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L’évolution psychiatrique 79 (2014) 95–108 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Article original Un changement de paradigme au sein du DSM ? Le cas de la personnalité borderline à l’adolescence , A paradigm shift in DSM? Borderline personality disorder in adolescence Marion Robin a,, Richard Rechtman b a Psychiatre, chef de clinique, département de psychiatrie de l’adolescent, institut mutualiste Montsouris, 42, boulevard Jourdan, 75014 Paris, France b Psychiatre, anthropologue, directeur d’études à l’EHESS, 190, avenue de France, 75013 Paris, France Rec ¸u le 30 aoˆ ut 2011 Résumé La Personnalité borderline adolescente est une entité nosographique psychiatrique relativement récente. Elle a trouvé sa place au sein du Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (DSM) depuis la quatrième version de celui-ci (1994). Les études cliniques effectuées depuis lors ont montré que cette défi- nition permettait aux psychiatres de diagnostiquer ce trouble de fac ¸on fiable et reproductible. Et pourtant, la légitimité de sa place au sein du DSM est aujourd’hui franchement questionnée. La démarche nosographique du DSM étant précisément, à son origine, celle de garantir à la démarche diagnostique psychiatrique une reproductibilité minimale, il apparaît ici que ce sont finalement d’autres déterminants qui vont être décisifs dans le processus de légitimation de ce diagnostic psychiatrique. En effet, l’étude de la validité de construit de la personnalité borderline adolescente, à partir de la validité convergente, de la validité discriminante et de la validité prédictive, relativise significativement la pertinence globale de ce syndrome dans le cadre de l’Evidence Based Medecine. Et, pour la première fois, cet argument est à l’origine du projet de retrait d’un diagnostic dans le cadre de l’élaboration de la future version du DSM. Une hypothèse émerge donc, selon les auteurs, autour de ce qui pourrait être analysé comme un changement de paradigme au sein du DSM. L’enjeu ne serait plus seulement celui de la fidélité entre les observateurs de l’objet psychiatrique, ou « paradigme de l’objectivité », mais bien celui de la validité de construit, c’est-à-dire de la concordance entre la définition établie et l’objet psychiatrique que l’on cherche à identifier, ou « paradigme de la validité ». Nous tenons particulièrement à remercier le Pr Pichot pour son aide et ses précieux conseils. Toute référence à cet article doit porter mention : Robin M, Rechtman R. Un changement de paradigme au sein du DSM ? Le cas de la personnalité borderline à l’adolescence. Evol Psychiatr année:volume:pages (pour la version papier) ou URL et date de consultation (pour la version électronique). Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Robin). 0014-3855/$ see front matter © 2013 Publié par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.evopsy.2013.01.007

Un changement de paradigme au sein du DSM ? Le cas de la personnalité borderline à l’adolescence

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L’évolution psychiatrique 79 (2014) 95–108

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

Article original

Un changement de paradigme au sein du DSM ? Le casde la personnalité borderline à l’adolescence�,��

A paradigm shift in DSM? Borderline personality disorder in adolescence

Marion Robin a,∗, Richard Rechtman b

a Psychiatre, chef de clinique, département de psychiatrie de l’adolescent, institut mutualiste Montsouris,42, boulevard Jourdan, 75014 Paris, France

b Psychiatre, anthropologue, directeur d’études à l’EHESS, 190, avenue de France, 75013 Paris, France

Recu le 30 aout 2011

Résumé

La Personnalité borderline adolescente est une entité nosographique psychiatrique relativement récente.Elle a trouvé sa place au sein du Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (DSM) depuis laquatrième version de celui-ci (1994). Les études cliniques effectuées depuis lors ont montré que cette défi-nition permettait aux psychiatres de diagnostiquer ce trouble de facon fiable et reproductible. Et pourtant, lalégitimité de sa place au sein du DSM est aujourd’hui franchement questionnée. La démarche nosographiquedu DSM étant précisément, à son origine, celle de garantir à la démarche diagnostique psychiatrique unereproductibilité minimale, il apparaît ici que ce sont finalement d’autres déterminants qui vont être décisifsdans le processus de légitimation de ce diagnostic psychiatrique. En effet, l’étude de la validité de construitde la personnalité borderline adolescente, à partir de la validité convergente, de la validité discriminanteet de la validité prédictive, relativise significativement la pertinence globale de ce syndrome dans le cadrede l’Evidence Based Medecine. Et, pour la première fois, cet argument est à l’origine du projet de retraitd’un diagnostic dans le cadre de l’élaboration de la future version du DSM. Une hypothèse émerge donc,selon les auteurs, autour de ce qui pourrait être analysé comme un changement de paradigme au sein duDSM. L’enjeu ne serait plus seulement celui de la fidélité entre les observateurs de l’objet psychiatrique, ou« paradigme de l’objectivité », mais bien celui de la validité de construit, c’est-à-dire de la concordance entrela définition établie et l’objet psychiatrique que l’on cherche à identifier, ou « paradigme de la validité ».

� Nous tenons particulièrement à remercier le Pr Pichot pour son aide et ses précieux conseils.�� Toute référence à cet article doit porter mention : Robin M, Rechtman R. Un changement de paradigme au sein du

DSM ? Le cas de la personnalité borderline à l’adolescence. Evol Psychiatr année:volume:pages (pour la version papier)ou URL et date de consultation (pour la version électronique).

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (M. Robin).

0014-3855/$ – see front matter © 2013 Publié par Elsevier Masson SAS.http://dx.doi.org/10.1016/j.evopsy.2013.01.007

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Cela aurait pour conséquence la visibilité accrue de nouvelles préoccupations autour de la question de lanorme, mais également de l’utilité diagnostique, et donc de la finalité de la catégorisation nosographique.© 2013 Publié par Elsevier Masson SAS.

