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Travail de fin d’études en vue de l’obtention du diplôme d’état d’infirmier Derrière le sens d’une profession BEN-RAZLI Malik Promotion 2013-2016 IFSI CCM Soutenu le 14/06/16

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Travail de fin d’études en vue de

l’obtention du diplôme d’état

d’infirmier

Derrière le sens d’une profession

BEN-RAZLI Malik

Promotion 2013-2016

IFSI CCM

Soutenu le 14/06/16

« Le soin (technique ou nursing) n’est pas une fin. C’est simplement un moyen de

prendre soin »

J.Zimowski

Entre cure et care, Les enjeux de la professionnalisation infirmière

REMERCIEMENTS

Un travail ne se fait jamais seul. Ainsi, je souhaite remercier toutes les personnes

qui m’ont accompagné et soutenu lors de ce travail et aussi, durant toute ma formation.

Dans un premier temps, je souhaite remercier l’ensemble des infirmières pour

leur disponibilité et leur participation aux entretiens. Je tiens par la même occasion à

remercier les cadres des services pour avoir permis que ces entretiens aient lieu, de

même qu’aux directrices des soins pour m’avoir autorisé à les effectuer.

Dans un deuxième temps, mes remerciements s’adressent à l’ensemble de

l’équipe pédagogique ainsi qu’aux différents intervenants pour leurs différents apports

et conseils.

De plus, je remercie mes deux camarades de promotion, Farial et Karine, pour

leur soutien, leurs conseils et leur présence depuis le début de notre formation.

Mes remerciements vont aussi à mes parents, s’étant intéressés à ce travail et

m’ayant motivé jusqu’à son terme.

Enfin, je tiens à remercier sincèrement mon référent de suivi pédagogique pour

sa bienveillance, sa disponibilité et son soutien. Je le remercie pour m’avoir

accompagné et d’avoir été un élément majeur dans ma progression durant cette

formation. Merci donc à M.BAKOWSKI, sans qui ce travail n’aurait pu voir le jour.

SOMMAIRE

INTRODUCTION .......................................................................................................... 1

PRESENTATION DE LA SITUATION ...................................................................... 3

QUESTIONNEMENT, RESSENTIS ........................................................................... 6

PHASE EXPLORATOIRE ......................................................................................... 11

Recherches théoriques ................................................................................................ 11

Entretiens .................................................................................................................... 13

PREMIERE PARTIE : PHASE THEORIQUE

1. Les représentations ............................................................................................. 17

1.1. Représentations sociales ......................................................................................... 17

1.2. Historique et représentations sociales de la profession et des soins infirmiers ...... 19

1.3. Représentations sociales de la santé et de la vie ..................................................... 22

1.4. Représentations sociales de la maladie et de la mort ............................................. 23

1.5. Valeurs .................................................................................................................... 25

2. Les soins infirmiers ............................................................................................ 26

2.1. Définition des soins infirmiers ................................................................................ 26

2.2. Cure et care : deux concepts fondamentaux ........................................................... 30

2.2.1. Le cure ............................................................................................................. 31

2.2.2. Le care ............................................................................................................ 31

2.3. Les émotions ............................................................................................................ 33

2.3.1. L’empathie ...................................................................................................... 34

2.3.2. La compassion ................................................................................................. 35

2.3.3. La frustration ................................................................................................... 37

3. L’accompagnement : un soin à part entière ...................................................... 38

3.1. Définition de l’accompagnement ............................................................................. 38

3.2. L’accompagnement du patient en fin de vie ............................................................ 39

3.3. La dignité................................................................................................................. 42

3.4. La distance relationnelle ......................................................................................... 44

3.4.1. La distance ...................................................................................................... 44

3.4.2. La relation ....................................................................................................... 45

3.4.3. L’implication ................................................................................................... 46

DEUXIEME PARTIE : METHODOLOGIE ET PRATIQUE DE L'ENQUETE

SUR LE TERRAIN

4. Méthodologie de l’enquête ................................................................................. 48

4.1. Présentation et objectifs de l’enquête ..................................................................... 48

4.2. Choix des lieux d’investigation ............................................................................... 48

4.3. Choix de la population investiguée ......................................................................... 49

4.4. Choix et élaboration de l’outil d’enquête ................................................................ 49

4.5. Guide d’entretien ..................................................................................................... 50

5. Analyse des entretiens ........................................................................................ 54

5.1. Présentation des résultats d’enquête ....................................................................... 54

5.2. Synthèse de l’analyse de recherche ......................................................................... 75

CONCLUSION ............................................................................................................. 80

BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................................... 83

LISTE DES ANNEXES ............................................................................................... 89

LISTE DES SIGLES UTILISES

IFSI : Institut de Formation en Soins Infirmiers

CCM : Communauté Creusot/Montceau-les-Mines

CSG : Court Séjour Gériatrique

SSR : Soins de Suite et de Réadaptation

HAS : Haute Autorité de Santé

INPES : Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé

OMS : Organisation Mondiale de la Santé

ARS : Agence Régionale de Santé

1

INTRODUCTION

Tout a commencé en février 2013 lors des journées portes ouvertes à l’IFSI1.

C’est ici qu’a débuté mon envie de découvrir le monde du soin. Un monde où l’humain,

le don de soi et la bienveillance prennent toute leur place. A ce moment-là, je voulais

devenir infirmier car je voulais me rendre utile aux autres. Pour moi, ce métier

correspondait à mon souhait. Toutefois, je n’avais aucune connaissance précise de ce

qui allait m’attendre durant mes trois années de formations. En réalité, le seul aperçu

que j’avais de ce métier était lié à une hospitalisation remontant à mes 16 ans durant

laquelle j’ai subi une légère opération chirurgicale. Je voyais les soignants se relayer à

tour de rôle, au pied de mon lit me demandant si je ne manquais de rien, si tout allait

pour le mieux. Il essayait de me connaitre un peu plus, de savoir qui j’étais, ce que je

faisais. Tout cela avec le sourire. Ainsi, le métier d’infirmier renvoyait pour moi aux

infirmiers que j’avais rencontré lors de ce séjour à l’hôpital.

Néanmoins, la réalité était tout autre lorsque je mis mon premier pied dans une

structure hospitalière. Cette fois-ci, ce n’étaient pas les infirmiers qui venaient soulager

mes douleurs, mes souffrances. Cette fois, c’était à mon tour de faire de même pour les

patients. Des patients que je ne connaissais pas, tous différents, tous uniques. Je les

approchais au plus près de leur intimité. Je leur parlais, les touchais. J’effectuais des

soins sur ces personnes. Oui, je précise, « sur » ces personnes. Effectivement, il

m’arrivait parfois de ne pas penser au « pourquoi » du sens mais plutôt au « comment »

du geste.

C’est ainsi que, durant la majeure partie de ma formation, je me suis concentré

sur l’acte dans le soin, la technicité du geste. Il m’arrivait de ne pas prendre en compte

ce que le patient me disait au moment où je réalisais ce type de soins auprès de lui.

J’étais complètement isolé dans ma conception du soin infirmier.

Puis, une situation est venue m’interpeller au cours d’un stage de début de 3e

année dans un service de court séjour gériatrique durant lequel je me suis retrouvé face

à moi-même. J’ai dû faire face à des éléments que je ne maitrisais pas ou plutôt, que je

1 Institut de Formation en Soins infirmiers

2

ne voyais pas depuis le début de ma formation : le sens du soin infirmier. Lors de cette

situation, j’étais confronté au décès d’une patiente que je prenais en charge. C’est à ce

moment-là où une prise de conscience a débuté et qu’un questionnement s’est

déclenché. Qu’est-ce que moi, Malik, je faisais dans cette formation ? Pourquoi avais-je

choisis de me lancer dans cette aventure couverte d’inconnus ? Qu’est-ce que

j’apportais aux patients ? Pourquoi ? De quelle manière ? Mais surtout, quel sens je

donnais à ma pratique soignante ? Quel sens je donnais au soin infirmier ? Se résumait-

il qu’à un aspect purement technique ?

Pour répondre à ces différentes interrogations, un long cheminement plein de

réflexion m’a nourri afin de mieux comprendre ce que je faisais, pourquoi et comment.

Ainsi, je vous propose de m’accompagner, ce jour, afin de cheminer ensemble tout au

long d’une réflexion personnelle. Pour cela, j’ai décidé de divisé mon travail en deux

parties.

La première appelée « Phase théorique » englobera un ensemble de concepts qui

m’aideront à prendre connaissance de certaines notions essentielles dans mon travail.

De ce fait, je débuterai cette phase par un chapitre sur les représentations en les liant

ensuite au soin infirmier. Il sera suivi par le concept de soins infirmier incluant une sous

partie sur les émotions, aspect élémentaire de la profession. Enfin, je terminerai cette

partie conceptuelle par un chapitre sur l’accompagnement du patient en fin de vie.

La seconde partie intitulée « Méthodologie et pratique de l’enquête sur le

terrain » me permettra d’apporter des éléments pratique à la phase théorique. Je

débuterai cette partie pratique par une présentation de l’enquête accompagné de ses

objectifs. Suivront ensuite les choix m’ayant orienté vers les lieux et la population

investiguée. Puis, je présenterai mon outil d’enquête ainsi que mon guide d’entretien.

Dans cette dernière partie, j’analyserai ces entretiens en présentant les résultats obtenus

et en les synthétisant par la suite.

Je présenterai enfin les limites à cette recherche et terminerai ce travail par une

conclusion offrant de nouvelles perspectives de recherches.

Ainsi, je vous invite à débuter mon travail en commençant par une présentation

de la situation que j’ai vécue lors de mon stage.

3

PRESENTATION DE LA SITUATION

J'effectue mon premier stage durant ma troisième année de formation infirmière

à l'IFSI de la CCM dans un service de court séjour gériatrique. Ce service peut accueillir

une trentaine de patients âgés de plus de 90 ans en moyenne et étant hospitalisés pour

divers motifs tels que : baisse de l'état général, pneumopathie, chutes etc.

Je suis du poste du matin. Il est 7h et nous nous rendons avec l’infirmière dans chaque

chambre afin de prendre les paramètres vitaux des patients et de leur administrer leurs

traitements. Je prends le tensiomètre, frappe à la porte et entre chez Mme B. Cette

patiente est arrivée dans le service pour infection urinaire, insuffisance rénale et baisse

de l'état général. Elle vit à domicile avec des aides ménagères et une infirmière afin de

l'aider pour l'entretien de sa maison et lors des soins quotidiens. Elle aime discuter et me

parler de sa vie antérieure. Quant à moi, j'aime l'écouter et trouve ses expériences

passées intéressantes et enrichissantes. Elle est généralement assise sur son fauteuil

durant la journée et m’a dit une fois qu'elle voudrait rentrer chez elle. Je lui réponds que

le médecin envisagera peut-être une sortie au vu des résultats d'examens biologiques.

J'avais décidé de prendre en charge cette patiente pour lui dispenser les différents soins.

J'allume la lumière, demande à la patiente comment elle allait et prends sa

tension artérielle. Elle me dit qu'elle a mal partout. Le tensiomètre indique une

hypotension à 70/55 cm Hg. Je préviens la patiente que sa tension est basse mais elle ne

me répond pas. Elle était toujours douloureuse. Je me demande quelle pouvait être la

cause de cette hypotension mais ne suis pas stressé. Je surélève ses jambes à l'aide du lit

mécanique. Je prends la tension sur l'autre bras et indique la même valeur. Son teint est

pâle et son faciès montre une gêne probablement liée à ses douleurs diffuses. Je

préviens l'infirmière de la situation et informe les aides-soignantes du fait qu'il ne faille

pas lever Mme B. au vu de son état actuel. Pourtant, rien n'avait été signalé concernant

un problème chez Mme B. durant les transmissions effectuées par les soignantes de nuit.

Je ne lui donne pas ses traitements contre l'hypertension artérielle du fait de son

hypotension avérée.

4

Nous surveillons sa tension artérielle à plusieurs reprises jusqu'à l'arrivée du

médecin du service sans qu'elle n'augmente. Ce dernier prescrit une perfusion de sérum

glucosé à 9h. Malgré cela, les résultats sont négatifs et la patiente est toujours

douloureuse, pâle et faible sans que sa tension ne remonte. Tout en revenant

régulièrement dans la chambre de la patiente, j'effectue les différents soins aux autres

patients dont j'ai la charge. Je suis cependant inquiet pour cette patiente et réfléchis à ce

qu'on pourrait faire afin de rétablir la situation. Je viens de terminer de distribuer les

traitements de 12h aux autres patients et décide de retourner voir comment Mme B. va.

J'ouvre la porte et vois l'infirmière faire demi-tour avec la perfusion dans ses

mains. Je regarde ensuite Mme B. Je suis décomposé, surpris, bouche-bé. Elle est

devenue encore plus pâle, ses yeux sont à moitié fermés et en direction du plafond. Elle

est dyspnéique2 et cherche à prendre du souffle mais sans résultats. Elle respire au

ralentie. L'état général de la patiente s'est dégradé très rapidement. Étonné, je demande à

l'infirmière ce qu'il se passe. Elle me répond que ce n'est plus la peine de faire quelque

chose et que le médecin a dit d’annuler la pose d'une deuxième perfusion. Je reste

silencieux pendant quelques secondes et regarde la patiente. Je ne comprends pas

pourquoi le médecin a pris cette décision. J’ai le sentiment que cela va à l’opposé de ce

que j’ai fait durant toute la matinée en surveillant la patiente. Cela est frustrant, je

ressens cela comme un échec. La patiente ne va pas continuer de vivre. Je me suis arrêté

en pleine course alors que je faisais le maximum pour qu’elle retrouve son état habituel.

La deuxième infirmière du service, la cadre de santé et l’étudiante infirmière

entrent dans la chambre à leur tour pour constater l'état de la patiente. Elles sont

surprises et se placent autour du lit de Mme B. L'infirmière lui tient la main. Lorsqu'elle

la lui lâche, elle fait des pauses respiratoires et en lui reprenant, elle continue de respirer

avec difficultés. Puis, les infirmières et l'étudiante décident de quitter la chambre. Il ne

restait plus que la cadre de santé, la patiente et moi dans la chambre. Je suis à la droite

de Mme B., la cadre est à sa gauche. L'ambiance est silencieuse, sourde, mais les

émotions, mes émotions sont intenses. Il m’est difficile à ce moment de mettre des mots

sur mes émotions car je ne sais pas exactement ce que je ressens. Je ne sais pas si c’est

2 Définition : dyspnéique. Qui a rapport à la dyspnée (difficulté à respirer). <

http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/dyspneique/>. (Consulté le 31/03/16).

5

de la compassion pour la patiente, de la tristesse de voir la patiente mourir, de la

frustration ou un sentiment d’échec. Il y a sans doute plusieurs de ces éléments qui

m’habitent à ce moment-là.

Afin d’être plus précis sur la description de mes émotions, je vais émettre un

questionnement concernant les éléments qui m’ont interpellé durant cette situation. Par

ailleurs, j’approfondirai mon ressenti pour permettre une meilleure analyse critique

personnelle.

6

QUESTIONNEMENT, RESSENTIS

Je fixe Mme B. dans les yeux et ne pense à rien. Je suis immobile et ne parle pas.

Nous constatons avec la cadre les dyspnées de la patiente et le fait que son état s'est

dégradé rapidement au cours de la matinée. Nous restons environ une minute debout,

fixant la patiente. Je ressens un profond mal-être qui ne demande qu'à être exprimé. Je

me sens totalement impuissant face à cette situation. Je ne peux pas procurer de soins

curatifs à cette patiente afin que son état s'améliore car l'équipe soignante et le médecin

ont décidé de « ne plus rien faire ». Mais a-t-elle besoin de soins curatifs à ce moment ?

J'apporte ma présence à cette patiente que j'avais accompagnée pendant plusieurs jours

et mets des mots sur ce que je ressens émotionnellement à ce moment-là. Toutefois, j’ai

le sentiment que cela n’est pas assez car cela ne va pas la guérir. Pourtant, est-ce le but

de guérir la patiente à ce moment-là ? Cela lui est-il bénéfique ? Mon but est-il de guérir

Mme B. ou de me rassurer en faisant des soins techniques ? Etre dans l’action, de

manière représentative, réaliser des prélèvements veineux, poser une perfusion, cela me

rassure-t’il ? Ce questionnement m’amène à me demander si je ne fais pas preuve

d’égoïsme durant cette situation. Si bien que je pense avoir oublié que la patiente est

une personne à part entière et pas seulement un objet de soin. Ses besoins ne sont pas

seulement physiques mais aussi psychologiques. Pourtant, je ne pense pas à cet aspect

durant la situation car mon objectif est de guérir la pathologie de la personne.

Je suis très ému. Je ne me suis jamais senti aussi ému à ce point que ce soit en

stage ou lorsque je travaillais les week-ends à l'hôpital en tant qu’aide-soignant. J'ai

rencontré à plusieurs reprises des situations où le patient était en fin de vie ou même

lors d'une situation où un patient s'est mis soudainement à faire des hématémèses3

desquelles il n'a pas survécu. Toutefois, je pense que le contexte est différent pour deux

raisons. La première est que j'ai décidé de prendre en charge cette patiente. J'effectue

tous ses soins durant mon poste de travail. J'accompagne donc Mme B. durant toute la

journée. Je connais un peu cette patiente et m'y suis probablement attachée un peu. Je

suis donc dans une proximité importante dans le soin. Je suis plus investi qu’avec les

autres patients. La deuxième raison pour laquelle je pense que cette situation diffère des

3 Une hématémèse désigne un rejet de sang d'origine digestive par la bouche, Ibid. (consulté le

29/11/15.

7

autres est que j'ai vu cette patiente les jours précédents et son état précédent ne

ressemblait en aucun cas à son état actuel. Elle était capable de discuter, d'exprimer ses

envies et de communiquer en toute simplicité. Elle ne pouvait pas se déplacer seule

mais avec de l'aide. Voir cette patiente ce jour-ci incapable de bouger ni de parler m’a

fait ressentir cette grande différence avec les jours précédents. Je pense que l'évolution

rapide de l'état de Mme B. me surprend aussi.

Je décide donc d’exprimer mes sentiments et mes émotions à la cadre. Je lui dis

que je ne comprends pas que l'on ne puisse rien faire pour cette patiente. Elle me

demande ce qu'on pourrait faire à mon avis. Je lui réponds que des examens

radiologiques pourraient être envisagés afin de visualiser la présence d'une éventuelle

hémorragie. Elle rétorque en me demandant si je pense qu'elle puisse survivre à une

opération chirurgicale par la suite. Je lui réponds que non. Je lui dis que je me sens

impuissant à ce moment. Je veux agir et faire de tout mon possible pour rétablir la

situation. Toutefois, cela n’est pas envisageable et je ressens en cela une très forte

frustration. J'essaye en même temps de réfléchir au bien-être de la patiente et de savoir

quelle solution est la plus adaptée pour que sa douleur ne s'aggrave pas. L'ambiance qui

règne est silencieuse. Il n'y a aucun bruit dans les couloirs non plus. J'ai l'impression que

le temps s'est arrêté durant un moment, qu'il n'y a que nous trois et que rien ne peut me

passer à l'esprit à ce moment mise à part la patiente.

Je continue de la regarder pendant que je parle de cela à la cadre de santé.

J'essaye de me retenir de pleurer mais je n’y arrive pas. Mes larmes coulent doucement.

J'ai un peu honte de pleurer devant la soignante. Ce moment est difficile pour moi. Je

repense à la vie, à son sens, à la mort. J'assiste directement à une situation dans laquelle

une personne meure, lentement. Cette mort lente est difficile à mes yeux. Les patients

décédés que j'ai vus durant ma formation l'étaient déjà lorsque j'arrivais dans leur

chambre. Je pense que cela a un lien avec ma réaction. Je ne peux pas supporter cela. La

cadre de santé me dit qu'il est vrai que cette situation est difficile, mais en tant que

professionnelle, je n'aurai pas ni le temps, ni la possibilité de rester près d'un patient qui

serait dans la même situation. Cela est possible dans ce cas car l'effectif le permettait.

Sur le coup, j’acquiesce. Mais après réflexion, je suis certain que l’accompagnement fait

partie du rôle de l’infirmier. Que ce soit en tant qu’étudiant ou professionnel. Et qu’il

8

est nécessaire de rester auprès du patient dans ses derniers instants, peu importe la

charge de travail. L’accompagnement est un travail aussi. Je décide de sortir de la

chambre de la patiente et de me rendre à l'office. Je suis agacé de ne pas avoir pu

continuer les soins curatifs pour cette patiente. Je suis frustré. J’ai vraiment le sentiment

d’abandonner la personne en arrêtant ses soins. Après réflexion, j’ai le sentiment de

l’abandonner doublement en sortant de la chambre sans l’accompagner jusqu’au bout.

Mme B. décèdera quelques minutes plus tard.

Je me suis beaucoup interrogé suite à cette situation sur de nombreux éléments.

Dans un premier temps, je me suis interrogé sur mes émotions pendant la situation.

Pourquoi ai-je été si ému par cette situation ? En effet, je me sentais à la fois impuissant,

triste du déroulement qu'avait pris la situation et frustré du fait de ne pas avoir été dans

la possibilité de soigner la patiente. Je me demande si j'aurais pu gérer mes émotions car

je me suis senti trop touché émotionnellement par cette situation, très impliqué. Je me

demande si cela a eu un impact sur la prise en charge de cette patiente et des autres

patients car pendant que j'étais aux côtés de Mme B, je n'étais pas aux côtés d'autres

patients, ni de mes collègues soignants alors qu'ils avaient peut-être besoin de moi. Je

me demande s’il est possible et utile de gérer ses émotions lorsque l'on est soignant pour

éviter d'être dans une implication émotionnelle trop importante. De plus, le fait que j’ai

pris en charge cette patiente et donc que ma relation avec elle était d’autant plus proche

a-t-il eu un impact sur mes émotions par la suite ?

En quoi la juste distance dans l’accompagnement d’un patient en fin de vie

peut aider un soignant à gérer ses émotions ?

Mais y a-t-il des limites à la gestion de ses émotions ? Ainsi, devrais-je prendre

plus de distance par rapport à mes relations avec les patients pour être moins ému lors

de ce genre de situation ? Peut-on toujours gérer ses émotions, dans n’importe quelle

situation ? De plus, mes émotions ont-elles eu un impact sur ma prise en charge de Mme

B ?

Dans un second temps, je me demande si mes émotions ne sont pas dues à mes

représentations du soin et du soignant. Qu’est-ce qu’un soignant ? Quel-est son rôle ?

Quelle-sont ses limites ? Ai-je une conception du soin et de l'infirmier trop

9

idéaliste, capable de tout soigner dans l'absolu ? Ainsi, le fait que nous ne pouvons pas

toujours guérir a-t-il un impact sur ma prise en charge de la patiente et de mes

émotions ? Il est vrai que je voulais soigner Mme B. au sens curatif. Toutefois, qu'est-ce

que soigner ?

En quoi mes représentations du soin et du soignant peuvent-elles me faire

considérer le patient en tant qu’objet et non en tant que sujet ?

Quels bénéfices et quels inconvénients auraient-ils pu y avoir si l'on continuait

d'effectuer des soins pour Mme B ? Cela m’amène donc à ma troisième interrogation

concernant la patiente. Qu’en était-il de Mme B ? Cet être vivant au centre de la

situation. Cet être pensant avec des besoins. Que voulait-elle à ce moment-là ? En

réalité, elle n’était pas en capacité de l’exprimer. Toutefois, je n’ai pas pensé à ce que

pouvait bien souhaiter la patiente. Mon objectif était seulement de la guérir afin que son

état physiologique s’améliore. Je ressens un sentiment d’égoïsme lorsque j’exprime cela

car je voulais réaliser ce que je souhaitais. Je ne pensais pas à ce qu’aurait-pu souhaiter

la patiente. Je n’ai pas pris en charge la patiente de manière holistique. Mon souhait

était de guérir la patiente et de m’occuper d’elle du point de vue curatif. Je voulais que

le médecin prescrive une radiographie abdominale pour vérifier une éventuelle

hémorragie, effectuer des prélèvements sanguins etc. Etait-ce raisonnable ? Je ne pense

pas. Si bien que j’en oubliais la dimension psychologique et relationnelle du soin.

Effectivement, je me rends compte après réflexion que je considérais la patiente en tant

qu’objet de soin et pas en tant que sujet.

