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GYMNASTIQUE
Être compétent UN EXEMPLE EN SAUT DE CHEVAL
PAR A. COSTON
Quelles sont
les étapes qui
conduisent à être
compétent en saut
de cheval ?
Nous exprimons les compétences attendues de la façon suivante : construire à deux, apprécier et réaliser devant la classe deux sauts (encadré). L'élève s'approprie les informations et les connaissances fournies par l'enseignant : celles de type théorique et de type procédural (tableau 1).
L E S O B S T A C L E S À L ' A C Q U I S I T I O N DE C E T T E C O M P É T E N C E
Devant l'apprentissage, l'enseignant se heurte à trois types de difficultés dont les origines sont d'ordre pédagogique, sécuritaire et didactique. Notre réponse s'appuie sur un choix du dispositif et un traitement didactique spécifique de l'activité.
Le dispositif
Comment permettre à chaque élève d'apprendre, de faire, d'essayer sans risque objectif ? Comment permettre à l'enseignant de ne pas se perdre dans le dédale des ateliers, des consignes, des tâches ? Un dispositif unique sera proposé en classe de seconde. 11 comprend un mini-trampoline, un décamètre, un cheval en mousse, des tapis de réception, enfin un élastique pour le saut groupé et un autre pour le saut de lune (dessin 1) (photo 1).
EPS № 297 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 2002 63
Revue EP.S n°297 Septembre-Octobre 2002 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé
A propos de la notion de compétence
Avant même d'exprimer ce que l'on entend par être compétent en saut de cheval, il nous semble nécessaire de situer la notion de compétence dans notre enseignement. Pour cela, nous reprendrons la définition de C. Garsault et de D. Delignières : ensemble de ressources (connaissances, habiletés, méthodes et concept de soi, attitudes) qui permettent d'être efficace dans un domaine social d'activité. La compétence ne s'exprime pas dans une tâche très spécifique (sauter) mais dans un ensemble de tâches (sauter, observer, aider, juger, se préparer) plus ou moins prévisibles, susceptibles d'apparaître dans un domaine d'activité (1). Le domaine social d'activité est constitué par l'APS gymnastique. Celle-ci véhicule des valeurs, un code, des rôles sociaux qui s'expriment à travers les propos de P. Goirand : le tissu humain gymnique est fait de rôles coordonnés. Les rôles et leur coordination sont eux aussi l'objet d'une construction collective au sein de la classe (2). Derrière ces propos, on perçoit davantage le champ d'investigation qui doit se lire derrière « être compétent en saut de cheval ». La compétence dépasse la technicité de l'élève gymnase tout en s'y enracinant totalement. Enfin, les programmes du lycée demandent à chaque établissement d'effectuer des choix au niveau des compétences culturelles et des compétences méthodologique (3). C'est bien dans un « chaînage » judicieux que s'opérationnalisent nos choix didactique et pédagogiques (4) . En plagiant G. Klein nous pouvons dire qu'« être compétent en saut de cheval » s'enracine tant dans « l'objet culturel » que dans « le sujet social ».
Le traitement didactique de l'activité
La motricité de l'élève confronté au saut de cheval nous amène à faire des choix qui vont influencer l'apprentissage. Trois points sont retenus. • Le principe du saut est de voler à partir d'une impulsion manuelle, la percussion (ouverture anticipée de l'épaule). • Le choix du dispositif plus ou moins facilitant retentit sur les représentations, les appréhensions et l'impulsion. • L'observation rétenue est de construire le saut par son arrivée et non de manière chronologique (appel, premier envol, deuxième envol, réception). Elle concerne aussi bien l'exécutant que l'observateur.
UNE ORGANISATION PÉDAGOGIQUE
Notre organisation accorde une place importante à chaque rôle social. En effet, elle met en interaction l'exécutant et l'observateur puis le juge. Un dispositif pour 6 à 8 élèves appariés. Trois ou quatre élèves sautent puis observent 3 fois consécutivement.
L'observateur effectue 3 tâches à chaque passage de son binôme : - « reconditionne » le dispositif (« pas d'espace dangereux entre le cheval et le tremplin ») ; - règle la distance entre le tremplin et le cheval selon les voeux de son binôme ; - donne les renseignements concernant chaque saut. L'exécutant écoute, demande, compare et
essaie de réaliser autrement ou de la même façon son nouveau saut.
LA CONSTRUCTION DE LA COMPÉTENCE DU GYMNASTE
L'apprentissage se déroule en trois étapes.
