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La marmotte La marmotte déroutéedéroutée .........AUAUAU PI EDPI EDPI ED
DDD '''U NU NU N O L IV I E RO L IV I E RO L IV I E R
UN JOURNAL POUR LA ROYA
Avril 2017 - nº6 - Prix libre
DANS CE NUMÉRO :
DOSSIER : Eau rage, eau des espoirs...
Parole de Marmotte nº6 : Une pause / Que boit la marmotte ? / A vous
qui passez sans me voir … 2
Eau riche vallée – eau, essence de la vie … 3
L’eau en pratique (petites idées simples et géniales) … 4
L’anti-pratique (nos robinets) / Saorge fête l’eau … 5
Petit glossaire de l’eau dans la Roya … 6
L’eau est-elle bonne en Roya ? … 7
L’usine de La Fouze, petite histoire … 8
Double tunnel de Tende : fais gaffe à ta source … 8
Quels impacts ont les travaux au col de Tende sur notre eau ? … 9
L’eau pour qui, pour quoi ? … 10
L’eau. Histoire presque vraie … 10
Menaces sur l’eau de Saorge / La bataille pour l’eau en Italie … 11
L’eau, bien commun ou marchandise ? … 12
CEUX QUI MARCHENT SUR NOS ROUTES
Fleuve noir … 13
Des actions illégales : un rapport accablant … 14
A la gare de Breil-sur-Roya / Enfin une bonne nouvelle … 15
SI J’AVAIS UN RÊVE … 15
JOURNAL DE N’IMPORTE QUI : On est bien dans tes bras ! … 16
DROIT DE RÉPONSE : Lettre à la population rétive … 17
COURRIER DES LECTEURS … 18
PRATIQUE : Remèdes naturels … 19
ACTU : Train, tunnel, collèges /A VOUS LA PAROLE : Les caméras … 20
ÉVÈNEMENTS EN ROYA BEVERA … 20
Tap, top, tap, top-top-top-top…. Une goutte, puis deux,
puis mille… Joyeuse, l’eau tambourine sur le toit,
ruisselle sur les restanques, se fraye des chemins. Bien-
tôt, des torrents éphémères apparaîtront comme par
magie et gronderont en dévalant les pentes - toujours
aux mêmes endroits, sur des sentiers qu’au cours du
temps l’eau s’est creusés dans le roc goutte à goutte.
Forcés d’abandonner les travaux du jardin, on cède de
bonne grâce. Un fauteuil, un bon bouquin, une fenêtre
pour voir la pluie tomber entre les lignes et nous-voilà à
savourer déjà l’instant qui vient : nuages cotonneux qui,
en se dissipant, déguiseront nos montagnes en estampes
japonaises ; rivières aux flots gonflés, teintes de vert-
émeraude ; l’air moite et presque tropical, rempli de
mille parfums ; les plantes qui se constellent de petits
diamants brillants quand le soleil revient ; un ciel lim-
pide et nettoyé, comme neuf ; la terre humide qui n’a
plus soif.
L’eau donne la vie : à tout ce qu’on mange et à tout ce
qu’on boit, à notre corps, à toutes les vies et à toute la
beauté qui nous entoure. Elle anime les tuyaux d’arrosa-
ge, les dimanches après-midi quand on lézarde au bord
d’une lône, les engueulades des comités des canaux
d’irrigation. Elle exalte nos muscles, par son contact re-
vigorant, nos sens, par sa musique.
Elle ne pardonne pas : si on n’en prend pas soin, elle ne
tarde pas à nous le rendre et nous ramène dans nos ve-
rres et nos assiettes tous les poisons qu’on a cru balancer
au loin. Raison des guerres quand elle manque, l’eau est
aussi un objet de pouvoir pour ceux qui s’en déclarent
les maîtres et en arrosent une toute autre espèce d’osei-
lle que celle qui pousse dans les jardins. Il n’est pas rare
non plus que l’eau devienne une force de destruction,
car elle s’enrage lorsqu’on entrave ses passages par nos
maisons, nos routes et notre béton.
Gratuite, payante, volée, libre, prise dans des digues,
l’eau qui nettoie, l’eau qui nourrit, qui donne de l’éner-
gie, qui rafraîchit, qui consolide, qui fragilise, l’eau qui
divise ou qui unit... - en ce mois de printemps, nous navi-
guons au fil de l’eau, en espérant ne pas faire « plouf ».
Publication autogérée par des habitants de la vallée de la Roya - www.la-marmotte-deroutee.fr - [email protected] - 07 68 05 65 34
Eau rage,
Eau des espoirs ...
x 2 - ATTENTION, GROS NUMÉRO!
Ce mois-ci, les éner-
gumènes qui m’aident
à parler l’humain ont
été si affairés qu’ils
n’ont même pas pris
le temps de me faire
dicter mon journal. A
croire que l’eau les
passionne : vous verrez, ils ont voulu
vous en faire boire des litres et des
litres dans ce numéro ! Quelqu’un
leur aurait dit aussi, un jour, qu’on ne
se baigne jamais deux fois dans le
même fleuve. Alors, je crois qu’ils ont
eu peur d’y trouver des eaux trop trou-
bles la fois d’après et se sont
dépêchés de tout vous dire de suite.
Puis, vous savez, c’est le printemps,
la montée de sève, le réveil… Bref, je
leur laisse la place !
Donc, pas de « pensées » marmotes-
ques en avril, ça vous reposera. Juste
quelques nouvelles. En allant vite : je
vais bien. La rencontre avec le bel ar-
bre (Olivier de son petit nom) m’a fait
ralentir ma cadence et m’a donné
l’envie de rester quelques jours près
de cousins d’Olivier, tous beaux, avec
leurs feuilles argentées. Il y a aussi,
en face, de l’autre côté de la route et
de l’eau, tout un amas de terriers
d’Humains à l’aspect étrange d’une
montagne creusée par des centaines
de tunnels avec des ouvertures régu-
lières. Une sorte de terrier géant que,
vu de loin, je trouve plutôt à mon goût.
Olivier m’héberge pour ma halte : une
cavité creusée par ses racines me per-
met de dormir au chaud. Au coucher
du soleil, quand je reviens de mes ex-
péditions d’observation, on papote.
Les arbres parlent ? Vous ne le saviez
pas [1] ?
Page 2 La Marmotte déroutée
Que boit la marmotte ? La marmotte ne boit pas l'eau des torrents de montagne. Ils ne sont donc
pas nécessaires pour motiver son choix d'un territoire, ce qui explique la
présence de nombreuses marmottes sur des pentes assez sèches. Elle se
contente souvent, pour se désaltérer, de la rosée matinale, de l'eau
contenue dans les plantes dont elle se nourrit, ou, au printemps, de la
neige. Elle n’utilise pas non plus l’eau des ruisseaux pour sa toilette, qu’elle
préfère faire dans l’intimité du terrier.
Fin mars - début avril : les marmottes se réveillent ! Le réveil de ces mammifères
herbivores coïncide avec la
repousse de la végétation du
début du printemps. La
température du corps, qui s’était
abaissée durant ces 5 mois et
demi d’hibernation jusqu’à 4°C,
remonte à 38°C, la respiration et
les battements du cœur - qui
étaient parfois descendus jusqu’a
3 battements/min - remontent à
environ 220 battements/min.
Nos rongeuses ayant perdu la
moitié de leur poids débouchent
l’entrée du terrier attirées par le
parfum délicat des fraîches
pousses printanières qu’elles
rongent et broutent, grâce à leur
puissante dentition (4 longues
incisives, 18 prémolaires et molaires broyeuses). Mais la marmotte fait de
temps en temps des entorses à son régime végétal : vers, larves d'insectes
ou sauterelles qu'elle croise sur son chemin ne sont pas négligés. On l'a vue
retourner des bouses de vache sur un alpage pour goûter à un coléoptère
ou d'autres petites proies. Les années de printemps tardif, la marmotte,
sortie de son long « sommeil » avant la renaissance de la végétation,
n'hésitera pas à consommer une charogne. Ce comportement a été observé
chez Marmota olympus aux États-Unis, mais il est probablement commun à
toutes les marmottes, ce qui souligne leur bonne adaptation à leur
environnement.
Parole de Marmotte nº6 : Parole de Marmotte nº6 : Parole de Marmotte nº6 :
La petite reine des tunnels
[1] Lisez par exemple le joli livre de José Mauro
de Vasconcelos, « Mon bel oranger » (1968).
Vous pouvez aussi regarder cette vidéo sur une
expérience scientifique barbare qui prouve que
les arbres communiquent entre eux :
www.youtube.com/watch?v=ahpLb4tUPRs
A vous qui passez sans me voir,
A ceux qui m'arrachent à mon sol pour des raisons
futiles ou pour des visions à court terme...
Je suis arbre, transit entre ciel et terre. A l'envers des
humains, mon esprit est dans la terre et mes pieds
sont dans le ciel. Je puise dans la terre les éléments
nutritifs de base avant de les transformer en matière
vivante par la photosynthèse en remontant à travers le
tronc et les branches jusqu'aux feuilles tournées vers
le ciel. Par cette opération j'absorbe le gaz carboni-
que pour restituer de l'oxygène et 5000 litres d'eau
par an en moyenne sous forme de vapeur d'eau qui
constituera les nuages dispensateurs de la pluie bien-
faitrice.
Les feuilles que je perds chaque année tapissent le
sol avant de constituer l'humus qui permettra de rete-
nir cette eau précieuse en stimulant toute la vie bacté-
riologique et animale afin que les nouvelles graines
puissent germer et s'enraciner en retenant le sol pro-
pice à la multiplication de mes congénères. Un hecta-
re de forêt adulte peut rejeter jusqu'à 3000 tonnes
d'eau par an dans l'atmosphère. L'eau est source de
vie et agit directement sur le climat. Un grand nom-
bre de calamités que l'humanité a pu subir à travers
les âges ont été liées à des changements climatiques
où l'eau a fait défaut (sécheresse = famine = maladie,
invasion = extinction).
Une terre couverte de forêt comprend toujours en
altitude les nuages qui sont l'effet de la condensation
de la vapeur d'eau qu'elle émet, contrairement à une
terre désertique ou couverte d'asphalte qui ne fabri-
quera aucune humidité et restera stérile.
Je suis Arbre et plantez-nous!
Traduit par les Coyotes des Alpages
DOSSIER >>> EAU RAGE - EAU DES ESPOIRS
une pauseune pauseune pause
de lui. Je dois avouer que je ne bouge
pas aussi par peur : vous vous souve-
nez peut-être, en m’indiquant mon
chemin, le Chat m’a dit de suivre le
fleuve. Ca y est, je le vois, en contre-
bas. Son bruit me berce au coucher et
me requinque au réveil. Sa couleur
est bleue, plus éclatante que dans les
ruisseaux près de chez moi. Son débit,
impressionnant. De l’eau, il n’en
manque pas : à des endroits, on peine
à distinguer le fond ! C’est beau. Mais
il y a un problème : juste à côté, il y a
la Route, et je devrai la traverser pour
rejoindre l’eau. La fameuse Route qui
va au Tunnel, avec ses bêtes-boites
qui filent à toute allure. Ça sera ma
première traversée, et je dois bien la
préparer.
Alors, je reste à observer et à cher-
cher du courage. Je découvre aussi
mon nouvel environnement et la vie
hors du terrier, loin des miens. Je
pense souvent à eux en ce petit matin
d’année nouvelle, à leur réveil. Mais
je ne déteste pas non plus ce pays où
je fais ma pause obligée. Il y a plein
Avril 2017, nº6 Page 3
autrefois canalisée
(des centaines de ki-
lomètres d’anciens
canaux parsèment le
territoire), avec des
organisations comple-
xes (tours d’eau, gestions collectives…), comme c’est toujours
le cas à Fontan ou dans le Cayros et la Bendola. Ces canaux
servaient à alimenter des campagnes et des villages se trou-
vant parfois à plusieurs kilomètres des sources et des cours
d’eau. L’eau était aussi stockée dans des centaines de bassins
et citernes, souvent alimentés par les eaux pluviales.
