1997;Cooper et al. 1998;Eisenberg 1997;Gwatkin 1997;Kochi et al. 1997;Matsubayashi et al. 1997] et notamment dans le champ des traumatismes [Mohan 1997;Roberts 1997]. Un aspect qu’il est important de prendre en compte dans cette photographie globale des traumatismes et de leur importance est le profil de l’évolution de la problématique. Dans les pays industrialisés, la mortalité par traumatisme diminue même si elle reste très importante dans certaines catégories d’âge. Illustrons le par le graphique suivant[Unicef 2001] qui montre la diminution de la mortalité par traumatisme chez les jeunes de 1 à 14 ans comparativement à l’ensemble des autres causes. On y observe donc une diminution de l’importance des décès par traumatisme, mais diminution beaucoup moins spectaculaire que pour les autres causes. Quoi qu’il en soit, la tendance est à la baisse de la mortalité dans les pays de l’OCDE.

Figure 5 : Evolution de la mortalité par traumatisme et «toutes autres causes » chez les jeunes de 1 à 14 ans, pays de l’OCDE, de 1971 à 1995 (Taux pour 100.000). Source : Unicef Innocenti Research Center[Unicef 2001])

Cette baisse de la mortalité trouve sa justification dans trois raisons principales :

Une réduction de l’exposition au risque : même si de nouveaux risques apparaissent, même si certains risques connus ne sont que peu maîtrisés, il reste que

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globalement l’exposition au risque a diminué durant les dernières années : dans le cadre des transports, du travail, de la maison, etc.

Une amélioration notoire de la prise en charge des patients traumatisés : les services d’urgence et de réanimation, les services de chirurgie ont fait des efforts et progrès considérables tant dans les techniques de prise en charge que dans les délais entre le moment du traumatisme et le moment de la prise en charge adéquate.

Le développement d’un certain nombre de programmes de prévention des traumatismes (sécurité routière, casques à moto, ceinture de sécurité, etc.)

Par contre, l’évolution dans les pays à faible revenu semble prendre un chemin opposé. Comme le montre le tableau suivant construit d’après les données de MURRAY et coll[Murray and Lopez 1996a], les projections de l’indicateur DALYs , notamment en Afrique subsaharienne montre une augmentation de plus de 100% pour les traumatismes entre 1990 et 2020. Mais rappelons les réserves émises sur cet indicateur et les projections y afférentes notamment dans les pays d’Afrique subsaharienne [Cooper, Osotimehin, Kaufman, and Forrester 1998].

Tableau 7 : DALYs pour des problèmes de santé sélectionnés, région subsaharienne. Situation en 1990 et projection pour 2020 (en pourcent de diminution ou d’augmentation). Source : Forjuoh et al[Forjuoh et al. 1998], d’après MURRAY.

DALYs (milliers) Problème de santé 1990 % changement prévu pour 2020

Toutes les causes 295294 + 5.6 Problèmes liés à la maternité 9513 - 83.6

Maladies de l’enfance 30445 - 49.3 Malaria 27089 - 50.2

Infections respiratoires 30941 - 46.7 Pathologies périnatales 19314 - 42.2

HIV 8370 + 12.7 Tuberculose 10184 + 61.4

Maladies cardio-vasculaires 11612 + 69.4 Traumatismes 45337 + 108.9

cancers 6217 + 142.2

Une estimation des coûts des traumatismes : Le coût engendré par les traumatismes est impressionnant : bien que reposant sur des données incomplètes (enregistrement non exhaustif, pas ou peu d’informations sur les handicaps post traumatiques), RICE[Rice and MacKenzie 1989] a estimé un coût de 158 milliards de US $ pour les Etats-Unis, en 1985. Une publication plus récente, toujours pour les Etats-Unis, estimait les coûts des traumatismes non intentionnels chez les jeunes à 14 milliards de US$ pour les coûts directs et immédiats, 1 milliard US$ pour les autres coûts et 66 milliards US$ pour les coûts indirects en 1996 et pour la perte de « force de travail » future[Miller et al.;Miller and Levy 2000].

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5.2.2 L’information dans le champ des traumatismes en Belgique

Dans un document intitulé «Targets for Health for All » publié en 1985 par l’OMS Europe [OMS 1985], il était précisé que les pays membres (dont la Belgique) devaient mettre en place, avant 1990 un système d’information sanitaire capable de soutenir leur stratégie nationale de « santé pour tous » ; il s’agissait du but n°35. Plus de 10 ans après le terme, il faut malheureusement constater qu’en Belgique cet objectif est loin d’être atteint et cette situation pose un certain nombre de problèmes : citons à titre d’exemple l’important retard dans les statistiques de décès et l’impossibilité pour la Belgique de fournir dans les délais prévus, les statistiques nécessaires aux publications internationales (OMS, OCDE,…). Citons aussi les manques flagrants d’information quant aux comportements de santé, à la distribution des facteurs de risque au sein de la population, aux attentes et demandes de la population. Est-ce à dire qu’il n’existe aucune information sanitaire intéressante en Belgique ? Bien sûr que non. De très nombreux outils de collecte existent, de très nombreuses informations sont collectées en routine ou dans le cadre de recherche, par des services administratifs ou par des équipes de recherche, de façon ponctuelle ou dans le cadre d’une surveillance épidémiologique. Quelques travaux tentent ou ont tenté d’en faire un relevé le plus exhaustif possible : il s’agit de la banque de donnée MORBIDAT (www.iph.fgov.be/epidemio/morbidat) qui dresse un inventaire des principales sources de données dans le domaine de la morbidité et donne les noms / adresses de contact / type de données / disponibilité / etc. de chacune des sources identifiées ; au début des années 1990, nous avons aussi, dans le cadre du projet PROMOSANTE 2000 [Berghmans et al.1992] réalisé un inventaire des principales bases de données épidémiologiques permettant de quantifier les principaux problèmes de santé ; plus récemment, un inventaire des Registres financés par la Communauté française a été réalisé et a identifié une quinzaine de systèmes de collecte plus ou moins exhaustifs[Beghin and Piette 2000]. Mais malgré l’existence d’un nombre non négligeable de sources de données, il faut constater que le lien entre ces activités de collecte, la cohérence et la pertinence des données collectées, l’exploitation des données collectées et leur utilisation dans une démarche de prise de décision, de détermination de priorité d’action et d’évaluation est loin d’être claire. La cohérence globale et les objectifs de ces « activités de collecte » ne sont pas explicites et dès lors ne répondent pas à l’objectif fixé en 1985 par l’OMS. Le champ des traumatismes ne fait pas exception à cette situation. Des instruments de collecte existent ; des informations sont collectées en routine lors d’accident, dans les structures de soins, dans les écoles, auprès des assurances privées, lors d’enquêtes, etc.

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Pour en dresser un inventaire, le meilleur moyen est de partir du cheminement de la majorité des événements traumatiques. C’est ce que nous présentons ci-dessous : Les flux des personnes traumatisées en Belgique : Le schéma présenté ci-dessous tente de décrire le cheminement de la grande majorité de personnes victimes d’un traumatisme (de quelque type que se soit). Une description sommaire de chaque étape va nous permettre d’identifier les principales sources d’information potentielles et/ou existantes.

Figure 6 : cheminement de la plupart des personnes victimes d'un traumatisme en Belgique

événement

Auto traitement

MG, inf,IMS, …

SMUR

Force ordre

Service URG hôpital

hospitalisationambulatoire

Hospit.revalid.

guérison

handicap

décès

a

aa

a

a

b

bb

c

d

d

e

e

ef

f

f

g

gg

g

h

h

a) On peut schématiquement décrire qu’une personne victime d’un traumatisme (c’est à dire victime d’un événement qui entraîne une blessure) présentera 5 possibilités de recours :

Soit la lésion est bénigne et la personne va se soigner elle-même ou demander à une tierce personne (conjoint, parents, ami, professeur,…) de le soigner, c’est ce que l’on appelle l’auto traitement.

Soit la personne juge la blessure suffisamment « grave » et fait appel à un professionnel de la santé (infirmière, médecin généraliste, pédiatre,…) ou est amené dans une structure telle que l’inspection médicale scolaire s’il s’agit d’un jeune

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pendant les heures de classe, le dispensaire du travail s’il s’agit d’un accident bénin sur le lieu du travail, une polyclinique,… c’est ce que l’on appellera « service non hospitalier ».

Soit la personne décide de se rendre spontanément et directement dans un service d’urgence d’un hôpital (service d’urgence)

Soit la personne blessée est prise en charge par un service de secours (SAMU, SMUR,…) suite à un appel lancé par lui-même ou par un témoin de l’accident (service mobile d’urgence)

Soit c’est la police (ou autre service d’ordre) qui sera appelé sur les lieux du traumatisme (force de l’ordre).

b) La police (force de l’ordre) réagira à ce constat de différentes façon :

soit en appelant le service d’urgence mobile soit en proposant le transfert vers un service hospitalier d’urgence (via la

famille, les voisins, …) soit en faisant constater le décès (par un médecin) ou en transférant le corps

vers la morgue d’un hôpital

c) le SMUR / SAMU : transportera le blessé (ou décédé) vers le service d’urgence d’un hôpital où la personne sera prise en charge (ou le décès constaté). d) le service (IMS / santé au travail / …) ou le médecin privé va quant à lui :

Soit adresser le patient vers un service d’urgence de l’hôpital Soit faire hospitaliser le patient après traitement ou premiers soins (exemple :

commotion cérébrale suivie d’une hospitalisation pour surveillance) Soit traiter le blessé et le revoir plus tard (consultation) (avec ou sans suite).

e) le service d’urgence après prise en charge et traitement va :

Soit hospitaliser le blessé (suite à une fracture par exemple). Soit si décès, le transférer vers la morgue. Soit renvoyer le patient à domicile (avec ou sans suite).

f) au niveau des services d’hospitalisation, après prise en charge du patient, celui-ci :

o Soit sera, à sa sortie, renvoyé vers la consultation / réhabilitation ambulatoire. o Soit sera, à sa sortie dirigé vers un centre de revalidation (hospitalisation). o Soit sera décédé durant l’hospitalisation.

g) le service de revalidation (hospitalisation) permettra :

Soit la guérison complète du patient. Soit le renvoi en revalidation ambulatoire à la fin de l’hospitalisation. Soit la consolidation avec un handicap.

h) les services de revalidation ambulatoire vont, à la fin de la prise en charge :

Soit guérir le patient. Soit le consolider avec un handicap.

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Sur base de cette représentation schématique, quelles sont les principales sources de données, d’enregistrement que l’on peut identifier soit pour l’ensemble du pays, soit spécifiquement pour la Communauté française de Belgique ?

Tableau 8 : Principales sources de données dans le champ des traumatismes en Belgique

Evénement traumatique suivi de : Enregistrement systématique et récurrent Autre système Auto-traitement Il n’existe évidemment pas de collecte de routine

de cette information sanitaire.

Médecin généraliste Médecins vigies Infirmière du Centre de santé scolaire Enregistrement dans les dossiers non

informatisés Compagnies d’assurances (non disponible)

SMUR Repris dans les données hospitalières Service d’urgence Hôpitaux Collecte des trauma suite à accident domestique

(EHLASS) Données du RCM

Police Enregistrement systématique lors d’accident de la route avec dommage corporel Enregistrement (PV) lors d’homicides et actes de violence

Hospitalisation Résumé Clinique Minimum Revalidation IN Revalidation OUT Output = décès Institut National des Statistiques (certif.de

décès)

Output = handicap Fonds des Accidents du Travail : seulement lors d’accident du travail ou sur le chemin du travail.

Enquête nationale de santé dispose d’informations sur le handicap

Nous analyserons les plus importantes lors de l’étude de la mortalité, de la morbidité et du handicap.

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5.2.3 L’importance du problème en Belgique

5.2.3.1 La mortalité

55..22..33..11..11 LLeess ssoouurrcceess ddee ddoonnnnééeess

La Belgique, comme la plupart des pays industrialisés, dispose d’un système de recueil de données d’état civil assez performant puisque l’on estime qu’il enregistre plus de 99% des naissances et des décès. La base du recueil des données de décès est le « Certificat de décès ». La version actuelle du certificat est relativement nouvelle ; elle a été mise en place au 1er janvier 1998. Huit années se sont passées entre la décision de revoir le certificat de décès (1990) et la mise en application obligatoire des nouveaux certificats. Ce certificat permet de collecter de nombreuses informations administratives, démographiques et médicales. Il est complété par le médecin (pour les volets médicaux notamment) au moment du décès et transmis aux autorités administratives. Depuis la communautarisation, la gestion des statistiques de décès en Belgique est confiée aux Communautés ; la publication des données nationales reste la compétence de l’Institut National des Statistiques (INS). Le circuit des certificats de décès est complexe et implique différentes institutions et différents niveaux de pouvoir. Le schéma ci-dessous illustre le cheminement des certificats de décès dans les différentes communautés et régions.

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Figure 7 : Cheminement des certificats de décès en Belgique à partir du 1er janvier 1998. Source : Levêque,A. D’après la « fiche technique pour la Commission Epidémiologie du Conseil Supérieur de Promotion de la Santé »(voir ci-dessous).

Le circuit des Certificats de décès : situation « présumée » au 010198

Région flamande Région Bruxelles Région wallonne

Liège (C.F.)

Communauté flamande(Bruxelles)

Observ.Santé Bruxelles

Communauté française(Bruxelles)

Données Rég.flamandes

Données Rég.flamandes

Données BruxellesDonnées Bruxelles

Données Rég.wallonneDonnées

Rég.wallonne

I.N.S.

Données nationalesDonnées nationales

??1

2

3

3

2

1 Pour codage et saisie et

Pour analyse

Pour corrections, analyse

Nous avons étudié de façon détaillée ce cheminement et avons présenté les résultats dans un document technique qui a été discutée en Commission Epidémiologie de la Communauté française de Belgique et remise aux autorités politiques, accompagnée de propositions concrètes quant à l’amélioration de cette situation qui, il faut le rappeler, engendre un retard de plus de 5 ans dans la publication des données nationales de décès. Le codage des causes de décès reposait sur la 9ème révision de la CIM depuis l’année 1979 et jusqu’au 31/12/97. C’est maintenant la 10ème révision qui est utilisée.

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55..22..33..11..22 LLeess ddoonnnnééeess ooffffiicciieelllleess

Les données de mortalité nationales les plus récentes sont celles de l’année 1995 publiée en 2000 par l’Institut National des Statistiques (INS) (http://statbel.fgov.be/figures/d364_fr.htm). Le tableau qui suit est construit au départ des publications et données officielles.

Tableau 9 : principales causes de mortalité en Belgique, en nombre absolu. Années 1992 à 1995.

Principales causes de décès, chiffres absolus par sexe (1992-1995) Principales causes de décès 1992 1993 1994 1995Maladies de l'appareil circulatoire 38.499 40.391 38.780 39.076- hommes 17.729 18.194 17.414 17.619- femmes 20.770 22.197 21.366 21.457Tumeurs 27.489 27.955 27.971 28.350- hommes 15.802 16.197 16.089 16.341- femmes 11.687 11.758 11.882 12.009Suicide 1.878 2.142 2.131 2.155- hommes 1.313 1.552 1.543 1.550- femmes 565 590 588 605Accident de la circulation 1.623 1.704 1.815 1.592- hommes 1.191 1.268 1.350 1.183- femmes 432 436 465 409Chute accidentelle 1.305 1.420 1.430 1.252- hommes 499 572 590 528- femmes 806 848 840 724Accident provoqué par le feu 103 81 116 110- hommes 65 57 58 67- femmes 38 24 58 43Homicide 168 201 184 169- hommes 110 111 105 100- femmes 58 90 79 69Sida 149 172 193 221Source : INS, Statistiques démographiques.

Le tableau suivant présente les 20 premières causes de décès avec leur code CIM9 pour les années 1991 à 1995. On peut y observer une très grande stabilité dans le classement par ordre d’importance (en décès pour 100.000 habitants) qui, pour l’année 1995 est le suivant : 1. les « autres formes de cardiopathie », 2. les cardiopathies ischémiques, 3. les maladies vasculaires cérébrales, 4. les tumeurs de l’appareil digestif et 5. les tumeurs de l’appareil respiratoire. Les suicides arrivent en 15ème place et les accidents de la circulation impliquant un véhicule à moteur en 20ème position[Van Tielen 2001]. En 1995, ils représentent respectivement 2% et 1.5% de l’ensemble des décès.

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Tableau 10: Causes principales de décès en Belgique entre 1991 et 1995. Taux de mortalité annuel pour 100.000 habitants entre 1991 et 1995 et part relative (en % de tous les décès) pour l’année 1995. Source: INS et IBES.

1991 1992 1993 1994 1995

Classe CIM9 Code CIM9

Rang en

1995 Taux de mortalité pour 100.000 habitants

Part relative en 1995 (en % total décès)

Autres formes de cardiopathie 420-429 1 129 129 131 127 130 12.6

Cardiopathies ischémiques 410-414 2 114 110 126 119 122 11.8

Maladies vasculaires cérébrales 430-438 3 100 98 102 96 93 9.0

Tumeurs app.digestif et péritoine 150-159 4 73 73 75 75 75 7.2

Tumeurs app.respiratoire 160-165 5 70 72 72 70 72 7.0

Mal .pulmonaires obstructives 490-496 6 41 41 52 47 57 4.9

Tumeurs app.urogénital 179-189 7 45 46 48 48 49 4.7

Etats morbides mal définis 797-799 8 61 73 36 34 31 3.0

Tum.os, tssus conj, peau, sein 170-175 9 29 28 29 30 30 2.9

Pneumonie et grippe 480-487 10 26 29 30 27 29 2.8

Tumeurs autres et non spécifiées 190-199 11 31 31 25 26 26 2.5

Mal.artères, artérioles, capillaires 440-448 12 27 26 24 23 23 2.2

Autres maladies app.digestif 570-579 13 23 22 22 23 23 2.2

Aff.hérédit. et dégénér.du SNC 330-337 14 35 37 21 21 21 2.0

Suicide E950-E959 15 18 19 21 21 21 2.0

Tumeurs syst.lymphat. et hémato. 200-208 16 18 18 21 20 20 1.9

Etats psychotiques 290-294 17 14 20 17 18 1.7

Autres malad.endocrines 250-259 18 16 16 18 16 17 1.6

Accid.circul. véhicule moteur E810-E819 19 18 16 17 18 16 1.5

Néphrite, néphrose, syndr.néphr. 580-589 20 14 14 12 12 12 1.2

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Le tableau qui suit présente les causes de décès selon les chapitres de la CIM9 pour les années 1991 à 1995 ainsi que la part relative de ces chapitres dans la mortalité totale pour l’année 1995. On peut observer que les maladies de l’appareil circulatoire sont responsables de plus de 37% des décès ; les tumeurs de 27% et les traumatismes et accidents de 6.2 % des décès.

Tableau 11: Les causes de décès par chapitres de la CIM9 en Belgique, de 1991 à 1995 en taux annuel de décès pour 100.000 habitants et part relative de chaque chapitre (en pourcent) en 1995. Source: INS et IBES

1991 1992 1993 1994 1995

Chapitre CIM9 Code CIM9 Taux de mortalité pour 100.000 habitants

Part relative en 1995 (en % total décès)

Mal.infectieuses et parasitaires 001-139 11 12 14 13 16 1.5

Tumeurs 140-239 271 273 278 277 280 27.0

Mal.endocr, nutrit, métab.et immunitaire 240-279 22 13 24 22 23 2.2

Mal.sang et organes hématopoiétiques 280-289 4 2 5 5 5 0.5

Troubles mentaux 290-319 5 6 24 21 20 2.0

Mal.syst.nerveux et organes sens 320-389 42 44 30 29 30 2.9

Mal.appareil circulatoire 390-459 390 382 401 384 386 37.3

Mal.appareil respiratoire 460-519 85 88 101 93 100 9.7

Mal.appareil digestif 520-579 39 39 42 43 42 4.1

Mal.organes génito-urinaires 580-629 16 16 16 15 16 1.5

Complic.grossesse, accouch.et suites 630-679 0 0 0 0 0 0.0

Mal.peau et tissus sous cutanés 680-709 5 5 5 5 5 0.5

Mal.syst.ostéo-articul, muscles, tissus conj. 710-739 3 2 6 6 7 0.7

Anomalies congénitales 740-759 3 3 3 3 3 0.3

Causes de mortalité périnatale 760-779 4 3 3 3 3 0.3

Sympt.et états morbides mal définis 780-799 74 73 42 41 36 3.5

Accidents, intoxications et traumatismes E800-E999 66 64 68 69 64 6.2

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55..22..33..11..33 AApppprroocchheess aalltteerrnnaattiivveess ddeess ddoonnnnééeess ddee mmoorrttaalliittéé

L'étude de l'importance relative des principales causes de décès dans une communauté ou un pays est un élément d'information utile dans les processus de choix de priorités d'action, dans la démarche générale de planification de la santé et dans une démarche évaluative. Les taux de mortalité par cause mesurent le risque global de décès pour une maladie donnée mais ne permettent pas de relativiser le risque en fonction du moment où le décès survient dans le décours de la vie ou en fonction du caractère « évitable » ou non du décès. Ainsi le classement des causes de mortalité est fortement influencé par les causes de décès des personnes âgées. Dans notre démarche de recherche, nous avons travaillé sur trois approches alternatives permettant de prendre en compte l’aspect prématuré et évitable d’un certain nombre de causes de décès :

Pour comparer l’importance relative des différentes causes de décès tout en donnant un poids plus important à la mortalité prématurée, un indicateur particulièrement intéressant a été proposé par ROMEDER et collaborateur[McDonnell et al. 1998;Romeder J-M and McWhinnie JR 1977] : Les Années Potentielles de Vie Perdues (A.P.V.P.). Nous l’avons calculé pour les données de mortalité de la Belgique.

La prise en compte du caractère « évitable » du décès est un autre paramètre important qui permet de mettre en relation les différentes causes de décès (et leur évolution dans le temps) et de produire des indicateurs de tendances pouvant fournir des arguments d’évaluation des politiques et stratégies de prise en charge des problèmes de santé[Humblet et al. 2000;Rutstein et al. 1976;Westerling 1993]. Cette approche, développée depuis plusieurs années par une équipe de l’Ecole de Santé Publique de l’ULB, a permis la production de deux Atlas de mortalité évitable[Humblet et al. 1986;Lancaster H.O. 1989]; nous avons travaillé à la production du troisième Atlas (mortalité des années 1985-1989)[Leveque et al. 1999] ainsi qu’à la préparation du quatrième Atlas (1990-1994).

La combinaison de ces deux approches (APVP et mortalité évitable) a été utilisée pour produire des indicateurs de tendances et de disparités géographiques qui sont des outils intéressants tant dans un aspect d’évaluation que de planification. Ils ont fait l’objet de plusieurs publications[Humblet et al. 1998;Humblet et al. 2000;Leveque A et al. 2001a].

Ces trois approches ont été développées en réalisant des analyses secondaires de données nationales de mortalité, dans l’optique d’une plus grande utilité pour la planification, le choix de priorités et l’évaluation. En effet, et ceci est particulièrement vrai pour les traumatismes, l’analyse classique des données de mortalité (présentation de taux globaux et de taux spécifiques) masque certaines réalités quant aux problèmes de santé prioritaires. Nous proposons ci-dessous des exemples d’analyses « alternatives » des données de mortalité dans le champ des traumatismes.

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55..22..33..11..33..11 LLEESS AANNNNEEEESS PPOOTTEENNTTIIEELLLLEESS DDEE VVIIEE PPEERRDDUUEESS ((AAPPVVPP))

En 1998, nous avons mené (pour le compte du Ministère de l’Equipement et des Transports), une étude dont l’objet était la comparaison (en termes quantitatifs) des principales causes de décès en Région wallonne. Neuf causes de décès ont été identifiées parmi les plus importantes. Une analyse secondaire des données de mortalité de la Région wallonne a été réalisée (jusqu’à la dernière année disponible, soit 1993). Rappel de la méthodologie de calcul : La méthode de calcul des taux d’APVP suit celle exposée par ROMEDER et McWINNIE[Romeder J-M and McWhinnie JR 1977]. Le nombre d’années potentielles de vie perdues est obtenu en multipliant le nombre de décès survenus pour une cause donnée dans un groupe d’âge donné, par le nombre d’années séparant ce décès d’une « borne supérieure » choisie, borne qui, dans cette étude est de 70 ans. Les APVP sont alors totalisées pour l’ensemble des groupes d’âge, par cause et par sexe : 69 69 APVP = ∑ ai . di = ∑ (70-i-0.5) di i=1 i=1 où : di = nombre de décès entre i et i+1 ai = nombre d’années qui séparent 70 ans du moment du décès (âge i et i+1) = 70 - (i + 0.5) Ces APVP peuvent être exprimées en TAUX (pour mille personnes): 69

taux d’APVP = ∑ ai . di x 1000 / N i=1 où : N= nombre de personnes de 1 à 69 ans pour la période considérée Dans l’étude « Apport de l’épidémiologie dans le domaine de la sécurité routière : l’étude des Années Potentielles de Vie Perdues (APVP) »[Levêque and Lagasse 1998] et que nous présentons ici à titre d’illustration, le calcul des APVP est réalisé sur des périodes de 5 ans afin de limiter les fluctuations annuelles et de les répartir sur l’ensemble de la période (5 ans). La dernière période (1990-1993) ne couvre que 4 années (données 1994 non disponibles au moment de l’étude). Dans ce cas, les éventuelles fluctuations sont réparties sur 4 au lieu de 5 ans. Cela ne change évidemment rien au calcul des taux de mortalité et taux d’APVP. Les résultats (taux d’APVP) sont présentés pour quatre périodes successives allant de 1974 à 1993. Si l’on veut s’intéresser à l’évolution de cet indicateur dans le temps, il est

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nécessaire de tenir compte du fait que la structure par âge de la population belge a pu changer entre 1974 et 1993. Pour tenir compte de cette évolution démographique, nous avons standardisé pour l’âge les données d’APVP en utilisant la méthode de standardisation directe. La population belge de la période 1985-1989 a été utilisée comme population de référence. Nous obtenons de cette façon des « Taux d’APVP standardisés » qui sont donc les valeurs à utiliser pour la comparaison entre périodes. 69 taux d’APVP stand.= ∑ ai . (di / pi) (Pi r / Nr) i=1 où : pi = nombre de personnes d’âge i dans la population de la période Pi r = nombre de personnes d’âge i dans la population de référence Nr = nombre de personnes de 1-69 ans dans la population de référence. Quelques résultats : Le tableau suivant présente les taux annuels moyens de mortalité (en pour mille) et les taux annuels moyens d’APVP (pour 100.000) chez les personnes de 1 à 69 ans, en Wallonie pour la période 1990-1993 (P4)10.

Tableau 12 : Taux de mortalité (pour mille) et taux d'APVP (pour 100.000) chez les personnes de 1-69 ans en Wallonie pour les 10 principales causes de décès. Source : Leveque,A.[Levêque and Lagasse 1998]

Période : P4 (1990-1993) Taux de mortalité Taux d'APVP

Cause Code ICD 9 H F H+F H F H+F cancer du col 180 0,02 35,2 cancer du sein 174 0,28 359 HTA et MCV 400-404/430-438 0,26 0,18 0,22 250,7 187,1 218,9Mal.isch.cœur 410-414/429,2 0,72 0,21 0,46 700,2 164,7 432,2Tts inf.respiratoire 460-519 0,48 0,14 0,31 359,1 140,1 249,5cancer du poumon 162 0,7 0,12 0,41 602,8 124,1 363,3cirrhose 571 0,16 0,09 0,12 252,6 130,8 191,7suicide 950-959 0,32 0,12 0,22 875,5 267,9 571,5acc.véh.moteur E810-825 0,32 0,1 0,21 1155,4 314,2 734,4 Ttes CAUSES 5,44 2,7 4,07 7557,3 3595,5 5574,6

10 les tableaux des autres périodes sont disponibles dans le rapport général donné en référence.

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On peut observer que « accident impliquant un véhicule à moteur » et « suicide » occupent les deux premières places en terme d’APVP (respectivement 734,4/100.000 et 571.5/100.000) alors que ces deux causes n’interviennent qu’en 7ème et 5ème position respectivement si l’on prend en compte les taux de mortalité. L’évolution sur la période de 20 ans est présentée au tableau suivant.

Tableau 13 : taux d'APVP standardisés (pour 100.000), classement par ordre d'importance pour les 4 périodes de l'analyse et évolution (en pourcent) entre P4 et P1. Source : Leveque,A.[Levêque and Lagasse 1998]

Les taux sont calculés pour les deux sexes confondus Population de référence pour la standardisation directe: population de Wallonie / 1-69 ans / 1985-1989 Période 1 / 74-78Période 2 / 80-84Période 3 / 85-89 Période 4 / 90-93 % chgt Cause Taux Class. Taux Class. Taux Class Taux Class. 74-93 cancer du col 52,1 9 45,7 9 39,1 9 35,2 9 -32,4cancer du sein 352,6 7 365,3 5 365,1 5 356,7 5 1,2HTA et MCV 396,8 4 316,1 7 303,4 6 218,3 7 -45,0Mal.isch.cœur 890,8 2 729,2 2 549,8 3 432,3 3 -51,5Tts inf.respiratoire 395,1 5 342,6 6 292,8 7 250,6 6 -36,6cancer du poumon 370,7 6 375,8 4 388 4 367,7 4 -0,8Cirrhose 175,4 8 194,2 8 207,8 8 189 8 7,8Suicide 463,2 3 600,3 3 579,6 2 568,9 2 22,8acc.véh.moteur 976,8 1 870,1 1 758 1 749,8 1 -23,2 Ttes CAUSES 7310,4 6715,9 5954,3 5589,8 -23,5 On constate que :

bLes accidents impliquant des véhicules à moteur occupent la première place parmi les 9 causes de décès sélectionnées et ce, depuis la période 1 jusqu'à la période 4. Ce problème de santé est ainsi, depuis 20 ans la cause numéro un de perte d’années de vie chez les 1 à 69 ans. bLe suicide qui occupait la 3ème place entre 74 et 78 devient la deuxième cause de perte d’années de vie chez les 1 à 69 ans durant les périodes 80 à 93. Le problème du suicide est un grand problème de santé publique largement sous- estimé par les indicateurs classiques.

L’évolution des taux standardisés est présentée dans le graphique suivant. Que constate-t-on ? bToutes causes de décès confondues, on observe entre 1974 et 1993, une diminution de l’ordre de 23% du taux d’APVP.

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bEn ce qui concerne les accidents, la diminution est réelle: 23% . Ce pourcentage est du même ordre que la diminution « générale » c’est à dire de la diminution « toutes causes de décès confondues ». bLe taux d’APVP lié au suicide montre une augmentation de 23%

Figure 8 : évolution des taux d'APVP standardisés entre 1974 et 1993, (comparaison P4 / P1) en pourcent. Source : Leveque,A.[Levêque and Lagasse 1998]

-32,4

1,2

-45,0-51,5

-36,6

-0,8

7,8

22,8

-23,2 -23,5

-60,0

-50,0

-40,0

-30,0

-20,0

-10,0

0,0

10,0

20,0

30,0

% d

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causes de décès

Cette approche des données de décès par la construction d’un indicateur « APVP » permet notamment de mettre en évidence des causes de décès qui, lorsque l’on utilise les classiques « taux de mortalité », passent « inaperçues » parce qu’elles surviennent essentiellement chez des sujets jeunes. Nous pensons donc que cet indicateur « alternatif » devrait faire systématiquement partie des publications officielles des statistiques de décès[Leveque et al. 1992;Levêque and Lagasse 1998]. Dans une autre publication, nous avons également montré que l’indicateur global « APVP toutes causes de décès » montrait des disparités géographiques (variations entre les arrondissements) importantes pour chaque période étudiée ainsi que pour l’évolution sur 20 ans[Correa Corrales et al. 1995].

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55..22..33..11..33..22 LLAA MMOORRTTAALLIITTEE EEVVIITTAABBLLEE

Partant de l’idée selon laquelle certaines maladies ou décès périnatals ne devraient pas se produire ou devraient être limités en nombre ou en gravité lorsque la qualité des soins est optimale, RUTSTEIN et un groupe de travail ont recherché les maladies, incapacités et décès prématurés considérés comme évitables sur base des traitements curatifs et des mesures préventives disponibles à l’époque[Rutstein et al. 1976]. La liste qu’ils ont proposée en 1976 comprend deux catégories d’événements sentinelles de santé :

ceux pour lesquels l’apparition d’un seul cas est un ‘événement évitable’ (comme c’est le cas du tétanos)

ceux dont la mesure de fréquence constitue un signal d’alarme.

Plusieurs recherches ont maintenu le principe de la liste de RUTSTEIN mais en modifiant la méthode de manière importante. Le projet de recherche européen sur la mortalité évitable (groupe mené par HOLLAND) a opté pour l’inclusion de causes de décès sensibles à la prévention primaire, comme les cancers des bronches et du poumon, les cirrhoses du foie et les accidents impliquant des véhicules à moteurs[EC Working Group on Health Services and 'Avoidable Deaths' 1991]. Une seconde révision a incorporé 8 autres groupes de causes sur base d’une actualisation des capacités d’intervention et de soins[EC Working Group on Health Services and 'Avoidable Deaths' 1999]. Malgré un certain nombre de réserve sur la méthode et l’interprétation des résultats comparatifs, les principaux auteurs soulignent l’intérêt de la démarche pour identifier des ‘zones rouges’ (hot spots) où développer ultérieurement des études approfondies[Charlton et al. 1987]. Les auteurs s’accordent pour retenir la mortalité évitable comme une méthode valide à titre de signal d’alerte et qui doit être nécessairement complétée par des enquêtes locales approfondies, indicateur par indicateur, cause de décès par cause de décès. La méthode présente en effet des avantages qui tiennent au fait que les indicateurs sont aisés à calculer et dépendent de données disponibles en routine. Dans cette optique, les analyses privilégient les tendances au cours du temps et les variations géographiques. L’approche cartographique a été développée par le groupe de recherche européen et a donné lieu à la publication d’atlas au niveau de l’Union européenne et de différents Etats membres ou régions (Belgique, Portugal, Province de Valence). Trois atlas belges, pour les périodes 1974-1978, 1980-1984 et 1985-1989, permettent d’analyser la distribution géographique des indicateurs de ce pays[Humblet et al. 1986;Lagasse R et al. 1992;Leveque A et al. 1999].

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Méthode d’analyse : La méthode des indicateurs de la mortalité évitable comporte deux sélections: une sélection au niveau des causes de décès et une sélection au niveau des groupes d’âges. Le tableau suivant donne les causes et âges retenus dans les travaux que nous avons réalisés en Belgique.

Tableau 14 : indicateurs de mortalité évitable : problèmes de santé, code CIM9 et groupes d'âges retenus, Belgique.

CIM-9 Groupe

d’âge Indicateurs sensibles aux soins médicaux Infections gastro-intestinales 001-009 0-14 Tuberculose 010-018,137 5-64 Cancer du sein 174 15-64 Cancer du col et du corps de l’utérus 179-180,182 15-54 Cancer du testicule 186 15-64 Maladie de Hodgkin 201 5-64 Leucémies 204-208 0-14 Cardiopathie rhumatismale chronique 393-398 5-44 Hypertension et maladies cérébro-vasculaires 401-405

430-438 35-64

Infections respiratoires 460-519 1-14 Asthme 493 5-49 Ulcère peptique 531-534 15-64 Appendicite 540-543 5-64 Hernie abdominale 550-553 5-64 Cholélithiase et cholécystite 574-575.1, 576.1 5-64 Mortalité maternelle 630-678 Anomalies congén. du coeur et des vaisseaux 745-747 1+ Mortalité infantile 0-1 Indicateurs sensibles à la promotion de la santé Cancer de la trachée, des bronches et poumons 162 5-64 Cancer de la peau (non mélanome) 173 5-64 Maladies ischémiques du coeur 410-414,429.2 5-64 Cirrhose du foie 571 15-64 Accidents de véhicules à moteur E810-825 tous âges Toutes causes 0-64 Toutes causes tous âges Les données de mortalité portent sur une période de 5 ans, de 1985 à 1989 pour l’Atlas n°3 [Leveque A, Humblet PC, and Lagasse R 1999]. Ces données proviennent de l’Institut National de Statistique. Analyse statistique

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L’analyse pour chaque indicateur se base sur trois instruments. 1° Le rapport standardisé de mortalité (SMR): il s’agit du rapport du nombre observé sur le nombre attendu de décès x 100. Le nombre attendu est obtenu par standardisation indirecte, c’est-à-dire en appliquant le taux de mortalité spécifique par âge et par sexe du pays pour la période considérée à la population de l’arrondissement. Ozi SMRZI = x 100 Ezi

où Ozi est le nombre de décès observés pour la cause z dans le groupe de

population i dans l’arrondissement; Ezi est le nombre de décès que l’on pourrait attendre pour la cause z dans le

groupe de population i si les taux spécifiques nationaux de décès de chaque catégorie d’âge (pour la même cause et le même groupe de population) étaient appliqués à la population de l’arrondissement.

2° un test global d’homogénéité de la distribution des SMR entre les 43 arrondissements (test d’hétérogénéité de Gail à 42 d.l.)[Gail 1978]. 3° un test de khi carré (1 d.l.) sur l’écart de la mesure observée dans chaque arrondissement par rapport à la mesure nationale. Chaque indicateur est analysé dans un tableau de SMR et une carte au niveau des 43 arrondissements. Le tableau reprend le résultat du test de Gail, les SMR et les tests de khi carré des arrondissements. La carte représente l’indicateur classé en 6 classes (sextiles) de SMR. Pour les deux tests, le signe *, **, *** mentionne respectivement une valeur de p≤ 0.05, p≤0.01 et p≤0.001 pour l’erreur de première espèce. Nous présentons en annexe 1 les résultats observés pour les accidents impliquant un véhicule à moteur pour la période 1990-1993. La représentation cartographique des indicateurs montre le classement des arrondissements dans 6 classes de SMR (sextiles). Les autres résultats peuvent être consultés dans les différentes publications qui ont été réalisées[Humblet et al. 1998;Leveque A et al. 1999]. L’analyse des cartes et des tableaux porte ainsi sur deux aspects: l’observation d’éventuelles tendances géographiques et la mise en évidence des arrondissements dont les SMR sont significativement supérieurs : pour les Accidents de véhicules à moteur (tous âges), on constate que l’indicateur suit un modèle de dispersion régionalisé pour les deux sexes et les arrondissements significativement supérieurs sont concentrés dans le sud du pays, soit les Provinces du Luxembourg, de Namur et de Liège. Dans la Région flamande, les arrondissements de Maaseik (hommes et femmes) et Turnhout (hommes), sont également classés dans des catégories significativement supérieures. Au niveau

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national en 1985-1989 les arrondissements de Dinant (hommes et femmes) et de Marche (hommes) ont un ratio de près de 2 fois supérieur à la moyenne nationale. Une méthode qualitative a également été développée pour repérer les continuités inter périodes (entre 1974 et 1993). Elle a permis de mettre en évidence que la plupart des arrondissements du sud du pays présentaient au cours de toutes les périodes analysées (4 périodes de 5 ans) des SMR plus élevés que l’ensemble du pays. En termes opérationnels, il s’agit de la persistance au cours du temps de signaux d’alerte. Cette persistance devrait permettre de traduire cette situation au niveau des choix de priorités de santé[Leveque A et al. 1999;Leveque et al. 2000a].

