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disponible sur internet et par courriel sur www.peisey-nancroix.fr

version papier sur demande en mairie

un été avec le loup

Voilà un sujet bien mordant qui oblige à s’attaquer à au moins trois mythes : celui d’une nature immuable, bien

compartimentée entre le domestique et le sauvage,

celui du berger biblique, campé pour le meilleur et pour le pire au milieu de ses brebis,

celui du loup, maître de tout un équilibre biologique, ne tuant que pour se nourrir et soulageant la nature prioritairement des bêtes affaiblies.

Las… en réalité : notre montagne est un espace jardiné de bas

en haut depuis des siècles, très fréquenté en toutes saisons,

les bergers ne vivent plus en complète symbiose avec leurs bêtes,

le loup tue aussi par plaisir, jeu… et pour l’apprentissage de ses jeunes.

Tout l’été les journaux ont relatés des drames. Mais tout le monde n’a pas la même lecture de ces articles ! Il ne nous a donc pas semblé superflu de faire le point sur toutes ces réalités et leurs échos dans notre commune.

Ce dossier a pour but de donner les éclairages spécifiques à notre vallée : rien n’est plus dommageable que les affabulations (bien que sire loup soit une vedette des fables de tous temps !). Il a été rédigé à plusieurs mains. Nous espérons que vous apprécierez notre volonté de donner une base collective à un sujet brûlant : à propos du loup, les discussions à bâtons rompus ne tournent pas toujours bien. Pourtant, dans les mois qui viennent, différents organismes vont prendre des décisions qu’il faudra bien appréhender localement ! Pour qu’une solidarité naisse sur de bonnes bases, encore faut-il partir de faits avérés et d’une connaissance minimale des rouages décisionnaires.

Hurler au loup ?

Loup y es-tu ? « canis lupus » et « canis lupus familiaris » (le chien)

Des millénaires de cohabitation naturelle entre hommes et loups dans nos montagnes se sont soldés par la disparition du second à la toute fin du 19ième siècle. Surpopulation humaine et apparition des armes à feu ont eu raison de ce voisin incommode, plus souvent appelé « bête immonde ». A cette époque, la surface forestière de Peisey était réduite à son minimum : la mine de plomb argentifère, grande consommatrice de bois, venait de cesser son activité. Le loup devait sans doute faire du chemin pour trouver où se cacher (avec compère l’ours). Et les animaux à se mettre sous la dent ne devaient pas être légion, ni bien gras. Annexion de la Savoie par la France, exode rural et guerres : la population de la vallée a été quasiment divisée par 4 en un siècle et demi : l’humain a pour ainsi dire partiellement quitté la montagne en même temps que le loup. Tout compte fait, notre vallée a vécu un peu plus d’un siècle avec une population amoindrie et sans le loup. Puis le grand prédateur est revenu en catimini depuis le versant italien des Alpes occidentales. Sa présence était notée depuis plusieurs années mais il s’agissait de loups isolés prospectant discrètement de nouveaux territoires. L’installation de meutes révèle que le loup se sent assez bien…pour séjourner en famille. Le contexte a bien changé pour lui ! La forêt a repoussé partout, le gibier abonde. Des moutons bien gras sont disséminés partout ! Quelle aubaine : non seulement les troupeaux sont plus grands, à disposition jour et nuit, mais les bergers sont moins nombreux et moins présents. Par contre les humains d’une façon générale ne tiennent pas en place. Ils surgissent n’importe où, quittant sans crier gare routes et voitures…ou bien glissant sur la neige ! Ca complique !

Les moutons de Peisey

Les moutons comptent parmi les premiers compagnons des hommes au même titre que les loups domestiqués. Toutes les familles en possédaient quelques-uns. Les plus pauvres n’avaient que ça. Dans les vieilles maisons on peut encore voir le mobilier qui servait à leur faire passer l’hiver dans la pièce commune: sous les lits et les bancs! En ce temps-là, leur laine était importante: les montagnards n’utilisaient guère d’autres fibres pour se vêtir. Les moutons grignotaient dans les coins des prés et des alpages, parfois regroupés en troupeaux parfois non. Ils étaient rentrés le soir ou entassés dans un de ces petits cercles de pierres disséminés dans la montagne. Pas question de les laisser seuls la nuit.

