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DANS CE NUMÉRO : DOSSIER : COMMUNIQUE ACTION Parole de Marmotte nº12. Des voies sans voix / Prêtons l’oreille … 2 Je te comprends, moi non plus… 3 Enlève ton filtre, je te donnerai mon code !/ Tais-toi et capte ! /L’art de ne pas tout dire … 3 Accouche ou j'accouche pour toi ! /A la recherche d’un sens com- mun / Bonjour la confusion! … 4 Une histoire de moyens … 4 Droit d'expression populaire … 5 Liberté de presse ou liberté express … 6 Liberté de la presse dans le monde / Le monde de la presse … 6 Anonymat des sources / Un monde de Fakes… 7 Les plantes communiquent-elles ? … 8 OREILLES TENDUES : Entretien avec trois "aventuriers" … 9 Interview: Dix-neuf tonnes! C'en est trop ! ... 12 19 tonnes : La Marmotte complète le tableau … 13 PAROLE AUX USAGES DU TRAIN ... 13 JOURNAL DE N'IMPORTE QUI : Le festin des enfants perdus … 14 COURRIERS DES LECTEURS … 15 A MEDITER : communiqu’action : qu’en pensez-vous ? … 15 ACTUALITÉS : 11 vaccins obligatoires pour les nourrissons ! ...15 Météo judiciaire niçoise / Arrêté 19 tonnes: transporteurs routiers ripostent / Le conseil départemental embraye / catastrophe évitée sur la route … 16 EVENEMENTS EN ROYA-BEVERA… 16 Publication autogérée par des habitants de la vallée de la Roya - www.la-marmotte-deroutee.fr - [email protected] - 07 68 05 65 34 La marmotte La marmotte déroutée déroutée Décembre 2017 - nº12 - Prix libre UN JOURNAL POUR LA ROYA Communication Comme Unique Action ? Communique Action ? Avec ce douzième numéro, La Marmotte fête sa pre- mière année d’existence. Un cap qu’elle passe avec joie, dans un concert de gazouillis et de sifflements énergiques, tout en s’interrogeant sur sa mission. Échanger, informer, communiquer, qu’est-ce que cela signifie au juste ? Tout commença avec des grognements, soupirs ou éclats de voix, des gestes vifs ou lents, des odeurs, des regards hostiles ou accueillants… Puis, des sons bien distincts, organisés, un langage… Suivirent des dessins, gravures de symboles, et l’écriture… On transmit ces perceptions à distance : lettres, sons, images, textes… Les moyens de communiquer se multiplièrent incroyablement, l’énergie et le temps que nous y consacrons augmentèrent en con- séquence. Mais communiquons-nous mieux aujour- d’hui ou simplement davantage ? Nous croulons sous une montagne de publicités, tracts, emails, SMS, journaux et publications diverses. Facebook et autres réseaux sociaux ; le téléphone, la télévision et la radio nous accompagnent au quotidien. Nous pouvons communiquer instantanément avec l’autre bout du monde, utiliser des satellites, traduire dans toutes les langues, accéder à des sources infinies de connaissances en un clic, et même les sauvegarder pour y revenir plus tard. Malgré cela, l’Homme s’est-il rapproché de ses semblables ? Nous comprenons-nous mieux avec nos voi- sins ? La communication s’étoffe, se complexifie, s’artifi- cialise, multiplie les intermédiaires, et nous manquons d’armes « intellectuelles » pour appréhender les raz-de- marée informationnels qui nous inondent. L’idée de La Marmotte, à sa naissance, fut de créer un îlot sur l’océan des communications, pour notre petit mais grandiose territoire. Nous aimerions relier les gens qui s’attachent à le faire vivre et, surtout, synthétiser les infor- mations importantes qui le concernent, pour mieux le comprendre et mieux le préserver. C’est pourquoi cette gazette est ouverte aux textes et images que chaque lec- teur voudrait y apporter. Depuis le début de l’aventure, vos contributions et réactions ont été nombreuses, nous vous en remercions ! Alors que tant de « médias » et de « moyens de communication » divisent plus qu’ils ne re- lient, nous désinforment et nous laissent dans l’impuis- sance face à ce qui nous dérange, nous voudrions, en toute humilité, loin des sphères de pouvoir et d’influence, poursuivre ces échanges pour construire l’avenir de nos villages, et, chacun-e-s à sa manière, continuer à faire vivre et à créer l’histoire et la culture de nos montagnes. 1 an déjà! Diana

UN JOURNAL POUR LA ROYA La marmotte La marmotte … · 2017-12-04 · cialise, multiplie les intermédiaires, et nous manquons d’armes « intellectuelles » pour appréhender les

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Page 1: UN JOURNAL POUR LA ROYA La marmotte La marmotte … · 2017-12-04 · cialise, multiplie les intermédiaires, et nous manquons d’armes « intellectuelles » pour appréhender les

DANS CE NUMÉRO :

DOSSIER : COMMUNIQUE ACTION

Parole de Marmotte nº12. Des voies sans voix / Prêtons l’oreille … 2

Je te comprends, moi non plus… 3

Enlève ton filtre, je te donnerai mon code !/ Tais-toi et capte ! /L’art

de ne pas tout dire … 3

Accouche ou j'accouche pour toi ! /A la recherche d’un sens com-

mun / Bonjour la confusion! … 4

Une histoire de moyens … 4

Droit d'expression populaire … 5

Liberté de presse ou liberté express … 6

Liberté de la presse dans le monde / Le monde de la presse … 6

Anonymat des sources / Un monde de Fakes… 7

Les plantes communiquent-elles ? … 8

OREILLES TENDUES :

Entretien avec trois "aventuriers" … 9

Interview: Dix-neuf tonnes! C'en est trop ! ... 12

19 tonnes : La Marmotte complète le tableau … 13

PAROLE AUX USAGES DU TRAIN ... 13

JOURNAL DE N'IMPORTE QUI : Le festin des enfants perdus … 14

COURRIERS DES LECTEURS … 15

A MEDITER : communiqu’action : qu’en pensez-vous ? … 15

ACTUALITÉS :

11 vaccins obligatoires pour les nourrissons ! ...15

Météo judiciaire niçoise / Arrêté 19 tonnes: transporteurs routiers

ripostent / Le conseil départemental embraye / catastrophe évitée

sur la route … 16

EVENEMENTS EN ROYA-BEVERA… 16

Publication autogérée par des habitants de la vallée de la Roya - www.la-marmotte-deroutee.fr - [email protected] - 07 68 05 65 34

La marmotte La marmotte déroutéedéroutée

Décembre 2017 - nº12 - Prix libre

UN JOURNAL POUR LA ROYA

Communication

Comme Unique Action ?

Communique Action ? Avec ce douzième numéro, La Marmotte fête sa pre-mière année d’existence. Un cap qu’elle passe avec joie, dans un concert de gazouillis et de sifflements énergiques, tout en s’interrogeant sur sa mission. Échanger, informer, communiquer, qu’est-ce que cela signifie au juste ?

