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CINÉMA I CULTURE I TECHNOLOGIE NUMÉRO 53 I JUIN 07 Persépolis RENCONTRE AVEC LES RÉALISATEURS V. PARONNAUD ET M. SATRAPI + NUMÉRO SPÉCIAL BD AVEC LUZ, BLUTCH, DUPUY-BERBÉRIAN...

Trois Couleurs #53 – Juin 2007

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PHOTOGRAPHIE COUVERTURE : Richard Schroeder (Gamma) RÉDACTEUR EN CHEF : Elisha Karmitz

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CINÉMA I CULTURE I TECHNOLOGIE NUMÉRO 53 I JUIN 07

PersépolisRENCONTRE AVEC LES RÉALISATEURS

V. PARONNAUD ET M. SATRAPI

+ NUMÉRO SPÉCIAL BDAVEC LUZ, BLUTCH, DUPUY-BERBÉRIAN...

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EDITEURMK2 MULTIMÉDIA / 55 RUE TRAVERSIÈRE_75012 PARIS / 01 44 67 30 00DIRECTEUR DE LA PUBLICATION > Elisha KARMITZ I RÉDACTEUR EN CHEF > Elisha KARMITZ [email protected] I DIRECTEUR DE LA RÉDACTION > Auréliano TONET [email protected] / [email protected] ICONSULTANTE > Florence VALENCOURT [email protected] I LE GUIDE > Bertrand ROGER [email protected] I SECRÉTAIRE DE RÉDACTION « LE GUIDE » > Caroline LESEUR [email protected] IÉVÉNEMENT >Maud BAYOT [email protected] I LIVRES > Pascale DULON [email protected] I CINÉMA / DVD > Sandrine MARQUES [email protected] I MUSIQUE > Auréliano TONET I INTERNET/JEUXVIDÉO > AnnaMAZAS [email protected] I HIGH-TECH > Etienne ROUILLON [email protected] ISTAGIAIRE > Léo RUIZ [email protected] I Ont participé à ce numéro : Christophe ALIX, Romain BRETHES, TristanCLAIR, Thomas CROISY, Antonin DELIMAL, Sofia GUELLATY, Florian JARNAC, Roland JHEAN, Anne de MALLERAY, Oscar PARENGO, Antoine THIRION, Anne-Lou VICENTE I ILLUSTRATIONS > Laurent BLACHIER, BLUTCH,Julien CANAVEZES, DUPUY-BERBÉRIAN, Fabrice GUENIERDIRECTRICE ARTISTIQUE & MAQUETTE > Marion DOREL [email protected] I IMPRESSION / PHOTOGRAVURE >ACTIS I PHOTOGRAPHIES > Agence VU’, DR I PHOTOGRAPHIE COUVERTURE > Richard SCHROEDER (Gamma)DIRECTEUR DE LA PUBLICITÉ > Marc LUSTIGMAN / 01 44 67 68 00 [email protected] I RESPONSABLE CLIENTÈLE CINÉMA > Vincent OLIVE / 01 44 67 30 13 [email protected] I RESPONSABLE EN CHEFDE LA PUBLICITÉ > Solal MICENMACHER / 01 44 67 32 60 [email protected]© 2007 trois couleurs // issn 1633-2083 / dépôt légal quatrième trimestre 2006. Toute reproduction, même partielle, de texte, photos et illustrations publiés par MK2 est interdite sans l’accord de l’auteur et de l’éditeur. //TIRAGE : 200 000 EXEMPLAIRES // Magazine gratuit // Ne pas jeter sur la voie publique

SOMMAIRE #53 ÉDITOLA DIALECTIQUE DE MARJANE

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CINÉMA06_ Tendances, Ciné Fils,

Regards Croisés, Scène Culte14_ ON VOUS AIME :

Marjane Satrapi et Vincent ParonnaudPLEIN ÉCRAN :

18_ Persépolis de M.Satrapi et V. Paronnaud20_ Delirious de Tom Dicillo22_ Raisons d’État de Robert De Niro24_ LE GUIDE des sorties en salles

CULTURE36_ DVD : Les adaptations de BD au cinéma38_ LIVRES : BD et musique40_ MUSIQUE : Justice en procès42_ LES BONS PLANS DE44_ ART : Annette Messager46_ PAR : Hugues de Wurstemberger

TECHNOLOGIE48_ TRIBUNE LIBRE : L’ogre Google50_ RÉSEAUX : Le «Net Art»52_ JEUX VIDÉO : Shigeru Miyamoto54_ VIDÉO À LA DEMANDE : Confessions of Pain56_ SHOPPING : Le high-tech solaire et écolo58_ SCIENCE-FICTION : La cape d’invisibilité

La BD n’est plus un genre mineur. Elle le fait savoir en tissantavec succès des passerelles vers d’autres formes decréation. Blutch a initié la vogue des «concerts dessinés»,Luz se convertit en DJ electro-rock et Joann Sfar préparel’adaptation au cinéma de son best-seller Le Chat du Rabbin. Mais dans ce registre, c’est Marjane Satrapi qui tient lehaut de l’affiche. La jeune Iranienne, immigrée en Autricheà l’âge de 14 ans, s’impose aujourd’hui comme le chef defile d’une génération de dessinateurs talentueux qui fontvoler en éclats, depuis le début des années 1990, le formatclassique de la BD. Coréalisatrice avec Vincent Paronnaud du très attenduPersépolis, l’originalité de Satrapi consiste à transformer unevie faite de paradoxes en dialectique subtile. De la RépubliqueIslamiste à la République Française, de la Burka à Iron Maiden,de la bande dessinée indépendante, au sein de l’Association,à la consécration institutionnelle lors du dernier Festival deCannes, Marjane exploite ces contradictions pour nourrirson œuvre. Son ambition est simple : «Donner à une histoiresingulière une portée universelle.» Seuls les grands artistesy parviennent. À vous de juger.

_Elisha KARMITZ

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Soko, so cool

TENDANCES

Son folk doux-amer affole les compteurs MySpace.Derrière ce buzz se cache Soko, 21 ans, actrice de vocation,farouche et lucide face à ses récents succès musicaux.

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Les recherches musicales les pluspoussées du mois sont l’œuvre duduo Justice et du fantasque PascalComelade. Soit les paires de pattesles plus stylées de l’Hexagone. Au poil ! (voir p. 40 / 41)

Drôles d’hurluberlus, Luz, The Brassenset Bianca Cocorosie ont un traitcommun : ils arborent un superbeduvet poilu. La moustache n’est plusl’apanage des élus Verts : que ça sesache ! (voir p. 39)

De Kurt Cobain au Dude de The BigLebowsky, les années 1990 l’ont portéau pinacle. Mais aujourd’hui, avecDi Caprio pour principal émissaire,le bouc se sent de plus en plus seul.(voir p. 10 / 12)

Les rouflaquettes La moustache Le bouc

CALÉ RECALÉDÉCALÉ

Il y a six mois, Soko n’osait pas toucher un instrument : «J’aime tellementla musique que je m’étais dit que ce serait honteux », se souvient-elle.La voilà aujourd’hui, par la magie d’Internet et avant même d’avoir signéson premier album, propulsée folk star jusqu’au Danemark, où toutes lesplaces du concert ont été vendues en quatre heures ! D’un anglais fluidemâtiné d’accent frenchy, elle compose des chansons à la fois tendres,acides et directes. Bref, à son image : « Je n’ai pas envie d’aller vite parcequ’il y a une demande. Je veux me faire plaisir avant tout. » Une libertéqu’elle a pu mûrir dans sa déjà riche carrière d’actrice. Vocation à 5 ans,premier rôle à 16 ans, Stéphanie Sokolinski (son vrai nom), sous ses airsde poupée hippie, n’a pas froid aux yeux. Après Ma Place au soleil ouDans les cordes, on la retrouvera bientôt dans Ma Vie sans Meg Ryan.Son rêve ? Jouer dans un film de Thomas Vinterberg. Pour l’heure,elle enchaîne les concerts et enregistre un E.P. en juin avec sonidole, l’orfèvre pop Euros Childs. Elle avait peur de ne pas percer,n’étant la fille de personne ; sur ce plan-là au moins, Soko n’a plusde raisons d’avoir les chocottes.

www.myspace.com/thesokos

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Quel est le point commun entre un acteur et unebicyclette? Le plateau. Sans doute est-ce la raisonpour laquelle les cyclistes tiennent le haut dupavé au cinéma. Retour sur quelques bobines enroue libre.Nos héros modernes enfourchent leurs vélos comme les cowboysjadis leurs montures. Fasciné précisément par les méthodes dedistribution postale « à l’américaine », le facteur dégingandé d’unpetit village entreprend une folle tournée à vélo dans Jour de fête.Tati le doux dingue n’est pas le seul à dérailler. Dans la même lignéeburlesque, Pee Wee Herman (Les Aventures de Pee Wee) perd lespédales quand on lui vole sa rutilante bicyclette rouge qu’il retrouveaprès moult péripéties. D’autres n’ont pas cette chance. Le chômeurdésespéré du Voleur de bicyclette voit ses espoirs de vie meilleureanéantis après le vol de son instrument de travail. Argument repris parWang Xiaoshuai dans Beijing Bicycle et par Tran Anh Hung dans Cyclo.Des coups de pompe qui n’entament pas la détermination d’un petitcoureur cycliste (Le Vélo de Ghislain Lambert), ni d’un futur championenlevé par la «mafia française» des Triplettes de Belleville. Couramment associé à l’enfance, l’engin que conduit comme undératé le gamin de Taste of Tea accompagne ses observationsfantaisistes, mais aussi les visions de terreur du jeune médium deShining. L’enfant passe la vitesse supérieure de l’angoisse sur untricycle, lancé dans les couloirs d’un hôtel infesté de fantômes.La bande son, qui se fixe aux roues emballées du vélo, provoque desréactions en chaîne. À l’une des plus grandes scènes de peur au cinéma succède l’émotionqui se prend dans les roues du culte E.T. L’alien disparaît dans le ciel,juché sur une bicyclette qui le relie une dernière fois à l’enfant quil’avait recueilli. Dans l’art de nous faire rêver, le cinéma en connaîtdécidément un rayon !