Quand le loup a tiré sa révérence, les troupeaux ont grossi: il est devenu envisageable d’en vivre. Dernièrement, l’avènement des filets de clôture électriques a encore amélioré le travail des bergers: ces outils empêchent les moutons de sortir d’un espace défini (mais pas le prédateur d’y rentrer!). Une période rose pour les moutons? Rien de moins sûr: les chiens sont assez souvent retournés à leurs bas instincts de chasseurs. Les chiens abandonnés par les vacanciers, les saisonniers, les chiens de chasse en goguette mais aussi les chiens de bergers mal nourris (depuis quand monte-t-on des croquettes canines en montagne ?) ont causé des drames dont tout le monde se souvient.

Plus discrets mais sans merci pour les nouveaux nés, agneaux, chevreaux ou veaux: corbeaux, corneilles, renards … ces charognards prolifèrent grâce aux déchets que nous laissons encore trop souvent à leur portée.

Actuellement, si l’on évalue selon la qualité et le nombre des exploitations, ce sont les entreprises familiales qui sont les plus nombreuses : comptant jusqu’à 150 bêtes, de races plus ou moins locales, toutes obligatoirement marquées à la naissance.

environ 150 moutons pour le GAEC Alpin, qui passent l’hiver à Nancroix et l’été à la Tchiaupe, hors de la commune;

environ 50 moutons pour la bergerie Trésallet, qui passent l’hiver à Peisey dans une bergerie neuve, le printemps sous les cascades et l’été au cœur du Parc national de la Vanoise (PNV). Cette bergerie a signé un contrat MAEC (acceptation de mesures de protection des milieux naturels contre subvention) avec le Parc;

depuis cette année M. Clément-Guy de Landry monte l’été plus d’une centaine de bêtes, séparées en trois troupeaux : l’un avec berger au Caroley, l’autre au Mont Blanc de Peisey (Landry) et le troisième au crêt de la Fouli (Peisey);

quelques habitants de Peisey disposent encore de très petits troupeaux de moutons et chèvres. Pour le plaisir !

Tous ces moutons sont en semi-liberté à la belle saison : le berger n’est jamais loin, il les compte tous les jours, il tend des filets pour qu’ils n’approchent pas des falaises (ou ne redescendent pas à la maison sur un coup de cafard !), il donne du sel régulièrement. Mais ni lui ni ses chiens ne dorment avec eux.

En Tarentaise on ne valorise pas le lait des brebis. Les agneaux nés en fin d’hiver tètent tout le lait de leur mère. A l’automne, une partie d’entre eux sera vendue pour la viande. La laine ne rapporte plus grand-chose. Elle n’est plus travaillée sur place (Filature la plus proche: Arpin à Séez). En tout état de cause, l’élevage des moutons ne suffit pas à faire vivre les familles. La pluriactivité s’impose: emploi aux remontées mécaniques, monitorat de ski, artisanat. A noter que la chèvrerie Sainte Agathe à Moulin compte plus d’une centaine de chèvres. La vente de leur lait sous forme de fromage suffit pratiquement à faire vivre le berger toute l’année.

A côté de cela, et bien que la Tarentaise n’ait jamais été une destination de la grande transhumance provençale (envisageable seulement depuis que le transport du bétail peut se faire en camion), 1 600 moutons de race méridionale arrivent en juin accompagnés d’un berger d’Europe de l’Est, salarié par un GAEC du midi… et de ses chiens patous. Ces moutons vont évoluer jusqu’en octobre aux Lauyes (espaces privés) et à la Sévolière (alpage communal), jusqu’en bordure du Parc national de la Vanoise. Les moutons sont au parc électrique de 17 h à 10 h le lendemain, avec leurs chiens, le berger étant au chalet. Surpâturage et problèmes entre patous et promeneurs sont régulièrement à déplorer.