Tout commença avec des grognements, soupirs ou éclats de voix, des gestes vifs ou lents, des odeurs, des regards hostiles ou accueillants… Puis, des sons bien distincts, organisés, un langage… Suivirent des dessins, gravures de symboles, et l’écriture… On transmit ces perceptions à distance : lettres, sons, images, textes… Les moyens de communiquer se multiplièrent incroyablement, l’énergie et le temps que nous y consacrons augmentèrent en con-séquence. Mais communiquons-nous mieux aujour-d’hui ou simplement davantage ?

Nous croulons sous une montagne de publicités, tracts, emails, SMS, journaux et publications diverses. Facebook et autres réseaux sociaux ; le téléphone, la télévision et la radio nous accompagnent au quotidien. Nous pouvons communiquer instantanément avec l’autre bout du monde, utiliser des satellites, traduire dans toutes les langues, accéder à des sources infinies de connaissances en un clic, et même les sauvegarder pour y revenir plus tard. Malgré cela, l’Homme s’est-il rapproché de ses semblables ? Nous comprenons-nous mieux avec nos voi-sins ? La communication s’étoffe, se complexifie, s’artifi-cialise, multiplie les intermédiaires, et nous manquons d’armes « intellectuelles » pour appréhender les raz-de-marée informationnels qui nous inondent.

L’idée de La Marmotte, à sa naissance, fut de créer un îlot sur l’océan des communications, pour notre petit mais grandiose territoire. Nous aimerions relier les gens qui s’attachent à le faire vivre et, surtout, synthétiser les infor-mations importantes qui le concernent, pour mieux le comprendre et mieux le préserver. C’est pourquoi cette gazette est ouverte aux textes et images que chaque lec-teur voudrait y apporter. Depuis le début de l’aventure, vos contributions et réactions ont été nombreuses, nous vous en remercions ! Alors que tant de « médias » et de « moyens de communication » divisent plus qu’ils ne re-lient, nous désinforment et nous laissent dans l’impuis-sance face à ce qui nous dérange, nous voudrions, en toute humilité, loin des sphères de pouvoir et d’influence, poursuivre ces échanges pour construire l’avenir de nos villages, et, chacun-e-s à sa manière, continuer à faire vivre et à créer l’histoire et la culture de nos montagnes.

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Page 2: UN JOURNAL POUR LA ROYA La marmotte La marmotte … · 2017-12-04 · cialise, multiplie les intermédiaires, et nous manquons d’armes « intellectuelles » pour appréhender les

A la sortie du tunnel, sur les indications du Loup, je

poursuis vers un escalier qui mène à une porte. Pour conju-

rer la peur qui commence à m’escalader les pattes, j’essaie

de réfléchir. La petite route du train que je viens de quitter

est pour les Humains « une voie de communication ». La

grande route, avec ses bêtes-boîtes, ses « moyens de trans-

port » comme ils disent, en est une aussi. Les Humains, sem-

blerait-il, sont tourmentés par l’idée de relier les choses, les

lieux et eux-mêmes. Communiquer, pour eux, c’est censé

être ça, relier, établir une relation. Normal, diriez-vous, la

solitude n’a rien d’agréable. Mais une sente à peine dessi-

née par nos petits pas légers suffit, à nous, Marmottes, pour

rejoindre le terrier voisin. Eux, on dirait qu’ils souffrent

d’une manie des traces, qu’ils ne peuvent pas s’empêcher

de marquer de toutes leurs forces les lieux où ils transpor-

tent des choses plus ou moins absurdes en grande quantité

et où ils se font transporter eux-mêmes dans leurs bêtes-

boîtes.

Et, non contents de couvrir les montagnes de leurs

« voies de communication », ils en ont aussi truffé les airs !

Vous m’avez bien compris, leurs « voies » traversent l’air de

toutes parts, je l’ai appris avec les compagnons du RAR (cf.

Parole de Marmotte nº8 et nº9) ! Certaines de ces « voies »

leur permettent d’y faire voler de très grosses boîtes sem-

blables aux camions et aux trains, mais avec des ailes.

D’autres, invisibles à l’œil nu, relient entre elles des boîtes

plus ou moins petites que les

Humains ont mis au point pour

qu’elles les aident à se parler,

avec, au bout de chaque boîte,

un Humain tentant désespéré-

ment de se relier. Vous en

voyez la conséquence ? L’air est

tout plein de leurs mots ! J’en

inspire une bouffée et m’aper-

çois, vertige à l’appui, que la

peur, cette sale petite bête que

j’ai laissée sans surveillance,

s’est frayée un chemin entre mes côtes. La peur, encore.

Mais peur de quoi ? Le Loup m’a pourtant rassurée : « risque

proche de zéro, à condition de rester sur tes gardes ».

Sur fond de matin gris, acéré comme une griffe, la première

neige brûle les sommets au loin. Cela fait douze lunes que la

montagne du Col de Tende a tremblé, me faisant prendre la

route (cf. Parole de Marmotte nº1), puis renoncer au sommeil

de l’hiver (cf. Parole de Marmotte nº3). Douze lunes après,

j’ai l’impression de n’y comprendre rien. Le monde humain

est extrêmement complexe. Je vous ai dit que les Humains

paraissaient au premier abord être mus par une envie de

tout relier, à commencer par eux-mêmes. Mais en même

temps, à bien y regarder, rien, strictement rien chez eux ne

semble être fixe, définitivement partagé : comportements,

concepts, raisons… Leurs vies s’attirent parfois, ou se re-

poussent. Le plus souvent, elles coexistent en tas compacts

et séparés, comme chaque couche du sol, superposée aux

autres, est peuplée d’organismes bien à elle, qui ne suppor-

tent pas qu’on les change d’endroit. Jusqu’à ce qu’un san-

glier furieux en quête de racines n’y donne un gros coup de

sabot, mettant tous leurs petits mondes à l’envers ? Alors,

leurs « voies » et leurs « moyens de communication » ne ser-

vent pas vraiment à établir une relation, ils se contentent de

faire changer d’endroit les choses, eux-mêmes et leurs voix.

Le Chat savant m’a bien appris à me méfier des mots (cf.

Parole de Marmotte nº10) ! A force de se prendre de passion

pour ces boîtes qui leur servent

d’intermédiaires, ils ont fini par

confondre « lien » et

« déplacement ».

La porte. Je marque une pause, la

petite boule de peur s’emballe

entre mes côtes. Je siffle cinq fois,

comme me l’a dit le Loup. La porte

s’ouvre. Je lâche mon message, le

cœur en boule, sans introduction :

« La route s’effondre ».