Enfin, je me questionne au sujet de l’accompagnement durant cette fin de vie

imminente. Mais qu’est-ce que l’accompagnement ? Pourquoi accompagne-t-on ?

Comment accompagner le patient dans ses derniers instants ?

En quoi mes représentations de la mort peuvent-elles jouer un rôle dans

l’accompagnement d’un patient en fin de vie ?

L’accompagnement est-il dissociable des soins techniques ? Voulais-je me

rassurer en effectuant des soins techniques ?

10

Ces multiples interrogations m'ont amenées à cibler trois axes de recherche. Le

premier traite de la juste distance et de ses bénéfices quant à la gestion de ses émotions.

Le second explique mes représentations à la mort et son impact sur ma prise en charge

du patient. Enfin, le troisième concerne mes représentations du soin et du soignant et en

quoi elles peuvent me faire voir le patient en tant qu’objet en non en tant que sujet :

Ainsi, j’ai élaboré une question de recherche provisoire qui englobe l’ensemble

de ce questionnement.

En quoi mes représentations peuvent-elles influencer ma prise en charge

d’un patient en fin de vie ?

J’ai donc recherché la définition du concept de représentation, sur ce que le

concept de soin incluait ainsi que sur l’accompagnement en fin de vie. J’ai ensuite

décidé de confronter mes recherches personnelles avec les entretiens que j’ai menés

avec deux infirmières exerçant en service d’urologie, dont l’une est référente en soins

palliatifs, un infirmier anesthésiste ainsi qu’un médecin gériatre spécialisé en soins

palliatifs. L’objectif de cette phase exploratoire est de proposer mon questionnement à

des professionnels de santé, d’échanger autour de ma situation et ainsi de légitimer ma

question de recherche définitive.

Je viens de terminer ma phase de questionnement. Je vous propose désormais ma

phase exploratoire. Elle inclura une première partie théorique et une seconde partie où

se trouvera le résumé des entretiens que j’ai mené auprès des professionnels de santé

cités précédemment.

11

PHASE EXPLORATOIRE

A cette étape, je fais le choix de lire autour des idées fortes de mon

questionnement. Ainsi, j’aborderai les concepts de représentation, de soignant, du soin,

d’émotion et d’accompagnement.

Recherches théoriques

Le premier terme que je vais chercher à définir est celui de représentation. Selon

le Dictionnaire Larousse, une représentation est définie comme « une perception, une

image mentale, etc., dont le contenu se rapporte à un objet, à une situation, à une scène,

etc., du monde dans lequel vit le sujet4 ». Ainsi, nos représentations peuvent être

influencées selon de nombreux facteurs tels que l’éducation ou la culture. Toutes

personnes a donc des représentations différentes sur un élément selon ces différents

facteurs. Dans cette situation, je me questionne autour de mes représentations sur le rôle

du soignant car je pense qu’elles ont impacté ma prise en charge de la patiente. Mes

représentations de l’infirmier sont en partie celles d’une personne ayant la possibilité de

soigner, de guérir le corps dans l’absolue. Je pense que cela a provoqué le fait que j’ai

pu considérer la patiente comme un objet de soin et non comme une personne à part

entière. Mais en amont, mes émotions m’ont impacté directement. Effectivement, j’ai

ressenti beaucoup de frustration durant cette situation et également un sentiment

d’échec. Par ailleurs, j’étais ému. Je pense que cette émotion était directement liée à ma

frustration et à mon sentiment d’échec, de non-accomplissement d’une mission, celle de

soigner.

Ainsi, j’ai décidé d’éclairer le terme de soignant et par la même, approfondir le

terme de soin dans ses différents aspects.

Les termes sur lesquels je vais me concentrer désormais sont ceux de soignant et

de soin. Selon le Dictionnaire Larousse, « un soignant est une personne qui soigne, qui

4 Dictionnaire Larousse, représentation. [en ligne].

<http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/repr%C3%A9sentation/68483>. (Consulté le 31/03/16).

12

apporte des soins aux autres5 » et les soins sont définies comme des « actes par

lesquels on veille au bien-être de quelqu'un : Entourer ses hôtes de soins attentifs. Ce

sont aussi des actes de thérapeutiques qui visent à la santé de quelqu'un, de son corps :

Les premiers soins à un blessé6 ». Nous retrouvons dans ces définitions un caractère

altruiste, qui tend à aller vers autrui. De plus, nous pouvons remarquer deux aspects du

soin : le premier traite du bien être psychologique, moral de l’autre. Le second quant à

lui exprime la notion de « soins du corps ». Ainsi, le soin aurait une composante

psychologique et une autre qui se révèlerait plutôt comme physiologique.

Ceci étant dit, je vais maintenant aborder le concept d’émotion. Il peut être

définit comme un « Mouvement affectif soudain et intense, entrainant un débordement

temporaire du contrôle réflexif sous l'effet d'une stimulation du milieu […] Son seuil

varie en fonction de la personnalité, de ses expériences, de l'état physiologique du sujet

et de la nature de l'agent en cause7 ».

Par ailleurs, Rafaeli et Sutton décrivent les émotions comme une « Forme de

communication entre un émetteur et un récepteur, comprend trois dimensions, à savoir

le contenu, l’intensité et la diversité. Le contenu se manifeste par des comportements,

tels que des expressions faciales, des gestes corporels, le ton de la voix et le langage8 ».

D’après ces éléments, je peux dire que l’émotion est une forme de

communication affective entre plusieurs interlocuteurs et qui varie selon plusieurs

critères : personne, contexte, etc. Nous pouvons donner l’exemple des pleurs, de la joie,

de l’euphorie qui sont des émotions répandues dans notre quotidien. Elles sont aussi

présentes dans le milieu des soins et peuvent êtres ressenties durant l’accompagnement

de patients. Mais qu’est-ce que la notion d’accompagnement ?

5 Défintion : soignant. [en ligne].

< http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/soignant_soignante/73228>. (Consulté le 31/03/16). 6 Défintion : soin. [en ligne].

< http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/soin/73236 >. 7 Définition : émotion. [en ligne].

< http://www.psychologies.com/Dico-Psycho/Emotion>. (Consulté le 31/03/16). 8 VAN HOOREBEKE, Delphine, La gestion des émotions au travail : une revue vers une nouvelle

conception du management, Humanisme et Entreprise 4/2008 (n° 289), p. 81-103. < http://www.cairn.info/revue-humanisme-et-entreprise-2008-4-page-81.htm >. (Consulté le 31/03/16).

13

Je vais désormais éclairer ce terme très présent dans le secteur hospitalier.

D’après l’HAS9, l’accompagnement est « un processus dynamique qui engage différents

partenaires dans un projet cohérent au service de la personne, soucieux de son intimité

et de ses valeurs propres »10

.

Ainsi, il désigne un processus qui inclut une équipe pluridisciplinaire mettant en

place des actions au service du patient, au centre du soin.

C’est ainsi que s’achève mes recherches théoriques. Elles m’ont permis d’avoir

un meilleur aperçu des concepts que j’aborde. Je vous propose maintenant la

confrontation de mon questionnement et de ma partie théorique avec des soignants afin

d’avoir plusieurs visions différentes concernant ma situation. Cela me permettra de

légitimer ma question de recherche définitive.

Entretiens

J’ai mené mes différents entretiens de la manière suivante. J’exposais ma

situation au soignant, cherchais à savoir s’ils avaient d’éventuelles questions et tentais

d’y répondre. Puis, je leur présentais mon questionnement. Je leur demandais ensuite en

quoi ma situation les questionnait et si ma question finale les interrogeait aussi. Enfin, je

leur citais les axes de recherches auxquels je pensais puis leur demandais s’ils pouvaient

m’en proposer d’autres.

Je vais dans un premier temps vous faire part du premier entretien que j’ai mené

auprès de deux infirmières d’urologie. Le choix de ce service était purement aléatoire.

Entretien 1 : infirmières d’urologie

Les deux infirmières m’ont fait part du fait qu’elles comprenaient mon

questionnement et qu’il était adapté à cette situation. De plus, elles retrouvaient les

9 Haute Autorité de la Santé

10 Conférence de consensus, L’ACCOMPAGNEMENT DES PERSONNES EN FIN DE VIE ET DE LEURS

PROCHES. [en ligne]. <http://www.has-sante.fr>. (Consulté le 24/03/16).

14

concepts de ma question provisoire dans ma situation. Elles ont aussi insisté sur trois

points qui pourraient faire partie de mes axes de recherches : mes émotions durant cette

situation, les soins palliatifs et la fin de vie, mon rôle durant cette situation ainsi que

mes représentations du soignant.

Mon second entretien a été effectué avec un médecin gériatre, spécialiste en

soins palliatifs dans un service de SSR11

. Je trouvais intéressant d’avoir une « vision

médicale » sur ma situation afin d’avoir un point de vue différent sur cette dernière.

Entretien 2 : médecin gériatre

Trois points sont ressortis durant cet entretien. Le premier traite de mon

positionnement durant la situation. Il y a eu un conflit psychologique, un conflit de

valeurs entre l’équipe du service et moi-même. En effet, je souhaitais pour ma part

effectuer des soins curatifs tandis que le médecin avait décidé d’arrêter ces soins. Un

autre conflit pouvait entrer en jeu selon le médecin du SSR. Les enjeux financiers de la

politique de santé actuelle redéfinissent les soins procurés auprès du patient et

impacteraient sur la possibilité d’accompagnement du patient en fin de vie.

Le second point traite de la fragilité du patient. La patiente était effectivement

considérée comme fragile du fait de nombreux critères de fragilité tels que : son âge, le

nombre de traitements qu’elle a et ses antécédents. Selon le médecin gériatre, il faut

repérer les critères de fragilité d’un patient pour anticiper sa prise en charge future. La

conséquence négative d’un trouble organique chez un patient dit « fragile » est la

décompensation en cascade. Un organe défaillant aura une répercussion sur d’autres

organes.

Le troisième et dernier point traite quant à lui de mes représentations à la mort

qui pourraient entraver ma capacité à accompagner un patient en fin de vie. En effet,

une personne qui est elle-même angoissée lorsqu’elle voit une autre personne en fin de

vie rencontrera des difficultés à accompagner cette autre personne au travers de cette

épreuve. Nous parlons ici d’accompagnement. Selon le médecin, l’accompagnement est

11

Soins de Suite et de Réadaptation.

15

plus difficile que le fait d’effectuer un soin technique. Il justifie cela par le fait que

l’accompagnement nous implique directement tandis que le soin technique est selon lui

mécanique. Le médecin gériatre a aussi abordé la mort dans notre société qui pouvait

parfois être tabou et difficile à gérer ainsi que la mort qui peut être ritualisée selon les

cultures.

Pour conclure, il pointe l’aspect positif d’une telle situation source d’évolution

personnelle et professionnelle. C’est dans cet objectif de professionnalisation que

j’aborde l’exploration de cette problématique.

Je vous propose maintenant mon troisième entretien avec un infirmier

anesthésiste. J’ai choisi d’échanger autour de ma situation avec cet infirmier car la

spécialité d’anesthésiste demande à la fois des connaissances théoriques pointues, une

technique omniprésente mais aussi une capacité relationnelle. J’ai fait le rapprochement

avec ma situation dans laquelle les aspects techniques et curatifs étaient présents, mais

pas la dimension relationnelle.

Entretien 3 : infirmier anesthésiste

Trois éléments ont été pertinents durant cet entretien. Premièrement, il était

question de la fin de vie et de l’euthanasie. En effet, le fait d’arrêter les soins curatifs

dans cette situation pouvait faire penser à cette notion d’euthanasie. Deuxièmement, il

était question de la représentation de l’infirmier en blouse blanche qui est censé guérir et

qui se retrouve comme s’il était civil, dans la rue ne pouvant faire que le minimum face

à une situation d’urgence. Tout cela pouvant causer de la frustration, un sentiment que

j’ai ressentie durant ma situation. Enfin, les points positifs de cette situation ont été

abordés. Qu’est-ce que la situation m’a apporté ? Qu’est-ce que je peux faire pour

pallier à cette frustration ? Le but de ce type de situation est d’être capable d’anticiper

une situation autre du même type une prochaine fois. Par ailleurs, l’intérêt de la patiente

est ressorti durant cet entretien. Que voulait-elle en réalité ? Etait-elle capable

d’exprimer sa volonté ?

16

J’ai pu remarquer que des éléments communs étaient présents dans chaque entretien.

Ces éléments sont :

- mes représentations du rôle de l’infirmier, du soignant dans sa généralité, du

soin et de la mort

- la place du patient dans le soin

- l’accompagnement du patient en fin de vie

- mes émotions

Ainsi mon questionnement, éclairé de mes recherches théoriques et de mes

entretiens m’a permis d’exposer une question de recherche définitive :

En quoi les représentations des soins infirmiers peuvent-elles influencer

l’accompagnement d’un patient en fin de vie ?

Afin de répondre à cette problématique, je développerai et analyserai plusieurs

concepts que je mettrai en lien avec ma situation.

Dans un premier temps, j’éclairerai la notion de représentation sociale en

m’appuyant sur différents auteurs. Je ciblerai ensuite les représentations sociales au sein

de la profession infirmière en abordant l’historique de la profession. Je traiterai aussi un

autre type de représentation, tout aussi importante, qui sont celles de la mort, de la vie,

de la santé et de la maladie. J’inclurai dans ce chapitre la notion de valeur qui est, dans

ma situation, un élément déterminant de mon comportement face à la patiente.

Dans un second temps, je développerai le concept de soins infirmiers en analysant

les différentes dimensions qu’il comporte : sociales, éducatives, physiques et

psychologiques. Je détaillerai après cela deux concepts fondamentaux des soins

infirmiers : le care et le cure. Je clôturerai cette partie en approfondissant le terme

d’émotion en ciblant l’empathie, la compassion et la frustration.

Puis, j’analyserai la notion d’accompagnement dans le soin. Je mettrai cette notion

en lien avec celles de la distance relationnelle et de l’implication dans le soin. Enfin,

j’axerai la fin de cette partie sur l’accompagnement du patient en fin de vie.

17

PREMIERE PARTIE : PHASE THEORIQUE

1. Les représentations

1.1. Représentations sociales

Pour débuter notre analyse sur les représentations sociales, j’amènerai une

explication étymologique de ce terme.

Le terme de représentation vient du latin « representatio » qui désigne l’« action de

replacer devant les yeux de quelqu'un ». Il découle du mot « représenter » qui vient du

latin « repraesentare » signifiant « rendre présent, mettre devant les yeux »,

«reproduire», « rendre effectif, faire sur le champ»12

.

D’après Emile Durkheim (1858-1917), « la représentation impose à l’individu des

manières de penser et d’agir, et se matérialise dans les institutions sociales au moyen

de règles sociales, morales, juridiques13

». Pour lui, « les premiers systèmes de

représentations que l’homme s’est fait du monde et de lui-même sont d’origines

religieuses14

». Par ailleurs, il pose une distinction entre représentations individuelles et

représentations collectives : « La société est une réalité sui generis ; elle a ses

caractères propres qu’on ne retrouve pas, ou qu’on ne retrouve pas sous la même

forme, dans le reste de l’univers. Les représentations qui l’expriment ont donc un tout

autre contenu que les représentations purement individuelles et l’on peut être assuré

par avance que les premières ajoutent quelque chose aux secondes15

».

12

Centre National de Ressources Textuelles, Etymologie de la représentation. [en ligne]. <https://www.cairn.info/revue-recherche-en-soins-infirmiers-2011-4-page-49.htm>. (Consulté le 05/04/16). 13

JOUET LE PORS, Michèle, LA THÉORIE DES REPRÉSENTATIONS SOCIALES. [en ligne]. Publié le 25/04/06. http://www.cadredesante.com/spip/profession/recherche/La-theorie-des-representations. (Consulté le 28/03/16). 14

DURKHEIM Emile, Les formes élémentaires de la vie religieuse, Paris, Le livre de poche, 1991, p.16, 758p.. 15

Ibid.

18

En France, Serge Moscovici tend à montrer dans son livre « La Psychanalyse, son

image et son public16

», « comment une nouvelle théorie scientifique ou politique est

diffusée dans une culture donnée, comment elle est transformée au cours de ce

processus et comment elle change à son tour la vision que les gens ont d’eux-mêmes et

du monde dans lequel ils vivent17

». Pour lui, « les représentations sont des formes de

savoir naïf, destinées à organiser les conduites et orienter les communications18

».

Jodelet, quant à elle, désigne la représentation comme « une forme de connaissance

socialement élaborée et partagée ayant une visée pratique et concourant à la

construction d’une réalité commune à un ensemble social19

».

Selon le Dictionnaire Larousse, une représentation est définie comme « une

perception, une image mentale, etc., dont le contenu se rapporte à un objet, à une

situation, à une scène, etc., du monde dans lequel vit le sujet20

». Au sens philosophique

du terme, elle est désignée comme une « connaissance fournie à l'esprit par les sens ou

par la mémoire21

».

Ainsi, les représentations seraient des perceptions mentales qu’ont les individus se

rapportant à un élément en particulier. Par ailleurs, Durkheim souligne que les

représentations collectives, partagées par un ensemble de personnes, seraient

complémentaires des représentations individuelles. Serge Moscovici quant à lui ajoute

que les représentations seraient issues de théories subissant un processus de

transformation et provoquant le changement de mode de pensée de l’individu. De plus,

ces représentations ne seraient pas des éléments figés dans le temps mais pourraient

évoluer. Jodelet vient compléter les deux précédents auteurs en admettant que les

représentations sont un ensemble de savoirs commun à un ensemble de personnes dont

le but est de communiquer, de vivre en communauté et de s’inscrire dans une certaine

forme de réalité.

16

MOSCOVICI Serge, La psychanalyse, son image et son public, Paris, PUF, 1961 (2e éd. 1976), p.20,

506p. 17

FARR Robert, Les représentations sociales, in Psychologie sociale, op.cité, p.385. 18

JOUET LE PORS, Michèle, op.cité. (Consulté le 26/06/16). 19

JODELET, Denise, Les représentations sociales : phénomènes, concept et théorie, in Psychologie sociale, sous la direction de S. Moscovici, Paris, PUF, Le psychologue, 1997, p.365. 20

Définition : représentation. [en ligne]. <http://www.larousse.fr>. (Consulté le 25/03/15). 21

Ibid.

19

Mais quelle fut l’évolution des représentations sociales durant ces derniers siècles ?

Nous développerons cela dans la prochaine partie en nous ciblant sur la profession et les

soins infirmiers.

1.2. Historique et représentations sociales de la profession et des soins infirmiers

Commençons ce chapitre par une analyse étymologique du terme « infirmier ».

« Le mot infirmier apparaît en 1398. Il est issu du terme infirme (1247), qui vient du

latin « infirmus » (faible, impotent, invalide). Ce terme a d’abord désigné dans les

maisons religieuses la moniale chargée de soigner ses consœurs, puis au XVIe

siècle, on appelle couramment infirmière la sœur qui prend en charge les soins22

».

Parlons aussi du terme « enfermier23

», attesté de 1288. « Au Moyen Âge, on isole et

on contraint pour repérer et écarter celui qu’on ne maîtrise pas. Le soignant est

absent, il représente plutôt un assistant à la misère sous la coupe des ordres

religieux qui mettent en place des lieux de rassemblements, l’enfermerie 24

».

À la Renaissance, ouvrent des établissements accueillant des fous mais aussi des

malades, des miséreux et des exclus en Europe. Le personnel se compose de médecins

et de religieux au statut non défini. Les soins sont assimilés à la charité pour l’amour

divin. Le soin est bénévole, la femme qui aide n’est pas rémunérée financièrement ; les

soins sont définis dans un système d’échanges : le remerciement se fait en nature,

l’infirmière est prise en charge par la structure qui l’emploie car le soin n’a pas de

valeur économique, sa valeur est culturelle25

.

Toutefois, un changement vient apparaître au cours du XIXe siècle.

« La dimension religieuse est remise en question vers le milieu du XIXe siècle pour

deux raisons :

22

Infirmier en psychiatrie : évaluer, soigner, prévenir... [en ligne] <http://www.infirmiers.com/votre-carriere/votre-carriere/infirmiers-en-psychiatrie.html>. 20.03.09, Mise à jour le 26.06.14. (Consulté le 26/03/16). 23

Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, Etymologie de l’infirmier. [en ligne]. <http://www.cnrtl.fr/definition/dmf/INFIRMIER>. (Consulté le 26/03/16). 24

DUBOYS, FRESNEY, Catherine, PERRIN, Georgette, Le métier d’infirmière en France. Presses Universitaires de France, 2009, p.48, 128p. 25

Ibid.

20

- L’avènement de la République : combattre les maladies et répandre la santé

devient un objectif intéressant

- Les découvertes de Pasteur : elles impliquent de nouveaux gestes d’hygiène et

de stérilisation, refusés par les religieuses ; ce qui amène les médecins à

rechercher des auxiliaires qui accepteraient cela

La Seconde Guerre mondiale a un autre impact : elle marque le début de

l’affranchissement de l’infirmière vis-à-vis des médecins. En effet les nouvelles

thérapeutiques (antibiotiques, examens biologiques) multiplient les gestes

techniques au point que les médecins ne peuvent plus les assumer seuls. Dans le

mouvement général de mai 1968, les infirmières prennent conscience de ce qu’elles

sont une profession comme les autres et commencent à se libérer de l’obéissance, la

soumission, la charité et le dévouement de la religieuse. Sur le plan professionnel,

les rapports entre médecins et infirmières se transforment avec une nouvelle

position de l’infirmière qui ose s’imposer face à son patron. Les infirmières ont

probablement bénéficié des évolutions sociales de cette époque sur la place de la

femme dans la société en général et dans le monde du travail en particulier»26

.

C’est après la seconde guerre mondiale, avec le développement de l’antibiothérapie

et des techniques d’explorations médicales, que l’hôpital devient un lieu d’hyper

technicité27

, de nouveaux professionnels de la santé interviennent (diététiciennes,

techniciens de laboratoire...) et les infirmières viennent s’approprier de nouvelles

compétences médicales. Les soins qui sont effectués en série sont centrés sur la maladie

ou l’organe. On assiste à un morcellement de la fonction de soignant et aussi, une

volonté de lier la dimension religieuse d’autrefois28

et la dimension technique29

comme

une manière de revendiquer sa profession. Ainsi, les infirmières délèguent ce qu’elles

tendent à considérer comme le « sale boulot », en d’autres termes, elles tendent à

26

Ibid. 27

HESBEEN, W, Prendre soin à l’hôpital. Inscrire le soin infirmier dans une perspective soignante. Masson, 1997, p.55, 208p. 28

MAGNON, R., Les infirmières : identité, spécificité des soins infirmiers. Masson, 2001, p100, 198p.. 29

KNIBIEHLER, Y, (dir.), Cornettes et blouses blanches. Les infirmières dans la société française 1880-1980, Paris, Hachette, 1984, p300, 366p.

21

«déprécier la qualification de garde malade qui leur vient de Nightingale et à en céder

les fonctions aux petits personnels, pour se consacrer aux travaux d’administration30

».

Le 5 septembre 1972 est mis en place un nouveau programme des études menant au

diplôme d’Etat d’infirmier. « Sa conception globale était avant tout centrée sur la santé

et sur la personne humaine, et non plus exclusivement sur la maladie31

». Ce nouveau

programme est centré sur « les soins infirmiers » concernant certaines pathologies ou

différents âges de la vie, avec un enseignement théorique et des stages qui favorisent

l’apprentissage des soins globaux aux patients. Toutefois, l’infirmière exécute toujours

des prescriptions médicales. Elle s’intéresse aux soins infirmiers liés au confort du

patient. La loi du 31 mai 197832

définie la profession d’infirmière et lui reconnaît un

rôle propre dans la mise en œuvre des soins, de l’accompagnement des patients, en

termes de prévention, d’éducation, et de promotion de la santé. C’est une immense

reconnaissance pour cette profession, qui peut désormais commencer à s’affirmer. Les

décrets du 12 mai 198133

et du 17 juillet 198434

définissent les soins infirmiers et

précisent les actes qui peuvent être effectués sur le rôle propre de l’infirmière ou par une

prescription médicale.

