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n°17 Novembre 2014 TRIP MUSIQUE ACTU CINÉMA ART LITTÉRATURE INTERVIEW CINÉMA MUSIQUE ART Xavier Dolan : Mommy, ses oeuvres, son style The Voidz , le retour de Julian Casablancas Qui est monsieur Chat ? www.magazinetrip.fr

TRIP Magazine n°17 - Novembre 2014

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TRIP est de retour ! A la une de ce nouveau numéro: CINEMA: Mommy, dossier spécial Xavier Dolan. MUSIQUE : A la découverte de Feu! Chatterton. ACTU: Retour sur le parcours d'Andy Schlleck. ART: Rencontre avec M. Chat. LITTERATURE: Portrait de Dorian Gray.

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n°17Novembre 2014

TRIPMUSIQUEACTUCINÉMAARTLITTÉRATUREINTERVIEW

CINÉMA

MUSIQUE

ART

Xavier Dolan : Mommy, ses oeuvres, son style

The Voidz , le retour de Julian Casablancas

Qui est monsieur Chat ?

www.magazinetrip.fr

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Lancé en septembre 2012 par 2 jeunes bretons de 16 et 17 ans, TRIP Magazine fondé et géré par des jeunes pour des jeunes est un webzine rassemblant des passionnés de journalisme en France et à l’étranger.

TRIP Magazine donne l’opportunité aux 16-20 ans, aspirant au journalisme ou souhaitant être impli-qué dans un projet mené de A à Z par des jeunes, de pouvoir informer et parfois même coacher. Le contenu s’articule autour d’une équipe dyna-mique, motivée et venant de tous les horizons.

Bien plus qu’une simple publication, c’est aussi un appel à l’engagement de la jeunesse.

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EDITORIAL

LE RENOUVEAU

La presse jeune est une nébuleuse, on ne compte plus les rédactions collégiennes, lycéennes, étudiantes affi-liées ou non à un établissement. Sa diversité fait d’elle

un formidable kaléidoscope représentatif d’une jeunesse qui s’exprime et revendique sa liberté !

Deux, puis trois, puis trente ! Il y a deux ans, dans un lycée breton, l’aventure commençait, nous étions deux. Deux jeunes qui voulaient donner naissance à un projet, le porter et le faire grandir. Nous sommes aujourd’hui plus de trente à participer de près ou de loin à l’élaboration de Trip ! Qui l’au-rait cru ? Un magazine certes, mais avant tout une preuve de la capacité des jeunes à se mobiliser et à s’investir.

Le propos peut paraitre prétentieux mais nous croyons en la force et en la richesse de la jeunesse. OUI, la jeunesse a le sens de l’entreprise, NON elle ne doit pas être réduite aux stéréotypes qui lui collent à la peau depuis bien trop long-temps ! Elle ne doit pas avoir peur de sa diversité qui fait sa richesse, elle ne doit pas non plus céder à la passivité : l’en-gagement c’est sa force, l’initiative c’est sa tonicité !

Trip c’est bien plus qu’une publication, c’est une équipe qui travaille ensemble, des jeunes de tous les horizons qui ont pour dénominateur commun une motivation, un désir de s’engager, de prendre part à la réalisation d’un même projet. Le temps nous a paru bien long pendant ces quelques mois d’absence mais n’ayez crainte, votre mag est bel et bien de retour pour une nouvelle année ! Vous l’aurez surement remarqué, la maquette a connu un lifting intégral, l’équipe s’est élargie et la ligne éditoriale a été clarifiée. La rentrée est certes tardive mais Trip revient plus fort et plus dyna-mique que jamais ! L’été et ses douceurs semblent déjà loin mais pour la rédaction cet été restera celui du renouveau. Trip a grandi, Trip a changé mais Trip reste fidèle à son iden-tité : la jeunesse.

Jules PLATRédacteur en chef adjoint

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SOMMAIRE

MUSIQUE

ACTU

Black Sabbath, éternelles ténèbres p.6

- Cameron et la politique européenne p.13

- Le défi de l’éducation chilienne p.11

The Voidz: le retour de Julian Casablancas p.8

Andy Schlleck : itinéraire d’un surdoué p.18

- Actu en images : Ebola/la manif pour tous p.14-17

- Feu ! Chatterton p.9

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CINÉMA

ART

LITTÉRATURE

Xavier Dolan : portrait d’un prodige p.23

La symbolique au cinéma p.20

Niki Saint Phalle au Grand Palais p.39

One Day Thought p.49

Le portrait de Dorian Gray, entre vice et idéal p.50

L’envol du Chat p.42

Le tatouage s’ancre au quai Branly p.44

Cliché du mois p.46

Gone girl p.36

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MUSIQUE

MUSIQUE

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MUSIQUE

ÉTERNELLES TÉNÈBRES

Le groupe mythique, précurseur du Heavy Metal, prépare un vingtième et dernier album, 44 ans après le triomphe de Paranoid

Forts du succès de l’excellent «13», sorti en juin 2013, les trois membres de Black Sabbath, Tony Iommi, gui-tare, Geezer Butler, basse, et Ozzy Osbourne, chant et diverses pitreries, ont décidé de revenir à la charge l’an prochain.

Pour les néophytes, Black Sabbath, ce sont un peu les papes du Heavy Metal, influençant de nombreux artistes bien connus (on pense évidemment à Iron Maiden, Guns N’ Roses, Foo Fighters, Judas Priest et tant d’autres). L’album Paranoid, sorti en 1970, a maintenant atteint la postérité, définissant vérita-blement le genre. En amenant le blues des années 60 à sa conclusion logique, Ozzy et ses compères inventent leur propre style. Ils s’opposent vigoureuse-ment à la « happy music » anglaise de la même période, ayant l’ambition de « faire de leur musique un film d’horreur », s’appuyant sur des références ma-

cabres – d’où le nom Black Sabbath.

Iommi, qui a perdu deux doigts dans une usine métallurgique, joue avec deux prothèses en plastique sur le majeur et l’annulaire : il a l’idée de mul-tiplier les effets de distorsion et d’over-drive pour cacher cette déficience. Les paroles sataniques d’Osbourne et son chant suraigu, en se mêlant à des riffs qui sont devenus des classiques, contribuent à créer cette atmosphère lugubre si caractéristique qui donne ir-résistiblement envie de bouger la tête, et les longs cheveux avec.

Le groupe traverse une longue période d’instabilité après le départ d’Ozzy en 1979, puis du batteur originel Bill Ward, connaissant de nombreux remplaçants et musiciens additionnels au fil du temps, enchaînant les albums inégaux. En 2011, la formation des débuts se re-trouve, et la consécration l’attend à la

sortie de « 13 » 2 ans plus tard - mal-heureusement sans Ward.

Si le projet n’est qu’en gestation, les Bru-mmies, de Birmingham, n’en sont pas moins déterminés : Ozzy, du haut de ses 65 ans, confie à Rolling Stone qu’il est « prêt à voyager jusqu’à la Lune » pour le réaliser. Les enregistrements débuteront en janvier 2015. Il n’y a pas d’âge pour le headbanging.

Eléonore [email protected]

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MUSIQUE

JULIAN CASABLANCAS

T H E V O I D Z&

Julian Casablancas sort avec son second groupe The Voidz, qui a débuté en 2013, son nouvel album « Tyranny ».

Julian Casablancas a pris un nou-veau tournant dans sa carrière. En effet, après avoir été le leader

des Strokes durant la dernière décennie et après avoir sorti un album solo plus tard, il revient avec un nouveau projet. Il crée un nouveau groupe «The Voidz» composé de Alex Carapetis, Jeff Kite, Jacob Bercovici , Jeremy Gritter , Amir Yaghmmai et de lui-même.

Leur album «Tyranny» est sorti le 23 septembre 2014. La sonorité des dif-férents titres est brutale. Le leader du groupe se justifie par “J’ai toujours adoré l’intensité de ces musiques hostiles, agressives. Mais j’aime aussi des choses très pop, et peu de groupes ont réussi, comme Nirvana, à unir les deux.”

Le premier morceau offert au public a été «Human Sadness» et dure 11 mi-nutes. Dès les premiers mots «Put mo-ney in my hand And I will do the things you want me to», on comprend rapi-dement que l’album est revendicateur contre un système de domination des multinationales et plus globalement contre le marché de consommation. Une fois de plus, Casablancas explique ses choix «Je reste en colère, il y a toujours eu ce sentiment de désespoir et de fureur en moi. Je sais que nous vivons totalement dans une bulle, au château de Versailles (rires)… Les an-nées Bush m’ont sans doute ouvert les yeux… Le but de la musique devrait être d’offrir une échappatoire à cette réalité, je le sais bien. Mais j’ai la chance d’avoir un micro, je ne peux pas traiter ce que je

vais en faire à la légère. Sur Tyranny, il y avait sans doute un besoin d’être plus précis, car l’ennemi est beaucoup plus visible à l’œil nu, les problèmes appa-raissent plus clairement. Ce n’était pas une volonté : c’est la situation qui, ces dernières années, m’a poussé à écrire ces chansons.”

De plus, «Human Sadness» est la bande originale du film «She’s Lost Control». La chanson reflète bien le film. Ce dernier témoigne de la vie quo-tidienne d’une citadine qui s’est peu à peu couper de tout son entourage.

Perrine [email protected]

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MUSIQUE

FEU! CHATTERTONUNE MUSICALITÉ DÉCALÉ EN INROCKS PHILIPS !

Mêlant lyrisme et chanson française, Feu! Chatterton se révèle de plus en plus au fil de l’année. Après avoir remporté de nombreuses récompenses dont le Prix du public & Jury inRocKs lab, ces cinq dandys

de la musique donneront un concert au festival Les Inrocks Philips samedi 15 novembre à la Cigale à Paris. Vous voulez vous évader ? C’est par ici !

Du nom d’un poète maudit qui s’est suicidé et d’un album de Bashung, Feu! Chatterton séduit la scène française. Les cinq compères ont été découvert pour la première fois sur YouTube avec leur chanson « La Mort dans la Pinède », clip étrangement long, de 4 minutes 30 tout, racontant un amour adoles-cent et des ébats maladroits. Repérée en tant que première partie de Fauve au Bataclan, leur musique continue de sé-duire le public. Teintée d’ironie, de cha-leur, de vie, elle est aérienne, touchant la sensibilité de chacun !