Tous en selles !

CINÉ FILS

ÉCOUTEZ LE CINÉMA : GODARD, MOCKY,VADIM, MCQUEEN… (Universal Jazz)

La classieuse collection Écoutez le cinémas’étoffe cet été de cinq rééditions. Outre lesfacéties de François de Roubaix pour Jean-Pierre Mocky ou celles de Michel Magnepour Roger Vadim, on signalera Histoire(s)de musique, qui réunit les partitionstranchantes et poétiques des films de Jean-Luc Godard. Autre joyau, les compositionsde Michel Legrand pour Le Mans et LeChasseur, avec Steve McQueen : virtuositéalerte, finesse de jeu, la rencontre de deuxhommes-cinéma, grands parmi les grands.

La bande originale

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Richement illustrée, cette encyclopédieraconte l’histoire du cinéma bis, de 1957 ànos jours. Projetés dans des salles miteuses,dotés de budgets misérables, peu considérésà leur sortie, les films bis sont « le Hyde ducinéma Jekyll », selon l’historien LaurentAknin. Ancré dans des genres très codés(péplum, porno, kung-fu, horreur, SF...),ce cinéma possède aussi ses géniestransgressifs, de Klaus Kinski à Mario Bava.La preuve : au milieu des navets, la présenced’un titre aussi savoureux que Prenez laqueue comme tout le monde.

CINÉMA BIS, 50ANS DE CINÉMADE QUARTIER de Laurent Aknin(Nouveau Monde Éditions)

Le ciné-livre

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TRAIT LIBRE Pour TROISCOULEURS, l’artiste Simon Dara revisite les affiches de grands classiques de l’histoire du cinéma.Ce mois-ci L’Inspecteur Harry de Don Siegel.

Graphistes, illustrateurs, artistes, si vous souhaitez participer à la rubrique Trait Libre, envoyez nous vos créations à l’adresse suivante : [email protected] 09 I TROIS COULEURS_JUIN 07

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eaucoup voient en Léonardo Di Caprio la relève éclatante de Robert De Niro. Léo, le jeune lion, seraitla version moderne de son aîné, connu pour être une bête de travail. Formé à l’Actor’s Studio,De Niro le polymorphe prépare toujours avec soin ses compositions. On lui demande d’incarnerun chauffeur de taxi (Taxi Driver) ? Le voici sillonnant les rues de New York pendant deux semainespour s’imprégner de son rôle. Il doit se mettre dans la peau du champion de boxe Jack La Motta

(Raging Bull) ? Il prend trente kilos. Pour New York, New York, il se mue en trompettiste émérite. Un Oscar le consacrepour Le Parrain 2. Dur pour Di Caprio de se hisser à un tel niveau d’excellence et d’assumer la lourde filiation qu’on luiprête. Elle a pourtant été entérinée, par la grâce de la fiction, dans Blessures Secrètes où De Niro campe un beau-pèremaltraitant Di Caprio. Mais la transmission est réellement opératoire avec Martin Scorsese qui a trouvé dans le hérosromantique de Titanic son « nouvel homme». Après une collaboration fructueuse en huit films avec De Niro, Scorseseemploie Di Caprio dans un triplé gagnant (Gangs of New York, Aviator, Les Infiltrés). « L’acteur pour minettes » adéfinitivement gagné en maturité. Le corps s’est épaissi, les choix artistiques se sont affermis, comme le prouve sabrillante collaboration avec Spielberg (Arrête-moi si tu peux !). À l’inverse, on reproche aujourd’hui à De Niro de«cachetonner» dans des comédies légères. Mais De Niro reste un acteur né quand Di Caprio est un comédien construit.À l’un la classe naturelle, à l’autre le froncement de sourcils cool.

_S. M.

© Illustration_FabriceGU

ENIER

B

De Niro vs Di Caprio

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Un nom à particule, des ascendances italiennes et un mentor commun lient les destinéesd’un acteur de génie, Robert De Niro, et d’une star du box office, Léonardo Di Caprio.Rencontre entre le perfectionnisme et l’exigence précoce.

REGARDS CROISÉS

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eurostar.com

*NastyPrice = Prix méchant. Tarif soumis à conditions et dans la limite des places disponibles. Prix par personne pour un aller-retour Paris-Londres ou Lille-Londres en classe standard. Disponible toute l’année à conditionde réserver au moins 14 jours avant la date de départ ou de passer une nuit du samedi au dimanche sur place.

LONDRES À PRIX MÉCHANTNASTYPRICE 77€ A/R*

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Zéros pointés

[D’un coup magistral, Smokey fait tomber toutes les quilles]

WALTER : Ligne !

SMOKEY : Quoi ?

WALTER : Désolé, Smokey, t'as franchi la ligne. [Il parle au Duc] Tu marques 0.

SMOKEY : Tu déconnes ? Tu marques 8.

WALTER : On est pas au Vietnam, il y a des règles !

LE DUC : Walter, c'est Smokey, il a mordu légèrement,c'est qu'un jeu.

WALTER : Ça compte pour le championnat, je me trompe?Je me trompe ? Je me trompe ?

[en VO « Am I wrong ?»]

SMOKEY : Je l'ai pas franchie la ligne ! Passe-moi le stylo!Je marque 8.

[Walter sort un revolver de son sac. Il tire la culasse]

WALTER : Tu vas souffrir. Marque 8 et tu vas souffrir... Tu vas souffrir.

SMOKEY, apeuré : Duc, c'est ton partenaire.

WALTER : LE MONDE EST DEVENU FOU ? SUIS-JE LE SEULÀ SUIVRE LES REGLES ? MARQUE 0 !

[en VO « MARK IT ZERO!»]

[Walter met en joue Smokey, qui tremble de toutes parts]

SMOKEY : Voila j'ai marqué 0... T'es content, espèce de fou?

WALTER : Ça compte pour le championnat…

[Il range son pistolet]

LE PITCH : Jeff Bridges campe le personnage de Lebowsky,alias le Duc (« The Dude »), à l'élégance toute californienne.Paresseux déjanté, ce guérillero de la cause hippie exigeréparation : on a uriné sur son tapis par erreur. Si sa quêtede vengeance va le sortir de sa vie lymphatique, rien ne ledétournera de son occupation favorite : jouer au bowlingavec son pote Walter (John Goodman). Leur équipe est icien compétition contre celle du dénommé Smokey…

LA PETITE HISTOIRE : Personnage récurrent chez les frères Coen (Fargo, O’Brother), « le gros qui crie » symbolisel’impuissance et le mutisme de l’Américain moyen face à l’intelligentsia républicaine. Cette figure est ici incarnée parWalter, vétéran de la guerre du Vietnam, déphasé face au matérialisme triomphant des années Reagan et Bush père.D’abord joueur de softball (version « light » du baseball), il devient après remaniement du scénario amateur de bowling,sport jugé encore plus ringard par les cinéastes, et référence avouée à Homer Simpson (le papa de Bart), loser ultime.

John Goodman dans The Big Lebowsky de Joel et Ethan Coen, 1996 (disponible en DVD chez Universal)

SCÈNE CULTE The Big Lebowski

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ON VOUS AIME... Marjane Satrapi / Vincent Paronnaud

© Blutch

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Comment est né Persépolis – le film ?

MARJANE_Peu après la sortie de mon livre aux États-Unis, j'ai reçu des propositions incroyables, des chosesincongrues. Quand le producteur m'a proposé de faire un film, j'en ai directement parlé avec Vincent, avec lequel jepartageais le même atelier. Vincent et moi, nous sommes tous les deux issus de la BD indépendante, mais rien ne laissaitprésager que nous allions faire un film un jour. Nous avons décidé de le faire, nous avons appris à le faire. Ce qui étaitintéressant, c'était cette occasion d'explorer un autre univers. J'aurais pu faire Persépolis tome 5, 6 ou 7, mais aller horsdes sentiers battus était bien plus excitant. C'était un défi pour moi : faire quelque chose que je ne savais pas du toutfaire auparavant.

Le film s’inspire de l’histoire personnelle de Marjane. Vincent, n’était-ce pas délicat de travailler sur un matériau si intime ?

VINCENT_Je me suis impliqué émotionnellement dans le projet très tôt, dès le scénario en fait. AvecMarjane, nous avons beaucoupparlé, beaucoup échangé. Je mesuis approprié sa vie alors qu'elle,de son côté, essayait de s'en détacher. Nous avons finalement réussi à intellectualiser le propos. Elle avait besoin de sortirde sa BD, nous avons travaillé cet aspect. Nous avons essayé de désincarner Marjane, de la rendre fictionnelle.