Mots clés : Nosologie ; Classification psychiatrique ; Nosographie psychiatrique ; Épistémologie ; DSM ; État limite ;Adolescent ; Objectivité ; Validation ; Étude théorique

Abstract

The diagnosis of Borderline Personality Disorder in adolescence has recently been included into theDiagnostic and Statistical Manual (1994) and clinical studies showed that this disorder could be diagnosedreliably with this definition. Although the legitimacy of its place in the DSM is questioned. While DSMnosological approach assume to ensure that psychiatric diagnoses are reliable, it appears that other deter-minants are decisive in the process of legitimation of this pathology. Indeed, international literature showsthat borderline personality disorder in adolescence has a weak construct validity that questioned the validityof this diagnosis in the context of Evidence Based Medicine. For the first time, this argument leads to apossible withdrawal of the category in the next version of the DSM. Authors hypothesize that this could beanalyzed as a paradigm shift in the DSM. The issue is no longer the reliability produced by the diagnosisin a “paradigm of objectivity,” but its construct validity in a “paradigm of validity.” This would result in anincreased visibility of the diagnostic utility in the nosological categorization.© 2013 Published by Elsevier Masson SAS.

Keywords: Nosology; Psychiatric categorization; Psychiatric nosology; Epistemology; DSM; Borderline; Adolescent;Objectivity; Validation; Theoretical study

1. Introduction

Dès la troisième version du Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (DSM),publiée en 1980 [1], un objectif clairement affiché était de permettre d’uniformiser la démarchediagnostique psychiatrique. Il s’agissait de réduire les disparités diagnostiques et épidémiolo-giques d’un pays à l’autre. Le contenu des études cliniques quantitatives confirme aujourd’huil’utilité de cette approche. Qu’il s’agisse de confronter la prévalence d’un trouble dans tel pays àcelle de ce trouble dans tel autre pays, d’explorer certains aspects psychopathologiques ou biende mesurer l’efficacité d’un traitement, obtenir un langage descriptif commun semble aujourd’huichose faite. De ce point de vue, l’objectif du DSM apparaît atteint.

Et pourtant, à y regarder de plus près, l’histoire de la démarche classificatoire du DSM esttraversée de points de rencontre d’intérêts, pas toujours convergents, beaucoup plus complexes.Si l’administration américaine y a trouvé un moyen d’établir des statistiques hospitalières, lesmédecins militaires un moyen de sélectionner les combattants aptes ou inaptes à la poursuite descombats, le système assurantiel un moyen de décider des remboursement des soins, la psychiatrieun moyen de légitimer un savoir clinique dont la scientificité est perpétuellement remise en cause,qu’en est-il aujourd’hui ? Quels sont les principaux intérêts en jeu ? Comment comprendre lesévolutions les plus récentes ? L’outil reste-t-il le même ou change-t-il à mesure que ces usagesvarient ?

À ce titre, la facon dont les troubles de la personnalité intègrent la classification et questionnenten retour cette même classification, nous semble exemplaire des enjeux évolutifs contemporainsdu DSM. C’est au décours de l’apparition de cette nouvelle entité clinique des troubles de per-sonnalité (au cours de la seconde guerre mondiale) que la première version du DSM a vu le jour

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en 1952 [2]. On y trouvait par exemple le diagnostic de « réaction antisociale », (ou par exempledans un autre registre celui de « réaction schizophrénique de type paranoïde »). C’est ensuite aumoment de l’évolution vers le DSM-II [3], et l’éviction progressive des termes diagnostiques,pour trop psychopathologiques, de « réaction à. . . » que des paradoxes sont apparus dans la défi-nition des troubles de personnalité dont une particularité clinique était justement la constatationd’une réaction émotionnelle disproportionnée à tel ou tel événement. Ce fut l’occasion de débatsinterminables sur la possibilité de trouver une définition pour ces entités bien difficiles à objec-tiver. Puis ce fut leur place au sein du DSM, à côté des autres pathologies psychiatriques, qui aété et reste aujourd’hui très débattue (pathologie ou normalité, axe I ou axe II, comorbidité ouco-occurence).

Parmi ces troubles de la personnalité, la construction du concept de personnalité borderline,et particulièrement de sa forme décrite à l’adolescence, nous a paru pertinente pour analyserles modalités actuelles d’évolution du DSM. Objet psychiatrique mal identifié et polymorpheassociant des symptômes anxieux, des symptômes d’allure névrotique (symptômes phobiques,obsessions, conversions), des troubles thymiques atypiques (sans ralentissement psychomoteur,absence de culpabilité, présence de sentiments de rage, de colère de vide, d’ennui et/ou d’abandon),une impulsivité, des conduites de dépendance, des relations interpersonnelles instables, et ponctuéd’épisodes psychiatriques aigus (automutilations, tentatives de suicide, crises d’angoisse aiguë,épisodes psychotiques transitoires), le concept de personnalité borderline n’a, depuis sa concep-tion, cessé de poser la question de son sens et de ses frontières [4]. Le nombre de dénominationsactuelles correspondant à cette entité nosographique vient en témoigner : état, organisation, per-sonnalité, trouble, cas ; limite ou borderline. À l’adolescence, le concept de personnalité borderlinehérite à la fois de cette complexité clinique, et de tout l’enjeu d’une controverse sur l’âge dedétermination d’un trouble de la personnalité de facon plus générale.

2. Une entité diagnostique fiable

La personnalité borderline est aujourd’hui définie sur l’axe II du DSM-IV-TR comme un modegénéral d’instabilité des relations interpersonnelles, de l’image de soi et des affects avec uneimpulsivité marquée, qui apparaît à l’adolescence ou au début de l’âge adulte et est présent dansdes contextes divers. Comme tout trouble de personnalité, la personnalité borderline correspondà « un mode durable des conduites et de l’expérience vécue qui dévie notablement de ce qui estattendu dans la culture de l’individu, qui est envahissant et rigide, qui est stable dans le tempset qui est source d’une souffrance ou d’une altération du fonctionnement » [5]. Cinq des neufcritères de la personnalité borderline (efforts effrénés pour éviter les abandons, instabilité desrelations interpersonnelles, perturbation de l’identité, impulsivité, comportements suicidaires,instabilité affective, sentiment de vide, colères intenses et inappropriées, idéation persécutoiretransitoire) sont requis pour porter le diagnostic. Celui-ci peut également être posé à l’adolescencesur les mêmes critères, et sous certaines conditions : « les différentes catégories de troubles de lapersonnalité peuvent s’appliquer aux enfants et aux adolescents dans les cas relativement rares oùles traits de personnalité inadaptés du sujet semblent envahissants, durables et dépassent le cadred’un stade particulier du développement ou d’un épisode d’un trouble de l’axe I. Il faut savoir queles traits d’un trouble de la personnalité apparaissant dans l’enfance se modifient habituellementavec le passage à l’âge adulte. On ne peut diagnostiquer un trouble de la personnalité chez unepersonne de moins de 18 ans que si les caractéristiques ont été présentes depuis au moins un an »[5].