Ainsi, les représentations sociales de la profession infirmière et des soins infirmiers

ont subi une évolution importante au fil des années. Les différentes révolutions ainsi

que les progrès techniques ont permis de faire évoluer cette profession. L’infirmière a

de nos jours beaucoup plus d’autonomie que durant les derniers siècles et tend à

affirmer son rôle de jour en jour. Un rôle de promotion de la santé, de promotion de la

vie. Mais quelles-sont ces notions humanistes ? Comment leurs représentations sociales

ont-elles évolué au cours du temps ? Je ferai en sorte d’y répondre dans la prochaine

partie.

30

HUGHES, E-C, Le regard sociologique. Essais choisis, Textes rassemblés et présentés par Jean-Michel Chapoulie, Éditions de l’EHESS, Paris, 1996, p444. 31

Code de la Santé Publique. Décret n°72-818 et arrêté du 5 septembre 1972, relatif au programme d’enseignement et à l’organisation des stages en vue de la préparation au diplôme d’Etat d’infirmier 32

Op. cit. Loi n° 78-615 du 31 mai 1978 modifiant les articles L.473 à 476 du Code de la Santé Publique, relatifs à la profession d’infirmière et L.372 de ce code relatif à l’exercice illégal de la médecine 33

Op. cit. Décret n°81-539 du 12 mai 1981, relatif à l’exercice de la profession d’infirmier. 34

Op. cit. Décret n°84-689 du 17 juillet 1984, relatif aux actes professionnels et l’exercice de la profession d’infirmier.

22

1.3. Représentations sociales de la santé et de la vie

Je commencerai l’éclairage de la notion de santé par une recherche

étymologique. Le terme de santé nous vient du latin « sanitas » qui signifie santé (du

corps, de l'esprit) et qui est dérivé du terme « sanus » qui signifie sain35

.

Selon l’OMS, « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et

social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité36

».

Le Dictionnaire Larousse nous apporte en plus le fait que la santé est un « État

de bon fonctionnement de l'organisme », « État de l'organisme, bon ou mauvais » ou

encore « Équilibre psychique, harmonie de la vie mentale37

».

Par ailleurs, la notion de santé est liée à celle de vie car, sans vie, il n’y aurait

pas de santé. J’ai donc décidé d’approfondir cette notion de vie.

Du point de vue étymologique, la notion de vie renvoie à la racine latine

« vita » dérivée de « vivere » signifiant « vivre, être en vie »38

.

Le Dictionnaire Larousse39

précise que la vie est :

« Un caractère propre aux êtres possédant des structures complexes

(macromolécules, cellules, organes, tissus), capables de résister aux diverses

causes de changement, aptes à renouveler, par assimilation, leurs éléments

constitutifs (atomes, petites molécules), à croître et à se reproduire » ou la

« Durée d'existence d'un individu » ou enfin le « Fait de vivre ; l’existence, en

particulier humaine ».

35

Etymologie : santé. [en ligne]. <http://www.cnrtl.fr/etymologie/sant%C3%A9>. (Consulté le 03/04/16). 36

Préambule à la Constitution de l'Organisation mondiale de la Santé, tel qu'adopté par la Conférence internationale sur la Santé, New York, 19-22 juin 1946; signé le 22 juillet 1946 par les représentants de 61 Etats. 1946; (Actes officiels de l'Organisation mondiale de la Santé, n°. 2, p. 100) et entré en vigueur le 7 avril 1948. 37

Définition : santé. [en ligne]. < http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/sant%C3%A9/70904>. (Consulté le 03/04/16). 38

Etymologie : vie. [en ligne] < http://www.cnrtl.fr/etymologie/vie>. (Consulté le 03/04/16). 39

Définition : vie. [en ligne]. < http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/vie/81916 >. (Consulté le 03/04/16).

23

Ainsi, la notion de vie s’inscrirait dans la durée et serait un phénomène évolutif,

qui se construirait. Nous distinguons la vie cellulaire, concernant les différentes activités

chimiques au niveau de nos cellules et la vie à plus grande échelle, la vie « humaine ».

Celle-ci renvoie au principe même de notre existence, à la nature humaine.

Nous pouvons aussi constater que la notion de santé possède à la fois une

dimension physique et psychique depuis l’étymologie même de cette notion. Il existe

alors une santé du corps et une santé de l’esprit. Ces deux aspects de la santé seraient

intimement liés si l’on se fie au fameux adage « bien dans son corps, bien dans sa tête ».

De plus, une troisième dimension apparait dans cette définition. C’est la dimension

sociale. Ainsi, une harmonie entre ces trois dimensions mènerait à la santé. Toutefois,

cette affirmation n’aurait-elle pas un aspect utopique ? Puis, est-il possible d’arriver à

une telle harmonie ? Si cela n’est pas possible, à quoi peut-on faire face ? Existerait-il

un état dans lequel on ne se sentirait pas en vie, pas en santé ? C’est ainsi que je

développerai les concepts de maladie et de mort, ainsi que leurs représentations sociales.

1.4. Représentations sociales de la maladie et de la mort

Je vais débuter l’explication du concept de maladie par une étude étymologique de

ce terme. La notion de maladie vient du latin « male habitus » qui veut dire

« mauvais état »40

.

La définition contenue dans le Dictionnaire Larousse vient éclairer cette explication

étymologique en ajoutant que la maladie est l’« Altération de la santé, des fonctions des

êtres vivants (animaux et végétaux), en particulier quand la cause est connue (par

opposition à syndrome) 41

».

La maladie est donc une atteinte à la santé, provoquant un mal-être qui peut-être

physique, psychologique et se répercuter au niveau sociale, si l’on se réfère à la

définition de la santé précédemment citée. Je vais désormais développer un terme

pouvant être lié à la notion de maladie de par plusieurs aspects : la mort.

40

Définition : maladie. [en ligne]. < http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/maladie/48809 >. (Consulté le 03/04/16). 41

Ibid.

24

J’ai décidé de débuter l’étude du concept de mort par son étymologie. Il vient du

latin « mortuus » signifiant « paralysé, faible »42

.

J’ai continué ma réflexion autour de cette notion en citant sa définition telle

qu’elle nous est offerte dans le Dictionnaire Larousse43

. Il nous propose les suivantes :

« Perte définitive par une entité vivante (organe, individu, tissu ou cellule) des

propriétés caractéristiques de la vie, entraînant sa destruction » ou la « Cessation

complète et définitive de la vie d'un être humain, d'un animal » ou « Manière

de mourir ; circonstances qui accompagnent la mort : Une mort naturelle,

accidentelle ».

Enfin, je me suis appuyé sur une définition tiré de l’article R1232-1 du Code de

la Santé Publique44

pour définir ce concept :

« Si la personne présente un arrêt cardiaque et respiratoire persistant, le constat

de la mort ne peut être établi que si les trois critères cliniques suivants sont

simultanément présents :

1° Absence totale de conscience et d'activité motrice spontanée ;

2° Abolition de tous les réflexes du tronc cérébral ;

3° Absence totale de ventilation spontanée ».

Afin de mettre en lumière l’évolution des représentations de la mort dans nos

sociétés, j’ai décidé de m’appuyer sur un article de revue (Annexe I) rédigé par Damien

LE GUAY, philosophe et critique littéraire.

Ce que je retiens de ce concept de mort est qu’il met un terme à un processus

d’évolution, de maturité de l’être humain. La mort peut être définie de manière

médicale, comme elle est citée dans le Code de la Santé Publique. Toutefois, je pense

qu’il est essentiel de garder sa dimension philosophique, psychologique et sociale.

42

Etymologie : mort.[en ligne]. < http://www.littre.org/definition/mort>. (Consulté le 03/04/16). 43

Définition : mort. [en ligne]. < http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/mort/52706#w7kZzw7h2UVqLDj7.99>. (Consulté le 03/04/16). 44

Code de la Santé Publique, article R1232-1 du Code de la Santé Publique Modifié par Décret n°2005-949 du 2 août 2005 - art. 1 JORF 6 août 2005.

25

Effectivement, elle a de nombreuses répercussions, notamment sur l’entourage de la

personne victime, mais aussi sur d’autres, en relation ou non avec cette personne. Je

pense par exemple aux soignants qui y sont confrontés régulièrement, mais aussi aux

individus dans nos sociétés. La mort peut avoir des représentations différentes selon les

individus, les cultures. De plus, ses représentations ont subi une évolution au cours du

temps conduisant à sa banalisation (média, cinéma) et à une modification du rapport

qu’ont les individus avec elle.

Pour faire le lien avec ma situation, je dois dire que j’étais très ému du décès de

la patiente. Cependant, je me demande si un élément ne serait pas en cause dans toutes

ses émotions, dans mon comportement face à cette patiente. En réalité, je pense que mes

valeurs personnelles ont influencé ma prise en charge de cette patiente. Je vais donc

analyser ce terme dans la partie suivante.

1.5. Valeurs

Je trouve intéressant de commencer cette partie avec une étude étymologique45

de ce

terme. Le mot « valeur » vient du latin « valorem », de « valere », « être fort, valoir ».

Selon le Dictionnaire Larousse, une valeur désigne « ce qui est posé comme vrai,

beau, bien, d'un point de vue personnel ou selon les critères d'une société et qui est

donné comme un idéal à atteindre, comme quelque chose à défendre46

».

Schwartz, propose une conception des valeurs leur attribuant six caractéristiques

principales :

- « Les valeurs sont des croyances associées de manière indissociable aux affects.

Quand les valeurs sont « activées », elles se combinent aux sentiments.

- Les valeurs ont trait à des objectifs désirables qui motivent l’action.

- Les valeurs transcendent les actions et les situations spécifiques.

- Les valeurs servent d’étalon ou de critères. Les valeurs guident la sélection ou

l’évaluation des actions, des politiques, des personnes et des événements. On

45

Etymologie de valeur. [en ligne]. <http://www.littre.org/definition/valeur >. (Consulté le 28/04/16). 46

Définition : valeur. [en ligne]. < http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/valeur/80972>. (Consulté le 26/03/16).

26

décide de ce qui est bon ou mauvais, justifié ou illégitime, de ce qui vaut la

peine d’être fait ou de ce qui doit être évité en fonction des conséquences

possibles pour les valeurs que l’on affectionne.

- Les valeurs sont classées par ordre d’importance les unes par rapport aux

autres. Les valeurs d’une personne peuvent être classées par ordre de priorité,

et cette hiérarchie est caractéristique de cette personne.

- L’importance relative de multiples valeurs guide l’action. Toute attitude, tout

comportement, implique nécessairement plus d’une valeur47

».

Ainsi, nos valeurs seraient liées à nos émotions et guideraient nos actions. Dans ma

situation, je pense que mes valeurs ont aussi été la cause de mon comportement face à

cette patiente. Mes valeurs sont l’altruisme, la générosité, la bienveillance. Toutefois, je

ne pense pas les avoir mis en pratique en faveur de la patiente car à ce moment-là,

j’avais occulté la dimension psychologique que je pouvais accorder au soin, à cette

patiente. C’est pour cela que j’ai décidé de développer cette notion fondamentale du

soin dans le prochain chapitre, en axant plus précisément mes recherches sur le soin

infirmier. Comme nous avons pu le voir jusqu’à présent, les soins infirmiers ont subi

une évolution depuis le Moyen-Age. Nous allons désormais les voir tels qu’ils sont de

nos jours.

2. Les soins infirmiers

2.1. Définition des soins infirmiers

Afin de mieux apprécier le concept de soin, j’ai décidé de vous en proposer

plusieurs définitions. Cela nous permettra d’avoir plusieurs champs de vision de ce

concept et ainsi, d’enrichir notre analyse.

47

Voir Allport (1961) ; Feather (1995) ; Inglehart (1997) ; Kohn (1969) ; Kluckhohn (1951) ; Mor ris (1956) ; Rokeach (1973) ; Schwartz et Bilsky (1987). [en ligne]. <https://www.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-2006-4-page-929.htm#no2>. (Consulté le

26/03/16).

27

Voici dans un premier temps plusieurs définitions du Dictionnaire Larousse48

qui

précise que les soins sont des « Actes par lesquels on veille au bien-être de quelqu'un »

ou des « Actes de thérapeutique qui visent à la santé de quelqu'un, de son corps ». Ce

sont aussi des « Actes qui visent à entretenir, préserver quelque chose, un végétal ». Ce

terme a donné le verbe « soigner ». Toujours défini par le Dictionnaire Larousse49

,

soigner signifie :

« S'occuper du bien-être de quelqu'un, être attentif à prévenir ses désirs, à lui

faire plaisir » ; « S'occuper avec soin de quelque chose, être attentif à son bon état, à

son aspect, à sa propreté ou à son bon fonctionnement » ; « Procurer les soins

nécessaires à la guérison, à l'amélioration de la santé de quelqu'un, d'un animal » ;

« Essayer de faire disparaître une maladie, de l'éliminer par des soins, des remèdes » ;

« Être attentif à faire quelque chose et à le présenter au mieux ».

Toutefois, c’est réellement en 1995 qu’un tournant décisif de la profession

infirmière apparait : Virginia Henderson précise la définition des soins infirmiers. Pour

elle : « L’infirmière est une praticienne indépendante, […] ayant des jugements

indépendants [et elle] détient l’autorité pour ce qui touche les soins infirmiers50

».

Ainsi, sa vision des soins deviendra une référence pour les soignants sur la place

du patient dans son environnement. Nous constatons sa vision holistique de la personne.

Selon elle, les actions mises en place par les infirmières au vue des 14 besoins

fondamentaux ont pour objectif de rétablir ce déséquilibre afin de rendre la personne de

nouveau indépendante51

.

Par ailleurs, elle précise que :

« Les soins infirmiers (c’est-à-dire le rôle essentiel de l’infirmière), prennent

leur source dans les besoins fondamentaux de l’être humain et ont pour but

48

Définition : soin. [en ligne]. < http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/soin/73236>. (Consulté le 03/04/16). 49

Définition : soigner. [en ligne]. < http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/soigner/73230>. (Consulté le 03/04/16). 50

FAVETTA, Véronique, FEUILLEBOIS-MARTINEZ Brigitte, Prendre soin et formation infirmière. [en ligne]. Recherche en soins infirmiers 4/2011 (N° 107), p. 60-75. <https://www.cairn.info/revue-recherche-en-soins-infirmiers-2011-4-page-60.htm>. (Consulté le 28/03/16). 51

Ibid.

28

d’aider l’individu malade ou en santé au maintien ou au recouvrement de la

santé (ou de l’assister dans ses derniers moments) par l’accomplissement de

tâches dont il s‘acquitterait lui-même s’il en avait la volonté ou s’il possédait les

connaissances voulues, en l’aidant à reconquérir le plus rapidement possible

son indépendance. 52

»

D’après Virginia Henderson, la profession infirmière a bénéficié d’une nette

évolution au cours du temps permettant une émergence d’une certaine autonomie vis-à-

vis du corps médical. De plus, elle affirme que les soins infirmiers prendraient leur sens

dans l’étude des besoins fondamentaux de l’individu. En effet, tout individu aurait des

besoins primordiaux, mais en cas de dépendance et de non-accomplissement d’un ou

plusieurs de ces besoins, l’infirmière serait là afin de pallier à ce manque et ainsi,

permettrait de satisfaire les besoins du patient.

D’ailleurs, le rapport sur « les conditions de travail et de vie des personnels

infirmiers » nous confirme cette autonomie que l’infirmière acquiert au fil du temps.

Selon ce rapport :

« Les soins infirmiers comportent des fonctions qui vont de la simple exécution

de tâches manuelles répétitives correspondant à des schémas de comportement

déterminés à l’avance, à l’accomplissement de services comportant une part

élevée de jugement dans l’application de principes scientifiques et dans le choix

des mesures à prendre... 53

».

Le Bureau régional Europe de l’Organisation mondiale de la santé qui, reprenant

les travaux de la Conférence sur les soins infirmiers qui s’est tenue à Vienne en juin

1988 définit, quant à lui, les soins infirmiers de la manière suivante :

« Les soins infirmiers ont pour but d’aider les individus, les familles et les

groupes à déterminer et réaliser leur plein potentiel physique, mental et social et

à y parvenir dans le contexte de l’environnement dans lequel ils travaillent. [ ...]

Ils sont à la fois un art et une science qui requièrent la compréhension et

52

VIRGINIA HENDERSON, PRINCIPES FONDAMENTAUX DES SOINS INFIRMIERS, S. KARGER, BASEL (SUISSE) (1969), p.25, 66p. 53

OIT-OMS, Rapport sur la réunion préparatoire conjointe sur les conditions de travail et de vie du personnel infirmier, Genève, 19-30 novembre 1973.

29

l’application de connaissances et de compétences spécifiques à la discipline, qui

intègrent aussi des connaissances dérivées des sciences humaines et des

sciences physiques, sociales, médicales et biologiques 54

»

Selon cette définition, les soins infirmiers prendraient un aspect

multidimensionnel et seraient même considérés comme un art. Ce caractère

multidimensionnel nous est précisé dans l’Article R4311-2 du Code de la santé

Publique (Annexe II).

Nous pouvons résumer cet article en admettant que les soins infirmiers

présentent de nombreuses particularités et sont un domaine très vaste. Ces soins incluent

plusieurs dimensions : la dimension sociale, la dimension éducative, la dimension

physique et la dimension psychologique. De plus, comme le présente SVANDRA P.,

« le soin est l’expression agissante de mon humanité55

». Cela exprime la dimension

altruiste, humaniste que porte en lui le soin.

Par ailleurs, la relation patient/soignant a subi une forte évolution au cours du

siècle dernier, comme en témoigne la définition de la santé de l’OMS qui la définit

comme « un état de complet bien- être physique, mental et social, et ne consiste pas

seulement en une absence de maladie ou d’infirmité56

». Nous constatons ici que la

santé prend elle aussi, une dimension différente, plus ouverte sur la dimension

psychologique, mentale.

Bernard Kouchner nous confirme cela de par sa vision de l’homme dans la

préface au Livre blanc des premiers Etats généraux des malades du cancer57

: « Le

temps de la parcellisation du corps est terminé. Nous savons aujourd’hui que soigner

54

SALVAGE, J. Les soins infirmiers en action, OMS, Bureau régional de l’Europe, série européenne n° 48, Copenhague, 1995. 55

SVANDRA P., Eloge du soin. Seli Arslan, 2009, p24, 145p.. 56

Définition de la santé, selon l’OMS. [en ligne]. <http://www.who.int/fr>, publié le 10 Mars 2005. (Consulté le 10/13/16). 57

KOUCHNER, Bernard, préface au Livre blanc des premiers Etats généraux des malades du cancer, [en ligne]. La Ligue, Paris, 1998. <http://www.leem.org/sites/default/files/1358.pdf>. (Consulté le 28/03/16).

30

signifie avant tout comprendre l’homme non seulement dans son unité, mais aussi dans

son unicité58

»

Ce que je retiens réellement de ces différentes approches des soins infirmiers

sont qu’ils s’inscrivent dans une prise en charge holistique du patient. En effet, plusieurs

dimensions apparaissent dans sa prise en charge afin de le voir comme une personne

unique à qui l’on propose des soins et non comme un objet de soins. Je trouve par

ailleurs intéressant de constater à quel point ces soins infirmiers ont évolué en faveur du

patient, de par la maturation de l’infirmière. Cette dernière, via les travaux de Virginia

Henderson a pu exprimer son rôle propre pour prendre en charge le patient de manière

non seulement curative, médicale, mais aussi psychologiquement. Concernant ma

situation, il est clair que j’ai principalement fixé mon attention sur la dimension

physique et occulté les autres.

Cela m’amène à aborder cette subtilité que possèdent les soins infirmiers. Cette

limite tant discutée ces dernières années autour du sens que l’on peut accorder à ces

soins, de la place que l’on peut accorder au patient. Ainsi, j’aborderai dans la prochaine

partie deux aspects des soins infirmiers venus des Etats-Unis : le cure et le care.

2.2. Cure et care : deux concepts fondamentaux

Le cure et le care sont des notions particulièrement intéressantes dans les soins

infirmiers. En effet, de nombreux auteurs ont abordé cette différenciation entre les deux

termes qui peuvent malgré tout, être complémentaires.

Je vous propose dans un premier temps une approche de ces concepts menée par

Marie Françoise Collière. Pour elle, il existe une différenciation entre le care qui

désignerait « les soins coutumiers et habituels », liées aux fonctions d’entretien et le

cure qui serait « des soins de réparation ». Ces derniers répareraient ce qui empêche de

vivre de manière convenable59

.

Ainsi, le cure relèverait plus précisément de l’aspect technique, du soin curatif

visant à guérir la pathologie de la personne soignée. Le care quant à lui serait plus

59

COLLIERE, Marie-Françoise, Soigner… Le premier art de la vie. Masson, 2001, p.200, 464p.

31

investi dans un aspect psychologique, relationnel dans lequel la dimension du « prendre

soin » prendrait tout son sens.

2.2.1. Le cure

La notion de cure pourrait être liée à un mode de pensée existant déjà au XVIIème

siècle. En effet, la pathologie et l’organe malade ont depuis des siècles occupés une

place centrale dans la médecine. Pour Descartes, il suffisait de remplacer l’organe qui

était touché pour guérir le patient. Pour lui, le fonctionnement du corps étant objectif,

tout dérèglement trouverait une cause organique60

. La dimension psychologique était

donc occultée.

Le cure regrouperait « des soins de réparation qui ont pour but de limiter la

maladie, de lutter contre elle et de s’attaquer aux causes. L’objet de réparation est

devenu la fonction organique, la fonction mentale, l’organe, le tissu, voire la cellule

isolée de son tout61

».

Ainsi, le cure ne servirait qu’à « réparer », à rétablir le fonctionnement organique.

Toutefois, se limiter à cette vision du soin serait très limitatif car on oublierait alors la

dimension psychologique qu’a le soin. Je vais donc compléter cette première partie en

développant le second concept qui est le care.

2.2.2. Le care :

Le deuxième aspect qui viendrait compléter la notion de soin serait le care. Une

caractéristique importante du care est qu’il est invisible, contrairement au cure qui se

matérialise plus facilement de par des gestes techniques. Pour P. Molinier, ce travail

invisible ne peut être aperçu que lorsqu’il n’est pas réalisé62

.

Selon Joan Tronto, le care désignerait :

60

LEBRET, Jean-Marc, RÉFLEXION PHILOSOPHIQUE SUR LA RELATION SOIGNANT/SOIGNÉ [en ligne], 2007. <http://www.cadredesante.com/spip/IMG/pdf/reflexions_philosophique_Lebret.pdf> (Consulté le 28/03/16). 61

Le concept de « CARE » : Les soins liés aux fonctions de la vie. [en ligne]. 2011. < http://www.grieps.fr/actualites-le-concept-de-care-les-soins-lies-aux-fonctions-de-la-vie-49>. (Consulté le 29/03/16). 62

MOLINIER, P., Ibid, p 36.

32

« Une activité générique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir,

perpétuer et réparer notre « monde », de sorte que nous puissions y vivre aussi bien

que possible. Ce monde comprend nos corps, nous-mêmes et notre environnement,

tous éléments que nous cherchons à relier en un réseau complexe, en soutien à la

vie63

».

Ces définitions tendent vers une notion du « prendre soin » dans toute sa dimension

psychologique et relationnelle.

Pour J.Zimowski :

« Prendre soin est un art, cela comprend tout ce que les soignants font dans la

limite de leurs compétences et de leurs possibilités. Dans la notion de soin, il est de

question : de gestes, maîtrisés afin d’engendrer un minimum d’inconfort pour le

patient (accessoire), d’esprit du geste (essence : démarche soignante auprès du

patient dans sa situation de vie). Il convient de distinguer le soin que l’on prend aux

soins que l’on donne. Le soin (technique ou nursing) n’est pas une fin. C’est

simplement un moyen de prendre soin64

».

Nous pouvons donc constater une différence entre le care et le cure, mais il y

aurait aussi un lien fort. En effet, les deux seraient en synergie selon Rothier Bautzer E.

et une bonne utilisation du care permettrait de mieux soigner, au sens curatif.

Selon lui, « Sous-estimer le travail de « care », du « prendre soin » revient à

mettre en péril les possibilités curatives 65

».

