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DANS CE NUMÉRO : DOSSIER : GARDONS NOTRE TRAIN DE VIE! Parole de Marmotte nº11. Une route, des chemins /Marmotte dans le monde … 2 GARDONS LA LIGNE ! Témoignage. Ouf! J'ai voyagé en TER sur la ligne Nice -Tende sans problème! … 3 Une ligne exceptionnelle … 4 En images : Une gare, une histoire … 5 [OREILLES TENDUES] « Garder la ligne de vie » : 40 ans de combat … 7 Travaux en cours … 9 [OREILLES TENDUES] Parole aux usagers ! … 10 Oreilles tendues à un proche de notre ligne de train … 10 Ceci n’est pas un train ! Calvaire des usagers des bus de rem- placement … 11 Décryptage. Vie et mort d’une ligne de chemin de fer … 12 IMAGINAIRE DU TRAIN : En Train Ne Ment … 14 Prendre un train … 15 D’un tunnel à l’autre. NoTAV de Valsusa … 15 ACTUALITÉS … 16 Fête de la brebis brigasque … 17 Appel aux lecteurs … 18 La marmotte La marmotte déroutée déroutée Octobre - Novembre 2017 - nº11 - Prix libre UN JOURNAL POUR LA ROYA Hiver 2010. Dans un bus longue distance sur une route tortueuse du nord du Pérou, des voyageurs discutent : « Les gens veulent des trains lents parce que les trains rapides sont stressants et comme ça on peut admirer le paysage et parler de la nature avec son voisin. Sinon, faudrait inventer des trains rapides qui ne secouent pas, mais bon, ça n’exis- te pas ». Au Pérou, hormis la ligne touristique privée hors de prix qui mène au Machu Picchu, le transport ferroviaire n’existe plus que pour les marchandises. Comme dans presque tous les autres pays d’Amérique latine, le transport ferroviaire des pas- sagers a été démantelé et remplacé par des bus. Et si on faisait un peu d’anticipation, dans le registre dystopie [1]? Que diront, dans une centaine d’années, en regar- dant les vestiges de la voie ferrée par la fenêtre, les voyageurs d’un car brinquebalant qui grimpera péniblement la côte de Saorge ou de la Brigue ? « Ici, à une époque, passait un train, c’était pas si mal, me disait mon grand-père, on pouvait regarder le paysage sans avoir envie de vomir, il ne se- couait même pas, il était confortable, il y avait même des tables, on pouvait lire, écrire, casser la croûte… Il fut aussi un temps, encore avant, où les trains allaient partout, on pouvait carrément se passer de voiture et même aller faire ses études en ville ». « Se passer de voiture, ici ? Tu décon- nes ! ». « Ben, et toi, qu’est-ce que tu fais dans un bus ? ». Bon, là, c’est encore une version optimiste. Forçons le trait : passé un temps, on supprimera aussi les bus, par manque de rentabilité. Que feront les gens qui, pour une raison ou pour une autre âge, handicap, idéologie, retrait de permis - ne pourront pas conduire ? Condamnés à l’immobilité, regarde- ront-ils les voitures et les camions faire la queue sur une voie encombrée ou, au contraire, filer à toute vitesse sur l’autoroute qui aura eu raison de nos montagnes ? Catastrophiste ? Et bien, à nous de faire en sorte que cela reste une fiction ! Notre « petit train des Merveilles », une merveille d’ar- chitecture ferroviaire qui relie la mer à la montagne, aujour- d’hui, nous y tenons, nous ne voulons pas qu’il disparaisse. Pourtant, à une époque, la construction du chemin de fer a vidé des campagnes, a détruit des terres agricoles, a généré son lot de nuisances, a modifié l’imaginaire. Après la guerre, la re- construction a été laborieuse, a exigé du temps, de l’argent, du travail. La ligne du train ne s’est pas faite toute seule, elle a été coûteuse en efforts, en vies, en bouleversements profonds. Est- ce parce que le souvenir de ces bouleversements s’efface que certains semblent vouloir déjà en vivre d’autres, probablement irréversibles, en préférant la route au rail ? Halte ! Il est urgent de réfléchir ! Et quoi de mieux, pour cela, que de prendre un train ? Alors, on embarque, fermeture des portes, c’est parti… Publication autogérée par des habitants de la vallée de la Roya - www.la-marmotte-deroutee.fr - [email protected] - 07 68 05 65 34 Gardons notre train de vie! [1] Fiction pessimiste (le contraire de l’utopie)

UN JOURNAL POUR LA ROYA La marmotte La marmotte ...€¦ · La marmotte des Alpes est divisée en deux races : Marmota marmota marmota (en Allemagne, France et Suisse, sauf dans les

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Page 1: UN JOURNAL POUR LA ROYA La marmotte La marmotte ...€¦ · La marmotte des Alpes est divisée en deux races : Marmota marmota marmota (en Allemagne, France et Suisse, sauf dans les

DANS CE NUMÉRO :

DOSSIER : GARDONS NOTRE TRAIN DE VIE! Parole de Marmotte nº11. Une route, des chemins /Marmotte

dans le monde … 2

GARDONS LA LIGNE !

Témoignage. Ouf! J'ai voyagé en TER sur la ligne Nice -Tende

sans problème! … 3

Une ligne exceptionnelle … 4

En images : Une gare, une histoire … 5 [OREILLES TENDUES] « Garder la ligne de vie » : 40 ans de

combat … 7

Travaux en cours … 9 [OREILLES TENDUES] Parole aux usagers ! … 10

Oreilles tendues à un proche de notre ligne de train … 10

Ceci n’est pas un train ! Calvaire des usagers des bus de rem-

placement … 11 Décryptage. Vie et mort d’une ligne de chemin de fer … 12

IMAGINAIRE DU TRAIN :

En Train Ne Ment … 14

Prendre un train … 15

D’un tunnel à l’autre. NoTAV de Valsusa … 15

ACTUALITÉS … 16

Fête de la brebis brigasque … 17

Appel aux lecteurs … 18

La marmotte La marmotte déroutéedéroutée

Octobre - Novembre 2017 - nº11 - Prix libre

UN JOURNAL POUR LA ROYA

Hiver 2010. Dans un bus longue distance sur une route

tortueuse du nord du Pérou, des voyageurs discutent : « Les

gens veulent des trains lents parce que les trains rapides

sont stressants et comme ça on peut admirer le paysage et

parler de la nature avec son voisin. Sinon, faudrait inventer

des trains rapides qui ne secouent pas, mais bon, ça n’exis-

te pas ». Au Pérou, hormis la ligne touristique privée hors de

prix qui mène au Machu Picchu, le transport ferroviaire n’existe

plus que pour les marchandises. Comme dans presque tous les

autres pays d’Amérique latine, le transport ferroviaire des pas-

sagers a été démantelé et remplacé par des bus.

Et si on faisait un peu d’anticipation, dans le registre

dystopie [1]? Que diront, dans une centaine d’années, en regar-

dant les vestiges de la voie ferrée par la fenêtre, les voyageurs

d’un car brinquebalant qui grimpera péniblement la côte de

Saorge ou de la Brigue ? « Ici, à une époque, passait un train,

c’était pas si mal, me disait mon grand-père, on pouvait

regarder le paysage sans avoir envie de vomir, il ne se-

couait même pas, il était confortable, il y avait même des

tables, on pouvait lire, écrire, casser la croûte… Il fut aussi

un temps, encore avant, où les trains allaient partout, on

pouvait carrément se passer de voiture et même aller faire

ses études en ville ». « Se passer de voiture, ici ? Tu décon-

nes ! ». « Ben, et toi, qu’est-ce que tu fais dans un bus ? ».

Bon, là, c’est encore une version optimiste. Forçons le trait :

passé un temps, on supprimera aussi les bus, par manque de

rentabilité. Que feront les gens qui, pour une raison ou pour

une autre – âge, handicap, idéologie, retrait de permis - ne

pourront pas conduire ? Condamnés à l’immobilité, regarde-

ront-ils les voitures et les camions faire la queue sur une voie

encombrée ou, au contraire, filer à toute vitesse sur l’autoroute

qui aura eu raison de nos montagnes ? Catastrophiste ? Et bien,

à nous de faire en sorte que cela reste une fiction !

Notre « petit train des Merveilles », une merveille d’ar-

chitecture ferroviaire qui relie la mer à la montagne, aujour-

d’hui, nous y tenons, nous ne voulons pas qu’il disparaisse.

Pourtant, à une époque, la construction du chemin de fer a vidé

des campagnes, a détruit des terres agricoles, a généré son lot

de nuisances, a modifié l’imaginaire. Après la guerre, la re-

construction a été laborieuse, a exigé du temps, de l’argent, du

travail. La ligne du train ne s’est pas faite toute seule, elle a été

coûteuse en efforts, en vies, en bouleversements profonds. Est-

ce parce que le souvenir de ces bouleversements s’efface que

certains semblent vouloir déjà en vivre d’autres, probablement

irréversibles, en préférant la route au rail ? Halte ! Il est urgent

de réfléchir ! Et quoi de mieux, pour cela, que de prendre un

train ? Alors, on embarque, fermeture des portes, c’est parti…

Publication autogérée par des habitants de la vallée de la Roya - www.la-marmotte-deroutee.fr - [email protected] - 07 68 05 65 34

Gardons notre train de vie!

[1] Fiction pessimiste (le contraire de l’utopie)

Page 2: UN JOURNAL POUR LA ROYA La marmotte La marmotte ...€¦ · La marmotte des Alpes est divisée en deux races : Marmota marmota marmota (en Allemagne, France et Suisse, sauf dans les

Je marche. Je pose une patte derrière l’autre et

j’avance. Avec la sensation d’un léger vertige, comme si

mes pattes bougeaient toutes seules sans que je comprenne

très bien comment elles font. Je me laisse porter, curieuse

de voir où elles m’achemineront. J’ai là, me dis-je, l’image

de toute mon aventure. Museau suivant le sens du vent, je

me laisse porter par les rencontres. Mon histoire se déroule

comme les anneaux d’une couleuvre : c’est les détours des

virages qui dessinent mon chemin. Je jubile.

Mes pattes avancent à une vitesse modérée et constante. Ce

sont ces barres grises et parallèles qui veulent ça. Elles sont

disposées à intervalles réguliers entre deux grosses barres

de fer dont je ne vois pas la fin. L’ensemble forme une sorte

d’échelle posée par terre, sur du gravier, courbée par en-

droits. Le chemin de fer, disent les Humains. Une route faite

pour une créature très spécifique, une longue chose froide

et brillante, aux formes mi-anguleuses mi-arrondies, un peu

comme les grosses bêtes-boites, mais beaucoup plus étirée.

Cette chose, comme les bêtes-boites (« voitures » ou

« camions »), sert aux Humains de moyen de transport (car,

vous l’aurez compris, ils ne se transportent presque plus

tous seuls et cherchent donc pour cela divers moyens). Ils

l’appellent « train ». En temps normal, je n’aurais jamais pu

faire ma promenade, parce que le train passe sur les barres

en fer où mes pattes cheminent. Et une Marmotte sous le

poids de cet énorme bestiau ne survit pas plus d’une secon-

de. Mais aujourd’hui, j’y marche parce que le train ne passe-

ra pas.

Je marche, mais je ne vais plus en ville. Pas pour le moment,

plus tard, sans doute. Je marche même dans la direction

contraire, jusqu’à un sous-terrain où je dois retrouver des

membres du RAR (cf. Parole de Marmotte 9 et 10), car la cel-

lule des formateurs m’a chargée d’une mission d’informa-

tion. « Fais vite, mais ne t’épuise pas sur le chemin », m’a or-

donné le loup mettant mes pattes en mouvement dont elles

gardent la cadence. Déroutée, je ne choisis plus ma voie.

Je trotte, barre après barre. L’échelle du chemin de fer défi-

le au rythme régulier de mes pattes rebelles. Bercée par

leur mouvement, je me laisse me perdre dans mes pensées.

Le RAR. Drôle d’impression. Je dois avouer que je m’en mé-

fie un peu. J’ignore par quel hasard ma route a croisé la leur

et pourquoi je les laisse prendre tant d’ascendant sur moi.