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55..22..33..11..33..33 LLAA MMOORRTTAALLIITTEE PPRREEMMAATTUURREEEE EEVVIITTAABBLLEE

Cette approche qui combine l’approche des APVP et celle des causes de décès évitables vise comme les deux précédentes à perfectionner l’utilisation des statistiques de mortalité. Les APVP ont été principalement proposées pour permettre d’ordonner les causes de mortalité prématurée et, par-là, de classer les priorités lors de la planification[McDonnell et al. 1998;Romeder J-M and McWhinnie JR 1977], alors que les indicateurs de mortalité évitable sélectionnent des causes en fonction de l’efficacité sanitaire ou de promotion de la santé. C’est ainsi que la mortalité évitable contribue aux techniques d’évaluation sanitaire, alors que la méthode des APVP est utilisée pour la planification sanitaire. Méthode de calcul : Pour analyser l’évolution de la mortalité évitable par la méthode des APVP, il est apparu nécessaire de choisir une limite d’âge supérieure qui soit commune à toutes les causes de décès. Dans la méthode des APVP, le choix de 65, 70 ou 75 ans pour définir un décès prématuré est relativement arbitraire. Nous avons choisi l’âge de 65 ans qui est reconnu dans la méthode de la mortalité évitable comme une limite directement associée au caractère évitable de la cause de décès. D’autre part, les indicateurs concernant la mortalité évitable dans l’enfance posent un problème: il s’agit des infections gastro-intestinales (0-14), des leucémies (0-14) et infections respiratoires (1-14). En effet, le caractère évitable de ces causes concerne surtout la population d’enfants (0-14 ans). Nous avons fait le choix d’exclure ces indicateurs de l’analyse plutôt que d’étendre la tranche d’âge à la population adulte. La méthode de calcul des taux d’APVP est celle exposée précédemment ; la seule modification est le seuil de 65 ans au lieu de 70 ans. Le nombre d’années potentielles de vie perdues entre 1 et 64 ans est obtenu en multipliant le nombre de décès survenus pour une cause donnée dans un groupe d’âge donné, par le nombre d’années séparant ce décès d’une « borne supérieure » choisie, borne qui, dans cette étude est de 65 ans. Les APVP sont alors totalisées pour l’ensemble des groupes d’âge, par cause et par sexe : 64 64 APVP = ∑ ai . di = ∑ (65-i-0.5) di i=1 i=1 où : di = nombre de décès entre i et i+1 ai = nombre d’années qui séparent 65 ans du moment du décès (âge i et i+1) = 65 - (i + 0.5)

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Ces APVP peuvent être exprimées en TAUX (pour mille personnes): 64

taux d’APVP = ∑ ai . di x 1000 / N i=1

où : N= nombre de personnes de 1 à 64 ans pour la période considérée Standardisation des données : Les résultats (taux d’APVP) sont présentés pour quatre périodes successives allant de 1974 à 1994. Si l’on veut s’intéresser à l’évolution de cet indicateur dans le temps, il est nécessaire de tenir compte du fait que la structure par âge de la population belge a pu changer entre 1974 et 1994 que ce soit au niveau national ou au niveau des arrondissements. Pour tenir compte de cette évolution démographique, nous avons standardisé pour l’âge les données d’APVP en utilisant la méthode de standardisation directe à ces deux niveaux. La population belge de la période 1985-1989 a été utilisée comme population de référence. Nous obtenons de cette façon des « Taux d’APVP standardisés » qui sont donc les valeurs à utiliser pour la comparaison entre périodes. 64 taux d’APVP stand.= ∑ ai . (di / pi) (Pi r / Nr) i=1 où : pi = nombre de personnes d’âge i dans la population de la période Pi r = nombre de personnes d’âge i dans la population de référence Nr = nombre de personnes de 1-64 ans dans la population de référence. Indices d’évolution Les indices d’évolution entre la période 1974-1978 et 1990-1994 sont calculés en rapportant le taux de la période la plus récente au taux de la période la plus éloignée, multiplié par 100 (indice d’évolution P4/P1 * 100). Ces indices ont été également calculés par arrondissement. Les cartes ont été élaborées pour la mortalité masculine et féminine, prise séparément. Chaque carte représente les 43 arrondissements selon leur indice d’évolution classé en sextiles d’indices. La 8e révision de la CIM était d’application pour la période 1974-1978, et la 9e révision pour les trois autres périodes. Le changement de CIM peut avoir un effet sur les statistiques de mortalité. C’est la raison nous avons choisi de limiter les effets de ce changement en ne prenant pas en compte la première année d’application de la CIM-9, c’est-à-dire 1979. La période suivant cette modification a ainsi été définie de 1980 à 1984.

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Résultats : Cette approche a fait l’objet de différentes publications et communications. Nous présentons ci-dessous une sélection des résultats de ces analyses11.

Mortalité prématurée due aux causes de décès évitables chez les hommes et chez les femmes au cours des 4 périodes :

Les tableaux 1 et 2 présentent les taux d’APVP pour 100.000 personnes au cours des 4 périodes d’analyse chez les hommes et chez les femmes. Les causes de décès sont classées par ordre décroissant des taux d’APVP au cours de la période 1974-78, puis leur ordre est maintenu indépendamment des taux observés pour les périodes ultérieures. Le tableau suivant illustre la situation pour la population féminine. On constate que les accidents de véhicules à moteur représentent la principale cause de décès prématurés au cours des 2 premières périodes, puis sont remplacés par le cancer du sein en 1985-1989. Par contre, le cancer col/corps de l’utérus diminue régulièrement d’importance et passe de la 5è à la 7è cause. Il est remplacé par le cancer de la trachée, des bronches et des poumons, en augmentation depuis 1985-89.

Tableau 15 : Indicateurs de mortalité évitable dans la population féminine: taux d’APVP /100.000 (standardisés 85-89) par période , rangs des périodes P1 et P4 et indice d’évolution P4/P1*100

Période P1 Période P2 Période P3 Période P4 Rang Indice 1974-1978 1980-1984 1985-1989 1990-1994 P1 P4 P4/P1*100 Accidents de véhicules à moteur 355.2 297.7 265.8 245.9 1 2 69.2 Cancer du sein 266.7 282.4 277.2 262.1 2 1 98.3 Hypertension et mal. Cérébro-vasculaires

194.2 151.3 136.6 106.7 3 3 54.9

Maladies ischémiques du cœur 166.5 135.7 103.8 80.8 4 4 48.5 Cancer du col et du corps de l’utérus 70.3 57.5 52.8 49.2 5 7 70.0 Cirrhose du foie 65.2 67.4 71.8 64.6 6 6 99.1 Cancer de la trachée, des bronches et des Poumons

46.8 48.5 57.4 73.1 7 5 156.2

Asthme 34.5 35.4 25.5 21.4 8 8 62.0 Anomalies congén. Du cœur et vaisseaux 29.1 24.5 14.3 12.8 9 9 44.0 Maladie de Hodgkin 20.9 14.1 12.8 5.2 10 10 24.9 Cardiopathie rhumatismale chronique 15.7 3.3 1.7 0.8 11 16 05.1 Mortalité maternelle 12.7 7.6 4.5 4.9 12 11 38.6 Tuberculose 11.0 5.4 2.7 2.7 13 13 24.5 Cholélithiase et cholécystite 6.3 2.8 1.5 1.1 14 15 17.5 Ulcère peptique 6.1 3.4 3.3 4.4 15 12 72.1 Cancer de la peau (non mélanome) 2.8 2.0 1.7 2.2 16 14 78.6 Appendicite 2.6 0.6 0.9 0.7 17 17 26.9 Hernie abdominale 1.7 1.3 0.8 0.5 18 18 29.4 Toutes causes 3223.2 2882.7 2542.2 2362.9 73.3

11 Le lecteur intéressé pourra trouver le détail de la méthodologie et des résultats dans les différentes références proposées[Humblet et al. 1998;Humblet et al. 2000;Leveque et al. 2001a;Leveque et al., 1999a;Leveque et al. 2000b;Leveque et al. 2000a;Leveque et al. 2000c].

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Le tableau suivant illustre la situation pour la population masculine. On constate que les accidents de véhicules à moteurs représentent la principale cause de décès prématurés depuis 1974-78. Cette cause est suivie par les maladies ischémiques du cœur puis le cancer de la trachée, des bronches et des poumons, l’hypertension et les maladies cérébro-vasculaires et enfin la cirrhose du foie. Le classement des trois principales causes n’est pas modifié à travers les 4 périodes examinées.

Tableau 16 : Indicateurs de mortalité évitable dans la population masculine: taux d’APVP /100.000 (standardisés 85-89) par période, rangs des périodes P1 et P4 et indices d’évolution(P4/P1*100).

Période P1 Période P2 Période P3 Période P4 Rang Indice 1974-1978 1980-1984 1985-1989 1990-1994 P1 P4 P4/P1*100 Accidents de véhicules à moteur 1149.7 1015.0 887.8 861.6 1 1 74.9 Maladies ischémiques du cœur 753.8 603.5 452.6 343.8 2 2 45.6 Cancer de la trachée, des bronches et des poumons

366.2 370.4 355.1 316.0 3 3 86.3

Hypertension et mal. Cérébro-vasculaires 243.7 188.9 170.4 128.8 4 5 52.9 Cirrhose du foie 122.2 140.0 134.6 132.7 5 4 108.6 Anomalies congén. du cœur et vaisseaux 39.2 26.6 22.0 18.2 6 7 46.4 Asthme 35.2 36.7 31.8 27.0 7 6 76.7 Maladie de Hodgkin 34.4 29.8 13.9 12.7 8 8 36.9 Tuberculose 30.0 14.0 7.7 4.1 9 12 13.7 Cardiopathie rhumatismale chronique 18.8 3.0 1.1 0.8 10 14 04.3 Ulcère peptique 18.7 14.3 10.3 8.9 11 9 47.6 Cancer du testicule 12.4 8.4 6.5 6.1 12 10 49.2 Appendicite 5.1 1.6 0.6 0.2 13 16 03.9 Cancer de la peau (non mélanome) 3.2 2.1 3.0 4.5 14 11 140.6 Cholélithiase et cholécystite 3.2 1.3 0.9 1.0 15 13 31.3 Hernie abdominale 2.4 0.8 0.8 0.5 16 15 20.8 Toutes causes 6051.6 5537.1 4919.8 4697.5 77.6

Indice d’évolution de la mortalité prématurée due aux causes de décès évitables chez les hommes et chez les femmes entre la période 74-78 (P1) et la période 90-94 (P4) :

Les indices d’évolution sont donnés, pour les femmes et les hommes dans les tableaux précédents. On constate pour les accidents impliquant un véhicule à moteur que, tant chez les hommes que chez les femmes, cet indicateur évolue positivement puisque l’on mesure une diminution de 31% chez les femmes et de 25% chez les hommes.

Evolution entre 1974-78 et 1990-93 de la distribution spatiale de certains indicateurs de mortalité évitable

Les indices d’évolution ont également été utilisés pour représenter géographiquement l’évolution des indicateurs de mortalité évitable au cours du temps dans chaque arrondissement.

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Les cartes ci-dessous présentent, pour les accidents impliquant un véhicule à moteur les indices d’évolution des taux standardisés d’APVP par arrondissement entre les périodes 1974-78 et 1990-94. Chaque carte représente les 43 arrondissements selon leur indice d’évolution classé en sextiles d’indices.

Figure 9 : indices d'évolution des taux d’APVP suite à un accident impliquant un véhicule à moteur entre 1977-78 et 1990-94, par arrondissement, chez les hommes

Indices d'évolution des taux d'APVP entre 1974-78 et 1990-94

3

6

7

31

1

5

41

39

8

42

37

2

38

19

27

33

43

34

30

40

9

29

28

24

35

23

10

2622

16

21

2011

32

17

18

14

4

36

12

15

13

25

35

Accidents de véhicules à moteur (Hommes)

Indices en %55 - 6868 - 7070 - 7373 - 8080 - 8989 - 129

On constatera en examinant les valeurs des indices d’évolution données en annexe 2 que par rapport à une évolution nationale positive (indice d’évolution = 74%) certains arrondissements présentent une diminution moins importante et d’autres une augmentation (Ath, Waremme).

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Figure 10 : indices d'évolution des taux d’APVP suite à un accident impliquant un véhicule à moteur entre 1977-78 et 1990-94, par arrondissement, chez les femmes

Accidents de véhicules à moteur (Femmes)

3

6

7

31

1

5

41

39

8

42

37

2

38

19

27

33

43

34

30

40

9

29

28

24

35

23

10

2622

16

21

2011

32

17

18

14

4

36

12

15

13

25

35

Indices d'évolution des taux d'APVP entre 1974-78 et 1990-94

Indices en %40 - 4545 - 6161 - 7070 - 7777 - 9494 - 163

On constatera en examinant les valeurs des indices d’évolution données en annexe 2 que par rapport à une évolution nationale positive (indice d’évolution = 69%) certains arrondissements présentent une diminution moins importante et d’autres une augmentation (Ath, Charleroi, Waremme, Namur et Virton ).

La diminution est plus importante chez les femmes que chez les hommes. A noter, les exceptions que représentent les arrondissements de Ath et Waremme où l’on constate une augmentation tant chez les hommes que chez les femmes. Des inégalités géographiques ont été mises en évidence par comparaison de mesures d’évolution au cours du temps entre 1974-78 et 1990-94. Cette méthode permet d’émettre des signaux d’alerte comme suit: ✎ pour les indicateurs dont l’indice d’évolution nationale est favorable (indice en

baisse): les arrondissements dont l’indice d’évolution est défavorable (indice en hausse)

✎ pour les indicateurs dont l’indice d’évolution nationale est défavorable (indice en hausse): les arrondissements dont l’indice d’évolution est plus défavorable que le niveau national.

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La mortalité prématurée par accidents de véhicules à moteur, permet de constater une augmentation de la mortalité prématurée à Ath et Waremme, chez les hommes comme chez les femmes, alors que cette cause diminue en importance sur le plan national. Partant de données collectées en routine, les résultats présentés ici mettent à disposition des responsables, décideurs et opérateurs de terrain des informations épidémiologiques traitées au niveau des arrondissements pour des problèmes de santé potentiellement évitables ou aboutissant à des morts prématurées, c’est à dire dont l’émergence pourrait être évitée, diminuée ou retardée par des mesures de promotion de la santé. Ils soutiennent largement l’hypothèse que l’approche combinée de l’axe spatial et de l’axe temporel présente une originalité propre en rapport avec les décisions stratégiques en santé publique. Ils justifient leur inclusion dans un système de suivi tel qu’un Tableau de bord par exemple. Nous avons présenté cette approche dans diverses publications et rapports[Humblet et al. 1998;Humblet et al. 2000;Leveque et al. 2001a;Leveque et al. 1999a;Leveque et al. 2000b;Leveque et al., 2000a;Leveque et al. 2000c].

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55..22..33..11..44 CCoommmmeennttaaiirreess ccrriittiiqquueess ssuurr lleess ddoonnnnééeess ddee mmoorrttaalliittéé

L’importance des données de mortalité comme statistique de base en santé publique n’est plus à démontrer. L’étude de la mortalité par cause, âge, sexe, région ou arrondissement est intéressante tant dans son analyse annuelle que dans l’analyse des évolutions temporelles. Pourtant, ces statistiques élémentaires présentent en Belgique quelques problèmes : 1. Des délais de publication : la Belgique accuse un retard important dans la

publication de ses statistiques de mortalité. Les dernières statistiques de décès publiées par l’INS concernent l’année 1995. Dans une récente lettre au LANCET nous avons soulevé les principaux problèmes rencontrés dans la gestion de ces données et proposé des pistes de solutions[Leveque et al. 1999b;Leveque et al. 1999a].

2. Du passage de l’ICD9 à l’ICD10 : la nouvelle classification (ICD10), utilisée en

Belgique depuis le 1er janvier 1998, présente des changements importants par rapport à la précédente version (ICD9) ; en ce qui concerne les traumatismes, citons par exemple des codes moins détaillés dans l’ICD10 que dans l’ICD9 pour les empoisonnements, des codes plus détaillés pour les homicides et agressions (violence, négligence, etc.), une meilleure spécification des régions du corps traumatisées et la nature du traumatisme (code S pour une seule région et T pour plusieurs régions du corps traumatisées), etc. Ces modifications posent notamment des problèmes quant à la comparabilité temporelle des données de décès. Peu de travaux ont étudié la répercussion de ces changements de classification sur la qualité des données et surtout sur la comparabilité des données. Citons les travaux menés par JOHANSSON pour « Statistics Sweden » et par le NCHS aux Etats-Unis. Ces travaux en cours et qui reposent sur le double codage (ICD9 et ICD10) pour un échantillon des certificats de décès) n’ont pas encore fait l’objet de publications officielles. Les premiers résultats12 montrent des modifications importantes notamment en ce qui concerne le codage des traumatismes de type « chutes »

3. Du changement de support de collecte : l’utilisation du nouveau certificat de décès

a été initiée le 1er janvier 1998 en même temps que l’utilisation de la CIM 10 pour le codage des causes de décès. Ce double changement (support de collecte et mode de codification) pose un problème aigu quant à l’utilisation des données de mortalité dans une perspective de comparaison temporelle. Nous sommes occupés à finaliser un projet de recherche dont l’objet est la mesure de l’impact de ces changements sur les données de mortalité.

12 Communication personnelle de JOHANSSON,LA.

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Cette liste non exhaustive des problèmes liés aux statistiques de mortalité montre que des efforts importants doivent encore être faits pour améliorer ces statistiques de base. Les nouveaux certificats de décès permettent de collecter des informations intéressantes dans le champ des traumatismes : circonstances du décès et lieu de l’accident ; la nouvelle classification CIM10 permet d’être plus précise quant à la classification exacte du traumatisme. Il ne faudrait pas que des difficultés spécifiquement nationales viennent gêner la production de données de mortalité de qualité dans des délais acceptables.

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5.2.3.2 La morbidité

55..22..33..22..11 LLeess ssoouurrcceess ddee ddoonnnnééeess

Tel qu’illustré précédemment, le cheminement d’une personne traumatisée sera très variable en fonction notamment de la nature de l ‘événement, du lieu de sa survenue, de la gravité des lésions occasionnées. Nous dressons ci-après une liste des sources principales de données de morbidité :

Enregistrement au niveau des structures hospitalières : o Le Résumé Clinique Minimum (RCM) o Le système EHLASS o Les statistiques de certains services

Enregistrement au niveau de structures « sanitaires » non hospitalières :

o Centre antipoison o Centres de santé scolaire o Centres de santé au travail (médecine du travail)

Enregistrement au niveau des médecins généralistes

Enregistrement au niveau des forces de l’ordre (accidents de la voie publique, actes de violence, etc.)

Compagnies d’assurances diverses

Compagnies et/ou entreprises/corps spécifiques

o Police / armée o Transport par air o SNCB o Autres, etc.

Certaines de ces sources procèdent à une collecte systématique et permanente (RCM , accidents voie publique, etc.) ; elles font le plus souvent l’objet de publications officielles et récurrentes. D’autres ont un caractère occasionnel (médecins généralistes, etc.) et viennent parfois en complément des premières.

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55..22..33..22..22 LLeess ddoonnnnééeess ooffffiicciieelllleess ppuubblliiééeess ((ddee ffaaççoonn rrééccuurrrreennttee eett ssyyssttéémmaattiiqquuee))

55..22..33..22..22..11 LLEESS «« AACCCCIIDDEENNTTSS »» DDEE LLAA RROOUUTTEE

Les statistiques des accidents de la route sont établies sur base d’un formulaire (voir le modèle en annexe 3) complété par les forces de l’ordre (gendarmerie ou police communale avant la réforme des polices) pour tout accident de roulage survenant sur la voie publique et ayant entraîné des lésions corporelles. Ces statistiques sont centralisées à l’INS qui publie annuellement les principaux chiffres. L’Institut Belge pour la Sécurité Routière (IBSR), sur base des même statistiques, produit d’autres indicateurs et y ajoute les données touchant notamment la prévention[Institut Belge pour la Sécurité Routière 2000]. Deux remarques à ce type de collecte :

1. Ces statistiques ne prennent pas en compte les traumatismes survenant en dehors de la voie publique : une chute d’un cycliste dans un bois, un cycliste renversant un piéton sur une voie lente, etc. sont des événements non enregistrés. Certaines études estiment ce sous enregistrement à 15 à 20%. Un travail effectué en Belgique [DeMol 1999] estime le « sous enregistrement » à 8 à 10%.

2. Selon l’IBSR (communication personnelle) il existe un problème dans le transfert des informations enregistrées par les forces de l’ordre et l’INS. Il y a donc un sous-reportage dont l’importance n’a pu être estimée. Ce constat est également mis en évidence dans d’autres pays et/ou régions[Aptel et al. 1999].

Les tableaux qui suivent sont construits sur base des données des rapports de l’IBSR et de l’INS, ils situent l’importance du problème et son évolution temporelle sur les 20 dernières années13.

Tableau 17 : nombre absolu d'accidents avec dommage corporel et évolution sur 20 ans.

1980 1990 1995 1998 1999 2000 2000/1980 2000/1999 en % en % accidents corporels 60758 62446 50744 51167 51601 49065 -19,2 -4,9total victimes 84700 88160 71754 72260 72543 69431 -18,0 -4,3

dont : Décédés 30 jours 2396 1976 1449 1500 1397 1470 -38,6 5,2

blessés graves 19929 17479 12717 10909 10421 9847 -50,6 -5,5dcd + blessés graves 22325 19455 14166 12409 11818 11317 -49,3 -4,2

blessés légers 62375 68705 57588 59851 60725 58114 -6,8 -4,3 13 L’objet dans le cadre de ce travail n’est pas de reprendre l’ensemble des chiffres et d’étudier en détail la situation des traumatismes de la route. Ces deux institutions dans leurs rapports annuels proposent une ventilation de ces statistiques selon de nombreux paramètres que nous ne présentons pas ici. Nous renvoyons le lecteur intéressé vers ces rapports.

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On constate globalement une diminution tant du nombre d’accidents avec dommages corporels que du nombre de victimes. La dernière année a vu une augmentation du nombre de tués. Exprimé en fonction du nombre d’habitants du pays, on observe également une diminution du taux d’accidents avec dommage et du taux de victime pour 100.000 habitants.

Tableau 18 : Evolution du taux d'accidents ave dommage et de décédés et blessés graves pour 100.000 habitants. Source INS / IBSR [Institut Belge pour la Sécurité Routière 2000]

1980 1990 1995 1999 Accidents corporels 617 628 501 505 décédés 30 j 24 20 14 14 décédés 30 j + blessés graves 227 196 140 122 Les mêmes constats sont dressés si les chiffres sont exprimés en fonction du nombre de véhicules ou en fonction du nombre de véhicules-kilomètres.

Tableau 19: évolution du taux d'accidents avec dommage et de décédés et blessés graves pour 100.000 véhicules à moteur. Source INS / IBSR [Institut Belge pour la Sécurité Routière 2000]

1980 1990 1995 1999 Accidents corporels 1619 1359 988 922 décédés 30 j 64 43 28 25 décédés 30 j + blessés graves 595 423 276 211 nbre véhicule à moteur /1000 hab 381 462 507 548

Tableau 20 : évolution du taux d'accidents avec dommage et de décédés et blessés graves par milliard de véhicules-kilomètres. Source INS / IBSR [Institut Belge pour la Sécurité Routière 2000]

1980 1990 1995 1999 Accidents corporels 1267 889 632 579 décédés 30 j 50 28 18 16 décédés 30 j + blessés graves 465 277 177 133

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Le champ des traumatismes de la route bénéficie en Belgique, comme dans la plupart des pays industrialisés, d’un système de collecte d’information assez robuste et qui, tout en tenant compte de la remarque préalable quant à son exhaustivité, permet de produire des statistiques fiables, reproductibles et permettant des comparaisons annuelles. Ces statistiques ne sont malheureusement pas très riches en ce qui concerne la gravité des lésions et le suivi au-delà de 30 jours. Nous le verrons plus loin lorsque nous aborderons la problématique du handicap, les informations disponibles sont extrêmement rares.

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55..22..33..22..22..22 LLEESS «« AACCCCIIDDEENNTTSS »» DDUU TTRRAAVVAAIILL

Le Fonds des Accidents du Travail (FAT) dispose d’une banque de données alimentée exclusivement par les assureurs privés. Ceux-ci font parvenir au FAT des renseignements relatifs aux accidents survenant sur le lieu du travail ou ayant lieu sur le chemin du travail (informations de la déclaration d’accident, éléments financiers de la réparation de l’accident et polices d’assurance). Les statistiques issues de cette banque de données reflètent donc la situation du secteur privé (c’est à dire une couverture d’environ 50 % pour la Belgique) et il n’existe pas d’équivalence pour le secteur public. La banque centrale de données du FAT a pour mission : o de collecter, d’enregistrer, de traiter et de tenir à jour les données :

✎ relatives aux accidents du travail déclarés et à leur règlement ; ✎ que les assureurs agréés doivent utiliser pour la gestion distincte et la

comptabilité distincte de l’assurance contre les accidents du travail ; ✎ relatives aux victimes et à leurs ayants droit ; ✎ relatives aux employeurs et à leurs contrats d’assurances ; ✎ nécessaires pour l’organisation d’une politique de prévention telle que prévue

par la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail ; o de communiquer et d’échanger les données mentionnées ci-dessus avec d’autres

institutions et organismes agréés à cette fin en vertu de dispositions légales ou réglementaires ;

o d’organiser l’accès au Registre national et de fournir les informations qui en

proviennent, dans les conditions et limites prévues par la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques et par ses arrêtés d’exécution.

On retrouve comme variables dans cette base de données : l’activité de l’entreprise, la catégorie professionnelle de la victime, l’agent matériel, la forme de l’accident, la nature des lésions, le siège des lésions, la durée prévue de l’incapacité temporaire (IT) et le taux prévu d’incapacité permanente (IP). Un accident du travail peut survenir sur le lieu ou sur le chemin du travail. Il peut être accepté ou refusé. Les statistiques du FAT concernent des accidents acceptés qui se sont produit sur le lieu ou sur le chemin du travail14.

14 Le chemin du travail correspond au trajet normal que le travailleur doit parcourir pour se rendre de sa résidence au lieu de travail, et inversement.

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Les statistiques présentées ci-dessous[Fonds des Accidents du Travail 1999] concernent les accidents acceptés15 par le FAT (lieu du travail et chemin du travail) survenus en Belgique de 1995 (soit la première année de l’informatisation de ces données) à 199816.

Tableau 21: Evolution du nombre d’accidents acceptés, du nombre d’accidents avec IP et du nombre d’accidents mortels sur le lieu du travail (LT) et sur le chemin du travail (CT), en nombre absolu.Belgique 1995-1998. Source : Rapport du FAT, 1999[Fonds des Accidents du Travail 1999]

1995 1996 1997 1998 LT CT LT CT LT CT LT CT Nombre accidents acceptés

207.869

17.713

196.637

18.546

197.520

18.839

202.274

20.450

Nombre accidents avec IP

11.586

1.916

11.177

1.939

12.712

2.292

12.258

2.242

Nombre accidents mortels

139

75

119

75

130

89

138

96

On observe que sur ces quatre années, le nombre d'accidents sur le chemin du travail est en augmentation de 15 % alors qu’on observe une diminution de 2.7% des accidents sur le lieu du travail. Le nombre d’accidents mortels sur le lieu du travail est stationnaire alors qu’on observe une augmentation de 28% du nombre de tués sur le chemin du travail. Le rapport statistique annuel du FAT présente aussi trois types d’indicateurs de l’importance du problème, définis par le règlement général pour la protection du travailleur. Il s’agit : - Taux de fréquence : c’est le nombre d’accidents par million d’heures prestées. Il est

égal au nombre d’accidents (d’une incapacité temporaire d’un jour au moins ou mortel) multiplié par 1.000.000 et divisé par le nombre d’heures d’exposition aux risques.

- Taux de gravité : ce taux est égal au nombre de journées calendrier réellement perdues multiplié par 1.000 et divisé par le nombre d’heures d’exposition aux risques.

- Taux de gravité globale : ce taux est égal au nombre de journées calendrier réellement perdues + le nombre de journées d’incapacité forfaitaire multiplié par 1.000 et divisé par le nombre d’heures d’exposition aux risques.

Nous renvoyons le lecteur intéressé vers le rapport annuel du FAT [Fonds des Accidents du Travail 1999].

15 L’accident est refusé si, après déclaration à l’assureur, ce dernier le refuse parce qu’il ne répond pas à la définition de l’accident de travail telle que donnée par la loi. 16 Rappelons qu’il s’agit uniquement du secteur privé.

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55..22..33..22..22..33 LLEESS «« AACCCCIIDDEENNTTSS »» DDEE LLOOIISSIIRRSS // AAUU DDOOMMIICCIILLEE

Cette catégorie de traumatismes est une catégorie par défaut c’est à dire que l’on y regroupe tous les traumatismes non intentionnels qui ne sont ni « accident » du travail, ni « accident » de la route. Il s’agit d’un problème extrêmement important notamment chez les jeunes [Félix and Tursz 1991;Manciaux and Tursz 1990;Tursz et al. 1990;Tursz 1992] mais peu documenté en Belgique. Deux sources principales d’informations sont disponibles : le « réseau ou système EHLASS » et les statistiques du « Centre antipoison ». Le système EHLASS : Le système EHLASS (pour European Home and Leisure Accident Surveillance System) a été lancé en 1986 sur l’initiative de la C.E.E. dans le but d’apporter un certain nombre d’information sur les accidents domestiques, de sport et de loisirs[Rogmans 2000]. Ce système porte sur l’ensemble des « accidents de la vie courante » c’est à dire les accidents domestiques proprement dit, au domicile ou dans les abords immédiats, les accidents de sport, de loisirs et les accidents scolaires. Les accidents du travail, de la circulation, les agressions et suicide en sont exclus. Son objectif est la collecte des données sur les accidents en vue d’améliorer la sécurité des consommateurs. Cette collecte des données a lieu dans les salles d’urgence d’un nombre restreint d’hôpitaux dans 12 Etats membres. Dans trois autres Etats (Allemagne, Espagne et Luxembourg) la collecte des données est réalisée par des enquêtes auprès des ménages. Seuls 3 parmi les 12 Etats ont établi un échantillon représentatif d’hôpitaux leur permettant de fournir des estimations nationales. En l’état, le système collecte des données dans une soixantaine d’hôpitaux européens. Au sein de chaque pays, la recommandation est de veiller à assurer une représentativité quant à la répartition géographique et la répartition URBAIN/RURAL. En Belgique, le projet est sous la responsabilité du Ministère des Affaires Economiques et géré dans son exécution par le Ministère de la Santé et le CRIOC (Centre de Recherche et d’Information des Organisations de Consommateurs). Jusqu’à l’année 1998, quatre hôpitaux participaient encore à ce projet17

Antwerpen, Universitair Ziekenhuis (573 lits) Bruxelles, Hôpital Erasme (858 lits) Gent, Universitair Ziekenhuis (1059 lits) Namur, Centre Hospitalier Régional St Camille (421 lits)

17 En 1987 cinq hôpitaux étaient impliqués dans la phase pilote. Depuis 1999, seuls trois hôpitaux participent encore au système EHLASS (Antwerpen, Bruxelles, Namur).

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Les données sont collectées dans les services d’urgence de ces quatre hôpitaux, le codage et la saisie des données sur support informatique sont également réalisés au niveau de l’hôpital et transmis ensuite au niveau central où les données sont regroupées et analysées. Les types de données collectées :

Lieu et date de l’accident Lieu du traitement Activité au moment de l’accident Type d’accident Type de produit impliqué Age et sexe de la victime Type de lésion et parties du corps lésées Durée et type de traitement

Principaux résultats : Les résultats présentés ci-dessous proviennent du rapport 1999 (données 1998) du système EHLASS en Belgique[European Home and Leisure Accident Surveillance System 1999]. Durant l’année 1998, 14.600 accidents ont été enregistrés par les 3 services d’urgence. Le tableau ci-dessous trace l’évolution, en nombre absolu, durant les cinq dernières années et en nombre de cas/lits d’hôpitaux participants.

Tableau 22: évolution du nombre absolu (et du nombre de cas/lits) d'accidents enregistrés par les hôpitaux du système EHLASS en Belgique entre 1994 et 1998. Source : Rapports annuels EHLASS.

0

5000

10000

15000

20000

25000

1994 1995 1996 1997 1998

années

nom

bre

abso

lu

6,4

6,6

6,8

7,0

7,2

7,4

7,6

7,8

8,0

cas/

lit

nbre de cascas/lits

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La figure suivante illustre la répartition de ces accidents par catégorie d’âge et par sexe : on constate que 55.5 % des accidents surviennent chez les hommes. La catégorie d’âge 25-44 concentre de l’ordre de 30% des accidents chez les hommes et 23 % chez les femmes. Notons que cette classe couvre 20 années. La proportion beaucoup plus importante d’accident chez les femmes de plus de 65 ans que chez les hommes est en grande partie expliquée par le fait que dans cette catégorie d’âge, les femmes représentent plus de 60% de l’effectif.

Figure 11: répartition en pourcentage des accidents à domicile en fonction du sexe et de l'âge. EHLASS Belgique, 1998. (Homme : n= 8108 ; Femme : n= 6492)

0,6 0,6

8,67,9

24,8

22,3 22,1

18

28,9

22,9

10,2

14

4,7

14,3

0

5

10

15

20

25

30

pour

cent

< 1 1-4 5-14 15-24 25-44 45-64 65+

âge (années)

accidents en 1998, répartition (en pourcent) par sexe et par catégorie d'âge

Homme

Femme

Les autres résultats présentés mettent en avant : Le mécanisme de l’accident : la chute d’une même hauteur : 28% des cas L’endroit de survenue : dans la maison pour 43% des cas L’activité au moment de l’accident : 48% sont occupés à bouger, se déplacer. Le type de lésion : 31% sont des contusions et hématomes Le siège de la lésion : 38 % sur les membres supérieurs Le traitement et le suivi : 45% sont traités puis revus comme « outpatient » L’hospitalisation qui intervient pour 5 à 6 % des cas La durée de l’hospitalisation : un jour pour 36% des 813 cas hospitalisés.

Ce système présente des défaillances méthodologiques non négligeables : absence de représentativité, non-exhaustivité, manque de rigueur dans la collecte, absence de dénominateur, etc. qui rendent les comparaisons internationales très difficiles. Pourtant, malgré ces problèmes méthodologiques, on observe une certaine « convergence » entre les données collectées dans les différents pays. Ce système et les données qu’il produit sont intégrées dans le réseau « European Public Health Information Network » (EUPHIN)18. 18 Nous présenterons ce réseau en fin de chapitre 5.2.

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Le Centre antipoison : Le Centre antipoison assure depuis 1964 une permanence médicale d’information (24h/24), une activité de toxico-vigilance et gère une documentation importante sur le sujet. Il a développé les capacités informatiques et dispose donc d’une base de donnée importante qui enregistre notamment l’ensemble des motifs d’appel. Cette banque de donnée relève, outre les caractéristiques classiques de personnes, l’objet de la demande, l’identification des produits impliqués, les caractéristiques de l’exposition, la symptomatologie développée, l’avis rendu par le Centre et le suivi du cas lorsque cela est possible. La figure qui suit montre la répartition des types de toxiques justifiant d’un appel au Centre antipoison pour l’année 1999.

Figure 12: répartition (en pourcent) des produits ayant provoqué une intoxication et justifiant d'un appel au Centre antipoison, 1999. Source: page web du Centre antipoison19.

On peut constater que près de trois quarts des sources d’intoxication justifiant un appel sont extrêmement communes dans la plupart des familles : il s’agit des médicaments et des produits ménagers. Ces sources d’intoxication sont «connues » et font déjà l’objet de mesures de sensibilisation et de prévention. Les appels émanent du public dans 76% des cas, des médecins ou paramédicaux dans 20% des cas et d’autres personnes dans 4% des cas20.

19 (http://www.poisoncentre.be/) 20 nous renvoyons le lecteur intéressé par plus de détails sur ces données vers les rapports annuels du Centre antipoison.

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55..22..33..22..22..44 DDOONNNNEEEESS SSUURR LLEESS HHOOMMIICCIIDDEESS

Les chiffres officiels de décès suite à un homicide sont publiés par l’Institut National des Statistiques ; celles qui concernent la criminalité en général, par le Ministère de la Justice. Les dernières statistiques de décès publiées font état en 1995 de 169 décès par homicide (100 décès chez les personnes de sexe masculin et 69 personnes de sexe féminin), soit un taux annuel de 1,68 pour 100.000 personnes21. Ce type de traumatisme intentionnel ne sera pas développé de façon extensive dans le cadre de cette thèse.

55..22..33..22..22..55 DDOONNNNEEEESS SSUURR LLEESS TTEENNTTAATTIIVVEESS DDEE SSUUIICCIIDDEE

En dehors des enquêtes ponctuelles, il existe en Belgique essentiellement trois sources de données « permanentes » concernant les tentatives de suicide :

o Le « Réseau des médecins vigies » qui a enregistré en 1985-86, en 1990-95 et 2000-01 les tentatives de suicide ayant fait l’objet d’un appel auprès d’un généraliste22.

o Le « Résumé Psychiatrique Minimum » instauré par le Ministère de la Santé dans les hôpitaux psychiatriques et dans les services psychiatriques des hôpitaux généraux23.

o Un « Registre du Suicide » instauré par la « Unit for Suicide Research » à l’Université de Gand (RUG) et qui collecte des informations épidémiologiques en ce qui concerne Gand et sa région24.

Dans le cadre de ce travail, nous ne décrivons pas en détail les données relatives aux tentatives de suicide. Nous renvoyons les lecteurs intéressés vers les adresses données ci-dessous et la référence suivante[Moens et al. 1988].

21 à titre de comparaison, on cite des chiffres de 168/100.000 personnes en Colombie en 1991 et de 16/100.000 aux Etats-Unis en 1992[Barss et al. 1998]. 22 http://www.iph.fgov.be/epidemio/epifr/index10.htm 23 http://mpg-www.uia.ac.be/mpg/fr/informatie1.html 24 http://allserv.rug.ac.be/~cvheerin/indexen.html

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55..22..33..22..33 DD’’aauuttrreess ssoouurrcceess ddee ddoonnnnééeess

Au-delà de ces collectes et/ou statistiques récurrentes, d’autres moyens de collectes de données sont également développés non pas spécifiquement pour la problématique des traumatismes mais bien avec des objectifs beaucoup plus larges (enquête nationale de santé, médecins vigies, enquête sur les comportement de santé des jeunes, etc.). Nous présentons les principales sources de données « complémentaires » :

55..22..33..22..33..11 LL’’EENNQQUUEETTEE NNAATTIIOONNAALLEE DDEE SSAANNTTEE

L’enquête nationale de santé par interview a été menée en 1997 auprès d’un échantillon de 10.221 personnes choisies au hasard25. Dans le rapport d’enquête et plus précisément dans l’annexe du rapport d’enquête [Bietlot et al. 2000], les auteurs présentent quelques données concernant les « accidents ». Il était demandé aux personnes interrogées si elles avaient été victimes d’un accident ayant gêné leurs activités habituelles pendant au moins une journée et ce, au cours des deux derniers mois. Et si oui de quel type d’accident s’agissait-il ? Au cours des deux mois précédant l’enquête, 4% des personnes interrogées ont été victimes d’un accident entraînant une limitation de leur activité pendant au moins un jour. Le graphique suivant montre la répartition de ces accidents en fonction de leur type. On constate qu’un peu plus d’un quart des traumatismes surviennent dans le cadre du travail (ou de l’école) et un autre quart au domicile. On ne peut malheureusement recouper ces données avec aucune autre dans la mesure où notamment ces dernières se basent sur un « rappel de 60 jours » et qu’il peut y avoir plusieurs événements pour un même individu.

25 Nous présenterons plus loin la méthodologie de cette enquête (voir le chapitre sur la recherche des déterminants). Nous présentons simplement ici les informations concernant les traumatismes et se trouvant dans le rapport d ‘enquête.

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Figure 13: répartition (en pourcent) des accidents déclarés en fonction du type/lieu de l’accident. Enquête Nationale de Santé, 1997. Source: ISSP LP [Bietlot, Demarest, Tafforeau, and Van Oyen 2000]

27%

27%

26%

13%7%

Travail ou école à domicile sport circulation non précisé

Le nombre assez restreint d’événements enregistrés ne permet pas d’analyse plus fine. Nous reviendrons sur cette enquête lorsque nous aborderons l’étude des déterminants du port de la ceinture de sécurité.

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55..22..33..22..33..22 EENNQQUUEETTEE SSUURR LLAA SSAANNTTEE DDEESS JJEEUUNNEESS DDEE LLAA PPRROOVVIINNCCEE DDUU HHAAIINNAAUUTT

L’Observatoire de la Santé du Hainaut a réalisé26 une enquête transversale auprès d’un échantillon représentatif d’enfants et d’adolescents de 9 à 17 ans dans les écoles de la Province de Hainaut, en Belgique[Godin et al. 1998]. L’échantillon d’écoles a été constitué selon la méthode des quotas, sur base des critères de classification des filières d’enseignement en Belgique (type de réseau, filière d’enseignement, localisation et taille de l’établissement). Un examen physique et un questionnaire auto administré étaient réalisés le même jour selon l’ordre cité. Un échantillon de 5388 enfants a été contacté. Parmi ceux-ci, 4158 ont accepté de compléter le questionnaire et 2365 ont subi l’examen physique qui portait sur la mesure du poids, de la taille, des plis cutanés sous scapulaire et tricipital, de la pression artérielle systolique et diastolique et des stades de Tanner pubien et mammaire. La survenue d’un traumatisme a été estimée sur une période de rappel de 12 mois. Tout événement traumatique qui a nécessité des soins par un professionnel de la santé (médecin, infirmière), qu’il y ait eu ou non hospitalisation, a été comptabilisé comme traumatisme. Dans cette enquête, on a pu observer que dans les 12 mois précédant l’enquête, 1644 jeunes de notre échantillon, soit 41% ont été victimes d’un accident qui a nécessité des soins (avec ou sans hospitalisation). Parmi ceux-ci, 37% ont passé au minimum une nuit à l'hôpital. L’origine de ces traumatismes est illustrée dans le graphique suivant.