Ces deux termes, qui trouvent leur origine dans l’anglais américain, ont eu une

place particulière dans ma situation. En effet, je me trouvais dans une démarche

d’action, de faire du soin curatif pour guérir cette patiente. C’est ici que se trouve le

cure. Ce verbe est intéressant, guérir. Qu’est-ce que guérir ? Guérir la maladie ? Cela

veut-il dire que nous ne pouvons pas guérir les maux, les souffrances ? C’est ici

63

TRONTO, Joan, Un monde vulnérable, pour une politique du care, La Découverte, 2009, p.12, 238p. 64

ZIMOWSKI, J., Points de vigilances des soins infirmiers du patient en oncologie et soins palliatifs, Centre d’Ethique Médicale, Diplôme Universitaire de Soins Palliatifs, Lille https://www.uclouvain.be/cps/ucl/doc/ebim/documents/prendre_soin__JZ__2012.pdf>. (Consulté le 03/04/16). 65

ROTHIER BAUTZER, Eliane, Entre cure et care, Les enjeux de la professionnalisation infirmière, Collection Fonction Cadre de santé, Gestion des ressources humaines, Edition Lamarre, p.44, 294p.

33

qu’intervient le care. Les termes appropriés pour ce concept seraient « accompagner »,

« prendre soin ». Cette dimension psychologique n’était que trop peu présente lors de la

prise en charge de cette patiente afin de l’accompagner dans ses derniers instants de vie.

Mes émotions avaient pris le dessus. J’étais impuissant face à elles. Cela signifie-t-il

que je combattais mes émotions ? Ne peut-on pas se servir de ses émotions pour le

patient ? C’est dans la prochaine partie que j’essayerai de répondre à ces questions en

éclairant ce concept d’émotion.

2.3. Les émotions

Je commencerai l’étude de ce concept par son étymologie. Le terme d’ « émotion »

nous vient du latin « moveo » qui signifie « déplacer, ébranler » par extension ; « ce qui

met en mouvement et nous jette en dehors »66

.

Selon le Dictionnaire Larousse, l’émotion est un « trouble subit, une agitation

passagère causés par un sentiment vif de peur, de surprise, de joie, etc. 67

» ou bien une

« réaction affective transitoire d'assez grande intensité, habituellement provoquée par

une stimulation venue de l'environnement68

».

Le Dictionnaire Larousse des concepts philosophiques décrit quant à lui les

émotions d’une autre manière :

« Les émotions, appelées passions dans la philosophie classique, sont des états

affectifs complexes comportant des composantes physiques et mentales. Elles sont

liées à des changements physiologiques et souvent une expression physique

caractéristique (posture, expression du visage, etc.). Elles font intervenir une

représentation d’une situation. Elles ont une dimension qualitative spécifique. Elles

sont généralement associées à des tendances spécifiques à l’action, comme pour la

fuite la peur, ou l’agression la colère. Leur déclenchement soudain, leur durée

66

Etymologie des émotions, Michel Bay, Dictionnaire des concepts philosophiques, Larousse, 2006. 67

Définition : émotions. [en ligne]. < http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/%C3%A9motion/28829>. (Consulté le 26/03/16. 68

Ibid.

34

brève, leur focalisation sur une situation particulière les distinguent des humeurs ou

des traits de tempéraments »69

.

Pour Odile Jacob, « Chaque parole, geste, parfum, image, goût, est immédiatement

“interprété” par son affectif. Sans les émotions nous serions des machines et notre

existence serait grise70

».

D’après Catherine Marchi, « C’est quand on nie ses émotions, quand on les

méconnaît, qu’elles nous tyrannisent71

».

Les émotions sont donc un état durant lequel de nombreuses manifestations

physiques et psychologiques apparaissent. Elles seraient la cause d’une situation

extérieure qui les aurait provoquées. Pour interpréter les propos émis par Odile Jacob,

les émotions seraient une manière de colorer nos vies et éviteraient que l’on soit des

machines. Il me paraît évident que j’ai ressentis des émotions dans ma situation mais

quelles étaient-elles exactement et comment pourrais-je les approfondir ? Pour répondre

à ces interrogations, j’ai décidé de développer les notions d’empathie, de compassion et

de frustration.

2.3.1. L’empathie

D’un point de vue étymologique, l’empathie est composée du préfixe grec em-, «

dans », et de –pathie «ce que l'on éprouve [de mal]»72

.

Decety dit qu’ « il existe presque autant de définitions du concept d’empathie que

d’auteurs écrivant sur le sujet73

». Pour lui, elle se compose de deux aspects : « 1) une

réponse affective envers autrui qui implique parfois (mais pas toujours) un partage de

69

Etymologie des émotions, op. cit. 70

CYRULNIK, Boris, Les Nourritures affectives. Editions Odile Jacob, 2000, p.22, 252p. 71

MARCHI, Catherine, Emotions vivifiantes et perturbantes, [en ligne], mars 1999. http://www.psychologies.com/Moi/Se-connaitre/Emotions/Articles-et-Dossiers/Nos-emotions-les-controler-ou-les-exprimer/Emotions-vivifiantes-et-perturbantes>. (Consulté le 28/03/16). 72

Etymologie de l’empathie. [en ligne]. Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, < http://www.cnrtl.fr/definition/dmf/empathie>. (Consulté le 26/03/16). 73

DECETY, (J), L’empathie, Sous la direction de BERTHOZ (A) JORLAND (G) Ed Odile Jacob Paris 2004 (12-1 p 35, 12-2 p 43).

35

son état émotionnel, et 2) la capacité cognitive de prendre la perspective subjective de

l’autre personne sans confusion avec ses propre affects74

Pour le Dictionnaire Larousse, elle est définie comme la « Faculté intuitive de se

mettre à la place d'autrui, de percevoir ce qu'il ressent75

».

Selon Carl Rogers, « Être empathique, c’est percevoir le cadre de référence interne

d’autrui aussi précisément que possible et avec les composants émotionnels et les

significations qui lui appartiennent comme si l’on était cette personne, mais sans jamais

perdre de vue la condition du « comme si »76

».

Pour Mucchielli, c’est l’ « effort de décentration par rapport à soi pour entrer dans

l’Univers de l’Autre et le comprendre humainement77

».

Ces différentes définitions nous donnent un aperçu de la complexité de la notion

d’empathie. C’est la capacité de comprendre ce que peut ressentir autrui, sans toutefois

ressentir ses émotions comme lui peut les ressentir. Ces différents auteurs différencient

donc bien cet aspect, cette limite qui se trouve entre la personne faisant preuve

d’empathie, et l’autre envers qui l’on est empathique. Cette complexité nous amène à

nous questionner sur la différence avec le terme de « compassion » qui possède une

racine commune avec l’empathie.

2.3.2. La compassion

Commençons l’étude de la notion de compassion par une approche étymologique de

ce terme. Il se compose de deux parties : « cum » (avec) et « patio » (souffrir78

).

D’après cette définition, compatir signifierait « souffrir avec ». Nous pouvons

émettre une première nuance avec la notion d’empathie qui elle, pose une limite entre

74

DECETY, op.cité. 75

Défintion d’empathie. [en ligne]. <http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/empathie/28880>. (Consulté le 26/03/26). 76

ROGERS Carl, a way of being, Boston 1980, Houghton Mifflin compagny, cité par Decety, L’empathie 2004, p 59, 200p. 77

MUCCHIELLI, R., L’entretien de face à face dans la relation d’aide, Ed. ESF, 1995, p 10. 78

Etymologie compassion. [en ligne]. < http://www.littre.org/definition/compassion>. (Consulté le 26/03/16).

36

les personnes. Dans la compassion, cette limite ou barrière se baisse pour laisser la

personne ressentir ce que l’autre ressent.

D’après Jacques Ricot :

« La compassion est une expérience particulière du pâtir, celle qui reçoit en

partage la souffrance d’autrui et ce pâtir, loin d’être une pure réceptivité passive,

est disponibilité active au monde, à autrui79

» et ajoute que « La compassion est

cette sensibilité désarmante devant l’irruption en moi de la douleur d’autrui, non

que cette douleur soit ressentie comme telle dans une impossible coïncidence, mais

ce qui fait irruption est le sentiment d’une tristesse causée par la souffrance

d’autrui80

».

Selon le Dictionnaire Larousse, la compassion est un « sentiment de pitié qui

nous rend sensible aux malheurs d'autrui ; pitié, commisération81

». Il vient de la racine

latine « compassio», qui est l’« action de souffrir avec»82

.

Selon Karen Armstrong, la compassion est désignée comme l’attitude qui :

« Incite à soulager sans relâche les souffrances d'autrui, à ne pas se placer au

centre de tout et à être capables de considérer les autres comme aussi

importants que soi. Cela implique de ne jamais faire souffrir autrui, tant dans la

sphère publique que privée, de ne pas agir de manière violente, ni d'inciter à la

haine, ni d'humilier ou dénigrer autrui 83

».

Les notions de souffrance et de douleur reviennent à plusieurs reprises dans ces

explications de la notion de compassion. La différence qu’elle peut exprimer par rapport

à la notion d’empathie est la distance qui se trouve entre les sujets impliqués dans la

situation. C’est comme si l’empathie et la compassion étaient représentées par un mur

transparent. L’empathie serait représentée par un mur épais. Le sujet A pourrait voir le

79

RICOT, Jacques, Du bon usage de la compassion, PUF, p.19, 2013. 80

Jacques Ricot, op. cité, p.23. 81

Définition : compassion. [en ligne]. <http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/compassion/17625>. (Consulté le 25/04/16). 82

Etymologie de la compassion. [en ligne]. Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. < http://www.cnrtl.fr/etymologie/compassion>. (Consulté le 26/03/16). 83

ARMSTRONG, Karen, Compassion, manifeste révolutionnaire pour un monde meilleur, Belfond, 288 p, 2013.

37

sujet B et comprendre ce qu’il peut ressentir, sans ressentir ses émotions. La

compassion quant à elle serait représentée par un mur toujours transparent, mais cette

fois-ci tellement fin que les deux sujets pourraient se toucher et ainsi ressentir ce

qu’éprouve l’autre. Cet exemple vise à montrer la différence d’intensité entre ces deux

notions. Non pas que le toucher marquerait cette différence, mais que la personne

éprouvant de la compassion pour une autre serait plus impliquée, plus touchée par

l’autre.

Karlen Armstrong vient jusqu’à mettre en avant l’égalité entre autrui et le « je »

ainsi que l’incitation à ne jamais faire souffrir l’autre. Pour résumer, la compassion

serait un filtre moins épais que l’empathie et laisserait donc passer les émotions entre

deux individus de manière plus importante si bien que l’un peut ressentir ce que l’autre

ressent.

Dans ma situation, je pense avoir adopté une posture empathique envers la

patiente. Mes pleurs n’ont pas été dû à une quelconque compassion mais à une

incompréhension, un sentiment d’injustice à propos du déroulement de la situation. En

d’autres termes l’arrêt des soins. C’est pour cela que j’ai décidé de développer le terme

de frustration dans la prochaine partie car je pense que c’est cette émotion que j’ai

ressenti lors de ma situation.

2.3.3. La frustration

Commençons par un éclairage étymologique de cette notion. Ce terme nous vient du

latin « frustratio » désignant l’« action de mettre dans l'erreur, de tromper », la «

déception, désappointement »84

.

Pour Freud, la frustration est « le fait qu’une pulsion ne peut pas être satisfaite,

interdit l’institution qui impose cette frustration et privation, l’état que cet interdit

provoque85

».

84

Etymologie de la frustration. [en ligne]. Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. < http://www.cnrtl.fr/etymologie/frustration >. (Consulté le 26/03/16). 85

FREUD Sigmund, L’avenir d’une illusion, « OCFP » XVIII, Paris, PUF, 1927, p. 58, 125p.

38

Le Dictionnaire Larousse définit la frustration comme l’« État de quelqu'un qui est

frustré, empêché d'atteindre un but ou de réaliser un désir86

».

Elle peut aussi être définit comme un « Etat d'insatisfaction provoqué par le

sentiment de n'avoir pu réaliser un désir87

».

Ainsi, la frustration refléterait un sentiment d’inaccomplissement de quelque chose.

Elle pourrait être assimilée à un sentiment d’échec.

Je pense que mes émotions durant ma situation n’étaient pas de la compassion mais

de l’empathie et surtout, de la frustration liée à un sentiment d’échec. Ce sentiment de

ne pas avoir pu sauver, guérir la patiente. Pourtant, je pense sincèrement que les

émotions peuvent être un moteur dans le soin. Par exemple, l’empathie peut aider le

patient à se sentir écouté, rassuré. Ainsi, la collaboration thérapeutique n’en sera que

meilleure. L’humour peut aussi jouer une part importante dans le soin afin de détendre

l’atmosphère et ainsi créer une certaine proximité bénéfique au soin. Toutefois, étais-je

trop impliqué dans cette situation ? Etais-je trop proche de Mme B. au niveau

relationnel ? Je vais tenter d’envisager une réponse à ce questionnement en développant

les notions de distance relationnelle et d’implication dans le prochain chapitre intitulé :

« l’accompagnement ».

3. L’accompagnement : un soin à part entière

3.1. Définition de l’accompagnement

Commençons l’étude de ce concept par une analyse étymologique. Le « a »

d’accompagnement a pour origine le préfixe « ad » des romains qui signifie « vers »,

« le mouvement vers ». « Com » vient de « cum » et signifie « avec ». Quant à la

troisième partie de ce mot, elle a pour origine latine le mot « panis » que l’on peut

traduire par « pain ». Un lien peut être fait avec le mot « copain » qui signifie « Celui

86

Définition : frustration. [en ligne]. < http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/frustration/35469>. (Consulté le 26/03/16). 87

Ibid.

39

avec qui je partage le pain ». Par ailleurs, le terme « accompagner » traduit aussi le

mouvement. Accompagner, c’est l’action de celui qui fait mouvement vers le partage du

pain. En d’autres termes, c’est l’action de celui qui fait mouvement vers le partage de la

nourriture, vers le partage de ce qui est nécessaire, pour se nourrir, pour vivre88

.

D’après les définitions que nous offre le Dictionnaire Larousse89

, accompagner,

c’est « Être avec quelqu'un, lui tenir compagnie » ou alors « Aller avec quelqu'un dans

un lieu » et même « Mener, conduire quelqu'un quelque part ».

Ainsi, l’accompagnement inclurait les notions de partage et de présence. De plus,

nous constatons une certaine image de direction, de cheminement. Par ailleurs,

l’accompagnement regroupe des actions qui ont lieu entre plusieurs personnes, au

minimum deux. Ce terme signifierait donc que l’on aide autrui à suivre un chemin, un

chemin qu’il a décidé de suivre en tout autonomie. La personne qui accompagne

servirait seulement de guide, de présence.

Ce concept d’accompagnement nous est décrit dans l’optique du soin, entre soignant

et patient, dans un article de Code de la Santé Publique. Effectivement, d’après l’article

L. 1161-3 du Code de la Santé Publique : « Les actions d’accompagnement font partie

de l’éducation thérapeutique. Elles ont pour objet d’apporter une assistance et un

soutien aux malades, ou à leur entourage, dans la prise en charge de la maladie ».

Cette définition nous permet de voir comment l’accompagnement est intégré dans le

cadre du soin. Elle nous amène ainsi à la prochaine partie qui se centrera sur

l’accompagnement de la personne soignée en fin de vie.

3.2. L’accompagnement du patient en fin de vie

Je débuterai cette partie par une citation de Le Bouedec90

affirmant que

l’accompagnement est bien un métier, mais bien un « art, c’est-à-dire non d’une science

88

GAURIER Philippe, Concepts de soins - L’accompagnement. [en ligne]. 28.06.10. Mise à jour le

27.03.15.

<http://www.infirmiers.com/profession-infirmiere/concepts-de-soin/accompagner-un-concept-

fondamental-pour-le-soigne-et-le-soignant.html>. (Consulté le 05/04/16). 89

Définition : accompagnement. [en ligne].

<http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/accompagner/470>. (Consulté le 05/04/16). 90

LE BOUEDEC, Guy, DU CREST, Arnaud, PASQUIER, Luc et STAHL, Robert, L’accompagnement en éducation et en formation. Un projet impossible ? Paris, L’Harmattan, 2003, p. 111, 210p.

40

ou d’un ensemble de techniques et de méthodes ; c’est le fruit de l’expérience, d’une

pratique vérifiée ». Selon lui : « Accompagner quelqu’un… c’est marcher à ses côtés en

le laissant libre de choisir son chemin et le rythme de son pas » ; « l’assister dans la

recherche de cette vie mystérieuse qui est à l’œuvre au plus intime d’elle-même comme

au plus intime de chacun».

R. Sebag-Lanoë et C. Trivalle91

ajoutent qu’ « Il ne s’agit plus de fuir, mais de

s’asseoir. Il ne s’agit plus de parler, mais d’écouter. Il ne s’agit plus de faire,

forcément, à tout prix, mais être… Être là. Simplement. En tant qu’homme ou femme.

Même si aucun geste technique ne s’avère nécessaire ».

D’après ces deux approches de l’accompagnement, nous voyons clairement que les

auteurs sont dans une démarche de centralisation sur la personne, dans un apport de sa

présence personnelle.

Michel Dupuis, Raymond Gueibe, Walter Hesbeen, nous confirmeront cet aspect

concernant la place de la personne soignée dans le soin : « L’accompagnement soignant

devrait permettre de respecter le désir de la personne soignée. Il y va de la

responsabilité qui a été prise en acceptant de prendre soin de l’autre92

». Les auteurs

vont même jusqu’à citer la notion de responsabilité lorsqu’un soignant s’engage à

prendre soin d’un patient. Cela évoque donc l’importance du rôle que peut avoir le

soignant.

Par ailleurs, un rapport rédigé par l’INPES dans le cadre du Programme de

développement des soins palliatifs 2008-201293

vient nous éclairer concernant l’arrêt de

traitements chez un patient en fin de vie (Annexe III).

D’après ce rapport, le caractère raisonnable ou déraisonnable de l’acte envisagé

vient apporter une nuance au soin que l’on compte apporter au patient. Le Code de la

Santé Publique94

nous éclaire sur ce point. 91

R. Sebag-Lanoë et C. Trivalle, « Éthique et soins palliatifs : qui, quand, comment ?», Soins Gérontologie, no 44, 2003, p. 36-38. 92

Michel Dupuis, Raymond Gueibe, Walter Hesbeen, La banalisation de l’humain dans le système de soins, Sli Arslan, 2011, p.17, p.102, 160p. 93

Patients atteints de maladie grave ou en fin de vie – Soins palliatifs et accompagnement. Rapport rédigé par l’INPES dans le cadre du Programme de développement des soins palliatifs 2008-2012 [en ligne]. <http://www.inpes.sante.fr/CFESBases/catalogue/pdf/933.pdf>. (Consulté le 05/04/16).

41

D’après le premier alinéa de l'article L. 1110-5 du code de la santé publique :

« Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable.

Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le

seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris.

Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa

vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10. »

Deux phrases viennent compléter le dernier alinéa de l'article L. 1110-5 :

« Si le médecin constate qu'il ne peut soulager la souffrance d'une personne, en

phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la

cause, qu'en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire

d'abréger sa vie, il doit en informer le malade, sans préjudice des dispositions du

quatrième alinéa de l'article L. 1111-2, la personne de confiance visée à l'article L.

1111-6, la famille ou, à défaut, un des proches. La procédure suivie est inscrite dans

le dossier médical. »

L’article L. 1111-13. nous précise quant à lui que :

« Lorsqu'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et

incurable, quelle qu'en soit la cause, est hors d'état d'exprimer sa volonté, le

médecin peut décider de limiter ou d'arrêter un traitement inutile, disproportionné

ou n'ayant d'autre objet que la seule prolongation artificielle de la vie de cette

personne, après avoir respecté la procédure collégiale définie par le code de

déontologie médicale et consulté la personne de confiance visée à l'article L. 1111-

6, la famille ou, à défaut, un de ses proches et, le cas échéant, les directives

anticipées de la personne. Sa décision, motivée, est inscrite dans le dossier médical.

De plus, « Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa

fin de vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10. ».

En effet, ces différents articles traitent de la décision prise lors de la fin de vie du

patient concernant l’arrêt de traitements et l’obstination déraisonnable. Cette

94

Dossiers législatifs - LOI n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie. Fait à Paris, le 22 avril 2005. [en ligne]. <https://www.legifrance.gouv.fr/affichLoiPubliee.do;jsessionid=BF84F19CEB52890A2C45F0C1F04F3E39.tpdjo09v_3?idDocument=JORFDOLE000017758874&type=contenu&id=1&typeLoi=&legislature=>. (Consulté le 05/04/16).

42

décision est vraiment importante car elle engage plusieurs sujets. Au vue de ces

textes, j’ai trouvé pertinent de développer en annexes trois notions s’y référant : les

directives anticipées, la personne de confiance et la procédure collégiale. Je me suis

basé sur des articles écrits dans le Code de la Santé Publique95

concernant les droits

des malades et la fin de vie pour expliquer ces notions (Annexe IV).

Ce que je retiens de l’accompagnement du patient en fin de vie est que ce dernier

devrait être pris en charge de manière holistique, et dans un but de satisfaire son

autonomie. En effet, la loi Leonetti, définitivement adopté en janvier 2016, précise que

le patient a des droits concernant sa fin de vie et a une liberté d’agir de ce point de vue.

Toutefois, une notion qui apparaît régulièrement dans cette loi est celle de « dignité ».

En effet, nous entendons régulièrement des expressions telles que « mourir dans la

dignité », « une mort digne », « il ne méritait pas cette mort, il n’est pas mort

dignement ». Ainsi, j’ai décidé de développer cette notion afin de continuer mon

éclairage dans mes recherches conceptuelles.

3.3. La dignité

J’ai émis le choix dans un premier temps d’introduire cette analyse sur la dignité par

l’article premier de la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948 : « Tous

les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de

raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de

fraternité »96

.

La dignité serait donc un droit dont tous les êtres humains seraient bénéficiaires, de

manière égale. Je vous propose de débuter cette étude sur la dignité par l’étymologie de

ce terme. Il nous vient du latin « dignitas » signifiant « digne ».

Selon le Dictionnaire Larousse97

, la dignité est définit comme le « Respect que

mérite quelqu'un ou quelque chose » ou bien l’ « Attitude empreinte de réserve, de

95

Ibid. 96

Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948, 01 août 2014. [en ligne]. <http://www.textes.justice.gouv.fr/textes-fondamentaux-10086/droits-de-lhomme-et-libertes-fondamentales-10087/declaration-universelle-des-droits-de-lhomme-de-1948-11038.html>. (Consulté le 05/04/16). 97

Définition : dignité. [en ligne]

43

gravité, inspirée par la noblesse des sentiments ou par le désir de respectabilité, le

sentiment que quelqu'un a de la valeur ».

Par ailleurs, des textes de lois proposent ce terme dans de nombreux articles comme

les deux suivants relevés dans le Code de la Santé Publique sur les droits de la

personne98

:

La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du

système de santé fixe (Art. L. 1110-5.) : «(…) Les professionnels de santé mettent en

œuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer une vie digne jusqu’à la mort. »

De plus, l’article L. 1110- 2. Précise que « La personne malade a droit au respect

de sa dignité. ».

La dignité relèverait donc d’une disposition que possède tout être humain au respect.

Elle sera le dénominateur commun à tout homme. Elle est donc liée intimement au

respect mais aussi à la valeur que l’on porte sur l’être humain.

Pour enrichir cette explication sur la dignité, j’ai désiré m’appuyer sur un rapport de

l’Agence Régionale de Santé région PACA sur le droit au respect de la dignité99

(Annexe V).

Pour résumer cet extrait de rapport, je me permettrai de citer trois extraits

d’ouvrages rédigés par différents auteurs.

Selon Durand, G, il est essentiel de distinguer l’homme, de « le regarder vraiment

comme un autre, autre identique à moi, porteur de la même humanité, de la même

dignité que moi 100

»

< http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/dignit%C3%A9/25525>. (Consulté le 05/04/16). 98

Code de la Santé Publique. Chapitre préliminaire : Droits de la personne. [en ligne]. <https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idArticle=LEGIARTI000006685741&idSectionTA=LEGISCTA000006170991&cidTexte=LEGITEXT000006072665&dateTexte=20090722>. (Consulté le 05/04/16). 99

Rapport sur le droit au respect de la dignité. ARS région PACA. [en ligne]. <http://www.ars.paca.sante.fr/fileadmin/PACA/Site_Ars_Paca/Soins_et_accompagnement/Droits_des_patients/Droits_des_usagers/Le_droit_au_respect_de_la_dignite.pdf>. (Consulté le 05/14/16). 100

Durand, G., Introduction générale à la bioéthique. Histoire, concepts et outils, Paris, Le Cerf, 1999, p. 405.