MARJANE_La recherche du véridique, du vrai à tout prix est surestimée. Ce sont les journalistes de presse etde télévision qui cherchent la vérité. Moi, j'ai écrit une histoire. Cette quête de réalité est le résultat de notre époque,des reality-shows notamment. Nous sommes tellement déçus par les mensonges de certains médias que nous sommesamenés à chercher la vérité chez les artistes. Mais à partir du moment où l’on utilise la réalité pour raconter une histoire,elle devient fiction. Un scénario de film est entièrement fictionnel. D'ailleurs, je me suis détachée encore plus que pourla BD de ma propre histoire. Vincent a bien compris qu'il fallait faire de cette histoire particulière une histoire universelle,où chacun pourrait se reconnaître.

JE ME SUIS APPROPRIÉ SA VIE ALORS QU'ELLE, DE SONCÔTÉ, ESSAYAIT DE S'EN DÉTACHER. V. PARONNAUD“

“’est dans son appartement parisien que Marjane Satrapi nous reçoit pourparler de son premier film d’animation,Persépolis, Prix du Jury lors du dernierFestival de Cannes, adapté de la bande dessinée du même nom. Succèscritique et public, les quatre tomes de Persépolis ont été publiés entre 2000et 2004 par L’Association, fleuron de la BD indépendante française. Chez lemême éditeur, on trouve aussi les albums du dessinateur Vincent Paronnaud,

alias «Winschluss», qui a co-réalisé avec Marjane l’adaptation de Persépolis au cinéma.Ces deux cinéphiles nous racontent leur rencontre et la genèse, étalée sur trois ans, dece projet singulier.

C

Du 9èmeau7èmeart

Pour TROISCOULEURS, le dessinateur Blutch a croqué ses «confrères» Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud. «Il fallait éviter de les faire passer pour un couple,tout en montrant qu’ils travaillaient ensemble, explique l’auteur de La Volupté. Je me suis inspiré de l’affiche originale de La Tour infernale, où les deux vedettes du film,Steve McQueen et Paul Newman, sont sur un quasi-pied d’égalité, même si l’un est légèrement favorisé… J’ai aussi pensé au photographe Martin Parr, à sa splendidetristesse. Je voulais un décor à la fois «cannois» et sensuel – la mer –, mais en même temps éviter le côté «mer bleue». Et ça a donné ça.»

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Parlez-nous de votre rencontre avec CatherineDeneuve, Chiara Mastroianni, Danielle Darrieux et SimonAbkarian…

M_Il me les fallait, parce que ce sont les meilleurs !Je savais que Deneuve aimait mon travail, car elle m'avaitdemandé de participer à un numéro spécial de Voguedont elleétait rédactrice en chef. Les autres ne me connaissaient pas,j'ai simplement envoyé le scénario et ils ont tout de suite ditoui. Ils ont été magnifiques. Chiara a le rôle le plus dur, elledoit suivre la petite Marjane de l'enfance à l'âge adulte. Elle

est très perfectionniste, très professionnelledans son travail. J’ai été très honorée de

collaborer avec eux. Nous avons décidéde les enregistrer un par un, avant mêmede dessiner leurs personnages. Lesmouvements de bouche ont ainsi étéplus cohérents, les acteurs n'étantplus tenus par l'image. D’une certainemanière, les dessins ont été adaptésau jeu des comédiens.

S'il ne devait rester qu'un message dufilm, lequel serait-ce ?

M_Par le biais des médias, certaines populationssont transformées en notions abstraites, désincarnées. Lejournal télévisé annonce 150 ou 200 morts dans tel attentat.Notre rôle, en tant qu’artistes, c’est de susciter de l’empathiechez le spectateur, qu’il puisse se dire : «ça aurait pu être moi».Je voulais montrer la vie quotidienne d'une famille en Iran pourincarner tous ces gens dont parlent les médias. Un peuple, c’estune notion abstraite. En parlant d’une personne en particulier,on a finalement plus de chances de tendre à l’universel. J'aireçu des lettres de Chine ou du Chili de gens qui ont été touchéspar cette histoire qui leur ressemble. Comment essayer, malgrétout, de s’inscrire dans une forme de normalité? Commentcontinuer à vivre, tout simplement ? Vivre, c’est un peu plusqu’être seulement vivant.

_Propos recueillis par Sofia GUELLATY

Quelle est donc cette histoire universelle queraconte Persépolis ?

M_Il arrive que des personnes subissent, sans les vouloir,de grands changements politiques. Elles finissent par être lesvictimes de leur propre pays. Et je ne parle pas seulement demon pays. Dans ce film, qui se passe essentiellement en Iran,à partir du moment où le spectateur se met dans la peau dupersonnage, c'est le voyage que l'héroïne fait en Autriche quidevient exotique à ses yeux !

Dans vos interviews, vous déclarez ques'il n'y avait pas eu Vincent, vous auriez fait duBergman en plus lent. Vous évoquez aussil'expressionnisme allemand et le néo-réalisme italien, influences que l'onretrouve dans Persépolis. Vous sentez-vous prêts à passer à la réalisationd’un film traditionnel?

V_Oui, absolument. C'est notreprochain projet. En co-réalisation et co-écriture.

M_Nous formons un binôme quifonctionne très bien. On se complète parfaitement,jusque dans nos narcissismes ! Nous avons beaucoup de projetsensemble. Nous voulions faire un vrai film, mais nous nepouvions le faire qu'en animation. Si nous avions tourné enimages réelles, nous aurions perdu la portée universelle dupropos. Ce choix s'est imposé. Cependant, nous voulionspousser au maximum le côté cinématographique du dessin, cequi était d'ailleurs assez difficile à expliquer aux animateurs.Nous n'avons aucun dédain pour le dessin animé, mais notreréférence de base est le cinéma. J’ai d’abord abordé ce projetcomme un film, de la même manière que j’avais d’abordenvisagé mes BD comme des livres. Pour vous donner unexemple, il est très rare d'utiliser les fondus dans les dessinsanimés, pour des raisons techniques. Ce qui ne nous a pasempêchés de le faire.

NOTRE RÉFÉRENCE DE BASE EST LE CINÉMA. M. SATRAPI

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PLEIN ÉCRAN Persépolis_Marjane SATRAPI, Vincent PARONNAUD

huit ans à peine, la petite Marjanese rêve prophète : elle règnera avecjustice sur tous les peuples de laTerre. Mais, élevée dans une famillebourgeoise de Téhéran, elle voit petità petit son monde bouleversé par lachute du Chah et l’instauration de la

République Islamique. Entre insouciance et espritrévolutionnaire, elle essaie de garder sa liberté et safantaisie. Deux traits de caractère dérangeants dans cepays en pleine métamorphose.Adapté de la bande dessinée de la superpunchy MarjaneSatrapi, ce film d'animation en noir et blanc, reprenant lestechniques traditionnelles du dessin animé, est un petitbijou d'humanisme. Sans jamais sombrer dans le pathosou la démonstration, passant du quotidien le plus trivial àl’onirisme le plus débridé, Persépolis dresse avecdrôlerie et sensibilité le portrait d’une nation victime desa politique. Ou comment être Iranien dans un pays quine vous ressemble plus... Comment écouter Iron Maidensous sa burka ? Par quel biais en vient-on à se sentirétranger jusque chez soi ? Autant de questions poséespar ce film qui, par bien des aspects, peut se voir commeune véritable parabole. L'instauration de la RépubliqueIslamiste est narrée d'un point de vue intérieur, celuid'une famille attachante et d’une fille haute en couleurs,qui en quelques années va vivre trois révolutions, deuxpolitiques et une d’ordre plus intime : celle du passage del’enfance à l’âge adulte.Un vrai travail de mise en scène et de direction des voixà été opéré. Grâce à l’enregistrement des doublages avantla conception des images, le jeu des personnages estirréprochable, avec une mention spéciale à DanielleDarrieux, excellente dans son rôle de grand-mère fantasque.À croire qu’à huit ans, la petite Marjane avait vu juste : la voilàbien prophète – section cinéma, excusez du peu.

_Sofia GUELLATY

ADu malaise face à l’islamisation de l’Iran à ladouleur de l’exil, de la BD indépendante à laconsécration cannoise, de la marge versle centre, l’itinéraire de Marjane Satrapidessine les contours d’une femme libre.Persépolis raconte ce destin… animé.

Marges de liberté

MARJANE SATRAPI Nov. 2000_Publication du premier tome de Persépolis par L'Association, une maison d'édition indépendante.Janv. 2005_Prix du meilleur album au Festival d’Angoulême pour Poulet aux prunes (L’Association), sa sixième BD.Mai 2007_Persépolis reçoit le Prix du Jury au 60ème Festival de Cannes.

EN 3DATES

Un film de Marjane SATRAPI et Vincent PARONNAUDAvec les voix de Catherine Deneuve, Chiara Mastroianni, Danielle Darieux…Distribution : Diaphana // France, 2005, 1h35

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é

SORTIE LE 27 JUIN

VINCENT PARONNAUDLe Pigeon, de Mario Monicelli (1958). « Un film assez bavard sur la famille, tout comme peut l’être Persépolis - la BD. »Duel de Steven Spielberg (1971). « Un film d'action où il y a beaucoup à apprendre sur le montage. »Les Affranchis de Martin Scorcese (1990). « Pour l'excellente utilisation de la voix-off. »

EN 3FILMS DECHEVET

01

02

03

Pour revoir Danielle Darrieux et CatherineDeneuve jouer le rôle de la mère et de la fille.