Surement parce que, s’ils ne m’avaient pas inscrite sur leur

liste des proies intouchables, cela ferait longtemps que je

me serais fait dévorer sur le chemin. Parce que, sans doute,

j’ai besoin de leurs conseils et de leur compréhension du

monde des Humains. Parce que, aussi, l’un des leurs m’avait

sauvé la vie. N’empêche, cela ne me suffit pas, et leur ten-

dance à me donner des ordres sans me laisser le choix com-

mence à me peser un peu. J’ai l’impression d’être prise dans

quelque chose qui me dépasse. Mais, direz-vous, cela fait

déjà longtemps.

Quoi qu’il en soit, je marche vers un souterrain, qui, m’ont-t-

ils dit, servait jadis aux Humains à trier et à stocker des mar-

chandises qu’ils transportaient par le train. « Ah, les fa-

meuses Tomates d’Espagne ? ». Non, ce n’était pas des Toma-

tes, mais peu importe : il y avait donc bien un moyen de

trimballer des choses autrement que dans le ventre des ca-

mions ! Le gros tunnel qu’ils sont en train de creuser en fai-

sant trembler la montagne n’était donc pas indispensable.

Mais le chemin de fer ne les satisfaisait pas. Peut-être parce

que, à force de ne pas s’en occuper, ils ont réduit la vitesse

avec laquelle y passait le train. Or, la vitesse semble être

pour eux une chose très importante. Pas que pour eux

d’ailleurs ! « Fais vite », m’a dit le Loup. Vite sans m’épuiser,

mais vite. Si les Humains se meuvent dans les bêtes-boites et

rentrent dans le ventre du train, c’est justement pour aller

vite sans s’épuiser. Vite. Plus vite. Très vite. Mais vite jus-

qu’à quel point ? A force de vouloir faire toujours croître leur

vitesse, ne deviennent-ils pas si dépendants de leurs

« moyens » qu’ils en viennent à perdre leur temps ?

Aujourd’hui, s’il n’y a plus de train, c’est parce que les Hu-

Page 2

Parole de Marmotte nº11Parole de Marmotte nº11Parole de Marmotte nº11

UNE ROUTE, DES CHEMINS...

Déroutée par sa crainte des bouleversements irréversibles que lui annoncent les travaux au col de Tende, la « petite

reine des tunnels », une marmotte des alpages de la Haute Roya, quitte son terrier et part découvrir le vaste monde à

la recherche d’une solution. « Parole de Marmotte » est son journal de bord. Elle y retrace sa quête et ses appren-

tissages du monde des Humains. Pour retrouver les précédents épisodes, lisez les pages 2 des anciens numéros.

La Marmotte déroutée

DOSSIER >>> GARDONS NOTRE TRAIN DE VIE

Marmotte dans le monde

Il existe 14 espèces de marmottes :

Marmota baibacina (Asie) ;

M a r m ot a boba k (p r ai r i e s

d’Eurasie) ; Marmota broweri

(Alaska) ; Marmota caligata

(marmotte des Rocheuses :

Canada, Alaska et nord des

Rocheuses aux États-Unis, c’est la

plus grosse des marmottes,

atteignant jusqu'à 13 kg) ; Marmota

camtschatica (marmotte à tête noire de Kamtchatka) ; Marmota

caudata (marmotte à longue queue d’Asie centrale) ; Marmota

flaviventris (marmotte à ventre fauve d’Amérique du Nord) ;

Marmota himalayana (marmotte de l'Himalaya) ; Marmota

marmota (Forêt noire, Alpes et Pyrénées) ; Marmota menzbieri

(Asie centrale) ; Marmota monax (marmotte commune d’Amérique

du Nord) ; Marmota olympus (marmotte de la péninsule

Olympique des États-Unis) ; Marmota sibirica (marmotte de

Sibérie) ; Marmota vancouverensis (marmotte de Vancouver).

A quelques détails près (taille, couleur de pelage…), ces 14

espèces se ressemblent beaucoup. Leur structure sociale varie

selon la dureté de leurs conditions de vie : les espèces

montagnardes ont adopté un mode de vie plus communautaire

que leurs cousines installées dans les plaines. Suivant le retrait des

glaciers à la fin de la dernière glaciation (Würm) et fuyant les

pressions humaines, elles se sont réparties dans les régions

froides ou montagneuses de l'hémisphère nord, jusqu’aux rives de

l'océan Arctique (2 espèces).

La marmotte des Alpes est divisée en deux races : Marmota

marmota marmota (en Allemagne, France et Suisse, sauf dans les

Monts Tatras) et Marmota marmota latirostris (la marmotte des

Tatras : dans les Monts Tatras et entre la Pologne et la Slovaquie).

Depuis le début du XXème siècle, les opérations de repeuplement

avec des animaux originaires des diverses vallées ont permis

d'accroître le nombre des marmottes européennes, qui était au

plus bas à la fin du XIXème siècle (réimplantations dans les

années 1950 aux Pyrénées, puis introductions dans le Massif

central, etc.) Certains repeuplements ont échoué (Vosges, Jura…).

Source : Wikipédia

Page 3: UN JOURNAL POUR LA ROYA La marmotte La marmotte ...€¦ · La marmotte des Alpes est divisée en deux races : Marmota marmota marmota (en Allemagne, France et Suisse, sauf dans les

La petite reine des tunnels

mains, lui préférant la grande Route, ont laissé sa petite voie

de fer vieillir et se détruire. Ils doivent donc la réparer.

Pourtant, ils aiment beaucoup le fer, au point de le voler au

gros tunnel qui maintenant risque de s’écrouler. Je me de-

mande si les morceaux de fer subtilisés là-haut pourraient

suffire à refaire la route du train. Et je me demande aussi

pourquoi ils aiment tellement leurs « petites » bêtes-boites

personnelles, où ils ont l’air de se sentir si seuls, alors que

dans le gros ventre du train ils pourraient rencontrer d’au-

tres Humains ?

La lumière change. A contrecœur, je lève les yeux de mes

pattes et du damier des barres et du gravier. Un frisson. Je

rentre dans un tunnel.

Les pattes continuent, bien que le reste de mon corps se fige

dans une tentative de fuite. Vite, pour en sortir plus tôt ? Je

cherche à m’occuper l’esprit et laisse mes pattes se concen-

trer sur la vitesse. Quelle est la bonne vitesse ? Chaque

espèce a la sienne, mais les plus rapides s’échappent ou rat-

trapent leurs proies plus facilement. « Deux choix : tu prends

ton adversaire de vitesse ou tu le surprends », ai-je entendu

répondre le Renard au Loup intéressé par ses techniques de

chasse. Quels avantages a la lenteur ? De nous laisser le

temps de regarder les choses qu’on croise sur notre chemin,

de les connaître, de ressentir, d’apprendre ? Un escargot

saurait sans doute m’éclairer dessus. Mais je n’en ai croisé

aucun dans le cercle du RAR. Les bêtes que j’ai vues sont

toutes plutôt rapides. Je me demande ce qu’elles pensent

des escargots.

Il fait noir, mais mes pattes poursuivent

leur route. Je sens que leur effort s’intensi-

fie. Je monte ? Je tourne ? Où est-ce que je

vais ? J’ai dû tourner, car la lumière

m’éblouit. Je sens un vent frais se perdre

dans mes moustaches. Bientôt, je suis de

nouveau à l’air libre, mais deux murs, un

de chaque côté, m’empêchent de voir le

paysage. L’Aigle m’a dit que le chemin du

train était de toute beauté. Moui, vue du ciel, surement, la

chose sur laquelle je marche doit avoir une allure intéressan-

te. Moi, le museau au ras du sol, je me contente de nouveau

des barres et du gravier. Quelques touffes d’herbe parfois.

Plus d’herbe. Un nouveau tunnel m’embarque dans sa spira-

le.

Page 3

DOSSIER >>> GARDONS NOTRE TRAIN DE VIE

Octobre-novembre 2017, nº11

Je me souviens de la Micheline crème et rouge.

Je me souviens des wagons enfumés et bondés

du dimanche soir…, mais quelle ambiance!

Je me souviens de la carrière qui rendait

blanc tout le paysage autour de Peille.

Je me souviens de l'arrivée à Nice où le

poinçonneur, assis dans sa guérite, récupérait

le ticket cartonné.

Je me souviens de la joie du vendredi soir et du

bus qui nous attendait à Breil pour monter dans

la vallée.

Je me souviens du 6 octobre 1979.

Pensées émues pour tous ceux qui ont travaillé

pendant des années à construire cette magnifique ligne de che-

min de fer et dont certains y ont même laissé la vie.

Honte à ceux d'aujourd'hui qui osent penser la rendre obsolète

et lui préférer l'automobile et les camions.

Honte à ceux d'aujourd'hui qui n'utilisent pas ce splendide ouv-

rage à sa juste valeur.

Prendre le TER Nice - Tende relève de nos jours de l'Aventure

des plus lamentables ... Qui aurait cru cela il y a 35 ans...?

D'abord, si on veut assurer son retour, il vaut mieux se rendre à

Breil en voiture que de prendre le rare train qui dessert le haut

de la vallée (aussi bien à l'aller qu'au retour).

Tout en tremblant d'incertitudes en arrivant dans le hall de la

gare de Breil, regard sur le tableau d'affichage : à l'heure, re-

tardé, annulé ? Ouf! À l'heure.

Prendre le billet au guichet : grève ou pas grève ? Ouf ! Pas de

grève aujourd'hui.

Une fois dans le wagon, départ et croisement, avé, le TER qui

monte, à l'heure ou pas à l'heure ? Ouf, il aproche !!!

Arrivée à l'heure à Nice… Ouf ! L'angoisse qui a duré une heure

commence à me quitter ..

Ouf! Aujourd'hui, je ne vais pas rater mon rendez-vous, mon

concours, mon Blabla car, mon entretien d'embauche, mon

avion ...

Une belle journée s'annonce, jusqu'à ce soir, pour le retour.

Train annulé ou pas ? Ouf ! N'est-ce pas fou tout ça ?

MM

Témoignage. Ouf! J'ai voyagé en TER sur la ligne Nice -Tende sans problème!

GGGARDONSARDONSARDONS LALALA LIGNELIGNELIGNE !!!

On ne sait toujours pas ce qu’en pense l’Escargot, mais une

Marmotte s’est glissée dans une voiture qui, le dimanche 1e

octobre dernier, avait pris part à une opération portant son

nom : « opération escargot », une invention humaine qui

consiste à rouler à vitesse réduite (20 km/h) et ralentir la

circulation pour des raisons diverses (par exemple, contre la

construction du double tunnel de Tende). Les trois Humains

à l’intérieur de la voiture dissertaient sur les vertus de la

lenteur. Voilà ce qu’ils ont pu énumérer : on peut admirer le

paysage (ils étaient tout contents de voir une otarie dans la

Roya !) ; la lenteur stimule la digestion, l’échange d’idées et

la créativité, puis, un effet de bord pas forcément désiré, fait

naître des idées folles et impossibles.

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Page 4 Octobre-novembre 2017, nº11

La ligne Nice-Breil, longue de 44,1 km, com-

porte vingt-quatre tunnels et vingt ponts et

viaducs. Au départ de Nice-Ville, elle débute

en double voie en passant sous la colline de

Cimiez par le souterrain de Carabacel (662 m) pour rejoindre la gare de Nice-Saint-Roch.

Siège d’un dépôt, d’un triage, d’une gare à

marchandises et d’un faisceau de garages de

rames, cet établissement sert d’annexe à la

station principale de Nice-Ville. Cette gare est aujourd’hui fer-

mée et a été remplacée par la halte de Nice-Pont Michel où les

TER sont en correspondance avec les tramways niçois.

A partir de là, la voie unique dessert L’Ariane, La Trinité-Victor,

Drap-Cantaron et la nouvelle halte de Drap-Fontanil (Lycée Goscinny), qui marque la fin de la banlieue niçoise. Le tracé

remonte la rive gauche du Paillon de L’Escarène où les ram-

pes se raidissent à 25 mm/m. Il dessert les gares de Peillon,

Peille, L’Escarène tandis que les ouvrages d’art se multiplient,

tels que le tunnel de Thuet (348 m), le viaduc et le tunnel de la

Launa (100 et 309 m), le viaduc de L’Erbossiera (150 m en onze

arches), les tunnels de Santa-Augusta (754 m), du Brec (382 m)

et le viaduc de L’Escarène (230 m en onze arches). Après la

gare du même nom, le tunnel de Coalongia (528 m) donne ac-cès à l’étroit vallon de Touët où débute le souterrain du Col de

Braus (5939 m), un des plus longs de France. Parvenue à son

point culminant, la voie ferrée redescend vers le bassin de

Sospel où elle franchit les viaducs de la Bévéra et de la Bassera,

avant de pénétrer dans le tunnel du Mont-Grazian (3882 m). Celui-ci débouche dans la vallée de la Roya, où la ligne sur-

plombe en corniche celle arrivant de Vintimille. Le viaduc de

Bancao (110 m en huit arches) et les tunnels de Bancao (509 m)

et Caranca (915 m) précèdent l’arrivée à Breil-sur-Roya, où les trains venant de Nice rejoignent l’axe international Vintimille

- Coni.