Une allure qui ne laisse pas indifférents

Sur la scène, ils sont cinq. Mais le chanteur Arthur attire la lumière des projecteurs. Dans un style à part, cos-tume trois pièce, petite moustache, on le croirait tout droit sorti de l’époque des Surréalistes du siècle dernier. Sur scène, c’est comme s’il ne faisait plus

qu’un avec sa musique, gesticulant au rythme de la basse et de la batterie. Accompagné de ses amis du lycée, ils incarnent le genre Pop carné, mélan-geant à la fois le rock anglo-saxon et français.

La musique et la poésie vont de pair ! Amateurs du « spoken word », Arthur dit avoir « compris que la pure poé-sie est graphique et que la chanson n’est pas de la poésie, parce qu’il y a une mélodie avec ». Il se laisse prendre par les mots, les chantant, les interprétant, à sa façon, donnant aux allures poétiques du texte un rythme entraînant, une musicalité sans fin : « Grâce à la mélodie, tu peux dire beaucoup de choses bien moins écrites » affirme le chanteur, selon les propos recueillis par une journa-liste de Culturebox

Après l’effort, le réconfort

S’essayant dans les bars à slam, puis sur YouTube, Feu! Chatterton veut se faire connaître mais en vain. Le groupe se fait finalement remarquer lors de la première partie du groupe Fauve au Bataclan. « C’est la scène qui a donné vie à nos morceaux » explique Arthur dans une interview pour le journal Tsu-gi. Ils se font un nom, maintenant en tête d’affiche du festival les Inrocks Philips, qui se tiendra du 11 au 18 no-vembre dans cinq villes, dont Londres. Un quintet infernal qui reste prometteur pour la suite !

Aline [email protected]

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ACTU

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ACTU

INTERNATIONAL

Le défi de l’éducation CHILIENNE

Plus de sept mois se sont écoulés depuis que Michelle Bachelet est revenue à la tête du Chili, après s’être battue pour les droits des femmes dans le monde pendant quatre ans dans les hautes sphères de l’ONU. Élue avec près de 63% des voix en Mars 2014 – et ce malgré une abstention de près de 50%, l’ancienne dirigeante chilienne revient au

pouvoir avec une popularité exceptionnelle. Son importante majorité au Parlement ferait frémir d’envie bien des dirigeants politiques d’autres pays. Pourtant, si sa marge de manœuvre est bien plus importante que lors de son premier mandat entre 2006 et 2010, d’autres défis l’attendent tel celui de l’éducation chilienne. Chacune des manifestations à ce propos rassemble des dizaines de milliers de personnes.

L’après Pinochet

Le système éducatif du Chili reste mar-qué par la dictature qu’a connu le pays entre 1973 et 1990 et par l’ultra-libéra-lisme dont elle a fait preuve. En effet, Pinochet, avec le soutien des Chicago Boys – groupe d’économistes chiliens, entreprend l’écriture d’une nouvelle constitution après son coup d’État. Cette dernière comprendra une loi bé-néfique pour l’économie du pays, dite « Loi de municipalisation de l’enseigne-ment ». Selon cette loi, les différents groupes scolaires (écoles, collèges, lycées et universités) ne recevront plus de subventions de la part de l’Etat. Tous les frais de fonctionnement sont donc à la charge des communes. Beau-coup n’ont pas les moyens de financer l’éducation de leurs jeunes habitants,

leurs écoles se fermeront donc les unes après les autres. D’autres décident d’augmenter les impôts dans la me-sure du possible pour les familles et de continuer à proposer un système d’en-seignement sur leur territoire.

Ce système de financement de l’édu-cation n’a mené qu’au cercle vicieux de la ségrégation entre familles aisées et pauvres. Les premières, ont déména-gé vers des villes plus riches qui pro-posent alors davantage de solutions de peur que l’école où sont scolarisés leurs enfants ne ferme. Les autres n’ont pas vu d’autre solution que de rester dans leur petite commune au détriment de l’éducation des enfants. Ces com-munes, abandonnées par les familles aisées, ont vu leurs recettes d’impôts diminuer et leur budget pour l’enseigne-

ment baisser drastiquement. Cette loi pour l’éducation a creusé encore davan-tage le fossé entre les classes sociales. Près de vingt-cinq ans plus tard, ce sys-tème d’éducation n’a toujours pas subi de réformes significatives, entraînant une révolte de cette nouvelle généra-tion d’étudiants Chiliens qui ne com-prennent pas pourquoi ils n’auraient pas droit à une éducation pour tous.

Un coût de l’éducation hors d’atteinte des classes populaires

C’est un véritable mouvement social qui est né au Chili lors des dix dernières années. La population, guidée par les associations étudiantes, soutient l’ini-tiative d’une éducation gratuite pour tous. Sachant qu’en France l’Etat fi-nance la majeure partie du coût des

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études supérieures, il paraît irréaliste que 80% des frais de scolarités des étu-diants soient à la charge des familles chiliennes : c’est pourtant la triste vé-rité. Ainsi, alors que le revenu moyen mensuel d’une famille est de 850€, le coût des filières les moins coûteuses dépasse la barre des 3000€ par an. Une très grande majorité des étudiants tente donc d’obtenir un prêt pour sub-venir au financement de leur scolarité, Or ce prêt les handicapera rapidement lors de leurs premiers emplois. Une si-tuation difficilement supportable pour les familles qui ont déjà du faire face au dilemme de l’éducation dès la petite école. Il a fallu choisir entre l’enseigne-ment public, qui est peu cher mais de piètre qualité, ou privé,dont les frais de scolarité sont impressionnants mais qui peut aboutir à des études supé-rieures.

Le scandale de l’enrichissement des universités privées

Face à ce système inégalitaire, les évé-nements du 19 Juillet 2012 ont une allure de provocation de la part de l’an-cien gouvernement. La corruption flotte

aussi dans l’air. Ce jour-là, le texte de loi proposant une éducation gratuite pour tous, financé par l’Etat, a été refusé par le Parlement à une voix près. Il visait à protéger les étudiants de l’enrichisse-ment des universités à leurs dépens. Le principal scandale fut la faillite de l’Université de la Mer, l’une des plus importantes du pays, après que les dirigeants de celle-ci aient fait fortune sur les frais de scolarité des étudiants, qui s’élevaient alors à10 000€ par an. Ceux-ci ont servi à entretenir leur train de vie plutôt que de payer le nécessaire pour assurer le bon fonctionnement de l’université. Ce sont maintenant plus de 18 000 étudiants qui se retrouvent sans possibilité de diplômes et sans re-connaissance de leurs années passées après avoir payé leurs études. Seul 10% d’entre eux seront reclassés dans les différentes universités du pays, après avoir passé un concours sélectif. La faillite de l’Université de la Mer n’est autre que le symbole de la défaillance du système scolaire chilien. A aucun moment, le gouvernement n’a proposé de racheter des parts de l’université et ni su trouver une solution pour tous ses étudiants.C’est là la conséquence directe de ce système défaillant marqué par la cor-ruption et les pots-de-vin, sans aucun professionnalisme.

Les promesses de Michelle Bachelet

Arrivée au pouvoir au printemps der-nier, la nouvelle dirigeante du pays s’est trouvée face à une jeune génération bien décidée à faire évoluer la situation. En effet, depuis 2011, de nombreuses manifestations menées par un syndicat étudiant enflamment les villes du pays. Ils plaident pour une éducation gratuite et de qualité, soit l’exact opposé de ce que leur offre actuellement le système. S’il semblerait que le nouveau pouvoir exécutif les ait entendus en faisant de l’éducation une priorité du mandat de Madame Bachelet, les mouvements ont pris de l’ampleur cet été, après l’ana-

lyse d’un projet proposé par le gouver-nement en mai. Ce dernier prévoit la suppression des subventions versées par l’État aux universités privées, afin de les consacrer à l’éducation publique. La politique de sélection des élèves dès les petites classes serait aussi suppri-mée, pour que chacun puisse avoir droit à l’école. Une hausse des impôts sur les entreprises, qui permettrait au Chili d’amasser près de 8 milliards de dol-lars, financerait un nouveau système éducatif public. Les dernières manifes-tations étudiantes contestent cette ré-forme, car elle ne garantit aucunement un système éducatif public gratuit et de qualité, chose alors peu développée par Michelle Bachelet. Les différentes marches du début d’Octobre ont pour but de pousser le gouvernement a ré-former entièrement le système éduca-tif et à accélérer ces changements. La nouvelle dirigeante du pays a pris la pa-role à ce sujet face aux événements qui ont donné lieu à des altercations avec la police. Elle a annoncé quelques jours plus tard que l’université serait gratuite pour tous dès 2016.

Ces mots de la présidente ont donné lieu à de nouvelles manifestations dans les rues de la capitale. Selon les principaux syndicats étudiants, ce projet abouti-rait simplement à la création d’écoles et d’universités privées toujours plus chères. Seule une petite partie d’entre eux pourront espérer les financer, les autres verront leur choix d’universités publiques se réduire. Des manifesta-tions estudiantines ont marqué ce der-nier mois d’octobre. Les jeunes chiliens espèrent se faire enfin entendre par le gouvernement. Il ne reste pour eux que l’attente d’une réponse favorable de ce-lui-ci.

Pauline [email protected]

Traduction ci-dessus ‘‘l’Éducation publique n’est pas à vendre

INTERNATIONAL

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INTERNATIONAL

Cameron et la politique européenne :

je t’aime, moi non plus...

Coup de tonnerre diplomatique sur le vieux continent le mois der-nier : David Cameron, le premier

ministre conservateur britannique ex-pose son projet de retirer son pays de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Membre de la CEDH de-puis sa création en mai 1948, dans la foulée du Congrès de La Haye où Churchill fit l’apogée d’une Europe unie pour vaincre la guerre, le Royaume Uni s’apprête donc à ne plus appliquer les décisions de cette cour, l’une des plus vieilles institutions européennes.

Cette démarche du premier ministre anglaise pourrait entraîner un discrédit profond à propos de la CEDH, qui a déjà perdu des pions sur la scène diploma-tique européenne face à la construction d’une charte des droits fondamentaux par l’Union européenne au cours des années 2000. Cameron, sans doute in-

fluencé par l’explosion de la popularité de Ukip, la droite anglaise euroscep-tique, dit vouloir détacher le Royaume Uni des technocrates strasbourgeois et de leurs décisions lointaines. Il sou-haite « rétablir la souveraineté à West-minster » en créant une nouvelle loi britannique des droits de l’Homme. A l’origine du différent, le fait que les pri-sonniers anglais ne puissent pas voter aux élections, ce qui est contraire aux principes de la CEDH.