Figure 14: Répartition des traumatismes (en %) en fonction du lieu de survenue ; n=1644. Enquête OSH, 1997.

35%

19%16%

8%

22%

sport école domicile route autre

On peut constater que c’est lors de la pratique d’un sport que plus d’un tiers des traumatismes surviennent. L’école est également un lieu où survient une part importante des traumatismes (près de 20%)27.

26 Chercheurs principaux : I.GODIN, A.LEVEQUE et L.BERGHMANS. 27 D’autres aspects et résultats de cette enquête seront présentés plus loin, dans le cadre de la recherche des déterminants des traumatismes.

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55..22..33..22..33..33 EENNQQUUÊÊTTEESS «« HHEEAALLTTHH BBEEHHAAVVIIOOUURR IINN SSCCHHOOOOLL--AAGGEEDD CCHHIILLDDRREENN »» ((HHBBSSCC))

Cette étude sur le comportement de santé des jeunes de la Communauté française de Belgique a débuté, en Belgique, à l’instigation de l’Unité de Promotion Education Santé (PROMES) de l’Ecole de Santé Publique de l’ULB en 1985. Il s’agit d’une étude internationale menée sous l’égide de l’Organisation Mondiale de la Santé dans plusieurs pays (4 en 1984 et 28 en 1998) et qui suit un protocole international standardisé[Piette et al. 1993;Piette and Prevost 1990a;Piette and Prevost 1990b;WHO 2000]. « Le but de l’étude est de mieux connaître et comprendre les comportements de santé et le mode de vie des adolescents et de tirer de cet enseignement des implications pour la promotion de la santé des jeunes »[Piette D et al. 1997]. Il s’agit d’une étude descriptive répétée tous les deux ans auprès d’un échantillon représentatif aléatoire des jeunes scolarisés de la première à la sixième secondaire mais aussi en 5ème et 6ème primaire tous les 4 ans. Le rythme est maintenu à une fois tous les 4 ans à partir de 1998. L’étude a été menée en 1986,1988,1990,1992, et 199428. Les échantillons sont tirés au hasard lors de chaque enquête. Ils sont représentatifs des jeunes de l’enseignement de plein exercice de la Communauté française à l’exception de l’enseignement spécial. Le questionnaire est auto-administré et porte sur les différents aspects de la santé. La validation du questionnaire est réalisée au niveau international et communautaire. Les questions intéressant la problématique des traumatismes n’ont été posées qu’à partir de l’enquête de 1994. Résultats descriptifs : En 1994, un échantillon total de 15.504 jeunes de 10 à 18ans ont répondu au questionnaire. Cet échantillon est représentatif des réseaux d’enseignement et des types d’enseignement (général, technique, professionnel) de la Communauté française de Belgique. Parmi ceux-ci, 33% déclarent avoir été blessé et traité par une infirmière ou un médecin durant les 12 derniers mois.

28 Une enquête a également été menée en 1998 ; l’analyse des données est en cours. La publication dont il est fait référence traite des données de 1986 à 1994. Une nouvelle enquête est planifiée pour l’année 2002.

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Le graphique suivant illustre le lieu de survenue de l’accident le plus grave

Figure 15: lieu de l'accident le plus grave survenu durant les 12 mois précédant l'enquête (n=4.249)

24%

19%

21%

12%

24%

école domicile terrain de sport voie publique autre

Ne pouvant exclure qu’une partie des accidents sur un terrain de sport aient eu lieu dans le cadre d’activités scolaires, on peut penser qu’un minimum d’un quart des accidents a eu lieu à l’école. Les circonstances des accidents sont présentées dans le tableau suivant tant pour les accidents survenus à l’école que pour l’ensemble des accidents « tous lieux confondus ».

Tableau 23: description des circonstances de l'accident le plus grave survenu au cours des 12 mois précédant l'enquête, selon le lieu.

Circonstances de l’accident Tous les lieux confondus, en %

(n=4.206) A l ‘école, en % (n=1.004)

Vélo / skate 10 2 Voiture 6 1 Sport / jeu (récréation) 40 54 Chute 19 22 Bagarre 3 4 Autre 22 17 Total 100 100

Les accidents de sport et de jeu à la cours de récréation représentent les circonstances les plus fréquentes des accidents les plus graves. Le tableau suivant donne quant à lui les conséquences physiques de ces traumatismes

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Tableau 24: description des conséquences physiques de l'accident le plus grave survenu au cours des 12 mois précédant l'enquête, selon le lieu de survenue.

Conséquences de l’accident

Tous les lieux confondus, en % (n=4.206)

A l ‘école, en % (n=1.004)

Fracture 20 24 Contusion / déchirure 41 45 Plaie 12 8 Contusion à la tête / au cou 5 5 Brûlure 3 1 Autre 19 17 Total 100 100

On constate que les conséquences de ces traumatismes les plus graves sont relativement sérieuses dans la mesure où près d’un quart de celles qui surviennent à l’école se soldent par une fracture. Des comparaisons ont été faites avec les données provenant des autres pays participant à cette enquête internationale. Nous renvoyons le lecteur intéressé vers les publications qui en ont été faites[King et al. 1996].

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55..22..33..22..33..44 LLEE RREESSEEAAUU DDEESS MMEEDDEECCIINNSS VVIIGGIIEESS DDEE BBEELLGGIIQQUUEE

Le réseau des médecins vigies de Belgique a été mis sur pied en 1979. Il a pour objectif d’améliorer la connaissance des maladies transmissibles et non transmissibles et l’estimation de leur importance. Il repose sur une participation volontaire de certains médecins (constitution d’un échantillon représentatif de la population et de la pratique médicale en Belgique), sur un enregistrement continu, régulier et de durée limitée et sur un anonymat absolu du patient[Institut d'Hygiène et d'Epidémiologie 1991]. La représentativité de cet échantillon de praticiens de première ligne est l’élément clé dans la mesure où l’objectif épidémiologique est de pouvoir extrapoler les résultats de cet échantillon de praticien vers l’ensemble des praticiens et donc vers l’ensemble de la population belge. 150 médecins sont nécessaires ; la représentativité est contrôlée selon la distribution géographique (43 arrondissements regroupés en 15 grappes homogènes) et démographique (âge et sexe des praticiens). Chaque année, un choix de problèmes de santé à enregistrer est réalisé sur base d’un ensemble de critères29. Le participant complète une fiche d’enregistrement spécifique qu’il renvoie de façon hebdomadaire vers le centre responsable30. Le dénominateur pose un problème important pour l’analyse des données. Il a été défini une « population vigie » estimée sur base du nombre de contacts entre la population des patients et le médecin qui participe à l’enregistrement (consultations et visites à domicile). « La population vigie d’un arrondissement donné correspond au nombre total de contacts qu’ont chaque année les médecins de cet arrondissement participant au réseau, divisé par le nombre moyen de contacts par habitant et par an calculé pour l’ensemble de l’Arrondissement par l’Institut National de l’Assurance Maladie Invalidité (INAMI) »[Institut d'Hygiène et d'Epidémiologie 1991]. Ce réseau de médecins a enregistré en 1995 les accidents domestiques des personnes de plus de 60 ans et en 1996, les accidents domestiques de toutes les catégories d’âge. Un récent rapport reprend les principaux résultats [Devroey et al. 2001]. Pour l’année 1996, 136 médecins vigies ont enregistré les accidents domestiques tous âges confondus. L’enregistrement concerne tous les accidents survenus au domicile et pour lesquels le médecin généraliste est intervenu comme premier prestataire de soins. Les médecins du réseau ont enregistré chacun en moyenne 24 épisodes traumatiques (médiane=15). L’incidence annuelle est estimée (après extrapolation) à 2.194 cas pour

29 Problématique orientée vers le généraliste, diagnostic clinique, définition non équivoque, impact, fréquence. 30 Institut Scientifique de la Santé Publique Louis Pasteur (Ex IHE).

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100.000 habitants (IC95% : 2.086-2.302) ce qui correspond donc au niveau du pays à 220.000 accidents domestiques pour lesquels on a appelé le médecin généraliste. L’incidence par catégorie d’âge et par sexe est présentée dans le graphique suivant. On y observe une incidence élevée jusqu’à 14 ans puis après 75 ans tant chez les femmes que chez les hommes. Une différence considérable entre les deux sexes est observée dans le groupe d’âge de 75 à 89 ans. Rappelons que cet enregistrement sous estime de façon importante le nombre réel d’accident. En effet, une part importante ne nécessite pas le recours à un médecin et un certain nombre se rendent directement dans les services d’urgence des hôpitaux.

Figure 16: incidence des accidents domestiques par groupe d'âge et par sexe (taux annuel pour 100.000 habitants). Belgique, 1996. Source : Réseau des médecins vigies[Devroey et al. 2001].

0

2000

4000

6000

8000

10000

12000

14000

inci

denc

e

< 5

5-14

15-2

9

30-4

4

45-5

9

60-7

4

75-8

9

> 89

Age (en années)

HommeFemme

La nature de l’accident selon la catégorie d’âge est présentée dans la figure suivante.

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Figure 17: répartition en % des accidents domestiques selon leur nature et selon le groupe d'âge. Belgique 1996. Source: réseau des médecins vigies [Devroey et al. 2001]

16

42

21

1236

20

30

22

18

45

33

24

35

512

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

0-14 15-59 > 59

Age (en années)

autrebrûlurepénétrat.corps étrangercoup, collision, contactchuteglissade et trébuchement

D’autres informations quant au lieu de survenue, à la nature de la lésion, à l’activité pratiquée au moment de l’accident et aux produits impliqués sont également présentées dans le rapport[Devroey et al. 2001].

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55..22..33..22..33..55 LLEE RREESSUUMMEE CCLLIINNIIQQUUEE MMIINNIIMMUUMM

L’enregistrement du Résumé Clinique Minimum dans les hôpitaux belges a été instauré en 1990 dans tous les hôpitaux généraux non psychiatriques. Il a notamment pour objectif de « soutenir la politique de santé par le biais de l’analyse épidémiologique du RCM ». Le séjour hospitalier en est le point de départ et l’enregistrement est fait au moment de la sortie du patient (séjour classique ou hôpital de jour). La codification repose sur la 9ème révision de la Classification Internationale des Maladies. L’ensemble des données centralisées fait l’objet d’un regroupement en APR-DRG (All Patient Refined Diagnosis related groups) (sur base de 25 Major Diagnostic Category). L’intérêt du RCM dans une approche épidémiologique est incontestable car il s’agit d’un recueil « systématique », récurrent, financé et obligatoire. Malheureusement il est limité notamment par le fait que ce sont les séjours hospitaliers qui sont l’unité d’enregistrement et non le patient, qu’il est impossible d’en sortir des données de prévalence et d’incidence et parce qu’il ne donne de l’information que sur les bénéficiaires de soins hospitaliers. Certaines pathologies nécessiteront toujours le recours à des soins hospitaliers ; c’est le cas des polytraumatisés. Pour ceux-ci, les informations du RCM peuvent être un juste reflet de la réalité. Dans un rapport intitulé « RCM 1996 en images » [Bogaert and Pincé 2000], on peut y trouver l’analyse de ce ‘Major Diagnostic Category’ (MDC25 « Multiple significant trauma »). Par polytraumatisé, on entend la présence d’au moins 2 traumatismes « significatifs » dans diverses régions du corps. En 1996 il y a eu 1780 séjours hospitaliers répondant au critère ci-dessus. Outre une grande disparité géographique (concentration importante du nombre de séjours dans les arrondissements wallons), et une majorité de sujets masculins (les hommes représentent 2/3 des séjours) on observe que plus de 31% des séjours concernent des hommes jeunes (15 à 35 ans). 15% de ces séjours ont comme issue le décès. Il faut malheureusement regretter que le RCM n’impose pas l’indication des codes « E » de la 9ème révision. Pour l’année 1996, seulement 37% des séjours de cette catégorie MDC25 disposaient d’au moins un code E permettant de situer les circonstances du traumatisme. Parmi ceux-ci, on peut relever que 55% des traumatismes multiples font suite à un accident de la route, 10% à une chute, 3% à une tentative de suicide et 32 % pour d’autres catégories.

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55..22..33..22..44 CCoommmmeennttaaiirreess ccrriittiiqquueess ssuurr lleess ddoonnnnééeess ddee mmoorrbbiiddiittéé

Les sources de données que nous venons de rapidement passer en revue donnent une certaine image de l’importance des traumatismes en Belgique. Ces informations sanitaires intéressantes souffrent de quelques problèmes qui sont loin d’être spécifiques au contexte belge. Citons-en quelques-uns parmi les principaux. • L’exhaustivité : il existe de très nombreux traumatismes qui ne font l’objet d’aucun

recours à des soins. Ces traumatismes ne sont pas toujours mineurs. Il est des circonstances où le contact avec une structure ou un prestataire de soins est évité pour des motifs touchant à la perception même de la gravité potentielle du traumatisme (c’est souvent le cas dans le milieu des professionnels indépendants, agriculteurs, menuisiers, etc.) ou à l’illégalité professionnelle dans laquelle survient l’accident (manœuvre non déclaré, etc.).

• L’absence de recoupement entre ces différentes sources de données : un

automobiliste blessé dans un accident de la route sur le chemin de son travail sera enregistré une première fois par les forces de l’ordre (relevé de tous les cas mortellement blessés et blessés lors du constat de l’accident) ; il sera également enregistré par l’hôpital où le service d’urgence l’emmènera et apparaîtra dans le RCM. Il sera également pris en compte dans les statistiques du Fonds des Accidents du Travail. Si l’issue est le décès, il sera également repris dans les statistiques nationales de décès. Des doubles comptages sont difficiles à éviter. Ainsi, cette absence de « lien » entre les systèmes de collecte de données peut amener à des statistiques différentes pour un même problème.

• L’absence de précision quant aux circonstances du traumatisme : la non-utilisation

des codes « E » dans les systèmes d’enregistrement comme le RCM par exemple, ne permet pas d’avoir suffisamment de précision quant aux circonstances du traumatismes. Ce défaut d’information est évidemment préjudiciable lorsque l’on souhaite réfléchir et/ou développer des actions de prévention.

• L’absence de précision quant à la gravité du traumatisme : hormis pour les blessés

graves qui, dans la plupart des structures hospitalières font l’objet d’un calcul de score de gravité31, nous disposons rarement de cette information pourtant importante dans l’optique d’une évaluation des conséquences des traumatismes.

• Le manque de précision quant à la représentativité de l’échantillon : si nous prenons

pour exemple le réseau des hôpitaux du système EHLASS (3 hôpitaux participants), on est en droit de se poser des questions sur la représentativité de ces hôpitaux et

31 En utilisant par exemple l’Injury Severity Score (ISS).

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surtout sur l’exploitation de ces données pour des estimations régionales ou nationales.

Dès lors, comment ne pas s’interroger sur la validité de toute une série de publications qui comparent la situation des traumatismes dans différents pays quand on sait que les systèmes de collecte, les définitions, les dénominateurs, les circonstances d’enregistrement sont éminemment variables ? Comment ne pas prendre une certaine distance vis-à-vis des publications sur les charges de morbidité lorsque l’on connaît toutes ces difficultés que nous venons de citer, difficultés encore bien plus importantes lorsqu’il s’agit de pays économiquement moins favorisés où les systèmes de collectes d’information sanitaire sont encore beaucoup moins performants que dans les pays à hauts revenus. Comment aussi ne pas s’interroger sur le défaut d’organisation de ces différents systèmes de collecte et sur leur inadaptation par rapport à une démarche de prise de décision ?

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5.2.3.3 Déficience et handicap Dans les pays industrialisés, on estime que 13 à 14% de la population vit avec un certain degré d’incapacité ou de limitations fonctionnelles[Wade and de Jong 2000] ; chiffre dont la tendance est à la hausse. Les causes de cette augmentation sont essentiellement de deux ordres : le vieillissement de la population qui va de pair avec une réduction, plus ou moins importante mais assez inéluctable, des capacités fonctionnelles des individus et les traumatismes qui vont entraîner des altérations parfois importantes des capacités fonctionnelles. La fréquence de ces derniers est mal connue mais non négligeable. Si l’on prend l’exemple des traumatismes crâniens, il y aurait chaque année en Europe de l’ordre de 1 à 1.1million d’hospitalisations pour traumatisme crânien dont 150 à 180.000 pour la France parmi lesquels 8000 sont considérés comme sévères (coma de plus de 6heures). 3000 à 5000 auront des problèmes de réinsertion dont plus de 1500 seront lourdement handicapés [Hamonet and Grondard 1993]. D’autres déficiences peut-être moins dramatiques mais malgré tout très gênantes sont également relevées[Masson et al. 1996;Masson et al. 1997;Yacoubovitch et al. 1995].

55..22..33..33..11 CCoonncceeppttss ddee bbaassee

LE CONCEPT DE CAPACITÉ FONCTIONNELLE : Au-delà des notions de mortalité et morbidité, il est très important de pouvoir quantifier la capacité des personnes à réaliser un certain nombre d’activités, de tâches de la vie quotidienne. De nombreux outils de mesure ont été élaborés cherchant à cerner au mieux la capacité des individus à s’inscrire, s’insérer, évoluer dans le contexte social et économique qui est le leur au quotidien. En effet, un traumatisme, une maladie ou tout simplement le phénomène normal du vieillissement peut limiter les capacités fonctionnelles des individus et diminuer la capacité à évoluer dans le monde social qui les entoure. Lorsque l’on aborde la question de la capacité fonctionnelle, la littérature distingue classiquement trois notions :

la déficience (impairment) l’incapacité (disability) le handicap ou désavantage (handicap)

les déficiences se situent au niveau de l’organe. Il s’agit de perte ou d’anormalité dans les structures et/ou dans les fonctions psychologiques, physiologiques ou anatomiques. On les répartit en déficiences intellectuelles, déficiences motrices, déficiences psychologiques,…

les incapacités sont les conséquences des déficiences. Il s’agit des performances et des activités fonctionnelles de l’individu. Les incapacités se situent au niveau de la

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personne et de son entourage immédiat. Par exemple des incapacités dans les soins personnels (s’habiller, se laver,…) ou des incapacités dans la communication,…

les handicaps sont les inconvénients sociaux et culturels qui sont ressentis par l’individu comme étant le résultat des déficiences et des incapacités. Les handicaps se situent au niveau de l’interaction avec et de l’adaptation à un environnement plus large. Notons que certains auteurs insistent sur la notion « dynamique » du handicap, ce dernier étant la confrontation entre une personne ayant certaines limitations fonctionnelles et la réalité d’un environnement physique, social et culturel. Certains auteurs parlent de « situation de handicap » traduisant par là un aspect évolutif : « le handicap n’est pas une constante, mais une variable ».

Illustrons ces trois dimensions par un exemple: Problème Déficience Incapacité Handicap Malvoyant diminution grave de la

vue Incapacité à lire les signalisations

Problème d’orientation

Ostéoarticulaire des articulations des genoux

Marche très difficile Mobilité réduite

La mesure des déficiences, incapacités et handicaps. La mesure de ces limitations des capacités fonctionnelles est complexe et reflète certaines difficultés d’harmonisation des définitions en elles-mêmes. La mesure du déficit physique est rapidement apparue insatisfaisante pour cerner les problèmes réels rencontrés par les personnes souffrant d’un handicap. Le concept de limitation fonctionnelle a été introduit, permettant de relier les lésions corporelles (et leur mesure) à leurs conséquences dans diverses situations de la vie. La mesure de ces limitations a fait l’objet de nombreuses recherches. Plusieurs échelles de mesures ont été élaborées. Deux approches sont observées dans ces demandes de mesure : la première est celle que l’on retrouve dans la plupart des barèmes et qui procède à la mesure en pourcentage de la « valeur de l’homme » ; l’autre tente de mettre au point des instruments de mesure plus fins et suffisamment sensibles pour mettre en évidence des améliorations et/ou évolutions des capacités des patients suite à des traitements ou prises en charge,… En 1980, l’Organisation Mondiale de la santé a développé un système de classification des ces déficiences, incapacités et handicaps (CIH) : « The International Classification of Impairment, Disabilities and Handicaps (ICIDH) »[World health Organization 1980] dont l’avantage principal est que les personnes peuvent être répertoriées par la mesure de leur limitation dans leur fonctionnement tant physique que social au lieu de la répartition simple de « présence » ou d’absence de maladie. Cette classification compte en fait trois classements distincts (déficience, incapacité, désavantage). Une révision de cette classification a été publiée et testée. Une version complétée vient d’être publiée en 1999[World health Organization 1999a], ainsi qu’une version française : la

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« Classification internationale du fonctionnement et de l’incapacité » (CIH-2) [World health Organization 1999b]. De nombreuses autres classifications ont été développées dans la même optique de mesurer les conséquences fonctionnelles d’un problème de santé. Les principales caractéristiques des échelles de mesure :

Le type d’échelle : Echelle nominale : repose sur une classification, parfois dichotomique ; permet de calculer des proportions, risques relatifs,… Echelle ordinale (ou rang) : repose sur une classification ordonnée ; on utilisera la médiane, des tests non paramétriques, des coefficients de corrélation Echelle basée sur l’intervalle : même principe que l’échelle ordinale, mais dans ce cas, la distance entre 2 niveaux est importante à prendre en compte ; les techniques de résumé et tests d’inférence identiques à ceux utilisés avec les échelles quantitatives Echelle reposant sur un « ratio » : il s’agit d’une échelle quantitative comme la précédente ; dans ce cas, le zéro occupe sa place de référence et permet le calcul de ratio ; les techniques de résumé et tests d’inférence identiques à ceux utilisés avec les échelles quantitatives

La qualité de la mesure :

Sa validité : l’échelle mesure ce qu’elle est censée mesurer. Dans la problématique qui nous occupe (le handicap), l’absence de « gold standard » c’est à dire de « critère de référence » est un problème majeur dans l’estimation des paramètres de validité. Sa reproductibilité : il s’agit de la capacité à mesurer la même chose (par exemple un même niveau d’invalidité ou de handicap) lorsque la mesure est répétée dans les mêmes conditions.

Le type d’instruments de mesure :

Il existe différents types d’instruments de mesures : La question simple : une question simple et unique permet d’aborder un aspect du problème étudié. La série d’items simples : plusieurs items consécutifs sont utilisés pour cerner le problème, pour mesurer un concept mais il n’y a pas de globalisation (score ou autre méthode de globalisation). L’échelle : il s’agit d’une série d’items simples globalisés, sommés, pondérés.

Le type de collecte de l’information : Auto-questionnaire (Self reported): le patient, la personne, complète lui-même un questionnaire. Cette technique de l’auto-administration est d’un usage fréquent car elle est facile à administrer et présente peu de biais d’interprétation de la part de l’enquêteur. D’autres biais peuvent évidemment se présenter mais leur étude sort du cadre de ce travail.

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Par enquêteurs : il s’agit d’une collecte directe de l’information nécessaire par des professionnels (professionnels de la santé, enquêteurs entraînés,…) ; cette approche est grande consommatrice de temps et de personnes. Elle se révèle indispensable lorsque les instruments de mesure sont complexes. Enquête par téléphone : il s’agit de l’application par téléphone, d’un questionnaire, par un enquêteur formé. On mêle dans cette approche l’auto-déclaration peu ou non contrôlée et l’intervention d’une tièrce personne qui entre en contact téléphonique.

LES PRINCIPALES ÉCHELLES DE MESURE DE LA PERTE DE CAPACITE FONCTIONNELLE Il faut noter que les échelles citées ci-dessous ne sont pas spécifiques au champ des traumatisme. Beaucoup ont été construites en priorité pour les personnes âgées en perte d’autonomie. On peut distinguer plusieurs grandes « catégories » ou « classes » d’échelles : 1. les échelles qui cherchent à mesurer la perte de capacité des organes (impairment

scale). Elles reposent sur des tests diagnostics et un bilan médical des patients (et de la fonction). Ces mesures directes sont souvent très objectives mais ne donnent pas d’indications adéquates de la capacité de la personne. Elles s’inscrivent assez bien dans la logique de la « réparation d’un dommage corporel » et sont de ce fait souvent utilisées dans le cadre d’expertises contradictoires, dans un cadre légal et formel amenant à la formulation de barèmes et de « pourcentage d’invalidité ». Citons pour exemple : l’échelle PULSES et le BOBI (Barème Officiel Belge de l’Invalidité)

2. les échelles qui visent à mesurer comment une perte de fonctionnalité est transformée en incapacité (ou handicap). Ces échelles cherchent donc à être un bon indicateur de « l’incapacité fonctionnelle ». Il s’agit essentiellement des échelles appelées AVQ (Activités de la Vie Quotidienne) (en anglais : A.D.L. / Activities of Daily Living). Ces échelles reposent sur la mesure de la capacité à réaliser des activités habituelles de la vie quotidienne : s’habiller, se déplacer, se nourrir,… ; elles sont particulièrement intéressantes pour la mesure d’incapacités importantes relevant essentiellement de patients institutionnalisés et de patients âgés. Un exemple classique est l’échelle de Katz.

3. Ces échelles ADL ont été complétées de façon à mieux appréhender les problèmes de diminution de la capacité fonctionnelle de patients restant intégrés dans la vie active (non institutionnalisés) ; des activités comme faire ses courses, cuisiner, gérer son argent,… ont été ajoutées aux échelles ADL classiques. Ces échelles IADL (Activités Instrumentales de la Vie Quotidienne) sont de plus en plus largement utilisées ; elles ont fait l’objet de validation.

4. Les échelles IADL ne sont pas satisfaisantes pour mesurer l’impact social et le désavantage que peut entraîner une incapacité. En effet, de très nombreux facteurs vont ainsi déterminer si une incapacité va ou non entraîner un handicap et l’importance de celui-ci. En effet le problème de la mesure de l’incapacité

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fonctionnelle utilisant un « index de fonctionnalité » est que différentes personnes, présentant un même niveau de déficience vont y réagir de façons différentes. Ces réactions vont notamment dépendre de leurs attentes, leur support social, leur travail antérieur, l’environnement de vie,…. Certaines échelles ont été développées de façon à prendre en compte ces différents aspects de la mesure qui combinent le physique, le social, l’économique, l’environnement et l’émotionnel. Il s’agit de ce que l’on appelle les « échelles ou mesures globales ». Citons pour exemple le Nottingham Health Profile (NHP) et le questionnaire SF-36.

5. Dans le champ des traumatismes, il existe des méthodes de mesure de la gravité des traumatismes que l’on souhaite estimer au moment de l’admission à l’hôpital. Citons pour exemple l’Abbreviated Injury Scale (AIS) et le Injury Severity Score (ISS) (voir plus loin).

6. La classification des handicaps: dans le domaine des déficiences et de l’incapacité , l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a mis au point une classification reconnue au niveau international : la « Classification Internationale des Handicaps : Déficiences, Incapacités et Désavantages »[World health Organization 1980]. Cette classification complète la classification des maladies et présente notamment l’intérêt de la comparabilité des données internationales.

Nous ne développons pas ici l’ensemble de ces échelles. Nous renvoyons le lecteur intéressé à un précédent travail que nous avons réalisé[Leveque et al. 2000d]. Une synthèse de ce travail a été soumise pour publication[Leveque A et al. 2001b]. Il faut également noter qu’au-delà du concept de perte de capacité fonctionnelle, un autre concept est développé qui cherche à mesurer la « qualité de la vie »32 En Belgique, le BOBI (Barème Officiel Belge de l’Invalidité) est l’outil de référence des médecins experts en dommage corporel lorsqu’ils doivent établir une estimation du handicap d’une personne traumatisée, suite à un accident de la route ou un accident du travail. Il est l’outil obligatoire en accidentologie routière. En effet, les compagnies d’assurance imposent l’utilisation de ce barème et le calcul d’un « pourcentage d’invalidité ». Mais au delà de cette estimation, le médecin expert est amener à argumenter le niveau du handicap qu’il fixera par le recours à toutes autres informations (échelles de mesure,…) permettant de mieux cerner le problème notamment quant à ses

32 Ce concept est également important mais relativement abstrait. Multidimensionnelle, la qualité de la vie concerne notamment l’état fonctionnel, la maladie, le fonctionnement psychique, social, la prise de conscience, la douleur, la sécurité, le logement, les revenus, la famille, l’amour, le respect, la liberté, etc. Plusieurs tentatives de développement d’indicateurs objectifs de cette qualité de vie ont été réalisées. Un premier obstacle est l’absence de consensus sur la définition même de la qualité de la vie. Un exemple est le « Quality Adjusted Life Years » (QALY) [McAlearney et al. 1999;Nord 1992;Treasure 1999]qui a été développé dans des études cliniques auprès de patients cancéreux. Il repose sur l’estimation de la « valeur » des années passées en bonne santé (valeur 1) et des années passées en présence de problèmes de santé, ayant pour conséquence incapacités et douleurs (valeur inférieure à un). De nombreuses échelles de mesure du bien-être sont adaptées dans les différents contextes morbides (cancer, diabète, maladies neurologiques, ostéo-articulaires,…)[Velikova et al. 1999]. Elles présentent très souvent des problèmes non négligeables de validité et de reproductibilité.

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répercussions dans la vie de tous les jours. Différentes échelles d’autonomie sont utilisées. Elles font partie de celles qui ont été abordées précédemment. L’expert a la liberté de consulter et de faire référence à différents ouvrages et travaux pour justifier la conclusion de son expertise. Citons pour exemple le Barème Fonctionnel des Incapacités (France), le Barème de la Commission européenne,…

La décision finale quant au niveau d’incapacité ou de handicap atteint par la personne traumatisée fera l’objet de négociations et de discussions entre les différentes parties impliquées de façon à juger et estimer le plus adéquatement possible les séquelles et répercussions handicapantes pour la personne accidentée. Ce Barème Officiel permet donc de prendre en compte les préjudices physiques et psychiques de façon objective en vue de définir un pourcentage d’incapacité permanente. Il ne prend nullement en compte les répercussions de cette incapacité dans la vie de tous les jours (étude, travail, loisirs, vie sociale,…). Dès lors nous estimons que dans le cadre d’une estimation des répercussions des accidents de la route sur la santé globale de la population, cet outil de mesure ne peut être suffisant. Une équipe de chercheurs de l’Université Paris XII travaille à la conception d’une échelle de mesure du handicap (handicapomètre) [Hamonet 1997;Hamonet and Grondard 1993]. Ces derniers souhaitent développer un instrument qui mette l’accent sur les situations handicapantes plutôt que sur le handicap, ce dernier reflétant plus une situation figée et peu dynamique. Dans le domaine de l’accidentologie, les échelles qui sont classiquement utilisées sont celles qui permettent une quantification la plus précise possible de la « perte de fonction », la finalité étant le plus souvent la « réparation d’un dommage subi» comme y sont confrontées les compagnies d’assurances. Dans ce contexte, la préférence va donc à un type de mesure « le plus objectif » et « le moins discutable » possible. Ces barèmes (BOBI en Belgique, Guide-barème en France) ne sont malheureusement pas satisfaisants si l’on veut s’intéresser aux conséquences réelles d’un traumatisme sur la santé globale des personnes. Pour ce faire, on préférera recourir à des méthodes de mesure plus complètes (mais peut être moins objectives) qui prennent en compte de la façon la plus large possible l’impact du traumatisme dans les situations de la vie courante, tant professionnelles que domiciliaires. Il apparaît que l’échelle « FIM+FAM », au delà de ses caractéristiques de reproductibilité et de validité satisfaisantes, offre une réponse intéressante à la question posée. Son caractère opérationnel assez simple en renforce l’intérêt.

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55..22..33..33..22 SSoouurrcceess ddee ddoonnnnééeess

Il existe très peu de données en Belgique sur l'importance des handicaps secondaires aux traumatismes. Il faut rechercher au travers des bases générales sur les traumatismes ou de celles traitant des handicaps de manière plus spécifique, de leur origine et permettant une quantification du degré d'invalidité. Ces bases de données proviennent soit d'institutions nationales (Fonds des Accidents du Travail par exemple) ou d'associations qui ont pris l'initiative de récolter des données épidémiologiques auprès de leurs membres. Le Fonds des Accidents du Travail (FAT) : La banque centrale de données du Fonds des Accidents du Travail est alimentée exclusivement par les assureurs privés. Ceux-ci font parvenir au Fonds des renseignements relatifs aux accidents survenant sur le lieu du travail ou ayant lieu sur le chemin du travail (informations de la déclaration d’accident, éléments financiers de la réparation de l’accident et polices d’assurance). Les statistiques issues de cette banque de données reflètent donc la situation du secteur privé (c’est à dire une couverture d’environ 50 % pour la Belgique) et il n’existe pas d’équivalence pour le secteur public. La banque centrale de données du FAT a pour mission : 1. de collecter, d’enregistrer, de traiter et de tenir à jour les données :

a. relatives aux accidents du travail déclarés et à leur règlement ; b. que les assureurs agréés doivent utiliser pour la gestion distincte et la

comptabilité distincte de l’assurance contre les accidents du travail ; c. relatives aux victimes et à leurs ayants droit ; d. relatives aux employeurs et à leurs contrats d’assurances ; e. nécessaires pour l’organisation d’une politique de prévention telle que prévue par

la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail ; 2. de communiquer et d’échanger les données mentionnées sub 1° avec d’autres

institutions et organismes agréés à cette fin en vertu de dispositions légales ou réglementaires ;

3. d’organiser l’accès au Registre national et de fournir les informations qui en proviennent, dans les conditions et limites prévues par la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques et par ses arrêtés d’exécution.

On retrouve comme variables dans cette base de données : l’activité de l’entreprise, la catégorie professionnelle de la victime, l’agent matériel, la forme de l’accident, la nature des lésions, le siège des lésions, la durée prévue de l’incapacité temporaire (IT) et le taux prévu d’incapacité permanente (IP).

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L'échelle de mesure du handicap utilisée par le FAT est l'incapacité permanente définie suivant les critères du BOBI. Les médecins inspecteurs du FAT évaluent la perte de la capacité de travail à partir de 2 éléments : - par rapport au travail antérieur. - suivant la perte de la capacité économique, c’est-à-dire une perte de pouvoir

concurrentiel pour tous les métiers accessibles à la personne. La détermination de l’Incapacité Permanente (en pourcentage) qui évalue la perte de possibilités pour l’individu, est une évaluation subjective qui tient compte : - de l’échelle du BOBI qui donne des taux d’invalidité en %. - d’une correction de ces barèmes en fonction de facteurs socio-économiques. C’est-à-

dire que les médecins vont évaluer si l’incapacité définie par le BOBI est suffisante pour la personne et cela dans toutes les professions qui lui sont accessibles. Ils évaluent si les difficultés professionnelles seront plus grandes que les difficultés dans la vie de tous les jours : si oui, ils ajoutent (ou retranchent) au taux physiologique un facteur de correction : « les facteurs socio-économiques ». Ils peuvent ainsi augmenter l’incapacité (avec un maximum de 10 %) afin de tenir compte de ces facteurs et corriger l’évaluation initiale. Les facteurs de correction sont évalués selon : les difficultés à faire certains gestes, les difficultés pour éviter certains gestes ou activités, les contre-indications d’un poste de travail, …

Cette méthode de calcul de l’IP est reconnue en termes de jurisprudence et tient donc fort compte de l’expérience et des habitudes des médecins inspecteurs. Une jurisprudence demande parfois au médecin expert d’ajouter un taux de préindemnisation, pour des séquelles « prévisibles », ce qui rend l’évaluation encore plus complexe (si l’on ose affirmer que cette prévision est médicalement gérable). L’Association belge des Paralysés (ABP) Cette association possède une base de données de tous leurs membres depuis environ 60 ans. Les personnes recensées souffrent exclusivement d'handicaps physiques, toutes origines confondues. Les variables retrouvées dans cette base sont donc : l'origine du problème, les séquelles de la maladie, le degré d'handicap suivant l'échelle BOBI utilisée par le Ministère des Affaires Sociales et une série de variables sur la réinsertion socioprofessionnelle. Cette base de données possède donc une information sur l'origine du problème, les séquelles de maladies et le pourcentage du handicap. L’Enquête Nationale de Santé des Belges (1997) Une enquête de santé par interview a été menée en Belgique en 1997. L’objectif de cette enquête était de décrire l’état de santé de la population générale (de 15 ans et plus)[Bietlot et al. 2000].

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Les données de cette enquête ont été récoltées par des entrevues à domicile auprès d’un échantillon de 10.000 personnes choisies au hasard. Le questionnaire «face-à-face » reprenait une série de variables liées aux incapacités physiques : - présence de maladies chroniques, de limitations et de handicaps ; impact de ces

derniers sur la vie quotidienne - limitations physiques de longue durée - prévalence de maladies spécifiques et consommation médicale qui en découle - incapacités temporaires dues à des problèmes de santé physique Les conséquences des affections chroniques sur le fonctionnement physique ont été étudiées grâce à différents indicateurs : - score SF-36 pour le statut fonctionnel physique : ce score est établi à partir des

réponses à une série de 10 questions sur les limitations fonctionnelles moyennes et graves quant à certaines fonctions.

- prévalence d’un handicap de mobilité (être confiné à la maison/jardin, au lit/fauteuil, ou ne pas souffrir d’handicap de mobilité).

- prévalence de limitations spécifiques. Comme détermination de l'incapacité (de longue durée), cette enquête a utilisé le score de l'OMS. Il est établi sur base de 7 fonctions AVQ (Activité de la Vie Quotidienne : transfert au/hors du lit ou dans/hors du fauteuil, habillement/déshabillage, se laver les mains et la figure, pouvoir manger sans aide, pouvoir aller aux toilettes et la continence urinaire) avec en plus 3 autres fonctions : mobilité, audition et vision.

- prévalence de la souffrance due à une affection chronique ou un handicap. - reconnaissance officielle de ce dernier. L’Office Statistique des Communautés Européennes (Eurostat) Eurostat a pour mission, à travers le système statistique européen, de mettre à la disposition de tous une importante quantité de données et procure des éléments nécessaires à une première analyse. Devant le constat d’un manque de données fiables au niveau européen sur les personnes handicapées, Eurostat a rassemblé les données disponibles dans ce domaine au niveau des Etats membres. Les informations statistiques recueillies proviennent en grande partie des organismes de sécurité sociale. Chaque Etat membre utilise une terminologie propre à son administration nationale pour définir le handicap et celle-ci s’écarte souvent de la Classification internationale des déficiences, incapacités et handicaps (ICIDH) proposé par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Nous verrons plus loin les données publiées par Eurostat.

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Le Centre de Traumatologie et de Réadaptation de Brugmann (CTR Brugmann) Comme pour presque l'ensemble des centres de traumatologie, ce CTR possède une base de données à partir de l'informatisation de tous leurs dossiers d'admission. Pour rappel, les personnes sont admises dans ces services exclusivement pour rééducation pouvant s'échelonner de quelques semaines à plusieurs mois. Il n'y a pas une récolte d'information précise sur l'origine du handicap. Ainsi il semble qu'il y ait peu de dossiers avec une cause de type "accidenté de la route". La majorité des cas sont notifiés "accidents" ce qui empêche une individualisation dans cette banque de données des cas qui nous intéressent prioritairement. Ils n'utilisent pas d'échelle permettant de mesurer le degré de handicap. Ce sont les comparaisons de descriptions cliniques (paraplégie, tétraplégie, …) qui permettent d'évaluer l'évolution de la revalidation des patients. Le CTR Brugmann et le Service de Médecine Physique et de Réadaptation de l'hôpital Saint-Luc sont les deux centres de réadaptation les plus importants en nombre de patients. Aucun de ces services ne peut nous donner accès à leur base de données soit à cause de raisons techniques, essentiellement informatiques, pour les premiers ; soit par manque de ressources en personnel pour tenir en ordre leur base pour les seconds. Les Assurances privées La plupart des assurances privées contactées disent posséder dans les dossiers de leurs accidentés de la route une information sur la cause initiale de l’accident, le suivi de l’invalidité et par la suite le handicap consolidé suivant le BOBI. En pratique, en cas de traumatisme lié à un accident de la route, le médecin conseil de l’assurance fixe une incapacité temporaire de travail (totale ou partielle). Il revoit ensuite l’assuré assez régulièrement jusqu’à arriver à la phase de consolidation. Le degré d’invalidité sera alors décidé par des experts d’après le BOBI. Pour une majorité de ces assurances, leurs données ne sont pas encore informatisées et seule une recherche dans les dossiers papiers permettrait d’isoler les individus ayant été victimes d’un accident de circulation. De plus un certain nombre des contacts auprès de ces assureurs se disent réticents à l’idée de pouvoir diffuser leurs données à des institutions extérieures. L’Union Professionnelle des Entreprises d’Assurances (UPEA) a dans ses fonctions la centralisation des statistiques des compagnies d’assurances et leur diffusion auprès du Comité Européen des Assurances. Actuellement l’UPEA possède une base de données informatisées reprenant des informations exclusives sur les dégâts matériels. Ils n’ont donc aucune information disponible en termes de séquelles corporelles de leurs assurés et il semble que cette information reste au sein de chaque compagnie d’assurance.