44

Pour Thomas De Koninck. « Tout homme est à chaque instant, quelle que soit sa

condition, une personne et en possède toute la dignité 101

»,

Je terminerai par une citation de Kant affirmant que :

« Il y a une loi morale universelle, et cette loi s’exprime dans la conscience de la

dignité de la personne et du respect auquel, en tant qu’être humain, elle a droit.

Toutes les choses qui peuvent être objets du besoin ou du désir ont un prix, mais

tout ce qui a un prix peut être remplacé par autre chose, par une chose équivalente.

Ce qui est seul irremplaçable, c’est la personne, et c’est pourquoi elle n’a pas de

prix : elle a une dignité, et le respect de cette dignité, chacun en convient, est le

signe de la véritable appartenance à l’humanité. Traiter une personne comme une

chose est le signe de l’inhumanité même102

».

La notion de dignité est donc essentielle dans l’accompagnement du patient en fin

de vie. La prise en compte de la dignité humaine est essentielle dans la relation à l’autre,

au patient. Toutefois, elle n’est pas la seule à avoir une importance. Effectivement, la

distance que l’on peut entretenir avec l’autre peut aussi avoir un effet sur la prise en soin

qu’on lui propose. Ainsi, je vous invite à continuer cet éclairage conceptuel par

l’analyse de la « distance relationnelle ».

3.4. La distance relationnelle

3.4.1. La distance

Je commencerai par définir ce qu’est la distance. Selon le Dictionnaire Larousse, la

distance désigne l’ « Intervalle qui sépare deux points dans l'espace103

» ou l’ «

101

DE KONINCK, Thomas, LAROCHELLE, Gilbert, La dignité humaine, philosophie, droit, politique, économie, médecine. Presses Universitaires de France, 175p. 102

Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, Paris, Delagrave, 1965, p. 150. Benjamin Pitcho Valérie Depadt, Droits de la personne malade, dignité du soin, publié le 18 Juillet 2011. <http://www.espace-ethique.org/ressources/editorial/droits-de-la-personne-malade-dignit%C3%A9-du-soin>. (Consulté le 05/04/16). 103

Définition : distance. Dictionnaire Larousse. [en ligne]. <http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/distance/26042>. (Consulté le 26/03/16).

45

Intervalle, espace qui sépare deux ou plusieurs personnes104

» ou encore l’ « Écart, la

différence entre deux choses, deux personnes, leurs statuts, leurs qualités, etc.105

».

La distance relie donc deux éléments, deux personnes. Il serait donc intéressant

d’étudier de plus près la notion de relation qui s’y réfèrerait.

3.4.2. La relation

Etymologiquement, le terme relation nous est emprunté du latin « relatio » qui est l’

« action de rapporter un fait, un témoignage » et le « lien, rapport »106

.

Le Dictionnaire Larousse désigne la relation comme un « Caractère, un état de deux

ou plusieurs choses entre lesquelles existe un rapport » ou un « Lien d'interdépendance,

d'interaction, d'analogie, etc. » ou une « Liaison assurée par un moyen de transport,

une voie de communication » ou une « Personne qu'on connaît, avec laquelle on a des

rapports mondains, professionnels, etc. »107

Selon Hartup (1988) et cité par Sorsana (1999), il y aurait une nuance entre

l’interaction et la relation. Pour lui, l’interaction se définit par :

«Des rencontres significatives entre individus, mais qui restent ponctuelles, alors

que les relations sont une accumulation d’interactions entre individus qui durent et

qui impliquent des attentes, des affects et des représentations spécifiques… On peut

définir une relation comme une succession d’interactions s’inscrivant dans une

continuité et un lien ; chaque interaction est affectée par les interactions passées et

affecte à son tour les interactions futures.»108

.

D’après Ficher (1996) :

«La notion d’interaction suppose une mise en présence concrète de deux personnes

qui vont développer entre elles une succession d’échanges ; la notion de relation est

104

Ibid. 105

Ibid. 106

Etymologie de la relation. [en ligne]. Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. < http://www.cnrtl.fr/etymologie/relation>. (Consulté le 26/03/16). 107

Définition : relation. [en ligne]. < http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/relation/67844>. (Consulté le 27/03/16). 108

SORSANA (C) Psychologie des interactions sociocognitives Ed Armand Colin Paris 1999 (4-1 p 47, 4-2 p 27).

46

plus abstraite et désigne une dimension de la sociabilité humaine… elle révèle des

facteurs cognitifs et émotionnels à l’œuvre109

».

Certaines recherches, réalisées à partir de situations concrètes de type description et

analyse, ont montré que suivant le but de l’interaction (aide, éducation…), on pouvait

identifier différents types de relations infirmière-patient110

: relation de civilité, de soins,

d’empathie, d’aide psychologique, thérapeutique, éducative et de soutien social).

(Annexe VI).

Nous avons donc vu qu’il existait différents types de relations. Il est clair que

l’infirmière participe à l’élaboration de celles-ci. Cette participation nécessite une

certaine implication. Ainsi, je développerai cette dernière notion que je trouve

nécessaire à l’avancée de mon travail de recherche.

3.4.3. L’implication

Je débute cette analyse de la notion d’implication par la vision qu’en a Kelman. Il

définit trois dimensions essentielles de l’implication :

- « La soumission ou l’échange (« compliance or exchange ») : l’implication du

sujet serait sous l’influence des récompenses reçues en échange du travail

- L’identification ou l’affiliation (« identification or affiliation ») : le sujet

s’implique dans son travail car il souhaite être membre du groupe.

- L’internalisation (« internalisation ») : cette dimension traduit la congruence

des valeurs individuelles et organisationnelles »111

.

NEVEU et THEVENET distinguent l’implication en quatre catégories :

- « L’implication dans l’organisation : se réfère à la dévotion et à la loyauté

envers l’organisation.

109

FISCHER (G – N) Les concepts fondamentaux de la psychologie sociale Ed Dunod Paris 1996 (5-1 p 31, 5-2 p 124). 110

Monique FORMARIER, LA RELATION DE SOIN, CONCEPTS ET FINALITÉS, RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 89 - JUIN 2007. 111

KELMAN HC. (1958). « Compliance, identification and internalization : three processes of attitude change », In : Conflict Resolution, vol. II, n°1, 1958, pp. 51-60.

47

- L’engagement dans le travail : se réfère à la place du travail dans la vie

quotidienne en termes d’attachement et d’engagement.

- L’implication dans la carrière et la profession : se réfère à l’importance que le

sujet lui accorde.

- L’approbation de l’éthique du travail : se réfère à la valeur intrinsèque du

travail considéré comme une fin en soi»112

.

De ce fait, la distance relationnelle que l’on adopte avec un patient et l’implication

dans le soin influencerait la manière dont nous pourrions prendre en charge le patient. Je

prenais en charge la patiente depuis une semaine et avais créé des liens avec elle. Par

ailleurs, il est évident qu’accompagner un patient en fin de vie n’est pas chose aisée.

Je conclurai cette partie en soutenant le fait que l’accompagnement du patient en fin

de vie est une prise en soin de la personne de manière globale. Le patient est considéré

aussi bien sur le plan physique que psychologique. Pour cela, ce travail de fin de vie

requiert une collaboration avec différents soignants au bénéfice du patient.

Suite à ces différentes recherches théoriques, j’ai émis une hypothèse qui pourrait

répondre à ma question de recherche définitive :

Une conception des soins infirmiers centrés principalement sur leur dimension

curative serait une barrière à l’accompagnement du patient en fin de vie.

Après réflexion ainsi qu’à l’aide des recherches théoriques effectuées en amont, je

pense que le fait de penser le soin comme quelque chose de purement technique a

entravé mon accompagnement de la patiente.

Je vous propose désormais de continuer cette recherche avec la seconde phase

décrivant la phase pratique et méthodologique du travail.

112

NEVEU JP et THEVENET M. L’implication au travail, Paris, Editions Vuibert, Coll. Entreprendre, 2002.

48

DEUXIEME PARTIE : METHODOLOGIE ET PRATIQUE DE

L’ENQUETE SUR LE TERRAIN

4. Méthodologie de l’enquête

4.1. Présentation et objectifs de l’enquête

Suite à mes recherches conceptuelles, j’ai décidé de mener une enquête exploratoire

au sein de différents services. Cela dans le but de recueillir informations et ressentis de

différents infirmiers concernant ma problématique qui est la suivante : en quoi les

représentations du soin infirmier peuvent-elles influencer l’accompagnement d’un

patient en fin de vie ? De plus, cela me permettra à l’issue de cette enquête, d’apporter

un élément de réponse à mon hypothèse. Cet élément de réponse affirmera, infirmera ou

nuancera mon hypothèse.

Etant dans une démarche d’initiation à la recherche, je suis conscient que cette

enquête ne sera pas représentative du fait du nombre très limité de personnes y

participant. Toutefois, je pense que cela pourra me donner un aperçu de ce qu’est la

recherche et de plus, ce sera une étape majeure dans ma professionnalisation.

Ainsi, j’ai souhaité m’entretenir avec des infirmières dans plusieurs services dans le

but de récolter des éléments d’analyse concernant mes différents axes de recherches.

4.2. Choix des lieux d’investigation

Le choix des lieux d’entretien est un point élémentaire de l’enquête exploratoire. En

effet, je ne les ai pas choisis de manière aléatoire. Leur choix s’est fait en lien avec ma

situation et ma problématique. Effectivement, je traite des représentations du soin

infirmier et de l’accompagnement du patient en fin de vie. Il m’a donc semblé pertinent

d’interroger des infirmières concernées par ces aspects. Par ailleurs, j’ai choisis

d’effectuer des entretiens dans six services différents dans le but de recevoir des visions

variées d’infirmières exerçant dans différents cadres et conditions. Egalement, ces lieux

d’hospitalisation représentent le passage de nombreuses personnes âgées qui, de plus,

49

peuvent être en fin de vie. Ces services sont : le court séjour gériatrique, le SSR, la

pneumologie, les urgences, la chirurgie viscérale et les soins continus.

4.3. Choix de la population investiguée

Mon choix quant à la population ciblée s’est justifié par la place que peuvent avoir

les infirmières dans la prise en charge des patients en fin de vie. De plus, j’ai souhaité

m’entretenir avec des soignantes ayant un minimum de cinq ans d’expériences

professionnelles. J’estime en effet que cette durée d’exercice permet un certain recul

nécessaire sur sa profession et ses pratiques. En outre, étant étudiant infirmier, il m’a

paru judicieux d’interroger des infirmières afin de me projeter dans ma future profession

et ainsi, m’enrichir des expériences de chacune.

4.4. Choix et élaboration de l’outil d’enquête

Afin de mener à bien cette enquête, j’ai décidé d’effectuer des entretiens. Cette

méthode m’a semblé tout à fait intéressante dans la mesure où mon travail est centré

principalement sur les notions de représentations, d’émotions et d’accompagnement.

C’est dans cet aspect que l’entretien prend tout son sens. A travers cet outil, nous

pouvons interagir avec notre interlocuteur, le voir avec ses émotions, l’écouter

s’exprimer, rebondir sur d’autres éléments. Je pense que la communication non-verbale

exprimée lors des entretiens est un plus pour l’analyse de ces entretiens par la suite.

C’est donc d’un point de vue qualitatif que j’ai choisi l’entretien.

Je n’ai pas choisi le questionnaire car je pense que cet outil serait plus approprié à

des enquêtes où l’étude quantitative est très présente. Je n’ai pas trouvé que ce type

d’étude était nécessaire dans mon cas. Néanmoins, j’émets l’opinion comme quoi il

serait intéressant d’ajouter le questionnaire dans ce travail si l’échelle de la population

investiguée était beaucoup plus importante.

Je vous présente désormais l’élaboration de mon entretien. Au total, huit questions

principales apparaissent. La huitième est une question d’ouverture laissant place au

libre-parlé des infirmières. Au sein même de ces différentes questions apparaissent des

questions dites « de relance » afin de recentrer l’échange autour de la question

50

principale et permettre la reformulation de la question principale à certains moments. En

dessous de chaque question sont précisés mes objectifs liés à ces questions.

4.5. Guide d’entretien

Question 1 : Dans un premier temps, pourriez-vous me décrire de manière brève votre

parcours professionnel ?

Cette question apparaît ici en tant que première approche avec le soignant afin

d’introduire cet entretien. Cela me permet aussi d’avoir un aperçu de l’expérience de

l’infirmière et sur ses bénéfices.

a) Qu’est-ce qui vous a motivé pour travailler dans ce service ?

Ici, mon but est d’apprécier la raison de la prise de poste dans ce service. Si la

dimension technique l’intéressait ou bien la dimension relationnelle.

Question 2 : Comment définiriez-vous le soin infirmier ?

La deuxième partie de mon travail est centrée sur les soins infirmiers. Ainsi, j’ai

souhaité avoir des témoignages sur la représentation que peuvent avoir les infirmières

sur les soins infirmiers et les comparer avec mes recherches théoriques effectuées sur

ce point.

a) Quelles en sont vos représentations ?

Je souhaitais savoir si les infirmières dissociaient l’aspect technique et relationnel

de notre profession et comparer leur réponse avec la question principale. Cela me

permettrait de savoir si leurs représentations influenceraient leur définition des soins

infirmiers.

b) Comment ont-elles évoluées au cours de votre carrière ?

A travers cette question, je voulais savoir si l’expérience pouvait faire évoluer ou

changer leurs représentations initiales.

51

Question 3 : Comment ces représentations se manifestent-elles lors de votre approche

du patient en fin de vie ?

Je recherchais ici si les représentations des infirmières pouvaient influencer leur

prise en charge du patient.

a) Comment les utilisez-vous dans votre travail au quotidien ?

Cette question de relance vise à préciser la première au cas où elles l’auraient mal

comprise.

Question 4 : Quelles-ont été vos émotions durant l’accompagnement de patients en fin

de vie ?

Je recherchais si les représentations de ces infirmières influençaient leurs émotions,

comme ce fut le cas dans ma situation.

a) Quelle place leur attribuez-vous dans le soin infirmier ?

Je cherchais à savoir dans quelle mesure les infirmières investissaient leurs

émotions dans leur pratique.

Question 5 : Comment définiriez-vous l’accompagnement du patient en fin de vie dans

le soin ?

L’objectif de cette question est de me renseigner sur ce qu’est l’accompagnement

pour ces infirmières et de comparer cela avec leur représentation du soin infirmier.

a) Selon vous, quelles barrières pourraient entraver l’accompagner du patient en fin

de vie ?

Je cherche à savoir dans ce cas s’il peut exister des freins à l’accompagnement

autres que l’hypothèse que j’ai émis. Cela interviendrait en guise d’ouverture dans ma

vision de voir les barrières à l’accompagnement.

52

b) Que mettez-vous en place lorsque certains points de vue diffèrent au sein de

l’équipe à propos de l’accompagnement d’un patient en fin de vie ?

Je pointe ici l’aspect de la communication au sein de l’équipe soignante concernant

l’accompagnement du patient en fin de vie, indépendamment des différences d’opinions

qu’il pourrait y avoir concernant une décision.

Question 6 : Quelle relation adoptez-vous avec le patient en fin de vie ?

Cette question me permet d’apprécier la distance relationnelle qu’adopte

l’infirmière avec le patient. Je me demande si la distance relationnelle pourrait

influencer l’accompagnement du patient.

a) Quelle distance relationnelle entretenez-vous avec ces patients ?

Cette question est une reformulation de la première et permet par la même occasion

d’approfondir cet aspect de la distance relationnelle. Cela m’amène doucement vers la

prochaine question, plus sensible, portant sur la mort.

Question 7 : Quelles sont-vos représentations de la mort ?

Je m’interroge sur leurs représentations de la mort et sur l’influence qu’elles

peuvent avoir sur les émotions ainsi que sur leur prise en charge du patient en fin de

vie.

a) Comment ont-elles évolué au fil de votre carrière ?

Ici, je veux savoir si l’expérience permet de faire évoluer les représentations de la

mort.

b) Que ressentez-vous lors de la mort d’un patient dont vous vous êtes occupé ?

En lien avec l’objectif de la question de relance précédente, je souhaite savoir ici si

l’expérience peut modifier la gestion des émotions de l’infirmière. De plus, je me

53

demande si le fait de l’avoir pris en charge pouvait influencer ses émotions et sa prise

en charge.

Question 8 : Souhaiteriez-vous ajouter d’autres éléments pouvant compléter cette

entretien ?

Je propose aux infirmières lors de cette dernière question amenant une

discussion libre sur un aspect que je n’aurais pas abordé et/ou qu’elles souhaiteraient

soulever. Cette question met un terme à cet entretien.

54

5. Analyse des entretiens

5.1. Présentation des résultats d’enquête

--- Homme

--- Femme

--- Entretien test

IDE

Entretien

Test

(soins

continus)

IDE 1

(pneumologie)

IDE 2

(chirurgie

viscérale)

IDE 3

(SSR)

IDE 4

(urgences)

IDE 5

(CSG)

Genre Femme Femme Femme Femme Homme Femme

Age 36 ans 23 ans 33 ans 60 ans 27 ans 40 ans

Année

du

diplôme

2001

2014

2004

1997

2015

2001

Choix Personnel Personnel Institutionnel Institutionnel Personnel Institutionnel

Question 1 : Dans un premier temps, pourriez-vous me décrire de manière brève

votre parcours professionnel ?

D’après ce tableau récapitulatif du parcours professionnel de ces infirmières, nous

pouvons constater plusieurs éléments. Sur 6 infirmières interrogées, 5 sont des femmes

et 1 infirmier est un homme. Leur âge varie entre 23 et 60 ans. Leurs années

d’expérience en tant qu’infirmière vont de 9 mois à 39 ans. Par ailleurs, nous nous

apercevons que le choix de service dans lequel elles exercent actuellement se répartie

égalitairement entre le choix institutionnel et le choix personnel. En effet, 3 de ces

soignants exercent dans leur service à l’heure actuel par choix institutionnel et 3 autres

exercent par choix personnel.

55

a) Qu’est-ce qui vous a motivé pour travailler dans ce service ?

A travers cette question, je voulais savoir si c’était plutôt la dimension technique qui

intéressait ces infirmières ou bien la part relationnelle de la profession. Celles n’ayant

pas choisi de travailler dans leur service actuel m’ont dit qu’elles n’avaient pas de

motivations particulières du fait du choix institutionnel. Il est donc intéressant

d’analyser les réponses de celles qui ont fait le choix d’y travailler. L’élément qui

ressort dans leurs trois entretiens est la diversité du travail. Elle se traduit par des

réponses telles que : « C’est la diversité du service113

», « on voit de tout114

», « Ce que

j’aime dans ce service, c’est la diversité des situations que tu peux rencontrer115

», « Tu

fais tout ! T’es touche-à-tout116

», « et puis à de nouveaux soins117

».

Le deuxième point que j’ai relevé est le travail en équipe. En effet, une infirmière

s’est vue motivée pour travailler dans son service de par cet aspect. Cela se traduit par

les citations suivantes : « le travail en collaboration avec les aides-soignantes118

»

comme motivation et « un bon travail en équipe119

».

Par ailleurs, 1 infirmière a décidé de travailler dans son service, en plus de la

diversité des soins, pour le double aspect de la profession : technique et relationnel.

Pour elle, « C’est plein de choses au niveau technique qui m’ont motivé. Et puis toute

la prise en charge aussi de l’onco’. Début, entre les deux et puis vers la fin de vie120

».

Ainsi, nous nous apercevons que pour ces infirmières, les motivations pour travailler

au sein d’un service sont nombreuses. Toutefois, c’est la diversité des soins qui est

décrit comme un facteur majeur de leurs motivations. C’est ainsi que j’ai été amené à

leur demander leur définition et leurs représentations du soin infirmier.

113

Entretien test, p.1 de la retranscription. 114

Ibid. 115

Entretien 5, p. 1 de la retranscription. 116

Ibid. 117

Entretien 1, p.1 de la retranscription. 118

Entretien test, p.1 de la retranscription. 119

Ibid. 120

Infirmière 1, p.1 de la retranscription.

56

Question 2 : Comment définiriez-vous le soin infirmier ?

a) Quelles en sont vos représentations ?

Le premier point que j’ai relevé est que pour 4 infirmières sur 6, les soins infirmiers

sont liés aux soins techniques. 1 des infirmières traduit le soin comme « des actes, des

compétences ». Toutefois, 2 pensent que ces soins ne relèvent pas que de la technique.

Ainsi, l’aspect relationnel est présent chez 5 infirmières sur 6 et est cité de plusieurs

manières telles que : « les soins relationnels121

», « savoir écouter, entendre122

»,

« nursing, relation d’aide123

». Par ailleurs, les 6 infirmiers affirment que ce sont des

soins, quelque chose que l’on apporte à un patient.

1 infirmière apporte un élément supplémentaire qui est la famille. Pour elle, le

patient doit être pris en charge dans sa globalité : « Et puis voilà toute sa famille, c’est

vraiment dans sa globalité124

». De plus, pour elle, le patient et la maladie ne font pas

qu’un mais sont deux éléments bien distincts : « Quand tu l’accueilles, par rapport à ce

qu’il est lui réellement et par rapport à sa maladie125

».

Enfin, 2 infirmières pensent que le soin infirmier n’est pas quelque chose de simple

et qu’il est très vaste.

De surcroit, un autre infirmier126

a répondu que pour lui : « C’est tout ce que tu

apportes au geste que tu réalises auprès de ton patient », puis « Tout est un soin

infirmier dès lors que t’es à côté du patient ». De plus, il souligne que « même la

technicité, c’est un soin qu’avec ce que tu y apportes » en ajoutant que « c’qui fait d’un

geste technique un soin c’est ton positionnement soignant. C’est la manière dont tu

apportes les choses, c’est l’intention que tu mets dans tes gestes ». Pour résumer les

propos de cet infirmier, le soin infirmier ne serait pas clivé entre les soins dits

« techniques » et les soins relationnels. Pour lui, il y a une continuité entre ces deux

dimensions du soin. En effet, il insiste sur le fait que le soin est appelé en tant que tel à

partir du moment où l’on apporte sa présence au patient. De plus, c’est le

121

Entretien test, p.2 de la retranscription. 122

Entretien 3, p. 1 de la retranscription. 123

Entretien 5, p. 1 de la retranscription. 124

Entretien 1, p.1 de la retranscription. 125

Ibid. 126

Entretien 5, p.2 de la retranscription.

57

positionnement de l’infirmier face au patient, son attitude qui fait qu’un geste peut être

considéré comme un soin.

b) Comment vos représentations ont-elles évoluées au cours de votre carrière ?

Suite à cette question, j’ai pu mettre en évidence deux types de réponses.

Premièrement apparait le manque d’assurance dans les soins et une conception du soin

infirmier centrée principalement sur la dimension technique. Effectivement, 2

infirmières soulèvent le fait que ces deux éléments ont été des freins à la prise en charge

du patient. J’ai retenu certaines de leurs expressions mettant en lumière cet aspect : «

pour moi, les soins c’étaient les soins techniques où j’faisais127

», « il fallait que j’y

arrive, sinon ça n’allait pas128

» ou encore « peur de pas savoir-faire129

».

Par ailleurs, cette conception du soin avait des répercussions sur la prise en charge

du patient. Sous cet angle, la première infirmière dit : « J’prenais pas trop le temps de

discuter avec mon patient à ce moment-là130

». La seconde quant à elle ajoute : « Je

prenais pas le temps de lui parler131

». Cependant, les deux affirment que l’expérience

venait modifier cette conception initiale du soin infirmier et ainsi accorder une part plus

importante à la dimension relationnelle dans le soin. Si bien qu’une des deux admet

que : « C’est plus le geste technique qui est important132

».

Deuxièmement, la représentation du soin infirmier évolue pour 2 autres infirmières

de par une conception initiale de la profession différente de ce qui se passe réellement.

L’une admet que « Moi j’pensais qu’c’était beaucoup plus facile133

» tandis que l’autre

pense que « quand on sort de l’école on y voit tout rose134

».