Page 2 La Marmotte déroutée

Prêtons l’oreille et la joue amis fouisseurs…

Nous avons vu précédemment comment la marmotte avertissait sa

communauté en cas de menace par des sifflements (cf. Marmotte

nº9, p. 2), qui servent aussi à surprendre l’ennemi. Un cri bref et

strident signale l’aigle, et tout le monde plonge au fond du

terrier, alors qu’un appel différent, pour un quadrupède ou

bipède, incite à vérifier la cause de l'alerte, avant, si nécessaire,

de se cacher. Mais des cris peuvent aussi retentir sans danger,

simplement pour communiquer avec d’autres membres de la

famille ou de la colonie. Ils peuvent être liés à certains états

d'excitation, aux jeux, aux complexes relations sociales au sein du

groupe, ou dépourvus de toute tension, pour les contacts sociaux

lors des phases de repos. On a pu dénombrer plus de 900

sifflements différents émis par le même animal en une demi-

heure !

Ces sons sont accompagnés d’autres sons allant du couinement

au grognement, en passant par une sorte de murmure

ronronnant. Le nom de notre amie viendrait d’ailleurs du verbe

« marmotter » : parler confusément entre ses dents. Quant au petit

marmotton perdu, il poussera de petits cris rapprochés et

répétitifs pour appeler à l’aide.

Par ailleurs, nos rongeuses se reconnaissent au sein de leurs

familles à l’odeur, grâce à des glandes secrétant un liquide

odorant (glandes jugales au niveau de la commissure des lèvres,

et, en moindre mesure, glandes génitales et anales). Un rite

fréquent, consistant à renifler son voisin ou sa voisine au niveau

des joues, contribue à entretenir l’unité de la communauté et à

délimiter l’espace de vie qui regroupe plusieurs familles voisines

formant une colonie.

Au sein des couples, les marmottes aiment pratiquer divers jeux,

poursuites, reniflages des joues et de la région génitale, ainsi que

de faux combats debout.

SOURCES : Marmotte, Encyclopédie Larousse en ligne ;

Jacques DROUIN, La marmotte, Ed. Séquoïa, 2011

DOSSIER >>> COMMUNIQUE ACTION Parole de Marmotte nº12Parole de Marmotte nº12Parole de Marmotte nº12 Déroutée par sa crainte des bouleversements irréversibles que lui annoncent les travaux au col de Tende,

la « petite reine des tunnels », une marmotte des alpages de la Haute Roya, quitte son terrier et part dé-

couvrir le vaste monde à la recherche d’une solution. « Parole de Marmotte » est son journal de bord.

Elle y retrace sa quête et ses apprentissages du monde des Humains. Pour retrouver les précédents épi-

sodes, lisez les pages 2 des anciens numéros.

Des voies sans voix

La petite reine des tunnels

Page 3: UN JOURNAL POUR LA ROYA La marmotte La marmotte … · 2017-12-04 · cialise, multiplie les intermédiaires, et nous manquons d’armes « intellectuelles » pour appréhender les

Décembre 2017, nº12 Page 3

Je te comprends, moi non plus « Tout ce qu’on ne voit pas, qui est immense… ». Cette phrase résume bien ce que peuvent

dissimuler nos communications, en apparence explicites. Il semble que nos échanges tiennent

bien plus de la théorie du chaos – c’est-à-dire qu’ils sont d’une totale imprévisibilité – que d’un art

maîtrisé. Mais si c’était justement sur notre incapacité à les maîtriser que reposait leur richesse?

Enlève ton filtre et je te donnerai mon code ! Tous les cours sur la communication, ou presque, commencent par ce schéma :

Le message, une fois émis (pour peu qu’il y ait derrière une

intention et qu’il soit exprimé clairement), traverse un grand

nombre de filtres déformants : situation concrète, pensées

« toxiques » de celui qui le reçoit, manque de concentration

ou d’intérêt, puis tout ce qui influence l’interprétation : (mé)

connaissance mutuelle, langage commun ou expériences

(langagières ou autres) déjà partagées, environnement so-

cial, culture, etc. Même les signes non verbaux, tels les si-

lences, peuvent, selon le contexte, être interprétés très diffé-

remment [1]. En bref, il y a mille et une raisons de ne pas se

comprendre, comme, à l’inverse, de se comprendre à demi-

mot quand on partage un champ d’expérience commun, un

même code, une même intention ou une même « fréquence »

émotionnelle.

Le code, qui enrobe le message, peut être fait de mots,

d’images, de sons... Si on en reste aux mots (communication

écrite ou parlée), il nous renvoie aux normes de langage par-

tagées au sein d’un groupe. Cela va des règles les plus com-

munément admises (et enseignées) d’une langue, jusqu’aux

jargons des spécialistes, en passant par toutes les variantes

du langage propres aux milieux sociaux, géographiques ou

professionnels différents. Et, comme si ce n’était pas déjà

assez compliqué, on y ajoute tout ce qui relève

du langage non-verbal (posture, gestes, mi-

miques, comportement spatial, regard, etc.) et

para-verbal (ton, intensité de la voix, débit),

et, là encore, entrent en jeu les filtres des

normes et des habitudes partagées ou pas se-

lon la culture, le milieu, les affinités... En résu-

mé, nos messages sont cryptés et il faut dispo-

ser de toute une flopée de clés et de déco-

deurs pour pouvoir en déchiffrer le sens.

Tais-toi et capte ! Les mêmes cours de communication qui insis-

tent sur notre inaptitude à nous comprendre,

décrivent souvent la communication elle-

même comme un trajet en ligne droite où un

message bien défini va de sa source à sa desti-

nation via des canaux (ou médiateurs : voix,

écrit, technologie, etc.) et peut, nous l’avons

vu, être déformé à chaque stade. Alors, l’enjeu

devient la maîtrise : de l’énoncé, du code utili-

sé et adapté à la cible, des canaux, des bruits

parasites, de la

compréhension

(par un « feed-

back »), etc. On

retrouve cet enjeu

derrière la commu-

nication didactique : mon but est de faire de la sorte que mon

message soit compris et assimilé tel quel par le récepteur.

Mais vue ainsi, la communication devient dirigée, autoritaire.

Quelle est alors sa différence avec la propagande ? Le jour-

nalisme de base tel qu’il est enseigné est supposé faire un

traitement objectif de l’information (faits, analyse et opi-

nions). Pour tout sujet polémique, il doit donner le même es-

pace aux points de vue en conflit. Soit. Mais qui décide du

sujet à traiter, de ce qui sera dit ou montré pour l’illustrer, du

nombre et de la nature d’éclairages potentiellement antago-

nistes ? Ce sont des choix, orientés par des facteurs subjec-

tifs, l’intérêt ou l’opinion du journaliste, une ligne éditoriale

définie par sa hiérarchie, etc. L’objectivité est une façade,

elle n’est pas plus qu’une norme formelle. Avec toutes les

meilleures intentions du monde, la Marmotte s’est cassé plus

d’une moustache sur ce constat : l’information objective

n’existe pas…

L’art de ne pas tout dire

L’humain est un drôle d’animal. Avoir du

mal à comprendre l’Autre ne lui suffit

pas, il aime se compliquer la vie à le

tester, le titiller sur la base de codes, de

filtres et de fréquences plus ou moins

communs, lui faire comprendre des

choses sans les dire et le laisser

imaginer : parler à mots couverts, user

de métaphores, d’ellipses, de jeux de

mots, de doubles sens, d’allusions ;

rester dans l’implicite, dans le tacite,

ouvert aux quiproquos, informulé pour

être deviné - au risque de rester insu ;

apprendre à lire entre les lignes, fouiner

l’arrière-pensée, interpréter, traduire,

transformer, se prendre au jeu, s’y

perdre ?