Long de 99,4 km, celui-ci comporte soixante-dix-sept tunnels et

soixante-six ponts. Un peu plus de la moitié de ces ouvrages se

répartissent sur les 47 km qui se trouvent aujourd’hui en terri-toire français, formant une concentration de tunnels et de

boucles hélicoïdales unique en Europe. La voie unique, re-

montant la vallée de la Roya depuis Vintimille, dessert la halte

de Bevera, pénètre en France en amont de la station d’Olivetta-

San-Michele, à hauteur du hameau ligure de Fanghetto. Par une

suite de tunnels (Acrie 820 m, Arme 333 m et Fromentino 645

m), elle parvient à l’ancienne gare-frontière de Piène, peu

après laquel-le la ligne de Vintimille passe en contrebas de

celle arrivant de Nice. D’autres ouvrages, dont le viaduc des

Eboulis (270 m en dix-sept arches) et le tunnel de Gigne (1188

m), précèdent la jonction avec la ligne de Nice à l’entrée de la

gare de Breil-sur-Roya.

Au nord de Breil, la voie s’élève en rampe de 25 mm/m vers le

viaduc de la Maglia, les tunnels de Précipus (623 m) et du Four

-à-Plâtre (315 m), le pont de Saorge (une arche de 40 m) et le

tunnel de Saint-Roch (511 m), pour arriver en gare de Fontan-

Saorge. Le viaduc de Scarassouï (125 m) fait repasser le rail en

rive droite de la Roya où il décrit une boucle hélicoïdale dans

le tunnel de Berghe Inférieur (1885 m), gagnant ainsi 70 m de

dénivelé. Au niveau supérieur de la boucle, le tunnel de la Fron-

tière (743 m) marquait jusqu’en 1947 la fin du trajet français avant

d’entrer en Italie par le tunnel de Paganin (1702 m). A trois repri-

ses, le tracé en S saute d’une rive à l’autre entre les longs tunnels

de Porcarezzo (1249 m), de la Biogna (1154 m) puis, après l’an-

cienne gare internationale de Saint-Dalmas-de-Tende, ceux de Rioro au tracé hélicoïdal (1807 m) et de la Levenza (418 m).

Dans cette vallée affluente, la ligne dessert La Brigue, puis elle

retrouve la Roya par le tunnel de Bosseglia (1585 m) et franchit

un viaduc à douze arches à l’entrée de Tende. Une troisième bou-

cle hélicoïdale débute au-dessus du village par le tunnel de Cag-

nolina (1467 m), suivi de ceux de Rio-Freddo (376 m), Frera (498

m), Alimonda (380 m), Mezzora (351 m), Devenzo (732 m) et

Gaggeo (373 m). Le viaduc de la Chapelle précède le tunnel en fer à cheval de Branego (1273 m) qui débouche sur la petite ga-

re de Vievola, la plus haute des Alpes-Maritimes à 979 m d’al-

titude. La voie s’enfonce alors dans le tunnel international du Col

de Tende (8099 m), où le point culminant à 1040 m marque la

frontière, avant de plonger vers Limone et Coni.

(Extrait du LIVRE BLANC du chemin de fer Nice et Ventimi-

glia - Breil/Roya -Tende - Limone - Cuneo – Torino.

Version 2.0 du 28 avril 2017 coordonnée par Michel Bouc-

hard et Michel Braun, téléchargeable sur www.ecomusee-

breil.fr/LivreBlanc27-04-2017.pdf)

DOSSIER >>> GARDONS NOTRE TRAIN DE VIE

Devinette : quel est ce lieu un peu secret mais néanmoins

célèbre de Breil-sur-Roya, entre rails et passage à

niveau ? Vous aurez probablement reconnu l'Écomusée du

haut-pays et des transports situé dans l'ancien dépôt de

locomotives à proximité de la gare SNCF. Celui-ci présente

plusieurs locomotives, à vapeur ou électriques, des autorails, un

locotracteur, des tramways, des autobus et trolleybus, ainsi qu'un

réseau ferroviaire miniature à l'échelle reproduisant plusieurs

sites emblématiques de notre ligne de train. En savoir plus : www.ecomusee-breil.com - [email protected] -

téléphone: 0033 (0)4 93 04 42 75

Une ligne exceptionnelle

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La Marmotte déroutée Page 5

DOSSIER >>> GARDONS NOTRE TRAIN DE VIE

La gare de Breil-sur-Roya

en 1928-1935

La gare de Breil-sur-Roya fut

inaugurée le 30 octobre 1928,

en même temps que les lignes de train Breil-Nice

et Coni-Vintimille (Cuneo-Ventimiglia en italien),

ligne italienne qui traversait une portion du terri-

toire français (19,1 km entre les gares de Saint-

Dalmas-de-Tende et de Piène). Les deux lignes

se rejoignaient à la gare de Breil (le plus grand

village de la partie française de la vallée de la

Roya au moment de la construction du chemin de

fer). Celle-ci a donc été conçue dès le départ

comme « nouvelle gare internationale d’embran-

chement ». Finalisée au printemps 1928, elle fut

dotée d'un bâtiment monumental pour les pas-

sagers, d'une salle de buffet, d'une buvette, d'une

cuisine, de locaux réservés aux douanes italienne

et française ainsi qu’à la Guardia di finanza. Elle

fut aussi pourvue de cinq voies, de trois quais

avec abris et d’un passage souterrain. Le service

de fret fut organisé en trois domaines : disserte

locale, import-export et transport d'animaux.

EEENNN IMAGESIMAGESIMAGES :::

30 octobre 1928. L'arrivée festive du

premier train de Cuneo à la gare de

Breil-sur-Roya. Carte postale tirée de la

collection de Gérard De Santos.

La gare internationale de Breil-sur-Roya

en 1930. Carte postale.

L’électrification

En avril 1935, la ligne électrique italienne est

prolongée jusqu’à la gare de Breil. L’électrifica-

tion du dernier tronçon sur la section Coni-

Vintimille (entre Saint-Dalmas-de-Tende et

Piène) est achevée (les sections Vintimille-Piène

et Saint-Dalmas-Coni étaient déjà en traction

électrique dès le 15 mai 1931). Autour de 1934 : la gare de Breil-sur-Roya en phase de transformation avec les poteaux

électriques italiens pour l’électrification de l’ensemble de la ligne Coni-Vintimille.

Carte postale.

La guerre

Puis, le vent tourne. L’Italie déclare la guerre à la Fran-

ce le 10 juin 1940. A l’aube, dès le lendemain, les che-

minots italiens quittent la gare de Breil en direction de

Piène. Juste après, le chef (français) de gare sabote les

voies le long de la frontière sud, coupe le courant élec-

trique dans la section française et, avec le reste du per-

sonnel de la SNCF, quitte Breil pour Nice. Le même

soir, l’armée française interrompt la ligne en faisant

sauter trois viaducs, à Saorge (ligne Coni-Vintimille) et

à Sospel (de Bassera et de Bevera, ligne Breil-Nice).

La circulation sur les deux lignes sera réactivée le 28

novembre 1940, après la reconstruction des viaducs

par les Italiens. Puis, suite à l’armistice italien du 8 sep-

tembre 1943, les forces armées italiennes abandon-

nent la Roya en faisant de nouveau sauter le viaduc de

Saorge. La liaison ferroviaire au nord de Breil est inter-

1945. Gare de Breil-sur-Roya détruite par les Allemands. Tout a dû être

reconstruit. Carte postale. Source : Archives Départementales des Alpes-

Maritimes

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Page 6 Octobre-novembre 2017, nº11

rompue. La vallée de la

Roya est alors progressi-

vement occupée par les

Allemands qui recons-

truisent le viaduc et ré-

tablissent le trafic le 2

janvier 1944.

En juillet-août 1944, la

gare de Breil subit de

nombreux bombarde-

ments aériens de la part

des alliés. La ligne est aussi l’objet des

sabotages menés par la résistance. Puis,

entre septembre et octobre 1944, les Alle-

mands se retirent de la basse Roya et de

la Bevera, en détruisant les viaducs les

plus importants et les principaux tunnels

de la portion Breil-Vintimille. En avril

1945, les Allemands abandonnent l’ense-

mble de la vallée, en détruisant les ou-

vrages les plus importants entre Breil et le

col de Tende. Le viaduc de Saorge est

détruit pour la troisième fois.

Du fait de son importance en tant que

nœud ferroviaire stratégique, la gare de

Breil a été particulièrement visée. Les

voies, les échangeurs et les installations électriques

ont été systématiquement détruits, et la zone de la gare

transformée en un champ miné entouré de barbelés.

DOSSIER >>> GARDONS NOTRE TRAIN DE VIE

La reconstruction

Après la fin de la guerre, en 1947, la circulation est

brièvement rétablie entre Coni et Vievola par les FS

(Ferrovie dello Stato) et entre Nice et Breil par la

SNCF, après la reconstruction par la France des ou-

vrages détruits sur cette section. Mais, la même

année, les communes de Tende, de La Brigue et les

hameaux de Piène et de Libre sont cédés à la France

(traité de Paris), ce qui pousse les Italiens à abandon-

ner la ligne. Les FS limitent la desserte voyageurs y

compris sur le tronçon Limone-Vievola, pourtant en

bon état. Seuls y circuleront, de façon très épisodi-

que, des trains de marchandises et des navettes por-

te-autos (en 1964-1965).

Pendant plus de 30 ans, la ligne est laissée à l’aban-

don, seul le tronçon Nice-Breil restant desservi par

trois, puis quatre allers-retours par jour. La gare de

Breil est restaurée de façon sommaire.

En 1970, la France et l’Italie décident de reconstruire

la section Vintimille-Limone et signent une convention

selon laquelle l’Italie assume la majorité des frais. La

ligne Coni-Vintimille est de nouveau inaugurée solen-

nellement le 6 octobre 1979. La gare de Breil retrouve une partie de

sa splendeur d’antan, mais la ligne n’est pas re-électrifiée. La con-

vention de 1970 est toujours en vigueur et l’entretien de la ligne, fi-

nancé par l’Italie en vertu de celle-ci, pose toujours problème.

Le 3 septembre 2017, un rassemblent de soutien à la ligne a eu lieu

devant la gare de Breil-sur-Roya. A l’occasion de cet événement, à

l’initiative des Amis du rail, une plaque commémorative a été posée

pour rappeler que les amoureux du train ne laisseront pas la ligne

disparaitre.

1945. Gare de Breil-sur-Roya détruite par les Allemands. Tout a dû être reconstruit. Carte

postale. Source : Archives Départementales des Alpes-Maritimes

6 octobre 1979, l’inauguration des lignes reconstruites : l’arrivée du train

inaugural de Cuneo.

Sources :

Facebook du Comité franco-italien Cuneo-Nizza Unisce que nous remer-

cions pour ces photos. Vous pouvez les retrouver, ainsi que d’autres, sur :

www.facebook.com/LaCuneoNizzaUnisce/photos;

Un Tour a piccole tappe sulla ferrovia Cuneo-Ventimiglia (traduction) ;

LIVRE BLANC du chemin de fer Nice et Ventimiglia - Breil/Roya -Tende - Limone

- Cuneo – Torino. Version 2.0 du 28 avril 2017 coordonnée par Michel Bouchard

et Michel Braun.

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La Marmotte déroutée Page 7

M : Merci d’accueillir la Marmotte chez toi, ce n’est pas

courant qu’un rongeur des Alpes rentre dans un apparte-

ment pour parler « train », mais l’époque est moderne n’est-

ce pas ? Pourrais-tu nous en dire plus sur ton engagement ?

J’avais sept ans quand j’ai fait ma première manif’ pour le

train. C’était en 1977, on se mobilisait à l’époque pour le train

des Pignes. On parlait déjà de la ligne de la vallée de la Roya,

qui était soutenue par les citoyens, les élus, mais aussi par

Fiat, qui voulait faire débarquer ses bagnoles des deux côtés

de la frontière, et par l’entreprise de plâtre de Borgo San Dal-

mazzo. Notre Comité de défense du train a été créé en 2013…

M : Hum, je suis un peu perdue. Tu peux me refaire un his-

torique, pour que j’y voie plus clair ?