A l’heure actuelle, des recherches scientifiques sont en cours
pour utiliser les capacités de stockage des informations de
l’eau. Comment ? Cette substance aussi simple qu’extraordi-
naire garderait en mémoire une empreinte de toutes les éner-
gies qui l’ont traversée, et donc des informations sur ces ren-
contres. De plus, les eaux souterraines favorisent la formation
de « cheminées telluriques ». Ces lieux ont été couramment
choisis comme lieux de culte au cours de l’histoire (des rituels
néolithiques autour de la fertilité jusqu’aux religions plus mo-
dernes), comme à Notre Dame des Fontaines avec ses 7 sour-
ces, derrière la Brigue, bâtie sur un ancien temple ligure. Au-
jourd’hui, ces très faibles fréquences (ELF : 0,5 à 4 Hz) sont me-
surables, et l’importance du phénomène commence à être re-
connue. La sensibilité des sourciers, l’hypersensibilité, l’in-
somnie dans certains lieux, des dérèglements biologiques, du
stress animal ou humain pourraient très probablement être
déclenchés sur ces petites surfaces inférieures à 1m², aux taux
vibratoires exceptionnels. L’eau, fonctionnant comme une an-
tenne, rediffuse les ondes, les vibrations à faibles fréquences,
surtout lorsqu’elle est immobile. C’est pourquoi il est décon-
seillé de dormir au-dessus d’une citerne…
Andromède le lagopède
Eau, essence de la vie…Eau, essence de la vie…Eau, essence de la vie… EA
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! Réseau hydrographique de la Roya (Geoportail)
DOSSIER >>> EAU RAGE - EAU DES ESPOIRS
Roya, Lavina, Rio Secco, Fon-
tan, Saorge, Notre-Dame des
Fontaines … Des lacs noir-vert
de la Vallée des Merveilles
jusqu’à la Mer ligure à Vinti-
mille, elles sont des milliers,
des millions, des milliards de
gouttes d’eau qui se rejoig-
nent lentement, se chamaillent, font la fête
lorsqu’il pleut et que ça tonne, de vallon en
vallon, de ruisseaux en rivières, du Cairos à
Audin, de la Maglia à la Carleva, jusqu’à la
reine de notre vallée, la Roya. S’étirant sur à
peine 60 km, depuis ses sources du col de Ten-
de jusqu’à son embouchure sur le littoral, elle
est le trait d’union du réseau hydrologique de
notre vallée. Finalement, ce sont pas moins de
43 « enfants » qui finissent par former notre
fleuve côté français.
Sous le Marguareis, en 1961, Michel SIFFRE découvrait le plus grand
glacier souterrain d’Europe,
probablement rescapé de la dernière
grande glaciation (Würm, -18000 av
JC), à 110m de profondeur dans le
gouffre de Scarasson. Par ailleurs,
l’eau a creusé plus de 3150 autres
cavités dans le département.
L’eau, essentielle à la vie, compose
60% de notre être. Cette merveille,
cette richesse, suit son cycle depuis
3,5 milliards d’années, s’imprégnant
de ses rencontres. Elle change d’é-
tat (solide dans les glaciers et la
neige, la grêle et la banquise ; liqui-
de et douce dans les rivières terres-
tres et souterraines [1]), puis rejoint
les lacs, la mer et les océans, char-
gée de sels minéraux. Elle est ab-
sorbée par toutes les formes de vie,
les constitue, puis s’évapore, pour rejoindre le ciel sous for-
me gazeuse, se condenser dans les nuages ou la brume
lorsque l’air refroidit, retomber ensuite et alimenter à nou-
veau ruisseaux, torrents, rivières et fleuves, poursuivant son
chemin perpétuel.
En Roya-Bevera, dans les zones cristallines (granite, grès,
pélites) de la Beugna (Bieugne) et d’une bonne partie de la
Céva, nous avons des eaux siliceuses, acides. La silice, dont
elles sont riches, renforce les tissus musculaires, les cartila-
ges et les os. Leur goût neutre avait réputation d’aider à
soigner la peste. Dans le reste de la vallée, nous buvons des
eaux calcaires, basiques, venant des zones anciennement
couvertes par l’océan Thétis (Cayros, Bendola, Maglia, Be-
vera, Carleva…), ou de la nappe de charriage du Margua-
reis (cf. Marmotte N°1). Cette eau-là est riche en calcium et
en magnésium. Dans certaines zones plus restreintes, elle
traverse des strates de carbonates de calcium (gypse, an-
hydrites et en moindre proportion, les cargneules), ce qui,
dans ce cas par contre, la rend impro-
pre à la consommation car polluée aux
sulfates. Cela rend aussi les terrains
instables (Lavina, environs de Sospel,
Col de Tende, cf. Marmotte N°1 & 2).
Ces différentes eaux permettent à une
grande diversité de végétation (silicole
et calcicole) de s’installer.
L’eau dans notre vallée, parfois parta-
gée, parfois source de conflits, était
Le moteur à eau,
très performant et
non polluant,
fonctionne très
bien, mais les
brevets sont
rachetés par les
lobbies du
pétrole.
[1] 75% de l’eau douce se trouve dans les rivières souterraines, nap-
pes aquifères ou phréatiques
Pour aller plus loin : Dr Petry Amiel, “Géobiologie appliquée à l’art
du bien vivre”; Joeffrey Boscart, “Le gouffre de Scarasson”, Sourgen-
tin N°203, Oct 2012; La Marmotte N°1 (hydrogéologie et pollution
occasionnée par le tunnel) et N°2.
Avril 2017, nº6 Page 4
L’EAU EN PRATIQUE L’EAU EN PRATIQUE L’EAU EN PRATIQUE
Le système des baissières [1]
Pour un jardin verdoyant même sans
apport d'eau extérieur?
Ce système est utilisé sous tous les hémisphères afin de
créer des rétentions d'eau permettant de limiter l'érosion
des sols due à l'écoulement de l'eau, que ce soit en montag-
ne ou dans des zones à fortes précipitations suivies de sé-
cheresses [2].
Mais aussi (pour le potager et les petites fleurs) : l'eau rete-
nue va s'infiltrer lentement dans le sol, optimisant l'irrigation
du sol en profondeur. Vos plantes autour de ces baissières
se sentiront comme des poissons dans l'eau.
Le but étant d'installer une végétation avec différents ni-
veaux de racines sur les buttes créées pour maintenir ces
dernières. Imaginez-les, ces baissières, installées aux en-
droits stratégiques de votre jardin, comme des petits sillons
fertiles suivants une courbe de niveau terminés par une but-
te faisant « barrage ».
Songez qu'au-delà d'une bonne irrigation, c'est un microcos-
me créateur de vie qui s'installe à domicile. Cela s'appelle :
l'effet lisière[3].
[1] Baissière (swale en anglais) : enfoncement
d’une terre labourée où s’amasse l’eau de
pluie.
[2] Pour faire une estimation de vos besoins et
en savoir plus : http://arpentnourricier.org/
dimensionnement-dune-noue-swale
[3] L’effet lisière se crée lorsque deux écosys-
tèmes se touchent. Exemple : une forêt et une
plaine, une plaine et un cours d'eau... Ce sont
les zones les plus fertiles.
DOSSIER >>> EAU RAGE - EAU DES ESPOIRS
La phytoépuration ou la gestion des eaux sales
Notre linge sale ne se lave pas qu'en famille ! Il pollue les eaux
de tout le monde. Nous évacuons de l'eau de vaisselle, de ma-
chines à laver, des produits nettoyants et autres (notamment
sous la douche et aux toilettes).
Certaines communes de taille plus ou moins importante ont
déjà mis en place ce genre d'installations – à titre d'expérience
ou de façon pérenne, pour traiter ce que l'on appelle les eaux
grises : vaisselles, douches, lessives, urine…
A chacun, suivant l'altitude et les conditions, de trouver la flore
adaptable. C'est possible en montagne et avec une utilisation
massive [1]. Comment faire? Le premier bassin contiendrait des
plantes à rhizomes comme des roseaux communs (Phragmite
Australis), combinées au substrat et à l'écoulement horizontal,
capturant et filtrant les particules les plus importantes. Dans le
deuxième bassin, des plantes plus ornementales et diverses
viennent compléter la filtration, par exemple, des iris d'eau ou
des nénuphars. Le tout est déversé, dans l'idéal, par une petite
cascade oxygénant l'eau d’une mare, lieu de vie où poissons ou
batraciens trouveront de la nourriture dans tout ce qui n'aura
pas été filtré ! A ce stade, tout déchet est assimilable par la fau-
ne et la flore aquatiques. Laissez libre cours à votre imagina-
tion pour créer un endroit
fertile où animaux, plantes
et vous-même s'harmoni-
sent et se complètent.
Tant que nous parlons des
eaux usées, s'harmoniser à
un lieu en chiant dans l'eau
potable… c'est possible,
ça ? Et oui ! Avec la phy-
toépuration, tout est possi-
ble ! Il existe un système
adapté aux eaux noires -
pour ceux qui persistent à
vouloir chier dans l'eau...
Voir les six premières mi-
nutes de
www.franceinter.fr/
emissions/carnets-de-
campagne/carnets-de-
campagne-09-fevrier-2015.
Schéma d’une configura-
tion à quatre bassins avec
traitement des eaux noires :
https://
decrois-
sons.files.wordpress.com/2013/08/phytoepuration.jpg.
Complément idéal de la phyto-épuration, produit star
de mon cœur : les toilettes sèches!
Dans un seau ou dans un trou, du plus sophistiqué au plus hum-
ble. On ne les présente plus ! Une poignée de sciure sur votre
matière fécale et la voilà devenue engrais - combinée à une
certaine hygiène (pas d'antibiotiques par exemple) et à 6 mois
de décomposition! Au lieu d'être reléguée au rang humiliant de
déchet, de simple merde…
Phyto-épuration à la Chat-Teigne
PETITES IDÉES SIMPLES ET GÉNIALES
La Marmotte déroutée Page 5
La sciure permet une décomposition sans odeur, il
est tout à fait possible d’installer les toilettes sèches
dans la maison, pour tous ceux et celles (et ça se
comprend!) qui ne veulent pas (ou plus) courir tout
(e)s nu(e)s avec la courante la nuit en plein hiver.
Ou tout simplement sortir dans une pluie glaciale et
matinale...
Quoique… Quand on a une vue imprenable depuis
ses toilettes, trôner ainsi vaut bien de braver parfois les éléments !
Tous nos lieux de vie peuvent être conçus dans un vrai respect de
l'eau et de la vie. Osons sortir des sentiers battus et des rangs d'oig-
nons ! Expérimentons ! N'ayons pas peur de nous jeter à l'eau (tant
qu'il y en a)!
Plus d'info : https://decroissons.wordpress.com/
habitat/toilettes-seches
DOSSIER >>> EAU RAGE - EAU DES ESPOIRS
L’ANTIL’ANTIL’ANTI---PRATIQUE : PRATIQUE : PRATIQUE :
Carnaval : Saorge fête l’eau
Eau? O!
A l'origine, la source, autrement dit, âne,
à pieds, cruche, temps.
Ensuite, progrès technique qui vient servir le progrès humain : canalisation, eau
courante, robinet (première génération).
Puis, attention les yeux, invention du mé-
langeur (un robinet d'eau chaude, un ro-
binet d'eau froide), et, enfin, du mitigeur
(un machin que tu tournes de l'eau très
chaude à l'eau froide, selon ton goût ou ton
besoin du moment).
Entre temps, on a appris à chauffer l'eau
(d'abord avec le feu...).
Et là tu te dis, en termes d'eau, la civilisa-
tion humaine semble épanouie en ayant
trouvé toutes ces réponses (accessibilité,
débit, température et durée). On arrête
là?
C'est sans compter sur les marchands du
Grand Tout, de la création des besoins,
des objets toujours plus chers, toujours
moins utiles, sur ceux pour qui “progrès Vianico
DES ROBINETS “INTELLIGENTS” QUI NOUS PRENNENT POUR DES CRÉTINS
de grandes gesticulations dans tous les
sens, genre détecteur de mouvement.
L'eau se met à couler, s'arrête immédia-
tement, tu essaies de retrouver le bon
geste mais tu en as fait tellement en
même temps que tu en es incapable. T'es
énervé et tes mains ne sont toujours pas
rincées…
Sans parler des robinets curieusement
trop proches d'un évier, ou de l'eau tiède
imposée dans des toilettes sur aires d'au-
toroute. Deux versions différentes du
progrès, mais qui, je vous rassure,
œuvrent dans le même sens, pas le sens
commun, vous l'aurez compris, mais le
sens des affaires: tu ne peux pas remplir
ta bouteille vide, mais tu as sûrement
deux euros pour acheter une nouvelle
bouteille en plastique, avec de l'eau ré-
frigérée grâce à une production d'élec-
tricité bien française…
Je crois que vous en serez d'accord, re-
tournons à la source, noyons tous ces
vendeurs du n'importe quoi dans de
l'eau ! A vos idées ?
technique“ rime avec “croissance éco-
nomique” plutôt qu'avec “progrès hu-
main”.
Quelques petites expériences du quo-
tidien ont su m'en convaincre. Dans nos
écoles publiques, le jet d’eau des robi-
nets est si puissant que t'as peur de
perdre un doigt en dessous tellement
la pression est importante… Eau froi-
de, été comme hiver et à la durée limi-
tée. Je résume donc le progrès : pas
d'eau chaude, tu n'oses pas boire à
cause du débit, tu t'éclabousses par-
tout, et tu ne choisis pas la durée du
débit. Donc, sous prétexte d'économie
d'eau, on n’a plus besoin d'apprendre
aux enfants comment on l’utilise : chau-
de ou froide, avec un débit modéré,
pendant un temps donné, et puis, on
ferme le robinet ! La machine fait tout,
et surtout n'importe quoi, à notre place.
Je passe sur l'invention paranormale
dont le débit d'eau se déclenche après
défilé sous un soleil radieux. Raté pour le défi de faire la fête en amphibie !