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La définition de la personnalité borderline adolescente n’est vraiment installée qu’à partirdu DSM-IV (1994). Dans les versions précédentes du manuel, on ne décrit que des « réactionsd’ajustement de l’adolescence », associant des « modification des impulsions et des émotions », oubien des « troubles de l’identité apparaissant avant 18 ans » [1–3]. Bien que les premiers cas, décritspar Geleerd, remontent à 1958 [6], le concept de personnalité borderline à l’adolescence s’estfinalement développé récemment. Les premières études de validation empirique sont apparues àpartir de 1990, avec Ludolph notamment [7]. Depuis, elles n’ont cessé d’évaluer la pertinence dece trouble chez l’adolescent, en tentant notamment de montrer qu’il partage avec celui de l’adulteune phénoménologie commune. Le nombre de publications sur la personnalité borderline, adultecomme adolescente, est croissant, et montre que ce trouble de personnalité est devenu, devantla personnalité psychopathique et la personnalité schizoïde, un très grand moteur de recherchesactuellement (augmentation de 127 % du nombre de publications référencées sur Pubmed entre2000 et 2010). La prévalence du trouble à l’adolescence est évaluée, selon les études, entre 6 et18 % en population générale (ce qui est largement supérieur à celle décrite chez l’adulte, qui est de2 %). Elle est jugée comparable d’un pays à l’autre [8–12]. Les adolescents ayant une personnalitéborderline représenteraient plus de la moitié des adolescents hospitalisés en psychiatrie [13]. Selonles études, le sex-ratio de la personnalité borderline adolescente varierait de 1, dans les études enpopulation générale, à un tiers en population clinique [8,14,15].

Ces études ont plusieurs implications. D’abord, elles montrent qu’on peut rencontrer les critèresde la personnalité borderline adulte chez l’adolescent. Ensuite, que le trouble est fréquent, enpopulation générale comme en population clinique. Il a donc une pertinence du point de vuede la santé publique, en plus d’une pertinence clinique. De plus, le diagnostic est réalisablepar différentes équipes, différents observateurs. Il est donc reproductible. En ce qui concerne lafiabilité diagnostique, les chercheurs ont effectivement montré que la définition de la personnalitéborderline permettait aux psychiatres de diagnostiquer ce trouble chez l’adolescent avec un bonniveau de fiabilité. Ainsi, en ce qui concerne la personnalité borderline adolescente, les étudesréalisées à partir d’entretiens structurés, auraient évalué la fidélité inter-juges entre 0,85 et 0,88,c’est-à-dire à un niveau tout à fait satisfaisant. Les articles portant sur la personnalité borderlineadolescente concluent donc à une validité du concept [16]. La personnalité borderline peut êtrediagnostiquée chez l’adolescent, concluent tous les articles unanimement. Bien que les études demesure de la fidélité interjuge soient très rares à l’adolescence, et bien que les mesures des tauxde prévalence soient assez larges (de 6 à 18 %), il existe un consensus sur la validité du trouble.De ce point de vue, la personnalité borderline adolescente rejoint, malgré la particularité cliniquede l’âge, un grand nombre de catégories nosographiques du DSM (que ce soit la personnalitéborderline adulte ou les troubles de l’axe I), pour lesquelles les critères du DSM-III ou du DSM-IV ont permis d’établir une fidélité interjuge tout à fait honorable, étayant ainsi leur légitimitédiagnostique. Le défi de pouvoir diagnostiquer un trouble quel que soit l’observateur peut doncêtre considéré comme relevé. L’objectivité scientifique de la mesure est démontrée, et rejoint ainsil’objectif du DSM-III et du DSM-IV.

Si la démarche classificatoire, catégorielle, n’est pas née avec le DSM, mais avec les cliniciensclassiques que sont Kraëpelin et Bleuler, la clinique psychiatrique était avant le DSM une affaire de« famille ». Dans l’introduction du DSM-I (qui date de 1952), l’hétérogénéité des enseignementsdes diverses universités américaines est déplorée et mise en avant pour motiver l’intérêt d’unenomenclature uniforme au-delà des critères répondant uniquement aux besoins locaux. Deuxobjectifs seraient ainsi atteints : permettre la collection de statistiques médicales hospitalières,d’une part, et améliorer la communication entre professionnels de l’autre. En fait, une premièrenomenclature avait été élaborée dès 1917 à l’initiative du Comité National pour l’Hygiène Mentale

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(ancêtre du National Institute for Mental Health [NIMH]) qui devancait ainsi les autres spécialitésmédicales dans le travail d’uniformisation des statistiques hospitalières. La collaboration avecl’Association de Psychiatrie Américaine (APA) a abouti à la publication du premier systèmeclassificatoire statistique unique pour les différents hôpitaux du pays, le « Statistical Manual forthe Use of Hospitals for Mental Diseases », qui a ensuite été renommé « Diagnostic and StatisticalManual for Mental Disorders ». Les deux premières versions du DSM relèvent effectivement plusde la nomenclature, en permettant de rassembler de très brèves descriptions cliniques sous unnom commun. Elles n’incluent pas de critères diagnostiques à proprement parler, et ne posentpas vraiment la question de la nature de l’objet clinique qu’elles décrivent. Ce n’est qu’à partirde la critériologie du DSM-III qu’apparaît clairement la volonté de construire un objet cliniqueprécisément défini par un regroupement de critères et incluant des seuils. En effet, il apparaissait,avec le développement d’études épidémiologiques, et malgré l’existence de nomenclatures, unecertaine disparité des résultats entre pays, disparités qui questionnaient directement la qualité dela démarche diagnostique. Les troisième et quatrième versions du DSM ont donc eu pour vocationde résoudre ce problème. Aujourd’hui, presque 60 ans après sa création, le DSM a rempli, pourla plupart de ses catégories diagnostiques, l’objectif de la fiabilité diagnostique, garant selon sesconcepteurs de l’objectivité minimale nécessaire pour favoriser une communication satisfaisanteentre professionnels et l’établissement de statistiques pertinentes.