Le jeu dangereux de Mr Cameron, déjà patent depuis quelques temps, s’est accéléré alors que le Royaume Uni a échappé de peu à une scission his-torique avec l’Ecosse le mois dernier. Discrédité dans l’opinion publique an-glaise, Cameron cherche à retrouver les voix d’un électorat anglais tiède face aux projets européens. Le Premier ministre britannique a aussi promis un

référendum auprès des Anglais pour les interroger sur leur départ ou non de l’Union Européenne. Cette consultation devrait se tenir en 2016, si Mr Cameron est réélu, ce qui ne semble pas gagné d’avance.Si le Royaume Uni quitte les institu-tions européennes une par une, c’est toute la construction européenne qui se retrouve mise en cause et perd de sa légitimité auprès des autres pays et institutions. A la question de savoir si le Royaume Uni doit quitter ou non la CEDH et l’Union Européenne, notre réponse est qu’il doit rester coûte que coûte. Il en va de l’avenir de cette Eu-rope qui nous fait encore rêver.

Geoffrey [email protected]

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La tragédie Ebola au quotidien: un enfant contaminé est transporté par deux médecins volontaires. L’équipement très sophistiqué des médecins tranche avec la misère am-biante. 4500 personnes sont déjà mortes de l’épidé-mie dont plus de la moitié au Libéria, où ce cliché a été pris.

Geoffrey GRANDJEAN

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Après le vote de la loi Taubira sur le mariage gay, il a bien fallu à la Manif pour tous de se trouver de nou-veaux arguments afin de mobiliser les troupes le 5 oc-tobre dernier.

À l’affiche de ce sixième défilé, au trajet peu conven-tionnel (de la Porte Dauphine à la Gare Montparnasse), la lutte, à tout prix, contre la légalisation de la gesta-tion pour autrui (GPA) et contre la procréation médica-lement assistée (PMA).

Durant cette promenade du Dimanche, au penchant touristique, le côté marketing et commercial était plus présent que les dernières fois. Ce qui est sûr, c’est que La Manif pour tous a une nouvelle fois fait la démons-tration de sa capacité à mobiliser ses troupes et à défi-ler dans le calme.

Mais ce qui était plus flagrant encore une fois était la présence massive des enfants. Seulement, on peut se poser une question : les enfants ont-ils leur place dans ce cortège ?

Photo : Thomas OLIVA

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SPORT

ANDY SCHLECKITINÉRAIRE D’UN SOURDOUÉ

Andy Schleck aurait pu faire partie de ces artistes qui disparaissent à 27 ans, mais lui tire sa révérence à 29, alors qu’il est dans la période la plus sombre de sa vie de sportif. Le cycliste luxembourgeois, multiple champion national et vainqueur du Tour de France 2010, a été martyrisé par différentes chutes et blessures, et par conséquent aban-

donné par son corps dans sa tentative de reconquête de la scène du cyclisme de haut niveau. Retour sur la carrière singu-lière d’un cycliste hors du commun.

Nom : Schleck. Prénom : Andy.

Ce n’est pas rien de faire du vélo en s’appelant Schleck. Avec un père qui a été équipier de Jan Janssen et de Luis Ocana (vainqueurs des Tours de France 1968 et 1973) et un frère, Fränk, qui accrochera à son palmarès une Ams-tel Gold Race et deux étapes monta-gneuses du Tour de France, Andy avait fort à faire pour perpétuer la tradition familiale.

En 2004, alors qu’il n’a que 19 ans, le benjamin de la famille rejoint le Vélo Club de Roubaix où Cyril Guimard, an-cien manager de Hinault, Fignon, Van Impe et LeMonde, est impressionné par son talent.

Andy se fait un prénom

Andy découvre les courses par étapes majeures en 2007, avec notamment le Giro d’Italia. Il s’avère être le plus co-riace des adversaires de Danilo Di Luca, lauréat de l’épreuve. A 21 ans, il termine 2ème, remportant ainsi le classement du meilleur jeune (moins de 25 ans). Cependant, il décide d’axer son début de carrière sur les classiques pour pu-ncher. Il frôle cet objectif dès la fin de la saison avec une 4ème place sur le Tour de Lombardie.

L’armada déployée par l’équipe des frères Schleck sur le Tour de France 2008 est impressionnante : Andy et Fränk accompagnent le leader espagnol Carlos Sastre. Andy a été un des princi-paux artisans de la victoire de son coé-quipier, en le protégeant à la perfection dans les Alpes. Il décroche ainsi le mail-lot blanc de meilleur jeune.

Les courses classiques dites Arden-

naises regroupent trois courses ma-jeures pour puncher. Andy termine la première, l’Amstel Gold Race, à la 9ème place sans avoir pu peser sur le final. Le luxembourgeois monte en puissance sur la Flèche Wallonne où il rivalise avec Cadel Evans et Davide Rebellin mais est battu au sprint par l’italien. Liège-Bas-togne-Liège, « la Doyenne », un des cinq monuments du cyclisme, va sou-rire à Andy. En effet, après être parti à la poursuite du régional de l’étape Phi-lippe Gilbert, il contre le belge pour s’en-voler seul, pendant 20 kilomètres, vers sa première victoire majeure.

Contador, son meilleur ennemi.

Trois noms sont dans toutes les bouches à l’approche du Tour de France 2009 : Lance Armstrong, qui sort de sa retraite après carrière dorée/dopée ; Alberto Contador, grand favori de l’épreuve et Andy Schleck, outsider

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SPORT

désigné pour contrecarrer les plans de l’espagnol. Comme souvent, les Schleck sont deux en course et savent s’en ser-vir. Malgré la suprématie de Contador, Fränk s’offre une victoire d’étape et Andy la deuxième place du général et le maillot blanc.

Alberto VS Andy. C’est le duel qui va animer le Tour de France 2010 et mar-quer une génération d’amateurs de cy-clisme. Les deux hommes se rendent coup pour coup pendant trois semaines : Andy gagne à Avoriaz, prend le mail-lot jaune lors de la 9ème étape, avant qu’Alberto repasse en tête à l’occasion de la 15ème étape. Malgré sa deuxième victoire sur les pentes du Tourmalet, le luxembourgeois ne peut pas rivali-ser avec l’espagnol dans le contre-la-montre et termine 2ème du Tour de France avec, pour la 3ème fois consé-cutive, le maillot blanc. Cependant, Contador sera déclassé pour dopage. Schleck remporte donc son 1er Tour de France sur tapis vert.

Le Tour d’Espagne connaîtra une toute autre issue pour Andy. La Vuelta est le 3ème Grand Tour. Aligné par son équipe pour aider son frère au général, il en-freint les règles et sort boire un verre avec un coéquipier au soir de la 9ème étape. La soirée trop arrosée pousse l’encadrement de la Saxo Bank à les ex-clure de la course.

Leopard-Trek : un raid d’anthologie, et la cruauté du contre-la-montre.

Que s’est-il passé dans la tête d’Andy Schleck quand, lors du Tour de France 2011, il place une attaque dans les plus forts pourcentages de l’Izoard, à 60 kilomètres de l’arrivée au Galibier ? Certainement pas grand-chose, tant ce genre de raid est suicidaire. Le maillot jaune, bien fixé sur les épaules de Tho-mas Voeckler, est en danger et en ligne de mire du luxembourgeois. Ce dernier échoue dans la conquête du maillot pour 15 petites secondes, mais ce n’est que partie remise car il s’en empare le

lendemain à l’Alpe-d’ Huez, devançant son frère de 53 secondes et Cadel Evans de 57 secondes. La 1ère place du Tour se joue donc lors du dernier «chro-no», un terrain où l’australien Evans est plus performant que le luxembour-geois. En toute logique, c’est Evans qui se pare de jaune à Paris et remporte ce Tour de France 2011, avec 1 minute 34 d’avance sur Andy.

2012 : le début de la fin.

Une chute et c’est parti pour deux ans de galère incessante. Andy tombe et se fracture le bassin pendant le Critérium International. Il déclare forfait pour le Tour de France, pendant lequel son frère est contrôlé positif à un produit dopant. Anéanti par cette nouvelle et très di-minué physiquement, Andy ne dispute pas les Jeux Olympiques ni la Vuelta. Son retour à la compétition est marqué par deux abandons au mois d’octobre, sur Binche-Tournai-Binche puis le Tour de Pékin.

2013 : année blanche.

La saison 2013 débute comme 2012 s’est achevé : deux abandons au Tour du Down Under puis au Tour Méditerra-néen. Andy Schleck ne retrouve pas le coup de pédale qui a fait de lui un des plus grands cyclistes du monde.

Il renoue avec la ligne d’arrivée pour la première fois depuis avril 2012 au GP Camaiore. Il abandonne la Strade Bianche, le Tirreno-Adriatico, le Tour du Pays Basque ainsi que l’Amstel Gold Race. Le luxembourgeois termine 86ème de la Flèche Wallonne et 41ème de Liège-Bastogne-Liège.

Andy signe de meilleures performances sur le Tour de Californie puis sur le Tour de Suisse. Sa remontée en puissance le conduit au Tour de France, qu’il conclue à une modeste 20ème place dans le rôle d’équipier pour Maxime Monfort.

2014 : fin de carrière.

Pendant la saison 2014, Andy est très, très loin du niveau qu’il a eu par le pas-sé et auquel on l’attendait. Le début de saison est marqué par des mauvaises performances et des abandons, avant une chute qui le contraint à mettre une croix sur les Ardennaises et le Tour de Romandie.

Il ne dispute que le Tour de Suisse (où il termine 29ème) avant de partir pour le Tour de France. Et lors de la 3ème étape de la Grande Boucle, c’est la chute de trop. Andy Schleck se rompt les li-gaments croisés du genou, ce qui le contraint à arrêter sa saison.

Malgré une opération, le genou d’Andy est toujours inflammé et il ne peut pas rouler fort en côte sans gonflement de son articulation : il n’a presque plus de cartilage sous la rotule.