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Les Mutuelles Les mutuelles ne connaissent pas la cause ou l’origine d’un problème de santé de leurs assurés. En cas «d’accidents », ceux-ci sont catégorisés soit en «accident de travail », soit en «accident de droit commun ». Ils n’ont donc aucune information sur l’origine précise des accidents et ne peuvent isoler de leurs dossiers des accidentés de la route spécifiquement. Certaines mutualités disent pouvoir employer des moyens indirects pour connaître la cause initiale. Par exemple, si un accidenté arrive dans un service de soins en ambulance, à partir de la facture de ce transport, la mutuelle pourra connaître le lieu et l’origine de l’accident. Dans tous les cas, cette information ne sera pas enregistrée telle quelle et restera dans le dossier papier. Beaucoup de mutuelles n’ont pas encore une informatisation totale des dossiers individuels et les données informatisées sont prioritairement des informations financières. L’Institut National d’Assurance Maladie-Invalidité (INAMI) L’INAMI présente dans ses rapports annuels des statistiques sur le nombre d’invalides du régime général, du régime des travailleurs indépendants et d’autres catégories professionnelles. La personne invalide est définie comme travailleur qui a cessé toute activité professionnelle et dont les lésions et les troubles fonctionnels sont reconnus comme réduisant sa capacité de gain à 1/3 au moins de ce qu’une personne de même profession et de même formation peut ou pourrait gagner par son activité professionnelle. Un titulaire entre en invalidité lorsqu’il est reconnu incapable de travailler depuis plus d’un an. La première année d’incapacité est la période d’incapacité primaire. L’Institut National des Statistiques (INS) L’INS possède un «registre des accidents de la circulation sur la voie publique avec tués ou blessés ». Ce registre centralise les informations sur tout accident, accompagné de dégâts corporels, et constaté par la Gendarmerie ou la Police. Les données sont envoyées sous forme informatisée à l’INS où elles sont examinées et complétées. Les paramètres enregistrés sont la description du lieu de l’accident et son déroulement, les circonstances, les implications des parties, l’implication d’un piéton, … Les statistiques qui en découlent sont essentiellement des nombres totaux de personnes tuées, mortellement blessées (décès dans les 30 jours), blessés graves et blessés légers. Il n’y a donc aucune information sur le devenir des accidentés ni sur le type de lésions. Le Résumé Clinique Minimum (RCM) Le Ministère de la Santé Publique dispose d'une base de données constituée par l'information recueillie via le Résumé Clinique Minimum (RCM ). Les RCM sont complétés pour chaque hospitalisation de patients. Ces RCM reprennent le diagnostic du problème de santé mais rarement la cause initiale. Ainsi une information sur l’origine d’un traumatisme ne sera que rarement indiquée sur cette fiche, mais pourrait être retrouvée dans le dossier médical papier du patient.

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De plus il n’y a aucune information dans le RCM sur l’état de santé à la sortie d’hospitalisation des patients ni sur le degré de handicap secondaire aux accidents. D’autres associations Les autres associations contactées spécialisées dans les problèmes liés au handicap, ne disposent d'aucun recueil de données. Il s'agit de l'Agence wallonne pour l'Intégration des Personnes Handicapées (AWIPH), l'Amicale liégeoise des Handicapés, l'Association Chrétienne des Invalides et Handicapés, la Croix Rouge de Belgique, l'Association Socialiste de la Personne Handicapée, le Fonds bruxellois francophone pour l'intégration sociale et professionnelle des personnes handicapées, l'Office de la Communauté germanophone pour personnes handicapées, le Syndicat belge des handicapés, l'Union francophone des handicapés.

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55..22..33..33..33 LLeess ddoonnnnééeess ppuubblliiééeess

Le Fonds des Accidents du Travail (FAT) :

Tableau 25 : suite des accidents sur le chemin du travail selon l'année, de 1995 à 1998

1995 1996 1997 1998

Suite Tot Tot Tot Tot

C.S.S 4.893 7.359 7.535 8.212 I.T 11.194 9.173 9.819 9.894 I.P 1.540 1.939 2.292 2.242 Mort. 89 75 89 96 Total 17.716 18.546 18.835 20.444

C.S.S = cas sans suite, c’est à dire tout accident sans incapacité de travail réparé exclusivement par des frais médicaux et/ou une perte de salaire payée pour le jour de l’accident. I.T = incapacité temporaire c’est à dire que la victime a été incapable de travailler, suite à l’accident du travail, pendant au moins un jour complet. I.P = incapacité permanente de travail c’est à dire que des lésions permanentes subsistent du fait de l’accident. Pour l'année 1998, on observe que 40,2 % des accidentés sont classés sans suite, 48,4 % ont entraîné une incapacité temporaire, 11,0 % une incapacité permanente et 0,4 % un décès.

Tableau 26 :Accidents sur le chemin du travail avec incapacité permanente de 1995 à 1998.

1995 1996 1997 1998 I.P. en %

Tot Tot Tot Tot

1-4,9 742 831 1.059 994 5-9,9 476 696 790 809 10-15,9 202 287 315 291 16-19,9 15 16 21 26 20-35,9 66 81 62 88 36-65,9 25 11 23 20 66-100 11 14 15 13 Aide tiers 3 3 7 1 Total 1.540 1.939 2.292 2.242

Pour l'année 1998, 80,4 % des accidentés avec incapacité ont été reconnu avec une incapacité inférieure à 10 %, 14,1 % entre 10 et 20 et 9,6 % supérieur à 20. Le rapport statistique annuel du FAT présente aussi trois types d’indicateurs de l’importance du problème, définis par le règlement général pour la protection du travailleur. Il s’agit :

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- Taux de fréquence : c’est le nombre d’accidents par million d’heures prestées. Il est égal au nombre d’accidents (d’une incapacité temporaire d’un jour au moins ou mortel) multiplié par 1.000.000 et divisé par le nombre d’heures d’exposition aux risques.

- Taux de gravité : ce taux est égal au nombre de journées calendrier réellement perdues multiplié par 1.000 et divisé par le nombre d’heures d’exposition aux risques.

- Taux de gravité globale : ce taux est égal au nombre de journées calendrier réellement perdues + le nombre de journées d’incapacité forfaitaire multiplié par 1.000 et divisé par le nombre d’heures d’exposition aux risques.

L’Enquête Nationale de Santé des Belges (1997) Le tableau suivant donne les chiffres de maladie chronique et de handicap qui ont été enregistrés lors de l’enquête nationale sur la santé des belges[Bietlot et al. 2000].

Tableau 27 : Caractéristiques de l’échantillon en terme de maladies chroniques et de handicap. Enquête nationale de la santé des Belges, 1997.

N % Prévalence de personnes souffrant de maladies chroniques ou handicap

2668 24.7

Reconnaissance officielle du handicap 580 5.4 Demande de reconnaissance du handicap 74 0.7 Handicap sans demande de reconnaissance 247 2.3 Pas de handicap 9249 91.6 Causes de l’invalidité ou handicap :

Accident industriel 74 8.7 Maladie professionnelle 63 7.4

Accident domestique 37 4.3 Accident de la route 44 5.2

Accident de sport 7 0.8 Maladies 357 41.9

Affection congénitale 92 10.8 Autres 178 20.9

Limitations (par affection chronique ou handicap)

Sérieusement gêné 419 16.0 Modérément gêné 675 25.9 Légèrement gêné 807 30.9

Pas de gêne 710 27.2 Gêné dans ses activités journalières (par affection chronique ou handicap)

Tout le temps 969 36.8 Parfois 942 35.8 Jamais 722 27.4

Alité suite à maladie chronique ou handicap :

Tout le temps 43 1.6 Parfois 379 14.5 Jamais 2195 83.9

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Pour l’échantillon total, 4 % de la population a un handicap de mobilité. Dans 2 % des cas le handicap est de gravité moyenne, ce qui signifie que la personne est limitée dans ses déplacements à la maison ou au jardin. Dans 2 % des cas le handicap est plus grave, ce qui signifie que la personne est limitée à son fauteuil ou même au lit. Les accidents de la route sont la cause de l’invalidité ou du handicap dans 5,2 % des cas. Dans environ un quart des cas, les incapacités gênent les occupations quotidiennes et 15 % des personnes souffrant de conséquences d’affections chroniques sont régulièrement alitées. 5 % de la population prétend avoir une invalidité ou un handicap officiellement reconnus d’un degré avoisinant les 60 %. L’Office Statistique des Communautés Européennes (Eurostat) Le tableau 11 présente des informations pour la Belgique pour l'année 1989 relatives à l’origine des handicaps et extraites de la deuxième édition des statistiques des personnes handicapées publiées par Eurostat[Eurostat 1995].

Tableau 28 : . Origine des handicaps, Belgique 1989

Maladies Hommes Femmes TOTAL TOTAL (pour mille) (pour mille) (pour mille) (%)

Congénitale Périnatale Maladie Accident

- de la route - du travail - autres

Sénilité (manifestations graduelles) TOTAL

0,6 0,5 1,1 0,6 0,0 0,3 0,4 0,2 115,7 52,2 167,9 92,4 8,5 2,1 10,5 5,8 (non ventilé par cause initiale) 1,2 0,8 1,9 1,0 126,0 55,9 181,8 100

De manière générale, dans ce tableau on observe que l’origine «maladie » (y compris sénilité) est la principale source de handicap puisqu’elle explique plus de 90 % des cas. Les traumatismes, toutes causes confondues, expliquent environ 6 % des déficiences. On constate que les accidents sont traités de façon globale, sans spécificité pour les accidents de roulage. En cas d'accidents de la route, parmi les blessés graves, il est fort difficile, voire impossible d'obtenir le chiffre exact de ceux qui vont rester handicapés à vie, car ces derniers semblent presque aussitôt absorbés dans les statistiques générales sur les personnes handicapées.

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55..22..33..33..44 CCoommmmeennttaaiirreess ccrriittiiqquueess ssuurr lleess ddoonnnnééeess ddee hhaannddiiccaapp

Nous ne disposons pas de base de données en Belgique qui puisse nous donner une information exhaustive sur les handicaps. La base du FAT peut-être partiellement utilisée pour répondre à notre objectif tout en sachant que les statistiques présentées ne concernent que des travailleurs du secteur privé. L’enquête nationale de santé des Belges, effectuée en 1997, reste une source capitale et fiable sur la santé de la population en général. Une large partie du questionnaire portait sur les affections chroniques et les invalidités/handicaps. Les résultats que nous en avons tirés montrent bien les relations entre handicaps liés par exemple aux accidents de la route et de hauts taux d’invalidité qui en découlent. Les assureurs privés possèdent des informations intéressantes. Cependant, elles ne sont le plus souvent pas accessibles. Il est donc difficile de se faire une idée sur les conséquences à terme d’un traumatisme. Ce constat ne fait que renforcer les questions posées préalablement quant à la comparabilité inter-pays de données intégrant les handicaps lorsqu’on connaît les lacunes des données nationales.

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5.2.3.4 Le coût économique des traumatismes

55..22..33..44..11 IInnttrroodduuccttiioonn

Les coûts directs et indirects consécutifs à un traumatisme sont un autre paramètre indispensable lorsque l’on tente d’estimer l’importance d’un problème de santé. Les coûts directs : englobent l’ensemble des frais liés aux biens et aux services qui sont utilisés en relation avec l ‘événement : soins, transport, traitement, revalidation, justice, etc. Les coûts indirects sont ceux liés à la perte de production (suite à un handicap, un décès prématuré, etc.) Un récent rapport du ‘British Medical Association’ [British Medical Association 2001] cite les chiffres suivants : de l’ordre de 20.000 décès chaque année au Royaume-Uni suite à un traumatisme, 30 millions de consultations médicales et une consommation de 5% des dépenses du National Health System. Une récente étude menée au Canada33 estime que les blessures non intentionnelles coûtent de l’ordre de 8,7 milliards de dollars CND par année, soit 300 $CND par habitant. Chaque blessure engendrerait de l’ordre de 4.000 $ CND de frais directs et indirects. En terme de coûts directs, plus de 2 millions de blessures en 1995 ont occasionné des dépenses de plus de 4,2 milliards de $ CND en soins de santé. Les blessures les plus coûteuses étant les chutes, les accidents de la route et enfin les empoisonnements (70% des coûts directs). Près de 55.000 blessures ont occasionné un handicap permanent ou un décès et ont coûté 4,5 milliards de $ CND de coûts indirects.

55..22..33..44..22 DDiissppoonniibbiilliittéé ddeess ddoonnnnééeess eenn BBeellggiiqquuee

Très peu de données sont disponibles en Belgique pour estimer les coûts directs et indirects des traumatismes. Citons les rares données disponibles : L’Institut Belge de l’Economie de la Santé (IBES) a fait une estimation des coûts des accidents de la route en Belgique en 1990 [Institut Belge de l'Economie de la Santé 1994].

33 Le fardeau économique des blessures non intentionnelles au Canada. www.hc-sc.gc.ca/lcdc/

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On estime les coûts comme suit : • Coût par personne décédée : 17 millions de FB • Coût par personne blessée grièvement : 2 millions de FB • Coût par personne légèrement blessée : 50.000 FB Des estimations de coûts sont données par les assurances en ce qui concerne les traumatismes suite à un accident du travail. Un tableau repris par TISSOT[Tissot 1996] donne des coûts moyens par accident de l’ordre de 100 à 110.000 FB (en 1990). Un certain nombre de données existent au niveau des compagnies d’assurances. Ces données sont souvent inaccessibles (accès strictement limité) ou inexploitables (non informatisées).

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5.2.4 La situation des traumatismes dans les pays à faible et moyens revenus

Dans un excellent article daté de 1991 « Unintentional injuries in developing countries : the epidemiology of a neglected problem », SMITH et BARSS [Smith and Barss 1991] dressaient déjà un tableau alarmant de la situation des traumatismes dans les pays économiquement faibles : « In many less developped countries, injuries are rapidely becoming one of the leading causes of death and disability ». En effet la transition épidémiologique, très marquée dans un certain nombre de pays ou pour le moins dans les principales villes de ces pays à économie faible ou intermédiaire34 a, en quelques années, quelque peu bouleversé l’ordre des principales causes de décès et de morbidité établi depuis de nombreuses décennies et où les classiques pathologies infectieuses et parasitaires occupaient les tristes records35. Reprenant le travail de MURRAY et coll [Murray and Lopez 1996b], FORJUOH et al. présentent une comparaison des taux d’incidence annuelle des principaux types de traumatismes dans différentes régions du monde[Forjuoh et al. 1998].

Tableau 29: Mortalité pour différents mécanismes de traumatismes dans les différentes régions du Monde en 1990. Taux d'incidence annuel pour 100.000 personnes. Source : Forjuoh et al[Forjuoh, Zwi, and Mock 1998].

Incidence annuelle (pour 100.000 personnes) Région du Monde Accident de

la route Feu et brûlures

Chutes Noyade Violence Guerre

Monde entier 273 85 1557 24 139 70 Pays à économie de marché établie

285 20 594 4 80 01

Pays d’Europe à économie socialiste (anciennement)

354 26 1059 17 137 61

Inde 288 238 3142 26 77 03 Chine 172 25 1187 32 71 05 Autres pays d’Asie 263 32 2198 31 98 16 Afrique sub-saharienne 371 245 1415 44 410 383 Amérique Latine et Caraïbes 414 33 1107 16 394 29 Croissant Moyen Orient 198 57 1262 14 45 246

34 LIC (Low Income Country) et MIC (Middle Income Country) selon le Rapport de la Banque Mondiale[Banque Mondiale 1993]. 35 L’impact majeur joué par l’épidémie du SIDA dans de très nombreux pays à faible revenu sur la mortalité des sujets jeunes remet au tout premier plan la mortalité par maladie infectieuse. Il ne reste pas moins que les traumatismes (et leurs conséquences souvent dramatiques) sont de plus en plus nombreux

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Sans entrer dans une analyse détaillée de la problématique des traumatismes dans les pays à faible et moyen revenus, nous souhaitons nous arrêter sur quelques aspects importants :

o La disponibilité des données Les systèmes d’information sanitaire mis en place dans de nombreux pays ne satisfont pas aux exigences du champ des traumatismes. En effet, hormis la problématique des « accidents de la voie publique » qui bénéficie souvent d’une collecte de données en lien avec les forces de l’ordre qui ont à prendre en charge l’accident, il n’existe quasi aucun système de collecte qui permette d’obtenir des données de qualité, utile tant dans une perspective de choix de priorité que dans une perspective de gestion et d’évaluation[Zwi 1993].

o L’accessibilité aux soins : Dans de très nombreux pays à faible revenu, l’accessibilité aux soins et plus spécifiquement à un plateau technique en adéquation avec les traumatismes pose un très important problème[Smith and Barss 1991]. AAcccceessssiibbiilliittéé ggééooggrraapphhiiqquuee : hormis dans les villes de moyenne et grande importance où les structures de soins sont souvent nombreuses et « distribuées » de façon satisfaisante sur le territoire de la ville et où des services de type « SAMU » plus ou moins fonctionnels sont mis en place, le problème d’accès dans des délais « acceptables » se pose rapidement dès que l’on s’éloigne des villes. En effet, de nombreux traumatismes nécessitent une prise en charge rapide et adéquate qu’il est très souvent impossible de fournir à la personne traumatisée. AAcccceessssiibbiilliittéé ffiinnaanncciièèrree :: un nombre de plus en plus important de systèmes de santé imposent à leurs hôpitaux nationaux ou régionaux et autres structures de soins de référence (centres de santé de districts) le développement d’une gestion financière autonome performante. De très nombreux services d’urgences de ces structures de première ou deuxième référence sont confrontés à des décisions difficiles face à des patients amenés en urgence et ne disposant pas de quoi honorer la prescription ; on rencontre même des structures de type « référence tertiaire » ne prenant en charge le traumatisé que lorsque la famille ou les accompagnateurs ont honoré cette prescription. Un réel problème d’accessibilité financière se pose donc dans un nombre important de structures de soins. AAcccceessssiibbiilliittéé tteecchhnniiqquuee : Une partie importante des patients traumatisés qui consultent au niveau d’une structure de soins ne nécessitent pas un plateau technique très sophistiqué. Contusion, plaies superficielles ou semi-profondes, etc. sont des lésions pouvant être prises en charge sans exiger de compétences trop spécialisées ou de

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technologies trop sophistiquées. Mais pour le reste, un plateau technique de plus haute technologie sera requis : anesthésie générale, radiologie, matériel d’ostéosynthèse, lits de réanimation, etc. Ce type de plateau technique ne sera accessible que dans les villes d’importance moyenne et grande et pour les blessures survenant dans un rayon de l’ordre de 30 à 40 Km autour de ces villes. LLaa qquuaalliittéé ddeess ssooiinnss : Il n’est pas rare de constater, dans les pays à faibles ou moyens revenus, que les structures de soins présentent de grandes carences au niveau de la qualité des soins dispensés : pénurie en matériels et médicaments, vétusté des matériels techniques et de diagnostics, problème de stérilisation des instruments, hygiène hospitalière dramatique, etc. Ces conditions de travail difficiles ne favorisent pas la motivation du personnel médical et paramédical. La prise en charge des personnes victimes d’un traumatisme est dès lors, dans un nombre important de situation, loin d’être optimale. Ces quelques constats qui reposent essentiellement sur mon expérience et mes pratiques vécues dans des pays à économie faible ne font que renforcer de façon extrêmement importante l’impérieuse nécessité qu’il y a à développer des programmes de prévention des traumatismes. En effet, à traumatisme de gravité équivalente, la chance de « s’en sortir » est très nettement supérieure dans les pays industrialisés que dans les pays à économie faible. On pourrait caricaturer en disant que l’importance de développer des programmes de prévention efficaces est inversement proportionnelle à la « qualité de la prise en charge » de la blessure (ou du blessé). Pourtant, c’est également dans ces contextes que les lois ou réglementations sont inexistantes ou extrêmement permissives en ce qui concerne un certain nombre de « facteurs de risques » des traumatismes : absence du port du casque à moto, sécurité domiciliaire très laxiste, transports en commun peu contrôlés, absence de port de la ceinture de sécurité, violence domiciliaire et conjugale peu sanctionnée, circulation des armes à feu et armes blanches peu réglementée, etc. Rares sont les pays qui, en plus des importantes charges que représentent le développement des programmes de lutte contre les maladies infectieuses ou parasitaires (paludisme, SIDA, tuberculose, etc.) et l’émergence de pathologies chroniques (hypertension artérielle, diabète, cancers, etc.) , se donnent les moyens de mettre en place des programmes de prévention des traumatismes. Un pays va retenir notre attention : le Maroc.

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Le MAROC Classé au 112ème rang (sur 162 pays) de l’indicateur de développement humain36, le Maroc est un pays en transition épidémiologique sous le modèle « retardé » [Bobadilla et al. 1993;Caldwell 1993;Frenk et al. 1989] où l’on peut constater, dans les villes importantes (ou d’importance moyenne) un télescopage des étapes de la transition avec des profils épidémiologiques mêlant une importante charge de morbidité liée aux pathologies infectieuses et parasitaires mais aussi une charge non négligeable liée à des pathologies dégénératives (diabète, maladies cardio-vasculaires, cancers) et aux traumatismes. A la demande du Ministère de la santé, nous avons mené une étude dans 5 structures hospitalières de cinq Régions du pays et étudié les profils de morbidité hospitalière37. Il s’agissait d’une étude épidémiologique descriptive avec collecte prospective d’une durée de 4 semaines et une collecte rétrospective sur les archives des hôpitaux des cinq dernières années. La collecte visait l’ensemble des services de l’hôpital y inclus les services d’urgence. La figure suivante illustre le profil de la morbidité hospitalière des 5 hôpitaux étudiés.

Figure 18 : profil de la morbidité hospitalière des 5 hôpitaux étudiés

juillet 01 étude morbidité hospitalière HERA / DHSA / UMER

38

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

Agadir Beni Mellal Meknes Safi Setatt

P ro f il d e m o rb id it é

Traum ato Respiratoire Digestif Circulatoire PeauG-Urinaire Endocrinien Œil Infectieuse Ost-Artic.

36 selon le rapport 2001 du Programme des Nations Unies pour le Développement (UNDP) (http://www.undp.org/hdr2001/indicator) 37 Etude menée par Alain LEVEQUE, Walter KESSLER et Filomena VALENTE pour le bureau d’étude HERABelgique à la demande de la Direction des Hôpitaux et des Soins Ambulatoires du Maroc (financement de la Banque Mondiale), Décembre 2000.

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On peut y observer qu’une part importante de l’activité d’hospitalisation (entre 15 et 23%) est consacrée à la prise en charge des traumatismes (sous quelque forme que ce soit). La figure suivante illustre la part des traumatismes dans les urgences (volet rétrospectif et prospectif de l’étude).

Figure 19 : Part des traumatismes dans les urgences (en pourcent) : volets rétrospectif (3 ans) et prospectif (4 semaines).

juillet 01 étude morbidité hospitalière HERA / DHSA / UMER

47

32,8

32,8

37,8

17,3

44,2

43,4

39,4

36,9

50,8

43

0

10

20

30

40

50

60

Agadir BeniM Meknes Safi Settat

Part des traumatismes dans les urgences (en pourcent) : situation des 3 ans rétrospectifs cumulés et situation pendant volet prospectif

rétrospectif Prospectif

pourcent

Les hôpitaux étudiés étaient des hôpitaux régionaux ou provinciaux situés dans des villes d’importance moyenne (entre 50 et 150.000 habitants) ; on peut observer que un tiers à près de 50% des motifs de consultation dans les différents services d’urgence sont consécutifs à un traumatisme. Comme le montre la figure suivante, ces traumatismes trouvent essentiellement leur origine dans trois causes : les accidents au domicile, les accidents de la route et les agressions.

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Figure 20 : types d’accidents (en pourcent du total des traumas.) dans les cinq services d’urgence des hôpitaux.

juillet 01 étude morbidité hospitalière HERA / DHSA / UMER

48

2825,8

17,7

26,325,4

13,7

34,6

19,7

26,3

43,5

14,612,6

32,6

20,9

28,5

0

5

10

15

20

25

30

35

40

45

Agadir BeniM Meknes Safi Settat

Les trois principaux types d'accidents dans les 5 hôpitaux (en pourcent du nom bre total d'accidents)

domicile route agression

On peut, au travers de ces chiffres, constater la place qu’occupent les traumatismes dans les activités des structures hospitalières. Cette situation pose d’autant plus de problèmes que les capacités litières des hôpitaux sont relativement faibles et les taux d’occupation élevés. Commentaires : Sans être nécessairement représentatif de la situation de l’ensemble des pays à faible revenu et/ou des pays en transition épidémiologique, l’exemple du Maroc illustre malgré tout une situation préoccupante qu’il ne faut pas laisser au second plan. Les traumatismes (mesurés au travers des consultations hospitalières et hospitalisations) sont un réel problème de santé publique et les hôpitaux sont de plus en plus confrontés à l’indispensable prise en charge des cas les plus graves qui grèvent de façon importante leurs budgets souvent très limités. Les chiffres hospitaliers présentés ne sont évidemment que l’extrême pointe de l’iceberg. De très nombreux traumatismes ne font l’objet d’aucun contact pas même avec le système de soins de première ligne. Déjà en 1991, SMITH et BARSS[Smith and

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Barss 1991] affirmaient que « in many less developed countries, injuries are rapidly becoming one of the leading causes of death and disability ». L’absence dramatique de données quantitatives permettant de quantifier le problème tant en terme de mortalité qu’en terme de morbidité et de handicap et permettant d’observer son évolution et l’impact d’éventuels programmes de prévention est un des problèmes très importants[Zwi 1993] : lorsque des chiffres existent, ils concernent uniquement ou presque uniquement les « accidents de la voie publique ». Mais, même pour ce champ ciblé, des problèmes non négligeables se présentent : manque d’uniformité dans les définitions, absence de données sur les dénominateurs, erreurs importantes liées aux mauvaises classifications (age, sexe, type d’usager, etc.), biais d’enregistrement (sous enregistrement important), etc.[Odero et al. 1997]

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5.2.5 Remarques générales sur la quantification du problème (épidémiologie descriptive)

Le rôle et l’importance de l’épidémiologie dans la quantification d’un problème de santé, dans ses aspects de mortalité, de morbidité, de déficience et handicap viennent d’être illustrés. Ce volet de l’épidémiologie qui nous apparaît comme relativement simple puisqu’il ne procède « que » de l’observation descriptive est malgré tout confronté à de nombreuses difficultés.

D’un point de vue général : Le simple comptage des événements et le calcul de taux/proportions/ratios, c’est à dire la relation entre un « numérateur » et un « dénominateur » sont des activités fondamentales en épidémiologie descriptive mais aussi lorsque l’on cherche à identifier les causes (épidémiologie analytique) et à mesurer d’éventuels impacts (épidémiologie évaluative). LLee NNUUMMEERRAATTEEUURR :: «« uunn ccoommppttaaggee ddeess ccaass »» Sous cette simple définition se cachent différents problèmes liés à la définition même du traumatisme, au mode de classification et à « l’exhaustivité » de l’enregistrement. • Définition : elle ne pose pas de problème pour certains types de traumatismes : un

décès suite à un accident de la route, suite à une noyade ; pour d’autres c’est moins évident : une intoxication médicamenteuse, un suicide dans certains groupes culturels, une morsure de serpent, l’intoxication au CO, etc. Ces problèmes de définitions ne doivent pas être sous-estimés surtout dans des pays où les systèmes d’information sanitaire sont peu performants.

• Classification : lorsque l’on cherche à « mettre de l’ordre » dans les différents types

de traumatismes, on est confronté à plusieurs questions/critères pouvant servir de base à une classification. Quelques exemples :

Quel est le lieu de survenue de l’accident ? l’école, le lieu de travail, la rue, le terrain de sport

Qu’était occupée à faire la victime ? du sport, du bricolage, etc. Est-ce lié à un événement particulier ? accident d’avion,

tremblement de terre, explosion, etc. Y a-t-il une intention particulière ? traumatisme intentionnel, non

intentionnel Quelle est la partie du corps qui est traumatisée ? trauma crânien,

trauma des membres inférieurs, etc. Quelle est la sévérité du traumatisme ? score de sévérité, fatal,

non fatal, etc.

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Quel est le mécanisme ? une arme à feu, une morsure de serpent, une chute d’une échelle, etc.

Quel est la nature de la lésion ? fracture, brûlure, contusion, etc.

Ces différentes questions et différents modes de classification sont toutes importantes notamment dans une perspective de développement d’action de prévention et de recherche étiologique mais d’un point de vue épidémiologique et notamment de comparabilité entre période, régions, pays, ces multiples modes de classifications posent des problèmes importants.

• L’exhaustivité ou la capacité d’identifier les cas : de nombreux traumatismes ne

sont jamais comptabilisés dans le numérateur car ne font pas l’objet d’un recours à un quelconque « maillon » du système de soins. Ce recours va dépendre non seulement de la gravité du traumatisme mais aussi de l’accessibilité du système et de la perception personnelle (ou de l’entourage) de cette gravité. Ceci est particulièrement vrai pour certaines populations fragilisées ou dans certains pays où les services de santé sont d’une accessibilité limitée (coût, éloignement, plateau technique, qualité des prestations). Cette situation pose de réels problèmes dans l’estimation de l’importance des traumatismes et dans les comparaisons internationales et/ou nationales

LLee DDEENNOOMMIINNAATTEEUURR :: «« ddeess ttaauuxx rreepprréésseennttaattiiffss »» Les nombres absolus ne sont que de peu d’utilité. La production de valeurs relatives est indispensable. Le choix du dénominateur a un impact très important sur la valeur des taux et autres proportions. Peut-on par exemple rapporter le nombre de traumatisés de la route d’une région à la population de cette région ? Ne doit-on pas tenir compte de la migration journalière, de la densité du réseau routier, de la densité des véhicules ? Il est très important de choisir les dénominateurs les plus adaptés aux réalités loco-régionales mais aussi aux usages qui doivent être faits des informations épidémiologiques. Mais alors ces derniers sont-ils standardisés lorsque l’on procède à des comparaisons nationales ou internationales ?

Selon la nature de ce que l’on mesure : Les données de mortalité : Trois problèmes doivent être pris en compte pour améliorer la qualité des données de mortalité :

• Assurer une plus grande exhaustivité : ceci est évidemment vrai dans les pays à faible et moyens revenus où les statistiques d’état civil sont souvent rudimentaires surtout en milieu rural

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• Réduire la part des « causes imprécises » ou « non déterminées » : c’est une situation particulièrement vraie dans les pays industrialisés où les professionnels de la santé chargés de compléter les supports de données (certificats de décès, rapports de morbidité, etc.) ne se donnent pas toujours la peine de compléter adéquatement l’ensemble des items prévus pour caractériser les événements qui ont conduit au décès.

• Améliorer l’utilisation des données de mortalité dans les processus

décisionnels notamment en raccourcissant les délais de production de ces statistiques et en produisant des indicateurs plus « conviviaux »

Les données de morbidité : Les sources de données sont très variables de pays à pays, de région à région : hôpital, médecins généralistes, école, lieu de travail, enquêtes ponctuelles, etc. Les points communs entre ces sources sont parfois (souvent) rares et les comparaisons sérieusement compromises. ✎ Premier exemple : le réseau EHLASS : nous avons en Belgique 3 hôpitaux

participants ! Que dire de la représentativité de ces trois structures ? Quelle exhaustivité ? Quel public-cible ? Comment calculer et interpréter les taux ?

✎ Deuxième exemple : les enquêtes ponctuelles : quel type d’échantillonnage, quel type d’administration, quels biais, etc. Les questions ne sont pas standardisées, les groupes d’âges sont différents, les modes d’investigations sont différents, les modalités de codage sont différentes.

Les données sur le handicap : Le plus souvent elles sont absentes ; lorsqu’elles existent, il est souvent difficile de faire le lien avec la cause traumatique. Les échelles de mesure sont très variables et malgré de nombreuses tentatives de standardisation, présentent encore des difficultés d’application. Malgré ces lacunes et problèmes évidents, il est remarquable de constater une certaine convergence dans les chiffres publiés par les différentes études et bases de données[Baudier 1996]. Mais cette convergence ne suffit pas ; des constats généraux ne suffisent pas. Il est indispensable de disposer d’informations fiables, reproductibles et standardisées

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permettant de répondre notamment aux exigences des procédures d’évaluation des interventions et des programmes. C’est un des rôles prioritaires de l’épidémiologie dans le champ des traumatismes que de tout faire pour améliorer la qualité des données descriptives produites. Ceci est d’autant plus nécessaire et prioritaire que depuis quelques années, une tendance à la centralisation d’information sanitaire est en cours au sein de l’Union Européenne[Aromaa 1998]. Des « réseaux » de bases de données se construisent de façon à fournir des outils de comparaisons entre les régions et pays de l’Union. Le projet « EUPHIN » (European Public Health Information Network) en est un exemple. Ce projet financé par les budgets européens a pour objectif d’établir un réseau télématique structuré pour regrouper, échanger et disséminer l’information sanitaire dans le domaine de la santé publique dans les différents pays de l’Union. Ce réseau supporte différentes composantes dont une nous intéresse directement : il s’agit de « EUPHIN Injury » qui vise à réunir dans une banque européenne les données collectées dans le cadre du projet EHLASS. Si nous ne pouvons que féliciter et appuyer pareille initiative, il nous paraît nécessaire et prioritaire de mettre en avant le problème de la qualité des données qui alimenteront cette « base de donnée européenne », notamment dans une perspective de comparaison épidémiologique. A l’heure actuelle, on ne peut que constater un fossé important entre les espoirs des concepteurs du réseau -le schéma donné en annexe 4 illustre l’emballage- et la qualité des données qui vont l’alimenter, notamment en ce qui concerne le volet « EUPHIN INJURY ». Un bel emballage n’est pas la garantie d’un beau cadeau !

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5.3 La recherche des déterminants

5.3.1 Introduction La recherche des principaux déterminants d’un problème de santé est le deuxième volet très important de l’apport de l’épidémiologie dans le champ des traumatismes. Mais rien qu’en posant le titre de ce chapitre, on est confronté à une interrogation: part-on à la recherche de déterminants (du verbe déterminer c’est à dire qui conditionne, qui cause, qui provoque, qui produit) ou cherche-t-on a mettre en évidence des individus, des groupes, des situations « à risque ». Dans la première situation la démarche sera « déterministe » c’est à dire cherchant à faire la preuve de la relation de cause à effet et l’autre sera plutôt probabiliste c’est à dire cherchant à mettre en relation, par une relation statistique, une situation d’exposition à un risque et une plus grande incidence d’un problème de santé. Cette distinction est de taille car, dans la démarche épidémiologique que nous proposons, la notion de « facteur de risque » admet que la cause précise nécessaire et suffisante [Rothman and Greenland 1998] ne doit pas toujours être identifiée pour désigner ce que l’on appellera pourtant classiquement des « déterminants » des traumatismes, déterminants sur lesquels les programmes d’intervention et de prévention pourront agir. Il s’agit de ce paradigme de l ‘épidémiologie (The Black box) qui admet qu’il n’est pas nécessaire de savoir comment un risque « agit » pour admettre que ce risque existe38. Ce qui est indiscutable, c’est que l’ENERGIE (quelle que soit sa forme) est une condition nécessaire à l’émergence d’un traumatisme ; mais ce n’est évidemment pas une cause suffisante39. Toute mesure préventive qui supprimerait cette condition nécessaire aurait évidemment un impact radical sur l’issue traumatique, étant donné que cette dernière ne peut intervenir que si le facteur est présent. Sans nécessairement chercher à répondre à l’ensemble des critères de HILL[Hill 1965;Rothman 1986], une hypothèse causale dans le champ des traumatismes sera d’autant plus crédible que la cause proposée est en lien direct avec la quantité d’énergie, le processus de transfert d’énergie ou la vulnérabilité de l’hôte. Ainsi si nous prenons pour exemple le facteur « vitesse », l’augmentation de celle-ci va expliquer 38 Paradigme qui a ses défenseurs[Savitz 1994] et ses détracteurs[Skrabanek 1994]. 39 Nous renvoyons le lecteur intéressé au développement réalisé par ROBERTSON[Robertson 1998] sur la causalité dans le champ des traumatismes, démarche basée sue les modèles de causalité de ROTHMAN[Rothman and Greenland 1998].

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l’augmentation de l’énergie cinétique qui elle-même va expliquer l’augmentation de la quantité d’énergie transmise en cas d’accident. Mais si la « cause présumée » n’est pas en lien direct avec ces différents aspects, on considérera plutôt le facteur, la variable comme « facteur indirect » ou « facilitant » ou prédisposant ». Par exemple, l’âge est en relation avec la gravité des traumatismes mais, en tant que tel, cet état de fait ne s’explique pas par une modification de la quantité d’énergie. Cette situation est transposable pour un grand nombre d’autres facteurs qui ne seront pas nécessairement appelés des facteurs causaux mais qui seront de réels « facteurs de risque ». Qu’est-ce que le risque ? The Risk = the probability that an event will occur [Last 2001]. C’est la probabilité conditionnelle qu’un individu subisse un changement spécifique dans son état de santé durant un intervalle de temps déterminé [Henderson 1987] Le niveau de risque peut varier, il peut être « dirigé » ; ainsi la probabilité de l’occurrence d’un phénomène peut être augmentée ou diminuée par l’influence de certaines caractéristiques endogènes (âge, sexe, hérédité, etc.) ou exogène (profession, environnement, etc.) qui peuvent constituer des « facteurs de risque ». Cette notion de risque s’étend au-delà de la maladie ou du problème de santé. Elle concerne aussi la probabilité de survenue de l’exposition à un facteur de risque. Qu’est-ce qu’un facteur de risque ? Un facteur de risque est une caractéristique individuelle ou collective, endogène ou exogène, associée à une augmentation de l’incidence de la maladie ou d’un phénomène de santé dans une population et, partant, de la probabilité de l’apparition de ce problème de santé chez un individu [Jammal et al. 1988]. La quantification du risque fait appel à quelques paramètres parmi lesquels : le Risque absolu, le risque relatif, le risque attribuable, la fraction étiologique du risque pour la population exposée ou pour l’ensemble de la population40. L’approche basée sur le risque et les facteurs de risque est parfaitement adaptée au champ des traumatismes. Pour cette thématique comme pour les problèmes de santé plus classiques, l’identification des facteurs de risque (ou des déterminants) sera grandement facilitée par le recours à des modèles d’analyse (« modèles causaux »).

40 Nous renvoyons le lecteur intéressé à l’ouvrage de ROTHMAN[Rothman and Greenland 1998] pour une définition précise de ces différents concepts et mesures.

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5.3.2 Les modèles d’analyse dans le champ des traumatismes

5.3.2.1 Introduction Le premier modèle qui a guidé le travail des épidémiologistes intéressés par les traumatismes a été le modèle utilisé dans le champ des maladies infectieuses. Ce modèle théorique implique un hôte, un agent et un « vecteur » ou véhicule de transmission.

Figure 21 : modèle épidémiologique des maladies infectieuses

Les nombreuses investigations ont rapidement permis de mettre en évidence le rôle propre de l’agent (toxine, altération cellulaire, etc.) mais aussi des facteurs qui influencent la transmission (climat, conditions de vie, eau, etc.). Ces différentes découvertes permirent de développer un ensemble de mesure et d’intervention visant à combattre l’agent, le vecteur, les conditions de transmission, etc. L’application de ce modèle simple dans le champ des traumatismes a souffert pendant longtemps du manque de précision dans la définition de l’AGENT responsable du problème. En effet, ce n’est qu’au début des années 60 que l’agent des traumatismes fut clairement identifié comme étant les différentes formes d’énergie (mécanique, thermique, chimique, etc.)[Gibson 1961]. Avant, c’était le plus souvent le VEHICULE ou VECTEUR qui était considéré comme agent responsable (la voiture, l’échelle, le révolver, etc.) et la plupart des démarches de recherche focalisaient leur attention et leur travail sur l’hôte, son comportement et ses erreurs étant toujours considérés comme cause de l’accident41.