Pour l’évocation intime et originale de la Révolution Iranienne.

3RAISONSD’ALLER VOIR CE FILM

MÈRES ET FILLES AU DIAPASONCatherine Deneuve et Chiara Mastroianni, outre leursvoix, prêtent leur tendre complicité aux personnagesde Persépolis. Mère et fille dans la vie, elles le sontégalement à l’écran. Ce n’est pas une première :André Téchiné avait réuni les deux actrices en 1993pour son drame familial Ma Saison préférée, récitintergénérationnel hanté par le temps et la solitude.Chiara Mastroianni, alors âgée de 21 ans, jouait déjàle rôle de la fille de Catherine Deneuve.

L’égérie du jeune cinéma français d’auteur a côtoyédès son plus jeune âge ses parents dans les fictions.En 1979, âgée de 7 ans à peine, la fillette apparaît dansÀ nous deux de Claude Lelouch, aux côtés de sa mère.Elle renouvelle l’expérience en 1987 dans Les Yeuxnoirs de Nikita Mikhalkov, où elle récite un poème àson père Marcello. Une filiation dont jouera le prochainConte de Noël d’Arnaud Desplechin, où l’on retrouverade nouveau Deneuve et sa fille à l’affiche.

Autre mythologie cinématographique réactivée parPersépolis : l’association Danielle Darrieux / CatherineDeneuve. Quarante ans après Les Demoiselles deRochefort de Jacques Demy, vingt ans après Le Lieudu crime du même Téchiné et cinq ans après 8 Femmesde François Ozon, Darrieux et Deneuve jouent pour laquatrième fois le rôle de la mère et de la fille, même sileurs liens de parenté s’arrêtent à cette filmographiecommune.

Dans une interview récente, Catherine Deneuvedéclarait : «Le changement de la voix est la chose laplus frappante pour un acteur. » Vocalement habité,Persépolis entérine le passage de témoin entre troisgénérations d’actrices exceptionnelles.

_S. M. & A. T.

© Illustrations : Marjane Satrapi

DARRIEUX, DENEUVE,MASTROIANNI

Pour l’extrême cinématographie du dessinen noir et blanc, réalisé en atelier par près de 90 techniciens, sans recours au numérique.

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20 I TROIS COULEURS_JUIN 07

PLEIN ÉCRAN Delirious_Tom DICILLO

remière scène : un jeune clocharddéambule dans les rues de New Yorksur la chanson A Bohemian Like YoudesDandy Warhols. Le ton pop de l’histoireest donné. Au hasard d’une rue, Toby leSDF (Michael Pitt) se retrouve au milieud’une bande de paparazzi traquant la

starlette du moment, K’harma Leeds (Alison Lohman).Comme par enchantement, Toby devient l’assistant de l’und’entre eux, Les Galantine (Steve Buscemi), drôle d’oiseauet de paparazzo qui entreprend de lui apprendre les ficellesdu métier. Alors que les deux compères, rejouant le duoconnu de l’innocent et du blasé, s’apprivoisent peu à peu,voilà Toby dans les bras de K’harma, encore une foiscomme par magie, menaçant ainsi le fragile équilibre de ladialectique maître/esclave à peine créée. Si Tom DiCilloavait déjà abordé le thème de l’image et de l’authenticitédans ses précédents films (surtout dans Une Vraie Blonde),en choisissant cette fois le genre du conte de fées, il toucheau but. Car, dans le monde du showbiz en 2007, Toby n’estpas aussi innocent que Blanche-Neige, Les n’est pas qu’unhorrible troll et K’harma fait une bien drôle de princesse!Certains trouveront le film peut-être un peu caricatural ;mais tous s’accorderont sur la prestation époustouflantedes acteurs. Après Last Days, Michael Pitt confirme sonrôle de nouvelle icône du cinéma indépendant et SteveBuscemi se voit enfin offrir un premier rôle à sa (dé)mesure,terriblement émouvant en freak déphasé. Tout le sel du filmvient d’ailleurs d’avoir fait d’un paparazzo – un peuloser par définition – le véritable héros du conte. Sonprétendu cynisme donne de la profondeur au propos,montrant combien la célébrité peut être vécue demanière schizophrénique. Distanciation qui, au terme dece conte caustique dans le pays de l’image, fait émergerune morale loin des clichés : soyons iconoclastes !

_Florence VALENCOURT

P

Après des années d’absence, le réalisateurnew-yorkais Tom DiCillo, proche de JimJarmusch, revient avec un petit conte defées moderne sur le monde du showbiz.Drôle et léger, Deliriousn’en livre pas moinsune réflexion assez juste sur les dérivesde la société du spectacle.

Flagrant délire

TOM DICILLO1984_Directeur de la photographie et acteur pour Stanger Than Paradise, de Jim Jarmusch.1991_Première réalisation, Johnny Suede, avec Brad Pitt et Catherine Keener. Léopard d’Or au festival de Locarno.1995_Ça tourne à Manhattan, avec Catherine Keener et Steve Buscemi. Meilleur film aux festivals de Deauville et Stockholm.

EN 3DATES

Un film de Tom DICILLOAvec Michael Pitt, Steve Buscemi, Alison Lohman…Distribution : Memento Films // États-Unis, 2006, 1h47

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21 I TROIS COULEURS_JUIN 07

SORTIE LE 04 JUILLET

STEVE BUSCEMI Miller’s Crossing (1990), de Joel et Ethan Coen. Le début d’une longue collaboration.Ghost World (2002) de Terry Zwigoff. Nommé meilleur second rôle aux Golden Globes.Interview (sortie le 4 août 2007), film sur la célébrité, dont il est auteur-réalisateur-interprète.

EN 3FILMS

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Pour la performance de Steve Buscemi, parfait dans son rôle de paparazzo désespéré.

Pour apercevoir le crooner punk Elvis Costello, avec ou sans chapeau…

Simplement, parce que Delirious is hilarious !

3RAISONSD’ALLER VOIR CE FILM

Tom décrit Delirious comme un conte de fées. Steve,diriez-vous que votre personnage, Les, symbolise lavilaine sorcière ?S.B._J’imagine qu’on peut voir l’histoire entre Toby etK’Harma comme un conte de fées, mais celle de Les estdifférente. C’est juste un pauvre type qui cherche l’amitiéet le respect, mais qui n’y arrive pas. Il n’est pas méchant,il est juste incroyablement barré et autodestructeur !T.D._Une bonne réponse, surtout à cette heure tardive etaprès trois bières ! Cela dit, comme je n’avais pas parléde cette histoire de conte de fées aux acteurs, Steve n’apas pu faire le rapport… Pour moi, Les c’est un peu le trolldu fleuve avec lequel Toby est obligé de négocier sonpassage d’une rive à l’autre.

Steve, jouer ce rôle a-t-il changé votre vision despaparazzi, de la célébrité ?S.B._Photographier des célébrités est un métier difficile,que je respecte : il faut attendre des heures pour saisir uncliché en quelques secondes, à la sortie d’une avant-première. En revanche, je suis contre la traque de la vieprivée des stars. Sinon, en tant qu’acteur, la célébrité estle côté le moins intéressant du travail. Pour aborder lerôle, je me suis plus concentré sur les rapports de Lesavec le monde extérieur.T.D._Je ne sais pas ce qui est pire : les paparazzi quiprennent les photos, les magazines qui les achètent oules gens qui achètent les magazines. On est tous un peudes paparazzi, en fait.

Quelle est votre « règle numéro un » ?S.B._Etre gentil avec sa mère.T.D._Trop mignon… Mais je pense qu’en ces tempstroublés, la vraie règle numéro un, c’est de ne jamaisrouler une pelle à une prostituée !

_Propos recueillis par F.V.

3 QUESTIONS ÀSTEVE BUSCEMI - TOM DICILLO

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22 I TROIS COULEURS_JUIN 07

PLEIN ÉCRAN Raisons d'État_Robert DE NIRO

e genre semblait émoussé. Et pourtant : loindes stéréotypes propres au film d’agentsecret, Robert De Niro réinvestit avec briole milieu trouble du contre-espionnage.Raisons d’État suit, sur près de trente ans,la trajectoire de l’impénétrable EdwardWilson (Matt Damon, à son apogée). Enrôlé

dans une organisation secrète, l’espion américain estimpliqué dans les événements politiques les plusmarquants du XXe siècle, de la montée du nazisme àl’épisode de la Baie des Cochons, en 1961, qui manqua deprovoquer une troisième guerre mondiale. Accaparé parses missions, ce patriote convaincu néglige sa famille : lafemme qu’il a épousé sans amour (Angelina Jolie) et sonjeune fils, qui va marcher sur ses traces. Edward le taiseux sort tout droit de l’Ulysse de JamesJoyce, odyssée métaphysique placée au centre del’intrigue de Raisons d’État. Dans cette transpositionmoderne marquée, comme le roman, par la recherche dupère, Angelina Jolie campe une Pénélope bouleversante.Joyce mettait en cause le monde moderne. De Niro lestigmatise à travers la Guerre Froide, ramenée à uneaffaire de bureaucrates et de petits commis. Plus qu’ausecret, le cinéaste s’intéresse aux faiblesses fatalesde personnages au devenir tragique. Servi par un casting ébouriffant (John Turturo, AlecBaldwin, Joe Pesci), Raisons d’État affiche une miseen scène classique et élégante, avec des plans tirés aucordeau. Sans ostentation mais avec maestria, ce filmstylisé marque l’entrée de De Niro dans la cour desgrands réalisateurs.