Ainsi, les représentations ont évolué pour la majeure partie de ces infirmières soit en

partant d’une « idéalisation » de la profession à une vision plus objective du métier. Soit

par une conception du soin infirmier basée principalement sur la dimension technique à

une ouverture sur une « prise en charge globale » du patient mettant en avant la 127

Entretien test, p.2 de la retranscription. 128

Ibid. 129

Entretien 2, p.2 de la retranscription. 130

Ibid. 131

Entretien test, p.2 de la retranscription. 132

Ibid. 133

Entretien 3, p.3 de la retranscription. 134

Entretien 6, p.2 de la retranscription.

58

dimension relationnelle. Cela m’amène à la troisième question concernant le lien entre

les représentations des soins et la pratique soignante.

Question 3 : Comment ces représentations se manifestent-elles lors de votre

approche du patient en fin de vie ?

a) Comment les utilisez-vous dans votre travail au quotidien ?

Plusieurs éléments étaient récurrents dans les réponses des infirmières. Pour 5

d’entre elles, leur représentation du soin se manifeste chez le patient en fin de vie par

une prise en compte de ses besoins. Une infirmière s’exprime sur ce point en disant

que : « J’essaye de me demander de quoi il peut bien avoir besoin135

». Une seconde

ajoute : « Quel aspect du soin il a besoin le patient qui est en face de moi ?136

».

Dans un second temps, j’ai remarqué que le facteur temps se manifestait dans

l’accompagnement du patient en fin de vie chez plusieurs infirmières. L’une d’entre

elles précise : « Je prends peut-être plus le temps de faire mes soins137

». Toutefois, 1

infirmière ajoute : « J’ai l’impression de pas être suffisamment auprès du patient. Et de

pas être suffisamment à l’écoute. Par manque de temps en fait. Je trouve que ça nous

frustre138

». Il semble évident que pour cette infirmière, le temps est un élément

essentiel à l’accompagnement du patient. Ce manque de temps vient même frustrer cette

soignante.

Par ailleurs, une infirmière met en avant l’aspect suivant :

« Soit tu t’dis le soin c’est quelque chose de technique. Donc lui j’ai rien à faire

auprès d’lui. Tu délaisses un peu la prise en charge. Soit tu t’dis le soin, c’est

quelque chose qui est au-delà d’ça, qui est au-delà de l’aspect technique […] Si tu

135

Entretien 3, p.3 de la retranscription. 136

Entretien 5, p.3 de la retranscription. 137

Entretien 2, p.2 de la retranscription. 138

Entretien 6, p.2 de la retranscription.

59

clives ta représentation du soin, tu vas vite t’arrêter à la prescription du

médecin139

».

Pour résumer ses propos, la représentation que l’infirmier se fait du soin

influencerait nos actions et par conséquent la prise en charge du patient. Je vous propose

maintenant une analyse de la quatrième question traitant des émotions des infirmières

durant l’accompagnement du patient en fin de vie.

Question 4 : Quelles-ont été vos émotions durant l’accompagnement de patients en

fin de vie ?

Suite à cette question, de nombreux avis ont été exprimé par les infirmières.

Plusieurs de ces avis possédaient des similarités. Toutefois, certaines réponses venaient

sortir du lot et apportaient donc une certaine ouverture et un développement du sujet.

La difficulté à gérer l’accompagnement d’un patient en fin de vie apparait pour 4

infirmières sur 6. Une infirmière parle de « peine140

». Une seconde se dit « triste141

»

lors d’une telle situation. Une troisième enfin ajoute : « C’est compliqué. J’ai beaucoup

de mal à gérer…142

». Toutefois, une infirmière précise que :

« C’est plus facile avec un patient aussi. Y’a des patients qui nous renvoient des

choses, qui nous touchent plus au niveau émotionnel parce que j’ai plus de

difficultés. Je m’identifie mais ça pourrait être voilà mon père, ma mère, mon

grand-père qui nous renvoient des choses donc là c’est un p’tit peu plus, c’est

plus difficile143

».

D’après ce propos, les émotions varieraient selon le patient dont nous nous

occupons.

Le second point ressortant suite à cette question est l’évolution de la gestion des

émotions au fil du temps. En effet, 2 infirmières disent avoir eu du mal durant les

139

Entretien 5, p.3 de la retranscription. 140

Entretien 3, p.3 de la retranscription. 141

Entretien 4, p.3 de la retranscription. 142

Entretien 3, p.3 de la retranscription. 143

Entretien test, p.3 de la retranscription.

60

premiers mois, les premières années de leur carrière professionnelle. Elles avouent par

la suite avoir été plus aptes à gérer ces émotions face au patient en fin de vie. L’une des

infirmières dit : « Au départ j’avais plus de mal justement à aller vers des patients

comme ça. J’savais pas trop me situer, quoi dire parce que des fois y’a rien à dire, on

sait que c’est la fin, ils le savent […] avec l’expérience, avec le temps, c’est plus

facile144

». La seconde vient ajouter : « Au début c’était un peu la tristesse. Parce que

quand t’es jeune t’as pas vraiment l’habitude de prendre en charge ce genre de

pathologies […] Et puis après ça évolue, t’arrives à te positionner et prendre de la

distance145

».

Pour résumer ces deux témoignages, l’expérience jouerait un rôle dans la gestion

des émotions dans une situation d’accompagnement en fin de vie. Par ailleurs, elle

permettrait une prise de distance par rapport à la situation et au patient facilitant cette

gestion d’émotion. Cela m’amène au troisième point qui est ressorti suite à cette

question : la prise de distance.

3 infirmières sur 6 disent prendre de la distance dans la relation au patient. Une

infirmière146

dit à ce propos : « Après faut aussi mettre une barrière parce que faut faire

la part des choses » avant d’ajouter « Essayer d’se protéger aussi. Pas tout se prendre

en pleine figure ». L’infirmier quant à lui adopte une position ferme et décidée

concernant la gestion de ses émotions face au patient en fin de vie : « J’essaye de pas en

avoir, de pas trop m’investir […] J’me détache […] Emotionnellement,

émotionnellement je m’investis pas […] Tu me verras pas pleurer sur la mort d’un

patient. Tu me verras pas bondir de joie parce qu’un patient il est mort ».

b) Quelle place leur attribuez-vous dans le soin infirmier ?

Cette question a suscité un développement important des réponses des infirmières.

Le premier point qu’il me semble important de mettre en avant est que 3 infirmières sur

6 accordent une place centrale des émotions dans le soin infirmier. L’une d’entre elle

affirme : « Moi j’les privilégie toujours147

». Cependant, ces émotions présentent des

144

Entretien test, p.3 de la retranscription. 145

Entretien 2, p.3 de la retranscription. 146

Entretien 6, p.2 de la retranscription. 147

Entretien 2, p.4 de la retranscription.

61

limites pour 3 infirmières sur 6. En effet, ces infirmières ressentent le besoin d’en parler

à leurs collègues de travail ou passer le relai si nécessaire lors de situations difficiles sur

le plan émotionnel. Une infirmière dit :

« J’en ai discuté avec mes collègues en onco’, on verse des larmes avec la famille

parfois parce qu’il y a des situations qui nous touchent […] Je pense qu’il faut pas

les négliger parce que tu peux pas être un tout-puissant. Il faut pas oublier que nous

on est, justement au contraire, on est vraiment, un être plein d’émotions148

».

Une seconde dans le même sens vient ajouter : « Faut que ça sorte en plus, faut que

t’en parle à tes collègues… On en parle beaucoup entre nous, tu sais en réunion en

transmissions donc ça aide ! Parce que bon t’es obligé hein, on est humain ! 149

».

Toutefois, l’une d’entre elle nuance ce propos en ajoutant : « Même si faut pas non

plus en déborder, faut pas t’laisser aller par tes émotions 150

».

Par ailleurs, une autre infirmière ajoute une limite à ces émotions : le temps. En

effet, elle admet que :

« On prend pas forcément l’temps après d’en discuter… par manque de temps

encore, c’est pas évident. Enfin, j’trouve des fois qu’on a un mal-être, qu’on

l’exprime pas forcément. Qu’on l’garde pour soi […] J’pense que des fois ça ferait

du bien d’exprimer ce qu’on pense sur un patient151

».

Pour résumer, les émotions auraient certaines limites. Elles auraient besoin de

s’exprimer, d’être partagées pour peut-être mieux être acceptées par la suite. Ensuite, le

temps serait une barrière à l’expression des émotions selon une infirmière.

Enfin un infirmier ajoute qu’il n’accorde pas de place aux émotions. Toutefois, il

ajoute qu’il faisait preuve d’empathie dans l’accompagnement de patients en fin de vie.

Par ailleurs, une phrase m’a marqué. Il m’a dit : « Quand j’monte dans ma voiture,

j’allume le poste, j’suis plus à l’hôpital152

». Ainsi, les émotions occuperaient une place

148

Ibid. 149

Entretien 3, p.4 de la retranscription. 150

Entretien 2, p.4 de la retranscription. 151

Entretien 6, p.4 de la retranscription. 152

Entretien 5, p.3 de la retranscription.

62

importante chez les infirmières. Toutefois, ces dernières n’ont pas toujours le temps de

les exprimer bien que le besoin ressenti par un certain nombre est évident. De plus, les

émotions devraient être maîtrisées pour que les infirmières ne soient pas submergées par

celles-ci et que ces émotions influencent négativement la prise en charge du patient.

Je vous propose désormais de découvrir l’analyse que j’ai faite grâce à la prochaine

question concernant l’accompagnement du patient en fin de vie.

Question 5 : Comment définiriez-vous l’accompagnement du patient en fin de vie

dans le soin ?

Plusieurs avis se rejoignaient concernant les définitions de l’accompagnement en

fin de vie données par les infirmières. Ainsi, pour 4 infirmières, cela tourne autour de la

relation au patient à travers les soins de confort et d’hygiène, la communication par le

toucher, l’écoute, l’observation. Pour résumer, l’accompagnement du patient en fin de

vie nécessiterait une utilisation de tous nos sens. Ensuite, 2 infirmières sur 6 pensent

que l’accompagnement du patient de fin de vie rime avec la réponse à ses besoins.

L’une dit : « Qu’il soit apaisé et qu’on réponde à ses besoins153

». La seconde ajoute :

« C’est être là pour lui pour lui apporter… bah en fait euh ce qu’il a besoin154

».

Ainsi, la communication avec le patient en fin de vie serait essentielle. Une

infirmière155

tient même à préciser : « je continue, de lui parler » avant d’ajouter :

« pour qu’il parte digne ». Une seconde infirmière décrit l’accompagnement du patient

en fin de vie comme suit : « Aider une personne dans la dignité et à partir

tranquillement156

». La notion de dignité apparaît donc dans 2 entretiens sur 6. Ce

terme, subtil car étant difficile à décrire pour moi a été détaillé dans la phase

conceptuelle précédemment établie. Comme nous l’avions donc vu précédemment,

plusieurs références viennent aborder la notion de dignité. Parmi elles, la Déclaration

des Droits de l’Homme et du Citoyen ou bien la loi du 4 mars 2002. Cette notion étant

décrite comme le respect que l’on porte à l’individu, un individu à part entière.

153

Entretien test, p.5 de la retranscription. 154

Entretien 6, p.4 de la retranscription. 155

Entretien test, p.5 de la retranscription. 156

Entretien 3, p.4 de la retranscription.

63

Par ailleurs, 1 infirmière vient apporter un élément complémentaire concernant

l’accompagnement du patient en fin de vie. Pour elle, l’accompagnement ne se limite

pas au patient seulement. Son entourage prend pour cette infirmière toute sa place dans

cet accompagnement et mérite une prise en charge particulière. Selon elle : « Il y a pas

que la personne. Y’a la famille, y’a l’entourage157

». Ce propos vient compléter la

dimension de prise en charge du patient dans sa globalité abordée précédemment.

Effectivement, le patient n’est pas qu’un ensemble d’organes ou une pathologie. Il est

bien un être possédant des pensées, des idées, des opinions, des besoins psychologiques

et des émotions. Cette prise en charge psychologique est selon moi primordiale à un bon

accompagnement du patient en fin de vie.

De plus, une infirmière ajoute que l’accompagnement du patient en fin de vie ne

peut se réaliser de manière efficace que si un travail en équipe solide est effectué en

amont, avec l’aide d’un médecin compétent. Je cite cette infirmière : « Je pense pas

qu’on puisse accompagner un patient en fin de vie sans qu’on puisse être accompagné

soi-même avec un bon médecin […] J’pense qu’il faut être une équipe pour bien

accompagner le patient en fin d’vie158

».

Néanmoins, cet accompagnement peut présenter différentes barrières pouvant le

rendre moins efficace, de moindre qualité. Nous allons donc voir cet aspect concernant

les barrières à l’accompagnement du patient en fin de vie lors de la prochaine question

de relance.

a) Selon vous, quelles barrières pourraient entraver l’accompagner du patient en

fin de vie ?

Ainsi, pour 3 infirmières sur 6, les émotions et le vécu personnel feraient office de

barrière à l’accompagnement du patient en fin de vie. L’une dit : « Alors des fois des

barrières émotionnelles où on se sent, où la situation est difficile pour nous en

s’identifiant, on a du mal, c’est trop dur pour nous, c’est une barrière, un mécanisme de

défense159

». Une seconde ajoute :

157

Entretien 5, p.3 de la retranscription. 158

Entretien 4, p.4 de la retranscription. 159

Entretien test, p.6 de la retranscription.

64

« Déjà le vécu. Tu ressens toi-même ton vécu et euh si la personne te rappelle

quelqu’un ou quand t’arrives pas à la prendre en charge […] Et tes sentiments

aussi parce que y’a pas que les émotions, y’a les sentiments que tu ressens autour

de la personne et qui fait que t’y arrives pas160

».

La troisième infirmière complète. Cette fois-ci, l’ambiance était plus riche

émotionnellement. Avant de répondre à ma question, elle m’a confié le fait qu’elle

espérait que sa réponse reste anonyme. Ce qu’elle allait me confier était à priori très

personnel, ce que j’entendais. Je cite :

« Là où j’peux pas bien accompagner et ça passe, si tu veux c’est si cette personne

qui est en fin d’vie me rappelle mes proches qui ont été en fin d’vie. J’ai eu ma sœur

qui est décédée jeune, qui était en soins palliatifs. Et quand si tu veux, j’rencontre

une personne qui a la même pathologie, et je sais qui rentre en fin d’vie […] Là j’ai

vraiment du mal ».

Pour elle, les décès de membres de sa famille ont été un frein dans sa prise en

charge de patients en fin de vie. Lorsqu’elle s’occupe de ces patients, cela lui évoque les

décès de ses proches. Elle ne peut s’empêcher de repenser à eux ce qui provoque une

souffrance psychologique importante chez elle.

La seconde barrière est la barrière du temps. Effectivement, 3 infirmières ont

affirmé que le manque de temps pouvait entraver l’accompagnement du patient en fin

de vie. L’une affirme que : « On a moins le temps de se poser auprès du patient161

».

Une seconde ajoute :

« Pour moi c’est l’manque de temps […] T’ais plus le temps, de prendre le temps de

t’occuper d’ces gens-là. Tu vois que ça soit vraiment que t’es pas l’choix d’fermer

la porte et voilà. C’est ça qui m’fait peur, c’est que t’ais plus l’temps […] Si t’as

pas d’temps, si t’es toute seule à gérer tout un service, tu peux pas passer du temps

à écouter les gens, la famille, écouter le reste. T’as pas l’temps ! Il faut qu’ça

s’enchaine, t’as d’autres patients. Tu prends plus l’temps ! Et j’ai peur qu’on soit

160

Entretien 2, p.5 de la retranscription. 161

Entretien test, p.6 de la retranscription.

65

arrivé à ça quoi qu’on est plus l’temps de prendre le temps quoi ! C’est triste quoi.

Maintenant c’est rentabilité, faut s’dépêcher162

».

La troisième enfin conclue :

« Encore le manque de temps j’pense. Parce que j’pense que des fois on est pris

dans le travail, et qu’on peut pas être partout à la fois. Et je pense que ça doit

négliger sur l’accompagnement […]. Mais bon après j’aimerais avoir plus le temps

de faire mieux les choses163

».

Le troisième élément soulevé par 2 infirmières est le manque de personnel. Je pense

que cet élément peut être lié au second dans le sens où le manque de personnel aurait

pour conséquence une charge de travail plus importante pour les infirmières. L’une

d’entre elles précise : « C’est le fait qu’on réduise le personnel et qu’à côté d’ça t’ais

plus le temps164

».

Quatrièmement, la famille représenterait une barrière à l’accompagnement du

patient en fin de vie pour 2 infirmières sur 6. L’une dit : « Bah j’dirais la famille, peut-

être la famille aussi. Si elle comprend pas si son proche il est en fin d’vie. Tu peux pas

faire un bon accompagnement de toute façon, tu peux pas165

». La seconde ajoute :

« Y’a certaines familles qui sont difficiles, qui comprennent pas pourquoi certains

soins sont pas faits. C’est des fois difficile de prendre en compte complètement l’patient

et justement la famille166

».

Ainsi, la famille et les conditions de travail pourraient être des barrières à cet

accompagnement. L’environnement serait donc un élément majeur à la prise en charge

du patient.

Enfin, je terminerai avec le propos d’un infirmier affirmant qu’une mauvaise

conception du soin pourrait être une barrière à l’accompagnement du patient en fin de

vie. Selon lui : « Si tu conçois ton soin comme quelque chose de technique. Si tu conçois

162

Entretien 3, p.4 de la retranscription. 163

Entretien 6, p.4 de la retranscription. 164

Entretien 3, p.4 de la retranscription. 165

Entretien 4, p.4 de la retranscription 166

Entretien 6, p.4 de la retranscription.

66

ton soin comme quelque chose qui va toujours guérir ton patient, tu peux vite te dire «

Bah ouais il est foutu, j’peux plus rien faire pour lui »167

».

Ce dernier propos se rapproche de mon hypothèse. Toutefois, il est vrai que les

autres propos s’avèrent tout à fait intéressants. Je vous propose désormais d’étudier les

réponses à la prochaine question concernant les pratiques soignantes face aux opinions

différentes au sein des équipes.

b) Que mettez-vous en place lorsque certains points de vue diffèrent au sein de

l’équipe à propos de l’accompagnement d’un patient en fin de vie ?

Les réponses à cette question furent presque toutes unanimes : la communication au

sein de l’équipe permet de faire face aux différences d’opinions. En effet, 5 infirmières

sur 6 affirment que la discussion, les échanges au sein d’une équipe permettent une

meilleure prise en charge du patient dans ses derniers instants. Une infirmière dit : « On

essaye d’aller dans le même sens. Une fois que c’est vraiment une fin de vie, qu’on sait

qu’il n’y a pas d’acharnement, on est toutes dans le même objectif, le bien être du

patient168

». Une autre infirmière ajoute que parfois, il est nécessaire de faire appel à des

éléments extérieurs au service comme les équipes de soins palliatifs.

Ainsi, le dialogue au sein d’une équipe permettrait une efficacité de travail. De

surcroît, une infirmière affirme même que : « La réunion d’équipe qu’on avait fait après

ça avait fait du bien quoi parce qu’on s’était senti écouté169

».

Toutefois, cette chance qu’ont les soignants de pouvoir échanger au sein de leur

équipe respective n’est pas donnée à tout le monde. En effet, une infirmière

m’avoue que dans son service : « Chacun fait à sa sauce […] On se permet pas assez de

temps pour échanger en fait. Et ça serait bien que ce soit fait mais bon […] C’est pas

évident non plus170

».

Ainsi, l’accompagnement du patient en fin de vie nécessiterait un investissement de

par une relation à l’autre empreinte d’émotions, de ressentis personnels. Toutefois, je

167

Entretien 6, p.6 de la retranscription. 168

Entretien test, p.6 de la retranscription. 169

Entretien 3, p.4 de la retranscription. 170

Entretien 2, p.6 de la retranscription.

67

me suis demandé quelle influence peut avoir cette distance relationnelle entretenue entre

l’infirmière et le patient en fin de vie lors de son accompagnement.

Question 6 : Quelle relation adoptez-vous avec le patient en fin de vie ?

Suite à cette question, trois points majeurs ont été mis en évidence. Le premier

point révèle que 5 infirmières sur 6 disent adopter une distance relationnelle entre elles-

mêmes et le patient. Dans cette optique, une infirmière affirme qu’il faut : « Essayer de

se protéger, de pas trop s’impliquer […] Il faut pas que je rentre chez moi et que je

pense trop. Quand j’arrive plus à faire la part des choses entre la vie privée, chez moi

et que je ramène le boulot à la maison, c’est qu’il y a un souci171

».

Une seconde ajoute que le fait de ne pas montrer ses émotions serait un moyen

de créer cette distance relationnelle.

Une autre infirmière affirme que :

« On va trop être proche et c’est là que le soin sera pas bon. Parce que du coup

on va vraiment négliger les barrières parce que mine de rien on doit quand

même avoir des barrières hein. On doit quand même avoir une distance

relationnelle. On peut pas tutoyer les gens comme ça, on peut pas être proches

d’eux non plus172

».

Pour cette infirmière, la proximité relationnelle n’est pas bénéfique au soin. De

plus, elle pense que le tutoiement pourrait influencer la proximité relationnelle. Dans le

même registre, une autre infirmière dit utiliser le vouvoiement afin de respecter cette

« relation soignant/soignée ». Ce terme a été utilisé à deux reprises comme réponse à

cette question. Je me demande toutefois s’il existe une relation bien établie entre

l’infirmière et le patient. En effet, chaque patient possède ses particularités. Chaque

patient est unique. Comment alors fixer un mode de fonctionnement, un comportement

établi alors que chaque personne possède des besoins différents ? Cela m’amène à

171

Entretien test, p.7 de la retranscription. 172

Entretien 2, p. 7 de la retranscription.

68

m’intéresser au second point majeur concernant la distance relationnelle entre infirmière

et patient qui est la variabilité d’attitude, de positionnement soignant selon le patient.

4 infirmières sur 6 affirment que la distance relationnelle qu’elles adoptent varie

d’un patient à l’autre. L’une s’exprime de la manière suivante : « Mais après c’est pas

pour tous les patients, y’a des patients où c’est plus facile entre guillemets de se

détacher parce qu’il n’y a pas cette même relation de confiance. Après tout dépend si

ça fait longtemps qu’on a le patient ou pas173

». Ainsi, la durée de la prise en charge du

patient entrerait aussi en compte. Selon cette soignante, plus longue serait la prise en

charge d’un patient dont on se serait occupé, plus la distance relationnelle adoptée avec

ce patient serait faible. En effet, plusieurs infirmières ont dit s’être « attachée aux

patients ».

C’est donc le troisième point qui est ressorti dans les réponses des infirmières. Il

concerne la proximité relationnelle. 3 infirmières sur 6 disent adopter une posture

relationnelle proche du patient. Toutefois, cette proximité relationnelle influence la vie

personnelle chez 2 infirmières. La première dit être allée à l’enterrement d’un des

patients qu’elle a pris en charge et qui est décédé dans le service. Pourtant, elle ajoute :

« Mais j’me suis mis au fond, j’me suis pas mis devant, tu vois ? C’est quand même

garder la distance. J’étais là pour rendre un hommage à c’monsieur ou à cette dame

parce que voilà, je m’étais attaché à eux174

». Cette infirmière était proche du patient

mais a selon elle, gardé une distance au moment de l’enterrement. La seconde affirme :

« J’avais même beaucoup de mal à décrocher de chez moi175

».

Ainsi, pour 2 infirmières sur 6, la proximité relationnelle influence la vie

personnelle. La deuxième avait visiblement des difficultés et ne se sentait pas à l’aise

car elle repensait à certaines situations vécues à l’hôpital chez elle. La première quant à

elle dit avoir rendu un hommage au patient. De ce fait, elle ne s’est pas arrêtée à la prise

en charge du patient à l’hôpital mais a continué de l’accompagner jusqu’à son

enterrement.

173

Entretien test, p.7 de la retranscription. 174

Entretien 3, p.6 de la retranscription. 175

Entretien 4, p.3 de la retranscription.

69

Enfin, une infirmière dit ne pas vraiment savoir quelle distance relationnelle elle

adopte avec les patients en fin de vie. Pour elle, ce n’est pas évident de se positionner.