41 Il est très intéressant de noter que ces approches étaient largement « appuyées » par les grandes entreprises (construction automobile, bâtiments, etc.) de façon à détourner l’attention vers l’hôte (l’ouvrier) plutôt que vers le matériel de fabrication, les produits de construction, etc. Cette attitude est d’ailleurs encore de mise en ce qui concerne certaines thématiques comme la vente des armes à feu aux USA. Le

Bacille de Koch HOMME

Véhicule

Plasmodium falciparum anophèle

HOMME

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Comme le définit ROBERTSON [Robertson 1998], « the transfer of energy to human beings at rate and in amounts above or below the tolerance of human tissue is the necessary and specific cause of injury. The amount of the energy concentration outside the bands of tolerance of tissue determines the severity of the injury ». La reconnaissance de cet « agent » des traumatismes provoquant un certain nombre de lésions cellulaires et organiques lorsqu’il touche l’homme de façon soudaine va ouvrir le développement de modèles permettant une plus grande spécificité et une meilleure compréhension des phénomènes et dès lors une approche plus rigoureuse des moyens de lutte. La figure suivante illustre le modèle proposé par KRAUS[Kraus, Peek-Asa, and Blander 1997].

Figure 22 :Illustration du modèle épidémiologique des traumatismes

Ainsi, dans le modèle décrit le "réservoir" est l'endroit où, dans l'environnement, on peut retrouver "l'agent" cause du traumatisme (centrale électrique, câbles à haute tension,...) ; il peut prendre différentes formes : énergie mécanique, électrique, chimique, "radiation", thermique. Vecteurs et véhicules sont les mécanismes de TRANSMISSION de l'énergie: ils transportent l'agent (énergie) du réservoir vers l'individu exposé. On parlera de "véhicule" si l'objet est inanimé (voiture,...) et de "vecteur" si l'objet est animé (chien,...). Les deux seront très souvent impliqués en même temps dans le transfert de l'énergie. Ex: un individu (vecteur) frappe un autre avec un poignard (véhicule) . Le résultat de cet acte (traumatisme) dépendra de multiples facteurs touchant tant l'hôte que l'agent et les différents facteurs environnementaux. Seules les transmissions d'énergie dépassant la tolérance de l'hôte se solderont par un traumatisme "visible", notifiable. Cette "tolérance de l'hôte" va bien sûr varier en fonction de nombreux paramètres: augmentation de la tolérance par des exercices, des protections, etc. diminution de la tolérance suite à une maladie (facteur intrinsèque), la fatigue, la consommation d’alcool (facteurs extrinsèques), etc. Partant de ce modèle, les chercheurs ont tenté de décomposer ces relations notamment en fonction du temps. C’est la construction d’un modèle matriciel d’analyse.

slogan de l’association « The National Rifle Association », principal groupe de pression qui lutte contre la réglementation de la vente des armes à feu en dit long : « Guns don’t kill people. People kill people ».

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5.3.2.2 La « Matrice de HADDON » La matrice d’analyse développée par W.HADDON Jr. [Haddon 1968] est le premier modèle d’analyse permettant de décomposer l’événement traumatique et de donner ainsi une perspective beaucoup plus large qui dépasse la simple identification des individus à risque et les nécessaires modifications de leur comportement. Cette perspective plus large reste, après 30 ans, un modèle fonctionnel pour analyser notamment les solutions préventives adéquates et déceler les priorités d’action42. Cette matrice intègre : • La dimension temporelle en distinguant trois phases :

o La phase "pré-événement" : c'est la période qui précède la survenue de l'événement. Elle inclut tous les facteurs qui influencent l'exposition potentielle.

o La phase "événement" : c'est la période de contact entre hôte et agent (énergie) o La phase "post-événement": c'est la phase de réponse de l'hôte à l'événement.

• Le caractère multifactoriel de la genèse des traumatismes en distinguant :

L'hôte Le vecteur (ou véhicule) et ses caractéristiques physiques, ... L'environnement vu essentiellement sous deux angles: physique et socio-

économique. La figure suivante illustre la « matrice de HADDON ».

Figure 23 : Matrice de HADDON

Facteurs Phases Hôte (homme) Vecteur (véhicule) Environ.physique Environ.socio-écon Pré événement Evénement Post-événement Quelques exemples :

En phase pré événement : Facteur humain : la consommation d’alcool est un bon exemple de facteur humain pré traumatique. L’alcool va modifier les capacités de jugement, va diminuer les capacités de réaction du conducteur et dès lors va augmenter l’exposition au risque.

42 cette matrice, complétée des 10 stratégies de prévention développées par HADDON reste un outil d’analyse largement utilisé à l’heure actuelle

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Véhicule : une défectuosité des capacités d’éclairage de la voiture va altérer les possibilités d’anticiper un obstacle Environnement physique : un chantier, des conditions météorologiques difficiles vont rendre la conduite automobile plus difficile et favoriser les accrochages. Environnement socio-économique : des contraintes économiques peuvent empêcher une famille d’installer adéquatement le chauffage de la salle de bain et exposer la famille à des émanations de CO.

En phase « événement » : c’est à dire au moment du transfert de l’énergie : Facteur humain : une personne souffrant d’ostéoporose verra sa capacité de résistance à une énergie extérieure (au moment d’une chute par exemple) diminuer. Véhicule : le type de surface qui va entrer en contact avec l’hôte va déterminer le « mode de transfert » de l’énergie : un tableau de bord anguleux et acéré sera beaucoup plus « traumatisant » par la simple concentration de l’énergie à transmettre sur une petite surface de contact. Environnement : lors d’un incendie, les types de matériaux utilisés pour la construction vont avoir un impact sur la quantité de fumée dégagée et sa toxicité. Environnement socio-économique : la qualité (et donc le prix) du matériel de protection pour utilisateur de « roller » aura un impact sur les lésions lors d’une chute.

En phase « post événement » : Facteur humain : les conséquences immédiates du transfert d’énergie (plaie profonde, rupture vasculaire, corps étranger dans la trachée, etc.) vont conditionner le devenir : une rupture vasculaire va laisser peu de temps aux services de secours, Environnement : la disponibilité et la rapidité des services de secours (SAMU, etc.) ainsi que leur plateau technique Environnement socio-économique : accessibilité financière des services de soins, médecin généraliste ou autre prestataire de soins ainsi que l’accessibilité du traitement proposé. Ce modèle d’analyse permet d’identifier les principaux déterminants de l’occurrence des traumatismes et des conséquences plus ou moins graves qui en découlent. Cette démarche, même si elle ne vise pas nécessairement l’exhaustivité, doit permettre d’identifier les facteurs les plus vulnérables tant en ce qui concerne l’homme que le véhicule et l’environnement. Très longtemps, on a focalisé l’attention sur l’homme et son comportement comme cause première des traumatismes et donc comme cible des mesures préventives. Le modèle présenté ci-dessus permet une vue plus large dans une perspective d’action vers les facteurs modifiables.

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5.3.2.3 Approche cindynique Les cindyniques ou « sciences du danger »43 sont une discipline qui cherche à connaître, comprendre, représenter les différents aspects du danger. Elles utilisent un cadre théorique qui se fonde sur l’analyse et la gestion du risque. On distingue habituellement :

les « mégacindyniques » qui se penchent sur les catastrophes technologiques ou naturelles

les « microcindyniques » qui s’intéressent aux événements « plus mineurs » : les traumatismes de la route, du travail, du domicile, etc.

Le danger est défini comme la tendance d’un système à engendrer un ou plusieurs accidents. Le danger possède deux propriétés : sa probabilité et sa gravité. La probabilité mesure les chances qu’il a de se matérialiser. La gravité mesure l’impact de cette matérialisation par le Dommage Maximum Correspondant. Le risque est défini comme la mesure du danger. En combinant par multiplication les deux dimensions du danger : sa probabilité et sa gravité, le risque donne une mesure synthétique du danger [Kervern and Rubise 1991]. Grille de lecture ou « canevas d’analyse » cindynique : Ce canevas d’analyse trouve son origine dans l’étude des grandes catastrophes et des leçons qui en sont tirées. Si nous les présentons ci-dessous c’est que certaines d’entre elles trouvent une parfaite application dans le champ des microcindyniques . … « les mégacindyniques apparaissent ainsi comme l’immunologie des grands systèmes technologiques. En détectant en temps utile les déficits systémiques cindynogènes44 et en y appliquant de façon préventive les traitements appropriés, on peut diminuer la probabilité d’occurrence des crises –les maladies de ces systèmes- et donc tout simplement réduire les risques… ». 43 Ce terme trouve son origine dans le mot « danger » qui en grec se dit : « kindunos ». Les cindyniques (‘cindynics’ en anglais) sont donc les sciences du danger. 44 Les grandes catastrophes ne sont jamais le fruit du hasard. Elles sont dues à des éléments généraux que les enquêtes après accident permettent d’identifier ; on appellera « déficits systémiques cindynogènes » les déficits qui engendrent des dangers dans les systèmes.

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Les déficits systémiques cindynogènes (DSC) sont au nombre de 10, regroupés en trois catégories.

Les déficits culturels : infaillibilité, simplisme, non-communication,

nombrilisme Les déficits organisationnels : subordination des fonctions de gestion des

risques aux fonctions de production, dilution des responsabilités Les déficits managériaux : absence de retour d’expérience, absence de

méthode cindynique dans l’organisation, absence de formation aux cindyniques, absence de planification de crise.

Exemples d’application de cette approche analytique dans le champ des traumatismes[Kervern and Rubise 1991] :

Dans le champ des accidents de la route : DSC1 (infaillibilité) : j’ai un système de freinage ABS donc je peux rouler plus vite Dans le champ des accidents domestiques : DSC1 (infaillibilité) : cela fait 100fois que je monte sur cette chaise pour nettoyer le lustre. DSC3 (non communication) : mon mari ne m’avait pas dit qu’il sortait et que l’enfant jouait sur le balcon DSC10 (absence de gestion de crise) : on ne savait pas qui appeler : le SAMU, les pompiers, le médecin, etc.

Cette approche est intéressante car elle permet notamment d’appliquer au domaine des « traumatismes quotidiens » une réflexion et un canevas d’analyse systémique et de mettre ainsi en évidence un certain nombre de facteurs sur lesquels des interventions peuvent être envisagées45. Elle présente malheureusement de notre point de vue, un handicap majeur : elle place sur la tête de « l’homme » la plus grande part de responsabilité dans la survenue de l’événement traumatique. L’importance des autres facteurs notamment environnementaux ne sont pas suffisamment mis en évidence[Kervern 1995].

45 En plus des deux références, les lecteurs intéressés trouveront le site WEB francophone des cindyniques à l’adresse suivante : http://www.cindynics.org/iec-approche.hlm

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5.3.3 L’épidémiologie dans le cadre de ces modèles

5.3.3.1 Les méthodes épidémiologiques pour la recherche des « déterminants ».

Quelles sont les principales méthodes d’investigation et plans d’études épidémiologiques applicables dans le champ des traumatismes46 ? C’est au départ de la question de recherche ou de la finalité du travail que le choix va s’opérer :

Soit la finalité est descriptive

Soit la finalité est de tester une ou plusieurs hypothèses Finalité descriptive : Dans le premier cas de figure, nous cherchons à documenter une situation, un problème. C’est ce que nous avons fait dans le chapitre précédent, cherchant à décrire tantôt la mortalité, tantôt la morbidité selon des caractéristiques de temps, de lieu et de personnes. Par ces approches nous cherchons aussi à mettre en évidence certaines évolutions au cours du temps : évolution naturelle ou suite à diverses interventions. Cette description peut intervenir à un moment donné (approche transversale) ou au cours d’une période donnée (approche longitudinale). Elle peut requérir une collecte spécifique de données ou être basée sur de l’analyse secondaire de données (exemple des certificats de décès). Ces études descriptives vont également permettre de mettre en relation (sans qu’on ne puisse aller jusqu’à établir un lien de causalité) certains facteurs ou comportements à risque avec l’occurrence d’un problème de santé. Sur base de ce constat et des mesures d’associations calculées dans ces études descriptives, l’approche descriptive va ainsi permettre de formuler des hypothèses sur les relations entre le problème étudié et différents facteurs ou variables en relation possible avec ce dernier. Ces hypothèses seront le plus souvent confirmées ou infirmées par d’autres plans d ‘études spécifiquement analytiques

46 Nous ne décrivons pas en détails les notions théoriques concernant ces différents plans d’études. Le lecteur intéressé trouvera une description détaillée dans les classiques d’épidémiologie comme MAC MAHON[MacMahon and Pugh 1970], ROTHMAN[Rothman and Greenland 1998], HENNEKENS[Hennekens and Buring 1987], ou bien d’autres.

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Finalité analytique : Une ou plusieurs hypothèses sont émises et l’on va chercher à les confirmer ou les infirmer. On distinguera le plus souvent la situation où un groupe de personnes est l’unité d’analyse et la situation où la personne est l’unité d’analyse statistique.

Un groupe de personne est l’unité d’analyse : les études écologiques [Morgenstern 1995]

Il s’agit d’études dans lesquelles les « groupes » plutôt que les individus sont les unités d’analyse. On comparera les taux de suicide chez les jeunes de 15 à 24 ans d’une région avec le taux de chômage de la région ; on observera la relation entre la prévalence du port d’arme dans une province, un Etat, et le taux d’homicide. Ces études écologiques « exploratoires » sont souvent la source d’hypothèses de recherche concernant des relations individuelles, hypothèses qui seront confirmées par des études travaillant alors au niveau de l’individu comme unité statistique. Un des principaux problèmes de ces études est le biais écologique (ou ecologic bias ou ecologic fallacy) : une association constatée au niveau d ‘un groupe ne se retrouve pas nécessairement au niveau individuel47. Ce biais est difficile à maîtriser dans la mesure ou le plus souvent les données individuelles sont absentes. Ce type de plan d’étude est intéressant car rapide et peu coûteux ; il permet d’émettre des hypothèses quant au rôle possible de certains déterminants sur l’occurrence des traumatismes quand les données au niveau du groupe sont disponibles. Elle pose un sérieux problème lorsque l’on souhaite interpréter les résultats au niveau individuel notamment lorsque les variables en causes touchent au comportement. Elles sont par contre assez intéressantes lorsqu’il s’agit de mesurer l’impact d’une modification de loi, etc. c’est à dire lorsqu’il s’agit d’interventions susceptibles de toucher l’ensemble de la population.

la personne est l’unité d’analyse On distinguera deux groupes principaux : les études expérimentales (ou d’intervention) dans lesquelles l’investigateur « manipule » le statut d’exposition ou de non-exposition et les études d’observation dans lesquelles aucune manipulation n’est réalisée.

47 L’exemple donné par MORGENSTERN (repris de DURKHEIM) est assez démonstratif : relation entre taux de suicide et « religion ». Nous renvoyons le lecteur vers cet exemple pour des informations détaillées[Morgenstern 1995].

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Parmi les études d’intervention, on en distingue habituellement deux types : les essais randomisés et les essais quasi expérimentaux.

o Les essais randomisés : repose sur l’affectation aléatoire des participants à l’étude dans le groupe des personnes exposées (au facteur d’exposition, au traitement, à une mesure préventive, etc.) ou dans le groupe des personnes « non-exposées ». Ce plan d’étude est notamment utilisé pour mesurer les effets de prises en charges alternatives au niveau des patients traumatisés. Il est par contre peu utilisé dans le champ de la prévention.

o Les essais quasi expérimentaux : se caractérisent par une absence d’affectation randomisée, les rendant dès lors plus proches d’études d’observations que d’études expérimentales. Un exemple classique d’étude quasi-expérimentale dans le champ des traumatismes est la situation où des interventions de sensibilisation au port du casque à vélo sont réalisées au sein de communautés spécifiques (un village, une ville, un groupement, etc.) et ne le sont pas dans d’autres considérées comme « zones témoins ». L’impact en terme de port du casque (ou autre résultat) est mesuré et comparé entre les deux communautés.

Parmi les études d’observation à visée analytique, on distinguera essentiellement les études de cohorte et les études cas-témoins. Le problème principal des études d’observation réside dans l’existence « de facto » de facteurs de confusion, de variables « confondantes ». En effet, les personnes qui sont exposées au facteur d’intérêt (la variable que l’on est occupé à étudier en relation principale) peuvent être « systématiquement48 » différentes des personnes non exposées. Et même si un certain nombre d’outils ont été développés pour lutter contre ces biais de confusion (restriction, appariement, stratification, analyse multivariée)49 il reste que l’influence possible de variables confondantes « non maîtrisées » apparaît comme le souci majeur de ces études d’observation.

o Les études de cohorte : dans ces études d’observation, au minimum deux groupes (l’un exposé et l’autre non exposé) sont suivis (prospectivement ou rétrospectivement) durant une période déterminée. La comparaison de l’incidence du problème étudié dans les deux groupes suivis permet la production de mesures d’association (le plus souvent le risque relatif). D’autres paramètres tels que la moyenne ou la médiane ou la comparaison de courbe de survie peuvent être réalisés selon la nature du problème mesuré. Par exemple, on peut mener une étude de cohorte qui compare l’incidence des chutes chez les personnes de plus de 75 ans dans un groupe qui consomme des antidépresseurs et dans un groupe n’en consommant pas. L’étude de cohorte est un modèle d’étude intéressant lorsque l’on s’intéresse à un problème de santé relativement fréquent et qui ne nécessite pas une durée de suivi trop longue.

48 en opposition à « aléatoirement » 49 nous renvoyons les lecteurs intéressés vers l’ouvrage de ROTHMAN[Rothman and Greenland 1998] pour une description détaillée de ces techniques.

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o Les études cas-témoins: dans ces études, le problème de santé étudié (accident

de sport, tentative de suicide, etc.) est déjà intervenu et est le critère de sélection des CAS. Des TEMOINS ayant des caractéristiques comparables aux cas (hormis le fait qu’ils ne présentent pas le problème) sont également identifiés. L’investigation concerne l’exposition et se fait rétrospectivement. Ce plan d’étude est intéressant notamment lorsque le problème étudié est relativement rare car un ensemble de cas peuvent être « artificiellement » rassemblés et les témoins y associés. Elles permettent aussi de rechercher rétrospectivement de multiples facteurs de risques pour un même problème étudié. Malheureusement, elles ne permettent pas des mesures d’incidence.

D’autres plans d’études plus rarement utilisés sont également utiles dans le champ des traumatismes ; on peut citer à titre d’exemple : les « nested case-control studies ».

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5.3.3.2 Application de ces méthodes pour la recherche des déterminants

55..33..33..22..11 IINNTTRROODDUUCCTTIIOONN

Dans ce chapitre, nous illustrons, sur base d’études que nous avons menées ou dans lesquelles nous avons été directement impliqués, l’utilisation de certaines méthodes épidémiologiques et de certaines composantes de la matrice de HADDON pour mettre en évidence des facteurs de risques ou facteurs de risque présumés des traumatismes. Les études suivantes seront utilisées :

L’étude « Health Behavior in School-aged Children (HBSC) » Dans cette étude décrivons les associations existant entre l’âge, le sexe, le type d’enseignement et un traumatisme (ayant nécessité un traitement par un professionnel de la santé) au moins une fois dans les 12 mois précédents l’enquête, ainsi que la gravité de ce traumatisme.

L’enquête nationale de santé des belges (1997) Les données de cette enquête de population ont été utilisées pour mettre en évidence d’éventuelles inégalités socio-économiques dans l’utilisation de la ceinture de sécurité chez les jeunes de 15 à 24 ans. Des indices et des courbes de concentration ont été calculés en fonction de différents indicateurs de statut socio-économiques.

L’enquête sur la santé cardio-vasculaire des jeunes de la province du Hainaut Cette enquête menée en 1997 a permis d’obtenir des informations sur la survenue de traumatismes durant les 12 mois ayant précédé l’enquête mais aussi sur les caractéristiques anthropométriques des jeunes de la province de Hainaut. Nous avons étudié la relation existant entre l’obésité et la survenue d’un événement traumatique.

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55..33..33..22..22 LL’’ééttuuddee «« HHeeaalltthh BBeehhaavviioouurr iinn SScchhooooll--aaggeedd CChhiillddrreenn ((HHBBSSCC)) »»

Facteurs Phases Hôte

(homme) Vecteur (véhicule)

Env.physique Env..socio-écon

Pré événement

Evénement Post-événement

Nous étudions une problématique qui se situe en phase de « pré-événement », qui concerne l’hôte et son comportement ainsi que des facteurs liés à l’environnement socio-économique : les relations entre la survenue d’un traumatisme et les caractéristiques personnelles (sexe, âge) et socio-économiques des jeunes (filière d’enseignement). Cette étude sur le comportement de santé des jeunes de la Communauté français de Belgique a débuté, en Belgique, à l’instigation de l’Unité de Promotion Education Santé (PROMES) de l’Ecole de Santé Publique de l’ULB en 1985. Il s’agit d’une étude internationale menée sous l’égide de l’Organisation Mondiale de la Santé dans plusieurs pays (4 en 1984 et 28 en 1998) et qui suit un protocole international standardisé[Piette et al. 1993;Piette and Prevost 1990a;Piette and Prevost 1990b;WHO 2000]. « Le but de l’étude est de mieux connaître et comprendre les comportements de santé et le mode de vie des adolescents et de tirer de cet enseignement des implications pour la promotion de la santé des jeunes »[Piette D et al. 1997]. Il s’agit d’une étude descriptive répétée tous les deux ans auprès d’un échantillon représentatif aléatoire des jeunes scolarisés de la première à la sixième secondaire mais aussi en 5ème et 6ème primaire tous les 4 ans. L’étude a été menée en 1986,1988,1990,1992, 1994 et 1998. Une nouvelle enquête est en préparation et sera réalisée en 2002. Les échantillons sont tirés au hasard lors de chaque enquête. Ils sont représentatifs des jeunes de l’enseignement de plein exercice de la Communauté française à l’exception de l’enseignement spécial. Le questionnaire est auto-administré et porte sur les différents aspects de la santé. La validation du questionnaire est réalisée au niveau international et communautaire. Les questions intéressant la problématique des traumatismes n’ont été posées qu’à partir de l’enquête de 1994. Les résultats présentés ci-dessous concernent 4.905 jeunes de 13, 15 et 17 ans.

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Survenue d’un traumatisme (dans les 12 mois précédents) ayant nécessité des soins par un professionnel de la santé. Près de un jeune sur trois a été victime d’un traumatisme au moins une fois dans les 12 mois précédant l’étude. Ces traumas sont intervenus plus souvent chez les garçons, dans le groupe des 15 ans et parmi les jeunes fréquentant l’enseignement de type « professionnel ». Le tableau suivant donne les rapports de cote obtenus par régression logistique pour les variables sexe, âge et filière d’enseignement. On peut observer que seule la relation entre le sexe du jeune et la survenue d’un traumatisme reste significative. Tenant compte de l’âge et de la filière d’enseignement, on constate plus de traumatismes chez les garçons que chez les filles (OR=1.67).

Tableau 30: Associations (rapport de cote) entre la survenue d'un traumatisme et les variables sexe, âge et filière d'enseignement chez les jeunes de 13, 15 et 17 ans en Communauté française de Belgique. Enquête HBSC, 1994. N=1346

Variable d’intérêt Rapport de cote Intervalle de confiance (à 95%)

Sexe

Fille 1

Garçons 1.67 1.45-1.91

Age

13 1

15 1.14 0.97-1.33

17 0.90 0.77-1.06

Filière d’enseignement

Général 1

Technique 0.99 0.85-1.16

Professionnel 1.19 0.99-1.41

Conséquences du traumatisme en fonction de l’âge, du sexe et de la filière d’enseignement Pour le traumatisme survenu durant les 12 derniers mois et qu’ils considéraient comme le plus grave, les jeunes ont reçu des traitements divers. Nous avons regroupé ceux que nous jugeons d’une « certaine gravité » c’est à dire pour lesquels il y a eu soit pose d’un plâtre, pose de points de suture, acte chirurgical autre, ou au moins une nuit passée à l’hôpital. Cette gravité a été observée en fonction de nos trois variables d’intérêt à savoir le sexe, l’âge et la filière d’enseignement. Le tableau suivant donne les rapports de cote obtenus par régression logistique.

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Tableau 31: Associations (rapport de cote) entre la gravité du traumatisme (le plus grave) et les variables sexe, âge et filière d'enseignement chez les jeunes de 13, 15 et 17 ans en Communauté française de Belgique. Enquête HBSC, 1994. N=1325

Variable d’intérêt Rapport de cote Intervalle de confiance (à 95%)

Sexe

Fille 1

Garçons 1.08 0.87-1.34

Age

13 1

15 1.36 1.04-1.79

17 1.52 1.16-2.00

Filière d’enseignement

Général 1

Technique 1.27 0.97-1.67

Professionnel 1.30 0.97-1.74

On peut constater que les traumatismes ont plus souvent des conséquences « graves » chez les jeunes de 15 et de 17 ans que chez les jeunes de 13 ans. La différence constatée chez les jeunes de l’enseignement professionnel n’est pas significative. Sévérité du traumatisme en fonction de l’âge, du sexe et de la filière d’enseignement L’absentéisme est aussi une suite de traumatisme pouvant avoir des conséquences gênantes pour la scolarité du jeune. Nous avons combiné absentéisme et « gravité » en une variable de « sévérité » ; le trauma est considéré comme sévère si l’accident que le jeune a subi a entraîné un traitement tel que décrit ci-avant ET s’il a entraîné un absentéisme d’au moins une journée soit d’école soit d’une activité autre. Globalement, 41% des jeunes accidentés ont eu un trauma pouvant être caractérisé comme sévère. On peut observer dans le tableau ci-dessous que cette sévérité est en relation avec l’âge et la filière d’enseignement. L’observation des intervalles de confiance montre que seule la variable « âge » est significative au niveau de la population des jeunes scolarisés. Le tableau suivant donne les rapports de cote obtenus par régression logistique.

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Tableau 32: Associations (rapport de cote) entre la « sévérité » du traumatisme (le plus grave) et les variables sexe, âge et filière d'enseignement chez les jeunes de 13, 15 et 17 ans en Communauté française de Belgique. Enquête HBSC, 1994. N=1244

Variable d’intérêt Rapport de cote Intervalle de confiance (à 95%)

Sexe

Fille 1

Garçons 0.95 0.77-1.18

Age

13 1

15 1.43 1.07-1.92

17 1.77 1.32-2.37

Filière d’enseignement

Général 1

Technique 1.17 0.87-1.57

Professionnel 1.23 0.92-1.66

Ces analyses ont également été réalisées au niveau international[King et al. 1996]. En terme de sévérité des traumatismes, on peut y observer que la Belgique francophone se situe au 4ème rang par ordre d’importance (des proportions de traumatismes sévères parmi les accidents) après le Pays de Galles, la France et le Canada et ce parmi les 22 pays (ou régions) participants. Notre analyse montre que l’appartenance à la filière d’enseignement « professionnel » présente systématiquement une mesure d’association plus élevée que les autres filières même si cette association n’est pas statistiquement significative. Cette tendance est également retrouvée pour d’autres problèmes de santé ou comportement en lien avec la santé[Piette D et al. 1997]. Dans cette étude, on constate des différences significatives de « risque » de traumatisme en fonction du sexe. Cette relation disparaît si l’on s’intéresse à la gravité du traumatisme où c’est plutôt l’âge qui devient une des variables importantes.

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55..33..33..22..33 LL’’eennqquuêêttee nnaattiioonnaallee ddee ssaannttéé ddeess bbeellggeess ((11999977))

Facteurs Phases Hôte

(homme) Vecteur (véhicule)

Env.physique Env..socio-écon

Pré événement

Evénement Post-événement

Nous étudions une problématique qui se situe en phase de « pré-événement », qui concerne l’hôte et son comportement ainsi que des facteurs liés à l’environnement socio-économique : les relations entre le port de la ceinture de sécurité et les caractéristiques socio-économiques des individus et des ménages auxquels ils « appartiennent ». Quelques études récentes ont montré la répartition inégale du port de la ceinture de sécurité selon la catégorie sociale tant chez les adolescents que chez les adultes [Petridou et al. 1997;Shin et al. 1999;Taira et al. 1997;Welch et al. 1999]. Partant de ce constat, nous avons réalisé une analyse secondaire des données de l’enquête Nationale de Santé en Belgique (1997) pour chercher la présence de telles inégalités, pour en quantifier l’importance et pour mettre en évidence les paramètres socio-économiques les plus pertinents dans cette démarche de quantification chez les jeunes de 15 à 24 ans. La ceinture de sécurité a montré une efficacité relative de 40 à 70 % pour la prévention des traumatismes sévères et des décès impliquant des véhicules à moteur[ 1995]. Dès lors, sans que l’on puisse lui attribuer la totalité de l’évolution favorable du nombre de victimes de la route, elle a participé à la réduction du nombre de victimes de la route. Obligatoire en Belgique depuis 1975 pour le conducteur et le passager avant du véhicule et depuis 1991 pour les passagers «arrières», elle reste malgré tout sous-utilisée ; les récents comptages (1999) réalisés à la demande de l’Institut Belge pour la Sécurité Routière (IBSR) montrent que 46% et 59% des conducteurs (respectivement en ville et sur autoroutes) portent la ceinture. L’absence d’utilisation de la ceinture de sécurité peut est considérée comme un comportement préjudiciable à la santé. Méthode développée : Les données sont issues de l’Enquête Nationale de Santé par interview menée en Belgique en 1997 au domicile d’un échantillon de 10.221 personnes[Bietlot et al. 2000]. Le protocole d’échantillonnage mis au point visait à sélectionner un échantillon aléatoire stratifié de ménages puis d’individus en respectant la distribution régionale de la

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population. Le taux général de participation a été de 60.5%. Un effectif de 1149 jeunes de 15 à 24 ans, ce qui représente 11.2% de l’échantillon global a été enquêté. Ce groupe d’âge représente, en Belgique, 12.5% de la population globale. La répartition par âge (15-19 ; 20-24 ans) et par sexe au sein de notre échantillon suit les données nationales : 48% de sexe masculin et 52% de sexe féminin ; 5% de 15-19 ans et 6% de 20-24 ans. Sur base de ces données nationales, nous avons construit différents indicateurs socio-économiques :

des indicateurs de classes sociales [Liberatos et al. 1988]: parmi lesquels on distingue :

un indicateur en relation avec la profession: qui décrit l’appartenance à un groupe socio-professionnel en prenant en compte des aspects plus sociaux tels que le niveau de qualification de la profession et le niveau de pouvoir de décision. Dans le groupe d’âge qui nous occupe, nous avons également, pour les jeunes encore scolarisés et vivant dans un ménage avec au moins un adulte, décrit une variable professionnelle pour le ménage en prenant la profession la plus qualifiée au sein de celui-ci (soit le chef de ménage, soit son conjoint).

un indicateur en relation avec l’éducation (pour les jeunes ayant quitté l’école) : le niveau d’études a été retenu.

un indicateur de revenus [Deleeck H. et al. 1992] : le revenu équivalent du ménage (calculé sur base des revenus du ménage ajusté selon le nombre de personnes le composant) est l’indicateur retenu. Il est attribué à chaque membre du ménage.

des indicateurs en relation avec la pauvreté selon deux approches :

une évaluation objective de la pauvreté [Ramprakash D 1994]: celle-ci repose sur la médiane du Revenu Equivalent Ménage (56.000 FB) et fixent plusieurs limites (respectivement 40%, 50% et 60% de la médiane) pour définir la population ‘très pauvre’ (seuil = 22.400FB), ‘pauvre’ (seuil = 28.000FB) et ‘assez pauvre’(seuil = 33.600FB).

une évaluation subjective de la pauvreté : cette évaluation repose sur la capacité ressentie à « nouer les deux bouts à la fin du mois » avec le revenu mensuel du ménage. Cette capacité ressentie est notée sur une échelle à 6 niveaux allant de « très difficile » à « réellement facile » en passant par « difficile », « plutôt difficile », « plutôt facile » et « facile ».

Dans ces deux situations, les montants sont calculés pour un ménage et ré-attribués à l’ensemble des membres de ce ménage.

Les indicateurs en relation avec la précarité [Lecomte T et al. 1996]: il s’agit

d’indicateurs construits pour mettre en évidence le cumul des risques pouvant entraîner l’exclusion sociale. Des facteurs de précarité de l’individu (emploi, niveau d’étude, nationalité, inscription à une mutuelle) sont combinés à des facteurs de précarité du ménage (type de ménage, revenus du ménage) et un score global est calculé. L’analyse utilise cette variable sous la forme d’une variable en catégories, ces dernières reposant sur les quartiles de la distribution du score de précarité.

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La déclaration (self reported) du port de la ceinture de sécurité à l’avant du véhicule a été mise en relation avec les variables socio-économiques, à la recherche d’inégalités dans l’adoption du comportement de protection. La mesure de l’importance de ces inégalités a été réalisée en utilisant l’indice de concentration [Wagstaff et al. 1991]. Cet indice est construit sur le même principe que la courbe de Lorenz et l’indice de Gini, à savoir la comparaison entre une distribution théorique « égalitaire » et une distribution réelle «inégalitaire». La population étudiée est rangée par statut socio-économique (du moins favorisé au plus favorisé) et est mise en relation avec la proportion cumulée de «comportement à risque». La représentation graphique donne une diagonale parfaite si aucune inégalité n’est retrouvée ; plus la courbe réelle s’écarte de la diagonale, plus les inégalités sont importantes. L’indice de concentration C mesure cette surface entre la diagonale et la courbe réelle. Il peut prendre des valeurs allant de –1 à +1. Il est positif quand la courbe se situe sous la diagonale (le « comportement à risque » se concentre chez les personnes des classes socio-économiques favorisées) et négatif quand la courbe se situe au dessus de la diagonale (le « comportement à risque » se concentre chez les personnes des classes socio-économiques les moins favorisées). Chaque quantification fait l’objet d’une présentation graphique reprenant sur l’axe des X le pourcentage cumulé des différentes catégories de la variable socio-économique (total=100% de la population) et sur l’axe des Y le pourcentage cumulé de la variable « comportement à risque ». Un tableau fait la synthèse des valeurs de l’indice de concentration C et de son erreur standard obtenue par une simulation ROC. Le degré de signification est calculé en comparant la surface sous la courbe et 0.5 (surface sous la diagonale signifiant une absence d’inégalité). Résultats obtenus: Le tableau ci-dessous donne les caractéristiques de l’échantillon des jeunes de 15 à 24 ans en ce qui concerne les variables étudiées.

Tableau 33: description de l’échantillon de jeunes de 15-24 ans étudié. Enquête Nationale de Santé, Belgique, 1997

Variable No %

Age (années) 1149 15-19 47.1

20-24 52.9 Sexe 1149

M 48.4 F 51.6

Cat.professionnelle1 319 Ouvrier non specialise 9.4

Ouvrier specialise 29.8 Employé 34.5

Cadre 6.9 Cadre supérieur 19.4

Cat.profess.la plus élevée du ménage2 1005

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Ouvrier non specialise 4.7 Ouvrier specialise 20.5

Employé 26.2 Cadre 10.2

Cadre supérieur 38.4 Niveau d’éducation3 424

Élémentaire 5.7 Secondaire inférieur 19.6 Secondaire supérieur 49.3

Etudes supérieures 25.5 Revenus du ménage (en BEF) 1038

<20.000 11.4 20-29999 25.8 30-39999 21.4 40-59999 31.6

60000 ou plus 9.8 Pauvreté 944

Très pauvre 2.3 Pauvre 5.9

Assez pauvre 9 Non pauvre 82.7

Pauvreté subjective 1063 Très difficile 6.9

Difficile 13 Assez difficile 22.8

Assez facile 30.7 Facile 20.4

Très facile 6.3 Précarité 930

Q4 22.7 Q3 17.7 Q2 22.6 Q1 37

1 jeune qui a déjà quitté l’école 2 jeune qui est encore à l’école et qui vit avec un adulte 3 jeune qui a déjà quitté l’école

Le tableau suivant donne les pourcentages d’utilisation de la ceinture de sécurité dans les différentes catégories des variables démographiques et socio-économiques. Il présente également les rapports de cote (odds ratios ou OR) et intervalles de confiance à 95% pour l’événement « port de la ceinture parfois ou jamais » selon les variables socio-économiques, prenant pour chaque variable, la catégorie la plus « favorisée » comme catégorie de référence.

Tableau 34: utilisation de la ceinture de sécurité à l’avant du véhicule en fonction des variables démographiques et socio-économiques , en pour cent ; OR (odds ratios) pour « utilisation rare ou jamais » en relation avec différentes mesures de « statut socio-économique ». Enquête Nationale de Santé, Belgique, 1997.

Variable Categorie Utilisat.ceint.sécur.

“rare ou jamais” (%)

Utilisat.ceint.sécur. “toujours” (%)

OR (95% CI)

Age (années) (n=1149) Tous 39.7 60.3 15-19 38.2 61.8 0.89 (0.69-1.14) 20-24 41.1 58.9

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Sexe (n=1149) Tous 39.7 60.3 M 36.7 63.3 1.29 (1.01-1.66) F 42.9 57.1

Catégorie professionnelle(n=319) Tous 46.1 53.9 Ouv. non specialise 43.3 56.7 2.02 (0.74-5.57) Ouvrier specialise 56.8 43.2 3.49 (1.66-7.39) Employé 50.0 50.0 2.65 (1.29-5.49) Cadre 36.4 63.6 1.51 (0.48-4.77) Cadre supérieur 27.4 72.6 1 (ref)

Cat.profess. la plus élevée du ménage2 (n=1005)

Tous 39.0 61.0

Ouv. non specialise 46.8 53.2 2.24 (1.16-4.31) Ouvrier specialise 55.3 44.7 3.15 (2.18-4.55) Employé 43.0 57 1.91 (1.36-2.70) Cadre 33.0 67 1.25 (0.76-2.05) Cadre supérieur 28.2 71.8 1 (ref)

Niveau d’éducation3 (n=424) Tous 47.6 52.4 Élémentaire 58.3 41.7 1.86 (0.71-4.92) Secondaire

inférieur 60.2 39.8 2.01 (1.10-3.67)

Secondaire supérieur

49.3 50.7 1.29 (0.81-2.06)

Etudes supérieures 32.4 67.6 1 (ref) Revenus du ménage (en BEF) (n=1038)

Tous 40.0 60.0

<20.000 42.4 57.6 2.53 (1.34-4.77) 20-29999 45.5 54.5 2.87 (1.65-5.01) 30-39999 45.9 54.1 2.92 (1.66-5.17) 40-59999 36.0 64.0 1.93 (1.12-3.35) 60000 or more 22.5 77.5 1 (ref)

Pauvreté (n=944) Tous 40.6 59.4 Très pauvre 18.2 81.8 0.35 (0.10-1.10) Pauvre 51.8 48.2 1.68 (0.94-2.98) Assez pauvre 52.9 47.1 1.76 (1.09-2.82) Non pauvre 39.1 60.9 1 (ref)

Pauvreté subjective (n=1063) Tous 39.4 60.6 Très difficile 47.9 52.1 2.71 (1.25-5.92) Difficile 44.2 55.8 2.33 (1.17-4.68) Assez difficile 42.1 57.9 2.14 (1.13-4.12) Assez facile 45.4 54.6 2.45 (1.31-4.62) Facile 25.8 74.2 1.02 (0.52-2.02) Très facile 25.4 74.6 1 (ref)

Précarité (n=930) Tous 40.3 59.7 Q4 49.8 50.2 2.14 (1.48-3.09) Q3 43.6 56.4 1.67 (1.12-2.49) Q2 42.4 57.6 1.59 (1.09-2.30) Q1 31.7 68.3 1 (ref)

1 jeune qui a déjà quitté l’école 2 jeune qui est encore à l’école et qui vit avec un adulte 3 jeune qui a déjà quitté l’école

On observe très peu de différences d’utilisation de la ceinture de sécurité selon le sexe (OR=1.29 à la limite de la signification) et selon l’âge (OR=0.89 et non significatif). Par contre des différences importantes sont observées en fonction des variables socio-économiques étudiées. L’occupation du jeune (qui a quitté l’école) influence de façon importante l’utilisation ou la non-utilisation de la ceinture de sécurité : exception faite

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des ouvriers non spécialisés, un gradient s’observe depuis la situation professionnelle « cadre » (OR=1.25) jusqu’à « ouvrier spécialisé » (OR=3.49). Une situation assez comparable est observée lorsque l’on prend en compte la profession du ménage où vit le jeune (profession la plus élevée d’un des membres du ménage) : un gradient (OR de 1.25 à 3.15) est mesuré allant des professions intermédiaires vers les ouvriers spécialisés. Les ouvriers non spécialisés présentant un OR intermédiaire de 2.24. Le niveau d’éducation du jeune qui a quitté l’école influence peu le port de la ceinture. Les OR calculés sont non significatifs ou à la limite de la signification (intervalle de confiance de 1.1 à 3.67 pour la catégorie « secondaire inférieur »). Le niveau de revenu du ménage est en relation, à des degrés divers avec l’absence de port systématique de la ceinture : comparé au groupe ayant un « revenu équivalent ménage » supérieur ou égal à 60.000 BEF, les autres groupes présentent des OR significatifs allant de 1.93 (revenu équivalent ménage = 40 à 60 mille) à 2.92 (revenu équivalent ménage = 30 à 40 mille). Mais aucun gradient ne se dégage de cette relation. Par contre si l’on s’intéresse à la « pauvreté subjective », on constate une augmentation progressive des OR allant de 1.02 dans le groupe déclarant « des fins de mois faciles » à 2.71 dans le groupe déclarant « des fins de mois très difficiles », exception faite de la catégorie « plutôt facile » qui présente un OR de 2.45. Ce même type de gradient est observé avec la variable « précarité » qui montre un gradient des OR passant de 2.14 pour les ménages en situation très précaire (quartile 4 de la distribution) à 1.59 pour les ménages en situation intermédiaire (quartile 2 de la distribution). Ces différences de port de la ceinture de sécurité en fonction des variables socio-économiques ont été quantifiées en utilisant les courbes et indices de concentration. Le tableau ci-dessous présente les indices de concentration (CI), les erreurs standard des CI et la signification statistique de la comparaison entre la surface sous la courbe et la surface sous la diagonale (0.5) pour les 7 indicateurs socio-économiques construits. Les indices calculés sont d’ampleur variable allant de -0.028 pour la variable « pauvreté » à -0.142 pour la variable « catégorie professionnelle la plus élevée du ménage ».