La ligne existait déjà en 1928. La ligne italienne était électri-

fiée, alors qu’entre Breil et Nice, les trains roulaient au char-

bon. Quand ils ont compris qu’ils perdaient la guerre, les

Allemands ont détruit tout ce qu’ils pouvaient. Ce qui fait

qu’après-guerre déjà, les habitants, les élus, mais aussi les

industriels, se sont mobilisés pour que la ligne soit rétablie.

M : Donc la ligne a été construi-

te, détruite, reconstruite ?

Oui, c’est ça. Sauf qu’au moment

de la réouverture en 1979, elle est répartie sans électricité.

Une convention, signée en 1970, stipule que tous les frais in-

hérents à la ligne doivent être payés par l’Italie, qui a perdu la

guerre. Selon cette convention, la SNCF réseau, chargée de

l’entretien, devait envoyer la facture à l’Italie [1].

M : Qui gère la ligne actuellement ?

Le souci est aussi ici. A un moment donné, il a été décidé que

notre ligne internationale devenait régionale. Les politiques

de décentralisation ont délégué la gestion des lignes régiona-

les aux Régions. Pour notre ligne, c’est la Région PACA en

France et la Région Piémont en Italie, et, en vertu de la con-

vention de 1970, c’est le Piémont (et non plus RFI directement)

qui finance. Or, une Région n’est pas apte à recevoir des

fonds de l’Union européenne hors du cadre d’un Groupement

européen de coopération territoriale (GECT). Ici, il pourrait

exister par exemple un GECT réunissant les territoires d’Im-

peria, de Monaco et la Région PACA [NDLR : il existe depuis

2007 un projet de GECT « Eurorégion Alpes-Méditerranée »

entre les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Rhône-Alpes

en France, et les régions Piémont, Val d'Aoste, et Ligurie en Ita-

lie]. Mais pour l’instant, notre interlocuteur est la Région Pié-

mont, qui est surtout intéressée par notre ligne en hiver, pour

le ski et les fêtes à Turin, pas tout le long de l’année comme ça

pourrait être le cas pour la Ligurie. Mais la Ligurie ne peut pas

participer hors GECT. Monaco aussi pourrait mettre la main

au portefeuille, pour ses salariés qui habitent dans les vallées,

mais tout est bloqué parce que l’Italie a perdu la guerre !

Lors de la dernière tentative de réécriture de la convention,

les États italiens et français ont refusé la participation des Ré-

gions, alors que c’est la Région piémontaise qui doit budgéti-

ser les frais liés à l’entretien de la ligne. Mais sans accord,

l’argent est bloqué et, en attendant, il ne

sert à rien. Du coup, on a peur que cet

argent parte ailleurs.

M : C’est cet imbroglio administratif qui est à l’origine de

l’abandon de la ligne ?

Oui. Sans la renégociation de la convention de 1970 et sans

l’entretien de la ligne, la situation s’est dégradée. En juin

2013, nous avons découvert, en regardant la fiche horaire,

que les trains n’allaient plus à Cuneo et que la ligne italienne

allait même être fermée. Pour Tende, comme en réalité c’était

les trains italiens qui assuraient réellement la liaison avec le

littoral, c’était dramatique.

M : Comment vous avez réagi ?

Nous avons manifesté, en France et en Italie. Bilan : la ligne a

été maintenue, mais avec 4 allers-retours Breil-Tende par jour

seulement.

Le 15 décembre 2013, à Tende, nous avons apporté un cer-

cueil pour symboliser la mort de la ligne et nous avons créé le

Comité franco-italien. Nous avons toujours eu conscience que

les luttes sont longues et ont tendance à s’essouffler, qu’il fal-

lait donc élargir le plus possible. Dès le départ, dans notre

comité, en plus des usagers, il y avait aussi des cheminots

français et italiens.

Je me souviens d’un discours d’un contrôleur italien dont la

chaussure tenait avec une ficelle à la place d’un lacet. Il rap-

pelait que cette ligne, c’était les familles de ceux qui vivent ici

qui l’avaient construite, qui « sont mortes pour la construire ».

Et qu’il n’y avait pas, d’un côté, les Italiens et de l’autre, les

Français, mais qu’on « se sentait chez nous d’un bout à l’autre

de la ligne ». C’est le cœur de la chose : c’est notre ligne, faite

La Cuneo-Nizza unisce : Suivez l’actualité de notre ligne de

train et du Comité franco-italien qui se bat pour la défendre

sur www.facebook.com/pg/LaCuneoNizzaUnisce et nice-cuneo-

ventimiglia.blogspot.fr

Un livre blanc sur le train : à l’initiative du comité franco-

italien pour la défense de la ligne Nice-Vintimille-Cuneo, un

livre blanc de ceux qui se mobilisent pour cette ligne est en

cours de rédaction. L’idée était de faire un recueil des doléan-

ces et de montrer qu’il y a une vraie convergence entre de

nombreux acteurs : usagers, cheminots, syndicats, élus, associa-

tions diverses (comme par exemple l’APE du lycée de Fontanil),

transporteurs (Fédération des transporteurs routiers de la vallée

des Paillons, qui estiment par exemple que si les gens prenaient

plus le train, leurs conditions de travail – desserte locale – se-

raient bien meilleures et moins dangereuses).

« Le comité binational n’a que quatre ans d’existence, mais la lutte pour le train a commencé en 1977. Sans elle, la ligne serait fermée depuis longtemps. »

DOSSIER >>> GARDONS NOTRE TRAIN DE VIE

Depuis décembre 2013, le Comité franco-italien pour la sauvegarde de la ligne de train Nice-

Vintimille-Cuneo se bat pour que celle-ci reste une « ligne de vie », un trait d’union entre les villa-

ges, la montagne et le littoral, une ligne de train vivante, au service des habitants. La Marmotte est allée poser

quelques questions à l’une des personnes les plus actives du Comité.

« C’est toujours comme ça : ils te donnent un peu, la mobilisation s’essouffle, et puis un jour, baam, tu

fais pas gaffe et la ligne est fermée. »

OREILLES TENDUES

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Page 8 La Marmotte déroutée

“Chaque fois q

u’on bouge v

rai-

ment, ça a ten

dance à march

er”

par nous ! On se bat par

amour pour elle et par

amour des trains qui

vont avec, pour la ma-

nière de penser les

transports en général,

pour une cohérence.

M : Tu peux nous en dire plus sur les

travaux en cours ?

Les travaux actuels se concentrent sur la

sécurisation de la ligne, notamment

dans les tunnels. Et ce n’est pas du luxe !

Les ballasts sont tellement vieux qu’il y

a un phénomène de boue qui se forme,

les rails sont sur de la boue. Dans les

tunnels hélicoïdaux, les trains sont en

freinage permanent. Le défaut d’entre-

tien était plus que problématique.

M : Donc, la ligne est actuellement en

cours d’entretien. La situation s’améli-

ore donc ?

Pas tout à fait. La catastrophe de Bréti-

gny [2] a prouvé ce qu’affirmaient les

ouvriers cheminots depuis des années,

c’est-à-dire le mauvais entretien des

infrastructures depuis la décentralisa-

tion ! Ici, il y a aussi eu un incident qui

aurait pu être très grave lorsqu’un train

italien et un train français se sont retrou-

vés face à face sur le viaduc de Tende.

Du coup, SNCF réseau, qui ne veut pas

être de nouveau mise en cause suite à

un accident, a été comme paralysée !

S’ensuit une certaine forme de laxisme

et de mauvaise volonté (mauvais entre-

tien, limitation de vitesse), qui a pour

conséquence de faire exploser encore

plus les montants nécessaires à notre

ligne : de 7 millions d’euros pour tous

les travaux, on est passé à plusieurs

tranches de travaux, dont la première

revient, à elle seule, à 29 millions ! Sans

aucune garantie, à la fin de ces travaux,

qu’on puisse de nouveau rouler à plus

de 40 km/h!

M : Comment vois-tu les choses pour

la suite ?

On ne se laissera pas faire, mais la situa-

tion n’est pas facile. Les dirigeants poli-

tiques, des deux côtés, se font

leur guerre d’égos, leur bras de

fer. En France, Christian Estrosi,

en tant que président de Région, veut

substituer le train par des bus (voir Mar-

motte n°5, p. 12). On dirait qu’il déteste

la SNCF. Les cheminots en ont marre.

Lors de la manif du 3 septembre, il y

avait beaucoup d’employés pour défen-

dre la ligne, pour défendre leurs em-

plois bien sûr, mais surtout leurs vies.

Aujourd’hui, eux savent bien quels ris-

ques ils prennent lors qu’ils travaillent

sur les lignes. A ce sujet, je te conseille

de voir un film : « La vérité sur la SNCF ».

M : Pourquoi pas le bus à la place du

train ?

Le train est sécurisé, confortable, il per-

met de transporter aussi des vélos, des

poussettes, des fauteuils roulants, des

chiens... Le bus est dangereux sur nos

routes de montagne. Même la nouvelle

députée LREM a affirmé après avoir fait

le trajet en train et en bus que notre lig-

ne ne pouvait pas rentrer dans le cadre

de la substituabilité des trains par les

bus de Macron, en raison de la dangero-

sité de la route. Et puis, on voit bien que

ça marche très mal, c’est un calvaire

pour les usagers (cf. p. 11) !

M : Tu peux revenir sur la problémati-

que du fret sur la ligne ?

Là aussi, les problèmes de mauvaise

entente entre les Italiens et les Français

posent des questions. Depuis six ans,

SNCF réseau ne donne plus d’autorisa-

tion aux entreprises italiennes de faire

circuler le fret sur la ligne. Le Parco

Roia [grande gare de triage à Vintimille,

ndlr] est en cours de démantèlement. La

gare de triage de Nice Saint Roch a été

requalifiée pour être dédiée à l’entre-

tien des TGV. Les choses s’enchaînent

ainsi et on n’est pas très optimistes…

Pourtant, en 1979, quand la ligne avait

rouvert, le courrier postal arrivait en

gare de Tende tous les matins par le

rail. Toutes les nuits, circulaient des

trains de marchandises. Quand il avait

un problème avec la route, on embar-

quait les camping-cars et les voitures

dans le train à Breil et les débarquait à

Tende ou à Limone. Il faut se souvenir

aussi que lorsque le tunnel routier n’é-

tait plus accessible, ce qui peut ré-

arriver, le tunnel ferroviaire permettait

de faire passer les véhicules dans des

wagons.

M : Alors, route ou rail ?

Il faut bien avoir en tête que les routes

de la vallée n’ont pas été conçues pour

recevoir autant de circulation. Lorsque

la route a été construite, elle a été pré-

vue pour fonctionner avec le train !

M : A qui sert aujourd’hui cette ligne

de train ?

Aujourd’hui, avec ce qui est fait sur no-

tre ligne, tout va très bien pour les touri-

stes, ce qui sauve les commerces dans

les villages, donc il faut dire « merci »,

restons polis ? Mais pour vivre, c’est

impossible. Nous, sur la portion Breil-

Tende, on n’est pas concernés par les

trains français : il n’y a que le train des

Merveilles qui fait fonctionner les com-

merces, mais les trains de la vie, pour

aller au lycée, à la fac, etc., étaient ita-

liens quand ça fonctionnait normale-

ment. A un moment, il y avait sur notre

ligne plus de 20 trains par jour ! Nous

étions une ligne internationale ! Il y avait

même un train pour Turin en semi-

direct, on pouvait faire le trajet de Nice

à Turin dans la journée. Il y avait beau-

coup de Niçois qui allaient à la fac à Tu-

rin [3]. Aujourd’hui, ces trains de la vie

quotidienne, on ne les a plus.

On voit bien ce qui s’est passé avec le

train des Pignes. Avant, c’était un train

pour les gens, pour vivre. Aujourd’hui, il

ne sert qu’aux touristes qui veulent aller

à la montagne. Les horaires ne convien-

nent qu’à eux. En plus, cette ligne de

train appartient en propre à la Région,

pas à la SNCF, c’est la Région qui paie le

personnel, etc. Ce train est super cher

et la carte Zou ne fonctionne pas dessus.

<<< DOSSIER >>> “Tu ne peux pas vivre au paradis si

tu prends ta voiture deux fois par

jour. Ce n’est plus le paradis !”