DOSSIER >>> COMMUNIQUE ACTION

Page 4: UN JOURNAL POUR LA ROYA La marmotte La marmotte … · 2017-12-04 · cialise, multiplie les intermédiaires, et nous manquons d’armes « intellectuelles » pour appréhender les

Décembre 2017, nº12

Alors, y aurait-il d’autres façons de com-

muniquer ? D’autres intentions, avant de

s’y lancer, que celle d’influencer la pen-

sée de l’Autre en imprimant notre opinion

dans son cerveau à l’aide de techniques

déterminées ? Certains médias, si on en

reste à la presse, choisissent des mé-

thodes non directives : ils ne « traitent pas

un sujet » disant à leurs lecteurs ce qu’ils doivent penser ou

comprendre ; ils racontent des histoires, les entrecroisent

et les laissent parler, nous inspirant des ressentis, nous invi-

tant à nous interroger et à chercher des réponses (en) nous-

mêmes. En gros, ils pratiquent une forme écrite ou visuelle

de la maïeutique, l’art de Socrate de « faire accoucher » l’es-

prit de son interlocuteur en lui posant des questions. Le

choix de la question, même si elle reste seulement

suggérée, saurait-il être réellement

neutre ? Certainement pas.

Là encore, tout un

ensemble de filtres propre à la personne qui la choisit et

qui la pose, imprime sa subjectivité : l’histoire a toujours un

narrateur. Mais la réponse, elle, ne peut être complètement

anticipée. Une heureuse dose de surprise demeure.

A la recherche d’un sens commun

Le verbe « communiquer » vient du latin communicare,

‘partager’ et communis, ‘commun’. En gros, si on s’en tient à

l’étymologie, ce serait, plus que transmettre, mettre

quelque chose en commun. Alors, en nous intéressant par

trop à la clarté du message et la pertinence du choix des

canaux, ne passe-t-on pas à côté de l’essentiel ? Voilà ce

qu’en dit l’anthropologie de la communication, qui cherche

à comprendre les pratiques de communication en situation : « La communication a affaire avec elle-même, avec les rela-

tions qu'elle établit et le jeu qu'elle institue, avant de concer-

ner quelque information que ce soit. Communiquer [c’est]

éprouver ensemble quelque chose, une émo-

tion, l'engagement dans des situations, une

participation à la communauté humaine, loin

de tout message proprement symbolique.

Page 4

Bonjour la confusion ! Confusionnisme :

A − Tendance à entretenir la confusion et à

empêcher l'analyse ; résultat de cette

attitude ;

B − PSYCHOL. Caractéristique primitive de la

pensée syncrétique enfantine, où tout s'entremêle, se

succède, alterne, fusionne ou se juxtapose en l'absence

de relations définies (Lafon, 1969).

La langue littéraire aime juxtaposer des mots qu’on n’a pas

l’habitude de voir côte à côte, pour donner de l’épaisseur,

surprendre le lecteur, créer des associations d’idées

originales. Mais les figures de style ne sont pas utilisées dans le

seul but esthétique. Les professionnels de la communication,

rompus à la manipulation de l’opinion (c’est leur métier !),

qu’ils soient publicitaires, rédacteurs de discours

politiques ou concepteurs de slogans pour des

institutions publiques, y recourent aussi abondamment.

Les oxymores, qui réunissent deux notions incompatibles,

sont par exemple très utilisés en politique : croissance

négative, flexi-sécurité, TVA sociale, discrimination positive,

croissance verte, extrême centre, etc.

Élargissons le spectre : ne nous arrive-t-il pas d’entendre, au

sein d’un même discours, non plus seulement des termes,

mais aussi des analyses, des propositions, des opinions

contradictoires ? Quel effet cela produit-il sur nous, pour

peu que le discours soit bien articulé ? Ne nous disons-nous

pas : « s’il y a des choses sensées dans ce qui est dit, alors ce

qui me semble, à côté, faux ou inacceptable ne l’est peut-être

pas tant que ça » ? Alors, il devient possible, pour qui manie

cet art avec aisance, de diffuser ou de « dédiaboliser » des

éléments d’une idéologie ou des pratiques jugés inacceptables

par la majorité (comme par exemple le racisme) en les

« mariant » à d’autres, plus communément admis ou portés par

un groupe social qu’on cherche à séduire ou à décrédibiliser

(par exemple, l’attachement à un endroit, ou sa défense contre

des projets destructeurs). S’agit-il forcément d’une

manipulation intentionnelle ? Ou simplement d’une pensée

syncrétique qui intègre la contradiction ? Pour la plupart des

personnes qui sont passées par le système d’enseignement

occidental, féru d’idées et de concepts qu’il nous apprend à

agencer de façon logique, ce procédé produit un fort effet

désorientant. Il brouille les repères, empêche de formuler une

pensée claire. Comme le fait remarquer Bertrand Méheust,

auteur d’un essai sur les oxymores, « utilisés à

doses massives, ils rendent fou » (La politique

de l’oxymore, 2009).

(Centre national de ressources textuelles et lexicales)

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Accouche ou j’accouche pour toi !

Page 5: UN JOURNAL POUR LA ROYA La marmotte La marmotte … · 2017-12-04 · cialise, multiplie les intermédiaires, et nous manquons d’armes « intellectuelles » pour appréhender les

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2].

Une manifestante arrêtée à Toulouse est violentée en

garde-à-vue. Elle refuse de donner son ADN. Cela lui

vaut 4 mois ferme. Sous la pression constante, elle finit

par se rebeller… incident… un an de plus... Elle sort 8

ans plus tard… pour avoir, initialement, manifesté sur

la voie publique. Les délits de « trouble à l'ordre pu-

blic », « rébellion » ou « incitation à la rébellion »,

« outrage » ou « bande organisée », très vagues, per-

mettent trop facilement l’arbitraire. Attention danger !

La manifestation est pourtant un droit reconnu en France et son non-

respect, puni par la loi ! Voilà ce qu’on lit dans le Code pénal (article 431-

1): « le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de menaces, l’exercice de

la liberté d’expression, du travail, d’association, de réunion ou de manifestation est

puni d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende. Le fait d’entraver,

d’une manière concertée et à l’aide de coups, violences, voies de fait, destructions ou

dégradations au sens du présent code, l’exercice d’une des libertés visées à l’alinéa

précédent est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende ».

Les manifestations sur la voie publique (cortèges, défilés et rassemblements) sont

soumises à l’obligation d’une déclaration préalable, à faire 3 à 15 jours avant [1].

Une manifestation peut, certes, être interdite si « l’autorité investie des pouvoirs de

police » l’estime « de nature à troubler l’ordre public » (décret-loi de 1935), mais

pour prendre un arrêté d’interdiction, deux conditions doivent être réunies : un

réel danger de troubles graves et l’inexistence d’un autre moyen efficace pour

maintenir l’ordre public.