Tableau 35: utilisation de la ceinture de sécurité « parfois ou jamais » en relation avec les variables socio-économiques : indices de concentration, erreur standard et degré de signification.

Variables socio-économiques Indice de Concentration

Erreur Standard

Degre de Significance1

Catégorie professionnelle2 -0.098 0.056 0.088 (ns) Catégorie professionnelle la plus élevée du ménage3 -0.142 0.034 <0.001 Niveau d’éducation4 -0.108 0.048 0.028 Revenus du ménage -0.080 0.032 0.017 Pauvreté -0.028 0.036 0.425 (ns) Pauvreté subjective -0.092 0.032 0.006 Précarité -0.096 0.036 0.007 1 surface sous la courbe diffère significativement de 0.5. 2 jeune qui a déjà quitté l’école 3 jeune qui est encore à l’école et qui vit avec un adulte 4 jeune qui a déjà quitté l’école

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Cinq de ces indices de concentration sont significatifs : il s’agit des courbes qui présentent en abscisses le pourcentage cumulé de « catégorie professionnelle du ménage », de « niveau d’études », de « revenus du ménage », de « pauvreté subjective », de « précarité du ménage » et en ordonnées le pourcentage cumulé d’ « absence de port de la ceinture de sécurité ». La figure de la page suivante présente ces courbes de concentration : on peut observer que celles-ci sont toutes situées au-dessus de la diagonale, confirmant l’existence d’inégalités dans l’adoption du port de la ceinture, inégalités concentrées chez les personnes en situation socio-économique défavorisée. Les informations concernant l’utilisation de la ceinture de sécurité sont déclarées par les jeunes (self reported). Pareil mode de collecte d’une information concernant un comportement porteur d’une certaine « désirabilité sociale » peut entraîner une sur- déclaration de comportement positif par rapport au comportement réellement adopté par les jeunes [Robertson 1992;Stulginskas et al. 1985]. Certains auteurs ont estimé cette sur-déclaration de l’ordre de 2 à 5% (ratio self reported / observed = 1.05 à 1.02) [Nelson 1996a]. Nous ne disposons d’aucune information qui nous permettrait de penser que cette sur-déclaration éventuelle soit sélective et vise spécifiquement certains groupes socio-économiques et remettent en question les constats que nous avons dressés à savoir l’existence d’inégalités sociales dans l’adoption du port de la ceinture de sécurité. On observe en effet une distribution inégalitaire du port de la ceinture dont l’absence se concentre dans les groupes les moins favorisés. Ceci est particulièrement vrai si l’on prend pour critères socio-économiques la catégorie professionnelle du ménage, le niveau d’éducation du jeune, la précarité, la pauvreté subjective et le revenu du ménage (indices de concentration respectivement de = -0.142, -0.108, -0.096, -0.092 et –0.080). L’ampleur de l’inégalité mesurée par l’indice de concentration varie de façon substantielle en fonction de l’indicateur socio-économique choisi. C’est la catégorie professionnelle du ménage qui donne l’indice de concentration le plus élevé et qui met donc en avant les inégalités les plus importantes. La pauvreté, qui prend en compte les seuils de 40, 50 et 60% de la médiane du revenu équivalent ménage (distribution en quartile), met également en avant, mais de façon un peu moins importante cette inégalité dans la distribution. Au-delà de cette relative diversité dans l’ampleur de la mesure, il existe une grande convergence et une grande reproductibilité dans le sens général de la mesure de l’inégalité. En effet, il est très intéressant de constater que quelle que soit la variable socio-économique choisie, les résultats (indice de concentration) montrent une cohérence remarquable dans le sens de l’inégalité. Cette cohérence plaide, dans le cas de la population des jeunes de 15-24 ans en Belgique pour la confirmation d’inégalités dans la distribution de l’indicateur de comportement « à risque ».

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Figure 24: Courbes de concentration pour "utilisation parfois ou jamais" de la ceinture de sécurité versus variables socio-économiques chez les jeunes de 15 à 24 ans. Enquête Nationale de Santé, Belgique, 1997

household professional category

1,00,75,50,250,00

seat

bel

t use

"som

etim

es o

r nev

er"

1,00

,75

,50

,25

0,00

Household income

1,00,75,50,250,00

seat

bel

t use

'som

etim

es o

r nev

er'

1,00

,75

,50

,25

0,00

subjective poverty

1,00,75,50,250,00

seat

bel

t use

'som

etim

es o

r nev

er'

1,00

,75

,50

,25

0,00

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Education level

1,00,75,50,250,00

seat

bel

t use

'som

etim

es o

r nev

er'

1,00

,75

,50

,25

0,00

socio-economic insecurity

1,00,75,50,250,00

seat

bel

t use

'som

etim

es o

r nev

er'

1,00

,75

,50

,25

0,00

L’étude a permis de montrer l’existence de réelles inégalités sociales dans le port déclaré de la ceinture de sécurité à l’avant d’un véhicule chez les jeunes en Belgique. Ce constat doit amener à une vigilance toute particulière dans les démarches de promotion de la santé visant la sensibilisation et l’adoption de comportement « protecteur ». On sait en effet que le développement de certains programmes de promotion de la santé peuvent entraîner une meilleure prise de conscience des risques dans les groupes les plus favorisés et ainsi accentuer ces inégalités au détriment des groupes socio-économiques les moins favorisés. Notre constat insiste sur la nécessité dans les programmes de prendre en compte dès le départ, c’est à dire dès la conception, ce problème d’inégalités et de développer des approches équitables. Cette étude[Leveque A et al. 2001c] a également montré qu’au-delà de la cohérence des mesures (l’ensemble des indices -significatifs ou non- sont en défaveur des groupes socio-économiques les moins favorisés), il existe une variabilité de l’ampleur de ces inégalités selon les indicateurs socio-économiques choisis. Ce dernier point montre l’importance qu’il y a, dans les approches comparatives visant un même pays ou une même région au cours du temps ou visant une approche internationale, à être attentif à la méthodologie développée et aux indicateurs choisis en ce qui concerne la quantification des variables socio-économiques.

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55..33..33..22..44 LL’’eennqquuêêttee ssuurr llaa ssaannttéé ddeess jjeeuunneess ddee llaa pprroovviinnccee dduu HHaaiinnaauutt

Facteurs Phases Hôte

(homme) Vecteur (véhicule)

Env.physique Env..socio-écon

Pré événement

Evénement Post-événement

Nous étudions une problématique qui se situe en phase de « pré-événement », qui concerne l’hôte et ses caractéristiques anthropométriques : la relation entre l’occurrence d’un traumatisme et l’obésité chez les jeunes Dans le cadre d’une enquête sur la santé des jeunes de la Province de Hainaut, nous nous sommes intéressés à la problématique des traumatismes et du lien possible entre la survenue d’un traumatisme et l’obésité chez les jeunes car, au–delà des nombreuses publications qui se penchent sur le problème de l’obésité et ses conséquences sur la santé cardio-vasculaire[Dietz 1998;Wabitsch 2000], ses conséquences psychosociales et un ensemble de morbidités associées (douleurs dorsales, problématiques orthopédiques,…) [Gortmaker et al. 1993;Must et al. 1992;Power et al. 1997], très peu de travaux se sont intéressées à la relation entre l’obésité et la survenue d’un traumatisme ; une étude sur des publics spécifiques tels que les joueurs de football américains[Kaplan et al. 1995] est reprise dans la littérature. Dans le cadre de l’enquête menée dans le Hainaut, nous avons cherché à savoir si l’obésité présentée par les jeunes était ou non associée avec la prévalence déclarée d’accidents dans les 12 mois qui ont précédé l’enquête. Rappelons qu’il s’agissait d’une enquête transversale qui a été menée auprès d’un échantillon représentatif d’enfants et d’adolescents de 9 à 17 ans dans les écoles de la Province de Hainaut (Belgique). L’échantillon d’écoles a été constitué selon la méthode des quotas, sur base des critères de classification des filières d’enseignement en Belgique (type de réseau, filière d’enseignement, localisation et taille de l’établissement). Un examen physique et un questionnaire auto-administré étaient réalisés le même jour selon l’ordre cité. Un échantillon de 5388 enfants a été contacté. Parmi ceux-ci, 4158 ont accepté de compléter le questionnaire et 2365 ont subi l’examen physique. Ce dernier portait sur la mesure du poids, de la taille, des plis cutanés sous-scapulaire et tricipital, de la pression artérielle systolique et diastolique et des stades de Tanner pubien et mammaire.

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Tout événement traumatique qui a nécessité des soins par un professionnel de la santé (médecin, infirmière) qu’il y ait eu ou non hospitalisation a été comptabilisé comme traumatisme. L’obésité a été estimée en rapport aux normes internationales proposées par l’OMS [OMS 1995]. Tout jeune présentant un BMI supérieur ou égal au percentile 85 pour l’âge (NHANES) et un pli cutané tricipital supérieur ou égal au percentile 90 et un pli cutané sous scapulaire supérieur ou égal au percentile 90 des normes a été considéré comme obèse. Les autres ont été considérés comme « non obèses ». La relation entre l’obésité et la survenue des accidents a été analysée en prenant en compte l’âge, le sexe, la pratique d’un sport et la pratique d’activités physiques, variables que l’on sait influencer l’occurrence des événements traumatiques. L’importance relative de ces différentes variables dans l’occurrence de l’événement « traumatisme » au sein de notre population des jeunes de 9 à 17 ans a été estimée par une analyse multivariée. La sélection des variables à inclure dans le modèle a été faite par la méthode progressive basée sur le test de vraisemblance (ForwardLR). Les variables obésité, pratique d’un sport, sexe et déclaration d’activités physiques ont été sélectionnées. Le modèle définitif a été obtenu par la méthode EnterLR. Les rapports de cote ajustés et leurs intervalles de confiance ont été dérivés du modèle. L’ajustement du modèle a été vérifié par le test de Hosmer Lemeshow. Les principaux résultats sont repris dans les tableaux et commentaires suivants. Pour plus de détails, nous renvoyons le lecteur intéressé vers la publication faite sur le sujet et soumise pour publication[Leveque A et al. 2001d]. Dans le tableau ci-dessous, on peut observer que dans les 12 mois précédant l’enquête, 1644 jeunes de notre échantillon (41%) ont été victimes d’un traumatisme qui a nécessité des soins (avec ou sans hospitalisation). Selon la définition de l’obésité retenue, plus de 15% des jeunes de notre échantillon sont déclarés « obèses». Les jeunes sont une majorité (59%) à pratiquer un sport de façon « intensive » c’est à dire à un rythme égal ou supérieur à 2 fois par semaine. Les autres jeunes (41%) soit ne pratiquent pas de sport, soit le pratiquent uniquement une fois la semaine ou très irrégulièrement. On constate que 55% des jeunes ne pratiquent aucune activité physique ou au maximum 1 activité au rythme de « 3xpar semaine ou plus» .

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Tableau 36: description de l’échantillon des 4158 jeunes scolarisés (Province de Hainaut, Belgique). Pourcentage par catégories des variables d’intérêt. OSH, 1997

Variables Catégories %

10 32.4 13 36.8

Age (N= 4083)

16 30.8 M 51.4 Sexe (N=4158) F 48.6 Intensif 59 Pratique d’un sport (N=4076) Non intensif 41 Maximum 1 activité 55.1 Activités physiques (N=3661) Au moins 2 activités 44.9 BMI ≥ p85 et pli TRI ≥ p90 et Pli SS ≥ p90

15.5 Obésité (N=2365)

Autres (« non obèses ») 84.5 Au moins un épisode dans les 12 derniers mois

41.1 Traumatisme (N=4006)

Pas d’accidents dans les 12 derniers mois 58.9 Dans le tableau suivant, on peut observer une plus grande fréquence des traumatismes chez les jeunes présentant de l’obésité (respectivement 49 et 40% chez les jeunes obèses et non obèses)(p=0.004), chez les garçons (46% contre 35% chez les filles)(p<0.001), chez les jeunes pratiquant un sport de façon intensive(46% contre 34%) (p<0.001) et chez ceux qui déclarent plus de 1 activité physique par semaine (48% contre 38%)(p<0.001). La fréquence des accidents n’est pas significativement différente selon l’âge bien qu’un gradient soit observé (respectivement 44, 40 et 39% dans les catégories 10, 13 et 16 ans).

Tableau 37:Relation entre la survenue des traumatismes et les variables indépendantes retenues dans l’analyse. OSH, 1997.

Variables Catégories N % de jeunes ayant présenté un trauma

Chi carré P

10 1288 43.6 13 1440 40.2 16 1208 39.4

5.32 NS Age

Global 3936 41.1 M 2049 46.4 F 1957 35.5

49.16 P<0.001 Sexe

Global 4006 41.0 Présente 349 48.7 Absente 1928 40.4

8.5 P=0.004 Obésité

Global 2277 41.6 Intensif 2340 45.7 Non intensif ou 0 1626 34.2

52.3 P<0.001 Sport

Global 3966 41 ≥ 2 1598 47.7 < 2 1961 37.8

35.4 P<0.001 Activités physiques

Global 3559 42.2

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Comme l’illustre le tableau ci-dessous, âge et activité physique sont en relation significative avec la prévalence de l’obésité chez les jeunes. En effet, plus le jeune avance en âge et moins la prévalence de l’obésité est élevée; on passe de près de 20% chez les jeunes du groupe 10 ans à 10% dans le groupe des 16 ans. On constate également des différences significatives de prévalence d’obésité selon la catégorie d’activités physiques. Paradoxalement, on trouve plus de jeunes obèses dans le groupe pratiquant 2 ou plus de 2 activités physiques (19% contre 14%).

Tableau 38:Relation entre l’obésité et les variables indépendantes retenues dans l’analyse. OSH, 1997.

Variables Catégories N % de jeunes obèse Chi carré P 10 847 19.2 13 903 15.5 16 612 10.3

21.7 P<0.001 Age

Global 2362 15.5 M 1287 16 F 1078 14.8

0.6 NS Sexe

Global 2365 15.5 Intensif 1452 15.3 Non intensif ou 0 858 16.1

0.3 NS Sport

Global 2310 15.6 ≥ 2 921 18.7 < 2 1193 13.7

9.44 P=0.002 Activités physiques

Global 2114 15.9

La prise en compte de ces deux variables (âge et activités physique) dans l’analyse de la relation entre l’obésité et la survenue d’un accident ne modifie pas l’estimation de l’association : on passe d’un risque relatif brut de 1.21 à un RR pondéré de Mantel-Haentzel de 1.21 (1.07-1.36) en ce qui concerne l’influence de la variable âge et de 1.18 à 1.16 (1.02-1.31) pour la variable « activité physique ». L’importance relative de ces différentes variables dans l’occurrence de l’événement « traumatisme » au sein de notre population des jeunes de 9 à 17 ans a été estimée par une analyse multivariée. Le tableau suivant montre que trois des quatre variables du modèle présentent des rapports de cote significatifs ; il s’agit du sexe (OR=1.33), de la pratique d’activités physiques au moins deux fois la semaine (OR=1.4) et de l’obésité (OR=1.32). Par contre, la relation significative observée entre la pratique intensive d’un sport et la survenue d’un accident ne s’observe plus lorsque l’on prend en compte simultanément ces différentes variables.

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Tableau 39: estimation des Rapports de cote ajustés pour l'ensemble des variables retenues dans le modèle par la régression logistique. OSH, 1997.

Variables Catégories N OR ajusté (IC 95%) p-value

Obésité + 321 1,32 1,03-1,67 0,026 Obésité

Obésité - 1727 1

Intensif 1388 1,18 0,97-1,45 NS Sport

Non intensif 660 1

Masculin 1146 1,33 1,1-1,6 0,002 Sexe

Féminin 902 1

Au moins 2 892 1,4 1,2-1,7 0,001 Activités

Max 1 activ. 1156 1

L’estimation de l’incidence des traumatismes au sein de notre échantillon repose sur les déclarations faites par les jeunes. Différents auteurs ont montré la cohérence de ce mode de collecte [Currie et al. 1996;Nelson 1996b;Piette, Maes, Peeters, Prevost, Stevens, DeSmet, and Smith 1993]. Nous pouvons également constater que les estimations réalisées auprès des jeunes de la province du Hainaut sont en accord avec les résultats d’autres études [European Home and Leisure Accident Surveillance System 1999;Piette D et al. 1997]. Dans cette estimation nous n’avons pris en compte que les traumatismes ayant nécessité des soins par un professionnel de la santé. Nous pensons en effet que, basant notre collecte sur un rappel de 12 mois, cet événement est mieux mémorisé que des traumatismes sans traitement et que cela diminue le risque de biais de mémorisation. Pour identifier les cas d’obésité nous avons utilisé 4 critères mesurés de façon objective : le poids, la taille, les plis cutanés sous-scapulaire et tricipital. Ces 4 paramètres ont été mesurés avec des méthodes rigoureuses et standardisées internationalement. La réunion de ces 4 critères dans la définition de l’obésité fait l’objet de larges débats dans la littérature internationale. Nous avons opté pour ce choix vu l’importance de prendre en compte la masse grasse . Ce choix est en adéquation avec les critères de l’OMS. Les quatre variables retenues dans l’analyse multivariée sont, à l‘exception de l’obésité, celles que l’on retrouve le plus souvent présentées comme facteurs de risque de la survenues de traumatismes chez les jeunes. Si l’on observe les Odds Ratios ajustés, il apparaît que la pratique d’activités physiques de façon intensive présente le rapport de cote le plus élevé. Ce constat est cohérent avec ce que l’on sait des risques inhérents à la pratique « non encadrée » ou « non managée » de certaines activités à risque (roller skate sans protections, vélo sans casque, …). Le sexe masculin apparaît également comme « plus à risque » de présenter un accident (OR=1.33) : ce constat est également en

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adéquation avec ce que l’on sait du comportement de prise de risque plus important des jeunes de sexe masculin par rapport à leurs alter ego de sexe féminin [King et al. 1996]. La troisième variable présentant un OR significatif est l’obésité. On constate qu’à sexe égal et pratique d’activités physiques égale, le statut de « jeune obèse » est un facteur de risque de la survenue d’un traumatisme. Un rapport de cote significatif de 1.32 est mesuré au sein de notre échantillon de plus de 2000 jeunes. Ce constat dressé auprès des jeunes de la province de Hainaut rejoint le constat dressé par d’autres sur des populations sportives spécifiques [Kaplan et al. 1995;Landry 1992]. Au départ de ce constat, qui nécessiterait d’être confirmé par d’autres études sur des publics des mêmes catégories d’âge, il nous paraît intéressant de réfléchir aux stratégies habituellement mises en place pour lutter contre l’obésité chez les jeunes. Elles sont essentiellement de deux ordres : d’une part améliorer les profils diététiques en développant des activités de promotion de l’alimentation équilibrée et d’autre part lutter contre la sédentarité par la promotion de l’activité physique et des pratiques sportives. Notre analyse montre que, et le problème que l’on essaye de diminuer (l’obésité chez les jeunes), et la stratégie choisie (la pratique d’activités physique) augmentent le risque de survenue d’un traumatisme. Face à ce constat, il apparaît de plus en plus nécessaire de renforcer les stratégies de lutte contre l’obésité notamment la promotion de l’activité physique à la condition que parallèlement se développent des stratégies de promotion de la sécurité dans l’exercice et la pratique de ces activités physiques : citons pour exemple la promotion des mesures de protection (port du casque à vélo, port des protections lors de la pratique du roller skate,…), le développement de zones sécuritaires (vélo, roller,…). Cette approche aurait un double bénéfice, d’une part elle permettrait de sécuriser la stratégie de promotion des activités physiques comme moyen de réduction de la prévalence de l’obésité chez les jeunes et d’autre part de diminuer le nombre de traumatismes parmi toute la population des jeunes pratiquant des activités physiques qu’ils soient ou non obèses.

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5.3.4 Les limites de l’épidémiologie dans la mise en évidence des déterminants des traumatismes

Nous ne développons pas ici l’ensemble des limites des méthodes épidémiologiques ayant pour objet la recherche des déterminants d’un problème de santé. De nombreux ouvrages traitent de ces limites qui, pour la plupart, n’ont aucune spécificité thématique50. Quelques aspects plus spécifiques méritent d’être soulevés : ✎ Les études descriptives (et leur utilisation dans une perspective de formulation

d’hypothèse) reste une démarche extrêmement intéressante dans un domaine où les données quantitatives sont encore rares et même inexistantes dans certains contextes.

✎ Les traumatismes ont une origine multifactorielle complexe mêlant des facteurs

environnementaux, des facteurs humains, des facteurs techniques et mécaniques : la maîtrise des variables et facteurs potentiellement confondants dans la recherche d’un déterminant spécifique sera souvent et difficile et très incomplète.

✎ Pour certaines catégories de traumatismes, la survenue de l’événement reste

relativement rare (par exemple les accidents de la route) par rapport aux nombres d’individus exposés au risque : les études de cohorte se prêteront très mal à ce type d’investigation. De plus il faudra recourir à des méthodes statistiques particulières (loi de probabilité de Poisson).

✎ Comme nous le verrons au chapitre suivant, un nombre important de stratégies de

prévention des traumatismes et accidents repose sur une tentative de modification du comportement de l’individu exposé au risque : boucler sa ceinture de sécurité, placer les médicaments dans une armoire fermée à clé, placer des systèmes de retenue aux fenêtres, porter du matériel de protection lors de la pratique du roller, etc. Ces stratégies sont le plus souvent éducationnelles et ne ciblent pas de façon précise l’un ou l’autre aspect, l’un ou l’autre déterminant du changement de comportement. La connaissance de ces déterminants et de leurs relations est indispensable pour développer des interventions efficaces et bien ciblées. La connaissance de ces déterminants est indispensable notamment pour déterminer des objectifs précis et spécifiquement quantifiables, pour éviter de développer des

50 Nous renvoyons le lecteur intéressé vers ces ouvrages méthodologiques déjà donnés en référence préalablement.

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programmes de prévention pouvant avoir des effets paradoxaux, pour éviter d’aggraver certaines inégalités sociales ou socio-économiques face à l’adoption de comportements protecteurs (comme nous l’avons constaté par exemple par rapport au port de la ceinture de sécurité). Les méthodes épidémiologiques classiques ne permettent pas d’investiguer ces variables psychosociales. Comme nous le verrons au chapitre suivant, il est nécessaire de recourir à des modèles explicatifs de l’adoption ou du changement de comportement au travers desquels il sera possible de cibler les facteurs ou variables d’intérêt pour l’action et pour l’évaluation.

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5.4 L’évaluation des actions préventives L’évaluation est définie par Last[Last 2001] comme : « a process that attempts to determine as systematically and objectively as possible, the relevance, effectiveness, and impact of activities in light of their objectives. Several varieties of evaluation can be distinguished ; e.g., evaluation of structure, process, and outcome. ». Il s’agit ici du troisième axe fondamental de l’épidémiologie dans une perspective de gestion des systèmes et des programmes de santé. En effet, après avoir mis en évidence l’importance du problème de santé et identifié les(des) déterminants de plus ou moins grande vulnérabilité, la traduction opérationnelle en terme de plan, programme, action de prévention, etc. et leurs impacts éventuels devront être évalués. L ‘épidémiologie joue un rôle majeur dans cette approche évaluative. En effet, de nombreuses évaluations quantitatives nécessitent la production d’indicateurs. Les méthodes épidémiologiques sont parfaitement indiquées pour appuyer les évaluateurs dans leur démarche quantitative. Pour cerner la place de l’épidémiologie dans l’évaluation et pour en percevoir les limites, il est indispensable de d’abord passer en revue les principales approches préventives des traumatismes51.

5.4.1 Les approches préventives des traumatismes On peut, sur base de la littérature internationale, distinguer principalement trois approches dans le champ de la prévention des traumatismes :

La prévention qui suit le modèle de HADDON La prévention qui suit les stratégies de la promotion de la santé La prévention selon les principes et déficits cindyniques

La prévention selon le modèle de HADDON Comme nous l’avons présenté dans l’historique, HADDON a proposé 10 stratégies pouvant intervenir tant dans les différentes étapes temporelles que sur chaque type de déterminant (humain, vecteur, environnement).

51 Nous ne nous intéressons pas, dans le cadre de ce travail, au domaine de la prise en charge médico-chirurgicale des lésions traumatiques

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Nous rappelons ces stratégies : 1. Prévenir la formation de l’énergie 2. Réduire la quantité d’énergie transférée 3. Prévenir la libération de cette énergie 4. Modifier la distribution spatiale de l’énergie 5. Séparer dans le temps ou l’espace l ‘énergie libérée de sa cible potentielle 6. Interposer une protection entre source d’énergie et cible 7. Modifier la structure du vecteur potentiel d’énergie 8. Renforcer la résistance de la cible susceptible d’être atteinte, endommagée 9. Limiter les dégâts dus au transfert d’énergie 10. Limiter les conséquences du dommage infligé par le transfert d’énergie

La perspective temporelle de la matrice (pré-événement / événement / post-événement) se rapproche de la distinction classique entre prévention primaire, secondaire et tertiaire[Baudier 1996]. On pourrait, en s’inspirant de AVERY[Avery 1995], illustrer cette subdivision comme le montre la figure suivante.

Figure 25: représentation schématique des différents volets de la prévention. Leveque,A. d'après [Avery 1995]

Prévention primaire Prévention secondaire Prévention tertiaire Réhabilitation

Prévention des accidents

Contrôle des traumatismes

Prévention de l’accident

Prévention de la sévérité

du traumatisme

Prévention des complica-

tions du traumatisme

Restauration d’un état de

santéoptimum

Parmi toutes ces stratégies et ces cibles temporelles, les choix seront réalisés en fonction de la thématique traumatique, de l’efficacité de la mesure, du rapport coût-efficacité, de la priorité donnée aux mesures ne faisant pas intervenir le comportement humain.

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La prévention qui suit les stratégies de la promotion de la santé L’application des concepts et stratégies de la promotion de la santé52 dans le champ des traumatismes va essentiellement viser à développer le concept de « promotion de la sécurité ». Celui-ci a été défini comme suit : « la promotion de la sécurité est un processus que les individus, les communautés, les gouvernements et les autres organisations, incluant les entreprises privées et les organisations non gouvernementales (ONG), appliquent au niveau local, national, et international pour développer et maintenir la sécurité. Ce processus est composé de tous les efforts consentis pour modifier les structures, l’environnement (physique, social, technologique, politique, économique et organisationnel) ainsi que les attitudes et les comportements ayant trait à la sécurité »[Centre collaborateur OMS du Québec pour la promotion de la sécurité. 1998] Elle procèdera soit d’une démarche par problème (suicide, violence, etc.) soit d’une démarche par milieu de vie. La prévention selon les principes et déficits cindyniques Cette approche repose sur une analyse et une gestion du risque ; elle identifie des « déficits systémiques cindynogènes » et développe des solutions par rapport à ces déficits. Nous citons cette approche pour mémoire mais ne la développons pas plus que ce que nous avons fait au début de ce chapitre.

5.4.2 Des différences fondamentales d’approche Il existe des différences fondamentales dans les approches préventives des traumatismes ; ces différences reposent soit sur le niveau de prévention (primaire, secondaire, tertiaire), soit sur la cible principale (l’hôte, le vecteur, l’environnement), soit sur la nature (technologique, environnementale, réglementaire, éducative), soit sur la stratégie adoptée (stratégie active, stratégie passive). o La prévention primaire concerne les facteurs qui sont présents avant que le

traumatisme ne survienne ou les facteurs qui le déclenchent ; les mesures de prévention primaire sont donc susceptibles de prévenir la survenue du

52 ces stratégies sont au nombre de 5 : élaborer une politique publique saine, concevoir des milieux favorables, renforcer l’action communautaire, réorienter les services de santé, développer les aptitudes individuelles. Nous renvoyons les lecteurs intéressés vers la Charte d’Ottawa[Conférence Internationale pour la promotion de la santé 1986].

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traumatisme (ou de l’accident selon la terminologie utilisée) ; elles visent tantôt le vecteur, tantôt la source d’énergie, tantôt l’individu hôte. Elles sont soit de nature technique, légale, environnementale, passives ou actives. L’utilisation de bouchons de sécurité sur les flacons de produits ménagers toxiques est un exemple de prévention primaire.

o La prévention secondaire est en rapport avec les facteurs qui réagissent à

l’événement traumatique immédiat et peut donc contribuer à en atténuer les conséquences. L’air bag est un exemple de prévention secondaire : en cas d’événement (accident), il va permettre de limiter au maximum le contact entre les surfaces traumatisantes du tableau de bord et le corps de l’hôte.

o La prévention tertiaire est liée à tous les facteurs susceptibles de remédier aux

dommages et aux pertes après la survenue du traumatisme (soins d’urgence, réadaptation,...). La pose d’attelle et de minerve sur le lieu de l’accident en cas de suspicion de fracture permet d’éviter des complications lors du transfert des blessés.

o Les stratégies qui reposent sur une modification du cadre légal : elles sont rarement

isolées et viennent le plus souvent en appui à des stratégies qui visent notamment le comportement. Une loi fixant les limites de vitesse en agglomération ou devant une école viendra en appui à une campagne de sécurité routière sur le même sujet.

o Les stratégies qui modifient l’environnement physique ; elles seront le plus souvent

des stratégies passives, de nature technique ou technologique. On peut citer à titre d’exemple la modification de la forme des tableaux de bord dans les véhicules, la construction de « casse-vitesses » aux abords des écoles, les prises de courant sécurisées, etc.

o Les stratégies éducatives qui ont pour objectif de favoriser une modification du

comportement de l’hôte. Des programmes de sensibilisation des parents à la gestion sécurisée des médicaments, contraceptifs oraux, produits ménagers, etc. en est un exemple

o Les stratégies passives : il s’agit de mesures préventives ne nécessitant pas la

modification du comportement de l’hôte. Les détecteurs de fumées dans les bâtiments publics sont un exemple de mesure passive.

o Les stratégies actives : il s’agit de l’ensemble des stratégies et mesures qui

imposent, nécessitent un changement de comportement de l’hôte. Ces deux dernières approches méritent que l’on y consacre un développement plus long dans la mesure où elles reposent sur des concepts et sur des choix stratégiques assez contradictoires même si souvent, dans la pratique de la prévention, leur complémentarité est indispensable.

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5.4.2.1 Les approches passives « John Snow, plutôt que de chercher à convaincre ses concitoyens de cesser de s’approvisionner à une source polluée, a simplement enlevé le mécanisme d’utilisation de la pompe ». Cette phrase illustre ce que, dans le champ de la prévention des traumatismes et accidents, on appellera une « mesure passive ». Il s’agit d’interventions qui concernent l’environnement physique ou le vecteur (véhicule) et qui ne présupposent aucune modification du comportement individuel. On contourne la décision personnelle de l’individu et de son comportement en développant des « protections automatiques ». Rendre obligatoire la pose de thermostats sur les chauffe-eau empêchant l’eau de distribution de dépasser 45° est une mesure passive de prévention des brûlures chez les petits enfants. Ce raisonnement incite à privilégier des stratégies basées sur le contrôle ou l’élimination des « produits dangereux » plutôt que de promouvoir leur utilisation de façon sécuritaire. Ces mesures seront le plus souvent prises à un haut niveau de décision (régional, national) et viseront à toucher la population dans son ensemble. Elles s’inscrivent dans une des stratégies de promotion de la santé à savoir l’adoption de « politiques publiques saines ». Elles auront des impacts « relativement » prévisibles. Les pays anglo-saxons mais aussi le Canada francophone privilégient ces approches passives argumentant qu’une modification technique est souvent plus rentable qu’une action qui nécessite un changement de comportement. A l’inverse, des pays comme la France, la Belgique et bien d’autres misent (ou ont misé) beaucoup plus leurs stratégies préventives sur les mesures actives. Au-delà des différences d’approches, des différences de société, de culture ?

5.4.2.2 Les approches actives Les approches actives sont mieux connues dans nos pays ; elles consistent à « éduquer » la population par rapport à un problème déterminé et à un comportement à adopter. Elles auront pour objectif l’amélioration des connaissances et la modification de ce comportement de façon à diminuer la prise de risque ou à adopter des attitudes positives face à des mesures sécuritaires proposées (mettre les médicaments dans une armoire fermée à clé, porter des protections lorsque l’enfant fait du roller, etc.). L’individu va décider lui-même s’il adopte ou non un comportement adéquat, et l’on va essayer de le persuader d’adopter ce comportement. Ces approches s’inscrivent le plus souvent dans la stratégie de promotion de la santé et, à l’inverse des mesures passives, ont intérêt à être formulées, pensées, exécutées à des niveaux plus locaux, proches des populations bénéficiaires. Elles nécessitent des interventions répétées et ciblées ; leur impact est le plus souvent peu « prévisible » et aléatoire. Etant donné que la participation active des populations-cibles et leur changement de comportement est le moteur de la réussite de l’intervention, on assistera

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souvent à de grandes divergences entre « efficacité théorique de l’intervention » et son « efficacité opérationnelle ». Des inégalités socio-économiques dans l’adoption des comportements sécuritaires sont aussi observées53. Faire reposer des stratégies de prévention sur ces approches actives présente un risque de renforcement de ces inégalités. A ces stratégies actives peuvent aussi s’ajouter les stratégies de lobbying qui sont développées (par exemple au Québec[Bantuelle and Damestoy 1996]) pour influencer les décideurs à adopter des politiques publiques saines (modification de lois, modification de l’environnement physique, instauration de standards de sécurité des biens de consommation, etc.).

5.4.2.3 L’une OU l’autre approche ? L’une ET l’autre approche Bien plus qu’une opposition entre les deux approches, c’est une complémentarité qu’il faudrait y voir. Les « 4 E » des auteurs anglo-saxons54 nécessitent une approche combinée et complémentaire. MICHAUD en donne quelques exemples[Clarke and Walton 1979;Colver et al. 1982;Craft and Sibert 1977;Michaud 1992;Spiegel and Lindaman 1977]. Des stratégies passives développées sans prise de conscience de la part de la population et sans participation active poseraient immanquablement la question de la responsabilisation de chaque personne dans la prise en charge de la santé, de sa sécurité. Une loi « sécuritaire » n’aura d’impact que si elle est adoptée par le public-cible. Cette adoption nécessite le plus souvent un changement de comportement. Tout miser sur la modification des comportements humains serait d’une part hautement utopique et d’autre part revient à faire le constat que l’homme est le principal responsable de tous les traumatismes qui peuvent se présenter à lui (« blaming the victim »). Face à un jouet dangereux, est-il préférable d’apprendre aux parents à ne l’utiliser que sous surveillance et dans certaines situations ou faut-il promulguer une loi imposant aux fabricants des règles de sécurité maximales ? Légiférer est souvent perçu comme restriction de liberté et promotion d’une société d’interdits. Cette démarche peut à terme entraîner la résistance du public face à des mesures pourtant bénéfiques. Mais les lois ne visent pas spécifiquement les citoyens ; elles sont souvent là pour le protéger et visent souvent les producteurs de bien de consommation dont les principaux soucis ne sont pas toujours la sécurité des consommateurs.

53 nous l’avons montré dans le chapitre précédent traitant des déterminants des traumatismes. 54 « Environment, Engineering, Enforcement, Education » traduit par MANCIAUX[Manciaux 1996] par TELE (Technologie, Environnement, Législation et Education).

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Que le choix se porte vers l’une ou l’autre de ces stratégies ou plus adéquatement vers une synergie et une complémentarité entre ces différentes stratégies, la même rigueur dans la recherche des facteurs déterminants est indispensable :

o Le développement des mesures passives exige une parfaite maîtrise des facteurs environnementaux et des moyens techniques ou technologiques capables de lutter efficacement contre le problème.

o Le développement des mesures actives exige une parfaite connaissance de l’ensemble des facteurs qui interviennent à un moment ou l’autre dans le processus de changement ou d’adoption d’un comportement.

Une inquiétude doit rester présente à l’esprit : dans le chapitre traitant des déterminants des traumatismes, nous avons, comme d’autres auteurs, montré que l’adoption de certains comportements sécuritaires (port de la ceinture de sécurité par exemple) était significativement dépendant du niveau socio-économique des populations visées. Dans d’autres domaines de la santé, des interventions qui visent les connaissances et les changements de comportement ont des effets inéquitables dans la mesure où ils favorisent ceux qui en ont le moins besoin (lutte contre le tabagisme, dépistage du cancer du col, dépistage du cancer du sein). Ces réalités renforcent à nos yeux la nécessité de mettre en avant des mesures préventives des traumatismes et accidents qui, dans leur exécution et leurs résultats attendus, garantissent une équité optimale. On sait par exemple que les incendies, intoxications au monoxyde de carbone et les défenestrations font partie des « accidents domestiques de la pauvreté ». Développer des programmes de sensibilisation à destination de ces publics sans mesures passives (principales ou d’accompagnement) dont les objectifs seraient la pose de détecteurs de fumées, d’extincteur, la mise à disposition de dispositif de retenue à faible coût, l’obligation pour les propriétaires, architectes, de procéder aux aménagements nécessaires, etc. serait voué à l’échec et ne modifierait en rien l’importance du problème. Cette lutte permanente contre les inégalités sociales de santé doit évidemment être présente dans la prévention des accidents et traumatismes : le choix de stratégies préventives équitables (dont les stratégies passives) y concourt.

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5.4.3 Les limites de l’épidémiologie dans l’évaluation de ces approches

L’évaluation des mesures passives : Le développement de mesures passives de prévention des traumatismes aura le plus souvent pour objectif mesurable « à court ou moyen terme » la réduction de l’ampleur et de la gravité du problème. Ainsi, si une commune décide d’implanter des casses-vitesses aux abords des écoles suite à plusieurs accidents avec dommages corporels graves, il ne sera pas trop difficile au bout d’un an de juger de l’efficacité de la démarche préventive au moyen des statistiques d’accidents de la route, pour peu qu’on puisse contrôler adéquatement un certain nombre de variables potentiellement confondantes. On mesurera la mortalité/morbidité en terme d’incidence par exemple. Si une loi impose aux fabricants de produits ménagers toxiques la pose de bouchons de sécurité, et si l’on se donne les moyens de contrôler l’application de la loi, on devrait rapidement voir un impact sur la morbidité/mortalité par intoxication chez les enfants. C’est ce que certains auteurs anglo-saxons et canadiens caractérisent comme la « prévisibilité » des impacts des mesures de prévention passive [Direction Générale de la Santé Publique 1997]. C’est cette « prévisibilité » qui permet aussi de mesurer et ou prévoir l’aspect équitable de la plupart de ces approches passives. Par rapport à ces approches, l’épidémiologie et ses méthodes d’investigation, aidée si nécessaire par des mesures et analyses techniques sur l’adéquation des aménagements environnementaux réalisés, apporte toute satisfaction pour collecter les données et construire les indicateurs nécessaires à la mesure de l’atteinte des objectifs. L’évaluation des mesures actives : Les mesures actives visant l’amélioration des connaissances et l’adoption de certains comportements sécuritaires ont aussi pour finalité la réduction de l’importance des traumatismes. Mais l’atteinte de ces objectifs sera plus aléatoire et surtout moins rapide ; la tentation sera grande de mesurer plutôt des indicateurs intermédiaires à savoir la modification (ou l’une ou l’autre étape de la modification) des comportements à risque. Cette mesure peut être simple : on observe et compte le nombre d’individu qui adoptent ou n’adoptent pas le comportement visé (comptage du nombre de personnes qui portent la ceinture de sécurité à l’arrière d’un véhicule, comptage et description des utilisateurs de casque à vélo, etc.). Pour ce faire, les méthodes épidémiologiques seront adéquates et permettront notamment outre le comptage simple, de maîtriser un certain nombre de facteurs potentiellement confondants permettant de s’assurer que les changements observés sont bien en relation avec l’action ou les actions développées.