Et pourtant, à l’occasion de la préparation de la future version du DSM (Ve version), le groupede travail de l’APA responsable de la réflexion sur les troubles de la personnalité, publie uneremise en question du concept de trouble de personnalité, et prévoit l’éviction du diagnostic depersonnalité borderline adolescente [17]. Malgré le fait que ce diagnostic ait, comme les autres, faitses preuves en termes de fiabilité diagnostique, il est dorénavant invalidé et sa place franchementquestionnée au sein des futures versions du DSM. Sur quels arguments s’étaie donc cette décision,si elle n’est pas fondée sur l’hypothèse de l’objectivité scientifique ?

3. Du paradigme de l’objectivité au paradigme de la validité

À l’analyse du livre publié par le groupe de préparation du DSM-V, il apparaît que les deuxarguments principaux de l’invalidation du diagnostic de personnalité borderline adolescente sontcelui de la validité prédictive et celui de l’âge. Ainsi, selon les auteurs, « les traits de personnalitédiagnostiqués à l’adolescence persistent rarement à l’âge adulte, et, par ailleurs le concept detrouble de personnalité ne s’applique pas aux mineurs parce qu’ils n’ont pas encore été confrontésaux tâches élémentaires de la vie adulte » [17]. Effectivement, l’analyse plus précise de la littératureévoquée plus haut sur cette entité diagnostique décrit, outre la fiabilité, une validité de construittrès modeste (évaluée à partir de la validité convergente, de la validité discriminante, ainsi quepar la validité prédictive) [18].

L’analyse de la validité convergente permet d’évaluer la capacité à mesurer ce qui est théori-quement lié à l’entité que l’on cherche à décrire. Elle soutient la pertinence d’un diagnostic si lescomposantes de celui-ci sont hautement corrélées entre elles, et associées à des variables voisinesqui lui sont théoriquement liées. Dans le cas de la personnalité borderline adolescente, l’analysede l’homogénéité des critères diagnostiques montre que celle-ci est modérée et plus faible quechez l’adulte. Les pouvoirs prédictifs des différents critères diagnostiques sont très hétérogènes.La fréquence avec laquelle sont identifiés les neuf critères évolue de 17 % pour le critère des« efforts pour éviter les abandons » à 77 % pour celui de la « colère incontrôlable » [13]. De plus,la force des liens qui unissent les critères de la personnalité borderline adolescente entre eux estégalement inférieure à celle retrouvée chez l’adulte [19,20].

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L’analyse de la validité discriminante est la capacité à ne pas mesurer ce qui est théoriquementdistinct de l’entité que l’on cherche à décrire. Dans ce sens, un diagnostic n’est pas valide si sescomposantes sont hautement corrélées à celles d’autres diagnostics, qui ne sont pas censés y êtredirectement liés. La validité discriminante de la personnalité borderline adolescente s’organiseautour de la distinction entre la personnalité borderline adolescente et les troubles voisins, ceuxde l’axe II comme ceux de l’axe I. La constatation est qu’il existe, dans l’analyse des liens entrela personnalité borderline et les autres troubles de la personnalité à l’adolescence, une tendanceimportante au recouvrement avec les autres entités diagnostiques de l’axe II, mais également del’axe I. L’étude, que Becker a réalisée chez 123 patients, rapporte une occurrence de la dépressiondans 65 % des cas, de la dysthymie dans 30 % des cas, du trouble des conduites dans 55 % des cas,de l’abus d’alcool dans 47 %, de substances dans 40 %, et de l’anxiété dans 24 % des cas [20,21].Concernant l’axe II, la coexistence de troubles de la personnalité chez les adolescents s’étendlargement à tous les troubles de personnalité, et ce, de facon plus prononcée que chez l’adulte. Lapsychopathologie borderline adolescente paraît donc encore plus diffuse que la psychopathologieborderline adulte [19,22].

Les données concernant la validité prédictive (capacité de prédiction d’une deuxième mesurediagnostique à partir d’une première) de la personnalité borderline adolescente montrent des tauxde persistance diagnostique faibles, variant de 26 à 33 % à deux ans [8,23]. Mattanah décrit, à partird’une cohorte suivie deux ans de 70 patients hospitalisés, que les troubles de la personnalité chezl’adolescent sont même moins stables que certains troubles de l’axe I, tels que l’abus de substanceset la dépression [24] ! Finalement, le diagnostic de personnalité borderline adolescente sembleêtre prédictif de troubles de l’axe I, de troubles de l’axe II, et surtout de difficultés fonctionnellesimportantes, mais ne met pas en évidence une spécificité d’évolution vers la personnalité border-line adulte, ni vers la schizophrénie ou la maladie maniaco-dépressive [8,25–28]. La personnalitéborderline adolescente apparaît plutôt comme un goulot d’étranglement aspécifique et transitoirede la pathologie psychiatrique à l’adolescence. De plus, le choix de ses critères essentiellementcomportementaux et peu stables dans le temps rend plus difficile l’exploration développementalede la pathologie sous-jacente (au sens de l’adaptation de l’individu à son environnement dans satrajectoire de développement), limitant ainsi l’approfondissement de sa psychopathologie.

Au total, il ne semble pas y avoir, au vu de ces études, de continuum entre personnalitéborderline adolescente et personnalité borderline adulte. La réticence de nombreux cliniciensà porter le diagnostic de trouble de personnalité dans une période aussi mouvante de la vie quel’adolescence, trouve dans les études concernant la personnalité borderline adolescente un substratempirique tangible. La validité de construit de ce diagnostic est très modeste, suggérant que lasymptomatologie borderline est une entité plus hétérogène, plus diffuse, et peu stable, donc peuprédictive à l’adolescence, ce qui questionne directement la possibilité de poser un tel diagnosticavant 18 ans. Ainsi, la discussion autour de la légitimité du diagnostic à l’adolescence est toujoursvive, et sa place au sein du DSM finalement remise en question.