Le 9 octobre 2014, il annonce pendant une conférence de presse qu’il rac-croche définitivement son vélo et qu’il n’est donc plus cycliste professionnel. Entouré de sa femme et de son fils, le luxembourgeois présente le sport comme une partie de sa vie mais pas comme la plus importante. Il dit qu’il a vécu de grands moments sur le vélo mais pas les plus beaux. Il conclue : « J’ai pensé à mon genou et à ce que je voudrais faire du reste de ma vie ».

Andy Schleck restera dans les mé-moires comme un grimpeur hors pair, un coureur de grande classe, mais aus-si un talent gâché qui a remporté cinq classements de meilleur jeune d’un Grand Tour mais n’a à son palmarès qu’un Tour de France et un Liège-Bas-togne-Liège.

M. [email protected]

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CINÉMA

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CINÉMA

LA SYMBOLIQUE AU

CINÉMA

Si je vous demande à quoi vous faire penser la couleur blanche vous me ré-pondrez quoi ?

Certainement pureté, bonheur, lumière, à moins que vous ne soyez asiatique, auquel cas vous me répondrez le deuil. Le blanc fait automatiquement appelle à ces idées chez à peu près tout le monde.

Voilà ce qu’est un symbole. Pour être plus précis, cela peut être, d’après le dictionnaire «un objet, une image, un mot écrit, un son ou une marque parti-culière qui représente quelque chose d’autre par association, ressemblance ou convention.»

Par exemple, il y a des symboles pour le code de la route.

Aujourd’hui, nous n’allons pas parler code de la route, cela serait bien en-nuyeux, mais cinéma.

Pour comprendre ce qu’est un symbole artistiquement parlant, il nous faut faire un petit détour littéraire. En ef-fet, le symbolisme est d’abord le nom d’un mouvement du 19ème siècle, ses membres étant des écrivains tels que Rimbaud, Paul Valéry ou encore Baude-laire. Et oui, rien que ça.

Leur vision est claire : tout dire sans trop en dire. La volonté de ces quelques poètes, romanciers et peintres était de suggérer certaines idées, comme une émotion par exemple, par des élé-ments concrets. Par exemple, un sym-boliste n’écrira jamais « je suis triste », il cherchera toujours un moyen beau-coup plus lyrique de vous le faire com-prendre. Pour cela il préfèrera parler de la pluie, du ciel gris, de l’obscurité...

Procédés bien compliquées en ef-fet mais je vous répondrais que sans quelques complications volontaires, il n’y a pas d’art véritable.

Le temps faisant le reste, le mouvement disparait mais laisse ses traces et ins-pire les artistes suivants. Le 7ème art et son apparition accordent un nouveau champ d’expression aux artistes. Ain-si les symboles deviennent un moyen d’expression à l’écran. Mais pour être un peu plus précis voici quelques exemples :

American Beauty est un film de Sam Mendes, mettant en scène un quadra-génaire du nom de Lester, qui mène une vie des plus ennuyeuse : Carrière à plat, femme tyrannique et problème avec sa fille, il se contente de mener son train train quotidien, jusqu’au jour où il

rencontre Angela, une jeune lycéenne. Celle-ci agit comme une révélation sur lui. La jeune femme provoque en lui un désir si puissant, que cela le poussera à tout faire pour se rapprocher d’elle. Alors comment montrer

cette passion ? Par le symbole. Lorsque Lester pense à cette jeune fille, il se met à voir des milliers de pétales de roses. Et à quoi les roses rouges font penser ? À la passion, au désir, à l’amour. Par l’évocation de ces fleurs, Sam Mendes nous fait comprendre de manière im-plicite que Lester est fou de cette jeune fille et qu’elle est l’objet de toutes ses envies. Mais il le dit de manière impli-cite. Le symbole agit également comme un arrière-fond : derrière les actions des personnages, il vous arrivera de croiser des murs rouges, des vases garnies de roses… Puisque le désir est permanent dans l’esprit de Lester, il l’est aussi à l’écran. Tout cela installe une atmosphère, le scénariste tapotant doucement votre épaule afin de vous faire comprendre certaines choses. Il ne va pas vous dire précisément « Re-garde, il est passionné ! » ou le faire exprimer par son personnage, il va vous le suggérer. Pour utiliser un vocabulaire littéraire, c’est ce qu’on appelle une mé-taphore filée, c’est à dire qu’elle se pour-suit tout au long de l’œuvre.

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Autre utilisation du symbole pour un autre film : La liste de Schindler, de Steven Spielberg, est une œuvre en-tièrement tourné en noir et blanc. À l’époque de la seconde guerre mon-diale, Oskar Schindler, homme d’affaire allemand, engage des juifs dans son usine afin de les protéger de la déporta-tion. Mais bon, au départ, les ambitions d’Oskar ne sont pas vraiment louables puisque, en bon businessman nazi, il les choisit juste car ils représentent une main d’œuvre bon marché. Pendant qu’il fait une balade à cheval, il assiste à une déportation au sein d’un ghetto juif. Au milieu de la foule apparait alors une enfant, perdue et habillée de rouge, qui erre parmi les masses confuses de gris et de noir. Elle marche à proximité des cadavres, seule, vêtue de l’unique couleur du film. Celle-ci devient alors aux yeux du spectateur le symbole de ce peuple qu’on détruit, cette flamme étincelante qu’on tente d’éteindre.

Spielberg, par ce choix de mise en scène, montre alors qu’Oskar est heur-té par cette vision. Il a une révélation. Le rouge (oui encore du rouge !) vous saute aux yeux et vous fait deviner ce qu’il se passe dans la tête du héros : il est choqué et il ne voit que cette pe-tite fille. Ici c’est une allégorie, le rouge étant le symbole de la vie qui risque de s’éteindre.

Le symbole peut être très utile, soit de manière diffuse, soit de manière subite. Seulement, il est nécessaire de bien l’utiliser. Prenons un dernier exemple : We Need To Talk about Kevin, film réa-lisé par Lynne Ramsey. Le héros prin-cipal est un jeune homme quelque peu dérangé puisqu’il a de fortes pulsions meurtrières, ce qui le pousse, dès le plus jeune âge, à être infect avec sa mère et son entourage. À cet instant la réalisatrice use du symbole du rouge (oui, encore du rouge, le cinéma aime

cette couleur !) et de clowns effrayants pour faire comprendre que Kevin est en train de devenir un tueur. Ici le rouge évoque donc le sang.

Le seul problème est que le symbole est sur-utilisé. Contrairement à des petites touches d’arrière-fond comme dans American Beauty, la métaphore est au premier plan. Pas une scène ne se déroule sans la présence d’un clown démoniaque, de peinture rouge, de confiture à la fraise, de lumière pourpre, bref, vous avez compris.

Les symboles au cinéma doivent être subtils. On ne jette pas un symbole aux yeux du spectateur, on lui fait juste comprendre de manière délicate ce qu’on a envie qu’il remarque. Essayez d’hurler dans la foule ; tout le monde vous regardera mais personne n’aura envie de vous écouter. Mais, parlez dis-tinctement et clairement et vos inter-locuteurs, intrigués, tendront l’oreille. Le symbole doit rester discret tout en étant visible, compréhensible sans être trop flagrant, bref, il doit être contrôlé par l’artiste. La compréhension de cette métaphore ou allégorie reposera en-suite sur deux choses : le talent du réali-sateur, et votre capacité à le remarquer.

Maxime [email protected]

Ci-dessus : Steven Spielberg

CINÉMA

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XAVIER DOLAN

CINÉMA (DOSSIER)

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CINÉMA (DOSSIER)

XAVIER DOLAN DOSSIER

Xavier Dolan : La rage de l’ère moderne et la poésie d’un

autre temps

Né le 20 mars 1989 à Montréal au Québec, Xavier Dolan baigne depuis tout petit dans une atmosphère ar-tistique. Dès ses quatre ans il com-mence à jouer dans des publicités, des séries ou des longs-métrages.

C’est vers 16 ans qu’il commence à écrire son pre-mier scénario. Autodidacte, le jeune adolescent fait preuve d’une maturité et d’une détermination rare. Comédien, réalisateur, superviseur de la décoration et des costumes, Xavier Dolan est un touche-à-tout qui est devenu, pour le monde du cinéma un jeune prodige.

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CINÉMA (DOSSIER)

SSIER

une réalisation

HORS NORMEDès son premier film, Xavier Dolan se libère des conven-tions cinématographiques : filmer de telle façon, se soumettre à tel angle pour telle scène, cela n’a pas d’in-térêt pour lui. Sa façon de filmer semble au service de son histoire : il affectionne particulièrement les ralen-tis, qui donnent à certains moments une impression de surnaturel, dans le même style que l’un de ses réalisa-teurs préférés, John Cassavetes mais aussi le jeu des couleurs, de la lumière. Dans Les amours imaginaires par exemple, le jeune réalisateur s’amuse à habiller ses comédiens de certaines couleurs afin de les oppo-ser, dans l’histoire mais aussi à l’écran. Ses plans sont parfois extrêmement lumineux ou au contraire très sombres. Il affectionne également des plans resser-rés, précis qui s’attardent sur des détails de ses per-sonnages. La courbe d’un œil, le sourire d’une femme... Tous ces détails qu’il juge importants sont mis en va-leur.

Néanmoins Dolan n’a pas de style prédéfini. Vous re-trouverez certains de ses effets dans ses différents films mais il continue de se réinventer en permanence. Sa technique transparait comme une façon d’explorer les différentes manières de mettre en scène. Faire bouger la caméra, ou, au contraire, la laisser statique, user de filtres de couleurs, ce qui donne à ses scènes des reflets fantomatiques ou utiliser des formats dif-férents : format carrée 1.1, 1.33, Dolan ne se contente pas seulement de la taille classique mais change selon ses désirs. Il ne filme pas juste pour raconter une his-toire, il filme pour que la réalisation soit au service de son scénario. La réalisation se trouve être alors la re-présentation visuelle de la narration, et non un simple outil pour la représenter. De cette façon on sent forte-ment sa présence dans ses films, comme si il était un personnage à part entière.

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CINÉMA (DOSSIER)

Un amoureux de la

MUSIQUEC’est en écoutant Experience de Ludivico Einaudi que Xavier Dolan parvient à donner naissance à Mommy. Ses films sont nourris de musiques qui prennent part à l’histoire. Des pop songs jusqu’à de l’électro branché ou même des grands classiques de la musique populaire ou classique. Ces mélodies emportent et portent cer-taines scènes voire certains films. La plupart d’entre elles illustrent certains moments, mais fournissent aussi des atmosphères à ses situations. Lui-même nourri à la pop culture, Dolan s’amuse à utiliser des musiques que nous connaissons bien, l’exemple même étant la BO de Mommy.