_Sandrine MARQUES

L

Après une œuvre inaugurale t rèspersonnelle (Il était une fois dans le Bronx),l’acteur et réalisateur Robert De Niro signeun film d’espionnage intimiste, où il estautant question de géopolitique que defiliation.

Révélations

ROBERT DE NIROLe Parrain 2 de Francis Ford Coppola (1975). Il remporte l’Oscar pour sa prestation.Voyage au Bout de l’Enfer de Michael Cimino (1978). Il est de nouveau nominé pour l'Oscar du meilleur acteur.Heat de Michael Mann (1995). Duel au sommet avec Al Pacino, à qui il donne la réplique.

EN 3RÔLES

Un film de Robert DE NIROAvec Matt Damon, Angelina Jolie, Robert De Niro…Distribution : Studio Canal // États-Unis, 2006, 2h47

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Pour l’intelligence d’une intrigue qui mêle aux affaires de famille les secrets d’Etat.

Pour les apparitions de Robert De Niro en «général» diabétique, clairvoyant et désabusé.

Pour l’évocation documentée des opérationssouterraines pilotées par les Etats-Unis surl’échiquier mondial.

3RAISONSD’ALLER VOIR CE FILM

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VIDEOFILMES, CELLULOID DREAMS ET SHOTGUN PRESENTENT « SUELY IN THE SKY » AVEC HERMILA GUEDES, GEORGINA CASTRO, JOÃO MIGUEL, ZEZITA MATOS ET LES ENFANTS MATEUS ALVES ET GERKSON CARLOS AVEC LA PARTICIPATION DE MARCÉLIA CARTAXO ET FLÁVIO BAURAQUI RÉALISÉ PAR KARIM AÏNOUZPRODUIT PAR WALTER SALLES, MAURICIO ANDRADE RAMOS, HENGAMEH PANAHI, THOMAS HÄBERLE, PETER ROMMEL PRODUCTEURS ASSOCIÉS CHRISTIAN BAUTE ET LUÍS GALVÃO TELES PRODUCTEUR EXÉCUTIF JOÃO VIEIRA JR CO PRODUCTEUR FADO FILMES D’APRÈS UNE IDÉE ORIGINALE DE MAURICIO ZACHARIAS ET KARIM AÏNOUZSCÉNARIO MAURICIO ZACHARIAS, FELIPE BRAGANÇA ET KARIM AÏNOUZ IMAGE WALTER CARVALHO A.B.C COSTUMES ET DECORS MARCOS PEDROSO CONSEILLER COMÉDIENS FÁTIMA TOLEDO MONTAGE ISABELA MONTEIRO DE CASTRO ET TINA BAZ LE GAL DIRECTEUR DE PRODUCTION DEDETE PARENTE COSTA

MAQUILLAGE MARCOS FREIRE MIXAGE LEANDRO LIMA MONTAGE SON WALDIR XAVIER INGÉNIEUR DU SON BRANKO NESKOV A.C.S SUPERVISION DE LA MUSIQUE BERNA CEPPAS ET KAMAL KASSIM.

un film de karim aïnouz

Sortie le 11 juillet

(o céu de suely)

MEILLEURE ACTRICE FESTIVAL DU CINÉMA BRÉSILIEN PARIS 2007

SÉLECTION OFFICIELLE

VENISE 2006ORIZZONTI

SÉLECTION OFFICIELLE

TORONTO2006

SÉLECTION OFFICIELLE

RIO 2006MEILLEUR FILMMEILLEUR REALISATEURMEILLEURE ACTRICE

Créd

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SOMMAIRESORTIES DU 20 JUIN26_Ocean’s 13 de Steven Soderbergh // London to Brighton de Paul Andrew WilliamsFragile(s) de Martin Valente // Ça rend heureux de Joachim Lafosse

SORTIES DU 27 JUIN28_Cherche fiancé tous frais payés d’Aline Issermann // Buenos Aires 1977 d’Adrián Caetano // Roman de gare de Claude Lelouch

SORTIES DU 04 JUILLET29_The Bubble d’Eytan Fox //Mikey and Nicky d’Elaine May

SORTIES DU 11 JUILLET30_La León de Santiago Otheguy 31_Délice Paloma de Nadir Moknèche // 2 Days in Paris de Julie Delpy // Le Ciel de Suely de Karim Aïnouz

SORTIES DU 18 JUILLET32_Exilé de Johnnie To // Le Jardin des Finzi Contini de Vittorio De Sica

LES ÉVÈNEMENTS MK2_34>35

LE GUIDEDUMERCREDI 20 JUIN AUMARDI 17 JUILLET

DES SALLES

25 I TROIS COULEURS_JUIN 07

Ocean’s 13, un film de Steven Soderbergh

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LE GUIDE_SORTIES DU 20 JUIN

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OCEAN'S 13Un film de Steven SODERBERGHAvec George Clooney, Brad Pitt, Matt Damon, Andy Garcia…Distribution : Warner Bros. France // États-Unis, 2006, 2h02

FRAGILE(S)Un film deMartin VALENTEAvec Jean-Pierre Darroussin, Marie Gillain, Jacques Gamblin…Distribution : Bac Films // France, 2006, 1h47

Inspiré de l’expérience personnelle du réalisateur JoachimLafosse, Ça rend heureux évoque l’extraordinaire aventurehumaine que constitue la création cinématographique.Cinéaste sans emploi animé par l'énergie du désespoir,Fabrizio décide de tourner un nouveau film, essentiellementnourri de son quotidien. Sans moyens, il se propose de menerà bien son projet en mêlant avec pertinence fiction et réalité.Mais en dépit de son ambition, l’entreprise, particulièrementintime, ne manque pas de déstabiliser son entourage.Quelques mois après Nue Propriété, Joachim Lafosse réaliseun film sincère sur les incertitudes inhérentes à l’innovationartistique.

_Oscar PARENGO

Deuxième film du réalisateur Martin Valente après LesAmateurs en 2004, Fragile(s) est une comédie de mœursactuelle, construite autour de plusieurs histoires parallèlesque le destin va réunir. Entre la France et le Portugal, sixpersonnages se croisent, se retrouvent et se séparent, sousl’effet du hasard. Parmi eux, Sara, qui vient de perdre sonemploi, part pour le Portugal avec son amie Isa. Paul, dont ledernier film est un échec, se rend contre son gré à unfestival à Lisbonne. Nina profite d’une tournée musicalepour aller voir son fils qu’elle n’a pas vu depuis des mois…Comédie contemporaine, Fragile(s) est également unsaisissant drame choral.

_Thomas CROISY

LONDON TO BRIGHTONUn film de Paul Andrew WILLIAMSAvec Lorraine Stanley, Georgia Groome, Johnny Harris, Sam Spruell…Distribution : MK2 // Royaume-Uni, 2006, 1h30

Grand Prix du Jury au Festival de Dinard en 2006, London toBrighton est un thriller haletant, dans la meilleure traditiondu cinéma britannique indépendant. Après le meurtre de Duncan Allen, un riche caïd de la pègrelondonienne qui avait payé pour passer la nuit avec elle, lajeune Joanne se réfugie avec sa complice Kelly dans lestoilettes délabrées d’une gare de la capitale. Menacé demort par le clan de Duncan, désireux de venger son chef,Derek, le proxénète de Kelly, se lance alors à la poursuitedes deux jeunes filles. Mais Joanne et Kelly sont déjàmontées dans un train en direction de Brighton…

_A. D.

ÇA REND HEUREUXUn film de Joachim LAFOSSEAvec Fabrizio Rongione, Kris Cuppens, Catherine Salée…Distribution : Haut et Court // Belgique, 2006, 1h25

Troisième volet de la saga «Ocean» après Ocean’s Eleven en2001 et Ocean’s Twelve en 2004, Ocean’s 13 était présentéHors Compétition au 60ème Festival de Cannes.Pour son retour sur les écrans, la bande de Danny Ocean(George Clooney) ambitionne le braquage le plus audacieux deLas Vegas, puisqu’il s’agit de The Bank, l’établissement del’intraitable Willy Bank, interprété par Al Pacino. Afin devenger l’honneur de leur ami Reuben Tishkoff, trahi parBank, nos spécialistes de l’escamotage vont s’en donner àcœur joie pour infliger à l’indésirable une humiliation dignede ce nom. Naturellement, ils choisissent d’opérer le soir del’inauguration...