Page 9: UN JOURNAL POUR LA ROYA La marmotte La marmotte ...€¦ · La marmotte des Alpes est divisée en deux races : Marmota marmota marmota (en Allemagne, France et Suisse, sauf dans les

Octobre-novembre 2017, nº11 Page 9

Du coup, ce n’est plus qu’un train touristique, parce que c’est

ce qui rapporte !

Aujourd’hui, beaucoup de gens qui sont venus ici parce qu’il

y avait le train, ont mis leur maison en vente et sont partis. Les

gens d’ici s’en vont aussi parce que le train meurt… J’en con-

nais d’autres qui auraient bien voulu vivre à la montagne,

mais à condition de pouvoir se passer de voiture, en ayant

des transports pour pouvoir circuler pour le boulot, l’école,

etc. Le bus, ce n’est pas la solution. En termes de santé aussi !

La vallée du Paillon est déjà asphyxiée. Il faut voir la circula-

tion qu’il y a de 7h30 à 9h ou le soir.

Sais-tu, aussi, qu’il y a, sur notre ligne, un arrêt à l’intérieur

d’un lycée ? C’est l’arrêt « Halte de Fontanil », le dernier en

date à avoir été créé. Le lycée a été construit parce qu’il y

avait la ligne ! Mais sans le train, nos lycéens qui vivent au-

delà de Breil ne peuvent pas y accéder ! Pour eux, la seule

solution c’est l’internat, qui coûte très cher. Pourtant, le lycée

manque d’élèves! C’est absurde ! Y a aussi beaucoup de

jeunes au lycée agricole d’Antibes, eux non plus ne peuvent

pas rentrer. Aujourd’hui, on ne peut pas

rentrer à Tende après 17h20. Avec la réou-

verture de la ligne à la fin des travaux, on

aimerait qu’il y ait de nouveau un train tôt le

matin et un train qui rentre raisonnable-

ment tard le soir… L’obtiendra-t-on ?

M : question à tous, car, chers lecteurs,

cela dépend aussi de vous !

[1] En dépenses : l’entretien des infrastructures, les coûts d’exploitati-

on y compris ceux relatifs au matériel roulant (conduite, accompag-

nement, énergie, entretien,…) ; en recettes : les recettes encaissées

par les deux administrations pour le transport de voyageurs et des

marchandises, plus les recette accessoires (buffets de gare et autres).

[2] Le 12 juillet 2013, en gare de Brétigny (Essonne), à 28 km au sud

de Paris, plusieurs voitures d'un train de voyageurs ont déraillé suite

à une défaillance, entraînant la mort de sept personnes.

[3] voir le court-métrage "Sauvez la ligne Nice-Cuneo-

Ventimiglia" : https://youtu.be/6fmK3H34NzE. Toutes les vidéos du

collectif : tinyurl.com/niza-cuneo-videos

<<< DOSSIER >>>

Trois Marmottes

La mobilisation franco-italienne a pa-

yé. Une convention a été signée le 31

mars 2015 entre la Région Piémont,

RFI et SNCF Réseau pour financer la

première tranche des travaux tant at-

tendus de réhabilitation et modernisa-

tion de la ligne de train Vintimille-

Cuneo, sur la portion Breil-Limone.

Du 4 septembre 2017 au 28 avril 2018,

ce tronçon ferme donc pour réaliser

ces travaux [1], mais la gare de Breil-

sur-Roya restera ouverte pour les cir-

culations des trains Nice-Breil.

Les travaux principaux, sous maitrise d’ouvrage de SNCF Réseau,

consisteront à renouveler les composants de la voie, à mettre en

place des grillages de protection et des filets de détection en cas

de chute de rochers, ainsi qu’à réaliser les travaux de rénovation

de cinq ponts-rails. Une base travaux est installée à Breil, une

nouvelle voie en cours de mise en place permettra bientôt de

recevoir les locomotives et engins de chantier des entreprises,

des heurtoirs côté nord des trois voies de la gare de Breil et dans

le tunnel ferroviaire du Col de Tende isolant la zone en chantier.

Les travaux sous maîtrise d’ouvrage de RFI (Italie) consisteront à

sécuriser le tunnel ferroviaire de Tende et à déployer un système

de contrôle de la marche des trains (SCMT) pour la sécurisation

des trains italiens [2].

Cette première tranche de travaux ne permettra pas – hélas – le

rétablissement de 80 km/h, mais, tout au mieux, de 60 km/h (au

lieu de 40) sur plusieurs tronçons. Le directeur général délégué

de SNCF Réseau et le Préfet ont rendu public le rapport réalisé

par SNCF Réseau sur les chantiers futurs et les possibilités de

remonter progressivement la vitesse des trains entre Limone et

Piène-Basse de 40 à 60km/h.

Il faudra AUSSI être attentifs à ce que la ligne rouvre après les

travaux prévus ! Une plaque remémorant sa tant attendue restau-

ration a été installée devant la gare de Breil afin que personne ne

l’oublie, car après près de 8 mois de fermeture, pendant lesquels

les bus de la CARF (Transdev) ou de Veolia remplaceront les

trains, les bonnes habitudes peuvent facilement se perdre…

Le chantier en chiffres : 47 Km de ligne (section française) -

250 personnes mobilisées - 7 Km de rail à renouveler (avec

traverses et ballasts) - 9 filets de détection de chutes de rochers à

installer - 6 grillages de protection à poser sur les falaises - 5

ponts-rails à rénover - 2 tranches de travaux prévus.

Financements : Tranche de travaux en cours : 29 millions

d'euros dont 20,2 pour SNCF Réseau et 8,8 pour RFI (notamment

pour la sécurisation du tunnel ferroviaire du col de Tende et

travaux de sécurisation des voies dont 10 km de voies neuves) ;

Tranche de travaux à venir : 15 millions d’euros dont 5 par la

Région PACA, 5 millions par l'État français, 2 millions par le

département des Alpes-Maritimes et 3 millions dont les

financeurs restent à trouver.

Par ailleurs, SNCF Réseau a engagé 2 millions d’euros sur ses

fonds propres pour améliorer le système de arrêt automatique

des trains (DAAT))

POUR REMPLACER LES TRAINS : Entre Breil et Tende: Des bus

ont été affrétés pour assurer la substitution routière, accessibles

aux voyageurs munis d’un titre de transport SNCF ou de ticket de

bus de la CARF. Les trains italiens seront également substitués

pas des bus (bus italien 1). Le train des Merveilles sera terminus

Breil et les guides conférenciers feront visiter le village.

[1] Les travaux se dérouleront de jour de 8h à 17h du lundi matin au vendredi soir, ainsi que

quelques opérations ponctuelles de nuit et en week-end.

[2] Ce système consiste à actionner le freinage automatique du train en cas de franchissement d’un signal fermé. « Si les gens ne s’étaient pas

mobilisés, les Italiens auraient

fermé la ligne. En 2013, c’est ce

qu’ils ont failli faire. »

Sources : SNCF Réseau, nice-cuneo-ventimiglia.blogspot.fr

TRAVAUX EN COURS

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Page 10 La Marmotte déroutée

Oreilles tendues à un proche de notre ligne de train JMM est à la fois conseiller municipal à

Breil et jeune retraité de la SNCF. Pen-

dant 37 ans, il a arpenté et entretenu les

infrastructures de la ligne Cuneo-

Vintimille. Il l’a fréquentée assez

longtemps pour connaître son histoire,

ses tourments, ses habitudes, mais aussi

pour mesurer sa valeur. La Marmotte,

qui raffole des histoires d’Hommes et de

leurs moyens de transport, lui a tendu

ses écouteurs.

M : Pour commencer, jetons une oreille

vers la mairie. Comment se positionne-t-

elle vis-à-vis de cette ligne ?

La mairie veut clairement que la ligne

continue à vivre, et non à « survivre »

comme en ce moment, pour qu’elle soit

exploitée selon les besoins de la vallée.

Ça revient à dire que, pour être viable,

elle doit retourner à la situation initiale en

termes de nombre de trains par jour, de

vitesse et d’investissements. Il faut par

exemple le retour des trains italiens Limo-

ne-Cuneo et Limone-Vintimille qui repré-

sentaient environ 12 Allers/Retours par

jour, soit 24 trains.

M : Quels sont les leviers de la mairie

pour réaliser ce projet ?

Malheureusement, ils sont assez maigres.

On peut essayer de faire bouger le Dé-

partement et la Région en se mobilisant,

en montrant qu’on se sent concerné com-

me par exemple le 3 septembre dernier,

quand les maires de la vallée, mais aussi

de la Bévéra, du Paillon et de quelques

communes italiennes se sont rassemblés

symboliquement devant la gare de Breil,

à l’initiative des Amis du Rail.

M : Pourquoi, selon toi, cette ligne im-

porte à la vallée ?

C’est tout simplement son cordon ombili-

cal. Sinon qu’avons-nous ? Des camions,

des bus ?

M : Pourquoi pas des bus pour rempla-

cer le train pour les voyageurs ?

La route n’est pas appropriée, ni en ter-

mes de temps de trajet, ni pour la sécurité

ou le confort. Note que je ne connais per-

sonne qui est malade en train. C’est sans

compter la pollution. Et le train, générale-

Près de la moitié des personnes interrogées font des allers-

retours pour le travail, de 2 à 6 jours par semaine (en particu-

lier entre les collèges et hôpitaux de Sospel et Breil et leurs

domiciles, ou entre Nice et les villages de la Roya). De nom-

breux étudiants prennent le train pour aller au lycée ou au

collège, en début et fin de semaine, ou, pour certains, quoti-

diennement. Les personnes âgées, entre autres, l’utilisent

pour leurs rendez-vous en ville (médicaux ou administratifs)

ou aller voir des amis ou la famille dans un village voisin ou en

ville. D’autres l’utilisent comme alternative au transport rou-

tier, ou pour profiter de la vue, pour voyager, partir randon-

ner ou faire un week-end ou des sorties et activités sur le

littoral ou à la montagne (1-3 fois par semaine). Les touristes

l’apprécient pour profiter des paysages et de la visite com-

mentée avec le train des Merveilles. Les habitants du bas de la

Roya (Fontan, Saorge, Breil) l’utilisent beaucoup pour descen-

dre à Nice.

Le train est presque unanimement vu comme le transport le

plus pratique. Il est moins fatiguant que la voiture et les

deux roues, on s’y sent plus en sécurité que sur la route

(surtout avec les camions) et plus tranquilles. Il est économi-

que, écologique, confortable, rapide, convivial, de grande

capacité et ne rend pas malade. Dans le train, on a du temps

pour travailler ou pour se reposer, lire, écrire, manger. On

peut y faire plusieurs choses en même temps, il n’y a pas de

virages ni de contrôles radars ! Certains usagers n’ont pas le

permis ou ont un seul véhicule dans le couple. Ceux qui dispo-

sent d’un abonnement ou pass voyagent plus librement. Le

bus, de son côté, emprunte une route sinueuse, étroite,

avec de nombreux camions et risques d’accident.

Le prix est souvent considéré comme correct et

honnête, surtout avec les réductions et abonnements (travail,

carte zen/Zou), mais trop cher par rapport au bus, en parti-

culier pour le billet à l’unité. La régularité et la fiabilité sont

considérées comme déplorables : beaucoup de retards et

de suppressions, horaires inadaptés, manque de rotation,

travaux, grèves fréquentes sans explications ni information,

manque de places aux heures de pointe. La faible fréquence

des trains sur la ligne, surtout au-dessus de Breil, est pénali-

sante pour le travail ou les études. Mais quelques personnes

l’estiment malgré tout correcte. Le confort est plutôt satisfai-

sant ou bon, mais beaucoup d’améliorations pourraient être

faites. Il y a trop de négligences vis-à-vis des usagers.

Pour qualifier notre ligne de train, les usagers choisissent les

adjectifs suivants : lente (5 avis), indispensable (4), peu fia-

ble (4), utile (2), pratique (2), économique (2), agréable (2),

facile, simple, sociale, commode, sympa, confortable, calme,

nécessaire, belle, touristique, grande, risquée, aérienne, rare,

bruyante, holomorphe, royale, retardée / retard, retard, re-

tard… Ils considèrent en outre qu’elle permet de désenclaver

la vallée (2), qu’elle reste un vecteur de développement et

de cohésion et représente un lien important entre la France

et l'Italie.