Un acteur avec ses

ACTEURSEn termes de direction d’acteur Dolan a lui-même sa propre équipe de tournage avec ses comédiens fétiches dont les plus importantes, Anne Dorval et Suzanne Clé-ment. Magnifiées par la façon dont il les filme, ces deux actrices font grandir ses personnages et construisent leurs rôles avec brio. Également comédien depuis le plus jeune âge, Xavier Dolan interprète également ses héros principaux, comme dans Tom à la ferme par exemple. De cette façon il écrit ses personnages hors écran mais aussi par son jeu d’acteur pointu.

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CINÉMA (DOSSIER)

Un scénariste

PERFECTIONNISTEAu départ un peu faible dans J’ai tué ma mère, les scé-narios du réalisateur prennent de plus en plus d’am-pleur au fil de ses films. Le jeune canadien construit des histoires fortes qui traitent de sujets importants dans notre société actuelle : la passion, les troubles mentaux, l’amour familial mais aussi, thème plus rare, dans Laurence Anyways, le transsexualisme. Dolan aime défendre des personnages marginaux que la so-ciété méprise pour leurs différences. Dans la vie pu-blique il défend également certaines valeurs comme la reconnaissance des homosexuels, ou à l’époque du « printemps érable », la grève des étudiants. C’est un ar-tiste qui s’engage, de par ses films et par ses activités publiques.

Son talent se révèle également dans la façon dont il construit ses films : certaines scènes semblent sortir du lot, devenant des monstres de puissance et d’émo-tions grâce à des répliques écrites avec une intelli-gence rare. Tout est dosé avec professionnalisme et savoir-faire, rien n’est laissé au hasard.

Mais le plus impressionnant chez Xavier Dolan est cette capacité à se réinventer. Se transformer au fur et à me-sure de ses films, changer de style tout en gardant les qualités de ses précédentes réalisations. Xavier Dolan est un explorateur du cinéma. Mur par sa maîtrise mais jeune par cette envie de tout essayer, de tout oser, de tout montrer. Comme le chante son personnage dans Mommy : «On ne change pas, on met juste les cos-tumes d’autres sur soi». Le réalisateur garde son style mais essaye de nouvelles choses, se métamorphose, parfois en mieux, parfois en moins bon mais qu’im-porte. Au moins il essaye, il tente, il innove, quitte à se tromper si il le faut. Il ne se repose pas sur ses acquis, il nous offre toujours de la nouveauté. Il est polyvalent. Et c’est ça le sens du véritable talent : toujours changer, ne jamais s’arrêter.

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MOMMYLa France s’est toujours moquée du Québec, et il faut le dire, il y a de quoi : accent un brin ridicule, drôles d’expressions et mélange entre le français et l’anglais qui donne des phrases incompré-hensibles, notre vaniteux pays a tendance à mépriser son voisin d’outre-Atlantique.

Sauf que, depuis quelques mois (voire depuis quelques années maintenant), il nous est de plus en plus difficile de s’en moquer. Car ce pays, qui nous fait tout de suite penser à Céline Dion et autres caribous, nous fait désormais penser à quelqu’un de plus talentueux : Xavier Dolan.

Celui-ci s’est annoncé depuis quelques années comme l’enfant ter-rible du cinéma, celui qui bouscule codes, genres et techniques de réalisation. Prolifique, génie pour certains, talentueux pour tous, il nous offre un film incroyable qui confirme sa place de meilleur réa-lisateur de notre génération.

Mommy est un film de jeunesse sur la jeunesse. Le héros prin-cipal est Steeve, un jeune adolescent atteint de TDAH, une forme d’hyperactivité qui le pousse à devenir agressif de façon soudaine. Après s’être fait renvoyer d’un centre spécialisé, sa mère Diane, qui préfère se faire appeler « Die », le prend en charge et va tenter de subvenir à leurs besoins : celui de l’argent, bien évidemment, mais aussi le besoin d’attention de Steeve, pour qui la mort de son père a été un traumatisme. Grâce à l’aide de leur voisine Kyla, cette petite famille va tenter tant bien que mal de vivre ensemble et de passer outre la maladie du jeune adolescent.

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Mommy aborde plusieurs thèmes mais le sujet principal est la relation mère-fils. Bien que Steeve se montre parfois violent face à sa mère, il n’en reste pas moins très tendre avec elle. Cela donne lieu à des scènes très fortes, d’une violence inouïe ou à des moments privilégiés. Ces scènes semblent être coupées de l’histoire prin-cipale, comme de belles escales entre le début et la fin.

Soudain le temps s’arrête et le réalisateur invite son spectateur à contempler ces moments du quotidien, simples mais presque magiques, des instants intimes entre les personnages qui surviennent dans leur vie plus que chaotique. Cela est permis par des acteurs incroyables mais aussi par le plaisir visible que Dolan prend à les filmer, à les contempler, à les magnifier, et comme lui, nous sommes pris d’affection pour ces personnes qu’on pourrait rapidement considérer comme des « ploucs ».

Alors oui ils ont un langage vulgaire, Diane s’habille de manière provocante, ils rient pour tout et pour rien mais c’est ce naturel qui les rend si beaux. Dolan ne va pas pointer du doigt leurs différences ou les juger mais va les accompagner, grâce à une façon de filmer qui donne des frissons. Il va, au contraire, les rendre presque com-muns. Sa caméra capture les détails de manière saisissante, par des zooms précis, par un montage prodigieux. Comme dans ses tout premiers films, Dolan brise les codes du cinéma, joue avec la lumière et les prises de vue, et surtout, joue avec les formats. Filmé entièrement (ou presque…) en carré 1:1, le film possède une atmos-phère intimiste, secondée par une BO variée : Lana del Rey à Dido, en passant par Oasis et Céline Dion (tellement cliché mais tellement bon !).

Le film vous emporte avec lui, vous invite à entrer dans la vie de ses personnages et les comprendre entièrement, leurs aspirations, leurs envies, leurs buts, leur dé-sespoir parfois, mais aussi leur rage de vivre. Ce film est touchant, de par cet aspect si simple qui dissimule une complexité digne des réalisateurs les plus expérimen-tés, ce qu’est Xavier Dolan, en dépit de sa jeunesse. C’est d’ailleurs de cette façon qu’on le reconnait. Cette jeunesse qui se manifeste par cette volonté de parler de tout, d’entreprendre plusieurs messages : le deuil, la liberté, l’amour filial, la classe populaire, l’adolescence, autant de sujets parmi lesquels nombre de cinéastes se seraient perdus.

Le film est également porté par des acteurs époustouflants, qui jouent avec une sincérité profonde : Anne Dorval, qui interprète Diane ne tombe pas dans la cari-cature de la mère célibataire un peu vulgaire mais se montre nuancée. Par ailleurs Antoine Pillon, qui incarne Steeve, transmet parfaitement les émotions que ressent son personnage, à la fois tiraillé entre son hyperactivité et la volonté de se contenir pour le bien de sa famille. Ce film réussi le tour de force de pouvoir vous faire pleurer, sourire, surprendre et réfléchir.

Mommy est donc une œuvre qu’on pourrait presque qualifier de parfaite. Des ac-teurs talentueux, une histoire qui se complexifie et qui surprend, une bande-son qui vous emmène loin et une réalisation ambitieuse et unique.

Bref, Xavier Dolan nous donne presque envie d’être québécois. Presque.

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CINÉMA (DOSSIER)

RETROSPECTIVE

La sortie de Mommy est l’occasion idéale pour se replonger dans l’œuvre de Xavier Dolan. Voici une rétrospective de ses plus grands films :

J’ai tué ma mère est le tout premier film de Xavier Dolan mais ne manque pourtant pas d’ingéniosité. Dès sa première œuvre, le jeune homme n’hé-site pas à chambouler les codes classiques du cinéma : Placer le sujet au centre, voir la silhouette du personnage qui ne parle pas lors d’une discussion, toutes ces convenances auquel sont habi-tués le spectateur sont rejetées ou prises sous d’autres formes.

Le personnage principal est un adolescent de seize ans, Hubert qui vit seul avec sa mère, Chantal. Celle-ci l’horripile de plus en plus, par ses manières de manger, sa façon de chantonner lorsqu’elle se sent mal, son hypocrisie ou sa mauvaise foi. Bref, au fur et à mesure que Hubert a grandi, leur relation s’est faite de plus en plus complexe, de par leur impossibi-lité à se comprendre et à vivre ensemble. Hubert va alors lutter pour parvenir à retrouver une

atmosphère saine au sein de son foyer, traversant en même temps les affres de l’adoles-cence et les obstacles de la vie.

Ecrit lorsqu’il n’avait que seize ans, ce scénario porte sur l’en-fance que l’on finit par quitter, la distance entre les générations et la complexité de la relation mère-fils. Il en sort alors une impression de huis-clos, par cette omniprésence des cou-leurs sombres, parfois chassés par de soudaines nuances bleu, orangées ou vertes, ou encore par cette façon particulière de placer ses personnages de ma-nière décentrée, dans les coins de l’écran, ou justement, de les placer au centre, au sein d’une symétrie presque contre-nature. De par sa construction, le rythme

du film verse dans la contempla-tion, grâce à une caméra fixe qui ne bouge que rarement. Dolan joue avec les couleurs, s’amuse à vous surprendre par des as-tuces cinématographiques qu’il n’avait pas osées dès le début du film… La maladresse n’a pas sa place : tout semble être choi-si et calibré par l’auteur afin de vous faire comprendre au mieux son message. Par un brio excep-tionnel, le réalisateur parvient à aborder un thème aussi com-plexe que l’amour familial avec une clarté presque incroyable.

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CINÉMA (DOSSIER)

Les amours imaginaires (2010)

Dans ce nouveau film Dolan délaisse le sujet de la mère et de son fils (du moins pour l’instant) et s’attaque désormais à la passion amoureuse au sein d’un trio amoureux. En effet Francis et Ma-rie sont épris du même jeune homme. Sous une relation soit disant amicale les deux amis vont s’affronter dans une compétition sans merci, où le grand prix se trouve être le séduisant mais pas moins manipulateur Nicolas.