Les déguisements du dernier carna-val de la saison, celui de Saorge,
devaient être « aquatiques ». Le ciel a pris la
consigne trop au sérieux, voulant sans doute faire partie de la
fête : des trombes d’eau sont tombées sur le village le 25 mars,
poussant les organisateurs à re-porter le carnaval au lendemain. Les joyeux aquaphiles ont donc
Arsenic du tunnel de
Berghe : Afin d’augmenter la
quantité d’eau disponible
pour Fontan, deux captages
d’eau (source de Scaras-
souil) ont été réalisés suite
aux travaux du tunnel de Berghe (voie ferrée)
en 1926 et 1948. Lorsqu’en 2001 la quantité
autorisée d’arsenic dans les eaux potables a
été abaissée de 50 à 10 µg/l, la solution a été
de mélanger les deux sources, faisant d’une
pierre deux coups : diluer ainsi les excédents
d’arsenic de la Scarassouil dans la Fouze, et
inversement pour les excédents de sulfates.
Canal d’irrigation : Certains furent construits
pour quelques mètres carrés de terres arides,
comme ceux sous Berghe, pour cultiver le
pois-chiche. Aujourd’hui encore, certains ca-
naux sont gérés collectivement, comme à
Breil ou à Saorge.
Clue ou canyon : Dans la vallée, nous avons
l’un des plus longs canyons d’Europe dans
lequel coule la Bendola (15 000 mètres en
développé et 1600 mètres de dénivelé) et un
des plus beaux canyons de France, la Maglia
(sans oublier ceux de la Carleva et d’Audin).
Fontanalba : Une vieille légende dit qu’à
l’époque où une partie de nos ancêtres
étaient occupés à taguer compulsivement la
Vallée des Merveilles, les sources de la va-
llée se sont toutes taries d’un coup. Cette si-
tuation a évidemment provoqué certains dé-
rangements. Après avoir fait le tour de tous
les points d’eau et s’être résignés à partir, ô
miracle, un petit matin, à l’aube exactement,
on constata que l’eau est réapparue à Fonta-
nalba, nommée ainsi - « la fontaine de l’aube »
- depuis cette époque.
Page 6 La Marmotte déroutée
Fossatum : Torrent où s’abreuve le bétail (en royasque).
Irrigation gravitaire : Mode d’irrigation ancestral (mais encore ma-
joritairement utilisé dans le monde, à hauteur d’environ 80%) qui
consiste à transporter l’eau jusqu’au bord et à l’intérieur des parce-
lles dans des canaux aménagés suivant la pente naturelle. Les arpen-
teurs traçaient déjà ce type de canaux à l’époque des gravures des
Merveilles pour lutter contre la sécheresse.
Nappes d’eau : Il n'y a pas de nappes phréatiques en montagne, uni-
quement des nappes aquifères. Les nappes phréatiques sont les nap-
pes peu profondes que l’on retrouve sous les plaines.
Notre Dame des Fontaines : Située sur la commune de la Brigue,
cette chapelle abrite pas moins de sept sources intermittentes. On
l’appelle aussi la chapelle Sixtine des Alpes en raison de ses nom-
breuses fresques datant du XVe siècle.
DOSSIER >>> EAU RAGE - EAU DES ESPOIRS PETIT GLOSSAIRE PETIT GLOSSAIRE PETIT GLOSSAIRE DE L’EAU DANS DE L’EAU DANS DE L’EAU DANS LA ROYALA ROYALA ROYA
Cri du Beg’eau Il y a fort longtemps, à l’arrivée des premiers
pasteurs et agriculteurs dans nos contrées, le climat
sec et chaud influença probablement les cultes qui
s’orientèrent autour de la fertilité et de la fécondité.
L’eau, intimement liée à la terre, était perçue comme
la semence divine du Ciel masculin fertilisant la
Terre féminine et permettant la vie, les bonnes
récoltes et la survie des hommes.
Les sources comme la fontaine de l’aube (Fontanalba)
ou celles de Notre Dame des Fontaines étaient
sacrées .
Les grandes surfaces rocheuses dépassant les 2500m
du Bégo et de ses voisins favorisaient la formation de
nuages et les précipitations sur les vallées entourant
la montagne abreuvoir (Beg) du sud des Alpes. Ainsi,
des hommes l’observant de loin ont probablement
marché sur plusieurs centaines de kilomètres pour
trouver l’eau et des pâturages (alp/arp) encore verts
pour leurs bêtes dans la vallée du merveilleux, de
l’étrange (Meraviglie). Les mots en italiques sont des toponymes
Avril 2017, nº6 Page 7
Avec l’eau potable de la Roya, ON lave ses habits à la chimie,
ON lave sa peau et ses cheveux, à la chimie,
ON lave tout du sol au plafond, à la chimie,
ON boit nos boissons et médicaments chimiques,
ON mange aussi du chimique.
Puis ON défèque et urine dans l’eau potable de la Roya.
Mais ON est intelligent et ON invente les stations d’épuration.
Vievola : station obsolète ou inexistante aucune trace numérique,
ON n’y pense même pas.
Tende : station neuve de 2015. Surdimensionnée, elle est conçue
pour recevoir 750 mètres cubes jour d’eaux usées. Elle en reçoit
155 par jour, bonjour les odeurs sur la route.
Classée bof par les pêcheurs et classée beurk par les truites, ON est fier, elle est toute neuve et ON est prêt pour le futur !
Morignole : le Conseil en 2015 avait prévu de la refaire pour
270 000 euros, hors achat du terrain. Ce n’est pas fait, donc elle date de janvier 1950 ; ON peut dire sans mentir, obsolète.
Mais ON espère.
La Brigue : elle n’est pas vieille, mais de l’avis des pêcheurs,
des truites, des villageois et des associations,
elle n’a jamais bien fonctionné par manque d’eau. ON est rassuré car ON sait pourquoi elle merde !
La qualité physico-chimique de notre eau est « bonne » à « très bonne ». Mais les rejets des stations d’épuration de Sos-
pel sur la Bevera, de la Brigue sur la Levenza et de Tende sur la Roya font baisser cette qualité en augmentant les con-
centrations en nutriments azotés, comme l’ammoniac, et phosphorés, comme les orthophosphates. Les stations d’épura-
tion fonctionnent mal, celle de Tende ne peut pas être mise en service car surdimensionnée par rapport au débit d’eaux à
traiter. Il est possible que les eaux usées de la Brigue y soient bientôt acheminées pour l’alimenter (et enfin l’utiliser). A
cela s’ajoutent les abus de traitements antibiotiques anéantissant nombre de bactéries épuratrices, la pilule contracepti-
ve [1] qui induit la nécessité d’effectuer des alevinages en altitude, la lessive qui rend l’eau trop basique, et tout simple-
ment les détournements d’eau du cours naturel occasionnant des carences pour les biotopes, voire parfois l’assèchement
de certaines rivières… Enfin, les travaux de doublement du tunnel de Tende ne respectent pas les engagements prévus
en termes de qualité de l’eau (cf. p.6 et 7). Et bien sûr, tout dépend des substances analysées.
L’EAU ESTL’EAU ESTL’EAU EST---ELLE BONNE EN ROYA?ELLE BONNE EN ROYA?ELLE BONNE EN ROYA?
DOSSIER >>> EAU RAGE - EAU DES ESPOIRS
[1] les résidus des traitements contraceptifs perturbent le système
hormonal des poissons et font qu’il n’y a plus que des femelles chez les
nouveaux nés. Les alevinages dans les lacs de montagne sont donc
devenus une nécessité dans la majorité des cours d’eau de notre pays,
sans quoi il n’y aurait plus de pois-
sons d’eau douce…
Peste : De graves épidémies de peste ont eu lieu
dans la vallée au XVIIIe siècle. A l’époque, la peste
fut responsable de la disparition de 44% de la popu-
lation européenne. Curieusement, à ce moment, on
se méfiait de l’eau, lui reprochant d’être un vecteur
de la maladie. C’est pourquoi, l’hygiène était alors
désastreuse : on ne trouvait que 4 fontaines à Saorge
pour une population allant jusqu’à 2200 habitants !
Imaginez la taille de la file d’attente et l’ambiance,
alors qu’on patientait pour se désaltérer ou pour
laver les viscères d’un animal qu’on venait d’abatte,
le tout au même endroit !? (cf. la 3e session de l’UP de
la Roya).
Poissons : On trouve surtout le chabot entre Tende
et les gorges de Saorge, la truite fario et arc en ciel,
le blageon et le barbeau méridional, mais aussi
l’anguille européenne sur la partie basse du fleuve.
Introduits pour les pécheurs, l’omble de fontaine et
le chevalier se sont bien acclimatés dans la partie
haute de la vallée.
Veolia : société privée de gestion de l’eau ayant la
fâcheuse habitude d’augmenter les tarifs de l’eau. Pistez son logo sur
les annonces des évènements culturels et sportifs de la vallée!
St Dalmas de Tende : obsolète, mais là
aussi, un projet est en cours, ON est content, ON espère toujours.
Fontan : la vénérable date de janvier 1935.
ON préfère ne pas y penser.
Saorge : la centrale d’épuration date de 1956
et ON est content qu’elle soit encore là.
La Giandola, depuis plus de dix ans, a tout simplement
et bêtement cassé son conduit de raccord à la station
d’épuration de Breil, elle déverse à tout va dans la Roya
et la commune trop endettée ne peut trouver
les 4000 euros nécessaires à la réparation. ON peut comprendre cet argument.
Breil sur Roya : elle est de 2007 mais,
à part les poissons, les pêcheurs, les marcheurs, les canards
et les cygnes qui râlent un peu, ON est content.
Piene haute : la station date de 1968
et ON espère que ça va durer.
Libre : sa station reste très confidentielle.
Et ON préfère comme ça.
ON est content.
ON a les stations qu’on mérite ?
Rapport sur le prix et la
qualité du service (RPQS) :
c’est un document obligatoire
prévu par la loi qui permet aux
usagers d’être informés sur le
prix et la qualité de l’eau cha-
que année. Pensez-y pour vous
informer!
Zézé
Jidé et Andromède
Jidé
Page 8 La Marmotte déroutée
Jidé
[1] voir La Marmotte n°1
[2] Et non pas des nappes phréatiques.
[3] Lire « Impacts dans les eaux potables du
gypse et de l’anhydrite » dans la Marmotte n°2
[4] Lire l’Entretien avec REN, cf. ci-contre.
[5] www.sauvons-la-roya.fr
On sait que la source de Scarassouil, qui
alimente en partie Fontan, fut découver-
te lors de travaux de percement du tun-
nel ferroviaire de Berghe. Plus tard, on
s’est rendu compte que sa teneur en
arsenic la rendait impropre à la con-
sommation. Les montagnes, surtout
lorsqu’elles sont jeunes comme les Al-
pes, sont des milieux naturels d’une très
grande complexité géologique [1]. S’y
mélangent différentes couches de ro-
ches qui ont des comportements diffé-
rents selon qu’elles soient en contact ou
non avec l’eau. C’est de la chimie.
Risques pour la santé
Sans rentrer dans les détails, on sait [1]
que l’eau de montagne provient des
nappes aquifères [2] dans lesquelles
s'établit un équilibre entre la composi-
tion chimique de l'eau et celle des ro-
ches. En perturbant ces nappes, les tra-
vaux de percement du deuxième tunnel
risquent de polluer aux gypses et aux
anhydrites les sources de la Roya, indui-
sant pour les consommateurs des ris-
ques de graves dérèglements thy-
roïdaux [3].
mètres, ANAS n’avait pas procédé à tous
les tests nécessaires, notamment la véri-
fication de la potabilité de l’eau.
Eau trouble
Côté français, malgré la non-conformité
des travaux, les autorités laissent ANAS
poursuivre le chantier, alors que les
sources de la Roya sont fortement im-
pactées [4], laissant les habitants et les
associations dans l’opacité. Les coulées
de boue imprévues, les dangers pour
l’eau potable de milliers d’Italiens, les
travaux non conformes aux niveaux de
sources de la Roya – il y a de quoi s’inte-
rroger. Peut-on faire confiance à ANAS
pour poursuivre les travaux de double-
ment du tunnel de Tende et d’élargisse-
ment des lacets d’accès ? Si nous lais-
sons faire, que deviendront nos sour-
ces ? L’eau est-elle si peu importante
pour que nous nous taisions ainsi ?
Il était une fois une petite
source qui s’appelait La
Fouze. On pouvait la ren-
contrer dans le quartier de
la Tourette, à Fontan, où à
l’époque, on trouvait des
lavoirs bien appréciés car
l’eau y sort à 14°C en hiver.
Cette différence de température la fait fumer
à sa rencontre avec la froide Roya. A l’épo-
que encore, elle hébergeait des truites, sig-
ne d’une eau de très bonne qualité. Un beau
jour de juillet 1980, une usine de mise en
bouteille fut créée. Yves y entre en octobre
1981, il y a une trentaine d’années. Il y tra-
vaillera une quinzaine d’années à différents
postes : fabrication de bouteilles, em-
bouteillage, mécanique, etc. Il se souvient
de ce projet qui fut bien accueilli dans le
village car, entre 12 et 14 personnes y sont
employées dès le début. Il se souvient des
grosses « laveuses » de verres, machines
énormes et bruyantes, seule source de cha-
leur, l’hiver, pour les employés. De l’am-
biance conviviale, et du patron qui, quand le
boulot débordait trop, se mettait au turbin
avec les autres, torse-nu, concentré, devant
la tireuse. L’eau est bonne, chargée en fluor
et on vante ses mérites pour la santé des
bâtiments restent inoccupés et
tristes. Aujourd’hui divisés, ils ser-
vent à plusieurs entreprises loca-
les : Bricovallée, le contrôle tech-
nique de la Roya, et le Garage de
la Source.