A noter encore que, mis à part les micro-troupeaux, toutes ces exploitations perçoivent des subventions européennes proportionnelles à la taille de leur troupeau, apport essentiel pour certaines.

Des monts et des mythes

Ni le loup ni l’agneau ne sont des animaux ordinaires: ce sont des symboles et leur statut dans nos mythologies se sont radicalement inversés au cours de ces dernières décennies, quoique l’un reste toujours au sommet de la pyramide alimentaire quand l’autre est tout en bas.

Sinon pourquoi le loup serait-il affublé de nos jours de tant de qualités : bel animal, rusé, capable de solidarité, digne de respect, voir de tendresse, parangon de la gestion naturelle des milieux, après avoir été diabolisé pendant des siècles ? Pendant que le mouton chutait au rang d’idiot, grégaire, destructeur, indigne de pitié ?

L’histoire du loup passe par la louve maternelle de Rome ; Ysengrin le loup stupide (moyen âge) ; le loup berné des trois petits cochons ou de « Pierre et le loup » ; le loup sans pitié des fables de La Fontaine ou de la chèvre de Mr Seguin ; le terrifiant loup-garou ; le loup fin stratège du petit chaperon rouge ; le menteur du « loup et les 7 chevreaux » ; les loups parents idéaux du livre de la jungle ; le loup qui boit de la tisane et mange de l’herbe dans Marlaguette ; le loup en salopette du « grand méchant loup » ; les loups solidaires de Croc-Blanc.

Le mouton quant à lui n’a jamais été un héros. Dans notre imaginaire il passe de l’agneau pascal… aux brebis comploteuses du « Génie des alpages » de F’mur, en passant par le mouton de panurge ! Il prend sa revanche dans l’art baroque de nos églises, sagement assis au pied de St Jean Baptiste ou pleurant couché sur le livre saint. Il faut dire que rares sont les saints qui ont fait carrière grâce à un loup. Le breton St Hervé réussit à en atteler un à une charrue, le forçant à faire le travail de l’âne qu’il venait de manger… Puis Saint François d’Assise s’en fit un ami, qu’il envoya mendier en ville à sa place. L’Eglise reconnait une bonne dizaine de St Loup, mais il s’agissait d’un prénom. Dans certaines situations délicates, il pouvait être fort à propos de prier St François de Sales, saint patron de la Savoie: l’arbre dans lequel ce pacifique évêque passa la nuit pour échapper à une meute est toujours debout et vénéré !

Protection du loup : la législation qui s’applique

La fameuse convention de Bern a été rédigée en 1979. Elle est entrée en vigueur le 1er juin 1982, ratifiée immédiatement par l’Union Européenne. A partir de là, chaque Etat membre devait traduire cet accord dans sa propre législation. La France a eu besoin de 8 ans pour y parvenir, en 1990. (1992 : 1ière observation officielle de loups en France dans le Mercantour). La convention de Bern est assortie d’une liste rouge des animaux à protéger strictement. Le loup n’y a été inscrit que 18 ans après la signature de la convention, soit depuis 2010 (l’Europe de l’est et du nord, où le loup n’est ni rare, ni en danger n’ayant pas la même vision des choses). 2010, c’est aussi l’année du « Grenelle 2 » qui remplace le « code de l’environnement », lui-même remplaçant du code rural de 1976. A noter que dans ces textes il est toujours prévu des « exceptions aux règles de stricte protection » pour « prévenir des dommages importants aux cultures et à l’élevage ». Les conditions d’instruction des dérogations sont définies par l’arrêté ministériel du 19 février 2007, modifié par celui du 28 mai 2009. Bref : tous ces textes sont relativement récents. Ils ont été ratifiés dans la polémique au fur et à mesure que le loup réinvestissait l’ouest de l’Europe.

Actuellement, quel que soit le motif, tuer intentionnellement un loup expose à poursuites, amendes très élevées et emprisonnement. La légitime défense pour une attaque à une personne humaine n’a pas encore été invoquée. Un berger dont le troupeau est attaqué n’a pas le droit de se défendre en tuant le loup.