Encore une fois le jeune québécois fait preuve d’une créativité incroyable : utilisation de codes couleurs et de filtres percutants (bleu, rouge et vert), ralentis impressionnants, prises de vue

ingénieuses et montage intriguant, le film garde les qualités du premier tout en explorant de nouveaux horizons, avec une dimension psychédélique as-sez importante. Le film a presque des allures de documentaire grâce à ses interviews qui entrecoupent la narra-tion principale. La passion, thème es-sentiel, est présentée comme un bour-reau dont nous pourrions et dont nous avons tous été victimes. La musique prend également une part importante dans cette œuvre, de par des leitmo-tivs musicaux (Bang Bang de Dalida par exemple) ou de costumes au service de la réalisation. Hélas, de par son rythme assez doux, nombres de spectateurs pourront se perdre par un scénario en demi-teinte. En effet l’intérêt du film

réside beaucoup dans son message et dans sa façon d’être filmé, et non pas dans l’histoire pure et dure. Pour cette raison il est donc plus conseillé de voir le film après s’être familiarisé au style Dolan, mais aussi d’être concentré et attentif à toutes les spécificités et in-ventivités que possède le film car, Les amours imaginaires relève d’un style un peu plus expérimental que le pre-mier.

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Laurence Anyways (2012)

Filmé en format 1.33, Laurence Anyways est un film intimiste, qui nous plonge dans l’histoire d’un couple, Laurence et Fred. Le jour de ses 30 ans, Laurence avoue à sa femme un terrible secret : Il souhaite devenir une femme. Cette nouvelle bouleversante va alors mettre à mal leur relation amoureuse et toute leur vie, leur faisant traverser des épreuves terribles. La caméra donne l’im-pression d’être au plus près des personnages, comme si le spectateur se trouvait juste à côté d’eux.

C’est une réalisation qui semble presque naturelle, peu préparée : la caméra bouge de temps en temps, comme si elle était posée sur l’épaule du réalisateur. Un contraste d’ombres et de lumière impressionne l’œil, ainsi que les différentes prises de vue, tantôt à proximité et tantôt lointaines. En termes de scénario Dolan semble s’être perfectionné, nous offrant des scènes poignantes qui vous tiennent en haleine et vous émeuvent profondément (comme notamment celle où le couple se dispute).

Ses personnages sont de plus en plus travaillés, de-viennent touchants et attachants. Dolan prouve par ce film qu’en plus d’être un metteur en scène incroyable, il est également un scénariste de talent.

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TOM À LA FERME (2012)Cette fois-ci Dolan délaisse le drame pour s’intéresser au thriller, genre qu’il n’avait pas encore exploré. Tom, jeune homme citadin fait un voyage jusqu’en campagne pour as-sister aux funérailles de son amant. La mère de ce dernier n’étant pas au courant, son second fils, Francis, décide de le lui cacher en lui faisant croire qu’il était en vérité avec une femme. Pour réduire Tom au silence il n’hésite pas à se mon-trer violent à son égard, ce qui, petit à petit, va étrangement plaire à Tom.

Ici le réalisateur n’emploie pas une originalité incroyable en termes de photographie et se concentre sur la tension qui

se joue au sein de cette situation dérangeante. Pour cela il ar-rive que l’image change de forme, passant d’une taille normale et classique à un bandeau de plus en plus fin ce qui accentue cette impression de huis-clos.

Bien que la relation entre Francis et Tom soit très intéressante le film ne se montre pas réellement prenant et stressant, à part pendant quelques scènes intenses talentueusement in-terprétées par les acteurs. Malgré une idée intéressante et une ambiance des plus soignée, le scénario est assez pauvre et n’est pas assez puissant pour emporter avec lui le specta-teur.

Maxime [email protected]

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CINÉMA

GONE GIRLDu nouveau film d’un maître de l’œuvre à contre-courant comme David

Fincher, la sortie de Gone Girl devenait, au vu des premières bandes an-nonces, une sorte de révélation. Pourquoi peut-on parler de révélation?

La réponse est simple, Gone Girl s’inscrit dans une démarche annexe de celle qui guide habituellement le parcours cinématographique de David Fincher. Si ce dernier a souhaité

s’éloigner de son style usuel très prononcé, c’est qu’il a compris que tout réalisateur à l’écri-ture et à la patte visuelle unique trouvera ses limites promptement. Sa carrière est par consé-

quent ponctuée d’œuvres dissociables du thriller froid et lancinant qu’est le thriller «Fincherien», comme Alien 3 (1992) ou The Social Network (2010). Et Gone Girl est un film novateur dans la mesure

où il dévoile une nouvelle facette de Fincher, entre les acquis et les essais subalternes du réalisateur.

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CINÉMA

À la fois satire des dérives du système judiciaire, critique très appuyée sur la manipulation journalistique et télévi-suelle, ainsi que thriller paranoïaque, le résultat laisse une impression mi-tigée, qui n’est d’ailleurs pas aidée par la longueur du film, que l’on peut déplorer. Là où le film est juste, c’est lorsque le spectateur est plongé dans un trip immersif proprement démen-tiel grâce à un travail sur l’ambiance moite et étouffante, voire déroutante, sans pour autant nous perdre. Cette capacité immersive est condensée de main de maître par Fincher, que cela soit dans la satire ou dans la complexité psychologique du thriller. La première n’est pas faite de manière grossière, ce qui s’avère séduisant par rapport aux œuvres satiriques conventionnelles, dont le fond est cousu de fil blanc. Ici, la satire, d’une manière habile et ajustée, pose un regard pessimiste sur la mani-pulation des médias et sur l’incapacité des instances juridiques. En revanche, le thriller est en dessous de l’inspiration parfaite du réalisateur puisqu’il oscille maladroitement entre une étude psy-chologique incomplète ou un suspense qui s’essouffle à la moitié du film envi-ron.

De plus, Fincher cherche à aborder de trop multiples sujets, et c’est hélas une faute de goût. En effet, certains sujets sont, au mieux abordés, au pire survo-lés. Pour étayer ce propos, ma critique

se faisait précédemment thème par thème bien distinctement ce qui met en exergue le manque de jonction et d’unité entre ces parties. Manque, dont se dé-gage forcément l’impression d’un puzzle mal assemblé. Ce puzzle semble pour-tant vouloir se reconstruire, et les acteurs du film s’y efforcent avec conviction. Bien que Ben Affleck délivre une interprétation toujours égale à lui-même, c’est-à-dire assez lisse, ou que Neil Patrick Harris apparaît comme hors-sujet après l’image qu’il possède depuis How I met your Mo-ther, leur volonté de retordre les défail-lances du scénario est très louable. Et sans la Gone Girl qu’est Rosamund Pike livrant une interprétation surprenante, le scénario aurait engrangé de réelles insa-tisfactions.

Le tout n’en reste pas moins correct, mais loin de l’impact qu’ont pu avoir des œuvres Fincheriennes comme Se7en ou Fight Club. Si de Gone Girl découle une sensation de frustration, c’est donc en partie dû à son contexte de visionnage, puisque c’est du cerveau d’un génie qu’à germé ce film, d’où la déception qu’il pro-voque, d’une qualité satisfaisant, mais non mémorable, contrairement au reste de la carrière de David Fincher.

Arthur [email protected]

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ART

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NIKI DE SAINT PHALLE

GRAND PALAIS : L’EXPOSITION ÉVÉNEMENT !

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ART

Mais quelle est donc cette étrange affiche qui tapisse les murs du métro parisien ? Niki de Saint Phalle semble tirer sur les passants comme si elle essayait de les éloigner tout en les attirant à voir son travail… Qu’est-ce que ce mystère ? Connue du grand public aujourd’hui pour ses Nanas colorées et joyeuses, l’artiste a beaucoup plus à offrir aux visiteurs de l’exposition qui lui est consacrée jusqu’au 2 février 2015. Niki de Saint Phalle est une artiste multiple : peintre, réalisatrice, plasticienne, sculp-trice… qui a marqué la seconde moitié du XXème siècle par ses œuvres originales. Je vous propose de rentrer dans son monde singulier en parcourant avec vous les étapes de l’exposition. Embarquement immédiat, direction : planète Niki de Saint Phalle !

Un destin tout tracé ?

Niki de Saint Phalle, de son vrai nom Catherine Marie-Agnès Fal de Saint Phalle, nait à Neuilly sur Seine en 1930 et grandit à New-York. Grâce à ses pa-rents, elle possède une double culture : Niki est française par son père et américaine par sa mère. Grandissant selon les codes de bonnes conduites qui régissaient la société new-yorkaise à cette époque, rien ne la destinait à être artiste. En effet, avant de se lancer à corps perdu dans l’art, Niki de Saint Phalle a d’abord été mannequin, posant dans des magasines de mode dès 16 ans tels que Life ou encore Vogue. Elle épousera ensuite Harry Matthews à l’âge de 18 ans et partira vivre avec lui en Angleterre.

C’est à ce moment là qu’elle commence

à peindre. Son premier enfant, Laura, nait en 1951. Elle a alors 21 ans et re-trouve la vie bourgeoise à laquelle elle était destinée mais qu’elle continue de rejeter. A partir de ce moment, Niki tombe dans une dépression nerveuse et se consacre à la peinture qui devient pour elle une thérapie pour échapper à sa vie toute tracée. De cette période là, on retient ses œuvres exposées dans la première partie de l’exposition telles que son Autoportrait fait de collages cé-ramiques et de verre. Elle ressemble à un personnage éclaté, en crise, comme un pantin désarticulé. Elle met égale-ment en scène des paysages morbides aux noms qui le sont tout autant tels que Paysage de la mort, Two guns and one knife, Le hachoir… qui révèlent bien son état intérieur. Elle exprime à travers l’art ses pulsions qui pourraient la dé-truire.

Elle décide alors de devenir une hé-roïne : « J’ai décidé très tôt d’être une héroïne. Qui serai-je ? George Sand ? Jeanne d’Arc ? Un Napoléon en jupons ? Qu’importe ce que je serais ! L’impor-tant était que ce fût difficile, grand, ex-citant ! ». A ce moment là, sa carrière et sa détermination sont lancés : elle veut devenir l’héroïne (picturale) d’un nouveau monde à inventer.