_Antonin DELIMAL

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28 I TROIS COULEURS_JUIN 07

LE GUIDE_SORTIES DU 27 JUIN

ROMAN DE GAREUn film de Claude LELOUCHAvec Fanny Ardant, Dominique Pinon, Audrey Dana…Distribution : Les Films 13 // France, 2006, 1h43

Réalisé sous le pseudonyme d’Hervé Picard afin d’être jugé en toute objectivité par la critique, Roman de gare était enSélection Officielle au dernier Festival de Cannes, quarante et un ans après la Palme d’Or attribuée à Claude Lelouch pourson film Un Homme et une femme.Auteur à succès, Judith Ralitzer est une femme séduisante en quête de personnages pour son nouveau best-seller.Parallèlement, un tueur en série vient de s’échapper de la prison de la Santé. Quant au personnage d’Huguette, une midinettequi travaille comme coiffeuse dans un grand salon parisien, elle a entre ses mains les moyens de changer leur destin.Construit selon le principe des histoires convergentes que le réalisateur d’Hommes, femmes : mode d’emploi affectionneparticulièrement depuis Les Uns et les autres tourné en 1981, Roman de gare mélange les genres, oscillant avec harmonieentre mélodrame, comédie, film à suspense et road movie. Dans un rôle de séductrice, la comédienne Fanny Ardant trouvel’occasion d’une interprétation inspirée, à la hauteur de sa prestation aux côtés de l’acteur anglais Jeremy Irons dansCallas Forever, réalisé par le cinéaste italien Franco Zeffirelli en 2002.

_O. P.

CHERCHE FIANCÉ TOUS FRAIS PAYÉSUn film d’Aline ISSERMANNAvec Alexandra Lamy, Bruno Salomone, Claudia Cardinale, Isabelle Gélinas…Distribution : ARP Sélection // France, 2005, 1h32

Témoignant des effets du coup d’état militaire de 1976 enArgentine, Buenos Aires 1977 dépeint le quotidien d’unhomme accusé sans fondements, plongé au cœur du milieucarcéral clandestin. Après un bref interrogatoire mené pardes agents du gouvernement militaire, le jeune footballeurClaudio Tamburrini est conduit de force à la «Maison Seré»,un centre de détention du nouveau régime. Soumis à latorture, Claudio survit en dépit des sanctions inhumaines quisévissent au sein du camp. Bientôt, Guillermo, un autredétenu, lui parle d’évasion…Inspiré de faits réels, Buenos Aires 1977 était en Sélectionau dernier Festival de Cannes.

_Florian JARNAC

Comédie sociale pleine de fantaisie, Cherche fiancé tousfrais payés est le cinquième long métrage de la réalisatriceAline Issermann. Alexandra, trente ans, s’apprête à passerles vacances d’été en famille. Peu avant de prendre laroute, elle apprend que sa mère a invité dans la maisonfamiliale son ancien compagnon et sa nouvelle dulcinée.Stupéfaite dans un premier temps, Alexandra décidefinalement d’engager un jeune acteur au chômage et le faitpasser auprès de ses proches pour son fiancé factice...Après Brice de Nice de James Huth, Au suivant ! de JeanneBiras et On va s’aimer d’Ivan Calbérac en 2006, AlexandraLamy s’impose une nouvelle fois dans une comédie populaire.

_T. C.

BUENOS AIRES 1977Un film d’Adrián CAETANOAvec Rodrigo De la Serna, Nazareno Casero, Pablo Echarri…Distribution : Wild Bunch Distribution // Argentine, 2006, 1h42

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29 I TROIS COULEURS_JUIN 07

THE BUBBLEUn film d’Eytan FOXAvec Ohad Knoller, Alon Friedman, Daniella Wircer…Distribution : Ad Vitam // Israël, 2006, 1h57

Après Tu marcheras sur l’eau, sélectionné au Festival de Berlin en 2004 et Yossi et Jagger sorti en 2005, The Bubbleest le nouveau film du réalisateur israélien Eytan Fox.Dans un quartier à la mode de Tel-Aviv, trois jeunes Israéliens, Noam, disquaire, Yali, gérant de café, et Lulu, vendeusedans une boutique de produits de beauté, partagent un appartement. À l’abri au cœur d’une véritable «bulle», surnomégalement donné à la ville, où seules les problématiques de leur vie amoureuse rythment le quotidien, les protagonistesde The Bubble vivent déconnectés de la réalité politique et conflictuelle qui agite le pays. Mais bientôt, l’équilibreharmonieux de leur existence va être bouleversé par une rencontre. En effet, lors d’un incident survenu à Naplouse,Noam tombe amoureux d’Ashraf, un Palestinien… Chronique contemporaine de la vie quotidienne à Tel-Aviv, The Bubbledépeint les fêlures qui demeurent au sein des quartiers de la ville épargnés par la terreur. Réflexion sur les conséquencesdu conflit israélo-palestinien jusque dans la sphère intime de jeunes citadins non politisés, le film d’Eytan Fox met enscène le comédien Ohad Knoller, découvert en 1995 dans Sous l’arbre Domin d’Eli Cohen.

_F. J.

MIKEY AND NICKYUn film d’Elaine MAYAvec Peter Falk, John Cassavetes, Ned Beatty…Distribution : Carlotta Films // États-Unis, 1976, 1h59

En Sélection Officielle au Festival de Cannes cette année dans la section «Cannes Classics», Mikey and Nicky, tournéen 1976, est le troisième film de l’actrice et réalisatrice Elaine May.Apprenant que la mafia a mis sa tête à prix parce qu’il a escroqué un puissant parrain, Nicky appelle Mikey afin de l’aiderà fuir. En cavale dans les rues de Philadelphie, les deux camarades s’interrogent sur la trahison, le regret, et le sens del’amitié. Mais déjà, un tueur s’est lancé à leurs trousses…Présenté à sa sortie dans une version imposée par les studios Paramount, le film respecte désormais le «director’s cut»d’Elaine May. Tourné avec trois caméras afin de laisser libre cours à l’improvisation des acteurs, Mikey and Nicky metà l’honneur des comédiens de renom du cinéma indépendant américain. Peter Falk y côtoie son complice JohnCassavetes, avec lequel il a collaboré sur le tournage d’Husbands aux côtés de Ben Gazzara, et sur celui d’Une femmesous influence. Quant à Ned Beatty, il confirmait à l’époque ses étonnantes qualités d’acteur, quatre ans après saprestation dans Délivrance de John Boorman.

_A. D.

LE GUIDE_SORTIES DU 04 JUILLET

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LE GUIDE_SORTIES DU 11 JUILLET

30 I TROIS COULEURS_JUIN 07

LA LEÓNUn film de Santiago OTHEGUYAvec Jorge Roman, Daniel Valenzuela, Jose Muñoz…Distribution : MK2 // Argentine - France, 2006, 1h25

Premier long métrage du réalisateur argentin Santiago Otheguy, formé à Paris, La León met en scène l’affrontement dedeux hommes au cœur des paysages sensuels de l’Argentine sauvage.Dans le Delta du Paranà, au milieu d’un labyrinthe de rivières indomptées, Alvaro mène une vie humble et solitaire,essentiellement occupée à la pêche et à la coupe des roseaux. Passionné de lecture, ce jeune homme homosexueldétonne parmi les habitants de cette région d’Argentine, qui ont un mode de vie et une culture souvent traditionalistes.Profondément hostile à l’homosexualité affichée d’Alvaro, El Turu, le pilote violent et autoritaire d’un bateau-bus nommé«El León» reliant le territoire à la ville – relais incontournable de toute communication entre les habitants – s’est mis entête de le harceler. Dès lors, une guerre psychologique sans merci s’engage entre les deux hommes...De l’aveu même de son réalisateur, La León est un western dont l’action se situe dans un désert d’eau. Pour servir de décorà son film, Santiago Otheguy a choisi le Rio Paraná, un fleuve mystérieux, déjà mythique du temps de la conquêteespagnole, les navires l’ayant régulièrement emprunté à l’époque pour acheminer l’or et l’argent du Nouveau Mondevers l’Europe. Filmé en haute définition numérique dans un noir et blanc à l’esthétique envoûtante, le delta de Paranáapparaît comme un territoire hors du temps, hypnotique et insolite. Volontiers elliptique dans sa narration, La León metà l’honneur des comédiens de la région, non professionnels. Ils donnent la réplique à deux acteurs confirmés du nouveaucinéma argentin. Parmi eux, Jorge Roman, qui s’est auparavant illustré dans Mon Meilleur Ennemi du cinéaste chilienAlex Bouen, et dans Nordeste de Juan Solanas, trouve dans La León l’occasion d’une interprétation complexe. À sescôtés, Daniel Valenzuela s’impose également après sa prestation remarquée dans L’Ours rouge d’Adrián Caetano.

_A. D.

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DÉLICE PALOMAUn film de Nadir MOKNÈCHEAvec Biyouna, Nadia Kaci, Aylin Prandi…Distribution : Les Films du Losange // France, 2006, 2h14

Troisième collaboration de l’actrice Biyouna avec le réalisateur Nadir Moknèche après Le Harem de Mme Osmane en 2000et Viva Laldjérie en 2004, Délice Paloma suit le parcours d’une femme au fort caractère dans l’Algérie d’aujourd’hui. Toujours prête à rendre service et à trouver des solutions pour chacun, Mme Aldjéria ne recule devant rien pour assurerson quotidien. Véritable bienfaitrice nationale, elle s’est constitué un petit réseau de jeunes filles ambitieuses et peuscrupuleuses, susceptibles de faire fléchir les promesses conjugales de ces messieurs, moyennant rémunération. Paloma,sa dernière recrue, semble depuis son arrivée faire grand effet sur un certain Riyad, le fils de Mme Aldjéria. Au seindu clan, les affaires prospèrent, mais bientôt la patronne décide d’organiser le rachat des thermes de Caracalla…Satirique et parfois désopilant, Délice Paloma n’a rien perdu de la verve des films précédents de Nadir Moknèche,emprunts d’humour et d’humanité. Dans le rôle de Paloma, la comédienne Aylin Prandi se fend d’une prestationremarquable, un an après sa performance aux côtés de Richard Bohringer et de Jean-François Balmer dans La Baladedes éléphants du réalisateur australien Mario Andreacchio.