Les tirs sur des loups ne sont autorisés que dans des conditions très restrictives : après autorisation préfectorale, sur un secteur très défini, aux abords immédiats du troupeau victime, par une personne agréée : les lieutenants de louveterie, les chasseurs ayant suivi une formation (une dizaine l’ont fait sur Peisey), le berger lui-même, seulement s’il a un permis de chasse et a suivi la formation. Les personnes autorisées doivent intervenir au minimum en binômes. Mais un seul d’entre eux à le droit de tirer (les autres sont aux jumelles). L’utilisation de lampes est autorisée si la battue a lieu la nuit. La tenue d’un registre avec tous les détails de l’action de chasse est obligatoire. Le 18 juillet dernier, un arrêté ministériel a fixé à 40 le nombre de loups à « prélever » à l’échelle nationale, sur une population totale mal évaluée, excédant les 360 bêtes. Sachant qu’au-delà d’un seuil de 32 loups morts (y compris les loups accidentés sur la route ou autre) les tirs ne sont plus autorisés. Le quota est national : il n’y a pas de répartition officielle par territoire. Par contre, il existe bien une répartition officieuse : le fait qu’à la mi-septembre 2017, 9 loups aient été tués en Savoie, serait considéré comme un maximum admissible par les autorités.

Les attaques en Savoie (Données: le loup en Vanoise. Bilan PNV 2016)

Chaque année, environ une dizaine d’éleveurs est concernée en cœur de PNV (16 constats en 2016, pour 147 moutons, 9 chèvres, 3 bovins et 1 chien) mais trois fois plus aux abords du PNV, en AOA (aire optimale d’adhésion).

Années 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016

Nbr de constats d’attaques indemnisées en Savoie hors attaques non indemnisées …

105 103 117 102 141 190 280

Nbr. de victimes indemnisées en Savoie 2016 : année de prise en compte des animaux non retrou-vés. 2016 : 160 victimes dans le PNV, 464 en AOA, 1151 dans le reste de la Savoie

468 623 453 389 629 878 1 775

% de victimes dans le PNV 13 % 8 % 21 % 16 % 8 % 13 % 9 %

Les animaux de Peisey attaqués au cours de l’été 2017

Au cours de cet été, ce sont malheureusement les troupeaux familiaux qui ont payé le prix fort. 5 Chèvres ont disparu au printemps chez Guy Baudin.

La 2è attaque a eu lieu le 22 juillet, en plein jour, comme les 2 suivantes, sur le troupeau du GAEC Alpin à la Tchiaupe. Peu de brebis ont été intégralement dévorées : la plupart ont été tuées dans le cadre d’un apprentissage de chasse pour de jeunes loups. Une demande d’autorisation de tir défensif a été présentée en DDT (direction départementale des territoires) le 25 juillet. Autorisation rapidement accordée (en 4 jours ; 4 attaques avaient néanmoins déjà eu lieu). Mais voilà : l’alpage de la Tchiaupe, comme beaucoup, s’étale sur 1 commune (Champagny) tout en étant partiellement propriété d’une autre (Bellentre), elle-même récemment fondue dans une commune nouvelle : La Plagne-Tarentaise. C’est donc le maire de cette commune qui est intervenu (on aurait presque soupçonné le loup de savoir lire les cadastres…). Comme les moutons sont originaires de Peisey où ils passent 3 saisons sur 4, il a fallu faire une autre demande sur cette commune. Le GAEC a obtenu des autorisations de « tirs de défense simplifiés ». (Pour obtenir une autorisation de « tirs de défense renforcés » il faut avoir au moins un patou…qui n’a pas pu tenir le loup à distance). Ces autorisations ont été abrogées le 30 août et remplacées par un arrêté préfectoral pour « tirs de prélèvement » valable jusqu’en juin 2020 sur Peisey et Bellentre, sans mention du nombre de loups : c’est le reliquat du quota général qui en décide. Bien sûr, quand tout a été mis en place, les loups repus avaient pris la poudre d’escampette… A ce jour : 33 moutons tués, 23 indemnisations prévues. S’il veut s’équiper de chiens, le GAEC a le choix entre le berger d’Anatolie et le patou, le premier plus gros et plus agressif que le second. Qui va être gagnant ? Probablement personne.