Niki et la femmeDans la seconde partie de l’exposi-tion, le spectateur observe de grandes sculptures aux noms évocateurs : La Mariée ou Eva Maria, Le Cheval et la Ma-riée, Accouchement rose et blanc, qui ont toutes un rapport avec la femme et la féminité. L’artiste déclare dans une interview vouloir «exprimer avec toutes mes possibilités la situation de la femme aujourd’hui ». Elle anticipe

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le mouvement féministe. On parcourt une autre salle dans laquelle sont ex-posées les premières Nanas. Ce sont les femmes de Niki : colorées, dispro-portionnées, aux bras et jambes trop courts (quand elles en ont), aux toutes petites têtes, aux formes généreuses et aux attitudes singulières. Les Nanas sont le symbole de la femme joyeuse et puissante selon la sculptrice, elles sont le « manifeste d’un nouveau monde où les femmes détiendraient le pouvoir ».

La première des Nanas de l’artiste s’appelle Hon (« elle » en suédois) et a été exposée au Moderna Museet de Stockholm en 1966. C’était une Nana couchée et étendue car elle était en-ceinte. Les visiteurs entraient par son sexe et découvraient à l’intérieur d’elle des curiosités : un planétarium dans son sein gauche, un milk-bar dans son sein droit, un endroit où vi-sionner un court métrage, des œuvres fausses de grands artistes... Les Nanas sont grandes pour égaler la taille des hommes et expriment leur féminité à travers leurs corps. La prochaine salle met à l’honneur ces femmes que ché-rit tant la féministe : Les Nanas sont partout, elles sont resplendissantes et occupent l’espace de manière totale : certaines nanas en plastique gonflable sont suspendues en haut de la pièce. Aux murs sont accrochées beaucoup de sérigraphies de Niki qui traitent pour la plupart du temps de l’amour et sont écrites en anglais. Une de ses Nanas s’appelle Black Rosy en référence à Rosa Parks. Lors d’un entretien, Niki de Saint Phalle exprime son désir d’aller vers les émotions et l’amour contre l’es-prit scientifique qui dévore la société. Elle explique que la femme doit trouver sa place dans un monde où tous les ob-jets qui l’entourent ont été fabriqués par des hommes.

Une série de tirs

On descend maintenant d’un étage pour arriver au cœur de l’engagement politique de Niki. Un Mur de la rage nous

accueille où Niki a écrit 84 choses sur lesquelles elle « tire ». Elle tirera en effet d’une manière bien concrète en-suite sur ses peintures. Elle effectue une série de tirs en 1961/1962 : ce sont des tirs au pistolet sur des tableaux der-rière lesquels sont placés des poches de couleur qui éclatent, jaillissent et coulent du tableau créant ainsi un « miracle » selon les mots de l’artiste. C’était quelque chose que Niki trouvait magique, elle voulait « rendre éternel un moment présent par la beauté de l’explosion». Ce qui résout maintenant le mystère de l’affiche...

A côté de ses tirs, on trouve de grands tableaux-autels qui ont un message politique clair par la période pendant les œuvres ont vu le jour. Parmi ces œuvres, citons La cathédrale rouge qui critique les personnes qui tuent au nom de la religion, L’Autel O.A.S., une critique de l’Organisation Armée Secrète pen-dant la guerre d’Algérie (nom donné iro-niquement par l’artiste pour son œuvre : Objet Art Sacré), une autre œuvre intitulée Head of States qui fait voler en éclats les personnalités politiques : Kennedy, Khrouchtchev, Castro, De Gaulle, Lincoln, Washington et le père Noël !

« A bas l’art pour le salon, vive la gran-deur ! »

Niki, lors d’une visite à Barcelone a été inspirée par le Parc Guëll de Gaudi. Elle a ensuite voulu faire quelque chose de très grand, un projet faramineux ap-pelé Le jardin des Tarots. Ce jardin est situé en Italie en Toscane et réunit 22 sculptures monumentales toutes crées par Saint Phalle qui comprend les 22 cartes majeures du jeu de tarot La jus-tice/La force/La papesse/ Le soleil/Le pape/L’impératrice… Niki a pu financer ce projet grandiose grâce à la vente de ses œuvres artistiques. Il a ouvert en 1998 (soit 4 ans avant sa mort) et elle a été épaulée par son mari Jean Tinguely et de nombreux artisans pour l’aider à réaliser cette œuvre géante !

Certaines de ses sculptures sont habi-tables et faites à partir de céramique, mosaïque de miroirs...

Ce n’est pas le seul projet « en grand » qu’aura conduit Niki mais le plus im-pressionnant. Parmi d’autres projets citons la fontaine Stravinsky installée à Pompidou, Le Golem à Jérusalem, Le dragon de Knokke le Zoute en Belgique, les trois Nanas installées à Hanovre en Allemagne ou encore la fontaine Arbre-Serpent qui accueille les visiteurs de-vant l’entrée du Grand Palais.

Celle qui s’est autoproclamée Niki de Saint Phalle aura donc été une artiste et une femme qui aura réussi à s’im-poser dans un monde masculin. De par ses engagements forts et ses visions avant-gardistes du féminisme, elle nous amène à nous questionner encore aujourd’hui sur les thématiques abor-dées dans ses œuvres.

Celle qui s’est autoproclamée Niki de Saint Phalle aura donc été une artiste et une femme qui aura réussi à s’im-poser dans un monde masculin. De par ses engagements forts et ses visions avant-gardistes du féminisme, elle nous amène à nous questionner encore aujourd’hui sur les thématiques abor-dées dans ses œuvres.

L’exposition est réussie, c’est un bel hommage qui lui est rendu. Je ne peux donc que vous conseiller d’y aller pour observer si ce n’est admirer son travail mais attention cependant au monde ! Essayez de prévoir billets coupe-file et si possible d’y aller à des jours et ho-raires dits « creux » ou en nocturne.

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L ’ E N V O L DU CHAT

Si vous cherchez bien, vous pourrez croiser ce chat au détour d’une rue. Il vous regarde avec ses grands yeux et son gigantesque sourire. Ce sourire qui fait penser au chat du Cheschire dans Alice au pays des merveilles. Peint à l’acry-lique, jaune et noire, la plupart du temps dans des endoits inaccessibles, il n’est jamais tout à fait le même.

C’est en 1997, lors d’un cours de dessin donné à des enfants, que le chat jaune est né, inspiré par le dessin d’une petite fille. Depuis, ces chats fleurissent sur les murs de différentes villes de France puis petit à petit, du monde. À Paris princi-palement ainsi qu’à Orléans, Blois, Saint Étienne, mais aussi à Sao Paulo, Vancouver, Dakar, Lisbonne ou encore Tokyo…

Le chat devient célèbre

En 2004, l’œuvre acquiert sa célébrité, lors de la projection du film Chats per-chés de Chris Marker au Centre Pompi-dou (Paris). Cette projection est accom-pagnée d’une autorisation accordée à l’auteur du graffiti, de peindre « Le plus grand chat du monde » sur le parvis de Beaubourg.

Mais à ce moment là, personne ne sait rien du mystérieux auteur de l’animal qui signe alors M. CHAT. Et c’était jus-tement le but de l’artiste : voir si une

œuvre peut survivre sans un auteur défini.

Une œuvre peut exister par elle-même, sans personne pour la représenter ?

Mais en 2007, alors que M. CHAT est vic-time de son premier procès pour avoir tagué un mur à Orléans, l’identité de l’auteur est dévoilée.

Thoma Vuille, né en Suisse en 1977, or-léanais depuis quelques années, est étudiant en école d’art. Le visage dé-sormais à découvert, Thoma change

de stratégie et abandonne son statut de graffeur underground. Il enchaîne les partenariats avec des institutions telles que la ville d’Orléans et accorde de nombreuses interviews à différents journaux. A ceux qui lui reprochent de transformer son graffe en objet com-mercial et d’abandonner la démarche première du street art, le jeune homme répond qu’il ne veut plus vivre au RMI.

La démarche

Mais derrière ce chat stylisé à l’aspect de logo, une réelle démarche artistique

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se cache, même si Thoma Vuille précise que chacun peut l’interpréter comme bon lui semble. Alors que peut-on voir dans ce chat que l’on retrouve à Hé-nin-Beaumont par exemple, ville rava-gée par la crise ? Que peut-on voir en pensant aux ailes que l’auteur a ajou-tées à son chat après les évènements du 11 septembre et la guerre en Irak qui en a découlée ? Un symbole d’es-poir peut-être, une manière d’égayer le quotidien des passants, d’échanger avec eux…

Et même si Thoma Vuille ne décrit pas son chat comme politiquement engagé, le peuple lui-même l’a de nombreuses fois détourné dans ce but. En effet, nous avons pu retrouver le chat jaune dans de nombreuses manifestations : tout d’abord en 2002 durant les ras-semblements contre Jean-Marie Le Pen (pancartes sous-titrées « Je ris jaune ») ainsi que dans différentes marches dans le monde entier (voir photo ci contre) à New York le 1er mai 2006 lors d’une manifestation communiste.

Le procès

En juin 2014, des travaux sont amorcés à la station de métro Chatelet. Thoma Vuille passe par là et, voyant ces murs gris et tristes, décide de les égayer avec l’aide de son chat. Les couloirs du métro vont être refaits et le chat sera recou-vert par du carrelage. Mais en août, la RATP porte plainte contre l’artiste. En septembre, le jugement tombe : 1800€ d’amende. Cependant, le graffeur est décidé à ne pas se laisser faire et re-fuse de payer ce qui entraîne un procès dont on attend maintenant l’issue.

Trois questions à Thoma Vuille

Quelle est votre démarche artistique de départ ?

« Le cadre de mon travail est la ville, ses rues, ses murs, et le regard de ceux qui l’habitent. Je cherche à créer des supports à la narration de la ville pour ses habitants, participant à la naissance et à l’échange d’une culture

de proximité. C’est une phrase un peu passe partout mais qui a le mérite de bien définir ce qui me motive depuis que j’ai commencé à intervenir dans l’espace public. »

Vous avez tagué dans le monde entier, est ce que c’est dans le but de laisser une trace, d’égayer la ville... ?

« Le chat que je peins est à la fois un moteur qui me permet de voyager et je l’espère un «logo» indépendant qui perturbe amicalement le quotidien des passants. En fait je ne regarde pas vraiment derrière moi, je suis ce chat jaune là où il m’emmène... »

Est-ce la première fois que votre travail fait l’objet d’un procès ? Est-ce que vous pensez qu’il s’agit d’un retour en arrière par rapport à la tolérance du street art ?

