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Educateur 10 | 2016 | 33 fenêtre sur le monde/ carnet de voyage Jean-Michel Rousseau Sala et sa population Le village de Sala, de son vrai nom «Seila», a été créé il y a environ trois-cents ans par des Mossis, une des ethnies du Burkina Faso, et il compte actuellement quelque trois-mille habitants. La grande majorité pratique l’agriculture familiale de mai à novembre, de type extensif (sorgho blanc et rouge, maïs, riz et petit mil). La construction d’une re- tenue d’eau depuis 1998 a permis à une partie de la po- pulation de s’adonner à des cultures de contre-saison, notamment le jardinage des oignons, des carottes, des tomates, etc. Pourquoi le village de Sala a-t-il tardivement pris cause pour l’école moderne? Avant l’arrivée des colons, l’éducation s’était toujours faite dans le cercle familial ou communautaire, de ma- nière traditionnelle. La cérémonie de l’initiation était notamment très importante: il s’agissait de regrouper les jeunes garçons et les jeunes filles, qui étaient alors circoncis ou excisées, puis confronté-e-s aux rudi- ments de la vie. L’école moderne introduite par les co- lons était d’abord réservée aux centres urbains puis au chef-lieu de canton. Le village de Sala a quant à lui vécu une expérience malheureuse avec «l’école des Blancs» et les villageois se sont détournés de ce type d’éducation pendant des décennies. En effet, avant l’indépendance, un enfant Un établissement secondaire à Sala, Burkina Faso: quête du savoir pour vivre et exister Grâce à la vision d’un homme, enfant du village, un collège/lycée a ouvert ses portes à Sala, en 2014. «C’est un établissement privé parce je souhaite contrôler la qualité de l’ensei- gnement qui y est dispensé, parce que je veux que les paysans aient aussi accès à la quali- té. Je veux et je travaillerai à ce que le taux de succès soit le même, sinon supérieur à ceux des meilleures écoles du pays. Si vous voulez accompagner mon rêve, vous êtes le bienve- nu.» (Dr Issa Nébié Ouedraogo) de Sala a eu la chance d’aller à l’école française; très brillant, il obtint tous ses diplômes (certificat, brevet d’études secondaires et baccalauréat) et il fut admis dans une université française. Après y avoir eu son di- plôme, il s’est installé en France et n’a gardé que des contacts épisodiques avec sa famille et son village. Il a passé de longues années en France sans donner de nouvelles. Depuis, les habitants de Sala, sciemment ou inconsciemment, ont tourné le dos à l’école, pour ne pas se faire «voler» d’autres enfants. De plus, l’éloignement du village par rapport au chef- lieu du canton, distant de trente kilomètres, où était lo- calisée la seule école primaire de la zone, n’a pas favo- risé l’accès à l’école pour les jeunes enfants. Le système éducatif au Burkina Faso a trois ni- veaux: primaire (enfants de 6 à 13 ans), secondaire (12 à 18 ans, regroupant le collège et le lycée), puis l’université. Le taux d’inscription des filles est inférieur à ce- lui des garçons pour tous les niveaux. Pour l’école primaire, il est de l’ordre de 37% pour les garçons contre 24% pour les filles. Le gouvernement burkinabé tente de remédier à cet écart en organisant des campagnes de promo- tion. Le Burkina Faso, surnommé le Pays des hommes intègres, est une ancienne colonie française située au cœur de l’Afrique de l’Ouest, qui a acquis son in- dépendance le 5 août 1960. Le pays compte dix-huit millions d’habitants, et est un des plus pauvres de la planète, classé 181e (sur 187) au niveau de l’indice de développement humain du PNUD (le Programme des Nations Unies pour le développement). Facebook: École Diarradougou «A» à Bododioulasso

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Educateur 10 | 2016 | 33

fenêtre sur le monde/ carnet de voyage

Jean-Michel Rousseau

Sala et sa populationLe village de Sala, de son vrai nom «Seila», a été créé il y a environ trois-cents ans par des Mossis, une des ethnies du Burkina Faso, et il compte actuellement quelque trois-mille habitants.La grande majorité pratique l’agriculture familiale de mai à novembre, de type extensif (sorgho blanc et rouge, maïs, riz et petit mil). La construction d’une re-tenue d’eau depuis 1998 a permis à une partie de la po-pulation de s’adonner à des cultures de contre-saison, notamment le jardinage des oignons, des carottes, des tomates, etc.