Étape 1
Un appui ou une poussée sur les mains L'élève doit se représenter le but de la tâche. Pour cela, il fait appel à des pré-requis qui constituent le soubassement des sauts. La roulade, le saut de lapin, l'appui tendu renversé, sont des incontournables dans le choix du programme moteur de l'élève (5). À partir de son histoire motrice et du but de la tâche qui est de construire une posture d'arrivée stable dans laquelle les « mains sont plus hautes que les épaules », l'exécutant guidé par la posture d'arrivée, va se rapprocher du saut global. La caractéristique majeure de cette étape est la faible utilisation des membres supérieurs qui se cantonnent dans un rôle d'appui ou de
Tableau 1. Situation proposée : réaliser et juger deux sauts différents devant une classe
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poussée arrière. Les différents paramètres du saut qui sont à ce moment-là pris en compte sont : - l'arrivée : en zone 1 (- de 1 m 50) ou en zone 2 (+ de 1 m 50). « je franchis » (photo 2). - la réception : stabilité et posture, « j'atterris ». - la distance tremplin/cheval, « je fais des choix et des compromis ».
Étape 2 Un saut « des mains sur les pieds » L'élève construit la percussion qui est la connaissance technique à enseigner en classe de seconde. Cet apprentissage s'appuie sur deux types d'informations : - le repérage du dessus du cheval matérialisé par un signe distinctif (cible). - un élastique situé en arrière du cheval et qui a pour but de concrétiser et d'anticiper l'action d'ouverture des épaules. Dans l'exécution du saut groupé, l'élève essaie de toucher avec les mains l'élastique placé au-dessus du cheval et reculé de plus de 1 m 50. Concernant le saut de lune, l'élastique est juste derrière le cheval et un peu plus haut que les épaules. L'exécutant essaie de franchir l'élastique par « le dos ». le conduisant ainsi à une ouverture optimum des épaules. Cette ouverture anticipée de l'épaule qui entraîne la percussion est abordée en remédia-tion selon le niveau des élèves en contre-haut, à l'horizontale ou en contrebas.
Etape 3 Un saut de cheval ou un vol en contrebas Cette phase n'est pas travaillée, du moins pas avec tous les élèves, en seconde. En effet, ils n'ont pas encore construit l'aide en saut de lune. L'observateur voit, conseille, mais ne sait pas encore aider. Cette dernière compétence est abordée en début de cycle de pre
mière. Cependant, pour mieux appréhender la démarche, le dispositif qui est utilisé dans cette étape est le même avec un seul tapis de réception et deux aides ayant construit leur
compétence d'aide. Les pré-requis à cette étape sont la réussite de l'étape 2 pour l'exécutant et de l'étape 3 pour l'observateur-aide.
LA CONSTRUCTION DE LA COMPÉTENCE DE L'OBSERVATEUR
C'est dans cette construction que s'enracinent les compétences du juge et de l'aide. L'observation porte prioritairement sur l'ouverture de l'épaule et le port de la tête. Elle s'effectue dans un premier temps en position arrêtée avant d'être appréhendée en mouvement. Cette observation repose sur un support figuratif. L'observateur est amené à comparer la prestation de son camarade à un ensemble de schémas donnés par l'enseignant. Ces schémas concrétisent les différentes ouvertures et positions de la région dorsale et cervicale de l'exécutant. L'intérêt de ce matériel d'observation est à rapprocher des expériences faites par F. d'Arripe-Longueville (6). Le rôle de l'observateur se construit en trois étapes.
Étape 1 L'observation est centrée sur l'arrivée L'observateur prend en compte la zone d'arrivée, la stabilité de la réception et la position des bras. Il désigne à son camarade la figurine la plus proche de son exécution (dessin 2) (photo 3).
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Étape 2
L'observation s'appuie sur une fiche de schémas nouveaux Elle confronte l'observateur au mouvement de l'exécutant pour le saut groupé (dessin 3) et pour le saut de lune (dessin 4) (photo 4). Elle demande de repérer la position de son camarade tout de suite après le cheval, sans négliger l'observation de l'arrivée. Le cheval et le tapis permettent de fixer la position durant le vol (photo 5).
Étape 3
L'observation s'étend à tout le saut et se centre sur l'arrivée de l'exécutant sur le cheval Nous pouvons remarquer que le critère d'observation n'a pas changé. Le fil rouge de la construction de la compétence est l'ouverture de l'épaule : « la percussion » pour le saut groupé (dessin 5) et pour le saut de lune (dessin 6 où le point rouge symbolise l'élastique). Quand l'observateur peut appréhender le mouvement de l'exécutant, de l'arrivée sur le cheval jusqu'à la réception, il est prêt pour devenir aide en saut de lune. A ce moment-là, il doit acquérir l'action technique de la « manipulation » de l'exécutant. Ce travail est fait en dehors de l'atelier saut quand l'observateur atteint la faculté de percevoir l'épaule et la tête de l'exécutant en déplacement. Les points d'aide sont à l'épaule et à la ceinture. Les consignes données à l'exécutant sont toujours les mêmes : ouverture de l'épaule (dessin 7).