Pour la défendre, les usagers estiment qu’il faut se mobili-

ser, manifester et prendre régulièrement le train (6). Pour

terminer, l’avis d’un pessimiste : « A part s'enchaîner aux rails,

peu de choses restent à faire. »

OREILLES TENDUES DOSSIER >>> GARDONS NOTRE TRAIN DE VIE

PAROLE AUX USAGERS ! Que pensez-vous du train?

Le mois dernier, notre ligne de vie, malade,

commençait une longue cure : 8 mois d’arrêt de

la circulation sur les tronçons Vintimille-Breil et

Tende-Limone pour entamer les travaux tant

attendus. La marmotte, admirative des ouvrages d’art de cette

ligne et contente qu’elle rejette moins de gaz toxiques que les

camions sur les graminées de nos montagnes, a enquêté auprès

des usagers des trains des vallées de la Roya, la Bevera et des

Paillons (30 personnes de tout âge). Son idée était de recueillir

vos impressions, ressentis et expériences liés à l’usage du train

dans votre quotidien. A compter du prochain numéro et pendant

toute la durée des travaux, nous publierons de courtes synthèses

de vos réponses aux 10 questions posées. En voici un premier

aperçu général (les réponses récurrentes apparaissent en gras).

AL. Merci à Gelsomina pour le questionnaire!

Page 11: UN JOURNAL POUR LA ROYA La marmotte La marmotte ...€¦ · La marmotte des Alpes est divisée en deux races : Marmota marmota marmota (en Allemagne, France et Suisse, sauf dans les

Octobre-novembre 2017, nº11 Page 11

- Euh, bonjour, vous êtes… le train ? (Un Monsieur, l’air

un peu perdu, monte dans le bus en gare de Fontan-

Saorge et dévisage le chauffeur).

- Eh, oui, je vais à Tende

- Pas à Breil ? J’ai un train à 16h50… (Il est 16h20).

- Si, je vais à Breil, mais après, vous pouvez monter.

- Mais je n’aurai pas mon train de 16h50 si vous devez

monter à Tende et revenir ? (le Monsieur, perplexe, re-

garde son ticket).

- Euh non, vous aurez le suivant !

A 18h04… Plus d’une heure de perdue et un tour de la val-

lée qui, après Saint Dalmas, La Brigue, Tende, puis La Bri-

gue et Saint Dalmas encore, fera de nouveau repasser notre

passager par la gare Saorge ! Au feu de Fontan, on croise le

bus de remplacement italien qui monte à Saorge, avant de

redescendre sur Breil. Le chauffeur de notre « bus-train »

n’était pas au courant…

***

« Le bus italien fait le trajet Vintimille-Cuneo, il part de Vin-

timille et tombe sur un bouchon : il y a plein de monde ! Il

prend du retard. Arrivé au tunnel de Tende, il prend 20 min

dans le meilleur des cas, sinon 40, ne peut pas tenir les ho-

raires. Les gens ne savent jamais s’il est passé ou pas, les

gens de la SNCF non plus. Et, lui au moins, il a une soute, les

skieurs, touristes, étudiants, lycéens peuvent monter. Les

bus français sont moins en retard, mais ils ne veulent pas de

vélos, ils ne peuvent prendre qu’une chaise roulante à la

fois et les parents doivent tenir les poussettes, pareil pour

les gros bagages ! Il n’y a pas de soute du tout. Si t’es char-

gé, si t’arrives pour deux semaines de vacances hivernales,

tu ne peux pas. Tu descends de ton train à Breil, tu as ton

billet qui va jusqu’à Tende, chouette, avec tes chiens qui ont

leurs tickets, mais tu ne peux pas ! Les chiens s’ils ne tien-

nent pas sur tes genoux dans un carton, ils ne les prennent

pas !!! »

CECI N’EST PAS UN TRAIN !

DOSSIER >>> GARDONS NOTRE TRAIN DE VIE

Pendant la durée des travaux, sur la portion Breil-

Tende, les trains ont été remplacés par des bus. Si les

trajets de la fiche horaire de la SNCF continuent à être

assurés, les usagers sont parfois confrontés à un vrai

parcours de combattant. La Marmotte a recueilli quel-

ques premiers témoignages. Merci au Comité de la

ligne !

ment, arrive en plein centre-ville.

M : En 37 ans de carrière [1979-2016] sur cette ligne, quelles

évolutions as-tu constaté ?

Il y a eu un délaissement de la ligne. A l’origine, le projet était

ambitieux : électrification, transport de marchandises. C’était

une ligne stratégique. Des trains internationaux y passaient, des

trains de fret. Mais peu à peu les budgets se sont étiolés, les

projets ont été abandonnés. A titre d’exemple, à mon arrivée,

nous étions 22 personnes à travailler sur cette section. A mon

départ, on était plus que 4 pour le même kilométrage. Pour

compenser, des entreprises privées de maintenance ferroviaire

viennent au coup par coup faire les gros travaux. A présent,

c’est clair que la SNCF fonctionne comme une entreprise

privée, avec les « carcans » d’une entreprise publique. Avant,

nous, salariés, on pouvait faire entendre notre voix. Aujour-

d’hui, si tu n’es pas content, on ne te garde pas.

M : Quelle est l’avenir de cette ligne selon

toi ?

Elle dépend totalement d’une volonté politi-

que. Des choix d’investissement. Est-ce

qu’on veut un transport ferroviaire de qualité

et sécurisé, quitte à y mettre le prix ? Ou

bien favoriser le tout routier, qu’il faudra

aussi payer car, pour commencer, qui va

payer les dégâts de la route dus au passage

des camions ? Est-ce qu’on veut de 10 000

poids lourds par jour ? La structure ferroviaire existe, il suffit de

la moderniser.

M : Comment peut-on décrire cette volonté politique ?

Je ne suis pas dans les hautes sphères, mais je peux dire qu’elle

ne favorise pas la continuité territoriale. Les budgets ne sont

pas suffisants, le service perd en qualité et la fréquentation

baisse. Déjà en 86, puis en 95, il avait fallu faire 1 mois de grève

pour défendre ces lignes « secondaires ». Petit à petit, avec Ma-

cron, ils y arrivent. Pour nous faire entendre, il faudrait que l’on

soit de plus en plus nombreux aux rassemblements !

Oreille tendue par LR

Petites histoires quotidiennes du calvaire des usagers des bus de remplacement

« Comment vont-ils faire pour les skieurs qui vont venir pour

les vacances d’hiver ? On ne sait pas. Les travaux se termine-

ront en avril. Si les skieurs ne peuvent pas venir cet hiver, nos

commerçants sont morts ! Les skieurs qui vont à Limone, ils

sont beaucoup à avoir des maisons de famille à Tende ou dans

le coin, ou à s’arrêter dans des gites de chez nous. Il y a des

gens qui viennent d’Antibes, de Cagnes-sur-Mer, etc., avec

toute leur famille, pour aller skier... Et en automne, on avait

plein de randonneurs en VTT. Et des randonneurs tout court, il

y a même un livre qui a été écrit sur les randonnées par rap-

port au train : « Le chemin de fer des Merveilles. En train et à

pied dans la vallée de la Roya », d’Albano Marcarini. Là non

plus, il ne faut plus compter dessus ! »

***

« Pour les bus qui remplacent les trains, la SNCF a fait une délé-

gation du pouvoir à la CARF. Comment on fait pour joindre la

CARF, pour lui faire part de tous les problèmes rencontrés ?

C’est le trou noir ! Pas de numéro pour les joindre, pas de site,

pas de compte Facebook où on pourrait dire par exemple que

les horaires changent, donner l’information... »

***

« Dans le train, tu peux travailler, faire tes devoirs, il y a des

tables et même des prises ! Et tu sais que tes parents se sentent

tranquilles parce que le contrôleur garde un œil sur toi. Dans le

bus ? Comment tu fais pour faire tes devoirs dans le bus ? En

hiver, sur du verglas ??? »

Oreille tendue par Andrea

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Page 12 La Marmotte déroutée

Décryptage

Pourquoi nait ou

meurt une ligne de

chemin de fer ? Voilà

en quelque sorte la

question existentiel-

le qu’un amateur

attentionné pourrait se poser en regardant l’évolution des

infrastructures ferroviaires au travers du temps qu’on peut

constater sur les cartes ci-dessus ! Saviez-vous par exemple

qu’il était possible de rejoindre les vallées de la Tinée et de

la Vésubie par le rail ? Ou qu’il existait un tramway pour

aller jusqu’à Levens sur les collines niçoises?

Pourquoi les lignes naissent-elles donc ? Probablement es-

sentiellement pour des raisons commerciales : finalement,

que cela soit pour le transport de marchandises ou pour celui

des passagers, on crée les lignes de train parce qu’il existe

une demande, c’est-à-dire un intérêt pour des entreprises

d’acheminer soit des objets, soit des voyageurs-clients. On

peut aussi envisager que, parfois, l’État mette en place un ser-

vice de transport de passagers aux seules fins de service pu-

blic, bien que cela reste à prouver. Car quand bien même,

dans le temps, on permettait aux habitants de la Vésubie de

pouvoir accéder jusqu’à Nice ou Menton, la majeure partie de

la ligne a été construite par des entreprises privées. Il ne

s’agissait donc pas seulement du souci de l’État pour le bien-

être des populations locales ! L’actuelle entité « Groupe

SNCF », dont l’origine (SNCF) date de 1938, s’est construite

par étapes successives. La compagnie publique a petit à petit

incorporé à son capital des entreprises privées déficitaires ou

à la gestion trop hasardeuse, qui s’étaient lancées, dès ses

débuts, dans l’aventure ferroviaire. Il s’agit aujourd’hui d’une

entreprise commerciale formée de trois structures et de nom-

breuses filiales de droit public mais aussi privé. Actuellement,

sa stratégie peut être résumée ainsi : donner la priorité au

développement du transport de passagers à grande vitesse

entre Paris et les capitales régionales (SNCF TGV) ; laisser le

soin aux Régions d’optimiser le transport de passagers de

proximité (TER) tout en percevant les droits de péages (via

SNCF Réseau, ex-RFF)[1] et en les concurrençant au travers

de ses filiales d’autocars low-cost (Ouibus) ; mettre en concu-

rrence le fret ferroviaire et le fret routier (la SNCF est aussi le

plus gros transporteur de marchandises par la route : voir

l’encadré ci-contre). Où est le bien-être des populations ?

Pourquoi les lignes disparaissent ?

Probablement parce qu’elles ne sont plus utiles à ceux qui en

assument la charge : ce que l’on avait besoin de déplacer n’a

plus besoin de l’être. Ou encore, parce qu’une technologie

devient obsolète comme ce fut le cas du cheval avec l’inven-

tion du moteur à explosion. Nous en avons déjà parlé dans la

Marmotte [2], la déréglementation – comprendre « baisse des

coûts et privatisation » – des routes dans les années 1970 avait

de facto rendu plus concurrentiel le transport de marchandi-

ses par la route que par le rail. Des hommes et des marchan-

dises. Dans une certaine mesure, contempler la splendeur et

la décadence du réseau ferré, c’est regarder les cycles de

production d’un pays au travers des époques selon les priori-

tés d’alors…

Pourquoi les lignes sont sauvées ?

Les lignes de train sont sauvées parce que leurs usagers se

battent pour cela (cf. l’encadré « Autogestion?»). Parfois aussi

parce qu’un sursaut de raison semble habiter les décideurs.

Plus rarement, parce qu’une nouvelle fonction commerciale

est trouvée (comme celle de train touristique pour ce qui nous

concerne). Il y a une sorte d’ironie du sort derrière cela. Con-

sidérons qu’ici, lorsque la ligne de train a été construite, cette

nouvelle infrastructure n’a pas forcément été accueillie par

tous avec bienveillance. Comme cela fut le cas aux États-Unis

lorsque le rail traversait les territoires indiens. Car qui dit

« rail », dit « ouvriers » qui, souvent, viennent d’ailleurs, et qui,

souvent, s’installent à proximité des nouvelles gares. Les nou-

veaux arrivants modifient la culture du territoire. De rurale,

elle devient ouvrière par exemple. Les riverains du rail d’au-

Carte du réseau ferré des Alpes-Maritimes à son

extension maximum (1930)

La SNCF aime la route !