Pourquoi le village de Sala a-t-il tardivement pris cause pour l’école moderne?Avant l’arrivée des colons, l’éducation s’était toujours faite dans le cercle familial ou communautaire, de ma-nière traditionnelle. La cérémonie de l’initiation était notamment très importante: il s’agissait de regrouper les jeunes garçons et les jeunes filles, qui étaient alors circoncis ou excisées, puis confronté-e-s aux rudi-ments de la vie. L’école moderne introduite par les co-lons était d’abord réservée aux centres urbains puis au chef-lieu de canton. Le village de Sala a quant à lui vécu une expérience malheureuse avec «l’école des Blancs» et les villageois se sont détournés de ce type d’éducation pendant des décennies. En effet, avant l’indépendance, un enfant

Un établissement secondaire à Sala, Burkina Faso: quête du savoir pour vivre et existerGrâce à la vision d’un homme, enfant du village, un collège/lycée a ouvert ses portes à Sala, en 2014. «C’est un établissement privé parce je souhaite contrôler la qualité de l’ensei-gnement qui y est dispensé, parce que je veux que les paysans aient aussi accès à la quali-té. Je veux et je travaillerai à ce que le taux de succès soit le même, sinon supérieur à ceux des meilleures écoles du pays. Si vous voulez accompagner mon rêve, vous êtes le bienve-nu.» (Dr Issa Nébié Ouedraogo)

de Sala a eu la chance d’aller à l’école française; très brillant, il obtint tous ses diplômes (certificat, brevet d’études secondaires et baccalauréat) et il fut admis dans une université française. Après y avoir eu son di-plôme, il s’est installé en France et n’a gardé que des contacts épisodiques avec sa famille et son village. Il a passé de longues années en France sans donner de nouvelles. Depuis, les habitants de Sala, sciemment ou inconsciemment, ont tourné le dos à l’école, pour ne pas se faire «voler» d’autres enfants.De plus, l’éloignement du village par rapport au chef-lieu du canton, distant de trente kilomètres, où était lo-calisée la seule école primaire de la zone, n’a pas favo-risé l’accès à l’école pour les jeunes enfants.

Le système éducatif au Burkina Faso a trois ni-veaux: primaire (enfants de 6 à 13 ans), secondaire (12 à 18 ans, regroupant le collège et le lycée), puis l’université. Le taux d’inscription des filles est inférieur à ce-lui des garçons pour tous les niveaux. Pour l’école primaire, il est de l’ordre de 37% pour les garçons contre 24% pour les filles.Le gouvernement burkinabé tente de remédier à cet écart en organisant des campagnes de promo-tion.

Le Burkina Faso, surnommé le Pays des hommes intègres, est une ancienne colonie française située au cœur de l’Afrique de l’Ouest, qui a acquis son in-dépendance le 5 août 1960. Le pays compte dix-huit millions d’habitants, et est un des plus pauvres de la planète, classé 181e (sur 187) au niveau de l’indice de développement humain du PNUD (le Programme des Nations Unies pour le développement).

Facebook: École Diarradougou «A» à Bododioulasso

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Pourquoi faut-il un établissement d’enseignement secondaire à Sala?Tous les villages de la commune de Bougnounou, à laquelle appartient le village de Sala, disposent désor-mais, grâce au soutien du gouvernement ou sur leur propre initiative, d’une école primaire. Mais à la fin du cycle primaire, il faut se tourner vers le seul collège/lycée de la zone, situé à Bougnounou, dont la classe de 6e compte en moyenne cent-vingt élèves.Les résultats scolaires y se sont avérés catastrophiques; en témoigne le taux d’échec au brevet d’études du se-condaire: autour de 20% pour 2013/2014. Ces mauvais résultats s’expliquent par le nombre bien trop impor-tant d’élèves par classe, un mauvais encadrement, les conditions de vie difficiles des élèves (logement, res-tauration, transport et absence de soutien familial, etc.), des enseignants démotivés et le non-accompagne-ment des familles, en raison du fort taux d’analphabé-tisme – plus de 90% – de la population adulte dans la région.