Il y a donc bien un paradoxe scientifique, puisque le même support de littérature sert de justifi-cation à la scientificité d’un diagnostic sur un argumentaire découlant de l’analyse de la fiabilité,et invalide ce même diagnostic sur un autre argumentaire découlant de l’analyse de la validitéde construit. Cette éviction probable (bien qu’encore incertaine) de la personnalité borderlineadolescente au sein de la cinquième version du DSM suggère l’hypothèse d’un changement deparadigme au sein du DSM. L’enjeu n’y serait plus seulement celui de l’objectivité, c’est-à-direde la fidélité entre les observations de l’objet psychiatrique « construit » (un observateur A etun observateur B s’accordent sur une description commune), mais bien celui de la validité dela définition établie de l’objet psychiatrique « en soi » qu’elle cherche à identifier. La validité de

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construit remplacerait dorénavant la fidélité inter-juges pour être le garant de la légitimité desentités nosographiques du DSM. Et la nouvelle entreprise s’annonce toute autre : il faut cons-truire un concept, et ensuite, vérifier qu’il est cohérent avec la clinique, et pas seulement qu’ilpeut être décrit par tous de facon similaire. Ainsi, le paradigme de la validité remplacerait celuide l’objectivité.

En l’absence de gold standard en psychiatrie, établir la validité d’un diagnostic nécessite d’enproposer une définition, puis de soumettre celle-ci à l’épreuve de l’empirisme, afin d’affiner,de réajuster ou de transformer la proposition initiale. Les critères diagnostiques sont considé-rés comme potentiellement provisoires, et admettent la possibilité d’être conservés ou rejetésselon les résultats des études. Après trente années d’études internationales basées sur les cri-tères du DSM (III puis IV), il semble que la psychiatrie ait en partie réussi à relever le défi dela légitimité scientifique au sein des autres spécialités médicales. La fiabilité diagnostique enétait le substrat initial et l’élément confirmatoire. Mais ces trente années de recherche amènentégalement au constat, actuellement partagé, de la limite de l’approche catégorielle en psychia-trie. À partir du DSM-III, qui marque le début d’une large diffusion de l’ouvrage, l’éclatementdes quelques catégories cliniques initiales aboutit à de multiples et permanentes comorbidités,dont on ne sait même plus si l’on doit en parler en ces termes ou en termes de co-occurrence,tant les cliniciens ont conscience de décrire un processus morbide commun, artificiellementéparpillé.

La création de catégories organise la pensée médicale et la clarifie. Elle est en adéquationavec la démarche de prise de décision propre au praticien, qui se fait en oui/non (malade/nonmalade, traiter/ne pas traiter). La désignation en catégories implique théoriquement trois aspects :l’homogénéité des éléments d’une classe diagnostique, des limites clairement établies entreclasses, ainsi qu’une exclusion mutuelle entre elles. L’hétérogénéité unanimement reconnue descritères diagnostiques de la personnalité borderline adolescente, l’absence de frontières claire-ment établies, et la fréquence des recouvrements avec les autres troubles en font le contre-exemplele plus caricatural de la démarche catégorielle. La multiplicité des co-morbidités est même proba-blement l’élément clinique le plus spécifique de la pathologie borderline, adulte ou adolescente,car, comme le souligne Akiskal [29], la personnalité borderline représente le diagnostic qui a leplus de promiscuité avec toutes les catégories diagnostiques. D’ailleurs, l’absence d’argumentpour considérer que les catégories diagnostiques psychiatriques sont des entités discrètes, sépa-rées nettement les unes des autres, est spécifiée dès l’introduction du DSM. L’exemple choisi yest justement celui de la personnalité borderline [5]. La place frontière de la personnalité bor-derline, frontière entre l’axe I et l’axe II et frontière entre la pathologie mentale et la normalité,participe certainement au fait que ce diagnostic cristallise aujourd’hui les principales discussionsthéorico-cliniques à propos du DSM. En témoigne le nombre de communications sur la personna-lité borderline au sein des plus récents congrès de l’APA : près d’un tiers des symposia du congrèsde 2009 dédiés aux pathologies sont consacrés à la personnalité borderline, près de deux tiers entout si l’on compte avec l’état de stress post traumatique, les dépendances et abus, et les troublesde personnalité de facon générale (les autres troubles de personnalité y sont très peu abordés).Ainsi, lorsque la zone frontière entre deux entités (entre personnalité borderline et absence detrouble de personnalité, comme entre anxiété et dépression. . .) n’est pas une frontière statistique,c’est-à-dire une zone de rareté (forme clinique intermédiaire rarement observée), c’est un seuilarbitraire qui s’impose, un artifice lié au point de rupture dichotomique de critères décrivant pour-tant une réalité continue [30]. Et, dans le cas de la personnalité borderline adolescente, commepour les autres catégories du DSM, dorénavant les études déplorent très régulièrement l’absencede signification clinique des seuils [16,30].

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Peu d’éléments étayent aujourd’hui la validité de construit de la catégorie borderline ado-lescente sur des arguments empiriques, mais peu d’éléments étayent également l’usage de lacatégorie en psychiatrie de facon plus générale. Pour un nombre croissant de chercheurs, la caté-gorie ne résiste pas à la tentative de validation des troubles psychiques. Kendler, tête de prouede la recherche en génétique de la psychiatrie des 30 dernières années, avouait avec humour, aucongrès de l’APA 2009, que « la génétique se fiche complètement du DSM ». Le résultat de cetteprise de conscience est la remise en cause de l’idée même de catégorie, en faveur de celle dedimension.

La perspective dimensionnelle est donc centrale, dans le cadre de l’élaboration du DSM-V. Ainsi sont présentées les situations cliniques selon des arguments quantitatifs continus. Cetteméthode paraît effectivement plus adaptée à la description de phénomènes cliniques qui ne sont passéparés par des frontières, mais s’inscrivent au contraire dans un continuum. Ainsi, seraient déve-loppées pour le DSM-V, des dimensions « prototypiques » de la personnalité borderline, commel’impulsivité, la réactivité émotionnelle, l’insécurité de l’attachement. . . La mesure dimension-nelle permet la communication d’un nombre plus grand d’informations (notamment les données« sub-cliniques » qui disparaissent dans un système catégoriel dichotomique). Là où le catégorielfait appel à la notion de symptôme (état présent ou absent, comme pourrait l’être l’hyperréactivitéémotionnelle), le dimensionnel décrit un trait qui peut évoluer tout au long de l’existence entredeux extrêmes (comme peut l’être l’intensité de la réactivité émotionnelle). Ainsi, en théorie,la dimension s’affranchit de la question du seuil et donc de la norme. C’est en tout cas la voiechoisie par les auteurs des groupes de travail préparatoires du DSM-V : « notre proposition per-met de faciliter l’utilisation des concepts sur la personnalité, à travers des facettes et prototypesde personnalité, qui peuvent être utilisés indépendamment de l’établissement d’un diagnostic detrouble de personnalité de l’adulte » [17]. À moins que l’approche dimensionnelle ne fasse querepousser plus loin cette question. Dans un premier paradigme centré sur la fiabilité diagnostique,le caractère arbitraire des seuils est en effet bien moins problématique que dans un second sys-tème basé sur la validité de construit. Peu importe si la frontière était mal placée dans un premiersystème, tant que tous la voyaient au même endroit. Penser la dimension ou créer d’autres caté-gories impose dorénavant de questionner sous un nouveau jour la frontière entre le normal et lepathologique.