La Marmotte remercie Yves pour le
partage.
LR
Double tunnel de Tende : fais gaffe à ta source ! Les travaux de doublement du tunnel de Tende provoquent des perturbations des sources de la va-
llée. Et si nos sources se tarissaient ou devenaient mauvaises pour la santé?
Et si l’eau disparaissait ?
Pour le moment, ce n’est qu’une légen-
de. Est-il vrai que l’eau a disparu il y a
fort longtemps et qu’elle est réapparue
à Fontanallba un beau matin ? Quoi-
qu’on en pense, il y a des événements
qui inquiètent ! Fin juin 2016, ce sont
pas moins de 1,5 millions de mètres
cubes d’eau et de boue qui se sont
déversés du côté du nouveau perce-
ment français [5], ce qui a entrainé le
blocage du chantier et de grosses inter-
ventions en urgence. Mécaniquement,
des trous se sont formés au-dessous du
chantier au niveau du col de Tende.
Plus de peur que de mal, cette fois-ci ?
Plus tard dans l’été, c’est le percement
du côté italien du chantier qui a été
stoppé à la demande de la région pié-
montaise. En effet, compte tenu des
risques de perturbation sur la nappe
d’eau utilisée pour alimenter l’aqueduc
de Langhe et des Alpi Cuneesi qui four-
nit plus de 107 municipalités, le maître
d’œuvre des travaux, ANAS, devait
mettre en place un nouveau captage au
niveau de la source San Macario à Ver-
nante. Le risque se situait entre 330 et
650 mètres de profondeur. Or, alors
que le percement avait atteint 468
dents. L’entreprise vend en
Région Paca, jusqu’à Marseille.
L’Italie, dans les années 80,
n’est pas un marché accessible, il faut
donc se contenter de la France. Difficile,
pour ce petit bout de territoire excentré.
Malgré tout, l’usine se développe, les te-
chniques et les techniciens aussi. A la fin
des années 80, l’usine de la Fouze fait par-
tir 30 à 40 semi-remorques par jour, cha-
cun chargé de 15 000 bouteilles, en verre
ou en PVC, et emploie une quarantaine
d’ouvriers. Mais on trouve bientôt l’eau
bien trop chargée en sulfates, les normes
se durcissent et les solutions trouvées ne
suffisent pas pour réduire le taux. Les di-
rections se succèdent sans trouver de
remède, on imagine même un forage à
250m de profondeur qui trouverait l’eau
plus pure. Côté commerce, les débouchés
sont toujours difficiles à trouver et les
transports coûtent cher pour s’extirper de
ce bout de territoire. Les dettes s’accumu-
lent, on s’en sort presque, mais la situation
est critique. Viennent les premiers licen-
ciements : de 40 employés on tombe pro-
gressivement à 30 puis 20 pour finir à 5
employés… En 1995, Yves ferme les por-
tes de l’usine. Pendant des années, les
L’usine de La Fouze, petite histoire DOSSIER >>> EAU RAGE - EAU DES ESPOIRS
Avril 2017, nº6 Page 9
ENTRETIEN AVEC ROYA EXPANSION NATURE (REN)
La Marmotte : “Depuis combien
d’années existe l’association REN [1] et
depuis quand vous dénoncez les tra-
vaux de doublement du tunnel de Ten-
de ?”
REN : REN existe depuis 1990 et com-
pte 80 adhérents. Elle est agréée depuis
1994 pour la protection de l’environne-
ment. Nous dénonçons le projet de dou-
blement du tunnel de Tende depuis
2007.
LM : En 2014, peu après le début des
travaux, vous constatez que de l’eau
chargée en sulfates est directement
rejetée dans le Vallon de Cannelle et
vous dénoncez cette situation auprès
des autorités, puis auprès du tribunal
administratif (TA) de Nice. Est-ce que le
maître d’œuvre a été condamné ?
REN : A la suite d'un recours auprès du
TA de Nice en octobre 2015, la préfectu-
re des Alpes-Maritimes a reconnu des
anomalies dans la configuration du chan-
tier et s'est engagée à y remédier. En
conséquence de cet engagement, et bien
que nous ayons mis en évidence ces irré-
gularités mais surtout le manque de suivi
par les autorités, l’association a été dé-
boutée et a dû payer 2000€ de frais de
justice de sa poche.
LM: Quelles ont été les suites de ce
procès ?
REN : A l'automne 2016, nous avons ap-
pris par l'intermédiaire de l'ONEMA [2]
qu'une station d’épuration des matières
en suspension (MES) [3] venait d'être
mise en place sur la plateforme du chan-
tier et que le rejet de l'eau ainsi traitée se
faisait maintenant dans le vallon de La
Ca, les boues étant évacuées vers l'Italie.
Nous avons demandé à la préfecture la
description de l'équipement et des résul-
tats des analyses des résidus, mais nous
n'avons rien obtenu. Rien ne prouve
qu'un quelconque suivi de ces rejets soit
effectué.
D'autre part, cette station, qui aurait dû
être mise en fonction au début du chan-
tier et non pas deux ans plus tard, ne doit
pas rejeter l'eau dans La Ca. L'ensemble
des eaux du chantier doit être acheminé
dans le bassin de décantation construit
en aval du chantier, comme indiqué ini-
tialement. Durant deux ans d'activité
«hors contrôle», le chantier a déversé
des tonnes de MES et de sulfates dans le
milieu naturel. Si la mise en place de la
station d’épuration est un progrès, la mi-
se en conformité n'est toujours pas ache-
vée et les vallons-sources de la Roya sont
en train d'en faire les frais.
LM : Les usagers en subissent déjà les
conséquences, en buvant l’eau polluée
ainsi - y compris les habitants de Men-
ton, de Vintimille, de Monaco? Une
amélioration est-elle envisageable ?
REN : Ce sont malheureusement tous les
DOSSIER >>> EAU RAGE - EAU DES ESPOIRS
Quels impacts ont les travaux au col de Tende sur notre eau?
[1] ren.roya.org
[2] Office national de l'eau et des milieux aqua-
tiques.
[3] L'ensemble des matières solides insolubles
visibles à l'œil nu présentes dans un liquide.
Jidé - Propos recueillis en mars 2017
habitants de la vallée qui subissent les
conséquences. Le captage pour l'ali-
mentation de Tende est à 1 km, en ligne
directe, du chantier. Un jour ou l'autre
ces rejets de sulfates et de boues vont
altérer la qualité de l'eau des sources.
Le seul moyen d'éviter les rejets aurait
été de ne pas construire le nouveau
tunnel ! Maintenant, nous devons obte-
nir la mise en conformité de leur traite-
ment.
LM : Avez-vous constaté d'autres irré-
gularités ?
REN : Oui. La réalisation du viaduc
reliant le nouveau tunnel à la route qui
vient juste d’être achevé, laisse claire-
ment apparaître une construction, en
travers du lit de la Ca, reliant les deux
piles centrales du pont. Cette construc-
tion de blocs de roches bétonnés - des-
tinée à tenir les deux piles écartées -
comprend une buse pour l'écoulement
de l'eau. En amont du viaduc, une autre
buse, sur près de 20 mètres, couvre le
vallon pour élargir la plateforme du
chantier. Pourtant, selon les schémas
de la déclaration, aucune construction
ne doit entraver le lit du cours d'eau.
Seuls des enrochements parallèles à la
pente sont prévus. La construction de
blocs, le profil du vallon et les deux
busages ne sont donc pas conformes.
Le dossier au titre de la loi sur l'eau est
précis sur le franchissement du vallon
de La Ca : « L'ouvrage sera sans appui
intermédiaire ce qui laisse toute la lar-
geur du lit actuel disponible. La section
au droit de l'ouvrage sera de forme tra-
pézoïdale avec un tirant d'air d'environ
7,4m en amont de l'ouvrage ».
LM : Et donc, qu’est-ce qu’on peut
faire, puisque malgré l’illégalité, l’ad-
ministration ne réagit pas ?
REN : Nous portons plainte contre le
maître d'ouvrage du projet et le préfet
des Alpes-Maritimes. Il faut que l’un
comme l’autre respectent ou fassent
respecter leurs engagements et le ca-
dre légal.
Commencés en 2014, les travaux du nouveau tunnel de Tende et de rectifications des lacets sont-ils illé-
gaux ? Certaines opérations en cours n’ont pas été déclarées en 2008, contrairement à ce que prévoit l’arti-
cle L214-3 du code de l’environnement. Entretien avec REN, une association qui veut du bien à notre eau.
Page 10 La Marmotte déroutée
L’eau pour qui, pour quoi ?
Eau - énergie
Déjà avant la dé-
couverte de l’électricité, la force
des torrents de montagne a été
utilisée pour fournir en énergie les
moulins à farine ou à huile (à Libre
par exemple, on peut encore en
voir un). Depuis la découverte de
l’électricité, ils furent équipés pour
alimenter l’éclairage public des
villages : en 1902 à Tende par exe-
mple. Quasiment au même mo-
ment, des mini-usines hydroélec-
triques fournissent Saorge, Fontan
et Sospel en énergie électrique.
Progressivement, sous l’impulsion
d’entreprises italiennes et françai-
ses, le système hydroélectrique de
la vallée de la Roya se structure.
Aujourd’hui, l’ensemble des 11
barrages et des 5 usines du côté
français de la vallée permettent de
produire plus de 250 millions de
kWh, soit l’équivalent des besoins
d’une ville de plus 100 000 habi-
tants, selon EDF.
La consommation d’énergie est
actuellement en augmentation
constante. Aux yeux de la Marmot-
te, c’est totalement exagéré : dans
la vallée, certaines campagnes
équipées en photovoltaïque per-
mettent le confort moderne avec
seulement 1 kWh ! Après, évidem-
ment, tout dépend de ce qu’on
entend par « confort moderne ».
Souvenez-vous par exemple du
frigo africain [1].
Eau - source de vie
Au-delà de l’énergie potentielle
qu’elle représente, l’eau est avant
tout indispensable à la vie. L’eau
douce de bonne qualité a tendan-
ce à devenir de plus en plus rare.
Pollution, augmentation des tem-
pératures, accaparement - les
raisons sont multiples. Dans la va-
llée, l’eau est pour le moment offi-
ciellement considérée comme de
bonne qualité. Mais les effets des
perturbations des sources de la
Roya par les travaux au col de
Tende (cf. p. 9 et 10) finiront par se
faire sentir, et les stations d’épura-
tion qui n’arrivent pas à rendre à
l’eau sa qualité d’origine (cf. p.7).
De cycle en cycle, les polluants
s’accumulent et nos organes les
stockent, comme c’est le cas des
métaux lourds ou des PCB. On a
retrouvé du mercure dans les or-
ganes des animaux vivant dans la
fosse océanique à plus de 10 000
m de profondeur!
Les traitements dont nous dispo-
sons pour dépolluer l’eau ont des
limites technologiques, scientifi-
ques mais aussi financières. Pire,
ils ont des impacts sur la santé :
fluor et aluminium responsables
de maladies neuro-délégatrices
par exemple.
Ne serait-il pas le temps pour les
humains de se réapproprier
l’eau ? Parce que la Marmotte, elle
s’en fiche : elle n’a pas de télépho-
ne à recharger et elle mange pour
boire (cf. p. 2), malin, non ?
Jidé
On dit souvent que les villages de l’arrière-pays dépendent de la richesse des villes du littoral pour
survivre et qu’ils coûtent chers aux communautés de communes. Eau potable, hydroélectricité… -
que feraient les villes sans l’eau de nos montagnes ?
Il habitait un endroit qui s’appelle «Aïn». Cela
veut dire «l’œil». C'est parce que «Aïn» est consti-
tué d'une petite butte aplatie grande comme un
terrain de foot, où poussent des dattiers, des ta-
maris et des orangers. Au point le plus élevé du
petit plateau, la végétation devient plus dense, il
y fait plus frais. C'est là qu'est l’œil, au cœur
d'une petite cuvette bordée de roseaux, de bana-
niers, tapissée de menthe et de mélisse. C'est
l’œil. Parfois inerte et immobile, il est envahi de
petites lentilles aquatiques. Puis subitement, l’œil
se gonfle, devient bulle et laisse s'écouler un
abondant ruisseau qui s'écoule dans l'oasis. Enfin,
l’œil se calme et l'abondance s'évapore au soleil
du désert.
Il avait un beau jardin, des dattes, des lapins, des
poules. Il était seul mais heureux. Il se sentait
riche. Il recevait beaucoup de visites, des bédo-
uins, de petites caravanes venant du désert pour
se rendre au marché à trois jours au nord, et
même des caravanes de touristes bariolés et
bruyants. Tous venaient remplir leurs outres et
repartaient heureux.
Les derniers visiteurs ont été les prospecteurs de
pétrole. Ils ne se sont pas arrêtes. Ils sont passés
loin avec des engins énormes, creusant une sorte
d'autoroute dans le sable. Il les a vus du haut de
sa butte. Il a eu froid.
Les pétroliers se sont heurtés à du granit dans le
sous-sol. Ils ont percé à l'explosif. Cinq heures
après, cela faisait un lac. Ils ont ri, c'était beau. Ils
ont continué vers le sud-est.