2 autres attaques ont eu lieu sur un troupeau Clément-Guy: 3 victimes à chaque fois. Les brebis du Cret de la Fouli ont été attaquées ; les survivantes ont été descendues sous les cascades, avec l’intention de leur faire rejoindre celles du Mont Blanc de Peisey. Elles n’en ont pas eu le temps : elles ont été de nouveau attaquées, assez près d’habitations !

En haut de Pracompuet, Pierre Trésallet a installé autour de ses moutons un réseau de lampes qui font des flashes irréguliers la nuit.

La chèvrerie Sainte Agathe, qui dispose d’un parc pour la nuit et de patous, a obtenu le 21 août, une autorisation pour des tirs de défense valable jusqu’en 2020 sur Landry (alpage du Rey) et Peisey (au Triu et Côte Moulin).

On déplore bien sûr que Peisey ne soit de loin pas le seul théâtre de ces drames : au cœur de l’été 1 attaque par jour en Tarentaise. Certains ont perdu jusqu’à 50 moutons. On a du ramener en vallée des troupeaux de génisses trop souvent attaquées (y compris celui du GAEC Alpin). La Maurienne subit ce régime depuis plus d’une décennie…

Constats d’attaques et indemnisations

Dans le jargon administratif, c’est avec une extrême réticence qu’on mentionne le loup, à plus forte raison ses méfaits. On n’écrit pas «dommages causés par le loup» mais «dommages pour lesquels la responsabilité d’un grand prédateur n’a pu être écartée». Ce qui indique un certain niveau de prudence !

Contrairement à ce qui se passe pour le sanglier (qui n’est pas protégé mais «nuisible» et pour les méfaits duquel les sociétés de chasse sont financièrement mises à contribution) les sommes versées au titre d’une «indemnisation grand prédateur» sont versées par l’Etat via le ministère de l’agriculture, dans le cadre du «plan loup». Le montant estimé à l’échelle du pays approche pour 2017 les 26 millions d’euros.

Qui fait les constats d’attaque ? En cœur de PNV : le personnel du parc ; partout ailleurs : l’ONCFS (office national de la chasse et de la faune sauvage).

Le berger sera indemnisé si la preuve est faite que ses moutons ont bien été victimes du loup (et non d’un chien). Depuis 2016, l’indemnisation est envisagée aussi pour les bêtes non directement mordues mais néanmoins perdues : dérochées dans la panique, survivantes qui ne se rétabliront pas de leurs blessures, bêtes introuvables. Mais pas d’indemnisation du fait que le troupeau va durablement cesser de se nourrir normalement, des avortements qui vont s’en suivre, ni de l’écœurant travail de recherche des victimes qui agoniseront parfois très longtemps…

L’indemnisation est une coupe bien amère à boire pour les bergers. Aux contribuables qui n’ont pas de moutons, elle semble généreuse (on entend dire «après tout, pour le berger, le mouton n’est qu’un volume de viande correspondant à un prix» !). Mais pour les intéressés, la mesure est très loin de compenser les frais occasionnés. C’est un dégoût qui s’installe, voir une haine vis-à-vis de ceux qui imposent aux autres des situations terribles qu’eux-mêmes ne verront que sur papier glacé. Pour le montant des indemnisations, une commission départementale se réunit en novembre, quand les troupeaux sont rentrés, pour une évaluation définitive des dégâts. Les montants dont on parle avant cette réunion restent sujets à modification. Y a-t-il un «tarif » national ou régional ou départemental ? S’agit-il d’un montant prédéfini à se « partager » : plus il y a de victimes, moins l’indemnisation sera élevée ? Un bel agneau était indemnisé à 200 € l’an passé. Pour cette année on entend plutôt parler de 90 et 50 € pour une bête perdue ? Spéculations… A noter aussi que les sommes perçues par les bergers sont incluses dans leur chiffre d’affaire et imposable. Les petits exploitants sont quelque fois perdants si les sommes perçues leur font changer de catégorie dans le barème MSA.