4. Les déterminants de la norme au sein du Manuel Diagnostique et Statistique desTroubles Mentaux

L’élaboration de la norme au sein des DSM-III et IV a reposé principalement sur les notionsde déviation notable vis-à-vis de ce qui est attendu dans la culture de l’individu, sur ce qui estenvahissant et rigide, et ce qui est source de souffrance ou d’une altération du fonctionnementcliniquement significative. Il peut s’agir d’une altération du fonctionnement social, professionnel,scolaire, ou judiciaire. À partir de quel seuil une altération du fonctionnement ou une souffrancedevient-elle cliniquement significative ? C’est la principale question sur laquelle s’ajustent entreeux les professionnels, au cours de leur formation aux entretiens cliniques ou de recherche. Etcela dépend étroitement du contexte. À partir de quel seuil la colère ou les variations de l’humeurdécrites par un adolescent s’écartent-elles notablement de ce qui est attendu dans sa culture ?Faut-il choisir le critère de durée, mais lequel ? Celui d’intensité, mais lequel ? Faut-il se fier auxconséquences qui poussent le sujet à agir de manière surprenante pour les autres (c’est-à-dire quele trouble soit objectivé par un témoin « neutre ») ? Ce n’est donc peut-être pas tant le symptômelui-même qui préoccupe, mais le contexte dans lequel il s’inscrit en lien avec une certaine norme.

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Et, dans le cas de la personnalité borderline adolescente, le seuil correspond donc étroitement auxreprésentations normatives de l’adolescence dans un contexte social donné, en l’occurrence dansune société post-moderne. Or, la place du contexte a été volontairement exclue entre la premièreet la deuxième version du DSM, dans le sens où celui-ci n’apparaît jamais comme critère pourjustifier le caractère pathologique ou non d’un symptôme ou d’un trouble. Le choix qui consisteà décrire un trouble sans son contexte permet de dissocier le fait psychique de l’événementsocial auquel peut être attribuée toute forme de causalité. Le positionnement athéorique du DSM,cherchant à éviter d’interminables débats sur les origines de la maladie psychique, a repousséplus loin la question de la norme, la laissant au jugement de chacun dans le terme « cliniquementsignificatif ». Le jugement du clinicien s’en affranchit relativement aisément par l’expérience.Mais le DSM est-il destiné aux cliniciens ? Oui dans les textes. L’introduction du DSM, depuissa troisième version, donne au manuel pour objectif, outre ceux déjà développés, d’être un outild’utilité clinique, et non restreint à la recherche, comme beaucoup le croient. Certains critiquentjustement l’usage du manuel à des fins de recherche, du fait de la nature du parti pris précisémentdans cette question normative. Selon Horwitz et Wakefield, les entretiens standardisés basés sur lacritériologie du DSM produisent une surestimation inévitable de la pathologie mentale, notammentdans le cadre des enquêtes épidémiologiques dont le but est d’évaluer la prévalence des différentstroubles psychiques en population générale. Pour les auteurs, une question standardisée simpleportant sur un symptôme et détachée de son contexte ne permet pas de distinguer ce que l’onpeut rapporter à une souffrance existentielle ou à un processus sous-jacent de maladie mentale,alors que les personnes qui recherchent des soins ont, elles, la particularité de s’appuyer surl’information contextuelle pour prendre la décision de consulter [31]. En ce qui concerne lapersonnalité borderline, la question est, là encore, plus complexe et plus emblématique que pourle reste des catégories, car les définitions les plus historiques du trouble (1884) incluaient déjàdans la spécificité clinique de ce trouble le caractère réactionnel de formes de psychoses brèves.Les cliniciens ont, depuis les origines de la personnalité limite ou borderline, trouvé un facteurprécipitant les symptômes dans l’environnement émotionnel du sujet.

Aujourd’hui, la question de la norme semble participer activement, au-delà même de la questionde la validité, à la déconstruction du diagnostic de personnalité borderline adolescente. Parmi lesarguments qui justifient l’éviction du diagnostic de personnalité borderline adolescente dans leDSM-V, le fait de pouvoir ou non « réaliser les tâches élémentaires de la vie adulte » constitue lenouveau critère normatif, sans plus de légitimité scientifique après déplacement de la norme dansun système dimensionnel. Et nous observons que l’évolution du DSM depuis ses objectifs initiauxvers ceux que l’on pressent au vu des publications plus récentes, aboutit à une visibilité accruede la question de la norme. L’absence de signification clinique des seuils entrave la démarchethérapeutique du clinicien, car elle lui donne l’illusion d’une catégorie, mais pourtant, aucunefonctionnalité thérapeutique n’en découle. La prescription d’un traitement face à un trouble depersonnalité borderline ne dépendra pas de la présence ou non des cinq critères diagnostiques,mais de bien d’autres aspects. La catégorie n’est donc pas l’équivalent d’une maladie au sensmédical pragmatique : une maladie implique un traitement.