Un an après on l'a retrouvé, couché dans le sable,
là où avait toujours été l’œil, là, par où la terre
avait regardé les hommes avec amour en leur
donnant ce qu'elle avait de meilleur, là par où
elle leur enseignait la sobriété.
Ecrevisses à pinces
blanches du lac de Breil :
Avant les travaux de restauration
du barrage hydroélectrique de
Breil-sur-Roya en 2012, l’Agence
de l’eau a prélevé 13 000
écrevisses austropotamobius
pallipes dans le lac de Breil et les
a confiées à la société de pêche
pour qu’elles soient réintroduites
en amont. Question : où sont-elles
passées ?
L'EAU. Histoire presque
vraie
DOSSIER >>> EAU RAGE - EAU DES ESPOIRS
[1] Cf. dossier Marmotte n°5 « Essentiel ou superflu ? ».
Lac de Breil : d’une
superficie de 2,8
hectares, il permet à
l’usine hydroélectrique
qui se situe en aval de
produire à elle seule
environ 34 millions de
kWh.
L’eau potable de
Menton et de Monaco :
elle est extraite de la
Roya, respectivement à
95% pour les
Mentonnais et de 2 à 3
millions de m3 par an
pour les Monégasques.
Cé
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rkit
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Le renard de la Roya
Avril 2017, nº6 Page 11
L’entreprise a déjà commencé à s’implan-
ter sur Saorge (centrale de traitement des eaux de
Mérim, compteurs en projet à l’arrivée au réservoir
du village et au Trop-plein…) et aimerait aussi
récupérer l’eau de la Maglia, qui alimente Breil.
Avec ses promesses alléchantes, elle soudoie les
mairies afin que celles-ci abandonnent la régie mu-
nicipale et lui confient la ressource la plus impor-
tante de nos communes. A Saorge, la municipalité
estime que cela réduira sa charge de travail et la
facture de ceux qui ne sont au village que durant
les vacances. Mais pour les autres, cela signifie que
nous aurons bientôt des compteurs d’eaux indivi-
duels, avec une facture annuelle plus que doublée,
qu’il faudra poser de nouveaux points payants pour
les jardins du village, et surtout, se soumettre tota-
lement au mode de gestion du traitement des eaux
et aux priorités de la multinationale.
De nombreuses communes sont sorties (très diffici-
lement) de la gestion privée ces dernières années
(Nice, Contes…), et nombre d’autres tentent de le
faire actuellement car le suivi est quasiment inexis-
tant, les problèmes sur le réseau nombreux, et les
pratiques douteuses de la société ne sont plus à
démontrer (privatisation de l’eau des bidonvilles
colombiens, eau plus chère que le coca-cola dans
beaucoup de villes africaines, traitements abusifs
au chlore, au fluor et même parfois à l’alumi-
nium…). Les procédures pour récupérer un réseau
comme celui de Saorge, construit par les habitants
Une ombre lugubre plane sur notre territoire. Veolia, qui tente de prendre le
monopole sur la gestion de l’eau, les déchets et les transports dans le départe-
ment, s’intéresse de près à nos sources.
DOSSIER >>> EAU RAGE - EAU DES ESPOIRS
après la grande guerre, appartenant
aux habitants, pourront s’étaler sur
plusieurs décennies…
Il est important que les populations
de Saorge, de Breil et des autres
communes s’expriment sur ce sujet,
lors des conseils municipaux, dans
les mairies, mais aussi dans la rue, et
Menaces sur l’eau de Saorge
EEEAUAUAU SECOURSSECOURSSECOURS !!!
Poésie saharienne
Je mènerai mes fils loin des terres humides
Qui font de l'homme un esclave étouffant sous l'affront.
Plutôt leur honneur sauf, ventres à moitié vides,
Et non ventres repus au prix d'humiliations
Le soir du 13 juin 2011, dans les rues de nombreuses
villes italiennes, on célèbre la victoire du référendum pour l'eau
bien commun. Ce résultat est le fruit d'un long processus qui a
impliqué des milliers de personnes à travers l'Italie: comités
locaux, associations, collectifs et particuliers.
Créé à l’issue d’une série de réunions entre 2005 et 2006, le
Forum italien des mouvements pour l'eau bien commun a rassem-
blé des expériences de lutte contre les politiques qui ont fait de
l'eau une marchandise et du marché, sa place de gestion privilé-
giée. En 2007, le Forum avait recueilli 400 000 signatures et sou-
mis au Parlement une « loi d'initiative populaire » pour le con-
trôle public des services nationaux de l'eau, mais celle-ci est
La bataille pour l’eau en Italie restée à ce jour enfermée dans les tiroirs des commissions parle-
mentaires. En novembre 2009, le processus de privatisation a été
accéléré avec le décret Ronchi qui a donné aux entreprises
privées un accès facile au système de gestion de l'eau, avec la
possibilité d'augmenter les tarifs.
Sur l'ensemble du territoire italien, la résistance à la privatisation
prend diverses formes: de la collecte de signatures pour l'abroga-
tion des pires éléments du décret Ronchi à l'opposition aux coupu-
res d’eau pour les familles qui ne peuvent pas payer leurs factu-
res. En 2010, le comité référendaire, composé du Forum et de
partis politiques, a présenté trois questions visant à abroger les
dispositions légales qui cherchent à privatiser l'eau, avec l'appui
Andromède le lagopède
qu’elles se renseignent sur ce
problème…
Eau secours ! L’eau, les sour-
ces, sont notre bien le plus
précieux…
leur très faible place dans la gouvernance du service, à l’excep-
tion des quelques associations syndicales libres et sociétés
coopératives qui concernent des communes de quelques cen-
taines d’habitants. Nous sommes très loin de la gestion commu-
nautaire qui est celle des biens communs.
Quel droit à l’eau ?
En juillet 2011, l’assemblée
générale de l’ONU décla-
rait que l’accès à l’eau et à
l’assainissement était un
droit humain. Cette décla-
ration n’a eu aucun effet
concret, même dans les
pays qui ont introduit ce
droit dans leur Constitution.
La raison en est simple :
c’est le plus souvent les
factures individuelles ba-
sées sur la quantité d’eau
consommée qui financent
les services donnant accès
à l’eau et à l’assainisse-
ment ; ceux qui ne peuvent
pas payer leur facture sont
tout simplement privés de
leur droit (sans domicile
fixe, Rroms, migrants...).
Lorsqu’elle est considérée
comme un bien commun,
l’eau n’a pas de prix. Le
coût des services doit être
pris en charge par la com-
munauté des usagers qui
fait en sorte que les plus
riches paient pour l’accès à
l’eau et à l’assainissement
Pendant très longtemps dans la plupart des sociétés européennes, l’eau a été instituée comme un bien commun. Puis les
enclosures, le développement des villes et du capitalisme ont progressivement transformé l’eau en marchandise que les
citadins doivent payer à un opérateur public ou privé. Celui-ci se charge d’amener l’eau potable jusqu’aux habitations et de
collecter les eaux usées. Désormais comme l’a dit Ivan Illich, l’eau entre dans la ville comme marchandise, y circule dans
un réseau et en ressort comme déchet. Rares sont ceux qui actuellement accèdent directement à l’eau potable et à l’assai-
nissement sans passer par un opérateur de service ; en France, ils sont souvent l’objet de tracasseries administratives.
Gestion publique ou privée
En France, les services d’accès à l’eau potable et à l’as-
sainissement sont des compétences des collectivités
locales (communes, syndicats de communes ou inter-
communalités appelées établissements publics de
coopération intercommunale à fiscalité propre). La ré-
forme territoriale en cours (loi NOTRe) vise à transférer
les compétences des communes et des petits syndicats
vers les intercommunalités, passant de 35000 services
aujourd’hui à un peu moins de 4000 en 2020. La collectivi-
té locale en tant qu’autorité organisatrice a le choix entre
différents modes de gestion de ses services d’intérêt éco-
nomique général : établissement public (régie à autono-
mie financière ou régie à autonomie financière et person-
nalité morale), société publique locale, société publique-
privée (société d’économie mixte ou société d’économie
mixte à opération uni-
que), délégation de ser-
vice public par conces-
sion à une entreprise
privée et, de manière
extrêmement marginale,
association syndicale
libre et société coopéra-
tive industrielle et com-
merciale. Il existe aussi
des régies dites
« directes » (qui ne se
distinguent pas des ser-
vices administratifs de la
collectivité locale), dont
la création est interdite
depuis un arrêt du Con-
seil d’Etat de 1926 et qui
ont vocation à disparaî-
tre.
On retrouve dans les
autres pays européens
des modes de gestion
similaires mais avec des
proportions très varia-
bles entre gestion publi-
que et privée. Ces diffé-
rents modes de gestion
se caractérisent par l’ab-
sence des usagers ou
Qu’est-ce qu’un bien commun ? Un bien commun peut-être matériel (aquifère, forêt, terre cultivée) ou
immatériel (algorithme, séquence d’un gène). Il se distingue d’un bien
public ou privé par les droits de propriété et d’usage que la société lui
associe. C’est la communauté en charge du bien commun qui en
partage l’usage parmi ses membres et qui le préserve pour les
générations futures. A contrario, le propriétaire d’un bien public ou
privé en a l’usage exclusif et peut le vendre comme une marchandise à
un consommateur.
Page 12 La Marmotte déroutée
EAU RAGE - EAU DES ESPOIRS <<< de 1 400 000 signatures collectées en trois mois. La
Cour constitutionnelle a déclaré recevables deux de
ces questions. Cela nous amène au référendum d'ini-
tiative populaire qui s’est tenu du 12 au 13 juin 2011
et qui a vu la victoire écrasante du « Oui à l'eau pu-
blique » (tout comme de l’opposition à l'énergie nu-
cléaire). Mais les institutions n'ont jamais respecté
cette forte indication politique et n’ont pas tenu com-
pte du résultat du vote. Par conséquent, la mobilisation
populaire n'a pas cessé, diverses initiatives et luttes ont été
ouvertes. A l'instar de Naples, où les comités locaux ont
réussi à empêcher les entreprises de tirer profit du bien
commun qu’est l'eau et où la mairie a créé un consortium
public pour sa gestion, la «campagne d'obéissance civile»
pour le respect du référendum a été étendue à l'ensemble
du territoire. Plus d'info sur www.acquabenecomune.org
L’eau, bien commun ou marchandiseL’eau, bien commun ou marchandiseL’eau, bien commun ou marchandise ??? Ludovico la Noce
La Marmotte déroutée Page 13
EAU RAGE - EAU DES ESPOIRS <<<
impayé.
CEUX QUI MARCHENT SUR NOS ROUTES
mourir d'autres êtres humains sous leurs
yeux, peut-être justement parce que ça se
passe sous leurs yeux. Parce qu'il est in-
concevable de regarder la mort en face
sans rien faire. Parce que la seule façon de
ne pas la voir, c'est de rester chez soi. Peut
-être que les gens qui aident le font parce
qu'ils sortent de chez eux. Peut-être que
s'ils sortaient moins et regardaient plus la
télé qu'ils n'ont pas, ils n'aideraient pas.
Peut-être qu'ils croiraient ce qu'on leur dit,
comme les autres.
De là à en conclure qu'on ferait mieux de
jeter nos télés par la fenêtre, il n'y a qu'un
pas... Un pas au bord d'un fleuve, quelque
part dans « un petit village d'irréductibles
gaulois [qui] résistent encore et toujours à
l'envahisseur »...
Garderen lou moral. E vivà
Kawalight
La Roya est un fleuve côtier qui prend sa sour-
ce au col de Tende dans le département des
Alpes-Maritimes en France et qui rejoint la
Méditerranée en Italie au niveau de Vintimille.
Originaire de Nice, je ne suis sans doute pas
le mieux placé en termes d'objectivité pour en
parler. Je dois dire que le simple souvenir de
mon sang qui se glace en plein été au contact
de sa douce fraîcheur, qu'on apprécie toujours
au lendemain d’une fête de village, me rem-
plit de joie et de bonne humeur. Puis, au-delà
de l'eau qui danse en traversant la vallée, no-
tre fleuve « franco-italien » est le berceau
d'une nature préservée où marmottes et pis-
senlits vivent en harmonie.
Mais depuis quelques temps, une nouvelle
population est venue se nicher le long de no-
tre magnifique fleuve. Une population qui
vient bousculer un peu la vallée en ce sens
qu'elle provoque des réactions pour le moins
fleuries animées par une haine et une peur de
l'autre qui me glace également le sang, et
pour le coup, il s'en serait bien passé.
En effet, tous les jours, des hommes, des fem-
mes, des enfants remontent le cours de l'eau
pour quitter l'Italie en espérant rejoindre leur
famille quelque part en France, en Allemagne
en Angleterre... Mais ce qu'ils ne savent pas,
c'est que la vallée de la Roya est un cul de sac.
Pour rejoindre le reste de la France, il faut
repasser par l'Italie. Ce qui signifie que quel-
que part, on isole la vallée en la laissant se
remplir de migrants sans aucun contrôle à
l'entrée, mais en prenant bien garde de con-
trôler la sortie purement et simplement. Ainsi,
la Roya devient un mur depuis qu'on s'en sert
comme frontière. Mais pourquoi ? Pourquoi
toujours vouloir s'enfermer et se protéger ? Se
protéger de quoi ? D'une famille affamée et
blessée par la route ?
