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J Chir 2004,141, N°2 • © Masson, Paris, 2004 125 Revue de presse à une suture interne entre le canal de Wirsung et la muqueuse du grêle, sans drain tuteur transanastomotique. Les pancréatec- tomies gauches étaient réalisées avec une simple fermeture de la tranche pancréatique proximale chez 88 % des malades. Un cu- rage ganglionnaire régional était associé pour les tumeurs mali- gnes. La durée du séjour hospitalier était de 14 jours, mais plus long après pancréatectomie totale (20 jours) et plus courte après DPC avec préservation du pylore (12 jours, p < 0.001). La mor- talité opératoire était de 2 % (n = 10), incluant 4 malades décédés de complications chirurgicales (2 abcès pancréatiques, 1 nécrose du grêle, 1 fistule biliaire), et 6 malades décédés d’une compli- cation médicale (défaillance multiviscérale, complication cardia- que et septique sur cathéter). La morbidité totale était de 36 %, avec une morbidité chirurgicale de 26 %. La complication la plus fréquente étant le retard à la vidange gastrique (14 %). Le taux de fistules pancréatiques était très faible (3,2 %, n = 20), plus élevé après pancréatectomie gauche (5 %). Il n’y a pas eu de mortalité après fistule pancréatique et deux malades ont subi une intervention de drainage. Il y eut 2 % d’abcès intra-abdominaux et 3 % d’hémorragie. La morbidité médicale était de 18 %, prin- cipalement liée à des complications cardiovasculaires (13 %) qui sont survenues principalement après pancréatectomie totale (32 %). Les auteurs concluent que la chirurgie pancréatique s’accom- pagne d’une mortalité et d’un taux de fistule très faibles, et que la morbidité est désormais dominée par la gastroparésie et les complications médicales systémiques. Commentaires 1) Importante série d’un centre « expert » rapportant une mor- talité opératoire inférieure à 2 % et un taux de fistule entre 3 et 5 % selon le type d’exérèse pancréatique (2 à 15 % dans la litté- rature). Cependant, il faut noter que le taux de fistule reste lar- gement influencé par les critères de définition (taux de lipase dans les drains, débit et durée du drainage). De surcroît, une par- tie conséquente des malades ont eu soit un geste pancréatique limité, soit une pancréatectomie totale, soit une pancréatectomie partielle sur pancréatopathie chronique, ce qui peut conduire à sous-estimer le taux de fistule observé après pancréatectomie sur pancréas sain, qui reste une difficulté importante non résolue. 2) Aucun argument objectif ne vient étayer les bénéfices d’une anastomose pancréatico-jéjunale en deux plans [1, 2]. Dans cet- te série, le drainage biliaire préopératoire s’est révélé un facteur de sepsis péri opératoire, et n’a pas eu d’effet sur la réduction du taux d’infection chez 250 malades. L’existence d’un ictère est apparue comme un facteur significatif de risque hémorra- gique postopératoire. Une totalisation de la pancréatectomie a été exceptionnellement indiquée pour le traitement des fistules pancréatiques. Les troubles de l’évacuation gastrique restent un problème fréquent et difficile à résoudre malgré l’utilisation de l’érythromycine. Mots-clés : Pancréas. Traitement. Fistule. 1. Pancreatology 2002;2:116-121. 2. Surgery 2003;34:766–774. Tumeur stromales non résécables traitées par Imatinib : doit-on faire l’ablation des lésions résiduelles ? C. Scaife, K. Hunt, S. Patel, R. Benjamin, M. Burgess, L. Chen, J. Trent, K. Raymond, J. Cormier, P. Pister, R. Pollock, B. Feig Is there a role for surgery in patients with “unresec- table” c KIT + gastrointestinal stromal tumors trea- ted with imatinib mesylate? Am J Surg 2003;186:665-669. Les tumeurs stromales digestives ou GIST expriment à leur sur- face la protéine CD117 produit du gène cKIT. Cette protéine CD117 est un récepteur tyrosine kinase, révélée en immuno- histochimie par les anticorps anti-CD117. L’utilisation d’un in- hibiteur sélectif des tyrosines kinases, l’Imatinib (GLIVEC), a permis d’obtenir des réponses objectives dans 50 à 60 % des cas de tumeurs considérées comme avancées, 12 à 18 mois après leur inclusion [1], sur des critères uniquement radiographiques. De rares cas de réponses complètes ont été rapportés. Cette étude a tenté d’évaluer l’action de l’Imatinib sur ces tumeurs, au cours d’une exploration chirurgicale réalisée après le traitement, la faisabilité, et l’efficacité d’une résec- tion chirurgicale sur les lésions résiduelles après traitement. Entre Janvier 2001 et octobre 2002, 126 malades porteurs d’une tumeur stromale non résécable ont été traités par Ima- tinib. Globalement, les résultats du bilan radiologique après traitement montraient 4 % des malades en rémission com- plète apparente (n = 5), 35 % avec une régression significa- tive de leur tumeur (n = 46), 18 % avec une progression de la maladie (n = 23), 2 % étaient décédés au cours du traite- ment (n = 2). Six malades ont été perdus de vue. Dix sept malades ont eu une résection chirurgicale, en moyenne après 10 mois d’Imatinib (2 à 16), à la dose de 400 mg/j, pour 70 % des malades. Les résultats radiologiques (scanner) mon- traient un malade en rémission complète (6 %), 12 (70 %) en régression partielle, 3 (18 %) stabilisés et 1 (6 %) avec une progression. Le taux de réponse objective chez les malades opérés était donc de 76 %. Un PET Scan, considéré comme le meilleur moyen d’évaluation, a été réalisé chez 11 malades avec 6 malades en rémission complète apparente, 3 en ré- ponse partielle et 2 stabilisés ou en progression. La résection chirurgicale a montré 2 réponses complètes (12 %), 11 ré- ponses partielle (65 %), 3 sans effet apparent du traitement et 1 avec une progression de la maladie. Le scanner était donc inexact pour 30 % des malades, le PET Scan était ici déce- vant avec 64 % d’inexactitude. Seize sur 17 malades ont eu une résection complète des lésions résiduelles, un malade ayant développé une sarcomatose non résécable. Un malade a développé des métastases 7 mois après la chirurgie, a été traité à nouveau par Imatinib puis réopéré avec succès. Le recul moyen de ces malades est de 6 mois (1 à 13) et 14/17 (82 %) sont sans récidive actuelle. Commentaires 1) L’Imatinib a transformé le traitement des tumeurs stromales avancées (non résécables ou métastatiques) avec des taux de ré- ponse objective de 60 à 75 %. Dès que le traitement a atteint son efficacité maximale (en moyenne après un délai de 6 mois), se pose le problème de l’indication de la résection des lésions rési- duelles, car la grande majorité des réponses ne sont que partielles. 2) Cette étude ne permet certainement pas de répondre à cette question, 17 malades seulement sur les 126 ayant eu une chi- rurgie des lésions résiduelles, sur des critères d’ailleurs non dé- finis. Cette approche agressive avec vérification histologique est la seule susceptible de valider la précision diagnostique de l’imagerie et la réponse histologique au traitement. 3) Le message important de cette série est que la majorité des malades porteurs d’une tumeur stromale localement avancée deviennent secondairement résécables. La question suivante, pour laquelle des essais sont en cours, est de préciser la place du traitement adjuvant par Imatinib après exérèse. Mots-clés : Divers. Traitement. Tumeur stromale. Imatinib. 1. J Chir 2002;139:268-273.