Dans les faits, aujourd’hui, ce droit est mis à mal. En Europe, Moyen-Orient, Amé-

rique, la liberté de manifester est menacée par les lois antiterroristes et diverses

formes d’état d’urgence. En France, la loi du 21 juillet 2016 adoptée après les at-

tentats de Nice permet d’interdire encore plus facilement les manifestations dans le

cadre de l’état d’urgence. La surenchère sécuritaire suite aux attentats de 2017 au-

ra permis à la Loi de sécurité antiterroriste, qui inscrit la quasi-totalité des me-

sures de l'état d'urgence dans le droit commun [2], d’entrer en vigueur le 1Ier no-

vembre dernier dans un silence et une indifférence inquiétants.

La liberté de manifester n’a pas fait l’objet d’autant d’études et de débats que

d’autres libertés (comme la liberté d’expression). Pourtant, l’actualité démontre

l’intérêt d’y porter une attention particulière, de même qu’à l’évolution du droit

censé l’encadrer. A bon entendeur !

NOTES : [1] Déclaration à la préfecture de police (ou la mairie dans les communes où la police

n’est pas étatisée). [2] Dès le 1er novembre, l’état d’urgence perd son régime d’excep-

tion et les possibilités sécuritaires frontalières sont élargies à l’ensemble du territoire.

SOURCES : http://www.legifrance.gouv.fr; https://www.amnesty.fr/liberte-d-

expression/actualites/droit-de-manifester-en-france;

https://fr.wikipedia.org/wiki/Manifestation;

http://www.lemonde.fr/societe/article/2017/05/31/en-france-les-

interdictions-de-manifester-se-multiplient_5136295_3224.html;

http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/06/19/interdiction-

de-manifester-que-dit-la-loi_4953602_4355770.html

DOSSIER >>> COMMUNIQUE ACTION

Norbert Lecolvert

[…] De manière générale, on peut dire

que si nous transmettons quelque chose

de précis aux autres, il est difficile de

savoir quoi. De plus, si nous le pouvons,

c'est sur un fond de participation à une

production de sens incessante et collec-

tive que nous ne contrôlons pas » [2].

Tant qu’il n’existe pas de traducteur

d’esprit à esprit (Google©, tu n’as rien

entendu!) prenant en compte cette

multitude de critères extrêmement

fins, tenter de se comprendre restera

une tâche ardue. Ardue mais ô com-

bien nourrissante et riche de décou-

vertes ! Alors, n’ayons pas peur d’être

dur d’oreille ou incompris, soyons cu-

rieux, ouvrons la porte aux imprévus ?

Osons laisser nos décalages s’entre-

mêler au point qu’ils puissent nous

dépasser !

Andrea et Andrea

NOTES :

[1] Dans les cultures occidentales, le silence

serait réduit au minimum car considéré comme

une menace pour la conversation. Dans les

cultures orientales, les pauses seraient signe de

réflexion et le silence, indicateur de confiance

entre interlocuteurs (Bonaiuto, M., Maricchiolo

F., La comunicazione non verbale, Carocci,

Rome, 2007).

[2] Yves Jeanneret,

« Communication, transmission,

un couple orageux »,

Sciences Humaines,

01/03/2002.

Page 6: UN JOURNAL POUR LA ROYA La marmotte La marmotte … · 2017-12-04 · cialise, multiplie les intermédiaires, et nous manquons d’armes « intellectuelles » pour appréhender les

L’indépendance des médias

Depuis l’inscription de la liberté de la presse parmi les prin-

cipes fondamentaux de la Déclaration française des droits de

l’homme et du citoyen de 1789, l’Histoire est jalonnée de sou-

bresauts tantôt préservant « la libre communication des pen-

sées et des opinions [comme] […] un des droits les plus pré-

cieux de l'Homme », tantôt mettant à mal cette liberté au tra-

vers de divers moyens : normes légales coercitives, exi-

gences financières ou fiscalité, censure, mais aussi criminali-

sation, répression et usage de la force ou de la violence phy-

sique (cf. encadré ci-contre). Entre contraintes financières et

velléités de maîtrise des informations les concernant par les

pouvoirs étatiques ou privés, souvent, la liberté de la presse

doit se faire petite pour ne pas faire de l'ombre aux puissants

de ce monde.

Si les régimes autoritaires ne se gênent pas pour censurer

toute forme de libre expression (Internet, presse écrite, etc.),

les démocraties de marché ont dû intégrer d’autres con-

traintes paradoxales : continuer à faire de l’argent en ven-

dant de l’information tout en préservant certains critères de

« libre expression » fondamentaux de la démocratie.

Page 6 Décembre 2017, nº12

La liberté de la presse n’a jamais été totale. À y voir de plus près, elle est définie et encadrée par des

principes qui peuvent s’opposer. Le monde de la presse est loin d’être homogène : que rapproche le

Canard Enchaîné de Clooser, si ce n’est l’usage d’un support papier ? Le premier est sans publicité

et travaille à révéler des affaires politico-financières en usant d’un ton satirique, l’autre, largement

financé par la pub, s’emploie à dévoiler le quotidien des célébrités. Cette différence est à l’image de

notre époque et d’une certaine idée de la presse, qui n’est pas l’idée que la Marmotte s’en fait.

Trop d’info ?

Pour ne rien arranger, les difficultés pour vraiment décrypter

l’information sont immenses. La quantité de données qu’ont à

gérer les journalistes fait qu’il faut une sacrée coordination

pour extraire les faits notables dans l’océan des événements

plus ou moins importants. Ainsi, c’est en étant organisés au

sein d’un solide Consortium international pour le journalisme

d'investigation que des journalistes ont pu nous révéler l’af-

faire dite de Paradise Papers : plus de 13,5 millions de

documents prouvant que des centaines de milliardaires,

dirigeants politiques et hauts fonctionnaires ont utilisé la

bienveillance fiscale de certains pays pour ne pas avoir à

payer d’impôts, détournant ainsi des milliards de dollars

au préjudice des citoyens.

Médiacratie : le business des médias et la démocratie

Notons qu’il existe une grande diversi-

té médiatique, avec, malgré cela, cer-

taines caractéristiques partagées : la

plupart des journalistes sont des pro-

fessionnels ; la plupart des médias sont

des entreprises appartenant à de grands groupes privés

aux mains des riches hommes et femmes d’affaires de

notre époque (cf. encadré ci-contre) ; ils se font majoritai-

Le Monde de la presse, un monde de riches Regardez la cartographie du monde des médias, du journal « Le

Plan B », complétée plus tard par l’association Action Critique Mé-

dia [3] en partenariat avec le journal « Le Monde Diplomatique » à

l’occasion de la sortie du film documentaire « Les nouveaux chiens

de garde » en 2012. Elle nous apprend que la très grande majorité

des médias (TV, Internet, presse papier, etc.) appartient à une poi-

gnée d’individus dont les premières fortunes du pays. Pour

exemples : le groupe « le Figaro » appartient au vendeur d’armes

Dassault, le Monde, en partie à Xavier Niel (Free), TF1 et sa galaxie

aux couleurs de béton Martin Bouygues, ou encore Libération, l’Ex-

press, les Echos et BMF à Patrick Drahi (SFR), respectivement 5ème,

11ème, 30ème et 9ème fortunes françaises.