Pour autant, doit on considérer que la validation de la nosographie en psychiatrie est uneillusion dès lors qu’elle repose sur des entités continues entre elles, et continues avec ce qui estconsidéré comme la norme ? L’analyse des facteurs de validité des troubles somatiques, tels qu’ilsont été repris et analysés par Robins et Guze [32], montre à quel point la psychiatrie est effec-tivement en défaut par rapport aux autres spécialités sur ses arguments de validité : descriptionclinique et physiopathologique du trouble, examens para-cliniques, délimitation avec les autrestroubles, études de devenir, études familiales. Notamment, la question de l’étiologie (au sens de

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l’origine de la maladie) représente une impasse épistémologique en psychiatrie, dans la mesureoù il ne peut être établi de relation de cause à effet linéaire entre un évènement social ou interper-sonnel et un symptôme, un gène et un symptôme, une molécule et un symptôme. La psychiatriebiologique notamment en arrive aujourd’hui à ce constat d’une non-linéarité étiologique, et déve-loppe ainsi les modèles bio-psycho-sociaux et développementaux de la pathologie. Ceux-ci sontlargement multifactoriels, et tous les facteurs étiologiques supposés sont envisagés sous l’angled’une interaction, notamment d’une interaction gène–environnement, dans laquelle la solution àla question de l’ « œuf ou de la poule » s’éloigne de jour en jour au vu des découvertes de l’effetde l’environnement sur l’ADN. De plus, lorsque certaines étiologies ont été découvertes par lepassé, les pathologies concernées sont sorties du champ de la psychiatrie pour entrer dans ceuxde la neurologie ou de la génétique (cas de la syphilis, de la trisomie, de la phénylcétonurie,de l’X fragile) [33]. La psychiatrie ne possède pas de symptôme pathognomonique comme lapathologie infectieuse avec le signe de Köplick ; elle ne possède pas de zone de rareté sympto-matique comme la neurologie (entre la migraine et les autres céphalées), ou la génétique avec latrisomie (rareté relative des formes mosaïques) ; elle ne possède pas de test paraclinique ; elle nepossède pas de critère d’exclusion, comme l’atteinte du système nerveux périphérique permettantd’éliminer le diagnostic de sclérose en plaques ; ses études de devenir n’ont pas, contrairementà la cardiologie avec l’étude de Framingham, permis de déterminer les seuils normatifs en fonc-tion des complications observées au long cours chez les patients. Enfin, les études familialesont abouti à une vision multigénique de la pathologie psychiatrique, aboutissant au concept de« spectre » (affectif, schizophrénique), plus qu’à celui de maladie. Par exemple, le gène 22q11,à l’origine du syndrome vélocardiofacial, semble représenter un facteur de risque de la schizo-phrénie mais aussi du trouble bipolaire ; les trois gènes de « prédilection » de la maladie bipolaire(chromosomes 13, 18, 22) semblent contribuer au risque de schizophrénie [34]. De même, lesbases génétiques de l’anxiété ne sont pas, pour l’instant, distinguées de celles de la dépression[35]. Celles de la schizophrénie recouvrent également le domaine de la personnalité schizotypique[36], etc.

Le flou qui existe en psychiatrie au niveau des frontières entre les entités morbides amène àquestionner finalement la définition du terme « maladie ». Certes, il n’existe pas d’homogénéitéentre les niveaux d’abstraction pour décrire les pathologies « somatiques » : maladies infectieusesreprésentées par leur étiologie, maladies hormonales définies par une norme physiologique, can-cers définis par l’anatomopathologie, pathologies neurologiques définies par les symptômes. L’onne voit pas pourquoi la psychiatrie ne se réduirait qu’à un niveau. Depuis la fin du xixe siècle,c’est le concept dit réaliste de la maladie qui a été le modèle dominant en psychiatrie, c’est-à-direque la maladie est envisagée comme la modification démontrable d’un fonctionnement biologiqueadaptatif. Kraëpelin, par exemple, décrivait la démence précoce et la maladie maniaco-dépressive,dans leur symptomatologie et leur devenir, supposant que leurs étiologies seraient découvertesau fur et à mesure des avancées en neuropathologie, génétique, et psychologie expérimentale. Ilabandonna d’ailleurs assez vite l’idée que ces deux entités diagnostiques étaient bien différenciéeset en proposa une approche dimensionnelle [33]. Selon le modèle réaliste, la description phéno-ménologique de la maladie (symptomatologie, évolution, issue) ne suffit pas à établir un modèlevalide. Dans le cas de la personnalité borderline adolescente, la démonstration objective de la« modification d’un fonctionnement biologique adaptatif » suppose l’établissement préalable demodèles de fonctionnement psychique lors de la période adolescente. Si, dans le cas des conflitspsychiques, la qualité « adaptative » d’un dysfonctionnement est considérée comme possible, lanotion de maladie reposerait principalement sur les éléments de l’évolution, au vu de ce queproduit la crise.

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La perspective idéaliste, dans laquelle la maladie est « ce qui vient faire défaut dans une sociétédont l’objectif idéal est la bonne santé », rapproche de la conception actuelle de la maladie selonl’Organisation Mondiale de la Santé : il s’agit de la conception d’un idéalisme social, qui peinecertainement à offrir des concepts suffisamment pertinents pour différencier ce qu’est une maladie,au sein d’une période aussi instable et peu idéale que peut l’être l’adolescence.

La définition statistique et normative de la maladie, est manifestement celle qui est privi-légiée par le DSM, sous le terme de « dysfonctionnement », vis-à-vis de « ce qui est attendudans la culture ». Son application à la personnalité borderline adolescente est discutable : peut-onenvisager que 15 % des adolescents ont ce trouble psychiatrique ? La médecine somatique estplus habituée à fixer ses seuils pathologiques autour de 5 %. L’inconvénient principal de cetteapproche, outre sa dimension provocante à l’égard des déviances sociales, est son absence defonctionnalité sur le plan thérapeutique, puisque le seuil de la pathologie de correspond pas à unseuil décisionnel. Or, quelle est l’utilité de définir avec exactitude un diagnostic, s’il ne sert pasà prendre des décisions directement en rapport avec ses seuils ? Isoler une maladie correspondd’abord, dans la démarche médicale, à la volonté de traiter cette maladie. Or, l’expérience cli-nique nous montre que les décisions thérapeutiques prises pour les adolescents borderline tout aulong de leurs soins sont plus conditionnées par des dimensions isolées comme l’impulsivité, lescomportements suicidaires, l’angoisse ou la qualité de la dynamique familiale, que par le statut« borderline » lui-même. De plus, les données de la littérature, sont en faveur d’une associationdu trouble à un mauvais fonctionnement global, dès l’existence de quelques critères du diagnostic[25,26,28]. Autrement dit, le seuil défini des cinq critères diagnostiques ne correspond pas àune différence marquée en termes de pronostic fonctionnel. Pour Miller, comme pour Linehan,cette association de traits borderline à un mauvais fonctionnement global justifie une interven-tion médicale, qu’elle soit à visée thérapeutique ou préventive [16,37]. L’on peut supposer quela démarche est considérée comme thérapeutique au dessus de cinq critères de la personnalitéborderline adolescente et préventive en decà. Le seuil catégoriel ne serait donc pas utile pourdéfinir l’action médicale, mais sa nature. Dans ce cas, il n’y a pas de recouvrement entre le groupe« malade » et le groupe « à traiter ».