On nous parle toujours de protection
quand il s'agit en fait souvent de répres-
sion. La situation alarmante permet aux
gouvernements de stigmatiser toute une
vallée gênante puisque peuplée égale-
ment - et heureusement - d'humains qui
ont de la mémoire et qui n'oublient pas
d'où ils viennent. Des humains qui tout
simplement ouvrent leur porte comme ils
l'auraient sans doute fait pour les Juifs
traqués pendant la guerre.
Et puis, soyons sérieux. Rien n'est infran-
chissable ! Pas même un fleuve qui se
traverse... Pas même un mur qui se con-
tourne... Ils sont simplement dangereux
pour ceux qui tentent de les franchir et
qui le tenteront malgré tout, pour sauver
leur peau. Ainsi, la vallée de la Roya de-
vient elle-même dangereuse pour les
personnes qui y errent. On gagne du temps
en ralentissement le flux et on ne fait rien
d'autre. On gagne du temps qui coûte des
vies.
Alors évidemment on me répondra qu'on
ne peut pas accueillir toute la misère du
monde... évidemment.
Mais que direz-vous le jour où ces mêmes
migrants arriveront les pieds ensanglantés,
tremblants de froid et affamés dans votre
jardin ? Tournerez-vous encore la tête ?
Ferez-vous semblant de ne pas voir leur
désespoir et leur détresse ? Direz-vous en-
core qu'on ne peut décemment pas ouvrir
les frontières comme ça ? Mais d'ailleurs,
comme quoi ? Comme une bande d'irres-
ponsables qui se préoccupent plus de la vie
humaine que du profit de son pays ?
Peut-être tout simplement comme des êtres
humains qui ne parviennent plus à regarder
ailleurs. Qui ne parviennent plus à laisser
Fleuve noir
Ce mois-ci, la Marmotte ouvre les colonnes de cette rubrique à ceux qui croisent au
quotidien « ceux qui marchent sur nos routes » et des personnes qui les aident. Un bi-
llet qui vient de Nice :
des plus pauvres. C’est en
partie ce qui se passe en Ir-
lande, où les services
d’accès à l’eau et à l’assainis-
sement sont financés par
l’impôt sur le revenu.
Il ne peut y avoir une eau
bien commun et un droit à
l’eau sans une gestion démo-
cratique et communautaire de
l’eau, et sans un changement
radical du mode de finance-
ment des services. Ne croyez
pas les politiciens lorsqu’ils
vous disent que l’eau est un
bien commun dans leur colle-
ctivité locale et que le droit à
l’eau est appliqué en France
parce qu’il y a interdiction
des coupures d’eau pour
Anarchospinozal
La Marmotte déroutée Page 14
Une mission d’observation d’Am-
nesty International France (AIF)
dans les Alpes-Maritimes, réalisée
du 19 janvier au 26 janvier 2017, a
permis de dresser un constat pré-
cis des violations des droits hu-
mains des hommes, femmes et
enfants, migrants ou réfugiés, qui
franchissent la frontière franco-
italienne pour rejoindre le territoi-
re français.
Ce rapport révèle « que les opéra-
tions de contrôle de la frontière
portent atteinte au droit d’asile, ne
respectent pas la législation fra-
nçaise applicable aux contrôles aux
frontières et ne sont pas conformes
à la convention relative aux droits
de l’enfant: Les personnes con-
trôlées à la frontière se retrouvent
en majorité privées de toute possi-
bilité de faire valoir leurs droits,
notamment celui de solliciter l’asi-
le. Les enfants non accompagnés ne
font pas l’objet de l’attention requi-
se au regard de leur situation de
vulnérabilité, ce qu’exige pourtant
la législation française de protec-
tion de l’enfance. Aucune identifi-
cation des enfants n’étant réalisée,
les enfants sont renvoyés au même
titre que les adultes, de façon expé-
ditive et sans possibilité d’exercer
leurs droits ni même d’être accom-
pagnés ».
Cette mission a également mis en
évidence le fait que « ce sont pré-
cisément ces violations des droits
humains commises par les autorités
françaises qui ont contraint des ci-
toyens à se mobiliser pour venir en
aide aux personnes réfugiées et
migrantes ; des citoyens qui, de
façon paradoxale, se retrouvent,
pour certains, poursuivis par l’État
français. Le rétablissement des con-
trôles aux frontières ne signifie pas
que l’on peut faire exception à la
loi. Ces contrôles doivent au con-
traire conduire les autorités à être
plus vigilantes quant à la protection
des droits des personnes, et identi-
fier les personnes en situation de
vulnérabilité, qu’il s’agisse d’enfants
privés de leur parents ou de victi-
mes de la traite d’êtres humains ».
De nombreux exemples d'actions
illégales des forces de police ont
été constatés, parfois accompagné-
es de falsification de documents:
par exemple, inscrire par écrit
qu'un enfant a été interpelé sur un
poste frontière alors qu'il était déjà
sur le territoire français et qu’avait
donc droit à protection ; renvoyer
un mineur déjà pris en charge par
l'Aide sociale à l'enfance et, de
plus, le mettre dans le train pour
Vintimille afin qu'il ne soit pas re-
foulé par la police italienne.
Il est extrêmement grave de cons-
tater que des forces de police cen-
sées respecter et faire respecter la
loi se permettent, certainement sur
ordre préfectoral, de violer les lois
pour mettre des gens, et notam-
ment des enfants, en danger. Leur
mission n’est-elle pas de protéger
les personnes, quels que soient leur natio-
nalité ou statut ?
L'histoire montre malheureusement
que dans un « état de droit », ce
que la France prétend être, ces
violations systématiques du droit
sur des populations minoritaires
peuvent conduire aux pires excès.
Dès lors, plus personne n'est à
l'abri d'y être confrontée un jour.
Dans la Déclaration universelle des
droits de l'Homme, on peut lire :
Article 13: Toute personne a le droit de
circuler librement et de choisir sa
résidence à l'intérieur d'un État, mais
aussi de quitter tout pays, y compris le
sien, et de revenir dans son pays. Article 14: Devant la persécution, toute
personne a le droit de chercher asile et
de bénéficier de l'asile en d'autres pays.
Des actions illégales : un rapport acablantDes actions illégales : un rapport acablantDes actions illégales : un rapport acablant
Nous l’avons déjà souligné dans un précédent numéro (cf. Marmotte nº4) : nous sommes très loin
de la prétendue « invasion » des pays riches par les populations pauvres : les mouvements actuels
des populations se font à 80% entre pays « en développement », et seulement 2% des réfugiés
fuyant les guerres, les dictatures, la famine ou la misère choisissent l’Europe et y arrivent. Si les
réfugiés se concentrent en si grand nombre à Vintimille et dans la Roya, c’est d’abord à cause du
blocage de la frontière. Et aussi parce les forces de l’ordre, qui s’attellent à renvoyer à Vintimille
les migrants qu’ils arrêtent dans la vallée et surtout à sa sortie (Sospel), utilisent notre vallée com-me un sas pour gonfler les chiffres des reconduites à la frontière. N’avez-vous pas déjà fait le cons-
tat de croiser plusieurs fois les mêmes personnes ? Cette stratégie favorise par la même occasion
les réseaux de passeurs (qui font leurs prix en fonction de la difficulté à traverser : entre 150 et 2000
euros pour rejoindre Nice) et de prostitution. Mais, derrière les statistiques et les calculs, il y a des
êtres humains.
Liberté, égalité, fraternité : sommes-nous
encore en France ?
Les autorités du département des Alpes-Maritimes
bloquent les chemins peu dangereux et cherchent
à faire passer pour des malfaiteurs les personnes
refusant l’indifférence face à la détresse, afin de
les incriminer. Les délibérés des précédents
procès sont remis en question. Le parquet fait
automatiquement appel si la décision ne lui
convient pas (et c’est nous, avec nos impôts, qui
payons ses frais de justice). En même temps, tous
les dossiers concernant la vallée de la Roya ont été
retirés à la juge qui s’en chargeait jusqu’alors,
considérée comme « trop clémente » et remplacée
par un juge de Grasse. Nous qui croyons que
l’indépendance de la justice était tout ce qu’il nous
restait dans ce département corrompu, où le
pouvoir est accaparé par une poignée de notables!
Après Paris, Marseille aussi déporte vers le
Soudan
Le 27 avril prochain, Ahmed Ali, de nationalité
soudanaise, comparaîtra au Tribunal d’Aix-en-
Provence pour avoir refusé d’embarquer au bord
d’un avion devant le ramener au Soudan qu’il avait
fui. C’est la première fois qu’une déportation dans
un pays en guerre allait avoir lieu à Marseille.
De l’autre côté de la frontière
En Italie, la municipalité de Vintimille à fermé tous
les accès à l’eau potable hors des bâtiments.
Résultat : beaucoup de personnes de passage se
retrouvent en grave danger de déshydratation,
comme au Sahara… Quant à celles et ceux qui
viennent leur distribuer à manger, ils sont harcelés
par la police et finissent même parfois en garde à
vue, avec des procès en perspective et des peines
pouvant aller jusqu’à 3 mois d’emprisonnement et
206 euros d’amende… Le tout, pour avoir
simplement donné à manger à des personnes
nécessiteuses. A quand les camps d’extermination?
Norbert le Colvert et autres migrateurs
CEUX QUI MARCHENT SUR NOS ROUTES >>>
Avril 2017, nº6 Page 15
Un mardi après-midi de février. Je suis en avance, je
prends un demi au Buffet de la Gare et je m’installe en terras-
se côté voie ferrée, c’est là qu’il y a du soleil.
Le quai est désert. Il n’y a que trois tables, moi et ma bière. Et
le soleil qui filtre à travers la verrière de l’imposante « gare
internationale », projetant sur le quai des ombres géométri-
ques. Il y a dans ce dépouillement et cette solitude quelque
chose de cristallin, quelque chose qui tient de la beauté de
l’instant. Je laisse de côté le travail que j’ai réservé pour cette
attente. C’est trop captivant pour ne pas rester concentré. Je
prends soudainement conscience que c’est rare. C’est rare
d’être assis seul en terrasse d’un vrai bar sur un vrai quai,
dans ce monde de chaînes et de franchises, de règles de sé-
curité et de foules pressées. Un train arrive, le quai se peuple
l’espace de quelques minutes, puis se vide de nouveau. Le
train repart, en direction de Tende. Une employée de gare
donne le signal de départ et salue le conducteur. Elle est
jeune et souriante. Le soleil souligne son uniforme et sa cas-
quette d’un contour blanc et enflamme ses longs cheveux
lâchés, rendant la scène encore plus graphique. Le train dé-
marre, elle reste encore quelques secondes sans bouger.
Temps suspendu. Temps déjà presque révolu. Combien de
temps encore les trains en direction de Tende partiront de la
gare de Breil ? Combien de temps encore il y aura des em-
ployés de gare pour donner le signal de départ ? On parle
déjà de remplacer les trains par les bus, avant de nous obliger
de compter sur nos propres moyens. Et cette ligne TER est une
des dernières à encore employer du monde. Mais, déjà, les ga-
res ferment, et leurs guichets aussi, le train devient une simple
machine, le monde se déshumanise. Je me dis que, ici ou
ailleurs, je me rappellerai de ce moment dans quelques années.
Il y a des moments comme ça, en apparence anodins, mais qui
posent comme des jalons dans la mémoire, on se souvient, des
dizaines d’années après, de tout ce qui les constitue : la lumière,
l’air frais sur la peau, la pureté du silence …
Deux militaires traversent le quai en long, marchant d’un pas
rapide, comme s’ils étaient en retard. Le soleil les éclaire comme
la jolie “chef” de gare. De loin, c’est encore beau. Une pensée
fugace : voit-on encore la beauté dans un endroit en guerre ?
Peut-être, et peut-être même avec une force décuplée. Puis, ils
reviennent. D’autres les rejoignent, ils sont quatre en tout et trois
douaniers. Ils quadrillent le quai, les fusils à la main, à l’arrivée
du train qui vient de Vintimille. Une présence brutale, lourde de
sens. La guerre est déjà là. Le soleil passe de l’autre côté de la
montagne. L’instant de beauté est déjà dans le passé.
Qu’est-ce qui nous reste ? La laideur ou la résistance…
Andrea
Février 2017
Enfin une bonne initiative
pour relancer l'économie
valléenne !
Depuis quelques semaines, des dizai-
nes de militaires et de policiers s’ins-
tallent dans nos villages, qui à l'hôtel,
qui dans une chapelle réaffectée. On
les voit au restaurant où ils ont pris
pension, au café, au tabac. C'est
moins exigeant qu'un touriste et c'est
l'État qui paie. Vu le désintérêt de nos
élus pour financer quoi que ce soit
dans cette vallée, on peut remercier
les migrants pour leur aide.
SI J’AVAIS UN RÊVE...
Si j’avais un rêve:
A l’enfant qui sommeille en chacun de
nous : ferme les yeux et fait trois vœux…
Mais moi dans mon rêve je n’en ai
qu’un : tenir la baguette magique!