SOURCE : Le Plan B/Acrimed (Action Critique

Média/Le Monde Diplomatique).

La liberté de la presse dans le monde

Selon le classement 2017 de l’ONG Reporter Sans Frontière

(RSF), la France, 51ème puissance économique mondiale, se

situe en 39ème position, loin derrière la Namibie, la Jamaïque, le

Cap Vert mais devant les États-Unis et le Royaume-Uni qui sont

encore pires. Les critères permettant d’attribuer une note sont

les suivants : le pluralisme, l’indépendance des médias, l’envi-

ronnement et l’autocensure, le cadre légal, la transparence et

la qualité des infrastructures soutenant la production de l’infor-

mation. SOURCE : www.rsf.org

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DOSSIER >>> COMMUNIQUE ACTION

Page 7: UN JOURNAL POUR LA ROYA La marmotte La marmotte … · 2017-12-04 · cialise, multiplie les intermédiaires, et nous manquons d’armes « intellectuelles » pour appréhender les

Contrôler la presse : du silence de la censure au brouhaha des Fake news

En parallèle, les connivences favorisant l’émer-

g e n c e d ’ u n m i c r o c o s m e é l i t i s t e

« médiatocratique », qu’il est facile de critiquer,

ont rendu possible très dernièrement la prolifé-

ration d’organes autoproclamés de « presse de

contre information » aux tendances proches des

idéologies fascistes, dont les dégâts ne sont pas

encore tout à fait mesurables. Elles ont proba-

blement aussi rendu possible l’élection du dieu

des « Fake news » et des « Aternatives facts » (cf.

l’encadré ci-dessous), Donald Trump, 45ème pré-

sident de la première puissance économique et

militaire mondiale.

Ce pseudo pluralisme mé-

diatique n’entretient-il pas

une certaine confusion -

contraire à l’objectif

d’informer et d’apporter

une aide à la compréhen-

sion des événements -

arrangeant dans une cer-

taine mesure les diri-

geants ?

La Marmotte déroutée Page 7

rement l’écho des événements des puissants passant sous

silence certaines problématiques, notamment sociales

[1]. En réponse à ces limites quasi « consanguines », les

décennies 1980 -90 -2000 ont vu apparaître brièvement

un ensemble de médias critiques, à l’instar du journal

papier « Le Plan B » [2], des associations de vigilance [3]

ou d’autocritique comme le site Internet « Arrêt sur

image » ou les « Décodeurs » du Monde.fr.

En créant des écoles de journalisme, en instituant la sacro

-sainte objectivité (pourtant illusoire) de la presse, en

professionnalisant le métier, on a créé peu à peu des ins-

truments de contrôle. Cela amène des limites structu-

relles à l’indépendance et au pluralisme de la presse :

concentration des médias dans les mains des grands

groupes militaro-industriels, cadre juridique contraignant

bâillonnant les lanceurs d’alerte (cf. l’encadré ci-contre),

dépendances financières au travers de la publicité privée

ou publique, donc autocensure, etc. C’est le cercle vi-

cieux dans lequel nous sommes actuellement.

Anonymat des sources et pro-

tection des lanceurs d’alerte

Depuis la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de

la presse, « il ne peut être porté atteinte direc-

tement ou indirectement au secret des sources

que si un impératif prépondérant d'intérêt pu-

blic le justifie ». Le cadre est suffisamment large

pour qu’on puisse imaginer les failles d’une telle définition. On a

vu des lanceurs d’alerte faire des révélations importantes

(scandales financiers, espionnage massif des données privées par

les États, etc.) mais devoir fuir leur pays comme des criminels de

guerre (Edward Snowden face à la NSA…), et des journalistes pro-

fessionnels n’ayant pas d’autre solution que de consacrer tout leur

temps et leur argent à devoir se défendre en justice face à la dé-

mence procédurale des entreprises ou des États, jusqu’à la dé-

pression (affaire Clearstream et Denis Robert).

DOSSIER >>> COMMUNIQUE ACTION

Un monde de Fakes Les « fakes » étaient, il y a encore quelque temps, ces montages Photoshop© qui superposaient

le visage – souvent d’une célébrité – sur un corps dans des positions olé olé. Aujourd’hui, à

l’époque des 280 caractères de Twitter© et des « likes » de Facebook©, l’information se fabrique

à coups de montages grossiers : les fakes news. Plus c’est gros, plus c’est faux, mieux

ça passe ! Du grotesque « on n’a jamais marché sur la lune ! » aux subtils « 1 million

selon les syndicats, 10 personnes selon la police », qui peut encore y retrouver son

latin ? Vous aimez explorer? Alors voilà un petit nuage de mots clefs. À vos cla-viers : faits alternatifs, fakes news, hoax, intox, post-vérité, réinformation.

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Page 8: UN JOURNAL POUR LA ROYA La marmotte La marmotte … · 2017-12-04 · cialise, multiplie les intermédiaires, et nous manquons d’armes « intellectuelles » pour appréhender les

Divertir, c’est éloigner du réel

[4]. Plus besoin de censurer

officiellement : sous couvert de

diversité de tons, ce sont sans

cesse les

mêmes infor-

mations que

l’on nous

ressasse à la limite de l’intoxi-

cation.

Puis, dans un autre registre, il

y a La Marmotte, qui, pour

toutes ces raisons et pour res-

ter proche de « nous », est un

journal subjectif, local, sans

publicité et totalement béné-

vole .

LES PLANTES COMMUNIQUENT-ELLES? Si nous vous parlons de langage des plantes, vous nous mettrez sûrement dans la case des illuminés, et vous

nous déconseillerez la cueillette hasardeuse de champignons sauvages pour éviter ce genre de délires. Et

pourtant, une attention minutieuse et les nouvelles techniques et technologies [1] permettent de mettre en

évidence divers moyens de communication chez les végétaux.

Page 8 Décembre 2017, nº12

En 1983 déjà, Jack Schultz, biologiste et

Ian Baldwin, chimiste, ont bouleversé

notre vision du monde végétal en dé-

montrant que les peupliers ont entre

eux une communication chimique : mes-

sages d'alerte et de défense, incitations

au mûrissement, stimuli sexuels, etc.