_O. P.

LE CIEL DE SUELYUn film de Karim AÏNOUZAvec Hermila Guedes, Maria Menezes, Zezita Matos, João Miguel…Distribution : Diaphana Distribution // Brésil, 2006, 1h28

En Sélection Officielle à la Mostra de Venise en 2006, LeCiel de Suely a obtenu le Prix du Meilleur Film au dernierFestival de Rio. Revenue dans son village natal à Iguatu,dans la région du Nordeste brésilien, Hermila est hébergéepar sa grand-mère et sa tante. Alors qu’elle attend le retourde son mari resté à São Paulo, la jeune femme comprendbientôt que celui-ci ne la rejoindra pas. Désargentée, elledécide de mettre sa propre personne en vente à l’occasionde la tombola municipale… Pour sa remarquable performancedans le film, l’actrice Hermila Guedes a reçu le Prix de laMeilleure Actrice au Festival parisien du Cinéma Brésilienen 2007.

_O. P.

2 DAYS IN PARISUn film de Julie DELPYAvec Julie Delpy, Adam Goldberg, Daniel Brühl…Distribution : Rezo Films // France - Allemagne, 2007, 1h36

Après Looking for Jimmy, la comédienne Julie Delpy revientsur ses terres d’origine pour réaliser 2 Days in Paris, uneromance contemporaine aux dialogues enlevés.Afin de donner un souffle nouveau à leur relation, Marion,photographe d’origine française, et Jack, décorateur d’intérieur,quittent New York. Au terme d’un séjour mouvementé à Venise,ils décident de se rendre à Paris, où Marion a gardé desattaches familiales. L’escapade amoureuse tourne court.Entre les parents excentriques de la jeune femme, lesrencontres accidentelles avec ses anciens compagnonset le décalage culturel de Jack qui ne parle pas un mot defrançais, le couple ne trouve aucun répit.

_T. C.

31 I TROIS COULEURS_JUIN 07

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32 I TROIS COULEURS_JUIN 07

EXILÉUn film de Johnnie TOAvec Anthony Wong, Josie Ho, Nick Cheung…Distribution : ARP Sélection // Hongkong, 2006, 1h40

À la fin des années 1990, trois tueurs à gage venus de Hongkong se rendent à Macau afin d’éliminer un des leurs, qui les a trahis. Quelques mois après son diptyque Election 1 & 2 qui relatait les luttes sanglantes opposant deux bandes rivales destriades de Hongkong pour la maîtrise du pouvoir, le cinéaste Johnnie To réalise Exilé, la tentative de rédemption d’unhomme qui fuit le milieu de la pègre avec sa famille, avant d’être rattrapé par son passé. Dans un style visuellementproche de l’univers du cinéaste Sergio Leone auquel il rend hommage, Exilé démontre une nouvelle fois la virtuositéesthétique du metteur en scène de Fulltime Killer. Six ans après The Mission, Johnnie To signe une nouvelle collaborationavec l’acteur Anthony Wong. Dans sa manière de filmer en cinémascope les paysages arides du désert, Exilé rappelleégalement les grands films de Sam Peckinpah tels qu’Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia, Chiens de paille ou encoreLa Horde sauvage. Présenté au Festival de Venise en 2006, Exilé confirme que Johnnie To, qui devrait bientôt fairetourner l’acteur français Alain Delon, est l’un des réalisateurs contemporains les plus étonnants.

_F. J.

LE JARDIN DES FINZI CONTINIUn film de Vittorio DE SICAAvec Lino Capolicchio, Dominique Sanda, Fabio Testi, Romolo Valli…Distribution : Ad Vitam // Italie - Allemagne, 1970, 1h34

En Italie, en 1938, le régime fasciste de Mussolini multiplie les mesures vexatoires contre les Juifs italiens. Au sein ducercle des Finzi Contini, grande famille juive de l’aristocratie de Ferrare, nul ne semble encore deviner les drames quis’annoncent. Dans l’immense parc qui entoure la propriété familiale, Micól et Alberto, les deux enfants adultes de la lignée,continuent de mener pour un temps une vie sociale insouciante. Pourtant, derrière les murs d’enceinte de l’imposantedemeure, la tragédie se prépare…Adaptation du roman éponyme de Giorgio Bassani paru en 1962, Le Jardin des Finzi Contini compte parmi les films les plusréussis du cinéaste Vittorio De Sica. Réalisé six ans aprèsMariage à l’italienne qui réunissait à l’écran Sophia Loren etMarcello Mastroianni, le film a reçu en 1971 l’Ours d’Or au Festival de Berlin, ainsi que l’Oscar du Meilleur Film Étranger àHollywood. Dans l’un de ses premiers rôles au cinéma, l’actrice Dominique Sanda imposait ses grandes qualitésd’interprétation, à l’aube d’une carrière jalonnée de collaborations avec des réalisateurs de renommée internationaletels que Jacques Demy, John Huston, Marguerite Duras ou Bernardo Bertolucci.

_A. D.

LE GUIDE_SORTIES DU 18 JUILLET

Page 33: Trois Couleurs #53 – Juin 2007

la collection de référence en

Disponiblele 13 juin

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MK2 QUAI DE SEINE_Mardi 3 juillet à 20h30_Tarif : 6,90 € ou 5,60 €sur présentation du dernier numéro de Courrier international.

Tous les mois l’hebdomadaire Courrierinternational vous donne rendez-vousavec les journalistes de sa rédaction,pour traiter un sujet d’actualité autourd’un documentaire étranger.

• Le Fugitif ou les vérités d’Hassan du cinéaste canadienJean-Daniel Lafond sera présenté en sa présence et suivid’un débat avec un journaliste de Courrier international.

LES MARDIS DE COURRIER INTERNATIONAL

BERLIN, T.1 ; LES SEPT NAINSET T.2 ; REINHARD LE GOUPIL par Marvano

CINÉ BD

ÉVÉNEMENTS DES SALLES MK2

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TOUS LES SAVOIRS

DANS LES SALLES

Paris Cinéma fête cette année sa cinquième édition du3 au 14 juillet et s’installe au MK2 Bibliothèque pourprésenter sa sélection officielle. Initié et soutenu par laMairie de Paris, présidé par la comédienne CharlotteRampling, ce festival rassemble tous les publics autourd’une programmation éclectique et audacieuse : 300 films,20 lieux et 12 jours de festivités ininterrompues, pour untour d’horizon de la création cinématographique.Cette année, Paris Cinéma met à l’honneur deux grandsnoms du cinéma contemporain, la cinéaste Naomi Kawasequi vient de recevoir le Grand Prix du 60ème Festival deCannes pour son dernier long métrage La Forêt de Mogariet le chef opérateur Christopher Doyle. Hommage à l’unedes rares femmes cinéastes du Japon avec la rétrospectivede ses films les plus marquants ainsi qu’au plus granddirecteur photo de sa génération, qui a notamment signéla lumière d’In The Mood For Love et du dernier film deGus Van Sant Paranoid Park, qui a reçu le Prix du 60ème

anniversaire à Cannes.

AU MK2 QUAI DE LOIRE, LA NUIT EN OR DU COURT MÉTRAGEPrestigieuse programmation pour le Quai de Loire avec unesélection de plus de cinquante courts-métrages primés àtravers le monde en 2007. Après les films « talents Cannes»de l’ADAMI, montrés en introduction, seront présentés leslauréats des Césars en France, des Oscars aux États-Unis,des Baftas en Angleterre, des Goyas en Espagne... Au total, plus de huit heures de courts-métrages àconsommer sans modération !MK2 QUAI DE LOIRE_Jeudi 12 juillet de 19h à 2h.Tarif_4 € pour l’ensemble des séances. Carte Le Pass acceptée.

FESTIVAL PARIS CINÉMA DANS LES SALLES MK2

FOCUS

Un samedi matin par mois, en partenariat avec les éditionsDargaud, des auteurs de bande dessinée présentent un filmde leur choix en salle, puis dédicacent leur ouvrage à lalibrairie. Marvano viendra présenter la réédition de Berlin,T.1 ; Les sept nains, et le nouvel opus Berlin T.2 ; Reinhardle goupil. Deux épisodes tragiques de l’histoire de Berlin, deson bombardement pendant la Seconde Guerre mondiale àson blocus et son enclavement derrière le rideau de fer.

Au cinéma puis à la librairie du MK2 QUAI DE LOIRESamedi 23 juin_11h30_5,90 €. Carte Le Pass acceptée.

• Projection du film Le Troisième Homme de Carol Reedchoisi et présenté par l’auteur.