« Non, ce n’est pas la première fois que je suis condamné pour avoir pris le droit de peindre dans l’espace pu-blic sans avoir fait les démarches ad-ministratives permettant d’avoir les autorisations. Mais c’est la première fois que je ne me laisse pas faire car je ne considère pas que la RATP ait été victime d’une dégradation dont l’ori-gine serait mon chat.

Concernant la répression, je pense que rien n’a changé. La loi a toujours été là pour réguler les citoyens et si on ne demande pas préalablement les autorisations nécessaires et bien on s’expose à des poursuites judi-ciaires...

A mon avis ce qui a changé c’est l’in-térêt et le regard des spectateurs sur leur environnement. Ils ne regardent plus forcement les graffitis de la même manière, peut être même consi-dèrent-ils que c’est du street art ? »

L.BUGIER [email protected]

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Le tatouage s’ancre au Q U A I B R A N LY .Après avoir organisé deux expositions en 2011 et 2013 Anne et Julien, fondateurs de la revue « HEY! » dédiée à l’art « outsider » ont décidé de présenter le tatouage au musée du quai Branly.

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Il faut le dire : Le tatouage est avant tout un art. Un art éternel, qui laisse des traces sur un support assez original certes, et c’est pour cela que beaucoup se questionnent longuement avant de franchir le pas : Quel motif, Où, par qui ? Beaucoup de questions non sans im-portance !

Mais le tatouage est-il aujourd’hui ancré dans notre société ou est-il une mode ?

C’est ce que l’exposition tente de nous expliquer en débutant par la source puisque, comme on le dit souvent « Il est important de connaître l’histoire

pour mieux comprendre le présent ». Passant par L’Indonésie, la Nouvelle-Zé-lande, les Philippines ou encore la Thaï-lande, les différentes explications, pho-tos et prototypes en silicone tatoués nous expliquent que le tatouage a tou-jours porté de multiples significations.

Il fut tout aussi bien marqueur identi-taire et social que signe de contestation ou marque de courage. On se rend alors compte de l’ancienneté et de la diver-sité que cette forme a pu revêtir. C’est un langage de la peau qui ne cesse de varier et d’évoluer de jours en jours.

Rendant, avant tout, hommage aux pionniers de cet art qui n’avaient ja-mais vraiment été reconnus en tant qu’artistes, « Tatoueurs tatoués » a su faire l’éloge d’un mélange des cultures. Une exposition riche en informations sur un art qui dépasse le simple phéno-mène de mode et s’adapte autant qu’il anticipe les évolutions de nos sociétés.

Exposition à ne pas rater !

(Notre note : 9/10)

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Photo d’une petite fille inconnue à Lyon : « La solitude »

Margaux [email protected]

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RV-14, l’épidémie menace la planèteLes gens vous semblent absents, étourdis, rêveurs ? Une nouvelle vague de zombies ? Bien pire malheureusement. RV-14, va faire des ravages cet hiver.

Vous n’êtes pas sans savoir que la grippe saisonnière ne sera pas la principale cause de cauchemar chez vos grands-parents cette année. Depuis juillet dernier, une grave épidémie de RV-14 (Ou Rirus-Virus) se répand comme une trainée de poudre. Selon les experts, la progression de la menace invisible est exponentielle. Les plus pessimistes estiment à un million le nombre de contaminés d’ici le début de l’année prochaine. Les plus optimistes, quant à eux, ont déjà tous passés un test de dépistage au RV-14.

Qu’est-ce que le Rirus-Virus ?

Le Rirus-Virus est une maladie dégéné-rative qui se transmet par le biais des relations sociales et, c’est une première historique, par internet. Exposé à une trop haute dose d’optimisme, d’es-poir, de confiance en l’avenir ou tout simplement de moments de bien être, n’importe qui peut être touché. Le ma-lade éprouve dans un premier temps comme un flottement, un détachement du monde réel. Une envie de se couper de la réalité peut apparaître. Elle s’ex-prime par le refus d’écouter les infor-mations, lire en priorité des romans jeu-nesse, faire de la musique… Plus tard, les individus atteints sont contraints à abandonner leur emploi et à vaquer librement, sans occupation. RV-14 pro-voque une détérioration de la person-nalité, une perte du discernement, une perte de repère pouvant rendre dépen-dant. La vue de personnes atteintes peuvent choquer la sensibilité des plus fragiles. L’inconscience des malades crée des troubles à l’ordre public, c’est pourquoi des centres d’internement ont été installés d’urgence dans toutes les grandes villes.

La pathologie est à discerner de l’amour : pouvant causer des conflits, ce der-nier trouble ne vous prédispose pas au Rirus-Virus. Néanmoins, si tout se passe trop bien avec votre conjoint, al-lez vous faire dépister.

Malgré leur calme apparent, les autori-tés sont démunies face à ce fléau. Les aides soignants viendront bientôt à

manquer, ainsi que le matériel. On peut aujourd’hui se demander comment la maladie a pu prendre une telle ampleur, alors que le gouvernement maitrise les principaux canaux de communication, à savoir les médias. Une fois de plus, nous avons sous-estimé les risques.

Le RV-14 n’est pourtant pas né cette an-née. Les experts s’accordent à dire que la maladie existe depuis des années déjà, mais se limitait à des cas isolés et non contagieux. De plus, le météo de l’été passé a empêché le virus de se dé-velopper immédiatement. «La rigueur hivernale serait donc un bon moyen d’enrayer la pandémie», me direz-vous. Pourtant, et ce de façon inexplicable, la contagion se poursuit. Richard Grognon, docteur en immunologie a pourtant une théorie : «Le climat de sortie de crise, la démocratisation de l’accès à des vidéos

rigolotes sur internet, la consommation d’antidépresseur qui chute. Ce sont tous trois des facteurs qui préparent le terrain à RV-14. L’hiver ne nous sauvera pas : cette année encore, les chauf-fages fonctionnent, les machines à café et à chocolat chaud sont en service, la vente de plaid augmente.»Puisque personne ne semble apte à prendre les choses en main (et le réaliser sera un premier pas vers la non-contamination), c’est à vous d’agir, citoyens !

Comment se protéger ?

Outre obéir à des consignes d’hygiène stricte, nous vous livrons quelques

conseils afin de vous exposer au risque le moins possible.

- N’hésitez pas à prendre l’air, de préfé-rence par un temps gris et froid. Si vous vous sentez morose, vous êtes simple-ment en train de produire des défenses immunitaires contre le Rirus-Virus.

- Allez régulièrement voir des per-sonnes de votre entourage d’un tem-pérament solaire et optimiste. Ce sont des populations à risque. Informez-les des risques qu’ils prennent. Évitez de vous laisser convaincre «d’arrêter de psychoter et d’aller se faire un ciné». Plusieurs individus se sont déjà faits contaminés de cette manière.

- Faites des heures sup, non payées si possible. Occupez-vous l’esprit avec des tâches répétitives pour éviter de penser.

- Si vous avez un chat ou tout autre ani-mal de compagnie mignon, confiez-le aux cellules d’accueil mises en place par le gouvernement. Rappelons que le virus peut se transmettre du chat à l’homme, surtout si le chat éprouve du bien-être. Ce qui n’est pas difficile pour un chat.

Dans tous les cas, si vous pensez avoir pris un risque, prenez contact avec votre médecin traitant.

Léna [email protected]

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LITTÉRATURE

Le por trait de DORIAN GRAY,

entre vice et idéal.

L’unique roman de l’auteur anglais Os-car Wilde, Le portrait de Dorian Gray n’est pas seulement l’histoire d’un jeune homme d’une grande beauté qui découvre que son portrait reçoit les marques de ses pêchés et de la vieillesse à sa place, mais aussi un re-cueil riche en réflexion sur l’art, l’idéal, le bien et le mal. Dorian Gray, jeune aristocrate d’abord candide et dépeint comme exceptionnellement beau fas-cine le peinte Basil Hallward qui réa-lise de lui un talentueux portrait. Le jeune homme, influencé par l’un de ses amis, Lord Henry, devient un être narcissique et égoïste, sans peur de pratiquer le vice. En effet, il s’aperçoit en se séparant brutalement de la jeune comédienne Sybil Vane à qui il avait fait les plus belles promesses d’amour, que le tableau de Hallward se tâche de ses fautes sans que sa réelle figure ne soit emprunte du moindre changement.

Ce qui est intéressant c’est de consta-ter le peu d’obligations morales qu’il nous reste dès lors que nous appre-nons que l’apparence restera vierge

de toute marque. Tel le mythe de l’an-neau du berger Gigés qui découvre qu’il peut être invisible grâce à une bague et voler en réchappant à la loi, Gray bas-cule dans le vice dès lors qu’il se rend compte que, quoi qu’il fasse, il aura tou-jours cette figure inspirant confiance et vertu. Si un instant il voit ce portrait comme un réflecteur de conscience lui permettant de se conduire droitement, la mort de Sybil Vane ainsi qu’un livre prêté par Lord Henry le font changer d’avis. Il devient tout puissant : son apparence est son meilleur alibi car il séduit et rassure par son innocence ap-parente alors qu’il n’est que vilénie.

Wilde pose aussi la problématique de l’Idéal. Le jeune Gray, alors encore bon, tombe amoureux de Sybil Vane parce qu’elle joue les héroïnes de Shakes-peare. Il s’émerveille d’un type, et à par-tir de l’instant où elle perdra son talent d’actrice, voulant vivre réellement sa vie et non un rôle en aimant sincère-ment Gray, il la haïra et l’humiliera. Il ne l’aime que servant l’art, comme un portrait qu’il contemplerait, comme

son propre portrait par exemple. Lui au contraire devient l’œuvre d’art elle-même et se fige dans sa première jeunesse. C’est ce naturel, cet idéal dé-naturé par Lord Henry dont le peintre Hallward été tombé comme amoureux. Il semble que l’Idéal, rare, serait voué à disparaître ; Sybil Vane par la mort, Do-rian Gray par le vice. L’œuvre est accom-plie mais c’est le modèle qui s’évanouit, à l’inverse peut-être du Chef d’œuvre in-connu de Balzac où l’artiste ne parvient jamais à réaliser sa peinture.

Dorian Gray ressemble au héros de la pièce de Lorenzaccio de Musset qui dit « Le vice a été pour moi un vêtement, maintenant il est collé à ma peau ». A l’inverse, Gray se sert du déguisement de l’innocence pour pratiquer le vice, jusqu’à ce que finalement, l’Idéal soit restitué au tableau.

Lucie [email protected]

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