Et pour cause, avec plus de 700 sortes

de capteurs sensoriels leur permettant

de s'adapter aussi efficacement que dis-

crètement, et malgré l’absence de sys-

tème nerveux, les végétaux sont ca-

pables de repérer une me-

nace, s’en défendre, voire

parfois attaquer ou s’avertir

mutuellement du danger via

l’émission de composés orga-

niques volatiles. En Afrique

du Sud, les acacias se protè-

gent des girafes et koudous

en dégageant des tanins les

rendant très astringents et

donc indigestes. En même

temps, ils alertent leurs voi-

sins en dégageant de l’éthy-

lène. Le peuplier et l'érable

fonctionnent de la même ma-

nière. On observe une solida-

rité chez les pins qui s'entrai-

dent entre générations. Cette

entraide peut aussi lier plu-

sieurs espèces : un bouleau

se protège de ses prédateurs

grâce au rhododendron voi-

sin synthétisant des composés

répulsifs pour les larves de

papillons de nuit. Le tabac, la

tomate, le maïs, le chou et

l'acacia déclenchent des signaux hor-

monaux attirant certains insectes préda-

teurs pour assurer leur défense face aux

ravageurs.

Par ailleurs, les racines, reliées entre elles via les filaments du mycélium

des champignons [2], peuvent détecter

et suivre simultanément et en continu

plus de 15 produits chimiques et trans-

mettre ces informations aux autres

p lan te s auxque l les e l les s on t

« connectées ». Les tomates se prévien-

nent ainsi de l’existence d'un pathogène

avant contamination, afin que leur sys-

tème immunitaire s’y prépare.

Les végétaux communiquent aussi avec

les animaux, pour les attirer afin de se

polliniser et pour la diffusion des

graines. Parfums, hormones et couleurs

attrayantes, tous les moyens sont bons !

Mieux encore : lors des grosses sèche-

resses, certains sont capables d’émettre

des bruits, et de produire des gaz favo-

risant les précipitations [3]. Parlent-ils

même au ciel ?

Andromède Lelagopède

NOTES:

[1] Chromatographie, spectroscopie, génie génétique…

[2] Les filaments du mycélium sont re-liés et en symbiose (interdépendance),

au niveau des mycorhizes, avec les plantes. C’est aussi le mycélium qui

permet aux plantes de capter l’eau et les minéraux du sol, et donc de vivre.

Par analogie avec le World Wide Web (Internet), on parle de World Wild Web

(racines + mycélium).

[3] Par accumulation dans l’atmos-phère, en facilitant la condensation.

SOURCES :

http://tpe-communication.e-monsite.com/pages/la-communication-

vegetale.html; www.aujardin.info/fiches/communicati

on-entre-plantes.php; www.lemonde.fr/sciences/article/2016

/02/29/les-plantes-ces-grandes-communi-

cantes_4873936_1650684.html; http://planete.gaia.free.fr/vegetal/bota

nique/com.chimiquement.nthtml

DOSSIER >>> COMMUNIQUE ACTION

Jidé

NOTES:

[1] Fakir, le journal créé et dirigé par François Ruffin, se définit comme « un média

de reportages et d'enquêtes sociales ».

[2] La Plan B (2006-2010) était un journal « critique des médias et d’enquêtes so-

ciales », qui a popularisé la critique du « Parti de la

Presse et de l’Argent » (PPA) pour dénoncer les con-

nivences entre les mondes politique et médiatique.

Saviez-vous, par exemple, que la presse écrite est

subventionnée (6,5 millions d’euro d’aides publiques

en 2016 pour le Figaro) ?

[3] ACRIMED (Action Critique Média) « s’est consti-

tué, depuis sa création en 1996, comme une associa-

tion-carrefour. Elle réunit des journalistes et salariés

des médias, des chercheurs et universitaires, des

acteurs du mouvement social et des « usagers » des

médias. Elle cherche à mettre en commun savoirs

professionnels, savoirs théoriques et savoirs militants

au service d’une critique indépendante, radicale et

intransigeante. » (www.acrimed.org)

[4] Voir Blaise Pascal « Les Pensées » (1670)

Page 9: UN JOURNAL POUR LA ROYA La marmotte La marmotte … · 2017-12-04 · cialise, multiplie les intermédiaires, et nous manquons d’armes « intellectuelles » pour appréhender les

M : En Afrique francophone, on désigne souvent par

« aventurier » celui qui est parti ou est en route pour l’Eu-

rope. En France, depuis quelques années, le terme « mi-

grant » a remplacé celui d'« immigré », d'« exilé », voire

de « réfugié »... Comment utilisez-vous ces mots ? En fait,

comment dit-on « migrant » en arabe ?

Gandhi : Muhajir. Nous n'utilisons jamais ce mot pour nous

appeler entre nous. Nous l'utilisons quand il y en a le be-

soin, pour tenter de nous protéger lors des contrôles de

police, par exemple, ou pour essayer de faire reconnaître

nos droits en Europe. Entre nous, nous nous appelons par

nos prénoms !

Yasser : Quand on arrive

en France, par exemple à

La Chapelle ou à Calais,

nous avons d'autres mots

qui apparaissent : sa-

roukh (celui qui est arrivé

récemment, la « fusée »),

makana (celui qui connaît

le système, la « machine

»). Le makana est depuis

longtemps dans un pays

d'Europe ou y est devenu

makana en obtenant ses

papiers.

Gandhi : Fajjara (« qui a

explosé ») est une méta-

phore utilisée pour celui

qui est passé. Le fajjara a

« explosé », il a réussi quelque chose de fort pour lui-même

en réussissant à traverser une frontière à l'intérieur de l’Eu-

rope, le plus souvent celle de la Grande-Bretagne. Celui

qui arrive en bateau de la Libye à l'Italie n'est pas un fajjara,

on dit juste à son sujet « bonne arrivée ! ». Ce qui veut dire

qu'il est rescapé après une traversée difficile et qu'une nou-

velle vie s'ouvre à lui. Quand on rencontre quelqu'un qui

vient d'arriver on se doit de lui dire quelque chose pour

le soutenir.

Gandhi : Le mot ladji veut dire réfugié, celui qui a obtenu le

statut. Néanmoins, la confusion avec le mot muhajir est la

même qu'entre les mots migrants et réfugiés en français [1].

M : Dans la Roya, des gens se demandent encore pour-

quoi les réfugiés fuient l'Italie. Il faut dire que par ici les

habitants aiment bien passer par l'Italie, en général ils

trouvent même ça plutôt sympa comme pays. Pas vous ?

Bob : En Afrique, si vous avez l'idée d'aller en Europe, c'est

rare que vous pensez vouloir aller en Italie. On sait par

exemple que si vous obtenez des papiers pour vivre en Ita-

lie, ils vont vous virer des centres d’hébergement d'ur-

gence, qu'à peine vous obtenez des papiers, vous serez à la

rue.