A la saison suivante, si le berger persiste à enmontagner des moutons, l’Etat lui fournira en théorie, après remplissage de tas de papiers, le salaire d’un berger si besoin, des filets électrifiés, des batteries, des chiens patous (et des croquettes). Mais la preuve est faite que cela ne décourage pas toujours les loups en meute. Les candidats bergers dans ce contexte ne sont pas légion. Le PNV quant à lui prend en charge tout ou partie de l’héliportage des matériaux si le troupeau va en cœur de Parc.

A l’inquiétude permanente des bergers s’ajoutera donc la gestion des problèmes générés par les chiens de garde qui ne font pas la différence entre un ennemi patenté et un promeneur. Les bergers aiment accueillir les visiteurs : c’est à eux qu’ils vendront leurs produits. Que les abords de leurs troupeaux deviennent dangereux ne les intéresse pas. Or les chiens bergers ne sont pas des machines : il faut du temps pour les dresser et ça ne va pas toujours comme on veut. Dans notre vallée où tout le monde vit du tourisme ce n’est pas un petit problème.

C’est lui ou nous ! Organiser une cohabitation ?

De quelque sensibilité qu’on soit, deux choses doivent être actées : le loup est revenu et ne sera pas à nouveau éradiqué. Ethiquement, il ne sera pas rejeté de nos territoires.

le loup devra s’accommoder des usages humains actuels de la montagne.

Certes, les efforts d’adaptation sont à faire par le plus intelligent des deux: l’homme.

Mais il y a des limites à tout : le loup ne doit pas mettre en danger l’économie fragile de la montagne.

En Vanoise, il est courant d’entendre reprocher au PNV son attitude depuis l’arrivée dans le massif du prédateur aux dents longues : sa neutralité est comprise comme une participation active à la réinstallation du loup dans nos vallées. Son action est méconnue, suspectée de partialité. Difficile de ne pas tout confondre. Le PNV est en première ligne sur le terrain, représentant de l’Etat en matière d’écologie et de police. Mais il n’a pas d’autorité particulière quant à la « politique loup ». Il n’est pas à l’origine du statut de protection du loup. C’est l’ONCFS qui coordonne le « plan loup » dans le cadre du réseau « grands prédateurs ». C’est une commission de la DDT qui prend les mesures locales, après consultation de la base de données nationales Géoloup. Le PNV

participe activement au comptage et au suivi des loups. Ce qui est loin d’être facile pour un animal si malin et discret. On applique le protocole dit « des hurlements provoqués » ! Faute de confiance, on se demande si les caméras à déclenchement automatique installées en montagne le sont pour surveiller les allées et venues du prédateur… ou ceux des bergers excédés ? Drôle d’ambiance. Va-t-on se promener cagoulé en montagne ? Les analyses génétiques faites sur ce que le loup laisse derrière lui (crottes, poils, cadavres etc.) sont complexes, coûteuses et …déroutantes. Loups et chiens ne se seraient-ils pas souvent fréquentés de trop près ? On parle d’hybrides bien fertiles, de loups qui n’auraient pas plus peur de l’homme que des chiens. Fantasme ? Les résultats de ces investigations sont-ils confidentiels ? Il n’en est pas moins vrai que le personnel du Parc s’investit comme il peut pour aider les éleveurs attaqués, notamment pour faire accepter rapidement les demandes de tirs de protection en Préfecture.

Le crépuscule des brouteurs

En outre, il ne suffit hélas pas de se lamenter sur le sort des animaux domestiques, ni de dire qu’à très long terme le loup trouvera sa place sans se faire remarquer. Quid des décennies de travail pour la sauvegarde de populations sauvages fragiles, gallinacées qui nichent au sol, chamois, bouquetins, mouflons, elles-mêmes en danger de disparition, quand la gestion de ces faibles effectifs sera confiée à des meutes de loups ? On aimerait avoir sur ce point l’analyse du PNV. Mais dispose-t-il de moyens pour mener ces études ?