J’ai partagé son avis car je pense que la distance relationnelle dépend de chaque patient

que l’on prend en charge. Cette infirmière par exemple présente des difficultés au

niveau de son positionnement dans la relation avec un certain type de patient : « Moi

j’ai du mal avec les sujets jeunes. C’est mon truc à moi hein. Et j’ai toujours tendance,

j’pense, à être trop là avec eux ! A tout le temps aller les voir, si ça va176

».

Ainsi, la distance relationnelle dépendrait de nombreux facteurs, notamment

personnels. De plus, elle serait différente selon le patient. Cependant, un évènement

viendrait entrer en jeu dans la relation entre l’infirmière et le patient : le décès du

patient. J’aborderai la question de la mort dans la prochaine question faisant référence

aux représentions qu’ont les infirmières de cet évènement.

Question 7 : Quelles sont-vos représentations de la mort ?

En écrivant cette question, je m’attendais à ce que les infirmières évoquent des

expériences de mort de patients ou d’entourage et que l’ambiance s’alourdisse, devienne

plus triste lors des entretiens. Pourtant, ce ne fut pas le cas. En effet, 5 infirmières sur 6

ont ri lorsque que je leur ai posé la question. En faisant le lien entre leur rire avec leur

posture, leur faciès et leur gestuelle, j’ai compris que ce n’était ni un rire de moquerie,

ni un rire suite à quelque chose de drôle, mais un rire de gêne. En effet, la plupart de ces

infirmières étaient en difficulté pour répondre à cette question. Il m’a fallu la reformuler

à plusieurs reprises pour qu’elles comprennent son sens. Une infirmière m’a dit que les

représentations de la mort étaient propres à chacun, individuelles177

. Je n'ai pas voulu

approfondir la réponse par peur d’entrer dans une sorte de curiosité et d’insistance.

Les représentations de la mort pour les infirmières étaient globalement

similaires. 4 infirmières sur 6 voient la mort comme « la fin de la vie ». 1 infirmière dit

quant à elle que la mort fait partie de la vie et que c’est un processus logique178

.

176

Entretien 2, p. 7 de la retranscription. 177

Entretien 4, test, p.8 de la retranscription. 178

Entretien test, p.7 de la retranscription.

70

Un autre élément ayant été soulevé lors des réponses des soignants fut la

différence de représentations de la mort selon le sujet. Pour 2 infirmières, la mort

occupait une place différente selon l’âge du sujet. Pour les deux infirmières, la mort

d’un patient âgé était considérée comme plus acceptable et moins douloureuse

émotionnellement pour elle que celle d’un patient jeune. L’une d’entre elle confirme

cela en disant :

« Quelqu’un des jeunes c’est pas normal. Comme j’te disais quelqu’un de plus

âgé ça me paraît logique de mourir. On le sait, on naît, on va mourir […] Après

quelqu’un de jeune c’est dramatique, c’est horrible, quelqu’un de plus âgé, 90

ans, 95 ans, c’est normal !179

».

La seconde infirmière ajoute :

« C’est des personnes relativement âgées donc c’est plus le cours de la vie quoi.

Tu t’dis c’est des gens qui ont eu une belle vie… c’est différent […] C’est des

personnes relativement âgées donc c’est plus le cours de la vie quoi. Tu t’dis

c’est des gens qui ont eu une belle vie… c’est différent180

».

Ainsi, ces deux infirmières pensent que le sujet âgé entretient un lien plus

logique avec la mort de par un âge avancé. En ce qui concerne le sujet jeune, cet

évènement vient marquer une rupture avec le cours « normal » de la vie qui veut que

l’on naisse puis que l’on meurt à un certain âge. Là encore, la proximité relationnelle

entretenue avec l’autre joue un rôle dans les émotions ressenties par l’individu.

Enfin, 2 soignantes ont fait ressortir la dimension religieuse de la mort.

Toutefois, cette dimension est vue comme un problème dans les deux cas, mais

exprimée de deux manières différentes. Ainsi, la première infirmière dit que : « Dans

l’équipe t’as toujours des idées culturelles, cultuelles, religieuses qui mettent leur

nez181

». La seconde quant à elle affirme : « Le problème c’est voilà… sur les religions,

t’as différentes interprétations d’la mort182

».

179

Ibid. 180

Entretien 6, test, p.4 de la retranscription. 181

Entretien 4, p.8 de la retranscription. 182

Entretien 3, p.6 de la retranscription.

71

Ainsi, la mort pourrait être liée à la religion. Toutefois, chaque personne possède

des idées, des appartenances différentes sur le sujet.

Au fil des années, l’infirmière acquiert de nouvelles compétences, des

connaissances supplémentaires. De plus, elle gagne en expérience et peut avoir une

vision différente sur les soins, mais aussi sur la mort. Cela m’amène à la prochaine

question sur l’évolution des représentations de la mort chez ces infirmières depuis leur

début de carrière.

a) Comment ont-elles évolué au fil de votre carrière ?

Les avis sont partagés dans les réponses. Effectivement, 3 infirmières ont affirmé

avoir vu une évolution de leurs représentations concernant la mort tandis que 3 autres

ont dit ne pas en avoir eu.

Parmi les 3 ayant vu leurs représentations évoluées, l’une affirme que : « J’trouve

qu’on s’blinde aussi un peu quoi, avec les années. On prend de l’expérience aussi.

Après on va pas dire ça fait rien mais on apprend à faire avec183

». Une seconde

infirmière complète en disant :

« J’ai plus de facilité maintenant, ça me faisait peur. En plus dans un service

comme ça on est là pour la réanimation. On est censé sauver des vies quoi. Donc

c’est un petit peu frustrant, on a travaillé, on a fait ce qu’on a pu, on a tout fait et ça

a pas marché donc on se remet un petit peu en question […] Et maintenant, j’ai plus

la même vision des choses. C’est plus valorisant pour moi d’accompagner

correctement quelqu’un en fin de vie, la famille, plutôt que de faire une

réanimation, une intubation. Après ça c’est de la technique, on maîtrise, c’est la

même chose. Alors que l’accompagnement est plus important184

».

Ainsi, l’expérience permettrait d’avoir un rapport à la mort différent. Si bien que

cela serait aussi en lien avec nos représentations du soin comme l’indique la seconde

infirmière pour qui la mort représentait une peur.

183

Entretien 6, p.4 de la retranscription. 184

Entretien test, p.7 de la retranscription.

72

Concernant les trois autres infirmières, l’une d’entre elles dit ne pas avoir vu

d’évolution dans ses représentations à la mort car elle a déjà été confrontée à celle-ci

lors de sa jeunesse. L’infirmier quant à lui dit ne pas avoir vu d’évolution dans ses

représentations. Toutefois, il vient apporter une nuance à son propos. Il ajoute :

« Elles ont évolué dans la prise en charge du patient dans le sens où on essaye de

respecter les cultes […] Voilà, on essaye de traiter tout le monde sur le même pied

d’estale. Peu importe la religion qu’il a eu, peu importe les idées qu’il aurait pu

avoir185

».

Ainsi, les représentations que l’infirmière a de la mort peuvent évoluées ou pas

selon son vécu personnel. Par ailleurs, l’expérience jouerait un rôle dans l’évolution de

ces représentations à travers les échanges au sein de l’équipe soignante ainsi que les

différentes prises en charge de patients possédant des cultes et des religions différentes.

De plus, cette confrontation à la mort peut toucher le soignant émotionnellement. En

particulier si ce dernier s’est occupé d’un patient en particulier. C’est ce que j’ai cherché

à savoir dans la prochaine question concernant le ressenti de l’infirmier face à la mort

d’un patient.

b) Que ressentez-vous lors de la mort d’un patient dont vous vous êtes occupé ?

Les émotions des soignantes étaient très communes. En effet, j’ai pu mettre en

évidence trois éléments importants regroupant les types de réponses des infirmières.

Le premier aspect regroupe les émotions que j’appellerai « difficiles ». Il regroupe la

tristesse, la peine et la frustration. Ce sont 5 infirmières sur 6 qui ont ressenti au moins

une de ces émotions lors de la mort d’un patient dont elles se sont occupées. Selon l’une

d’entre elles :

« Ça fait mal, c’est dur […] Tu t’imagines la vie qu’ils ont eu […] Tu vas par

exemple sur un arrêt cardiaque, t’essayes tout ce que tu peux et qu’ils reviennent

pas. Donc t’as pas réussi, t’es pas l’médecin. Mais tu vois ça comme des échecs

quoi. C’est pas évident à gérer « … », mais j’pense que j’y arriverai jamais (rires).

Mais j’espère pas aussi me blazer par rapport à ça, par rapport à la mort. Et pour

185

Entretien 4, p.8 de la retranscription.

73

moi une infirmière il faut qu’y ait des sentiments. Une infirmière qui ressent rien

face à la mort, c’est triste186

».

A priori, cette infirmière présente des difficultés d’ordre émotionnel lors du décès de

certains patients. Par ailleurs, elle dit ressentir le décès d’un patient mort d’un arrêt

cardiaque comme un échec après des efforts effectués pour réanimer ce patient. De plus,

elle affirme que les émotions tiennent une place importante dans la profession

infirmière. Pour elle, l’infirmière doit avoir des sentiments.

Pour 2 autres, ce ressenti dépend du patient et du contexte du décès. L’une dit : «

Tout dépend des patients, y’a des patients avec qui je vais plus m’attacher, créer des

liens187

». Une autre ajoute : « Forcément un peu d’peine euh… Après si vraiment

c’était une mort attendue, et que l’accompagnement s’est bien passé et que le patient a

pas souffert, on est satisfait euh, quelque part. Après si ça s’est pas bien passé, euh,

c’est quand même frustrant188

».

Par ailleurs, 3 infirmières partagent le fait qu’elles peuvent ressentir des émotions

positives suite au décès d’un patient dont elles se sont occupées. Une infirmière

affirme :

« Bah parfois du soulagement quand c’est des prise en charge trop difficiles. Parce

que je me dis ça y est, voilà, c’était compliqué mais… Est-ce qu’on a bien fait ou est-ce

qu’on a pas bien fait en tous cas quand on a l’impression que les patients ont été

soulagé et sont partis sans souffrance. Là c’est un soulagement pour nous j’pense

comme pour la famille, comme pour eux189

».

De plus, une autre vient ajouter :

« Des fois, si il y a des familles qui nous entendent elles doivent se dire qu’on est un

petit peu cinglés parce qu’on rigole, y’a ce côté où on dédramatise un peu. Mais

après on est obligé, c’est pour nous, c’est aussi un moyen de protection, un moyen

186

Entretien 3, p.7 de la retranscription. 187

Entretien test, p.8 de la retranscription. 188

Entretien 6, p.5 de la retranscription. 189

Entretien 2, p. 9 de la retranscription.

74

de défense, pour essayer de dédramatiser un petit peu les choses et voilà, discuter

en équipe190

».

Pour résumer, tous les soignants ressentent des émotions lors du décès d’un patient

dont ils se sont occupés auparavant. En effet, des liens se sont créés, une certaine

affinité s’est instaurée.

Par ailleurs, pour faire le lien avec la partie conceptuelle sur les représentations de la

mort à l’heure actuelle, je pense que les réactions de ces infirmières au moment où je

leur ai posé la question n’étaient pas anodines. Effectivement, elles reflétaient tout à

fait les éléments présents dans mon apport théorique. Le fait de changer de sujet,

comme si l’on repoussait la mort. Dans ce sens, une infirmière s’exprime en disant : « Il

faut enlever un petit peu les tabou autour de la mort et essayer d’accompagner au

mieux le patient, les familles pour dédramatiser191

». Les représentations de la mort ont

donc évolué dans notre société.

Question 8 : Souhaiteriez-vous ajouter d’autres éléments pouvant compléter cette

entretien ?

Suite à cette question, 1 infirmière a souhaité revenir sur la dimension

relationnelle de la profession d’infirmière. Elle affirme : « Il y a aussi le côté relationnel

qui est très important et qui est une grosse partie de notre boulot, et très

intéressante192

».

Une seconde quant à elle relève la différence entre la dimension enseignée

durant la formation et la pratique réelle sur le terrain. Puis elle a ajouté la différence de

comportement que le soignant peut avoir avant d’avoir vécu une situation et lorsqu’il la

vit réellement :

« C’est pas ce qui est dans les livres qui… Après y’a peut-être des situations à

l’heure actuelle que tu penses qui vont pas te toucher dans l’accompagnement

190

Entretien test, p.8 de la retranscription. 191

Ibid. 192

Ibid.

75

en fin d’vie. Puis quand tu vas être devant l’patient, tu vas t’dire « J’y arrive

pas, comment j’fais ? Est-ce que j’ose demander de l’aide ou est-ce que j’ose

pas ? Comment j’fais ? »193

».

Enfin, deux infirmières soulèvent le questionnement que provoque le sujet de

l’accompagnement du patient en fin de vie et de la mort. L’une affirme que :

« Ça te travaille, ça te questionne. Tu te dis comment j’vais mourir ? Est-ce que

j’vais souffrir ? Est-ce que j’vais pas souffrir ? Est-ce que j’vais la voir venir ? Pas la

voir venir ? Donc c’est normal. C’est pas pour rien que ça ressort souvent dans les

mémoires194

».

Cette question qui clôture cet entretien a fait ressentir des points essentiels dont

j’avais traité durant mon travail de recherche.

Je vous propose désormais la synthèse de cette analyse d’entretien qui sera conclue

par une ouverture sous forme de question afin d’ouvrir de nouvelles perspectives de

recherches.

5.2. Synthèse de l’analyse de recherche

De nombreux éléments ont été mis en évidence lors de ces entretiens. Des

réponses ayant des points communs entre elles, d’autres possédants des différences.

Finalement, ils ont tous été enrichissants et bénéfiques pour mon travail. Je vais

désormais mettre en lumière les points centraux qui ressortent de ces entretiens. Le

premier point concerne les représentations du soin infirmier par ces soignants. Le

second traite de l’accompagnement qui s’accompagne des émotions et de la distance

relationnelle. Le troisième et dernier point est lié à la mort et aux représentations qu’en

ont les infirmières.

A propos des représentations du soin infirmier, j’ai constaté que les infirmières

en possédaient une double conception. La première correspond à la dimension

193

Entretien 2, p. 9 de la retranscription. 194

Entretien 4, p.9 de la retranscription.

76

technique, la seconde à la dimension relationnelle. Ces deux dimensions se

complèteraient et seraient utilisées au bénéfice du patient. Par ailleurs, la prise en charge

globale du patient incluant son entourage et sa famille est apparue à plusieurs reprises

au cours de certains entretiens. Cela vient donc confirmer l’existence de deux

dimensions complémentaires du soin infirmier prenant en compte les besoins physiques,

psychologiques et sociaux du patient. Un infirmier relève qu’un clivage de ces

dimensions serait négatif et ne permettrait donc pas une prise en charge globale de

l’individu.

De plus, la plupart des infirmières ont vu leurs représentations du soin

infirmier évoluer au fil du temps. J’ai constaté que cette évolution ne se faisait que dans

un sens. C’est-à-dire qu’elles partaient au début de leur carrière d’une représentation du

soin basée sur la dimension technique puis ont évolué vers une conscience, une

appropriation d’un aspect se voulant plus relationnel. Ainsi, l’expérience aurait une

place dans l’évolution des représentations du soin infirmier.

Enfin, j’ai pu remarquer qu’il pouvait y avoir un lien entre représentations du

soin infirmier et pratiques soignantes. En effet, les infirmières pensant que soins

infirmier rimaient avec une synergie entre dimension technique et relationnelle disaient

prendre en charge les patients de manière globale. Cela veut dire qu’elles prenaient en

compte les besoins physiques, psychologiques et sociaux du patient. Néanmoins, je n’ai

pas pu affirmer le contraire car aucune de ces infirmières ne considéraient le soin

infirmier comme quelque chose relevant purement de la technique.

Je vais désormais aborder l’analyse concernant l’accompagnement du patient

en fin de vie par les infirmières.

Le premier élément de cette partie concerne les émotions ressenties par les

infirmières quand elles accompagnent un patient en fin de vie. La difficulté qu’ont ces

infirmières à accompagner ces patients ressort à de multiples reprises. Elles disent

ressentir de la frustration, de la peine et/ou de la tristesse. La frustration serait due à

l’écart entre l’attente de ces infirmières concernant l’avenir du patient, l’espoir de vie

avec la réalité qui est la mort du patient. La peine et la tristesse seraient quant à elles

due à la mort du patient. Un être est partie alors que des liens s’étaient créés créant alors

77

un sentiment de manque pour l’infirmière. De plus, la majorité des infirmières accordent

une place importante des émotions dans la profession et dans leur pratique

professionnelle.

Néanmoins, les émotions nécessiteraient parfois qu’elles soient exprimées par

certaines infirmières. En outre, la communication au sein de l’équipe soignante a été

abordée. Elle jouerait un rôle dans l’écoute et l’échange des émotions vécues par ces

infirmières. Une infirmière dit même se sentir écouter lors de réunions en équipe195

.

Toutefois, certaines barrières viendraient entraver cet accompagnement du

patient en fin de vie. La première serait le vécu personnel de l’infirmière, riche en

émotions et réinvestissant certaines situations passées douloureuses. La seconde

concernerait les conditions de travail prenant en compte le manque de temps ainsi que le

manque de personnel soignant. De ce fait, les infirmières n’auraient pas le temps d’être

présentes comme elles le souhaiteraient auprès du patient en fin de vie. Le dernier point

soulevé par un infirmier serait une mauvaise conception du soin centré sur la dimension

technique. Ce dernier point est celui que je traite dans mon hypothèse.

Le second élément faisant partie de l’accompagnement du patient en fin de vie

est la distance relationnelle mise en place par les infirmières.

Une grande majorité des infirmières interrogées affirment adopter une distance

relationnelle de par le vouvoiement, ou en passant moins régulièrement devant la

chambre du patient.

Une petite partie des infirmières quant à elles avouent être proches voire très

proches du patient au niveau relationnel. Toutefois, cette proximité relationnelle peut

devenir une limite lorsqu’elle influence la vie personnelle du soignant. C’est le cas pour

ces infirmières se disant proches du patient. L’une affirmant avoir du mal avec le décès

des patients en fin de vie si bien qu’elle est même allée aux funérailles de l’un d’entre

eux. Une seconde infirmière dit présenter des difficultés pour faire la part des choses.

Cela se manifeste par la pensée de certains patients hors travail. Elle dit avoir du mal à

ce niveau-là.

195

Entretien 3, p.6 de la retranscription.

78

Puis, certaines infirmières affirment que cette distance relationnelle entretenue

avec le patient en fin de vie varie selon ce patient, son âge, selon la situation et le vécu

personnel de l’infirmière.

Cependant, la mort reste un évènement présent dans les soins. Je vais donc

vous faire part de mon analyse sur ce sujet ainsi que sur les représentations qu’en ont les

infirmières.

Dans un premier temps, je tenais à préciser que la question abordant les

représentations de la mort a présenté des difficultés pour toutes les infirmières. Cette

difficulté s’est traduite par un sentiment de gêne manifesté par des rires. J’ai souhaité

traiter de ce sujet à la fin de l’entretien car je savais que ce point était sensible dans la

mesure où il pouvait toucher émotionnellement ces soignants. Toutefois, ils n’ont pas

été émus lorsqu’ils répondaient à cette question. De plus, je m’attendais à plus de

développement et de contenu sur cette question.

Pour une majorité des infirmières, la mort du patient est vécue comme un

évènement négatif. Pour la minorité, elle est vécue de manière plus positive et ces

infirmières expliquent cela en termes de soulagement pour l’entourage, le patient lui-

même ainsi que pour l’infirmière et les soignants. Ce soulagement se manifeste

notamment lorsque le patient a souffert durant ses derniers instants de vie.

Par ailleurs, le ressenti de la mort peut être vécu différemment selon le patient.

Son âge entre en jeu dans la plupart du temps. En effet, un individu qui décède à un

jeune âge, particulièrement les enfants et les adolescents, touchera émotionnellement de

manière plus importante les infirmières qu’un patient âgé. Pour elles, la mort doit

arriver le plus tard possible. Une mort jeune n’est pas quelque chose de normale pour

ces soignantes. Je suppose aussi que ces infirmières ont des enfants et que, lorsqu’elles

sont confrontées au décès d’un enfant, elles repensent aux leurs.

Pour conclure, l’expérience jouerait un rôle dans l’évolution des

représentations qu’ont les infirmières par rapport à la mort. La mort serait relativisée au

cours d’une carrière mais pas pour toutes les infirmières. Certaines disent avoir des

représentations similaires en début de carrière et à l’heure actuelle. Toutefois, il

n’empêche que la mort touche très souvent émotionnellement les infirmières.

79

LIMITES DU TRAVAIL DE RECHERCHE

Durant cette phase méthodologique dans laquelle j’ai effectué des entretiens

auprès d’infirmières, il s’avère que j’ai fait face à plusieurs limites.

La première est d’ordre quantitatif. En effet, j’ai interrogé six infirmières. Ce

nombre est donc très faible. Les résultats me donnent donc un aperçu des pensées de

certaines infirmières mais je ne pourrais me permettre de généraliser ce que j’ai récolté

comme contenu. Ainsi, ces résultats ne sont pas représentatifs.

Dans un second temps, bien que j’ai essayé de varier la population investiguée,

je n’ai interrogé des infirmières que de six services différents. Ainsi, il aurait été

intéressant d’élargir cette population en allant chercher des visions dans des

environnements différents.

Ensuite, j’ai présenté des difficultés à être objectif sur certains propos émis par

ces infirmières. Parfois, je voulais prendre position afin de rebondir sur ce qu’elles

avaient dit. Par ailleurs, j’étais en désaccord avec certains propos qui allaient à

l’encontre de mes opinions. Ainsi, je souhaitais rester neutre pendant l’entretien mais je

revenais sur ces points quand l’entretien était terminé.

Par ailleurs, il se trouve que j’ai abordé le thème de la mort lors de mon

entretien. Manifestement, une gêne s’est installée lorsque les infirmières devaient

répondre à ma question. Cette gêne se manifestait par un silence, des demandes de

reformulations et selon moi, à un non développement des réponses. De ce fait, je pense

que j’aurais pu dans un premier temps partager mon expérience concernant des

situations où j’ai rencontré le décès de patients ce qui aurait facilité la parole des

soignantes en posant un climat de confiance.

Enfin, je pense que mon manque d’expérience à mener des entretiens a été une

limite. D’ailleurs, le fait de m’écouter lors de la retranscription des entretiens fut une

réelle prise de conscience des défauts de langages qui m’étaient propres. Ainsi, je me

suis rendu compte au fil de ces entretiens que je devenais plus à l’aise, dans une plus

grande écoute active de l’autre et plus synthétique dans mes propos. Arrivant à la fin de

ce travail de recherche, je vous propose la conclusion que j’ai élaborée.

80

CONCLUSION

Au début, je considérais ce travail de fin d’étude comme un « travail en plus »,

une simple formalité. Cela m’a mis en difficulté dans un premier temps car je le

repoussais toujours. Je faisais preuve de procrastination. Ce travail n’a donc pas été le

fruit d’une année mais de quelques mois. Néanmoins, je me suis aperçu que ce n’était

pas un simple travail, mais un cheminement dans une réflexion s’inscrivant dans un

processus de professionnalisation.

Durant ce stage, j’ai vécu une situation. Une situation dans laquelle j’étais

totalement impliqué et qui m’a marqué. Je m’en souviendrai pour le restant de mes

jours. Cette situation a réellement changé ma manière de voir le monde, de voir les

autres, de me voir moi-même. En réalisant ce travail, j’avais l’impression de tout voir

d’un point de vue différent. En effet, j’essayais de prendre le recul nécessaire afin de

faire passer le message que je voulais communiquer. Tout cela sans pour autant être

dans une émotivité excessive biaisant ce travail de recherche de par une implication

émotionnelle trop importante.

Cette situation m’avait questionné sur de nombreux points. Si bien que j’ai

décidé d’aborder ceux qui étaient les plus pertinents pour mon questionnement et pour

mon futur travail en tant qu’infirmier, professionnel de santé.

J’ai donc explicité les concepts de représentations, d’émotions et

d’accompagnement. J’ai ensuite émis une hypothèse selon laquelle une conception des

soins infirmiers centrée principalement sur leur dimension curative serait une barrière à

l’accompagnement du patient en fin de vie. Cette étude théorique m’a permis d’éclairer

ma situation et m’a amené à confronter ces recherches et mon hypothèse avec des

infirmiers. Cela dans un but d’échange, de partage mais aussi afin de confirmer,

d’infirmer ou même de nuancer mon hypothèse.