Nous observons, avec l’élaboration du DSM-V et la déconstruction des catégories, l’actualitébrûlante de la question du sens, de la finalité de la tentative nosographique. Puisque la notionde seuil ne découle pas d’une évidence statistique liée à des frontières entre les différents diag-nostics, alors elle est produite par sa fonction. La fonction du seuil dépend de la fonction dudiagnostic lui-même. Spitzer a défini dans le DSM-III l’utilité d’un diagnostic comme étant sacapacité à fournir des informations pertinentes sur les caractéristiques (clinique, étiologie, cor-rélats biologiques et sociaux, facteurs de risque, pronostic, traitement) de la maladie décrite,ainsi que de favoriser une communication inter-équipes, en soins ou en recherche [1]. Si jusquelà, la fonction de communication a été privilégiée puis atteinte, l’inadéquation entre les seuilschoisis jusqu’alors et leur pertinence clinique, psychopathologique, pronostique ou thérapeutiqueest quasi systématiquement déplorée dans la discussion des études quantitatives. Ce manque depertinence clinique représente la principale entrave à la diffusion du DSM auprès des cliniciens,puisqu’il ne constitue pas aujourd’hui un outil d’aide à la décision thérapeutique. En revanche,force est de constater que le DSM a été investi par l’espace social non médical, que ce soit par lessystèmes légal, assurantiel, ou par les associations de patients, et d’une facon générale largementpar le grand public. En 1999, le gouvernement anglais a légiféré sur les conditions d’exceptionaux lois pénales : étaient exclues de la responsabilité pénale les personnes qui ne jouissaientpas de « toutes leurs facultés mentales ». La question s’est donc posée de savoir si les patientsprésentant des troubles de la personnalité avaient ou non une maladie mentale expliquant une

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perte de leurs facultés psychiques. La conséquence potentiellement pénale du diagnostic portéde trouble de personnalité demande à intégrer au sein du raisonnement clinique permettant dedéfinir un diagnostic, une dimension non médicale. Ensuite, à l’interface médecins-patients, lesystème assurantiel américain constitue un facteur important, si ce n’est finalement le plus déter-minant, d’utilité diagnostique. Les patients et les médecins (et certaines firmes pharmaceutiques)partagent ici un intérêt commun à la reconnaissance de la pathologie psychique qui les réunit, cequi représente également un facteur d’influence sur l’établissement du seuil décisionnel. L’intérêtdes patients est également à envisager sous un autre aspect, car leurs représentations du troublepsychique ont également évolué récemment. Dans cet éparpillement clinique caractéristique dutrouble borderline, la critériologie, qui a effectivement permis de clarifier le savoir, au risquede trop le simplifier, semble constituer pour les patients et leurs familles un bénéfice certain. Ilapparaît, à la lecture de blogs et de sites Internet d’associations de patients ayant une personna-lité borderline, que patients et familles combattent d’abord la méconnaissance du diagnostic depersonnalité borderline par les professionnels de la santé, malgré une prévalence en populationgénérale adulte de deux fois celle de la schizophrénie. La personnalité borderline y est décritecomme ayant longtemps été un diagnostic « poubelle », utilisé par des « psy qui ne comprenaientpas de quoi la personne souffrait, alors qu’ils constataient qu’elle avait des problèmes psychiquesaux conséquences sérieuses » (site www.aapel.org). Ici, il semble que l’effet de réassurance liéeà l’établissement de critères diagnostiques par une psychiatrie dite « scientifique » se suffise àlui-même et s’affranchisse de la question de ses seuils. Ainsi, les résultats des études nosogra-phiques sont et seront aussi analysés et acceptés en fonction de ces facteurs extérieurs au champde la psychiatrie. La remise en question des catégories nosographiques interroge directement lapossibilité d’un compromis entre ces rapports de force.

5. Conclusion

L’analyse de l’utilité diagnostique révèle que le diagnostic de personnalité borderline ado-lescente a été, dans les 20 dernières années, le moteur d’un grand nombre de recherches. Lesrecherches étaient d’abord centrées sur une quête de fiabilité, qui permettait de produire desoutils de communication, des outils cliniques communs entre professionnels, en même tempsqu’elle attribuait une légitimité scientifique minimale à la psychiatrie parmi les autres spécialités.Un observateur A et un observateur B pouvaient s’accorder sur une définition commune, quigarantissait une objectivité minimale. Cette perspective a été celle du DSM-III et du DSM-IV, etcorrespondait au paradigme de l’objectivité. L’obtention de la fiabilité diagnostique a été ainsientérinée. L’annonce d’une éventuelle éviction de ce même diagnostic de personnalité borderlineadolescente dans le DSM-V, se justifie aujourd’hui par de nouveaux arguments, qui laissent penserqu’un glissement est en train de se produire, un changement de paradigme, dans lequel la quête defiabilité laisse progressivement place à la quête de validité. Après avoir vérifié que nous parlionstous du même objet psychiatrique, il faut désormais être certain que ce que nous avons définiet dont nous parlons ensemble présente suffisamment de pertinence. Et l’entreprise du DSM-Vs’annonce comme une remise en cause de la conception même de l’objet, avec passage d’unedémarche de construction d’un objet psychiatrique à celle de description d’un objet psychiatriqueen soi. La personnalité borderline adolescente pourrait, dans ce sens, être l’entité catégorielle quiaura résisté à la première entreprise nosographique, mais pas à la seconde. Plus encore, cette entitéd’une incomparable complexité pourrait être considérée comme le symbole de l’ébranlement dusystème catégoriel classique, avec comme conséquence la visibilité croissante des déterminantsen jeu dans l’établissement des futures entités nosographiques en psychiatrie.

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Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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