Conscient de ces difficultés de communication, le PNV a proposé à des élus une réunion d’information le 7 février à Aiton (public restreint et sécurité soignée après la séquestration du personnel de l’Etat encore fraîche dans les mémoires !). Démarche importante et sans doute à élargir : là où un débat est mené, les choses sont mieux anticipées. Notre commune est une des deux seules à avoir accepté une collaboration avec le PNV.

Monsieur Le Maire de Peisey, président du PNV jusqu’à la mi-septembre, n’a néanmoins pas hésité à signer, avec l’aval de son conseil municipal, les courriers d’alertes que le syndicat de défense des agriculteurs a adressé aux autorités.

Notre député Monsieur Vincent Roland a rencontré à ce sujet le ministre de l’agriculture Stéphane Travert le 8 Août. Le ministre a commandité une étude prospective sur l’avenir du pastoralisme en présence du loup, en vue de l’élaboration du prochain plan national 2018-2022. L’historique des tâtonnements de l’Etat est déjà long. A chaque changement de représentants, on se demande qui du ministère de l’environnement ou de l’agriculture réussira à imposer ses priorités. Le ministère du tourisme devrait lui aussi peser dans les débats. Comment renforcer la confiance des vacanciers sur des séjours estivaux dans un contexte où même les randonnées de proximité peuvent réserver de mauvaises surprises (peur des patous) ? L’hiver aussi, les images (prises depuis une dameuse) de chevreuils trucidés de nuit par des loups sur la piste du jardin d’enfants de Courchevel n’augurent rien de bon.

Montagnes, espaces de liberté et de paix ?

Cohabiter avec le loup ne devrait pas être impossible : les montagnards y sont toujours parvenus (sauf pendant un siècle), en n’ayant d’autres défense que quelques pièges archaïques et l’utilisation d’Aconit-tue-loup, jolie fleur qui dit bien son usage. Mais voilà : les conditions de tous ont tellement changé qu’on ne sait plus par quel bout commencer pour s’organiser. Attendre passivement les diktats de l’Etat n’a jamais suffi. Il faut imaginer nos propres solutions et les mettre en œuvre, régler nos propres incohérences avant de pointer celles des autres.

Quels points font consensus ? Pérenniser une exploitation ovine locale, donc les troupeaux de tailles raisonnables qui passent toute l’année dans notre vallée ? Est-il envisageable de réviser les conditions de gestion des alpages ? (cahier des charges, dates d’inalpage, taille et origine des troupeaux, zones de pâtures et zones à préserver etc…) Prise en compte du fait que bouquetins et chamois hivernent souvent là où le mouton a passé l’été. A Peisey, les alpages sont donnés en gérance pour des sommes très basses. Résultat : la commune peine à investir sur ces espaces, tout comme à faire appliquer le cahier des charges. Dans ce contexte, quel est pour la communauté l’apport des grands troupeaux qui viennent en camion de l’extérieur de la vallée ? Force est de constater que le jeu des subventions favorise le gigantisme à court terme, non pas la préservation des équilibres. Doit-on revoir à la hausse les moyens mis à disposition des bergers locaux, au moins sur les espaces communaux, aménager les points d’eau, recréer un réseau d’abris d’altitude ? En effet, entasser les moutons la nuit sur des espaces restreints abime beaucoup les herbages, mais aussi les moutons à qui la boue ne réussit pas : maladies aux pattes. Les rentrer au sec serait peut-être envisageable. La surveillance de jour par des chiens adaptés ? Faire des choix en organisant les parcs pour que les chiens n’approchent pas des promeneurs ? Eduquer les vacanciers, les Peiserots habitués à se promener partout n’importe quand ? Qui entretient des chemins ? Sommes-nous prêts à mettre des budgets plus réguliers sur ces ouvrages… et la main à la pioche ?