Avec elle, la vallée de la Roya devien-
drait « La vallée pilote » et, entre autres,
les camions bruyants et polluants se-
raient ferroutés… les chauffeurs réunis
dans leur wagon taperaient le carton et
se fendraient la poire.... Peu à peu ces
camions deviendraient des vestiges
fantasmagoriques de civilisations
désuètes et seraient transformés en
manèges délirants…
Si j’avais un cauchemar :
Si j’avais un cauchemar à raconter, dans
mon lit à l’étage...
Ma baguette magique est écrabouillée
sur la route...
Et alors je suffoque, assis(e) et hébété
(e), dans une pièce qui tremble dans
toutes ses jointures au gré du gronde-
ment sourd des poids lourds qui passent
dans la rue... Je n’entends plus la Ro-
ya...., dans laquelle des truites flottent
ventre à l’air...
Les Coyottes des Alpages
Trois lecteurs assidus et enthousiastes de la Marmotte déroutée ont imaginé cette rubrique qui propose aux lecteurs de répondre
à la question : “si j’avais un rêve ? si j’avais un cauchemar”. Voici une première série de réponses :
A la gare de breilA la gare de breilA la gare de breil---sursursur---royaroyaroya
Si j’avais un rêve:
A l’enfant qui sommeille en chacun de
nous : ferme les yeux et fait trois vœux…
Mais moi dans mon rêve je n’en ai
qu’un : tenir la baguette magique!
Avec elle, le printemps ce ne serait pas
le renouveau sonore et nauséabond
des embouteillages exponentiels des
fins de semaine, mais ce serait d’en-
tendre les modulations d’éveil saison-
nier de tous les oiseaux et de ressentir
les parfums des premières floraisons…
et de siroter un doux breuvage aux te-
rrasses des cafés des villages....
La gare de Breil en avril 1947
Le renard de la Roya
La Marmotte déroutée Page 16
Il m’est arrivé souvent
d’avoir peur. Peur par
manque de repères, peur
de me sentir perdue. Peur d’une peur d’en-
fant qui cherche des bras. N’importe les-
quels, pourvu qu’ils apportent du réconfort.
Pourvu qu’ils me disent : « Tout va bien main-
tenant. Je te protège. » Adulte, il m’arrive
encore de ressentir ce vide, ce vertige, ce
« rétrécissement » de soi. Perdue parmi les
autres, perdue dans mes projets, mes buts,
perdue en moi. Je sursaute, je crains, je me
méfie, je suspecte. Et je m’attache, comme
un corps fatigué, un esprit désamarré, aux
bras qu’on me tend. Ceux-là rassurants, forts,
stables qu’on me tend sans le savoir. Amours,
amis, parents acquièrent à ces moments-là
des pouvoirs qu’ils ne soupçonnent pas. Re-
croquevillée contre eux, je ne ressens plus le
froid du dehors. Je n’ai plus peur parce qu’ils
font rempart. Je n’ai plus peur parce que je
leur fais confiance. De cette confiance aveu-
gle d’enfant, de chien, d’être soumis mais
pur. De celui qui ne peut pas se battre parce
qu’il ne comprend pas la lutte, ne maîtrise
pas les armes. Je refuse le combat et me re-
croqueville, me fonds en eux. Et par cette
fusion, je puise leur force, leur tranquillité, je
m’oublie et m’endors.
Ces moments de fragilité sont des moments
de soumission pour moi, et de domination
bienveillante pour les autres. Je m’y sacrifie
ou plutôt je sacrifie cette peur néfaste, et je
renais, plus tard, plus forte, régénérée. Mais
que se passerait-il si cette personne à qui je
donne momentanément ce pouvoir immense
de me protéger, s’appropriait ce pouvoir ? Si
ce pouvoir que je lui confie par détresse n’é-
tait pas révocable, en tout cas pas quand je le
désire, moi ?
J’entends dire, souvent, surtout en ces temps
mouvementés de campagne présidentielle,
qu’il nous faut quelqu’un de fort pour nous
diriger. Quelqu’un de confiance, quelqu’un
stable et puissant. Quelqu’un qui sait, qui
voit, quelqu’un qui n’a pas peur. Et toujours
ces phrases me rappellent à mes peurs d’en-
fant ou à celles d’aujourd’hui. Des bras, tou-
jours des bras. Vulnérables on l’est, fragiles
aussi. Rétifs à la liberté, à la lumière crue,
aveuglante du dehors. Nous perdons les pé-
dales, il nous arrive d’y comprendre foutre-
ment rien : l’Europe, les médias, le capitalis-
me, les épidémies, les guerres, les taxes, le
racisme, la mort… Vouloir nous abandonner
n’est que trop humain. Mais que feront-ils,
ces chers élus, quand nous aurons fermé les
yeux au creux de leurs paroles rassurantes ?
Que feront-ils de nous et que feront-ils de
leurs promesses ?
il doit pouvoir être repris. Ou, au mini-
mum, adapté, remanié, discuté, contra-
rié. Nous pouvons observer notre langa-
ge : n’oppose-t-on pas, malgré nous, les
mots “autorité” et “revendication”?
“Force” et “tolérance”?
Mettons que j’ai peur un instant, que je
désire être soumis, que je veuille
m’abandonner, il me faut, en même
temps me contraindre à ne pas tout
abandonner ! Ni esprit critique, ni force
de contradiction. La désobéissance,
quand elle est volonté d’émancipation,
est une nécessité, un versant de la liber-
té ! Bref, une bonne vieille râpe anti-
callosité de l’habitude !
N’importe qui
JOURNAL DE N’IMPORTE QUI
Qu’est-ce qu’on est bien dans tes bras !
Le danger, selon moi, vient d’abord
de nous. Il vient d’un petit vice par-
tagé que l’on appelle dans les bou-
quins de vulgarisation en psycholo-
gie « le pied dans la porte ». C’est-
à-dire : une fois qu’on a répondu
oui, on a beaucoup plus de mal,
ensuite, à dire non. Oui, je te fais
confiance mais cette fois (ou trop
souvent), non, tu as tort. On prend
trop vite l’habitude (!) de dire oui.
C’est cette force de l’habitude, de
« la coutume » que s’efforce de dé-
crypter Etienne de la Boétie dans
son livre « De la servitude volontai-
re » écrit en 1549. Pourtant, en poli-
tique comme ailleurs, si le pouvoir -
sur soi - peut être donné, délégué,
Avril 2017, nº6 Page 17
DROIT DE RÉPONSE Le C.O.N.A.R (Comité d’organisation national des arguments raisonnables) a
été chargé d’informer tous ceux et celles qui présentement s’inquiètent du
devenir de la vallée. C’est le célèbre professeur Della Recampune, inventeur
du laser à couper le beurre, qui a été chargé de la mission. Nous publions sa
Messieurs,
Au vu des travaux de construction du double tunnel de Tende,
des habitants s’inquiètent des conséquences d’une augmenta-
tion du trafic routier. Ces gens-là redoutent une pollution ac-
crue, un trafic dangereux et des impacts sur leur santé, une
augmentation du réchauffement climatique local et l’abandon
du principe de précaution. Une vue à court terme pourrait
sembler leur donner raison, mais heureusement, il n’en est
rien, et mon rôle est de les rassurer sur l’avenir de notre belle
vallée.
C’est vrai, l’accumulation du dioxyde de carbone, des oxydes
d’azote, du monoxyde de carbone, des particules, des suies
aux nanoparticules, des poussières de plomb, de benzène de
dioxyde de soufre, d’amiante et d’ozone peut sembler à une
personne mal informée ou inculte une catastrophe environne-
mentale. La science soit louée, ce n’est pas vrai ! Je me per-
mets de citer un grand ministre français de l’Éducation natio-
nale et de la technologie, Claude Allègre : n’a-t-il pas dit que
le changement climatique était une imposture et aussi que le
principe de précaution était une arme contre le progrès ? Or,
chacun sait qu’un ministre est compétent, honnête et dans l’im-
possibilité de mentir. Alors, je vais essayer, de manière sim-
ple, de rassurer ces réfractaires dont on pense qu’ils ne sont
pas tous originaires de la vallée, que certains seraient écolo-
gistes, voire tenants de la décroissance, ou même poètes. Au
nom du progrès, du nouvel ordre mondial et de la belle pen-
sée unique je proclame : VIVE LA ROUTE ET LES TUNNELS !
Pauvres égarés, bien sûr que ces gaz vont dans un premier
temps noircir les façades et rendre lugubres les traversées
des villages, mais ne comprenez-vous pas
que cela engendrera des travaux constants
de réfection de peinture pour les hôtels de
ville, les maisons bourgeoises et les monu-
ments historiques ? Bientôt dans la vallée,
grâce aux tunnels, des entreprises de
peinture vont se développer et créer des
emplois !
Tristes simplets, dans un deuxième temps,
ce mélange gazeux rongera les calcaires,
les chaux et les pierres en profondeur. Pour
éviter l’effondrement entier des façades, il
faudra les ravaler complètement tous les 7
ans. Bientôt dans la vallée, grâce au dou-
ble tunnel, de nouvelles entreprises de
maçonneries se développeront.
Gentils niaiseux, dans un troisième temps,
le passage incessant jour et nuit des poids
lourds va ruiner et déstabiliser les fonda-
tions situées près de la route. Il faudra dé-
truire de nombreux bâtiments sans intérêt
et refaire complètement les fondations des
bâtiments publics et des monuments histori-
ques. Bientôt, grâce au double tunnel, de
gigantesques entreprises industrielles
viendront sauver les chefs d’œuvre de la vallée à bon
marché (car ces entreprises emploient la main d’œuvre
immigrée pour faire baisser les prix).
Mais bandes d’utopistes, avez-vous pensé que les différentes
entreprises qui s’occupent aujourd’hui de l’entretien des rou-
tes vont devoir renforcer leur vigilance et travailler jour et
nuit, car les accidents vont se multiplier, les panneaux signa-
létiques seront rongés annuellement par le mélange gazeux et
devront être changés régulièrement pour être lisibles ? Les
déchets jetés par les voitures seront multipliés par mille, les
fondations s’affaisseront régulièrement. Les autorités devront
être sans cesse en alerte pour pouvoir intervenir et empêcher
des kilomètres de bouchons. Bientôt dans la vallée, grâce
au double tunnel, l’État triplera les emplois liés à la route!
Soyez réalistes, bande d’ignorants, devant un tel afflux de voi-
tures, il faudra multiplier les feux rouges dans chaque village,
ce qui finira inexorablement par attirer des enfants mendiants
laveurs de pare-brises dont les parents sont souvent des cam-
brioleurs ou des vendeurs à la sauvette. Les autorités et les
forces de l’ordre devront sans cesse traquer ces clandestins et
les ramener de l’autre côté des tunnels. De plus, pour répon-
dre au besoin bien naturel de la fréquentation accrue des rou-
tiers qui traverseront notre belle vallée, des foyers de prosti-
tutions pulluleront le long des berges la nuit. Cette aubaine
sera aussi d’un grand réconfort pour les hommes seuls de la
vallée ! Les péripatéticiennes généreront de la croissance
économique et rempliront les écoles en train de se désaffec-
ter. Bien sûr, il faudra renforcer les contrôles policiers et la
surveillance sanitaire pour protéger les autochtones. Bientôt
LETTRE À LA POPULATION RÉTIVE À LA CONSTRUCTION DU DOUBLE TUNNEL DE TENDE
De
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Au sujet des numéros 1 et 4 :
Je possède une résidence secondaire à Tende depuis 8 ans […]. Je
partage vos inquiétudes sur le trafic routier dans la Roya mais
quand vous parlez pollution il serait honnête de dire que la plupart
des particules fines sont issues du chauffage individuel au bois plu-
tôt que de la route. Vous devriez faire la promotion de ce qui se fait
dans la Vallée de l'Arve plutôt que de taper essentiellement sur les
camions :
www.bioenergie-promotion.fr/39736/ppa-de-la-vallee-de-larve-le
-fonds-air-bois-aide-a-moderniser-les-chauffages-a-bois/
La Marmotte déroutée Page 18
dans la vallée donc,
grâce au double tun-
nel, création de nou-
velles gendarmeries,
de nouvelles écoles
et d’un centre de ré-
tention !
Et au nom de ce même
progrès inéluctable,
j’ose dire : vive la po-
llution ! Parlons de l’air, de l’eau et de la
terre. Il est dit que leur pollution aug-
mente les cancers, les allergies, les my-
coses et, considérablement, les molécu-
les chimiques d’origines étrangères
dans les fœtus, qu'elle apporte de gra-
ves déficiences pulmonaires, rend idiot
et abrège la durée de vie. C’est vrai,
bien sûr ! Mais à long terme, cela veut
dire une population plus résistante et
mieux adaptée aux conséquences du
progrès car des médecins spécialistes
des maladies infantiles viendront ap-
prendre à nos enfants à vivre avec des
artifices biotechnologiques et des mo-
lécules salvatrices ! Les mairies créeront
des jardins et des potagers biologiques
près des routes pour les vacciner contre
les poussières lourdes, l’amiante, le
pyralène, les nanoparticules et le
plomb. Leurs cartables seront modifiés,
transformés en caddies leur permettant
de transporter l’oxygène nécessaire à
leur survie, ainsi que leur combinaison
salvatrice. De plus, le caddie leur offrira
une protection supplémentaire
lorsqu’ils traverseront imprudemment la
route. Même ceux qui ne résisteront pas
à ce changement créeront de la crois-
sance car il faudra bâtir de nouveaux
mouroirs et agrandir les cimetières.