Tumeur stromales non résécables traitées par Imatinib : doit-on faire l’ablation des lésions résiduelles ?: C. Scaife, K. Hunt, S. Patel, R. Benjamin, M. Burgess, L. Chen, J

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J Chir 2004,141, N°2 • © Masson, Paris, 2004

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Revue de presse

à une suture interne entre le canal de Wirsung et la muqueusedu grêle, sans drain tuteur transanastomotique. Les pancréatec-tomies gauches étaient réalisées avec une simple fermeture de latranche pancréatique proximale chez 88 % des malades. Un cu-rage ganglionnaire régional était associé pour les tumeurs mali-gnes. La durée du séjour hospitalier était de 14 jours, mais pluslong après pancréatectomie totale (20 jours) et plus courte aprèsDPC avec préservation du pylore (12 jours, p < 0.001). La mor-talité opératoire était de 2 % (n = 10), incluant 4 malades décédésde complications chirurgicales (2 abcès pancréatiques, 1 nécrosedu grêle, 1 fistule biliaire), et 6 malades décédés d’une compli-cation médicale (défaillance multiviscérale, complication cardia-que et septique sur cathéter). La morbidité totale était de 36 %,avec une morbidité chirurgicale de 26 %. La complication laplus fréquente étant le retard à la vidange gastrique (14 %). Letaux de fistules pancréatiques était très faible (3,2 %, n = 20), plusélevé après pancréatectomie gauche (5 %). Il n’y a pas eu demortalité après fistule pancréatique et deux malades ont subi uneintervention de drainage. Il y eut 2 % d’abcès intra-abdominauxet 3 % d’hémorragie. La morbidité médicale était de 18 %, prin-cipalement liée à des complications cardiovasculaires (13 %) quisont survenues principalement après pancréatectomie totale(32 %).Les auteurs concluent que la chirurgie pancréatique s’accom-pagne d’une mortalité et d’un taux de fistule très faibles, et quela morbidité est désormais dominée par la gastroparésie et lescomplications médicales systémiques.

Commentaires1) Importante série d’un centre « expert » rapportant une mor-talité opératoire inférieure à 2 % et un taux de fistule entre 3 et5 % selon le type d’exérèse pancréatique (2 à 15 % dans la litté-rature). Cependant, il faut noter que le taux de fistule reste lar-gement influencé par les critères de définition (taux de lipasedans les drains, débit et durée du drainage). De surcroît, une par-tie conséquente des malades ont eu soit un geste pancréatiquelimité, soit une pancréatectomie totale, soit une pancréatectomiepartielle sur pancréatopathie chronique, ce qui peut conduire àsous-estimer le taux de fistule observé après pancréatectomie surpancréas sain, qui reste une difficulté importante non résolue.2) Aucun argument objectif ne vient étayer les bénéfices d’uneanastomose pancréatico-jéjunale en deux plans [1, 2]. Dans cet-te série, le drainage biliaire préopératoire s’est révélé un facteurde sepsis péri opératoire, et n’a pas eu d’effet sur la réductiondu taux d’infection chez 250 malades. L’existence d’un ictèreest apparue comme un facteur significatif de risque hémorra-gique postopératoire. Une totalisation de la pancréatectomie aété exceptionnellement indiquée pour le traitement des fistulespancréatiques. Les troubles de l’évacuation gastrique restentun problème fréquent et difficile à résoudre malgré l’utilisationde l’érythromycine.