A l’autre bout de la chaîne, le consommateur, chacun d’entre nous, doit aussi faire des efforts de cohérence : acheter à bas prix du mouton arrivé en bateau-congélateur depuis l’autre bout de la terre ? Non merci !

La confiance dans le travail du berger doit être rétablie : non, les moutons de montagne ne sont pas gavés d’antibiotiques et de produits chimiques, non, ce ne sont pas de simples numéros, le berger les connait encore tous, il les suit de générations en générations… oui, les vacanciers peuvent venir les voir dans les bergeries l’hiver.

M. V. Rolland est très investi dans la défense des bergers auprès des ministères. Mais les entretiens prévus sont sou-vent ajournés sans explication en dernière minute (le 12 octobre).

Prochain rendez-vous le 26 octobre au ministère de l’envi-ronnement. Marc Collin devrait y participer.

Nous avons bien conscience que ce dossier est incomplet. Merci de nous faire parvenir les données instructives qui pourraient le compléter : ça n’est qu’une base de discussion. Nous espérons que vous avez apprécié la démarche et que nous pourrons vous proposer une réunion d’information dans le courant de l’automne, avec le PNV et l’ONCFS.

Les bergers de Peisey ont participé à

la manifestation de Lyon : le premier

texte gouvernemental affichait, entre

autres, l’intention de l’état de

n’indemniser que les grosses structures

ayant tout le matériel de protection

contre le loup….

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On en arrive au point qui fâche : la population de loups ne peut pas être la seule à ne pas être régulée, ou alors on crée délibérément un déséquilibre. Pas simple : le loup ne semble supportable que dans la mesure où il ne fonde pas famille, d’autant qu’il est prolifique. Que les entités qui ne gèrent ni ne financent le quotidien de la montagne s’abstiennent de jeter de l’huile sur le feu en invoquant le statut inviolable de l’animal ! Comment imaginer qu’il soit refusé plus longtemps au berger le simple droit de se défendre en cas d’attaque ? Moutons et chèvres ne sont pas partout : certains pays de Scandinavie font le choix de « zones sans loup ». Pourquoi ne pas y réfléchir ? Il en va de la survie de deux économies : celles des bergers et des paysages qu’ils entretiennent avec leurs moutons, mais surtout celle du tourisme dont nous vivons tous. Si nous réussissons à trouver un équilibre, le loup pourrait-il vivre à la marge de nos espaces, croquer chiens et chats qui s’éloignent des villages , croquer les renards qui s’en approchent, tout ça après avoir réduit à peau de chagrin les populations d’ongulés, que certains estiment en surnombre, hurler au loin les soirs de pleine lune pour la grande émotion des amateurs de frissons ? Ce qu’il y a de sûr, c’est que nous ne nous promènerons plus en montagne avec la légèreté actuelle. Dans ce monde au futur proche, quand un vacancier manquera à l’appel le soir, on ne se dira plus qu’il faut le retrouver avant qu’il ne meure de froid, mais qu’il faut le retrouver avant les loups ! (Pas de panique, dans la plupart des cas, on retrouve la personne au bistrot). Pour avoir un avis éclairé, le premier conseil qu’on puisse donner à tout le monde, est de faire comme bon nombre de Peiserots : visiter les régions d’Europe et du monde où le loup n’a jamais été éradiqué, où il est encore « chez lui ». Vous verrez quelle ambiance y règne, quelles mesures ancestrales ou récentes ont été prises pour la maîtrise des populations de loups, quel type de tourisme y est viable, ce qui se passe quand on s’approche ingénument de troupeaux ovins : piémonts italiens, Balkans, Carpates, Tatras, forêts scandinaves, autant de massifs, autant de cultures, autant de formules de cohabitation hommes/loups ! Vive l’Europe ?

Réunion d’analyse à La Plagne Taren-

taise le 13 octobre, avec M. V. Rol-

land et A. Picolet, les lieutenants de

louvèterie…

Le préfet coordinateur en charge du

dossier « loup » a été limogé au len-

demain de la rencontre de Lyon…