Bientôt dans la vallée, grâce au dou-
ble tunnel, des médecins supplémen-
taires, de nouvelles cliniques, de nou-
veaux cimetières et des distributeurs
d’oxygène dans tous les villages !
De fait, grâce à la construction de ce
double tunnel, la vallée de la Roya va
enfin rentrer dans la modernité et deve-
nir un exemple du transhumanisme à la
face du monde !
Signé : Ruggero Della Recampune, chargé de
mission du C.O.N.A.R
Président des Hautes Études de Commerce de
Berghe Supérieur
Professeur émérite des sciences appliquées à la
faculté de Piene
Titulaire de la chaire de technologie des Écoles
d’ingénieur de Morignole
Docteur en maîtrise d’histoire de l’Université de
Vievola
Agronome en titre des prestigieuses Écoles de
Saorge et médaille d’or de la Word cup de
Silicone Castou
Auteur de nombreux ouvrages de vulgarisation
anthropologique dont son fameux bestseller
« J’ai réussi à rester trois jours sans portable ».
Évidemment, seule une infime partie
des bienfaits de la route vient de vous
être dévoilée. Il y aura encore beau-
coup à dire sur les avantages de l’aug-
mentation de la pollution sonore, les
bienfaits des nouvelles odeurs qui
vont embaumer la vallée ou des publi-
cités qui vont enfin embellir notre te-
rritoire. Cela sera pour une autre lettre
d’information.
Mais un dernier conseil à nos dis-
sidents, réfléchissez donc : qui
pourraient être les plus contrôlés sur
les routes, qui occuperaient les pre-
miers camps de rétention et à qui
supprimerait-t-on le RSA et autres ai-
des en priorité ?
COURRIER DES LECTEURS
La pollution à Tende quand il fait froid et que les habitants
se chauffent au bois est très visible les jours sans vent. Pas
besoin de double tunnel pour cela… Vous devriez aussi
axer vos analyses sur la pollution sonore et les risques acci-
dentogènes dus à un trafic en croissance.
Réponse de la Marmotte :
Le contexte de la vallée de l'Arve est aussi bien différent
(très peuplée, et donc un impact du chauffage bien plus
Et
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Quelques extraits des lettres que nous avons reçues - MERCI!
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PRATIQUE
ditions s'envolent :
Plus de cancre à l'horizon,
Fenêtres et portes s'ouvrent.
Alors un poète lui propose une école sans
murs, où il ferait bon vivre, où les mots et
les chiffres seraient ses amis de jeux; où
apprendre rimerait avec plaisir; où il
pourrait danser, chanter, toucher/
retourner la terre pour y planter/cueillir...
Enfin :"Ouf!"… il respire et rencontre un
autre cancre, comme lui un peu différent :
ils échangent et partagent, s'amusent à se
comprendre.
Autrement dit : une école dite alternative,
sous formes d'ateliers interdisciplinaires
offrant des journées qui ne se ressem-
blent pas.
Soif d'un savoir ravivé par un esprit libéré
du joug des dogmes du résultat et de la
compétition,
Au matin, ils se lèveraient, avides de
prendre le chemin d'une école saisonniè-
re, familière, "familiale"…
Laisser l'être, être ; l'accompagner seule-
ment à progresser dans l'équilibre…à
devenir, à son rythme.
[…]
A l'occasion du Prin-
temps des poètes :
Quelques notes dou-
ces à partager,
de premières violettes
guillerettes,
de primevères tapissant de soleil
cette Terre que nous maltraitons
et qui semble "Bonne Mère" nous sup-
porter, perdant ses forces,
quand nous déployons les nôtres - sans
faiblesse - à l'ignorer, à la piétiner.
Le mimosa floconne; les crocus s'aco-
quinent...
Souffle passager : Plonger gaiement
dans ce ruisseau, du bout des lèvres,
goûter le chant des oiseaux en écou-
tant le vent...
Petite brève, légère brise,…
La sinusite
Infectieuse ou allergique, cette inflammation
des sinus est causée par l'inflammation de la
muqueuse nasale et peut évoluer de manière
aiguë ou chronique. Elle provoque notamment
de vives douleurs frontales ou autour des yeux
et un écoulement nasal purulent. L'apparition
d'une fièvre est possible.
Pour soulager cette inflammation, faites bouillir
le volume d'un bol d'eau. Ajoutez-y le jus de
deux citrons, du poivre et une pincée de gros
sel de cuisine. Mettez le mélange dans un bol.
Couvrez-vous la tête d'une serviette et inhalez
ta vapeur sortant du bol, en vous penchant,
bien caché sous la serviette.
Vous pouvez aussi mettre de la lavande dans
l'eau très chaude. Elle désinfecte les si-
nus. La lavande vraie (Lavandula augusti-
folia), se rencontre sur les pentes calcai-
res et rocailleuses du Midi, entre 700 et
1800 mètres. Utilisé en médecine depuis
l'Antiquité, son principe actif est une hui-
le essentielle qui renferme surtout des
alcools terpéniques (linalol et géraniol),
qui détruit les bactéries et empêche le
phénomène de surinfection.
En cas de sinusites répétées, il sera in-
dispensable de consulter un médecin
spécialisé. En effet, souvent consécutive
à une grippe, à une rhinopharyngite ou à
une infection dentaire, la sinusite peut
dégénérer en une infection plus impor-
tante localement.
important). Pour la Roya, c'est surtout la
circulation, à laquelle s'ajoutent les pollu-
tions qui remontent du littoral avec la brise
(jusqu’à St Dalmas), et celles qui remon-
tent avec la Lombarde (par le Piémont,
jusqu’à Tende). Dans les 6000 habitants de
la Roya, seule une portion utilise le chauf-
fage à bois, auquel on peut ajouter les
brulis qui polluent encore bien plus quand
c'est la saison, mais on est encore en des-
sous de la pollution des 4000 véhicules /
jour qui traversent la vallée (et bien plus
les jours de déplacement des Piémontais
qui vont ou reviennent du littoral...).
[…]
Au sujet de l’école :
"Il dit non avec la tête", la craie crisse...
"Il dit oui avec le cœur", l'encre se colo-
re...
"Sur le tableau noir du malheur", des let-
tres batifolent;
"Il dessine le visage du bonheur", des ad-
ACTU
Remèdes naturels Remèdes naturels Remèdes naturels (suite de “Soigner les maux d’hiver” du précédent numéro)
Andromède le lagopède
Collèges : Merci de patienter… Nous allons vous répondre
Nous avions, dans le précédent numéro, relayé la mobilisa-
tion soutenue par les APE (Associations des parents
d’élèves) de Breil et de Saint-Dalmas. Le maintien de plu-
sieurs classes, des postes de professeurs et l’avenir de cer-
taines options étaient menacés au nom de la diminution de la
DGH (la Dotation Globale Horaire) - Gloups. L’équation est
simple : moins d’heures de cours, donc moins de classes,
des classes plus denses, et donc moins de postes de profes-
seurs nécessaires… Qu’en est-il alors ? La décision appar-
tient maintenant à l’Inspection académique qui a « entendu »
les revendications des représentants : elle a reçu l’APE de
Saint-Dalmas, ainsi que des représentants de professeurs,
accompagnés du Maire. Idem pour Breil, mais le Maire n’a
pu y participer (?). D’autre part, le principal du collège de
l’Eau-vive a formulé une nouvelle demande : une petite ra-
llonge (5h) de la DGH sur un total de 155 heures. Celle-là a
été accordée par l’Inspection. Alors, cette petite faveur est-
elle une réponse définitive qui signifierait que la DGH est
actée, à la baisse ?
Cherche des illustrateurs-dessinateurs, des traducteurs du français en
italien et de nouveaux points de diffusion. Et bien sûr, continuez à nous
faire parvenir vos idées, vos réactions et réflexions, que nous ne
manquerons pas de publier dans la rubrique « Courrier des lecteurs ».
Cette vallée est la nôtre, ce journal aussi!
La Marmotte déroutée
www.la-marmotte-deroutee.fr Publication autogérée par des habitants de la vallée de la Roya
Évènements en Roya-Bevera :
1 avril : Congrès national canadien de marmotologie
expérimentale (CNDME). 8 avril à La Tour-sur-Tinée : 6e Journée de la graine
(bourse aux graines, animations, projection, débats,
scènes ouverte et concert)
8 avril à 21h00 à la salle des fêtes de La Brigue : spectacle
duo musical burlesque "Accord sensible" par la cie Le filet
d'air (8€). Repas à 19h (réservation conseillée) Contact :
foyerruraltendelabrigue.blogspot.fr
20 avril : les marmottes des Alpes de dégourdissent les
pattes et commencent à déguster la douce rosée
condensée sur les plantes sorties après l’hiver.
26 avril : Piquenique contre la militarisation de nos vallées
et le délit de faciès au checkpoint de St Gervais (Sospel)
30 avril : Pantaï de Santa Capellina. 12h : repas de lac à
Breil ; après-midi : fabrication de la Santa et essai sur le
lac ; 18h : descente par le train du Pantaï Breil-Nice ; 20h :
bal de la Santa aux Diables bleus, 29 route de Turin à Nice
1 mai : 12h-19h Santa Capellina à Rauba Capeu, Nissa :
viens avec un vœu, un poisson et un chapeau maison e vai
per la procession !
Procès pour l’aide aux réfugiés dans la Roya ou à la
frontière :
4 avril : Francesca au TGI de Nice
24 avril : Marie-Rose et Eric, au TGI de Nice
27 avril : Felix, au Tribunal d’Imperia
16 Mai : Françoise, Gérard, Dan et René, au TGI de Nice
En avril au jardin : Vous pouvez semer fèves, maïs, pois,
betteraves, carottes, navets, oignons, patates, radis,
topinambours, artichauts, choux, épinards, fenouil, laitues,
roquette, persil, poireaux, blettes… Et sous serre :
concombres, courges et courgettes, melons, haricots,
piments, tomates, brocolis, basilic, céleri… C’est un bon
moment pour épandre du compost et enfouir les engrais
verts, élaborer le merveilleux purin d’ortie, bécher, poser
la glue pour limiter les fourmis (et donc les pucerons),
effectuer les traitements préventifs contre les maladies
cryptogamiques (tisane d’ortie le matin et décoction de
prèle le soir). Les greffes fonctionnent encore bien. Les
montées de sève vont rendre dangereuses les tailles des
arbres. Les salades sauvages sortent à foison.
Météo : Le mois d’avril est généralement le plus riche en
ondées, mais on ressent la sortie de l’hiver avec
l’adoucissement des températures. La fin du mois devrait
être très pluvieuse, avec une instabilité des masses d’air
pouvant découler sur des situations orageuses.
ACTU (suite)
Breil sous le feu des caméras?
Le conseil municipal de Breil-sur-Roya discute actuellement
de l’installation imminente de neuf caméras de surveillance dans le village : collège, écoles, crèche, mairie, service tech-
nique et... Ca d’Breï. Il semblerait que les membres du Con-
seil soient partagés sur la pertinence de ce projet, notam-
ment au sujet de l’installation de la caméra à l’entrée de la Ca
d’Breï, qui impliquerait une atteinte à la vie privée, plus pré-
cisément à la liberté d’assister dans l’anonymat aux réunions
politiques, associatives, militantes. Nos élus débattent, mais, en attendant, qu’en pensons-
NOUS, les potentiels futurs figurants ? Que vous inspire cette
idée : plus de sécurité ?
Contrôle utile ou super-
flu ? Atteinte à la liberté ?
Cela vous évitera-t-il, à
votre avis, de vous faire
voler votre remorque en
face de chez vous ?
Sur ce projet, pourtant
intrusif, la population n’a
pas été consultée. Mais
cela ne doit pas nous
empêcher d’y réfléchir pour autant ! Partagez
votre avis avec la Mar-
motte en nous écrivant
(nous le diffuserons), par-
lez-en autour de vous,
interrogez vos élus.
À VOUS LA PAROLE!
Tél. 07 68 05 65 34
Un livre blanc sur le train
ger un livre blanc destiné aux décideurs. Il comportera les
revendications et les besoins collectifs et décrira les con-
séquences des dysfonctionnements qui perdurent depuis le
ralentissement à 40km/h sur la portion Breil-Tende. Élus, as-
sociations, comités, salariés de la SNCF, APE, sont invités à y
contribuer.
La mairie de l’Escarène a lancé une pétition :
www.change.org/p/mairie-de-l-escarene-contre-l-asphyxie-
des-vall%C3%A9es
Rien n’est clair. Nous sommes « en attente », en sus-
pens… C’est pourquoi l’APE et les représentants des
professeurs ont demandé un nouveau RDV à l’Ins-
pection, accompagnés cette fois des Maires de Fon-
tan, Saorge et Breil. Une nouvelle action de mobili-
sation est organisée samedi 1er avril à Breil : départ
à 10h30 Place Biancheri et défilé jusqu’au collège.
Soyons nombreux et bruyants ! Jeunes et moins
jeunes, venez avec vos instruments ! La marmotte
aura son sifflet.
Lors de la dernière réunion des usagers de la ligne Nice-
Cuneo-Vintimille à la Trinité, la décision a été prise de rédi-