Ainsi, suite à ces entretiens, j’ai été en mesure de constater que les infirmières

avaient des visions différentes sur le soin infirmier, ses représentations et sur

l’accompagnement du patient en fin de vie. De plus, une de mes questions se trouvant

dans mes entretiens traitait des barrières qui pouvaient entraver l’accompagnement du

81

patient en fin de vie. Pour moi, et d’après mon hypothèse, la barrière était la conception

du soin infirmier basée principalement sur son aspect technique. Néanmoins, les

différentes réponses à cette question m’ont permis de nuancer mon hypothèse.

Effectivement, je me rends compte que d’autres barrières à l’accompagnement

du patient en fin de vie peuvent apparaître. Par exemple, je peux citer le vécu personnel

accompagné d’émotions pouvant entraver cet accompagnement. Les conditions de

travail difficiles peuvent aussi être un frein dans la mesure où le manque de temps, de

moyens humains et le stress peuvent influencer cet accompagnement. Enfin, une

proximité relationnelle importante peut avoir une influence sur l’accompagnement du

patient en fin de vie. Cela provoquant des émotion, une implication telle que l’infirmier

serait dans une implication émotionnelle excessive et influencerait l’accompagnement.

Les émotions sont en effet très présentes lors de la prise en charge de certains patients,

d’accompagnement en fin de vie. Ainsi, ce travail m’a amené à apercevoir d’autres

perspectives de recherches, toujours sur le thème de l’accompagnement. La question qui

m’interroge et qui mériterait selon moi un autre travail de recherche serait la suivante :

Dans quelle mesure les émotions pourraient-elles influencer

l’accompagnement du patient en fin de vie ?

Parfois, je me demande quelle profession aurais-je pu exercer mise à part celle

d’infirmier. Avant cette formation, je souhaitais être utile pour l’autre. En réalité, je ne

savais pas ce qui se cachait derrière « être utile ». De plus, je ne savais pas qui était cet

« autre ». Ma formation, mes rencontres, mes échanges ainsi que mon questionnement

perpétuel m’ont permis de trouver quelques réponses à ces éléments. Je ne prétendrai

pas avoir tous les éléments de réponses à mes interrogations. Néanmoins, j’ai acquis

durant ces études une démarche de réflexion me permettant d’arriver à ces réponses,

toujours avec le sens du questionnement.

Durant cette formation, j’ai découvert un univers à part entière, celui du soin. Un

univers riche en échanges, en émotions. Un univers profond où l’on entre en relation

avec des êtres sensibles. Au fil de ma formation, je me suis rendu compte que

finalement, nous sommes tous pareil. Chaque personne possède des besoins, des envies,

82

des aspirations. Chaque individu est sensible et peut du jour au lendemain, passer de

plein d’énergie, en bonne santé à quelqu’un de faible et sur qui la maladie s’est abattue.

J’ai donc appris à être humble, reconnaissant envers les autres et à aimer, encore

plus. Cette formation et ce mémoire m’ont beaucoup apporté et m’ont amené à me

questionner sur plusieurs éléments tels que la vie, la mort, la maladie, la santé, mon

avenir, mon rôle dans la société.

Enfin, je peux affirmer que mes représentations du soin infirmier ont évolué,

passant d’une vision principalement technique à un aspect riche de relationnel et

d’accompagnement. Désormais, je m’efforce de donner du sens à ma pratique et essaye

de me questionner constamment sur ce que je fais, pourquoi je le fais et pour qui je le

fais. Je souhaite devenir cet infirmier, celui dans une écoute particulière du patient, étant

dans l’observation et dans l’accompagnement de l’être humain. Je souhaite être ce

professionnel, qui durant sa formation, a compris le sens d’une profession.

83

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89

LISTE DES ANNEXES

Annexe I : Représentations de la mort

Annexe II : Les soins infirmiers (Code de la Santé Publique)

Annexe III : Rapport de l’INPES sur les soins palliatifs

Annexe IV : Rapport de l’ARS PACA sur le droit au respect de la dignité

Annexe V : Les différentes relations de soin

Annexe VI : Recommandations de l’HAS sur l’accompagnement des patients en fin de

vie et de leur proche

90

Annexe I : Représentations de la mort 196

« Autrefois, la mort avait une forme, un cadre, une habitude, une pratique dans

lesquels le mourant, le cadavre, les angoisses, les personnes endeuillées et le temps du

deuil prenaient place. Cette forme organisait l’ensemble. Chacun savait, quand la mort

arrivait, la place qu’il devait tenir […] La mort n’est pas seulement interdite, elle est

devenue une langue morte, oubliée, disparue

Ainsi, s’est imposé progressivement un nouvel idéal, l’idéal moderne: mourir sans

s’en rendre compte, faire disparaître la mort et le mort du champ social.

Il nous faut tenir compte de trois évolutions pour expliquer la dépossession

progressive de la mort. L’individu autrefois maître de sa mort, en a été progressivement

dépossédé. Il l’accompagnait; aujourd’hui il la subit.

Au XVIIe siècle, l’homme occidental était encore régisseur de ses derniers moments.

Et puis, progressivement, il a commencé à partager ses derniers moments avec sa

famille. Elle a commencé à avoir un rôle plus important en assurance une double

protection: protéger le mort des autres, protéger le mort de lui-même.

Deuxième dépossession: la médecine. La médecine progressivement s’est intégrée,

s’est imposée dans la chambre mortuaire au point de “contrôler” le corps. D’où,

aujourd’hui une mort qui se fait à l’hôpital et non plus dans la chambre mortuaire.

Troisième moment de cette histoire de la dépossession mortuaire: de consciente la

mort est devenue progressivement inconsciente. L’idéal de la bonne mort, autrefois

c’était de la vivre. Or, aujourd’hui, nous dit en constat Luc Ferry, le philosophe: “la

mort est sans pourquoi, sans appel ni au-delà”. Si cette mort est sans pourquoi, sans

appel ni au-delà, alors effectivement pourquoi, d’une certaine façon, la vivre? Mieux

vaut la taire, la cacher, ne pas en faire état.

196

Le Guay Damien, Représentation actuelle de la mort dans nos sociétés: les différents moyens de l'occulter, [en ligne]. Études sur la mort 2/2008 (n° 134), p. 115-123. < https://www.cairn.info/revue-etudes-sur-la-mort-2008-2-page-115.htm>. (Consulté le 03/04/16).

91

Tout a été montré sauf l’essentiel: les morts eux-mêmes. Nous sommes là en

présence d’une mort sans cadavre, de l’idée presque irréelle de la mort, d’une

dramatique en l’absence de ces milliers de drames individuels [...] Dans les médias

d’information, la mort est partout, les morts nulle part.

Désormais, avant tout dans les « policiers » américains, les « méchants » sont

tués sans affects, comme s’il s’agissait d’un jeu de cour de récréation. Tuer ne veut plus

rien dire. Le « héros » « élimine » sans émotion, sans « état d’âme ». Les « méchants »,

eux, « disparaissent » dans une mise en scène esthétisante.

Trop de mort tue la mort. Un recours excessif au “second degré”, à la

“parodie”, à ces images qui ne sont pas vraisemblables, favorise une séparation de

l’imaginaire d’avec la réalité. Les repères se brouillent, les distinctions s’estompent

[…] Devant ces spectacles, le voyeur télévisuel n’éprouve rien

L’excès conduit à la banalisation, au trop-plein et donc à la disparition. La

mort, ainsi, est devenue invisible pour être médiatiquement sur-visible. La vraie mort,

celle de nos vies quotidiennes, a disparu au profit de la mort-parodie, la mort-

spectacle, la mort-élimination, la mort-ludique, la mort-grand-guignolesque. En

somme: l’excès médiatique dissimule».

92

Annexe II : Les soins infirmiers (Code de la Santé Publique)197

« Les soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs, intègrent qualité

technique et qualité des relations avec le malade. Ils sont réalisés en tenant compte de

l'évolution des sciences et des techniques. Ils ont pour objet, dans le respect des droits

de la personne, dans le souci de son éducation à la santé et en tenant compte de la

personnalité de celle-ci dans ses composantes physiologique, psychologique,

économique, sociale et culturelle :

1° De protéger, maintenir, restaurer et promouvoir la santé physique et mentale des

personnes ou l'autonomie de leurs fonctions vitales physiques et psychiques en vue de

favoriser leur maintien, leur insertion ou leur réinsertion dans leur cadre de vie familial

ou social ;

2° De concourir à la mise en place de méthodes et au recueil des informations utiles

aux autres professionnels, et notamment aux médecins pour poser leur diagnostic et

évaluer l'effet de leurs prescriptions ;

3° De participer à l'évaluation du degré de dépendance des personnes ;

4° De contribuer à la mise en œuvre des traitements en participant à la surveillance

clinique et à l'application des prescriptions médicales contenues, le cas échéant, dans

des protocoles établis à l'initiative du ou des médecins prescripteurs ;

5° De participer à la prévention, à l'évaluation et au soulagement de la douleur et de la

détresse physique et psychique des personnes, particulièrement en fin de vie au moyen

des soins palliatifs, et d'accompagner, en tant que de besoin, leur entourage ».

197

Code de la Santé Publique. Article R4311-2 Codifié par: Décret 2004-802 2004-07-29 en ligne]. <https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006913889&cidTexte=LEGITEXT000006072665&dateTexte=20130103>. (Consulté le 16/04/16).

93

Annexe III : Rapport de l’INPES sur les soins palliatifs 198

« Face à l’épreuve de la maladie grave et des handicaps difficiles à vivre et/ou

à la perspective de la mort, les Français expriment : des peurs : souffrir inutilement, ne

plus pouvoir dire ce que l’on veut, subir un acharnement thérapeutique, être abandonné

et mourir seul ; et des attentes : être soulagé de la souffrance, faire reconnaître sa

volonté même quand on n’est plus en état de l’exprimer, refuser ou arrêter tout

traitement déraisonnable, être entouré et accompagné.

La loi fixe les conditions de décision de limitation ou d’arrêt de traitement :

- La loi insiste sur l’importance de la volonté du patient;

- L’appréciation de la pertinence du projet thérapeutique et l’analyse du rapport

bénéfice/risque relèvent de la responsabilité médicale;

- La loi distingue deux situations: celle où le malade est capable d’exprimer sa

volonté et celle où il n’en est pas capable (art. 5)

- La capacité du patient à « être autonome » ou à « s’autodéterminer » doit être

appréciée de manière adaptée (5). Le médecin donne l’information, il vérifie que

le patient soit capable d’écouter, de comprendre puis de s’autodéterminer

- Si le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté, la loi introduit l’obligation

d’une procédure collégiale. (art. 9; décret d’application du 6 février 2006) : «

La décision est prise par le médecin en charge du patient ; après concertation

avec l’équipe de soins si elle existe et sur l’avis motivé d’au moins un médecin,

appelé en qualité de consultant. Il ne doit exister aucun lien de nature

hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le consultant ; L’avis

motivé d’un deuxième consultant est demandé par ces médecins si l’un d’eux

l’estime utile ».

Mais cette procédure ne dispense pas de rechercher la volonté du patient

(directives anticipées, avis de la personne de confiance, avis des proches) ».

198

Rapport rédigé par l’INPES dans le cadre du Programme de développement des soins palliatifs 2008-2012. Patients atteints de maladie grave ou en fin de vie – Soins palliatifs et accompagnement. [en ligne]. <http://www.inpes.sante.fr/CFESBases/catalogue/pdf/933.pdf>. (Consulté le 05/04/16).

94

Annexe IV : Rapport de l’ARS PACA sur le droit au respect de la dignité199

Directives anticipées

Depuis la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, l’article

L.1111-11 prévoit que :

« Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle

serait un jour hors d'état d'exprimer sa volonté. Ces directives anticipées indiquent les

souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie concernant les conditions de la limitation

ou l'arrêt de traitement. Elles sont révocables à tout moment. A condition qu'elles aient

été établies moins de trois ans avant l'état d'inconscience de la personne, le médecin en

tient compte pour toute décision d'investigation, d'intervention ou de traitement la

concernant. ».

Le patient aurait donc des droits concernant sa fin de vie. Dans le cas des directives

anticipées, il serait libre d’anticiper une impossibilité d’exprimer sa volonté par un

écrit en y citant ses volontés dans le cas de cette situation. En ce qui concerne mon

analyse, la patiente n’avait pas émise de directives anticipées. Dans ce cas, deux autres

facteurs entrent en jeu : la personne de confiance et la procédure collégiale.

Personne confiance

L’article 8 du Code de la santé Publique concernant les droits des malades et la fin de

vie cite que :

« Lorsqu’une personne, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et

incurable, quelle qu’en soit la cause et hors d’état d’exprimer sa volonté, a désigné une

personne de confiance en application de l’article L. 1111 6, l’avis de cette dernière,

sauf urgence ou impossibilité, prévaut sur tout autre avis non médical, à l’exclusion des

directives anticipées, dans les décisions d’investigation, d’intervention ou de traitement

prises par le médecin».

199

Dossiers législatifs - LOI n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie. Fait à Paris, le 22 avril 2005. [en ligne]. <https://www.legifrance.gouv.fr/affichLoiPubliee.do;jsessionid=BF84F19CEB52890A2C45F0C1F04F3E39.tpdjo09v_3?idDocument=JORFDOLE000017758874&type=contenu&id=1&typeLoi=&legislature=>. (Consulté le 05/04/16).

95

Cette personne de confiance a donc une réelle influence sur la situation du patient et

aide à déterminer la décision prise par le médecin, en collaboration avec l’équipe

soignante. Je vous propose donc une recherche définissant la procédure collégiale.

La procédure collégiale

D’après l’article 5 concernant les droits du malade et la fin de vie et après le

quatrième alinéa de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique, il est inséré un

alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, la limitation ou l'arrêt de

traitement susceptible de mettre sa vie en danger ne peut être réalisé sans avoir

respecté la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale et sans que

la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6 ou la famille ou, à défaut, un de

ses proches et, le cas échéant, les directives anticipées de la personne, aient été

consultés. La décision motivée de limitation ou d'arrêt de traitement est inscrite dans le

dossier médical. »

Ainsi, avant de prendre une décision de limitation ou d’arrêt de traitement

pouvant faire penser à une obstination déraisonnable, le médecin doit se concerter avec

l’équipe soignante obtenir l’avis d’au moins un autre médecin, appelé comme

consultant. Il ne doit exister aucun lien hiérarchique entre le médecin en charge du

patient et le consultant. L’avis motivé d’un deuxième consultant est demandé par ces

médecins si l’un d’eux l’estime utile (décret d’application 120 modifiant l’art. 37 du

Code de déontologie médicale).

Pour compléter cette approche de la procédure collégiale, j’ajoute une citation

de revue écrite par Alain de Broca, nous confirmant l’importance de la démarché

collégiale dans une situation de fin de vie d’un patient : « En effet, toute situation

complexe, en particulier quand la question du refus ou de l’arrêt des thérapeutiques se

pose, peut rapidement mener au conflit, rendant nécessaire une médiation. La

démarche en éthique clinique permet ainsi l’élaboration des possibles de chacun ».

96

Annexe V : Les différentes relations de soin 200

« Le respect de la dignité est un principe à valeur constitutionnelle, proclamé

dans la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. Il signifie que toute personne

doit être traité avec respect, considération et égards.

En droit de la santé, il revêt deux significations :

- le respect de la volonté de la personne. Imposer des soins à une personne est

considéré comme contraire à sa dignité. Ainsi, le principe de dignité a permis la

reconnaissance du droit de consentir aux soins.

- le respect de la personne elle-même et de ses droits. Il a permis l’essor

progressif de l’ensemble des droits des usagers garantis par les textes. On peut citer : le

droit à l’information, le droit à la qualité des soins et de la prise en charge, les droits

relatifs à la fin de vie, la lutte contre la douleur et l’accès aux soins palliatifs, le secret

médical etc.

Ce principe implique :

- le droit d’être traité avec égards/ la bientraitance

- le respect de l’intégrité physique de la personne

- le droit à une fin de vie digne : le respect de la dignité de la personne et le refus

de l’acharnement thérapeutique ont conduit au développement des soins palliatifs. C’est

également sur ce fondement que la loi Léonetti du 22 avril 2005 a consacré les droits

relatifs aux personnes en fin de vie.

- le respect de la dignité jusqu’à la mort : la personne décédée jouit d’une

certaine protection puisqu’il est interdit de pratiquer certains actes médicaux sur un

défunt. Par exemple, il est interdit d’effectuer des prélèvements sur un défunt, sauf

consentement exprès de son vivant. En matière de don d’organe, la loi est plus souple

puisqu’elle pose le principe du consentement présumé. Il signifie que la personne est

200

ARS région PACA. Rapport sur le droit au respect de la dignité. <http://www.ars.paca.sante.fr/fileadmin/PACA/Site_Ars_Paca/Soins_et_accompagnement/Droits_des_patients/Droits_des_usagers/Le_droit_au_respect_de_la_dignite.pdf>. (Consulté le 05/14/16).

97

présumée avoir consenti au don d’organe, sauf si elle a manifesté son opposition de son

vivant ».

98

Annexe VI : Recommandations de l’HAS sur l’accompagnement des patients en fin

de vie et de leur proche201

1. « La relation de civilité

C’est une interaction. Elle se situe en dehors du soin, elle répond à un code culturel

et social ritualisé ou chaque interlocuteur, sans en être toujours conscient, joue un rôle

(gentillesse, courtoisie, politesse)

2. La relation de soins

Elle peut être simple interaction ou relation suivant les interactants, leur

connaissance mutuelle, le contexte dans lequel se situe le soin : domicile, service

hospitalier, bloc opératoire… Cette relation est la plus fréquente en milieu hospitalier.

Support d’échanges avec le patient ou sa famille, elle est mise en œuvre par le soignant

pendant les soins techniques ou de confort. Elle est centrée sur le pré- sent, sur l’acte

technique, sur l’activité en cours, sur le devenir immédiat du patient : traitement,

confort, douleur, planning de soins, visite médicale… Elle est essentiellement de type

informatif. Au cours des échanges formels ou informels, elle peut être source

d’informations importantes données par le patient.

3. La relation d’empathie (cf. chapitre empathie)

4. La relation d’aide psychologique

Rogers résume ainsi les finalités de la relation d’aide : «La relation d’aide

psychologique est une relation dans laquelle la chaleur de l’acceptation et

l’absence de toutes contraintes, de toutes pressions personnelles de la part de

201

FORMARIER Monique, LA RELATION DE SOIN, CONCEPTS ET FINALITÉS, RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS, [en ligne]. < http://fulltext.bdsp.ehesp.fr/Rsi/89/33.pdf>. (Consulté le 29/04/16).

99

l’aidant, permet à la personne aidée d’exprimer au maximum ses sentiments, ses

attitudes et ses problèmes202

».

Dans son ouvrage, la relation d’aide, Hetu précise que : «La relation d’aide

s’articule autour de trois composantes : 1) Une défaillance de la personne qui restreint

son autonomie en limitant sa capacité à répondre aux exigences ordinaires du cadre

social commun. 2) cette défaillance intime induit un besoin d’aide de la part des

institutions médicales ou sociales plus important que celui auquel répondent les aides

ordinaires. 3) Ce besoin particulier articulé aux fragilités spécifiques de la personne

enclenche une personnalisation de l’aide203

5. La relation thérapeutique

Cette relation est utilisée en psychiatrie auprès de patients souffrants de pathologies

mentales ou de conduites addictives. Elle a pour but de soigner le patient. Elle est

réalisée dans le cadre d’un projet de soins thérapeutique, toujours sur prescription

médicale.

6. La relation éducative

Relation très utilisée par les soignants, elle est mise en œuvre, lorsque que pour des

raisons de santé, le patient doit changer d’habitudes de vie (régime alimentaire, rythme

de vie…) subir un sevrage (alcool, drogues, tabac…) ou doit pratiquer des auto – soins

(injection, sondage…). Elle comprend à la fois une approche psychologique qui repose

sur la connaissance de la personne et de son entourage (représentations, affects,

ressources, capacités, besoins), une approche cognitive (ce que la personne doit

intellectuellement connaître et si besoin mémoriser) et une approche technique

(maîtrise des gestes techniques, habilité manuelle).

7. La relation de soutien social

Cette relation est tout à fait particulière car il s’agit plutôt d’une relation famille,

entourage – patient. Le rôle du soignant se situe à l’interface entre le patient et sa

202

ROGERS Carl, La relation thérapeutique, les bases de son efficacité In «Bulletin de psychologie» n° 17 1963 (p. 12). 203

HETU (J-L) La relation d’aide Ed Gaëtan Morin Boucherville-Québec 3ème ed 2000, (20-1 p 51, 20-2 p 37).

100

famille (aidants naturels). Le soignant peut apporter un soutien direct au patient mais il

peut aussi aider la famille204

».

204

Ibid.

101

Annexe VI

Voici donc les différentes recommandations émises par l’HAS205

:

- « Le projet de service doit formaliser les procédures qui relèvent de

l’engagement de soin jusqu’au bout.

- Veiller à préserver la bonne distance ou juste présence dans la relation de soin

en clarifiant les rôles et les responsabilités respectifs.

- Privilégier un travail en équipe. Prévenir l’isolement des professionnels de santé

(notamment la nuit).

- Instaurer au sein des services une fonction de médiation, de préférence en

binôme.

- Soutenir les professionnels de santé dans leur investissement auprès de la

personne en fin de vie, favoriser les échanges et la concertation y compris à la suite

d’un décès.

- Soutenir les professionnels de santé dans les périodes de rupture et de crise. Des

équipes mobiles et de proximité formées à cette mission peuvent assumer cette fonction.

- La présence régulière de psychologues compétents et intégrés à la vie du service

semble s’imposer, tout en évitant une «psychologisation » excessive de la relation de

soin.

- Sensibiliser les professionnels de santé aux modalités des pratiques

multidisciplinaires dès la formation initiale. Les former aux méthodologies et

développer les travaux de recherche dans ce champ du soin ».

205

Conférence de consensus, TEXTE DES RECOMMANDATIONS L’ACCOMPAGNEMENT DES PERSONNES EN FIN DE VIE ET DE LEURS PROCHES [en ligne], Mercredi 14 et jeudi 15 janvier 2004, Faculté Xavier-Bichat – PARIS. <http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_272290/fr/accompagnement-des-personnes-en-fin-de-vie-et-de-leurs-proches Accompagnement des personnes en fin de vie et de leurs proches>. (Consulté le 05/014/16).

102

BEN-RAZLI Malik MAI 2015

DIPLOME D’ETAT INFIRMIER

ETABLISSEMENT DE FORMATION : IFSI Montceau / Le Creusot

Derrière le sens d’une profession

Mots clés : Représentations, soins, infirmier, émotions, accompagnement, mort, fin de vie, sens.

Keywords: Representations, caring, nurse, emotions, support, death, end of life, meaning.

L’IFSI de la CCM n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les mémoires : ces opinions doivent

être considérées comme propres à leurs auteurs.

Qui ne s’est jamais questionné sur le

sens de ses actes ? Pourquoi ? Quand ?

Comment ? Pour qui ? Ce travail de

recherche vise à éclairer le sens d’une

profession, celle d’infirmière. Ainsi, je

suis parti d’une situation vécue en stage

sur laquelle je me suis questionné.

Ce travail est divisé en deux parties. La

première est la phase conceptuelle et

traite des représentations, des soins

infirmiers et de l’accompagnement du

patient en fin de vie.

La seconde partie contient une phase

méthodologique incluant des entretiens

menés avec des infirmières, leur analyse

puis les résultats obtenus.

Ces derniers nous montrent que le soin

infirmier possède différents aspects,

complémentaires, et en faveur du

patient.

Who hasn’t ever been questioning oneself

about the sense of one’s acts? Why? When?

How? For who? This essay is applied to

enlighten the sense of a profession, the

nurse’s. So, I started from a situation I lived

and that interrogated me.

This work is divided into two parts. The first

one is the conceptual phase and deals with

representations, nurses’ cares and the

support of the end of life patient.

The second part contains a methodological

phase including interviews leaded with

nurses, their analysis and the results

obtained.

Those results show us that nurse’s caring

possesses different and compatible aspects

in favor of the patient.

103

Charte vigiplagiat