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Mais une mesure ou une perception plus fine ou plus ciblée de ces changements ou de l’une ou l’autre des variables intervenant dans ces changements nécessitera un cadre d’analyse spécifique et des méthodes et moyens d’investigations qui sortiront souvent du champ de l’épidémiologie. Dans un certain nombre de cas et, il faut l’espérer, à terme, dans la grande majorité des situations, les programmes de prévention des traumatismes et accidents qui sont (ou seront) développés le sont (ou devraient l’être) dans une perspective stratégique globale, travaillant notamment sur la complémentarité entre les différentes mesures. L’évaluation de pareilles stratégies et actions nécessite(ra) sans aucun doute de faire cohabiter ou de développer concomitamment diverses approches méthodologiques appartenant à différents champs techniques et scientifiques :

o L’épidémiologie est une discipline incontournable pour mesurer les changements qui interviendront dans l’importance du problème mais aussi dans la caractérisation des principaux facteurs de risque et changements d’exposition par rapport à ces risques.

o La sociologie et la psychosociologie feront appel aux modèles explicatifs des

mécanismes de changement ou d’adoption de comportement et permettront de mesurer les changements acquis dans cette démarche.

o Les domaines techniques comme l’ergonomie, l’architecture, l’ingénierie,

l’économie seront également nécessaires dans cette démarche évaluative. Ces différentes démarches devront pouvoir s’inscrire dans un cadre global commun.

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6 Un cadre de référence global : une priorité dans le champ des traumatismes

6.1 Introduction La matrice de HADDON que nous avons abordée préalablement permet de « découper » un événement traumatique dans ses différentes composantes et d’opérer un choix raisonné et ciblé parmi des interventions préventives avec des objectifs bien identifiés et des résultats attendus cohérents. Il reste que ce découpage est artificiel ; la survenue d’un traumatisme ne procède pas d’un découpage structuré mais plutôt de la conjonction de l’ensemble de ces différents éléments à un moment donné. Intégrer ces différents éléments après les avoir bien « compris » grâce à cette analyse matricielle est indispensable. Dans la démarche épidémiologique, même si une démarche de modélisation à plusieurs variables, telle que par exemple l’apport de CORNFIELD et de son modèle multilogistique, permet la prise en compte simultanée de plusieurs facteurs, on est encore très loin d’une étude en situation réelle. On va le plus souvent « découper » la réalité à étudier en de nombreuses études séparées qui vont chacune considérer que « tout est égal par ailleurs » ou que « on peut penser que l’environnement n’a pas changé » ou qui vont tenter de « contrôler » les modifications de l’environnement. C’est cette situation qui va notamment expliquer une partie de la différence entre l’efficacité théorique d’une intervention que l’on aurait mesurée dans une étude expérimentale et l’efficacité opérationnelle, c’est à dire une fois que l’intervention est plongée dans la « réalité globale ». Par exemple, la ceinture de sécurité, testée en laboratoire montre une très grande efficacité. En situation réelle, confrontée aux défauts de port, aux défauts techniques, aux comportements rebelles des conducteurs et passagers, aux autres réalités de la vie de tous les jours, l’efficacité opérationnelle c’est à dire l’impact sur la morbidité et la mortalité est bien moindre que ce que l’on aurait pu espérer au vu de l’efficacité théorique. Mais bien sûr, aucune approche ne peut prétendre étudier un phénomène dans sa globalité. Approche plus globale ne signifie pas approche « holistique ». Approche plus globale, à notre sens, signifie qu’il faut se doter des moyens, des méthodes, des

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disciplines qui permettent de compléter, d’appréhender une problématique de la façon la plus globale possible ou en tout cas en prenant en compte les disciplines, les aspects les plus importants dans la genèse du phénomène que l’on étudie. L’élaboration d’une représentation modélisée d’une situation ou d’un problème permet de visualiser cette nécessaire approche globale. Dans le champ des traumatismes, au-delà de l’importance considérable du vecteur (ou du véhicule), de l’environnement et de la source d’énergie, l’importance de l’individu et de son comportement est évident : vitesse au volant, agressivité, prise de médicament lors d’une tentative de suicide, absence de port de la ceinture de sécurité, prise de risque dans la pratique d’un sport, etc. en sont quelques exemples. De nombreuses approches préventives vont « travailler » sur ce comportement et tenter d’en modifier certains aspects. Face à de tels objectifs, une meilleure connaissance et compréhension des mécanismes qui conduisent à ces comportements particuliers ou qui permettent de mieux comprendre comment modifier ces comportements est essentielle. Dès lors, le recours à des domaines autres que la santé et autres que les méthodes épidémiologiques s’imposent. En effet, il ne s’agit pas de simplement donner un contenu social ou comportemental aux études épidémiologiques (ceci est une première étape que nous avons illustrée précédemment dans la mise en évidence des inégalités socio-économiques dans le comportement de port ou absence de port de la ceinture de sécurité) mais bien de donner aux sciences sociales et psychosociales une place indispensable dans la compréhension et la modélisation des changements de comportements. L’apport de ces approches complémentaires permet de répondre à des aspects spécifiques mais doit s’inscrire dans une perspective globale dont la finalité reste le plus souvent la résolution d’un problème de santé publique, et dans ce cas précis, un traumatisme. On imagine le peu d’intérêt d’une étude anthropologique ou sociologique sur le terrain (observation, étude de cas, focus group, etc.) qui serait complètement détachée d’une connaissance de l’environnement au sens large. Dans la partie qui suit, nous abordons le champ de la psychosociologie et commençons par la présentation de certains modèles comportementaux décrits dans la littérature et qui ont montré leur valeur prédictive. Ensuite, nous étudierons un exemple de modèle qui tente d’intégrer un certain nombre d’approches soulevées et présente une démarche globale : le modèle de GREEN. Enfin, nous terminerons ce chapitre en proposant une adaptation de ce modèle dans le champ des traumatismes au départ d’un exemple spécifique.

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6.2 Des modèles explicatifs des comportements

6.2.1 Introduction Les comportements individuels jouent un rôle très important dans l’occurrence des problèmes de santé en général et de l’événement traumatique en particulier. Modifier ces comportements dans l’optique d’une réduction de la fréquence ou de la gravité des traumatismes occupe une place majeure dans les stratégies de prévention active. Mais nombre d’initiatives ou d’actions visant la modification des comportements n’ont obtenu que de faibles résultats et même des résultats paradoxaux[Carlin et al. 1998;Chamot et al. 1995;Murray et al. 1984;Scaf-Klomp et al. 1997;Suls et al. 1986]. Plusieurs auteurs ont souligné que l’absence d’analyse détaillée des facteurs psychosociaux qui déterminent l’adoption ou non d’un comportement sont à l’origine d’un choix inapproprié des méthodes d’intervention ou des actions entreprises dans ces programmes [Godin 1991]. Les théories du comportement qui identifient les déterminants et les mécanismes par lesquels les déterminants influencent ce comportement sont un passage obligé pour procéder à un choix pertinent d’actions et de méthodes d’intervention. Ces théories ou modèles ne sont pas tous spécifiques du champ de la santé. Ils abordent le comportement des individus dans une perspective sociale en prenant en compte les interactions entre l’individu et son environnement social ; le comportement par rapport à la santé est vu comme tout autre comportement social. Ces théories mettent donc sur le même pied les processus qui expliquent pourquoi quelqu’un va boucler sa ceinture de sécurité et pourquoi il va acheter une voiture de couleur rouge ou il va voter « écolo » aux prochaines élections. Quels sont les principaux modèles ou théories psychosociales ayant un intérêt dans le champ du comportement par rapport à la santé. Nous allons nous intéresser aux 5 théories et modèles suivants :

o Le modèle des croyances relatives à la santé o Le modèle de l’apprentissage social o Le modèle de l’action raisonnée o Le modèle de l’action planifiée o La théorie des comportements interpersonnels

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6.2.2 Le modèle des croyances relatives à la santé ou Health Belief Model (HBM)

Ce modèle a été développé vers les années 1950 par des chercheurs qui tentaient d’expliquer l’utilisation par la population des services de santé [Rosenstock 1974;Rosenstock et al. 1988] Il a été utilisé par la suite dans diverses thématiques :

L’étude des déterminants psychosociaux du suivi prénatal tardif [Bluestein and Rutledge 1993]

L’utilisation de la mammographie [Hyman et al. 1994] Les programmes de prévention des maladies cardio-vasculaires [Mirotznik et al.

1995] Etc.

Ce modèle pose comme préalable qu’un individu peut décider d’adopter un comportement visant à prévenir une maladie ou une situation désagréable s’il :

o Possède des croyances minimales en matière de santé et concernant ce sujet o Considère la santé comme une composante importante de sa vie

La figure ci-dessous illustre le modèle.

Figure 26 : le modèle des croyances relatives à la santé (HBM). Source : d’après Raczynski et al[Raczynski and DiClemente 1999]

croyances

Variables démographiques (sexe, âge, etc.) et caractéristiques

personnelles

Perception de sa vulnérabilité

Perception de la sévérité des conséquences

Perception des menaces engendrées par l’apparition du problème de santé ou

ses complications

Perception des menaces engendrées par l’apparition du problème de santé ou

ses complications

Perception des bénéficesde l’action préventive

Perception des coûts de l’action préventive

Croyance en l’efficacité de l’action à entreprendre

Probabilité d’entreprendrel’action recommandée

Probabilité d’entreprendrel’action recommandéeIncitation à l’action:

•Radio, TV, journaux, etc.•Conseil des autres•Maladie d’un proche•Avis des professionnels

Incitation à l’action:•Radio, TV, journaux, etc.•Conseil des autres•Maladie d’un proche•Avis des professionnels

Health Belief Model

Influence de l’environnement

Ce modèle identifie donc des déterminants principaux de la « décision d’agir », à savoir :

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La perception des menaces personnelles liées à l’apparition du problème (le risque perçu)

La croyance en l’efficacité de l’action à entreprendre La perception des coûts / coûts sociaux / barrières diverses

La perception de la menace peut se définir par deux notions :

d’une part la perception de sa propre vulnérabilité au problème de santé d’autre part la perception de la sévérité des conséquences s’il n’adopte pas le

comportement. Ce sont ces deux aspects qui guideront la décision d’agir ou de ne pas agir.

La croyance en l’efficacité de la mesure va reposer :

sur la perception des avantages s’il réalise l’action demandée sur la perception des désavantages (du coût) que cela représente pour lui.

Cette croyance guidera le choix de l’une ou l’autre action. Au-delà de ces déterminants directs, plusieurs variables démographiques (âge, sexe, etc.) et psychosociales (catégorie sociale, profession, niveau d’éducation, etc.) vont influencer la perception des différentes menaces et croyances qui viennent d’être décrites. Ce modèle utilisé seul présente certains désavantages ou certaines restrictions dans le champ de la réflexion:

Il repose essentiellement sur les croyances dans le domaine de la santé sans considérer les autres motifs associés aux comportements : ainsi par exemple, parmi toutes les personnes qui respectent les limitations de vitesse sur la route, certaines le font par peur d’un accident mais beaucoup d’autres le font par souci d’économie (consommation plus faible de carburant) ou pour éviter les procès verbaux.

Les croyances sont difficiles à modifier rendant ce modèle peu opérationnel sur

le court et le moyen terme

Il focalise la plus grande partie des responsabilités dans la prise de décision, sur l’individu, et dès lors favorise ce que classiquement l’on appelle le « blaming the victim » c’est à dire « faire porter par la personne qui vient d’être victime du problème, la plus grande partie de la responsabilité de sa survenue ».

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6.2.3 Le modèle de l’apprentissage social Ce modèle, encore appelée « théorie sociale cognitive » (social cognitive or learning theory), a été proposé par BANDURA en 1986 [Bandura 1986]. Selon l’auteur, les différences entre individus dans la façon d’emprunter un comportement particulier s’expliquent en grande partie par deux croyances : • La croyance en l’efficacité du comportement pour obtenir le résultat désiré c’est à

dire le degré de conviction d’une personne face à l’adoption d’un comportement donné (est-ce que le comportement provoquera le résultat escompté ?)

• La croyance en l’efficacité personnelle c’est à dire jusqu’à quel point la personne est convaincue de réussir à adopter le comportement requis pour obtenir le résultat escompté ?

La croyance en l’efficacité du comportement : la ceinture de sécurité : efficace ou non ? la décision et donc la croyance en l’efficacité de boucler sa ceinture reposera essentiellement sur quatre mécanismes :

L’expérience directe et personnelle quant aux effets du comportement : une personne victime d’un accident et dont la ceinture a évité des lésions importantes sera plus encline à adopter le comportement par la suite qu’une personne victime d’un accident de la route et chez qui la ceinture est restée bloquée et l’a empêchée de quitter la voiture juste après le « crash ».

Les expériences indirectes via des modèles, d’autres personnes, des écrits, des films, des publicités, des magazines, etc.55 qui favoriseront une anticipation positive du comportement.

Les avis portés par d’autres personnes plus ou moins influentes. Citons par exemple les autorités religieuses, sectaires qui peuvent avoir des influences importantes sur l’adoption de certains comportements : le plus bel exemple est probablement l’utilisation du préservatif par des populations lourdement soumises au poids de l’Eglise.

Les représentations mentales de l’objectif du comportement ou des conséquences du comportement

La croyance en l’efficacité personnelle : a notamment été étudiée dans les programmes d’arrêt du tabagisme [DiClemente et al. 1991]. Cette croyance va trouver « ses arguments » :

Dans l’expérience personnelle Dans l’expérience indirecte des modèles et autres médias (TV,etc.) Etc.

55 L’importance de ces expériences indirectes dans l’adoption du comportement va être très variable selon les individus : l’influence des publicités sur l’achat de tel ou tel produit en est un bel exemple ; ceci est évidemment très important dans les stratégies de type marketing social.

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La perception de son auto-efficacité va déterminer le choix de l’action à mener, l’effort que la personne est prête à y investir et la persévérance dans cet effort notamment face aux difficultés rencontrées. La figure suivante illustre le modèle.

Figure 27 : le modèle de l'apprentissage social ou théorie sociale cognitive. Source : d’après RACZYNSKI et al[Raczynski and DiClemente 1999].

Théorie sociale cognitive

ComportementComportement

Croyance en l’efficacité du comportement pour

obtenir le résultat

Croyance en l’efficacité du comportement pour

obtenir le résultat

Croyance en l’efficacité personnelle dans l’adoption

d’un comportement

Croyance en l’efficacité personnelle dans l’adoption

d’un comportement

Environnement social

Ce modèle montre tout l’intérêt qu’il y a dans le domaine de l’intervention, à obtenir un maximum d’informations sur la perception qu’ont les individus de leur capacité / compétence personnelle face à l’adoption d’un certain comportement.

6.2.4 La théorie de l’action raisonnée Cette théorie, modélisée à la figure suivante et proposée par AJZEN et FISHBEIN en 1980 [Ajzen and Fishbein 1980], montre que le déterminant direct du comportement est l’INTENTION (la conscience de faire quelque chose) . Cette intention est fonction de 2 autres variables :

L’attitude (positive ou négative) à l’égard du comportement Les normes subjectives c’est à dire l’importance que la personne accorde à

l’opinion des gens qui lui sont proches dont l’effet sur l’intention sera de type « additif ».

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L’attitude dépend de deux facteurs : ✎ Les croyances quant aux conséquences que le comportement va produire ✎ L’évaluation de ce résultat (positif ou négatif) dont les effets sont « de type multiplicatif ». Les normes subjectives sont elles-même sous la dépendance de 2 autres facteurs : ✎ Ce que les référents pensent qu’il faudrait faire ✎ Comment la personne veut répondre à ces attentes c’est à dire la perception de « l’attente sociale » ; dont les effets sont aussi « de type multiplicatif »[Godin 1996].

Figure 28 : le modèle de l'action raisonnée. Source : RACZYNSKI et al[Raczynski and DiClemente 1999]

Théorie de l’action raisonnée

ComportementComportement

Attitude à l’égard du comportement

Attitude à l’égard du comportement

intention

Normes subjectivesNormes

subjectives

Croyance quant aux conséquences d’adopter le comportement

Évaluation des conséquencesd’adopter le comportement

Croyances relative aux normes(que pensent les personnes influentes

que je connais)

Motivation à agir dans le sens exprimé par ces personnesVa

riab

les

exte

rnes

(âg

e, s

exe,

soc

io-é

co, re

ligion,

etc.

)

En fonction du comportement attendu c’est plutôt la composante attitude qui va déterminer l’intention ; pour d’autres c’est la composante « normative » qui sera prépondérante. Les variables dites externes (âge, sexe, éducation, etc.) n’interviendraient pas directement sur l’intention et sur le comportement mais bien au travers des autres variables (croyances, motivation, etc.).

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Ce modèle est uniquement approprié pour tenter d’expliquer les comportements qui sont entièrement sous le contrôle de la personne. Or pour de nombreux comportements en relation avec la santé, ceci n’est pas le cas. Les comportements qui, par exemple, sont adoptés depuis longtemps deviennent des « automatismes » et sortent de « l’action raisonnée ». Par contre le modèle semble assez intéressant lorsque l’on s’intéresse à de nouveaux comportements, à de nouvelles pratiques qui peuvent par la suite devenir routinières.

6.2.5 Théorie de l’action (comportement) planifiée Cette théorie développée également par AJZEN, [Ajzen 1991] ajoute au modèle précédent un troisième concept lié à la perception qu’a l’individu de son contrôle sur le comportement à venir.

Figure 29 : théorie du comportement planifié. Source : d’après AJZEN [Ajzen 1991]

Théorie de l’action planifiée

ComportementComportement

Attitude à l’égard du comportement

Attitude à l’égard du comportement

intention

Normes subjectivesNormes

subjectives

Croyance quant aux conséquences d’adopter le comportement

Évaluation des conséquencesd’adopter le comportement

Croyances relative aux normes(que pensent les personnes influentes

que je connais)

Motivation à agir dans le sens exprimé par ces personnesVa

riab

les

exte

rnes

(âg

e, s

exe,

soc

io-é

co, re

ligion,

etc.

)

Perception de contrôle sur le comportement

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Ce modèle (et cette théorie) propose que l’intention d’adopter un comportement et la perception du contrôle que l’on peut avoir sur ce comportement seraient de bons prédicteurs du comportement.

6.2.6 Théorie des comportements interpersonnels Cette théorie proposée par TRIANDIS [Triandis 1977] est assez proche de la théorie de l’action raisonnée [Valois et al. 1988]. Une des différences importantes est que dans le modèle de l’action raisonnée, tout comportement observé est réalisé à la suite d’une analyse systématique et consciente ; l’intention comportementale est le seul facteur pouvant prédire l’adoption ou non d’un comportement. Par contre, dans la théorie des comportements interpersonnels, l’auteur insiste sur le fait que tous les comportements ne sont pas sous le contrôle direct de la volonté et que l’HABITUDE est un facteur de prédiction au même titre que l’intention. Cette théorie propose que tout comportement résulte de trois facteurs : la force de l’habitude, l’intention d’emprunter le comportement et la présence de conditions qui facilitent ou nuisent à l’adoption du comportement. La figure suivante illustre ce modèle.

Figure 30 : théorie des relations interpersonnelles. Source : d’après TRIANDIS[Triandis 1977]

Théorie des relations interpersonnelles

ComportementComportement

intentionsintentions

Habitudes Habitudes

Variab

les

exte

rnes

(h

isto

ire,

soc

io é

con,

cultu

re,

pers

onna

lité,

etc

.)

Conditions Facilitant l’action

Attitudes

Normes morales

Connaissances

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Le poids respectif de l’habitude ou de l’intention va évidemment dépendre du caractère novateur du comportement. Un exemple classique est celui du bouclage de la ceinture de sécurité qui, dans un premier temps procède surtout de l’intention de boucler sa ceinture et qui, par la suite devient une habitude (c’est à dire une action quasi automatique). L’intention d’adopter le comportement est d’après l’auteur, et comme dans le modèle de l’action raisonnée, déterminée par différents facteurs qui sont notamment une connaissance raisonnée des avantages et inconvénients de l’adoption du comportement, les normes morales en relation avec ce comportement. Mots-clés de ces modèles :

Tableau 40 : caractéristique principale de chaque modèle théorique de changement de comportement

La caractéristique principale de chaque modèle

Perception du contrôleThéorie du comportement planifié (AJZEN)

Intention + habitudeThéorie des comportements interpersonnels (TRIANDIS)

IntentionThéorie de l’action raisonnée (AJZEN & FISHBEIN)

efficacité personnelleThéorie sociale cognitive (BANDURA)

Menace perçueCroyances relatives à la santé (HBM)

Caractéristique la plus importante

Théorie et/ou Modèle

6.2.7 Les stades du changement de comportement Au-delà des modèles et/ou théories explicatives des comportements, des modèles ont été développés pour décrire les étapes suivies dans l’adoption d’un comportement. Nous prenons pour exemple « les stades de l’adoption d’un comportement » (The transtheoretical model of change) de PROCHASKA et DICLEMENTE [Prochaska and DiClemente 1983;Prochaska and DiClemente 1986] qui a notamment été utilisé dans les approches préventives du tabagisme.

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Il se justifie par le fait que les bénéficiaires de programmes de sensibilisation, d’éducation à la santé, de prévention n’ont pas tous le même souhait de modifier leur comportement ; certains sont prêts, d’autres n’ont que peu entendu parlé du problème, d’autres encore ne mesurent pas l’intérêt de pareils changements, etc. Face à cette diversité du public-cible, les auteurs insistent sur différents points : ✎ L’adoption d’un comportement est un processus plutôt qu’un événement « isolé » ✎ En fonction notamment de leur « motivation », les individus sont à des étapes

différentes le long d’un « continuum » du changement ✎ Des stratégies d’intervention spécifiques doivent être adaptées à ces différentes

étapes et donc à l’égard de ces différents bénéficiaires. Les différentes étapes décrites (voir figure ci-dessous)sont les suivantes :

Stade de précontemplation : c’est l’étape où l’individu n’est pas prêt au changement à court ou moyen terme (6 mois). Les raisons peuvent en être une absence ou une sous-information ou une résistance délibérée au changement de comportement.

Stade de contemplation : l’individu pense qu’il va changer son comportement. C’est

l’étape où la personne pense sérieusement à changer car il réalise que son comportement actuel peut poser un problème par rapport à sa santé. Le manque d’information ou une surestimation des désavantages du nouveau comportement l’empêche de passer à l’étape suivante.

Stade de préparation : l’individu va changer de comportement à très court terme. Il

fait déjà quelques tentatives (boucle sa ceinture de temps en temps, etc.) et « analyse » les résultats de ces tentatives.

Stade de l’action : c’est l’adoption du nouveau comportement de façon

« systématique »

Stade du maintien du comportement : c’est le stade qui fait suite à plus ou moins 5-6 mois d’adoption systématique du comportement. Les efforts que doit faire l’individu pour maintenir ce comportement sont marginaux pour certains comportement, restent important pour d’autres (tabagisme par exemple) et les bénéfices sont positivés.

La progression entre ces différentes étapes n’est pas linéaire et de nombreux aller-retour sont possibles. Les processus qui expliquent les passages d’un stade à l’autre font référence aux différents modèles théoriques que nous avons abordé précédemment.

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Ce modèle a été largement utilisé dans le champ de la prévention : programme d’arrêt du tabagisme, adoption d’une alimentation faible en matière grasse, utilisation du préservatif, etc. [Raczynski and DiClemente 1999]

Figure 31 : le « Transtheoretical model of change » (TMC). Source : d’après PROCHASKA[Prochaska and DiClemente 1983]

Stades du changement de comportement

Stade de précontemplation

Stade de l’action Stade de

préparation

Stade de contemplation

Stade du maintien

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Quelques conclusions sur les modèles théoriques : Les différents modèles théoriques que nous venons de sommairement présenter sont d’un grand intérêt dans le champ de la santé ; leurs multiples applications dans le champ de la promotion de la santé et de la prévention en montre l’intérêt. Ils permettent notamment de comprendre pourquoi certaines actions pourtant bien planifiées et bien exécutées n’ont eu que de faibles résultats ou parfois des résultats contradictoires. Prenons pour exemple un programme de prévention des traumatismes chez les cyclistes par la promotion du port du casque : si ce programme repose uniquement sur des campagnes de sensibilisation au port du casque, c’est à dire visant les « attitudes » par rapport au comportement, il y a fort à parier que les bénéfices seront assez limités étant donné que ni les risques perçus, ni les habitudes, ni les normes n’auront été ciblés et n’auront été modifiés; or on peut en les plaçant sur un modèle théorique voir le rôle important que peuvent jouer ces facteurs expliquant ainsi le succès relatif ou l’absence de succès des campagnes de sensibilisation. Dans le champ des traumatismes on retrouve assez peu l’usage de ces modèles. Ils sont pourtant aussi indispensables lorsque les stratégies, programmes ou actions visent une modification du comportement des individus. Mais cet intérêt n’a de sens à nos yeux que s’il s’inscrit dans une démarche globale où la compréhension des différents aspects du comportement n’est qu’un aspect d’une problématique plus globale. D’ailleurs dans nombre des modèles théoriques, les « variables ou facteurs externes » sont identifiés comme pouvant largement influencer les différents facteurs « moteurs » du comportement ou du changement de comportement. Intégrer les acquis des théories comportementales dans un modèle global est une priorité aussi dans le champ des traumatismes. Un modèle global permettant une approche diagnostique détaillée ainsi qu’une planification ciblée des interventions et programmes est présenté au chapitre suivant.

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6.3 Un exemple d’approche globale : le modèle de GREEN

6.3.1 Introduction Dans les pages qui précèdent nous avons eu l’occasion de documenter et illustrer le rôle important de l’épidémiologie dans la quantification d’un problème de santé, dans la recherche des principaux déterminants et dans la démarche évaluative. Nous avons également montré l’importance de la prise en compte des modèles de changement de comportement qui permettent de mieux comprendre l’ensemble des facteurs (et leurs relations) qui interviennent et peuvent tenter d’expliquer pourquoi certains comportements sont adoptés par une part de la population et pourquoi ils ne le sont pas par les autres. Nous avons également soulevé l’importance des facteurs environnementaux dans l’occurrence des traumatismes. Toute cette démarche qui vise à mieux comprendre les phénomènes qui expliquent l’émergence des accidents et traumatismes n’a de sens que si l’on souhaite y remédier c’est à dire si l’on souhaite par un moyen ou un autre lutter contre le problème et diminuer son importance notamment en terme de mortalité, morbidité, handicap et amélioration du bien-être. Dans cette perspective, deux constats méritent d’être mis en avant :

Le diagnostic de situation et la planification d’intervention (y inclus l’évaluation) sont étroitement liés. Les interventions ne seront cohérentes et pertinentes que si elles visent des objectifs en adéquation avec les constats dressés et leur vulnérabilité.

Une approche globale s’impose : en effet, la santé est déterminée par des conditions

multiples qui sont en interactions. Il est indispensable de prendre en compte cet aspect multidimensionnel dans les programmes et interventions.

Une approche intéressante a été développée par GREEN et KREUTER et publiée en 1991 « Health promotion planning : an educational and environmental approach » [Green and Kreuter 1991]. Il s’agit d’un modèle de diagnostic et de planification qui intègre les différentes dimensions qui agissent sur la santé et qui interagissent entre elles.

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Nous l’avons montré préalablement, la plupart des traumatismes sont le résultat de l’intervention de très nombreux facteurs. Le développement de programmes de prévention de ces accidents et traumatismes doit avant tout reposer sur un diagnostic de situation permettant de cibler au mieux les actions les plus pertinentes et les objectifs les plus réalistes. Certains auteurs n ‘hésitent pas à identifier comme raison principale et majeure de l’échec de bon nombre d’interventions et de programmes de prévention, l’absence d’une planification adéquate[Kok 1993]. Cette planification adéquate repose sur un diagnostic de situation détaillé, diagnostic focalisant son attention sur l’ensemble des facteurs qui à un moment ou un autre, vont intervenir dans le processus de survenue d’un événement traumatique. L’intérêt d’un modèle global comme celui de GREEN est de procéder de façon systématique et rigoureuse à une analyse détaillée des facteurs au cours de différentes étapes. Cette analyse détaillée permet alors de faire un choix argumenté de priorités qui seront traduites en objectifs et actions de prévention. Dans les lignes qui suivent nous allons présenter les grandes lignes de ce modèle. Nous renvoyons les lecteurs intéressés vers les publications de GREEN[Green and Kreuter 1991] pour une analyse plus détaillée.

6.3.2 Principaux aspects du modèle Le modèle de GREEN encore appelé modèle « PRECEDE – PROCEED » est un méta-modèle de diagnostic et de planification adaptable aux différentes situations étudiées et pouvant intégrer d’autres modèles par rapport à des thématiques ou situations particulières. L’acronyme PRECEDE signifie « Predisposing, Reinforcing and Enabling Constructs in Educational/Environmental Diagnosis and Evaluation » c’est à dire « les facteurs prédisposants, facilitants et de renforcement identifiés par le diagnostic éducationnel et environnemental et de l’évaluation de ce diagnostic ». L’acronyme PROCEED signifie quant à lui « Policy, Regulatory and Organizational Constructs in Educational and Environmental Development » càd « Politiques, réglementations et organisations dans le développement éducationnel et environnemental ». Le schéma ci-après présente le modèle dans sa globalité.

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Figure 32 : modèle PRECEDE-PROCEED. D’après GREEN, adapté par PIETTE,D. et LEVEQUE,A.

Modèle de planification de Green : modèle PRECEDE-PROCEED

Facteurs facilitants

Facteurs de renforcement

Facteursprédisposants

environnement

Comportementet modes de vie

santé Qualité de vie

Éléments d’éducation

Politiques / réglementationorganisations

Les composantes du programme de

promotion

Les étapes du diagnostic

Épidémiologique et social

comportemental et

environnemental

Educationnel Administratif et politique

<--

--M

ise

en œ

uvr

e --

-

--- Évaluation du processus-

---Évaluation des résultats -

--- Évaluation des effets-

Les étapes de l’évaluation

Facteurs non modifiables (génétique)

Nous nous intéressons plus spécifiquement aux différentes étapes du diagnostic, c’est à dire à la partie PRECEDE du modèle. Il doit nous permettre d’approcher avec rigueur et exhaustivité le diagnostic de situation en combinant des champs méthodologiques différents et dans une optique d’intervention. Le modèle dans son approche diagnostique GREEN distingue différentes étapes au diagnostic de situation :

Les diagnostics social et épidémiologique Les diagnostics comportemental et environnemental

Le diagnostic éducationnel

Les diagnostics administratif et politique

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Nous passons en revue les aspects principaux de ces différents diagnostics.

Les diagnostics social et épidémiologique Cette étape a pour objet l’évaluation des principaux besoins d’une population. Le diagnostic reposera sur un ensemble de données médicales, épidémiologiques, sociales et économiques et permettra l’identification des principaux problèmes de santé. On cherchera à construire des indicateurs sur base des chiffres de mortalité, de morbidité, d’incidence et de prévalence du problème. Lorsque les données sont disponibles, ce diagnostic pourra être plus social et cherchera aussi à déterminer les préoccupations des populations par rapport à la qualité de la vie, au bien-être. Cette étape est capitale car elle sera le point de départ du reste du diagnostic ; en effet, si un problème soulevé après un événement anecdotique ne se révèle pas suffisamment important ou prioritaire, le diagnostic pourra s’arrêter là et ne pas entraîner d’analyse plus détaillée. Capitale aussi car il reste indiscutable que la finalité même de la grande majorité des interventions entreprises dans le champ de la prévention des problèmes de santé en général et des traumatismes en particulier sera la réduction du problème ; le bénéfice en termes d’amélioration des conditions de vie, du bien-être n’interviendra qu’en seconde intention. Cette étape de diagnostic épidémiologique est dès lors capitale puisqu’elle sera le plus souvent le « référentiel » lors des démarches d’évaluation d’impact. Enfin, c’est cette étape diagnostique qui permettra de formuler par rapport au problème prioritaire identifié, des objectifs d’impact mesurables et réalistes.

Les diagnostics comportemental et environnemental L’objet de ce diagnostic est la mise en évidence, pour le problème de santé identifié, des facteurs comportementaux (c’est à dire des facteurs « dirigés » vers l’individu), des facteurs environnementaux (c’est à dire « extérieurs » à la personne) et des facteurs génétiques (ou non modifiables) qui déterminent l’occurrence du problème. Ce diagnostic permet de constituer un « listing » le plus exhaustif possible des facteurs environnementaux (environnement physique, social, économique) et des facteurs comportementaux pour lesquels des relations d’association avec l’événement traumatique étudié ont été mises en évidence. Dans le champ des traumatismes, cette étape est évidemment très importante dans la mesure où l’on sait le rôle important joué par les facteurs environnementaux dans l’émergence des événements traumatiques mais dans la mesure aussi où ces deux principaux groupes de « déterminants » (environnementaux et comportementaux) correspondent à des choix stratégiques très différents dans les approches de

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prévention. En effet, et nous rappelons ce que nous avons illustré précédemment, les approches préventives dans le champ des traumatismes sont souvent opposées entre stratégies actives dont l’objet est la modification d’un comportement à risque et stratégies passives qui visent à modifier l’environnement, indépendamment du comportement de l’individu, de façon à le rendre plus sécuritaire. On comprend dès lors l’importance qu’il y a, en phase diagnostique à faire une distinction nette entre ces deux groupes de facteurs. Ces diagnostics comportemental et environnemental doivent permettre, dans une perspective d’action, de déterminer quels sont les facteurs les plus à même d’être modifiés. C’est sur ce choix que va se construire la suite du diagnostic.

Le diagnostic éducationnel Cette étape du diagnostic vise à identifier les facteurs qui doivent être modifiés pour qu’un changement comportemental ou environnemental soit instauré. Il passe par l’identification de facteurs qui seront regroupés en trois catégories :

o Les facteurs prédisposants o Les facteurs facilitants o Les facteurs de renforcement

Les facteurs prédisposants : Il s’agit de facteurs qui sont antérieurs au comportement et qui assurent la cohérence et le « rationnel » de ce comportement. Il s’agit principalement :

Des connaissances : il apparaît qu’une connaissance minimale du problème de santé est nécessaire pour envisager un changement de comportement par rapport au problème. Une amélioration jusqu’à un certain niveau de connaissance sera nécessaire mais il apparaît qu’au-delà d’un certain seuil, le bénéfice d’informations additionnelles est proche de zéro.

Des croyances : c’est à dire la conviction que l’on a que le comportement, le phénomène, l’objet est réel. Le modèle théorique vu précédemment : le « Health Belief Model » repose sur ces croyances.

Des valeurs : celles-ci font référence au « bon » ou au « mauvais » dans le choix de comportement ; elles sont intimement liées aux groupes sociaux, familiaux, ethniques. Elles font référence à la morale, à l’éthique.

Des attitudes : prédisposition, sensation dirigée vers une situation, un objet particulier. Ces attitudes intègrent certaines notions telles que les croyances, les valeurs, les intentions.

De l’efficacité personnelle : c’est à dire de la perception qu’à l’individu de sa capacité personnelle à mettre en œuvre un certain comportement.

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De l’intention comportementale : volonté délibérée et raisonnée d’adopter un comportement ; ceci renvoie vers un modèle théorique vu auparavant qui est la théorie de l’action raisonnée de (FISHBEIN et AJZEN).

Des facteurs démographiques : âge, sexe, situation socio-économique, etc. qui seront souvent peu ou pas modifiables et qui serviront avant tout à « construire des sous-groupes »

Les facteurs facilitants (ou potentialisants) : Il s’agit de facteurs qui sont eux aussi antérieurs au comportement et qui en facilitent la réalisation. On distinguera classiquement : les aptitudes, les caractéristiques de l’environnement physique.

Des aptitudes : c’est à dire de sa capacité personnelle à maîtriser, à accomplir l’action, le comportement souhaité.

Des caractéristiques environnementales : il s’agit ici des caractéristiques de disponibilité, d’accessibilité, de coûts modérés, etc. par rapport à un bien de consommation qui serait par exemple nécessaire à l’adoption d’un comportement sécuritaire (l’achat de matériel de protection pour la pratique du roller, etc.)

Les facteurs de renforcement : Il s’agit de facteurs postérieurs au comportement et qui constituent « l’incitatif » ou « la récompense » (positive ou négative) au comportement adopté. Ils contribuent donc à son maintien, à sa répétition (ou à son élimination). On identifie :

Le soutien social, familial L’influence des pairs Les réactions des professionnels de la santé Les conséquences physiques du comportement (bien-être, douleur, etc.).

Les diagnostics administratif et politique Cette étape doit permettre, par une analyse des contextes politiques, légaux, administratifs, gestionnaires, etc. d’identifier les problèmes, contraintes, obstacles qui pourraient influer sur la traduction opérationnelle des choix prioritaires qui ont été fait dans les étapes précédentes. On doit, sur base de ce diagnostic politico-administratif et sur base de l’identification des contraintes et conditions favorables (ou défavorables), définir les stratégies d’action, les ressources nécessaires pour la mise en œuvre.

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Les points forts de ce modèle global : Une approche globale : La grande majorité des traumatismes trouvent leur origine dans la conjonction d’un nombre important de facteurs ayant une influence plus ou moins prépondérante sur leur occurrence. Découper l’événement traumatique comme le permet la matrice de Haddon est une étape intéressante dans la démarche de compréhension de l’événement traumatique et dans la perspective de focaliser les actions sur l’une ou l’autre de ces composantes. Mais il est évidemment indispensable aussi de voir comment tous ces facteurs sont en interrelation. Les stratégies préventives seront souvent « mixtes » : elles auront des objectifs visant différents facteurs tantôt liés au comportement, tantôt en lien avec l’environnement physique, tantôt en relation avec l’environnement socio-économique. Leur complémentarité et leur intégration sera facilitée par une étape de modélisation. Le modèle de GREEN permet cette approche globale. Une souplesse d’usage: Ce modèle est d’une grande « souplesse » : on peut y ajouter différentes composantes, différents sous-modèles sans remettre en question la pertinence de la démarche. Cet aspect est très important dans l’étude des traumatismes dans la mesure où, sous ce vocable très général, on regroupe des situations, des problématiques extrêmement diverses : suicide, accident de la route, homicide, chute chez les personnes âgées, traumatisme lors d’activités sportives, etc. Il est évident qu’un seul modèle ne peut répondre à l’ensemble des situations et problèmes à étudier. Une recherche de complétude : Un des principaux intérêts de ce modèle est, à nos yeux, « l’obligation » qu’il donne aux professionnels quelle que soit leur spécialité, d’identifier de façon exhaustive les facteurs qui interviennent dans l’occurrence du problème étudié. Si les ingénieurs se contentent de mesurer le bénéfice du système de freinage ABS en l’exprimant en « mètres gagnés sur la distance de freinage », on oublierait que des propriétaires de voitures munies de ce système modifient leur vitesse de conduite et augmentent donc le risque de traumatisme. Ce modèle permet de faire « cohabiter » sous le même cadre global, des secteurs et spécialités différents travaillant avec la même finalité à savoir la diminution de l’occurrence du problème traumatique et sa gravité. Une identification des besoins en informations : L’exercice qu’impose ce modèle a notamment le mérite de mettre clairement en avant les besoins en informations quantitative et qualitative et dès lors permet de « mettre le doigt » sur les informations non disponibles et/ou non utilisables. Des priorités de recherche peuvent ainsi être identifiées.