Une classe de plus chaque annéeGrâce à l’engagement du Dr Issa Nébié Ouedraogo, enfant du village, chercheur au Centre national de re-cherche et de formation sur le paludisme à Ouagadou-gou, le Collège/Lycée privé Tiknaba a ouvert ses portes à Sala en 2014.Suite à de longs et âpres efforts, le Dr Ouedraogo a pu concrétiser sa vision d’un développement qui passe par l’éducation, avec l’ouverture d’une première classe (la 6e) à la rentrée 2014/2015 avec un effectif de trente-huit élèves, dont vingt-et-une filles et dix-sept garçons.L’établissement Tiknaba (qui signifie en langue mooré «s’adosser au chef») se veut un cadre d’excellence pour les enfants déshérités, orphelins ou issus des couches sociales les plus défavorisées. Il est laïque, mixte et of-frira un milieu idéal pour l’épanouissement des jeunes filles, encore trop souvent victimes de l’arrêt des études après l’école primaire. Un cadre attractif et un environ-nement incitatif seront créés pour attirer des ensei-gnants de qualité, ce qui permettra d’obtenir des résul-tats comparables à ceux des meilleures écoles du pays (qui se trouvent en zone urbaine). De plus, Tiknaba permettra de désengorger les établissements publics secondaires les plus proches. L’initiateur de ce projet a pour ambition de contribuer à réduire le fossé entre l’instruction donnée en milieu urbain et celle donnée en milieu rural. L’établissement est privé, car le Dr Ouedraogo veut pouvoir contrô-

ler la qualité de l’enseignement dispensé. Ceci est un véritable défi, surtout dans un environnement où la pauvreté est endémique, où il n’y a ni eau courante ni électricité. L’idée est d’ouvrir une classe supplémentaire chaque année, avec la première promotion de l’école, pour finir avec les sept classes du secondaire, de la 6e à la terminale. Sur le long terme, le Dr Ouedraogo souhaite y ajouter un centre d’enseignement technique orienté vers les besoins du milieu rural.

Les sources de financementGrâce à des fonds propres, une surface de cinq hec-tares a été acquise et l’étude architecturale réalisée. Un bâtiment faisant office d’administration provisoire a été construit, ainsi que quatre salles de classe (pour le col-lège), certaines attendant encore les travaux de finition. Le rêve est en marche.Le professeur Giampietro Corradin, de l’Institut de bio-chimie de l’Université de Lausanne, grâce à un plai-doyer actif, a contribué à la finition des deux premières salles de classe et à l’acquisition des bancs et du maté-riel indispensable pour accueillir les premiers élèves. Il a également permis de récolter des fonds pour l’électri-fication de l’établissement par l’énergie solaire en dé-cembre 2014. Il reste cependant beaucoup à faire pour avoir réel-lement un cadre propice à l’acquisition du savoir (construction des autres salles de classe, des bâtiments administratifs, d’une bibliothèque, d’une salle d’études, d’une salle multimédia, etc.). •

Un appel est lancé à tous les donateurs pour ac-compagner ce rêve d’aider des enfants totalement démunis en quête de savoir pour vivre, exister et s’épanouir dans un environnement de paix.Il est important de préciser que les dons seront in-tégralement versés à l’école de Sala et qu’un rapport sera envoyé aux donateurs par courrier électronique sur l’utilisation de l’argent envoyé.

Par virement bancaire Nom du compte: OUEDRAOGO NEBIE ISSA LYCEE T – 11 BP 482 Ouagadougou 11 CMS, Burkina Faso

No de compte: 050123600002Code de la banque: BF134 – Clé RIB: 80IBAN: BF42BF134010015012360000280Code de l'agence: 01001Code SWIFT: ATBFBFBFXXXBanque Atlantique Burkina FasoImmeuble Nouria Holding, Rue de l’hôtel de ville01 BP 3407 Ouagadougou 01 Burkina FasoTél : +226 50 49 24 46 à 50

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