« La France compte plus d’un demi-million de poids lourds

(petits et grands), s’y ajoutent sur l’asphalte les camions étrangers… Dans l’Hexagone, c’est la SNCF qui chapeaute le

plus gros parc. Difficile de donner un chiffre, les sociétés de

transport sont toutes des filiales, sectorisées… Exemple :

Calberson Auvergne et Calberson Bretagne, et ainsi de suite… C’est le groupe Géodis (SNCF Logistics) qui supervise et

patronne l’ensemble des filiales régionales, nationales et

internationales. La SNCF est aussi fortement impliquée dans le

fret aérien et maritime (porte-conteneurs), avec en 2015, 445

filiales de transport de marchandises. […] [Elle] possède au bas mot plus de 10 000 PL (avec gestion satellitaire). […] Songeons

bien que l’État est le plus gros patron du transport de

marchandises qui sillonnent [nos] routes ! »

(Jano Celle, « SNCF, ou la reine du fret en son royaume absolu »,

Pour l’émancipation sociale N°036, juillet-août 2017, p. 12).

DOSSIER >>> GARDONS NOTRE TRAIN DE VIE

VIE ET MORT D’UNE LIGNE DE CHEMIN DE FER

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Octobre-novembre 2017, nº11 Page 13

Jidé

jourd’hui sont les enfants de cette rencontre. Puis, après que

les paysans aient quitté leurs campagnes, les industries furent

à leur tour arrêtées ou délocalisées, et voilà qu’on envisage

désormais de sacrifier une nouvelle génération d’habitants en

favorisant cette fois la disparition du train au profit de la route

et de son lot de nuisances : pollution, accidents, bruit... Absur-

de modernité qui, pour un même besoin (franchir la montag-

ne), détruit l’existant (le rail) et préfère gaspiller temps, éner-

gie et argent pour créer du nouveau (en doublant le tunnel

routier de Tende).

Alors, ce n’est pas la faute de l’Europe ?

Oui et non. Si l’Europe fait souvent office de bouc émissaire

facile pour nos édiles, on ne peut oublier que ses décisions

ont pour origine l’ensemble des mécanismes de l’administra-

tion européenne et de ses institutions, qui sont composées –

physiquement - par nos représentants. L’Union européenne

(UE) n’est pas une abstraction et les orientations qu’elle donne

à ses États-membres ne sont pas désincarnées. Il y a des hom-

mes et des femmes derrière. L’UE a la charge de gérer la stra-

tégie d’interconnexion des réseaux de transport des États-

membres mais pas seulement. L’intégration doit être aussi

commerciale. Dès lors, au sein de chaque pays européen, les

entreprises de l’espace commun devraient être en capacité

d’exercer comme « chez elles » leurs activités : par exemple,

le Royaume-Uni, qui a déjà régularisé et libéralisé son marché

ferroviaire, souhaite que ses entreprises privées puissent fai-

re rouler leurs trains sur les rails français. Logique,

n’est-ce pas ? La Grande-Bretagne a d’ailleurs été

l’un des principaux artisans de l’ouverture à la

concurrence du rail au sein de l’UE. C’est afin de

suivre ces orientations de politique générale en

matière de transport que les décisions des trente

dernières années ont été prises dans le sens de la

libéralisation. Une certaine idée de la chose publi-

que… une certaine idée de l’aménagement du

territoire (voir l’encadré ci-contre). Et nous dans tout ça ?

Nous ? Nous payons les pots cassés, nous sommes

les variables d’ajustement. Lorsqu’une région s’est

peuplée autour de son axe de communication, que

celui-ci était une ligne de chemin de fer – une

« ligne de vie » - et que celle-ci meurt, c’est tout le

territoire qui est menacé. Après avoir parfois payé

de sa vie pour la construction, et pour la recons-

truction pour ce qui concerne notre ligne (cf. En

images, p. 5), parfois financièrement au travers

des deniers publics versés aux anciennes entre-

prises nationales, il ne reste plus qu’à s’adapter ou

disparaître. Ce qui revient parfois au même. Ceri-

se sur le gâteau : être quasi centenaire et avoir vu

apparaître dans sa jeunesse le tram à Nice sur

l’avenue Jean Médecin, le voir remplacé par les

voitures, puis de nouveau remis en service. Avoir

payé trois fois l’incurie de nos dirigeants qui de-

vraient peut-être d’avantage penser à la chose

publique, qui s’envisage sur le long terme, qu’à

leurs intérêts proches qui sont de l’ordre de

l’immédiat ou du court terme… S’ils ne savent pas

ou ne veulent pas le faire, pourquoi pas nous lais-

ser faire ?

Libéralisation et Dérégulation sont dans un train Au sein de l’Union européenne, en démantelant l’entreprise publique

British Rail dès 1994, la Grande-Bretagne a été précurseur en termes de

libéralisation et dérégulation du rail allant jusqu’à déléguer la gestion des

infrastructures et des voies ferrées à un groupe privé (Railtrack), avant de

la replacer sous contrôle public (en 2002), suite à de nombreux accidents

mortels. A cette époque, l’Union européenne avait déjà enclenché le

processus communautaire de libéralisation et de dérégulation du rail. Son

but à terme : ouvrir le secteur ferroviaire à la concurrence privée. 27 ans

après, 2 livre blancs, au moins 14 directives et 2 règlements (regroupés au

sein de « 4 paquets ferroviaires ») plus tard, le chemin s’est tracé sans

surprise : sous peu, tous les États membres devront rendre possible

l’ouverture complète du secteur ferroviaire à la concurrence privée, y

compris le transport de passagers. A terme, on peut facilement envisager

qu’un petit ensemble de grandes entreprises privées (anciennement

publiques pour certaines) se partage le juteux gâteau des lignes rentables,

laissant à l’abandon celles qui rapportent moins (comme la ligne Nice-Breil

-Vintimille-Cuneo-Turin). Conséquence ? Les usagers-clients n’auront

d’autre choix que d’accepter les priorités d’une entreprise privée : faire de

gros bénéfices et redistribuer un maximum de dividendes à ses

actionnaires. Ces gros opérateurs imposeront probablement leurs

exigences via des groupes d’intérêts (lobbying) à l’Agence de l'Union

européenne pour les chemins de fer (créée en 2004 afin de rendre

compatibles les différentes législations nationales entre elles, notamment

pour ce qui concerne les règles techniques et les normes de sécurité). Très

probablement, certaines activités non rentables, en faillite ou endettées,

nécessiteront finalement l’aide publique, c’est-à-dire notre argent…

Comme cela fut le cas au Royaume-Uni en 1994. Lorsque dérégulation et

libéralisation sont dans un train, c’est le train qui finit par tomber à l’eau…

Région PACA : tiens, voilà la concurrence ! En octobre 2016 déjà, C. Estrosi, en qualité de président de la Région

PACA, annonçait qu’une réflexion existait pour que l’ouverture à la

concurrence sur la ligne TER se fasse le plus rapidement possible afin de

palier la mauvaise qualité de service. Il semble que l’idée ait fait son

chemin. Désormais, la Région souhaite devenir la première à expérimenter

l’ouverture de ses lignes à la concurrence. Philippe Tabarot (vice-président

de la Région en charge des Transports) l’a confirmé à Elisabeth Borne

(ministre des Transports) lors d’une rencontre à Marseille en septembre

dernier. Voilà un sujet qui va faire débat ! (Source : 20minutes.fr Marseille,

« Paca : Faut-il ouvrir les TER à la concurrence ? », le 23/09/17)

[1] Pour notre ligne, cela fait environ 500.000 euros de

péages (Régions PACA et Région Piémont). Pour l'anecdote,

à un moment la SNCF percevait deux fois les péages des

trains italiens en transit qui étaient facturés à la Région Pié-

mont via RFI et à la Région PACA via la SNCF...

[2] La Marmotte nº9 « Franchir les Alpes, ... », p. 3.

Autogestion ? Citons par exemple le département du Lot, où une association

d’usagers et de cheminots forçaient systématiquement le train à

s’arrêter aux arrêts supprimés. Les fauteurs des troubles ont été

poursuivis en justice, mais certains arrêts ont ainsi pu être

rétablis. Des usagers peuvent aussi sauver leur ligne en prenant

en charge sa gestion. Puisque le rail s’ouvre à la concurrence,

pourquoi ne pas envisager des coopératives ou des structures

mixtes permettant aux usagers, aux travailleurs, voire à des sympathisants privés de gérer leur train ? C’est le cas de Go!

Cooperative Ltd [1] en Angleterre, qui devrait sous peu obtenir

l’autorisation et les financements lui permettant de relier par

train les villes de Taunton à Swindon, via Westbury. Cette

coopérative est détenue à 50% par ses utilisateurs et à 25% par

ses employés, le reste étant ouvert au public. Impossible de

rendre la même qualité de service qu’une « grosse »

entreprise ? En 2014, l’auteur d’une tribune publiée par le très

libéral journal anglais The Guardian [2] déplorait le fait que

« depuis des années, [les Britanniques] avaient constaté une

augmentation des prix des billets, un service mauvais, des

faillites, des procédures judiciaires ». Il envisageait comme

possible remède à ces maux une gestion coopérative de

certains tronçons en déshérence. Alors, si personne ne veut de

notre ligne, et qu’il est question d’ouvrir la gestion des TER à la

concurrence, pourquoi ne pas, nous aussi, tenter l’expérience ? [1] www.go-op.coop/train

[2] Model railways: how to make co-operative train travel a reality,

thegardian.com, 15/07/2014

DOSSIER >>> GARDONS NOTRE TRAIN DE VIE

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Page 14 La Marmotte déroutée

IIIMAGINAIREMAGINAIREMAGINAIRE DUDUDU TRAINTRAINTRAIN Quand elles dépassent certains seuils, beaucoup de technologies conçues pour simplifier nos vies

deviennent contreproductives, voire monstrueuses. C’est une question de mesure. Ainsi, il y a trains

et trains : trains lents imaginaires des Péruviens (cf. l’édito), train « ligne de vie » de nos vallées,

mais aussi TGV ou TAV, trains à grande vitesse, dont les projets – que certains jugent imposés et

destructeurs - se trouvent à l’origine de puissants mouvements de résistance (comme à Valsusa en

Italie, cf. p.15). Finiront-ils, à leur tour, dans la désuétude, comme tout le reste ? Le moderne d’au-

jourd’hui est déjà le dépassé de demain, tel notre chemin de fer, qui fut tout un symbole du progrès d’une vieille époque.

DOSSIER >>> GARDONS NOTRE TRAIN DE VIE

En Train Ne Ment

Nous avons tous dans un coin de notre mémoire ce jeune

blondinet au regard éthéré qui aborde un aviateur perdu dans

le désert et lui demande : « S’il te plait, dessine-moi un mou-

ton ». L’histoire a fait le tour du monde. Imaginez maintenant

un garçonnet du même genre qui viendrait dans nos montag-

nes demander à une vache de lui dessiner un train : un effet

bœuf !

Et si vous demandiez à l’enfant que vous avez été de dessiner

son train idéal ? J’imagine déjà ceux de ma génération ressor-

tant de leurs souvenirs le « scalextric » aux Tchou Tchou enre-

gistrés serpentant entre les meubles en formica de la cuisine,

zigzaguant sur la moquette du salon, passant devant la télé

noir et blanc. Ah, qu’il était beau ce train-train de l’enfance !

Le train qui emportait nos rêves sur des rails démontables, qui

comptait un déraillement par minute sans blessé, qui ne com-

ptabilisait les retards seulement si nous voulions bien les lui

octroyer – après tout, c’était nous le chef de gare !

Où est-il, ce train qui nous a laissé sur le quai de l’enfance ?

Celui qui sentait bon le ballast chauffé d’huile et de soleil sur

le rail des vacances. Celui qui, à l’heure de l’aiguillage de

l’adolescence, nous emportait aux côtés de Phileas Fogg et

Passepartout dans une folle traversée des Amériques en

quatre-vingts pages. Le Brooklyn by the sea de Mort Shuman ;

l’Orient Express d’Agatha Christie ; des trains pas comme les

autres… Où l’on partage son odyssée entre une poule et une

chèvre, où votre voisin vous offre la moitié de son seul repas

de la journée, où, à la seule vue des noms des stations, votre

vie soudainement devient un atlas : Titicaca, Katmandu, Ma-

dras…

Des trains pas comme le mien… Gandhi et son tour de l’Inde

sur les toits bondés et blanchis d’écrasantes lourdeurs

épicées ; Vladimir Ilitch et son wagon plombé entre la noire

Némésis et les Russes blancs ; Les trains maudits de l’ordre

noir, 40 hommes, 8 chevaux terminus : Nacht und Nebbel.