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Une précision des objectifs d’intervention : Obligeant à dresser un diagnostic précis et détaillé, il permet de cibler les facteurs sur lesquels l’intervention ou les interventions vont porter et les facteurs qui devront être contrôlés. Une qualité de l’évaluation : La précision dans les objectifs de l’intervention permettra aussi des développer des procédures d’évaluation précises en adéquation avec les objectifs visés et les facteurs réellement ciblés. Les points faibles de ce modèle global dans le champ qui nous occupe: Un modèle de planification plutôt qu’un modèle explicatif : Le modèle PRECEDE/PROCEED est avant tout un modèle de planification et non un modèle explicatif. Dès lors, et ceci est particulièrement évident lorsque l’on s’intéresse au diagnostic éducationnel, il n’explicite pas les relations existantes entre les trois groupes de facteurs que sont les facteurs prédisposants, les facteurs facilitants et les facteurs de renforcement. Il nous paraît intéressant de réfléchir à un rapprochement entre le modèle de GREEN et certains modèles théoriques des comportements. Une faiblesse dans la chronologie des changements de comportement : La succession des étapes qui mènent à un changement de comportement n’est pas explicitée dans le temps. La seule différence entre facteurs antérieurs au comportement (facteurs prédisposants et facteurs facilitants) et facteurs postérieurs au comportement (facteurs de renforcement) n’est pas suffisante lorsque l’on souhaite traduire le diagnostic en démarche opérationnelle. Si l’on se réfère au modèle de PROSCHASKA sur les étapes du changement de comportement, on se rend compte qu’au fur et à mesure de la chronologie du changement, les facteurs spécifiques sur lesquels les actions doivent se focaliser peuvent changer. Le modèle de GREEN ne permet pas de prendre suffisamment en compte cette dynamique. Une lisibilité à améliorer : Le modèle tel qu’il est décrit et schématisé ne fait pas ressortir de façon suffisamment explicite les aspects du diagnostic éducationnel qui concerne les variables

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environnementales. En effet, pour ces dernières, seuls les facteurs « facilitants » sont pris en compte. On pourrait avantageusement, sur base de la matrice de HADDON, y distinguer des facteurs intervenant à des moments différents correspondants aux trois phases temporelles de la matrice. On aurait ainsi des facteurs « pré-événement » (ou facteurs qui influencent la survenue de l’événement), des facteurs « événement » (ou facteurs qui influencent positivement ou négativement le transfert d’énergie au moment de l’événement) et des facteurs « post événement » (ou facteurs qui favorisent positivement ou négativement les conséquences de ce transfert d’énergie). Cette distinction nous paraît importante dans la perspective d’une traduction opérationnelle qui peut prendre des formes très différentes selon que l’on décide d’intervenir sur l’un ou l’autre de ces différents aspects. Ces constats nous poussent à proposer une approche modélisée plus adaptée au champ des traumatismes.

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6.4 Une adaptation au champ des traumatismes Nous venons de soulever les points forts du modèle de GREEN : globalité, précision, adaptabilité, diagnostic détaillé, objectifs précis, évaluation objective, etc. Les points faibles nous amènent à proposer certains aménagements permettant de rendre ce modèle plus adapté au champ des traumatismes. Mais cette adaptation doit se concevoir en tenant compte de la thématique spécifique abordée. En effet, les modèles d’analyse de la problématique du suicide ne sont en rien comparable à ceux qui permettent d’appréhender les accidents domestiques, la prise de risque au volant ou les homicides. De plus, les modèles explicatifs ne sont pas forcément les mêmes que les modèles de planification d’un changement de comportement. Nous proposons une adaptation du modèle global pour la thématique des traumatismes de la route chez les jeunes et jeunes conducteurs en ciblant le port de la ceinture de sécurité comme moyen de prévention. La ceinture de sécurité est une mesure de prévention secondaire c’est à dire qu’elle montre son efficacité lors de l’événement « accident » en retenant l’individu sur son siège et en limitant les échanges d’énergie entre la personne accidentée et l’habitacle de la voiture (tableau de bord, siège avant, etc.). Il s’agit d’une mesure qui est parfois passive (dans les véhicules où le bouclage de la ceinture est automatique et non dépendant de la volonté du passager) mais le plus souvent (et quasi toujours dans les véhicules européens) active puisque c’est l’individu lui-même qui doit décider de boucler ou non sa ceinture. Le port de la ceinture de sécurité (à l’avant ou à l’arrière d’un véhicule) est un comportement qui est loin d’être systématique[Leveque et al. 2001c] ; il est donc intéressant de savoir : ✎ Quels sont les facteurs qui expliquent pourquoi quelqu’un porte systématiquement sa

ceinture ? ✎ Quels sont les facteurs qui expliquent pourquoi quelqu’un ne porte pas

systématiquement sa ceinture ? ✎ Quels sont les facteurs qu’il faut influencer pour modifier ce comportement d’

« absence de port systématique » vers un comportement de « port systématique » de la ceinture de sécurité ?

Une analyse partielle selon le modèle de GREEN pourrait s’illustrer par le graphique suivant. On y relève un certain nombre de facteurs (prédisposants, facilitants, de renforcement) ainsi que quelques exemples de facteurs en relation avec l’environnement dans les différentes phases de la matrice de HADDON.

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Figure 33: exemple d’application partielle du modèle de GREEN aux traumatismes de la route impliquant une voiture.

Facteurs de renforcement

Facteurs facilitants

Facteursprédisposants

Environn.physique: la voiture

Port de la ceinture de sécurité

Traumatisme par accident de la route

chez les jeunes

Facteurs « post événement »

Facteurs « Événement »

Facteurs« pré événement »

environnement

comportement

Vitesse que peut atteindre le véhiculeSystème de freinageCeint.sécu.Av.et Arr.

Efficacité ceintureConception anticrash

Pneumatiques

Syst.communic.secoursRéservoir renforcé

Coupe-circuit

ConnaissancesAttitudes

Croyances par rapport à la ceint.sécu.

DisponibilitéLoi

Normes socialesHabitudes familiales

EncouragementRécompense

Punition (PV,…)

Cette approche pourrait partiellement nous satisfaire puisqu’elle permet déjà de mettre en évidence certains déterminants sur lesquels des actions ciblées peuvent être menées. Par exemple, intensifier les contrôles routiers et délivrer des procès verbaux plus substantiels en cas d’absence de port de la ceinture ; par exemple insister lors de l’apprentissage de la conduite automobile sur l’importance de ce bouclage et développer les connaissances par rapport au bénéfice de la ceinture ; par exemple équiper les voitures de système de bouclage automatique de la ceinture ; etc. Pour ce qui concerne les facteurs comportementaux, nous pensons qu’il serait préférable, avant de décider d’agir sur tel ou tel facteur, de mieux cerner le rôle de différents déterminants dans la genèse du comportement et ainsi de mieux cibler les interventions susceptibles d’apporter les meilleurs changements de comportement des non-utilisateurs de la ceinture. Nous présentons ci-après deux modèles :

Le premier illustre un modèle explicatif du comportement « d’usager systématique » de la ceinture de sécurité.

Le deuxième illustre un modèle de changement de comportement.

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Un modèle explicatif du comportement « d’usager systématique » de la ceinture de sécurité. Le modèle ci-dessous cherche à décrire le poids relatif des principaux déterminants du « bouclage systématique » de la ceinture de sécurité. Il est admis que ce bouclage systématique est un comportement qui dépasse de loin l’action raisonnée et repose de façon importante sur l’habitude [Triandis 1977]. Celle-ci est le résultat d’une attitude positive vis à vis du port de la ceinture et de la mesure d’un risque perçu fort (quel est le risque que je cours si je ne porte pas ma ceinture) qui se construit sur base de croyances, c’est à dire la perception de sa propre vulnérabilité, et d’autre part la perception de l’importance des conséquences si le comportement n’est pas adopté (Health Belief Model[Raczynski and DiClemente 1999]). Les normes familiales (positives ou négatives par rapport au port de la ceinture) influencent les attitudes et le risque perçu dans un sens d’augmentation ou de diminution : les normes familiales peuvent être « négatives » par rapport au port de la ceinture et « dépasser » en poids relatif l’importance du « risque perçu » par le jeune ou à l’inverse. L’importance de ces normes familiales sera fonction de la croyance du jeune par rapport à ces normes et de sa motivation à agir dans le sens de ces normes [Ajzen and Fishbein 1980]. L’intention de porter la ceinture concerne essentiellement le comportement que va adopter le jeune lorsqu’il sera hors du contexte familial ; il est nécessaire de s’y intéresser et de voir dans quelle mesure une habitude acquise dans le cadre d’un milieu familial pourra perdurer plus tard.

Figure 34: modèle explicatif du comportement « d’usager systématique » de la ceinture de sécurité.

Port de la ceinture de sécurité

habitude

Risque perçu FORT(si absence de port)

Attitude positive pour le port de la ceinture

Normes familiales

Intention de porter (hors famille)

1

2

3

4

5

1 Ces numéros renvoient au texte ci-dessous concernant les questions de l’enquête

6

Temps

Une quantification des principaux paramètres de ce modèle peut être réalisée par le développement d’instruments de mesure applicables dans le cadre du plan d’étude développé par l’enquête HBSC. Ces instruments reposent notamment sur la méthode de LIKERT utilisée fréquemment pour mesurer les croyances, les connaissances, normes, intentions, etc. Ces construits (attitude, normes, intentions, etc.) doivent être validés

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par une analyse de l’alpha de CRONBACH par exemple. Préalablement, une démarche qualitative (focus group par exemple) est réalisée de façon à appuyer le choix de l’un ou l’autre des facteurs dans le modèle. Nous donnons ci-après un exemple des questions qui pourraient être posées lors de l’enquête du printemps 2002 et qui permettront de mesurer le poids relatif des composantes du modèle présenté ci-dessus : Pour 1 : Mon père (ou les différents membres de la famille) porte sa ceinture : Toujours – à peu près toujours- parfois – à peu près jamais - jamais / je ne sais pas

ET Mon père (ou les différents membres de la famille) est pour moi : Très important – assez important –important – peu important – très peu important Pour 2: La ceinture de sécurité : C’est cool : tout à fait d’accord – assez d’accord – légèrement en accord-ni l’un ni l’autre- légèrement pas d’accord- pas d’accord- pas du tout d’accord

C’est utile : tout à fait d’accord – assez d’accord – légèrement en accord-ni l’un ni l’autre- légèrement pas d’accord- pas d’accord- pas du tout d’accord C’est dangereux : tout à fait d’accord – assez d’accord – légèrement en accord-ni l’un ni l’autre- légèrement pas d’accord- pas d’accord- pas du tout d’accord ET Etre cool, pour moi c’est : Très important – assez important –important – peu important – très peu important

Faire quelque chose d’utile pour ma santé, pour moi c’est : Très important – assez important –important – peu important – très peu important

Eviter les risques, pour moi c’est : Très important – assez important –important – peu important – très peu important Pour 3: Si tu as un accident, la ceinture de sécurité va en diminuer la gravité tout à fait d’accord – assez d’accord – légèrement en accord-ni l’un ni l’autre- légèrement pas d’accord- pas d’accord- pas du tout d’accord

ET Crois-tu que tu peux avoir un accident : Très probable–assez probable–légèrement probable–ni l’un ni l’autre–légèrem. Improb.–assez improb.- très improbable

Pour 4: Durant les 5 dernières années, tu peux dire que tu as porté la ceinture de sécurité : Toujours – à peu près toujours – parfois – à peu près jamais - jamais / je ne sais pas Pour 5: Dans le futur (lorsque tu vivras en dehors de ta famille) penses-tu que tu utiliseras encore la ceinture de sécurité : Très probable–assez probable–légèrement probable–ni l’un ni l’autre–légèrem. Improb.–assez improb.-très improbable

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Pour 6: Maintenant, tu peux dire que tu portes la ceinture de sécurité : Toujours – à peu près toujours – parfois – à peu près jamais - jamais / je ne sais pas Notons que ce même modèle, moyennant l’une ou l’autre légère modification, peut être utilisé dans le cadre de la recherche des déterminants du « port non systématique » de la ceinture ou de l’absence de port à l’arrière du véhicule. Un modèle de changement de comportement ou quelles actions mener pour augmenter le nombre de « porteurs systématiques » de la ceinture de sécurité. Le modèle que nous proposons ci-dessous illustre les déterminants principaux sur lesquels il est possible d’agir pour favoriser l’adoption du comportement de « port systématique » de la ceinture de sécurité. Comment œuvrer pour qu’un maximum de jeunes non-utilisateurs de la ceinture deviennent des utilisateurs ? C’est cette identification des déterminants qui va permettre de fixer des objectifs d’intervention et de choisir les stratégies les plus adaptées.

Figure 35: modèle de changement de comportement : le port de la ceinture de sécurité par les jeunes et jeunes adultes.

Maintien duPort de ceint.adoption

Risque perçu

habitudes

3

1

45

Décision d’adoptionessaiintention

normes

Attitude (doit devenir positive)

temps

2

RenforcementPsycho social

Autocontrôle

connaissancescroyances

1 Voir dans le texte ci-dessous Ces facteurs peuvent faire l’objet d’interventions diverses qui auront pour finalité la diminution de l’importance du problème (mortalité/morbidité suite à un accident de la route) mais dont l’effet à court ou moyen terme pourra être évalué soit par une mesure

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du comportement (port de la ceinture de sécurité) mais aussi par des mesures au niveau des différentes variables identifiées dans ce modèle. Nous proposons ci-dessous quelques exemples d’interventions et leur(s) facteur(s) cible(s) permettant de mettre en avant l’aspect « planificateur » de ce modèle. 1 et 2 : habitudes et normes Intervention « législatives » : selon la situation, de nouvelles lois ou des renforcements de mesures légales existantes seront appropriées pour modifier les normes et changer les habitudes d’une part importante de la population ; un renforcement des moyens permettant de contrôler l’application des lois est aussi une piste d’intervention qui permet de modifier les pratiques et habitudes des usagers. On pourrait regrouper ces mesures sous le vocable de « mesures facilitant l’adoption d’un comportement ». 3 : attitude Une attitude positive vis à vis du port de la ceinture bénéficiera largement de campagnes de sensibilisation et d’information novatrices, mettant en avant le côté « utile », « sympathique », « cool » du port de la ceinture plutôt que le côté « risque », « danger » et « images fortes » des accidents et suites d’accidents56. Cette attitude va avoir un effet direct sur la « construction » de l’intention d’adopter le comportement. 4 : risque perçu Le risque perçu se construit sur base de la perception de sa propre vulnérabilité et d’autre part sur la perception de l’importance des conséquences si le comportement n’est pas adopté. Développer un « risque perçu fort » nécessite de développer des connaissances par rapport au problème : des campagnes d’information objectives, des modules spécifiques lors de l’apprentissage du code de la route et de la conduite, etc. Les interventions doivent parvenir à développer un risque perçu suffisamment fort pour surpasser le rôle joué par les normes et habitudes d’absence de port de la ceinture de sécurité.

56 Cette évolution d’un aspect « protecteur » et « risque » vers un aspect « plus moderne », « plus cool » a également été observé au niveau des campagnes de sensibilisation au port du préservatif dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de SIDA.

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5 : renforcement psychosocial Lorsque le comportement a été testé, puis adopté par le jeune, il faut que le maintien soit assuré. Ce comportement deviendra probablement par la suite une habitude sortant du « champ raisonné » de l’individu. Cette transition entre « comportement adopté » et « maintien du comportement » peut être renforcée par diverses actions touchant tantôt au domaine de la formation, tantôt à des campagnes de sensibilisation, des « récompenses » du type encouragement familial, des actions sur les milieux de vie (écoles, lieux de travail, lieux de loisirs, etc.), des mises à profit des expériences positives. Comme nous pouvons le constater, cette modélisation mêle certains aspects des approches théoriques du comportement mais aussi le modèle des étapes du changement de comportement[Prochaska and DiClemente 1983]. Il permet d’identifier plusieurs variables sur lesquelles des actions précises peuvent être menées. Il permet ainsi de fixer des objectifs précis et facilitera les évaluations. Adaptation du modèle de GREEN au champ des traumatismes : en conclusion Les approches classiques des déterminants des traumatismes reposent sur des outils intéressants qui sont la matrice de HADDON et les 10 mesures de prévention de HADDON (voir dans les chapitres précédents). Ces approches permettent une décomposition des événements traumatiques et une analyse des facteurs intervenant à différentes phases de la genèse du problème ainsi qu’une traduction en stratégies préventives. Malheureusement, ces approches ne permettent pas de « mettre en relation » les principaux facteurs et de voir comment ils peuvent interagir ou être interdépendants. Cette absence de « mise en perspective » expliquerait un certain manque de performance ou même certaines contre-performances au niveau des programmes de prévention qui sont développés. Elle explique aussi les difficultés rencontrées lorsque l’on souhaite réaliser une évaluation détaillée de ces interventions. La prise en compte des connaissances théoriques sur les modèles comportementaux nous paraît une étape indispensable lorsque les stratégies de prévention que l’on souhaite développer sont de type « actives » c’est à dire nécessite une participation active des individus, une modification de leur comportement.

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Une approche globale est également indispensable dans la mesure où la genèse de l ‘événement traumatique fait intervenir de nombreux facteurs « appartenant » à des domaines spécifiques (environnement, social, psychologie, légal, santé, économie, ingénierie, etc.). Ces divers secteurs doivent trouver un cadre de référence le plus global possible de façon à coordonner les interventions de ces divers secteurs. Le modèle de GREEN est un outil très intéressant car il permet cette intégration dans une perspective diagnostique détaillée et dans une traduction opérationnelle ciblée. Les modifications du modèle que nous avons proposé trouvent leur justification dans les remarques suivantes :

o Les démarches et modélisations théoriques doivent être adaptées aux réalités et spécificités des domaines étudiés (traumatismes de la route, accidents de sport, suicide, etc.). Chaque question de recherche doit faire l’objet d’une réflexion approfondie et doit examiner dans quelles mesures les différents outils (modèles) théoriques disponibles peuvent être utilisés et/ou aménagés pour coller à la réalité d’étude.

o Les méthodes d’investigations permettant la caractérisation et/ou la

quantification de l’importance des différents déterminants doit faire appel aux spécialités différentes : l ‘épidémiologie, la sociologie, la psychologie, la psychosociologie. Par exemple, la construction des échelles de LIKERT entre avant tout dans le champ de la psychologie et de la sociologie.

o Le choix des principaux déterminants à inclure dans le ou les modèles nécessite

une démarche préalable, par exemple en focus group. Cette approche, bien maîtrisée par les professionnels du champ de la psychosociologie, permet de faire d’une part une « sélection raisonnée » parmi l’ensemble des facteurs pouvant intervenir à une étape ou l’autre du modèle développé et d’autre part de valider les construits notamment sur base de l’alpha de CRONBACH.

Ces remarques illustrent si besoin est la nécessité de ne pas s’enfermer dans le champ de l’épidémiologie et de recourir à d’autres domaines et spécialités.

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7 Conclusions : Un rôle coordonnateur et central pour l’épidémiologie

« Depuis longtemps, la médecine s’est penchée sur la suite des événements qui précèdent l’éclosion de la maladie infectieuse, elle s’est acharnée à découvrir le cheminement de l’agent infectant, et dès avant l’avènement de la bactériologie, est parvenue à éliminer les grandes maladies pestilentielles. L'apport de la bactériologie a hâté les progrès de l'épidémiologie et a permis l'élimination d'un grand nombre de dangers infectieux. La prévention des maladies infectieuses implique une connaissance détaillée des particularités de l'agent infectant d'une part, des particularités du milieu qui transporte l'agent infectant d'autre part, enfin des particularités de l'hôte qui est plus ou moins réfractaire ou susceptible à l'infection. Les méthodes de prévention agissent soit sur l'hôte pour le rendre plus réfractaire (vaccinations), soit sur le milieu, pour interrompre la chaîne de la transmission (par exemple suppression des moustiques vecteurs de malaria), soit sur l'agent infectant lui-même pour l'isoler ou le détruire. Il y a quelques années, Gordon a suggéré que l'étude épidémiologique des causes d'accidents devrait procéder de la même façon : il faudrait connaître en détail et avec précision les agents traumatisants et leurs particularités, les circonstances de milieu qui rendent l'accident possible, les comportements de l'hôte qui l'exposent à l'action nocive de l'agent traumatisant. La prévention rationnelle des accidents doit reposer sur les renseignements fournis par l'étude systématique de ces trois ordres de facteurs. Malheureusement, en matière d'accidents, particulièrement d'accidents de l'enfance, cette étude épidémiologique est à peine entreprise. ». Ce texte publié par le Prof.M.GRAFFAR [Graffar 1960] a plus de 40 ans. Il met clairement en avant la question du rôle de l’épidémiologie dans le champ des traumatismes. Qu’en est-il en ce début de 21ème siècle, soit quarante ans plus tard ? La prise en compte des traumatismes comme l’un des principaux problèmes de santé a fait son chemin et un certain nombre de pays ont inscrit la lutte contre cette problématique dans leurs stratégies et objectifs de santé prioritaires[Barss et al. 1998]. Pourtant devant cette évolution positive, des questions très importantes demeurent :

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Quelle est ou quelles sont les problématiques réellement prises en compte ? Les causes externes de mortalité et/ou morbidité regroupent, nous l’avons vu dès le début de ce travail, un nombre important de « faits » différents :

Les causes intentionnelles tournées vers soi-même (automutilation, tentative de suicide, suicide) sont un problème très important (et en augmentation dans bon nombre de pays) que nous avons peu abordé dans ce travail. Cette thématique occupe de nombreux professionnels de la santé, de la santé mentale, etc. Un nombre croissant de recherches et interventions sont développées visant à lutter contre ces traumatismes. Pourtant les spécialistes du domaine reconnaissent le besoin crucial de données épidémiologiques de base notamment sur les tentatives de suicide, leur distribution et leur évolution mais aussi sur l’identification des déterminants principaux.

Les causes intentionnelles tournées vers autrui : violence, violence conjugale, violence envers les enfants, les faits de guerre, les homicides, etc. sont des sujets « communs » mais que l’on maîtrise mal en terme quantitatif. Des estimations, souvent partielles et partiales sont réalisées avec plus ou moins de sérieux. Hormis les statistiques des forces de l’ordre, relativement exhaustives dans certains pays en ce qui concerne les décès, peu d’informations sont disponibles et notamment celles qui concernent les conséquences et les suites des actes de violences (déficiences, handicaps, etc.).

Les causes non intentionnelles : o Les accidents « de la route » : font partie des traumatismes les mieux

documentés. Ils sont l’objet de nombreuses recherches notamment sur les aspects environnementaux. Les facteurs comportementaux sont également pris en compte. Mais comme nous l’avons montré, des approches plus globales seraient utiles. Les accidents survenant en dehors de la voie publique sont quant à eux très peu documentés.

o Les accidents du travail : le secteur privé bénéficie d’un système d’enregistrement et de suivi qui permet de fournir certaines informations utiles. L’évolution du cadre de travail (travail non déclaré, travail intérimaire, indépendants isolés, etc.) renforce la sous-estimation que l’on a de la problématique.

o Les accidents « autres » (loisirs, sport, domicile, etc.) : sont très fréquents (notamment chez les enfants) et malheureusement très mal pris en compte. Les données épidémiologiques à leur sujet sont très incomplètes et ne permettent notamment pas de juger adéquatement de leur évolution temporelle.

Ce rappel des principales problématiques renfermées sous le « label traumatismes » attire l’attention, si besoin est, sur les innombrables spécificités de ces différents

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sous-groupes ; spécificités tant dans les mécanismes explicatifs que dans les éventuelles stratégies de lutte développées . Mais au-delà de ces spécificités, une grande caractéristique commune unit ces sous-groupes: le besoin d’une information quantitative de qualité capable de documenter adéquatement le problème, d’en identifier les déterminants et d’en illustrer l’évolution dans le temps notamment dans un souci d’évaluation des stratégies de lutte. Y a-t-il des « laissés pour compte » dans le champ des traumatismes ? Des problèmes laissés pour compte : Dans le champ des traumatismes, il y a effectivement des problématiques qui focalisent l’intérêt des populations, des décideurs, des professionnels et d’autres qui n’intéressent qu’une minorité de personnes. On pourrait ainsi dresser un hit parade de ce qui « marche » et de ce qui « ne marche pas », de ce qui est porteur et de ce qui ne l’est pas. La violence faite aux femmes, la violence envers les enfants seraient très probablement à la fin de ce hit parade. Les accidents domestiques pourtant très nombreux n’occuperaient pas une position en regard avec leur importance. Des pays, des régions laissés pour compte : Nous n’avons dans ce travail fait qu’ébaucher la problématique des traumatismes dans les pays à faibles et moyens revenus. Elle y est grandissante, la prise de conscience y est faible, les moyens alloués y sont très faibles pour ne pas dire inexistants. L’urbanisation est un des facteurs responsables. Elle se développe de façon vertigineuse dans certains de ces pays. Les services de santé ne sont pas toujours très accessibles et pas toujours très performants : quand le traumatisme est intervenu, les conséquences sont souvent graves. Une des premières urgences dans ces contextes est de disposer d’un minimum d’information épidémiologique fiable. Des déterminants laissés pour compte : Dans son article publié en 1960, GRAFFAR disait[Graffar 1960] : « Nous connaissons fort peu de chose sur les facteurs sociaux qui. influencent la mortalité par accidents chez l'enfant. Des renseignements qu'on peut glâner de-ci de-là dans la littérature récente font penser que ces facteurs sont très importants. Par exemple, une étude

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faite à New-York en 1953 a relevé que la mortalité par accidents est de 2,4 pour 10.000 enfants de moins de 15 ans pour l'ensemble de l'agglomération, qu'elle est de 0,4 seulement dans le quartier aisé de Washington, mais de 7,5 dans le quartier de East Harlem et de 10 dans le quartier pauvre de Riverside. Dans le quartier pauvre, la mortalité par accidents est donc 25 fois plus élevée que dans le quartier aisé. ». Le poids de ces déterminants sociaux ou socio-économiques est important tant dans les pays industrialisés que dans les autres ; nous l’avons notamment illustré en ce qui concerne le port de la ceinture de sécurité. L’épidémiologie doit permettre de mieux documenter cette situation et surtout permettre de mesurer l’impact des stratégies et programmes de prévention développés par les pouvoirs publics de façon à garantir l’équité au sein des populations. Sur quoi repose la décision d’agir ? De très nombreux paramètres et déterminants entrent en ligne de compte dans le processus de prise de décision : paramètres politiques, économiques, culturels, sociologiques, religieux, techniques ; à cela s’ajoutent les opportunités et contraintes, les perspectives temporelles (souvent à court terme quand la décision est politique),etc. Ce constat est vrai pour l’ensemble des décisions de santé publique ; le champ des traumatismes ne fait pas exception. Voyons deux exemples. On sait que la vente libre ou quasi libre des armes à feu aux Etats-Unis est un déterminant du taux d’incidence élevé des homicides et violences. Des solutions existent. La décision d’agir et de légiférer dans ce domaine ne se prend pas pour des raisons n’ayant aucune rationalité scientifique. Les « motos-taxis » (zémidjan) de Cotonou au Bénin sont une source très importante d’accident dans cette ville. Des solutions existent pour lutter contre ce problème ; elles sont malheureusement peu applicables d’un point de vue économique. Ainsi, la rationalité technique et épidémiologique que nous fournissons aura probablement un poids très relatif pour ne pas dire très faible dans la liste hiérarchique des déterminants qui influencent la décision.

Mais ce constat ne doit que conforter la démarche épidémiologique de façon à renforcer son poids dans la prise de décision : l’information épidémiologique est indispensable. Mais il faut améliorer la qualité des données collectées, améliorer la qualité des indicateurs construits, s’assurer de la validité des résultats, etc.

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De plus, la démarche épidémiologique doit s’inscrire dans une démarche de prise de décision globale et composer avec d’autres secteurs impliqués (ingénierie, ergonomie, anthropologie, balistique, sécurité routière, sciences sociales, etc.). Cette amélioration de la qualité des informations produites, limitera la marge de manœuvre des décideurs et réduira le poids de l’aléatoire, du pulsionnel, du sensationnel. Une complexité des modèles explicatifs ? L’événement traumatique n’est pas le fruit du hasard. De nombreux facteurs et/ou déterminants peuvent expliquer son occurrence. Les modèles qui tentent de décrire les relations entre ces différents facteurs sont très utiles mais aussi très complexes. Ils font intervenir, comme nous l’avons montré au chapitre 6, des facteurs appartenant à des domaines divers et variables selon la problématique étudiée. Citons à titre d’exemple la justice, l’ordre public, la santé publique, la sociologie, l’épidémiologie, l’économie, la technologie et l’ingénierie, etc. Ces modèles devront être validés sur base de données qualitatives et quantitatives. Une complexité des partenaires impliqués ? Dans certains secteurs, les professionnels de la santé publique ont mené avec succès des programmes de prévention (parfois d’éradication) sans devoir recourir à des approches multisectorielles. Dans le cas des traumatismes, il en va tout autrement. En effet, la multitude des domaines impliqués, la multitude des spécialistes impliqués impose une approche préventive multisectorielle mais surtout intersectorielle. Les niveaux différents d’interventions ? La prévention des traumatismes, comme nous l’avons également décrit dans le chapitre 5, est abordée sous des stratégies très diverses. Au-delà de la classique subdivision en prévention primaire, secondaire et tertiaire, on distingue aussi des interventions qui ne requièrent pas la participation de l’individu : les stratégies passives, et les interventions dont l’objet principal est la modification du comportement de l’individu.

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Ces stratégies auront le plus souvent des « niveaux » d’interventions différents : les stratégies passives seront le plus souvent décidées à un niveau de prise de

décision élevé ; elles viseront un problème jugé important sous l’angle de la santé publique, de la sécurité, du coût économique, ou reposeront sur une logique commerciale et économique, etc. Elles ne chercheront pas nécessairement à répondre à une demande formelle de la population ou de ses représentants. Ainsi, l’équipement des véhicules avec des airbags ne correspond pas en première intention à une demande explicite de la population ; la pose de bouchons de sécurité sur les produits dangereux correspond à un souhait des associations de consommateurs et des professionnels de la santé. La fabrication de cigarette dont le papier ne se consume pas seul correspond à un souhait explicite des professionnels de la sécurité et de la santé. Dans le développement de ces stratégies, l’épidémiologie aura un rôle très important dans la mesure de l’impact du programme.

Les stratégies actives misent leur réussite sur le changement de comportement de l’individu. Le niveau d’intervention devrait dès lors être plus périphérique et mieux correspondre à une demande explicite de la population. Un programme de prévention des accidents domestiques chez l’enfant qui reposerait sur une campagne de sensibilisation nationale aurait peu de chance de succès. Si par contre un programme d’intervention est conçu avec les bénéficiaires et est exécuté localement en impliquant les partenaires des différents secteurs, il a beaucoup plus de chance d’atteindre ses objectifs. Dans ce contexte local, les critères d’évaluation seront plus diversifiés : on cherchera à mesurer la participation, l’utilisation de l’un ou l’autre mécanisme sécuritaire distribué (détecteurs de fumées, mécanismes de retenue de fenêtre, etc.), les facteurs de changement de comportement ; plus difficilement on tentera de mesurer un impact sur la santé des populations participantes. Dans ces situations, l’épidémiologie sera accompagnée d’autres disciplines pour produire les indicateurs d’évaluation.

Mais au-delà des préventions primaire et secondaire, l’épidémiologie devrait jouer un rôle important encore peu développé :

Au niveau de la prise en charge des patients traumatisés : les informations disponibles sur la gravité des traumatismes, les stratégies alternatives de prise en charge sont encore peu utilisées dans le cadre d’une approche globale de la problématique des traumatismes.

Au niveau du suivi et de la réhabilitation : les déficiences et handicaps qui

font suite à un traumatisme sont très peu documentés. En Belgique, nous avons montré que ces données étaient inexistantes ou quasi inexistantes.

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Des développements technologiques rapides ? La société de consommation que nous vivons ainsi que les évolutions technologiques et techniques poussent à mettre sur le marché bon nombre de produits dont la sécurité n’est pas toujours optimale. Pour y faire face, de nombreuses réglementations sont développées, instaurées et plus ou moins respectées tant au niveau national qu’au niveau international. Ces dernières sont malheureusement souvent en décalage temporel par rapport au besoin. Face à un nouveau produit (jouet, matériel sportif, outils, véhicule, etc.), et après la phase d’essai et de test par des spécialistes de la sécurité, une observation attentive devra permettre la mise en évidence de problèmes traumatiques à une fréquence anormalement élevée. Les méthodes épidémiologiques analogues à celles de la pharmacovigilance par exemple seront très utiles dans ces démarches. De ces questions quelques points forts méritent d’être mis en exergue : La quantification du problème de santé … est un problème : Le besoin en information sanitaire de base (exprimée en prévalence, incidence, par sexe, par âge, etc.) est très grand dans la plupart des catégories de traumatismes et dans un très grand nombre de pays. L’intersectorialité est indispensable : La survenue d’un traumatisme est associée à de très nombreux facteurs humains, environnementaux et sociaux. Cette multicausalité impose de développer les programmes de lutte en impliquant souvent de nombreux acteurs de disciplines différentes et n’ayant parfois (souvent) que peu de choses en commun. Des approches préventives …opposées mais complémentaires : Approches passives et approches actives sont souvent opposées. Elles doivent pourtant être vues de façon complémentaire. Mais l’évaluation de l’une ne suivra pas les mêmes procédures ni les mêmes objectifs que l’évaluation de l’autre. Des évaluations complémentaires seront également souhaitables ; elles devront faire appel à diverses disciplines : l’épidémiologie, la sociologie, la psychosociologie, l’économie, l’ingénierie, l’architecture, la justice, etc. de façon à réunir les informations (qualitatives et quantitatives) nécessaires. Des terrains d’action décentralisés nécessitent des partenaires locaux : La plupart des interventions de « type prévention active » nécessiteront (ou plutôt devraient nécessiter) une mobilisation des partenaires locaux et de la population. Ces interlocuteurs devront trouver une place dans le processus stratégique dès l’initiation de la démarche.

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Ces points important nous amènent à faire certaines recommandations : L’établissement de relations privilégiées entre ces différents publics et professionnels. Bien sûr, en fonction de la thématique abordée les profils et le nombre d’interlocuteurs vont varier : certains seront constants, d’autres s’ajouteront en fonction de la problématique, des interventions, des publics visés. Parmi les « permanents », on devra retrouver les professionnels de la santé, médecins, infirmières, épidémiologistes, des spécialistes des sciences sociales : sociologues, assistants sociaux, travailleurs sociaux, mais aussi la population et les décideurs dans un nombre important de situations. Cette relation privilégiée prendra la forme d’un partenariat. Mais au-delà de ce partenariat, il faudra que les « permanents » de la prévention des traumatismes assurent un rôle d’animateur et de rassembleur. Ce rôle nécessitera de leur part une grande ténacité (inversement proportionnelle à la volonté des décideurs politiques), une grande compétence face à la problématique traitée et une grande modestie. L’utilisation d’un cadre de référence global tel que nous l’avons proposé au chapitre 6. Dans cette approche globale chacun, selon son champ de recherche, d’action, d’évaluation, selon sa spécialité, selon qu’il œuvre dans le champ passif ou actif doit pouvoir inscrire son action en toute connaissance de cause. Cette approche globale, ce même outil de compréhension des problèmes de sécurité ainsi qu’un langage commun est indispensable. Une position stratégique incontournable pour l’épidémiologie. On l’a vu tout au long de ce travail, la place de l’épidémiologie dans le champ des traumatismes est capitale : que l’on s’intéresse au volet descriptif, analytique ou évaluatif, les données que fournit ou pourrait fournir l’épidémiologie sont incontournables. S’intéressant au problème de santé (les traumatismes) et à ses principaux déterminants, elle est indispensable tant dans la phase diagnostique que dans la phase évaluative du modèle global. Mais dans bon nombre de situations, ces données ne seront pas suffisantes. L’épidémiologiste devra « passer la main » à des spécialistes des disciplines psychosociales de façon à compléter le diagnostic par des méthodes d’investigation spécifiques sortant du champ de l’épidémiologie. Cette même « passation » se fera en sens inverse lors de la procédure d’évaluation. Le développement d’un système de collecte de données performant et en adéquation avec les attentes. Les systèmes de collectes d’information sanitaire sur les traumatismes sont très incomplets et lorsqu’ils existent, restent encore trop axés sur des informations de « résultats » (nature et gravité de la lésion) ; ces informations

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nécessaires doivent être complétées d’informations plus pertinentes dans une approche de prévention primaire et secondaire. La nécessité d’une structure permanente. L’importance et la complexité de cet important problème de santé impose de l’aborder d’une façon cohérente et permanente. La logique développée notamment en Belgique et qui tente de prévenir les problèmes de santé et leurs conséquences par le développement de « projets » ayant des perspectives à très court terme et dont le financement est extrêmement aléatoire n’est pas acceptable. Les traumatismes de la route ont une structure nationale qui tente de cerner le volet préventif du problème : il s’agit de l’Institut Belge pour la Sécurité Routière. Pour les autres, il nous paraît indispensable de prévoir une structure (observatoire ou autre institution) capable de garantir la prise en compte des recommandations qui viennent d’être formulées ou au minimum prévoir ces activités au sein de services spécialisés des structures existantes (observatoire provinciaux, institutions régionales, etc.).

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8 Le rappel des objectifs Dans le cadre de cette thèse, plusieurs objectifs étaient visés : • Décrire l’importance des traumatismes et accidents dans les pays industrialisés

(exemple de la Belgique) faisant de ce sujet une priorité de santé publique. Au travers des publications internationales et des données de mortalité et de morbidité disponibles, nous avons montré que les traumatismes sont, en Belgique, un problème de santé publique très important notamment chez les jeunes. Nous avons également tenté de montrer les importantes lacunes en informations sanitaires quantitatives dont souffre le champ des traumatismes en Belgique. Exception faite des traumatismes impliquant des véhicules à moteur, les données sont lacunaires et ne permettent pas d’appréhender adéquatement le problème. • Décrire l’importance des traumatismes et accidents dans les pays en

développement (exemple du Maroc), faisant de ce sujet une priorité de santé publique.

Nous avons au travers d’un exemple d’un pays à revenu intermédiaire, mis en avant le poids que représentent les traumatismes au sein des structures hospitalières et avons également discuté de la priorité que représente la prévention de ce problème de santé au vu de la situation assez difficile de bon nombre de services de santé dans les pays à revenus faibles ou intermédiaires. • Documenter et illustrer la place de l’épidémiologie dans l’étude des traumatismes

notamment sur base des différents modèles d’analyse L’importance de l’épidémiologie dans le champ des traumatismes a été abordée en suivant le « cahier des charges » de cet outil de la santé publique : en approche descriptive d’abord, dans son volet analytique ensuite et comme outil d’évaluation enfin.

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Nous avons illustré chacun de ces volets par des études et publications réalisées sur le sujet. Il en ressort un consensus indiscutable sur le rôle majeur que doit jouer l’épidémiologie dans les années à venir pour fournir aux professionnels et décideurs les informations quantitatives dont ils ont besoin. Mais nous avons également montré que ces approches épidémiologiques devraient être complétées par des informations appartenant notamment au champ de la psychosociologie et pour lesquelles des méthodes d’investigation plus adéquates pourraient être développées et appliquées. • Proposer un modèle conceptuel global tenant compte de la multisectorialité du

champ des traumatismes La multicausalité des événements traumatiques a été décrite. Nous avons illustré le modèle de planification de GREEN comme outil intéressant dans le champ des traumatismes. Des propositions d’adaptation de ce modèle, notamment pour mieux prendre en compte les théories des changements de comportement, ont été faites. • Discuter la position stratégique de l’approche épidémiologique dans le cadre de

ce modèle global, tant au moment du diagnostic et des interventions qu'au moment de l'évaluation des actions développées.

L’épidémiologie, puisqu’elle s’intéresse au problème de santé que sont les traumatismes, occupe une position stratégique importante dans le cadre d’une approche globale. En effet, la finalité de toute intervention sera la réduction du problème ; et c’est l’épidémiologie qui pourra en apporter la preuve. Mais nous avons aussi discuté et insisté sur le développement de partenariat avec les principaux acteurs devant être impliqués dans une approche globale, en fonction des stratégies choisies et des niveaux d’actions. Dans ce partenariat, certaines disciplines doivent jouer un rôle majeur : les épidémiologistes doivent faire partie de ce noyau moteur mais une place de choix doit également être faite aux spécialistes des sciences sociales et psychosociales notamment lorsque les stratégies développées visent les changements de comportement.

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10 Annexes

Annexe 1: Ratios de Mortalité Standardisés (SMR) dans les différents Arrondissements du pays pour les accidents impliquant un véhicule à moteur ( chez les hommes et chez les femmes ). 1990-1993, Belgique. Liste des SMR par Arrondissements et présentation cartographique (SMR en sextiles).

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Annexe 2 : Indices d’évolutions (en %) sur 20 ans (entre 1970-74 et 1990-94) des APVP par accidents impliquant un véhicule à moteur, au niveau des 43 Arrondissements du pays. Situation pour les hommes et pour les femmes séparément.

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Annexe 3: Formulaire d'analyse des accidents de la circulation avec tués ou blessés. Ministère des Affaires Economiques, Belgique.

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Annexe 4: Illustration schématique du réseau EUPHIN. D'après le site web du réseau, document intitulé : « management summary of the EUPHIN GIP ».

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