Mots-clés : Pancréas. Traitement. Fistule.

1. Pancreatology 2002;2:116-121.2. Surgery 2003;34:766–774.

Tumeur stromales non résécables traitées par Imatinib : doit-on faire l’ablation des lésions résiduelles ?

C. Scaife, K. Hunt, S. Patel, R. Benjamin, M. Burgess, L. Chen,J. Trent, K. Raymond, J. Cormier, P. Pister, R. Pollock, B. Feig

Is there a role for surgery in patients with “unresec-table” c KIT + gastrointestinal stromal tumors trea-ted with imatinib mesylate?Am J Surg 2003;186:665-669.

Les tumeurs stromales digestives ou GIST expriment à leur sur-face la protéine CD117 produit du gène cKIT. Cette protéineCD117 est un récepteur tyrosine kinase, révélée en immuno-histochimie par les anticorps anti-CD117. L’utilisation d’un in-hibiteur sélectif des tyrosines kinases, l’Imatinib (GLIVEC), apermis d’obtenir des réponses objectives dans 50 à 60 % des casde tumeurs considérées comme avancées, 12 à 18 mois aprèsleur inclusion [1], sur des critères uniquement radiographiques.De rares cas de réponses complètes ont été rapportés.Cette étude a tenté d’évaluer l’action de l’Imatinib sur cestumeurs, au cours d’une exploration chirurgicale réaliséeaprès le traitement, la faisabilité, et l’efficacité d’une résec-tion chirurgicale sur les lésions résiduelles après traitement.Entre Janvier 2001 et octobre 2002, 126 malades porteursd’une tumeur stromale non résécable ont été traités par Ima-tinib. Globalement, les résultats du bilan radiologique aprèstraitement montraient 4 % des malades en rémission com-plète apparente (n = 5), 35 % avec une régression significa-tive de leur tumeur (n = 46), 18 % avec une progression dela maladie (n = 23), 2 % étaient décédés au cours du traite-ment (n = 2). Six malades ont été perdus de vue. Dix septmalades ont eu une résection chirurgicale, en moyenne après10 mois d’Imatinib (2 à 16), à la dose de 400 mg/j, pour 70 %des malades. Les résultats radiologiques (scanner) mon-traient un malade en rémission complète (6 %), 12 (70 %)en régression partielle, 3 (18 %) stabilisés et 1 (6 %) avec une

progression. Le taux de réponse objective chez les maladesopérés était donc de 76 %. Un PET Scan, considéré commele meilleur moyen d’évaluation, a été réalisé chez 11 maladesavec 6 malades en rémission complète apparente, 3 en ré-ponse partielle et 2 stabilisés ou en progression. La résectionchirurgicale a montré 2 réponses complètes (12 %), 11 ré-ponses partielle (65 %), 3 sans effet apparent du traitementet 1 avec une progression de la maladie. Le scanner était doncinexact pour 30 % des malades, le PET Scan était ici déce-vant avec 64 % d’inexactitude. Seize sur 17 malades ont euune résection complète des lésions résiduelles, un maladeayant développé une sarcomatose non résécable. Un maladea développé des métastases 7 mois après la chirurgie, a ététraité à nouveau par Imatinib puis réopéré avec succès. Lerecul moyen de ces malades est de 6 mois (1 à 13) et 14/17(82 %) sont sans récidive actuelle.

Commentaires1) L’Imatinib a transformé le traitement des tumeurs stromalesavancées (non résécables ou métastatiques) avec des taux de ré-ponse objective de 60 à 75 %. Dès que le traitement a atteint sonefficacité maximale (en moyenne après un délai de 6 mois), sepose le problème de l’indication de la résection des lésions rési-duelles, car la grande majorité des réponses ne sont que partielles.2) Cette étude ne permet certainement pas de répondre à cettequestion, 17 malades seulement sur les 126 ayant eu une chi-rurgie des lésions résiduelles, sur des critères d’ailleurs non dé-finis. Cette approche agressive avec vérification histologiqueest la seule susceptible de valider la précision diagnostique del’imagerie et la réponse histologique au traitement.3) Le message important de cette série est que la majorité desmalades porteurs d’une tumeur stromale localement avancéedeviennent secondairement résécables. La question suivante,pour laquelle des essais sont en cours, est de préciser la placedu traitement adjuvant par Imatinib après exérèse.

Mots-clés : Divers. Traitement. Tumeur stromale. Imatinib.

1. J Chir 2002;139:268-273.