Où sont passés les romans de gare ? Cette colonne de livres,

ce tourniquet, ce présentoir vers lequel on se précipitait pour

admirer les couvertures futuristes des Anticipation / Fleuve

Noir. Leurs titres étaient des promesses : les rails d’incertitu-

de, les wagons-mémoires…

Et nous adultes, quel est notre train idéal ? Un rapide encore

plus rapide ; un aux lignes épurées, aux acronymes évoca-

teurs, un Truc à Grosse Vitesse ? Une machine sans âme, où

tout le monde aurait une place côté fenêtre ; où l’on pourrait

voyager en étant sûrs que le siège d’à côté serait vide jus-

qu’au bout du trajet. Un train qui nous ferait oublier que l’es-

sentiel dans le voyage n’est pas le but, mais le voyage.

Saoirse

Qu'est notre imagination, comparée à celle d'un enfant qui veut faire un chemin de fer avec des asperges ? (Jules Renard).

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Octobre-novembre 2017, nº11 Page 15

Monter dans un train, c’est pousser un soupir. Ou peut-être

deux. Le premier quand on s’assure, en un coup d’œil rapi-

de à l’écran des départs, qu’il sera à quai, à l’heure, et le

second quand on s’en approche. Le moment où j’avance et

que devant moi apparaissent le quai de la gare et, dans le

creux des rails, un train. Un train qui attend comme une

monture docile, au repos. Je choisis une place, j’étends mes

jambes et me laisser partir. Pour l’instant, le paysage ne

bouge pas, même les arbres semblent attendre.

Le chef de gare balaie le quai du regard et siffle un allez-y !

Le train s’ébroue et m’emporte avec lui. Il frôle la terre

avec l’assurance et la tranquillité de celui qui sait où il va.

Devant lui, les rails tracent une route immuable, dessinent

son mouvement de lignes et de courbes.

Entre ces deux lieux que je relie, il y a un moment de libre.

Un peu de vent et de vitesse pour étendre mes pensées et

les laisser sécher. L’espace est clos, le temps suspendu.

Mon corps immobile, propulsé dans les paysages, se dé-

tend. Autour de moi, quelques voyageurs organisent leur

oisiveté. Ils lisent, somnolent, discutent, ou pianotent sur

leur téléphone, et le wagon prend tout à coup des allures

de salon collectif. Les dialogues sont autant de petites

scènes de vie. Parfois une rencontre, un ami de trajet. Voy-

ager une heure ou bien dix, peu importe, nous ferons tou-

jours ces mêmes petites choses. Maintenant, il faut descen-

dre - redescendre - retourner dans la danse. Pour le voya-

geur comme pour le danseur, la pause fait partie de la musi-

que.

Depuis plus de cent cinquante ans, le train, instrument de

progrès et de conquête de territoire, fascine, et le train,

symbole de voyage et d’évasion, stimule l’imagination. Mais

n’oublions pas que cette « révolution » a aussi apporté son lot

de bouleversements, d’inquiétudes et de rejets. Modifications

du paysage, distorsion de la perception du temps, de l’espace et de soi-même. « Tout le système du chemin de fer est

destiné à des gens qui sont toujours pressés et donc peuvent

rien apprécier […]. Il transforme l'homme qui était un

voyageur en un paquet vivant. », écrit John Ruskin,

sociologue anglais (1819-1900). Enfin, courant XIXème siècle,

nombreux sont ceux qui le perçoivent comme dangereux, ou même mauvais pour la santé : « L'extrême rapidité des

voyages est une chose anti-médicale. Aller comme on le fait

en vingt heures de Paris à la Méditerranée en traversant

d'heure en heure des climats différents, c'est la chose la

plus imprudente pour une personne nerveuse ; elle arrive à

Marseille, pleine d'agitation, de vertige. » (Jules Michelet

dans « La Mer »,1861)

DOSSIER >>> GARDONS NOTRE TRAIN DE VIE

Prendre un train

D’un train (et d’un tunnel) à l’autre

NO TAV de Valsusa : la lutte vue d'ailleurs

Du 27 au 30 juillet der-

nier, à Venaus, tout

près de Susa, située

dans la vallée du

même nom, à quel-

ques dizaines de ki-

lomètres de la métro-

pole turinoise, s'est

tenue la deux-ième

édition du festival NO

TAV (Treno Alta Velo-

cità), opportunément

nommé festival Altà

Felicità (Grand Bon-

heur). Quatre jours de

stands associatifs, de

débats, de rencontres avec des auteurs et des opposants au

TAV, de concerts sur plusieurs scènes. Entrée gratuite, navet-

te gratuite, camping gratuit, aucun service de sécurité, nulle

part. Quelques milliers de festivaliers, avec en prime, orga-

nisées par des militants NO TAV, des visites du chantier de

l'improbable nouvelle ligne ferroviaire.

Rappel : le val de Susa est déjà traversé par une autoroute qui

mène au tunnel routier payant de Fréjus, permettant de pas-

ser la frontière alpine. Du lieu du festival, la vue est imprena-

ble sur plusieurs viaducs d'une centaine de mètres de

hauteur, soutenant l'axe routier, le tout, à 600 mètres d'altitu-

de, au sein d'un magnifique paysage de montagne.

Le projet de ligne de train à grande vitesse entre Lyon et Tu-

rin court depuis les années 1990. Ce projet pharaonique (270

km de voie ferrée) a subi plusieurs révisions et avance plutôt

à vitesse d’escargot. Le chantier contre lequel on se bat à

Valsusa, n’en est, comme le disent les opposants, qu’un « tout

petit morceau ». Et pourtant, il en impose ! L’idée, ici, est de

percer un tunnel de 57,5 kilomètres de long (vous avez bien

lu), en pleine montagne, pour relier Susa, en Italie, à Saint-

Jean-de-Maurienne en France. Ceux qui se battent contre ce

projet de tunnel affirment qu'il s'agit à la fois d'un gouffre et

d'un scandale économiques (notamment par le jeu d'entrepri-

ses de bâtiment qui seraient liées à l'État et/ou à la mafia) et

d'une atteinte inégalée à l'environnement, à la santé des habi-

tants (les roches de Valsusa sont riches en uranium) et à la vie

locale (Valsusa est une zone réputée de viticulture, où on cul-

tive encore des variétés anciennes). Le tout, évidemment,

sans aucun intérêt pour les habitants de la vallée. Il s'agit, en

Italie, de la lutte la plus importante et emblématique, parmi

tant d'autres, contre ce genre de grands projets d'infrastruc-

tures considérés par les soutiens de ce mouvement comme

inutiles et imposés.

Les militants NO TAV, qui n’hésitent pas à tenir tête aux forces

de l’ordre pour empêcher la conduite des travaux, sont nom-

breux à être poursuivis par la justice, pour des motifs divers.

On parle de plus de 1000 mises en examen et de plus d’une

Ellu

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ACTUALITÉS

Selon la presse italienne, la

reprise des travaux sera effec-

tive et « totale » d’ici la fin du

mois d’octobre au plus tard. Du moins, c’est ce qu’aurait affirmé

l’ANAS en présence des autorités piémontaises, de la sous-

préfète du 06 et du maire de Tende lors d’une réunion qui s’est

tenue à Cuneo le 10 octobre dernier. L’engagement serait pris de

ne plus « générer de retard supplémentaire » (Source : cuneocro-

naca.it, « A fine ottobre piena ripresa dei lavori per il Tenda bis »,

10/10/17).

La Marmotte déroutée [email protected]

www.la-marmotte-deroutee.fr

Tél. 07 68 05 65 34

centaine de condamnations. Un exemple non repré-

sentatif, parmi d'autres, est celui de l'écrivain Erri de

Lucca, poursuivi par le parquet de Turin pour

"incitation au sabotage du chantier".

Au moment du Festival, la lutte semblait presqu’être

gagnée : au bout de trente ans, face à l’ampleur de la

résistance, les seuls travaux que les entreprises ont

réussi à faire avancer (même s’ils sont loin d’être

terminés), sont ceux de l’excavation d’une galerie de

service (de 12 kilomètres, quand même !) jusqu’à

Susa, à partir de laquelle il est question de creuser le

fameux tunnel ferroviaire. L’excavation de ce dernier

n’a pu démarrer ni dans le village de Venaus, ni, plus

tard, directement à Susa, farouchement opposés au

projet. Une nouvelle venant de France avait aussi

donné beaucoup d’espoir au moment du festival : la

ministre déléguée aux Transports, Elisabeth Borne,

avait déclaré que la France souhaitait faire une « pau-

se » dans le projet de TGV Lyon-Turin. « C’est comme

dans les relations amoureuses », ironisait un militant, «

quand on veut pas dire je te quitte, on dit qu’on fait

une pause». Mais voilà que le vent tourne de nou-

veau : plus récemment, le gouvernement français a

réitéré son intérêt pour ce projet de TGV. On sait

quand on commence à se battre, on ne sait jamais

quand on pourra arrêter… VNA

Rencontre agricole et artisanale d'automne : « de la

terre à la table ! » Depuis 2009, la Fête de la Brebis

Brigasque réunit chaque année plus

d'une soixantaine d'exposants et

plusieurs milliers de visiteurs le

temps d'une journée dans le village de

La Brigue. Cette journée veut être un

point de rencontres et d'échanges

entre les artisans, les producteurs, les

associations, les habitants et les

visiteurs. Dimanche 15 Octobre 2017 à La

Brigue (accès possible par TER puis

bus de remplacement).

Lundi 2 octobre, Raphael, 19 ans, a été condamné

par le TGI de Nice à 3 mois de prison avec sursis

pour avoir voulu conduire quatre personnes (dont

trois demandeurs d'asile) depuis la gare de Saor-

ge, jusqu’au domicile de Cédric Herrou. La justice

frappe très fort, de plus en plus fort dans la Roya.

Dans d'autres vallées alpines, comme ailleurs en

France, les solidaires ne sont pas autant criminali-

sés pour les mêmes faits. Le 13 octubre dernier,

l'association Roya Citoyenne a comparu aussi de-

vant le TGI de Nice. L'Association Défendre la Ro-

ya, associée au candidat Front National M. Bettati

demande la dissolution de Roya Citoyenne pour

trouble à l'ordre public et soutien à des personnes

(possiblement terroristes) en situation irrégulière

sur le territoire. Le verdict est attendu pour le 9

novembre.

Cette version du numéro 11 n’est pas aussi complète qu’on

l’aurait voulu, mais on s’est dépêché de la finir pour la fête

de la Brebis, faisant l’impasse sur certains contenus et rédui-

sant d’autres. Désolés, amis lecteurs-contributeurs, si vos

envois n’y apparaissent pas tous. Pourquoi tant de hâte ?

Pour tenir le rythme d’un numéro par mois, bien sûr, mais aussi parce qu’il y a un an, pour la 8e fête de la Brebis bri-

gasque, nous imprimions une autre version incomplète, mal

montée et pleine de coquilles de la Marmotte déroutée

nº1. On ne pouvait pas manquer ce rendez-vous !

En un an, la Marmotte a fait un bon bout de chemin et vous

avez été nombreux-ses à suivre et même à participer à son

aventure. Comme toute parution bénévole (à 100%), elle a

traversé des hauts et des bas, et la faire paraître tous les

mois n’est pas toujours facile. Nous avons plus que jamais

besoin de vous : si nous sommes toujours ravis de recevoir

vos contributions écrites, ce qui nous fait surtout défaut au-

jourd’hui, ce sont des gens capables de faire des relectures

et des corrections (orthographe, syntaxe), des maquettistes, des traducteurs et des dessinateurs. Si vous voulez que la

Marmotte continue sa quête, aidez-la à la poursuivre !

Jeunes Marmottes d’un an à l’approche de l’hiver

Cette vallée est la nôtre, ce journal aussi!

Tunnel de Tende : reprise inminente des travaux

Criminalisation de la solidarité

RC

Jidé

Après avoir pris un arrêté in-

terdisant la traversée de leurs

communes aux poids lourds de

plus de 19 tonnes, après avoir

fait installer les panneaux d’in-

terdiction, les maires de la

vallée de la Roya cherchent à faire appliquer leur décision que la

préfecture considère comme illégale. Depuis la mi-octobre, ils

ont mené plusieurs opérations consistant à arrêter eux-mêmes

les poids lourds qui traversent les villages et à les faire verbali-

ser par la police municipale. Le jugement du tribunal administra-

tif aura lieu le 7 novembre prochain. Vigilance !

ÉVÈNEMENTS : 9ème FÊTE DE LA BREBIS BRIGASQUE

Arrêté 19 tonnes : ces maires qui arrêtent les camions

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