LE RENDEZ-VOUS DES DOCSTous les derniers lundis du mois,en partenariat avec l’associationDocumentaire sur Grand Écran, unauteur ou un écrivain de cinémavient présenter un film de son choix,et débat à l’issue de la projection sur

les enjeux esthétiques et politiques du documentaire. • Réjane dans la tour et Une Poste à la Courneuve deDominique Cabrera seront présentés par Nicole Brenez,maître de conférences à l’université de Paris 1, auteur deCinémas d’avant-garde.MK2 QUAI DE LOIRE_Lundi 25 juin à 20h30_6,90 € et 5,60 €pour les adhérents de l’association Documentaire sur Grand Écran.Carte Le Pass acceptée.

Comme chaque année, la fête du cinéma revient dans toutesles salles MK2 les dimanche 24, lundi 25 et mardi 26 juin 2007.À toutes les séances, pour l’achat d’une place au tarif plein,un carnet-passeport est remis au spectateur. Celui-ci donneensuite accès à toutes les séances suivantes, au tarif uniquede 2 euros durant les trois jours de l’opération. Alors rendez-vous dans les salles MK2 dès le dimanche 24 juin !

LA FÊTE DU CINÉMA LES 24, 25 ET 26 JUIN

DELIRIOUSFigure emblématique du cinémaindépendant américain depuis Çatourne à Manhattan en 1995, TomDi Cillo réalise avec Delirious (lirearticle pages 20-21) son sixième long-métrage. Le réalisateur s’est intéressé

cette fois à la fascination qu’exerce la célébrité et le showbusiness sur le monde d’aujourd’hui. Un film à découvriren avant-première au MK2 Odéon.MK2 ODÉON_Mardi 3 juillet à 20h_Tarifs en vigueur. Carte Le Pass acceptée.

EN AVANT-PREMIÈRE

LA LÉONLa Léon de Santiago Otheguy (lire articlepage 30) sera présenté en avant-premièrele mardi 3 juillet. L’histoire de deux hommes,comme deux forces contraires, qui vonts’opposer jusqu’à l’affrontement.MK2 BEAUBOURG_Mardi 3 juilletTarifs en vigueur. Carte Le Pass acceptée.

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RETROUVEZ TOUS LES ÉVÉNEMENTS SUR

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POUR LES ENFANTS

THE PRINCESS BRIDE Le MK2 Quai de Seine vous propose Les goûters del’écran, un mercredi matin par mois, en partenariat avecl’association Les Voleurs de Paratonnerres.Ouvert à tous, ce rendez-vous propose, à chacune desséances, une description audio du film pour les enfantsmalvoyants, réalisée en direct par un animateur et audible àtravers des casques. Pour ce troisième rendez-vous, c’estThe Princess Bride de Rob Reiner qui a été choisi.MK2 QUAI DE SEINE_Mercredi 20 juin à 10h _5,90 €. Carte Le Pass acceptée.

LES GOÛTERS DE L’ÉCRAN

Pour cette nouvelle programmation, venez voir ou revoir :Pee Wee de Tim Burton, La Reine soleil de Philippe Leclerc,Le Vilain Petit Canard et moi de Michael Hegner et KarstenKiilerich, Les Contes de Terremer de Goro Miyazaki,Les Vacances de M. Hulot de Jacques Tati et Les FabuleusesFabulettes de Heikki Prepula et Fabrice Luang-Vija.Enfin les enfants vont emmener leurs parents au cinéma! Du 23 mai au 24 juillet dans huit salles MK2.

MK2 JUNIOR SOLEIL ROYAL ET FABULETTES

ROCK’N’DOCS, LA NUIT DU DOCUMENTAIRE ROCK

ÉVÉNEMENT

À l’occasion de la Fête de la Musique,le jeudi 21 juin, l’association Documentairesur Grand Écran et le MK2 Quai deSeine vous proposent de 19h à 7h touteune nuit de documentaires rock. Avecdes inédits (le film de Jeff FeuerzeigThe Devil and Daniel Johnston), desfims cultes (Stop Making Sense), etdes extraits de l’émission Les Enfantsdu rock.

• 19h_Émission Pop 2 de Claude Ventura, La Grande Galèredu rock français : Le Havre de Michel Vuillermet, You’llNever Walk Alone de Jérôme de Missolz et Evelyne Ragoten présence des réalisateurs.

• 22h15_Glastonbury de Julian Temple (en avant-première).

• 01h00_The Devil and Daniel Johnston de Jeff Feuerzeig(pour la première fois à Paris).

• 03h00_Banlieue rock : dernier pogo à Paris de MichelVuillemet, DOA (a right of passage) de Lech Kowalski (séanceprésentée par Lech Kowalski).

• 05h30_Stop Making Sense de Jonathan Demme.

MK2 QUAI DE SEINE_Jeudi 21 juin, de 19h à 7h.Tarifs_6,90 € la séance, 20 € pour l’ensemble des séances.

Réduits (adhérents DSGE, titulaires de la carte Le Pass, chômeurs,étudiants, Seniors, familles nombreuses) : 5,6 € la séance, 15 € pour l’ensembledes séances.Attention ! La carte Le Pass n’est pas acceptée mais donne droit à un tarif réduit.

RENCONTRECLAUDIO PAZIENZA

Le troisième rendez-vous La Nuit Remue,programmé au MK2 Hautefeuille enpartenariat avec la revue Vertigo, seradédié au cinéaste belge d’origineitalienne Claudio Pazienza.

C’est avec Tableau avec chutes, son second long-métrage(1997), que Pazienza se risque à dynamiter les limites du genredocumentaire pour inventer la forme d’une démarche aussihybride qu’atypique, devenue depuis la marque distinctivede son cinéma. Au programme, les projections d’Esprit de bière et Scènesde chasse au sanglier en présence du réalisateur. MK2 HAUTEFEUILLE_Jeudi 21 juin à 20h30_6.80 €_Carte Le Pass non acceptée.

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Temps d’adaptati

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DVD Les adaptations cinématographiques de bandes dessinées

Après la sortie de Persépolis cet été, StevenSpielberg et Joann Sfar plancheraient sur lesadaptations au cinéma de Tintinet du Chat duRabbin, prévues pour 2008. Faire d’une BDun film, plusieurs réalisateurs l’ont déjà tenté.Flashback.

contraint pour l’un, de manière très engagé pour l’autre.Alan Moore, après les adaptations qu’il jugea indignes deFrom Hell et de La Ligue des gentlemen extraordinaires,refusa ainsi que son nom apparaisse au générique deV pour Vendetta, dont il était pourtant le créateur original,et ce au désespoir de deux de ses fans absolus et producteursdu film, les frères Wachowski. Quant à Frank Miller, il a adaptélui-même son Sin City (avec Roberto Rodriguez), ainsi quesa très controversée bande dessinée 300, en respectantscrupuleusement à l’écran une esthétique qu’on peut nepas apprécier, mais qui possède incontestablement une forced’expression rare. Enfin, comment ne pas évoquer le casd’école de cette adaptation d’une bande dessinée mineure,œuvre de commande à un réalisateur désœuvré, et devenuece qui est peut-être le plus grand film de l’année 2005 :History of Violence constitue ainsi un exemple parfait de la

uel point commun entre des films aux profilssi différents que Sin City, Hellboy, History ofViolence, V pour Vendetta et Ghost World ?Ils sont tous adaptés d’une BD. Et cette tendance,

qui s’est dessinée au début des années 1990, semblene pas devoir s’inverser, pour le meilleur et pour le pire…Ce sont les comics de super héros américains qui ont donnéla première impulsion. Avec des scénarios clé en main etune batterie de personnages aux névroses indissociablesde leurs super pouvoirs, Hollywood tenait là une mine d’or,qu’il suffisait de réactiver vingt ans après les premiersSuperman de Christopher Reeves. Et s’il est possible detirer un premier bilan aujourd’hui, après trois Spiderman,autant de X-Men et six (!) Batman, sans compter Daredevilet autre Quatre Fantastiques, il apparaît inévitablementmitigé, et surtout dépendant au plus haut point de lapersonnalité du réalisateur aux commandes. Pour un TimBurton (Batman 1 et 2), un Sam Raimi (même si son dernierSpiderman est un ton au dessous des deux volets précédents,excellents) ou un Guillermo Del Toro (et son splendide etténébreux Hellboy), combien de tâcherons embauchés

par Hollywood pour activer la machine à dollars ? Il fautainsi se souvenir du bide monumental rencontré par notrePitof national avec l’adaptation de Catwoman, malgré laprésence de Halle Berry au générique.Mais au-delà de cette grosse machinerie, la dimension la plusintéressante de cette tendance est à voir dans les adaptationsd’œuvres plus confidentielles ou bien plus ambiguës. DanClowes, auteur majeur de la bande dessinée alternativeaméricaine, adulé par Bret Easton Ellis et Michel Gondry,a ainsi signé deux adaptations de ses propres œuvres avecTerry Zwigoff, Ghost World et Art School Confidential. Si cedernier titre n’a pas soulevé l’enthousiasme du public etde la critique, Ghost World, chronique extraordinairementjuste de l’entrée dans l’âge adulte de deux jeunes filles, estapparue comme la meilleure adaptation de bande dessinéeau cinéma, tous genres confondus. Il faut dire que le filmbénéficia de l’interprétation tout en subtilité de ScarlettJohansson, encore en devenir, et de Thora Birch. Dans unautre registre, les sulfureux Alan Moore et Frank Miller ontaussi emprunté le chemin de l’adaptation, plus ou moins

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