L'ÉVALUATION
La compétence recherchée est au cœur de l'évaluation. Son degré de maîtrise s'exprime en fonction du contexte dans lequel elle est réalisée.
Les dispositifs
Ils tiennent compte des paramètres suivants : - la percussion manuelle en situation renversée ou non renversée, saut de lune ou saut groupe entre les bras. - la maîtrise du risque, type de matériel utilisé : tapis de réception, cheval mousse ou cheval dur, - la percussion pédestre ou premier envol, mini-trampoline ou tremplin.
La notation
La valeur de la production (tableau 2). Elle s'évalue sur 20 points. Les acquisitions Connaissances techniques sur 10 points : - le premier envol ou percussion pédestre : 3,5 points (dessins 4 et 5), - le deuxième envol ou percussion manuelle : 3,5 points (dessins 2 et 3), - la réception : 3 points (dessin 1). En seconde, un seul dispositif et deux types de sauts sont proposés. L'évaluation de la production est notée sur 15 ou 20 points. En première et terminale le tableau 2 résume la ventilation des points accordés à la prestation de l'élève.
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L'observateur La co-évaluation de l'observateur permet de valider en partie les connaissances touchant les savoirs sociaux (juge, aide et futur pareur). Cette évaluation correspond actuellement à la notation des connaissances. L'élève observe les différentes phases du saut. Selon la compétence à apprécier les trois phases, sa note sera plus ou moins élevée. L'évaluation de l'élève s'effectue sur deux prestations. Lors de l'exécution du saut, un élève évalue en même temps que l'enseignant. Son évaluation, comparée à celle de l'enseignant, témoignera des acquisitions faites.
Nous avons voulu montrer à travers cette brève présentation, comment se construisaient au cœur de l'apprentissage, les différentes connaissances qui concourent à l'acquisition des compétences attendues. On ne peut, cependant pas oublier les objectifs éducatifs qui prennent dans le travail interactif des élèves toute leur dimension. Nous conclurons par cette réflexion : si tout apprentissage moteur requiert le respect de certaines règles sociales liées à la sécurité individuelle et collective, la solidarité entre les membres du groupe. la précision des différents rôles et leur distribution, il ne peut y avoir de vie sociale réglée sans des contenus d'apprentissage moteur clairement définis dont l'appropriation par les élèves constitue la meilleure garantie de socialisation (7).
Alain Coston Professeur agrégé d'EPS,
Lycée René Cassin, Tarare (69).
(1) Delisinières (D.) et Garsault (C.) , « Objectifs et contenus de l 'EPS ». Revue EP.S n° 242 , juillet-août 1993.
(2) Voir Pour une culture commune sous la direction d'H. Romian. Hachette, 2000,
(3) Programmes des lycées. B O hors série n° 6 du 31 août 2000.
(4) La compétence culturelle retenue est : concevoir et réaliser des actions à visée artistique ou esthétique. Les quatre compétences contribuant à l'acquisition de la composante méthodologique sont concernées, cependant deux points sont plus particulièrement mis en valeur : la sécurité (S'engager lucidement dans la pratique de l'activité), l'observation (Par l'observation des autres, ils parviennent ci distinguer les conduites d'apprentissage efficaces ).
(5) Toutes les théories de l'apprentissage considèrent que. dans son organisation du mouvement, le pratiquant sélectionne et assemble des unités d'actions é lémentaires (Brunner 1970) in Aptitudes et performance motrice J.-P. Famose et M. Durand, éd. Revue EP.S 1988.
(6) La confrontation à un matériel informatif figuratif (tableau imagé et hiérarchisé de figurines), était plus efficace que la confrontation à un matériel informatif linguistique (descriptif verbal hiérarchisé de comportements). « Apprentissage du salto avant en milieu scolaire : rôles des matériels informatifs et du travail en dyades ». Fabienne d 'Arr ipe-Longuevi l le . Activités gymniques et acrobatiques. Recherche et applications. Dossier EP.S n° 25 sous la direction de Denis Hauw et Jean-François Robin, 1996.
(7) René Nesme IPR IA, académie de Lyon.
Tableau 2. Évaluation en première et terminale
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