Yasser : Et ça peut être surtout parce que c'est difficile

d'obtenir l’asile en Italie, en fait. Et la condition des deman-

deurs d'asile en Italie est très mauvaise alors que l'Italie re-

çoit beaucoup d'argent pour ça. Selon moi, les gens ne veu-

lent pas rester en Italie à cause de beaucoup de choses... Si

tu es en train de voyager jusqu’en Italie, la première chose

que tu te dis c'est que tu vas vouloir y rester, parce que la

peur de mourir en mer est grande. Mais ce n'est pas

quelque chose de réfléchi, à ce moment-là c'est le cœur qui

parle. En arrivant en Italie, le corps se soulage et on re-

prend ses esprits. Tu te rends bien compte que tu veux aller

dans le meilleur pays

pour toi en Europe,

c'est à dire celui où il

n'y a pas de racisme,

où tu peux travailler

et obtenir des pa-

piers. Tu cherches un

endroit où l'on ne te

fera pas sentir que tu

es étranger, où tu

puisses te sentir

comme tout le monde

en Europe. Mais je

sais bien qu'il n'existe

pas, le pays où il n'y a

pas de racisme.

C'est à cause du

racisme que j'ai

quitté mon pays.

Au Soudan, le racisme tu ne le rencontres pas forcément

dans la rue, comme lorsque quelqu'un peut te traiter de

« nègre », tu le retrouves dans les bureaux de l'administra-

tion ou quand tu fais ton service militaire obligatoire et que

tu réalises que les noirs sont en bas de l’échelle. Ce sont les

blancs, c'est à dire les arabes, qui sont gradés, qui ont le

pouvoir. Ce sont toujours les noirs que l'on envoie faire la

guerre. Quand tu fais la demande de papiers d'identité et

que tu es noir, on te demande de venir avec quatre

membres de ta famille pour prouver que tu es bien Souda-

nais. Les autorités nous soupçonnent en permanence sur

notre nationalité. Si tu es blanc (arabe), tu dois te rendre au

guichet accompagné de ton père uniquement. Nous, les

noirs, ne pouvons pas nous marier avec une blanche sauf si

tu es riche et que tu essayes longuement de convaincre sa

famille. Ce ne sont que quelques exemples du racisme au

Soudan. Au Soudan, ce sont les blancs qui font la loi. Ça fait

longtemps que les noirs sont des parias et se font massa-

crer, comme au Soudan du Sud pendant 22 ans et au Dar-

four depuis 2003.

Je n'accepte pas qu'un gouvernement me dise que je n'ai

pas le droit d'aller en Angleterre, en Italie, ou en Suisse...

C'est à moi de le décider, comme le font eux-mêmes les

La Marmotte déroutée Page 9

Entretien avec trois « aventuriers »

DOSSIER >>> COMMUNIQUE ACTION

OREILLES TENDUES

Quartier de La Chapelle, Paris 18ème. Trois jours après son arrivée dans la capitale, Bob arpente

lentement le bitume de la rue Pajol secondé de Yasser et Gandhi, amis depuis les bancs de la

fac d'Al-Nilain à Khartoum. Retrouvailles précieuses. Eux sont arrivés en Europe il y a déjà deux

ans. L'un a obtenu un titre de séjour de réfugié, l'autre est « débouté », poussé dans la clandesti-

nité. Notre correspondant est allé à leur rencontre pour leur poser quelques questions. Extraits.

Page 10: UN JOURNAL POUR LA ROYA La marmotte La marmotte … · 2017-12-04 · cialise, multiplie les intermédiaires, et nous manquons d’armes « intellectuelles » pour appréhender les

Page 10 La Marmotte déroutée

Européens grâce à leurs passeports. J'ai

quitté mon pays. J'ai connu la guerre au

Darfour et la prison. Je suis sorti de la ga-

lère en Libye et j'ai traversé même la mer

Méditerranée et alors là vraiment, je me

rends compte que les sociétés doivent réa-

liser que nous avons le droit et la force

d'aller où nous le voudrions. Moi je me

sens libre d'avancer.

Si les sociétés ne

comprennent pas ça,

cela voudrait dire que

la liberté se termine

là où la liberté des

autres commence.

Et ça c'est vrai. Je suis

arrivé en Italie, cela

veut-il dire que ma

liberté doit s'arrêter

en Italie ? Sinon, je

décide de m’arrêter

là, en Italie, mais

alors j’admets qu'il n'y

a pas de libertés en

Europe... Je suis un

Homme et je peux

choisir où je peux

aller. Ce n'est pas un

gouvernement qui

peut choisir pour

nous. Quand un Européen a 18 ans, dès qu'il cherche à quit-

ter sa famille, à vivre libre et indépendant, est-ce que quel-

qu’un l'en empêche ? C'est la même chose, nous voulons

avancer toujours plus loin. L'Homme pense toujours à aller

de l'avant pour obtenir le meilleur de lui-même, c'est sa

force... Mais sinon, c'est vrai qu'à part ça j'aime beaucoup

l’Italie, moi aussi. J'adore les Italiens !

Bob : A l'arrivée, on essaie de vous faire peur pour que

vous donniez vos empreintes. On vous fait comprendre

que vous serez frappé. Je leur ai demandé pourquoi ils vou-

laient nous prendre nos empreintes. Ils nous ont dit qu'ils

voulaient savoir si nous étions des criminels ou des gens

normaux. Ils nous ont prévenus qu'ils allaient nous arrêter si

nous ne donnions pas les empreintes. Ils nous ont surtout

dit : « Si vous donnez vos dix empreintes, il n'y aura pas de

problèmes, vous pourrez partir et voyager facilement. Si vous

ne voulez pas rester en Italie, ce n'est pas un problème ». Si

on n'arrive pas alors à vous prendre les empreintes, vous

êtes mis en état d’arrestation, on vous emmène en voiture

sans savoir où vous allez, sans que l'on vous parle. Pour te

faire monter dans la voiture, ils te menacent avec leurs

chiens. Ils aboient fort et n'ont pas de muselière. Il y a des

charges qui seront retenues contre vous si vous ne coopé-

rez pas et vous serez considéré comme un criminel. Là-bas

lorsqu'on refuse, on te met d'abord à l'écart. Moi j'étais le

dernier, j'ai refusé et ils m'ont pris en photo et fait attendre

sur le côté jusqu'à ce que d'autres flics soient venus me voir

en me cherchant avec ma photo à la main. J’ai essayé de

m’enfuir, je me suis caché dans une autre pièce où il y avait

d'autres gens qui attendaient, je me suis allongé au sol et je

me suis caché avec des sacs.

C'est là qu'ils m'ont retrouvé avec la photo. Ils ont même

appelé mon numéro par le haut-parleur en anglais et en

arabe. Tout le monde dans le camp savait que je n’avais pas

donné mes empreintes. Ils m'ont retrouvé facilement, parce

qu'il n'y a nulle part où se cacher réellement, et aucun

moyen de s’enfuir. Ils t'emmènent ensuite dans une

chambre d'isolement et te font attendre longtemps tout seul

jusqu'à ce que tu craques et décides de les appeler. A la fin

de tout ça, après plus de dix heures de résistance, je n'avais

encore rien bu et rien mangé. Nous étions arrivés à Pozzallo

à deux heures du matin depuis la mer. Dès notre arrivée, il

y avait des queues pour

donner les empreintes,

je suis resté en retrait

jusqu'à être le dernier, il

était cinq heures du ma-

tin quand tout le monde

est passé. Bien sûr, j'ai

pensé à escalader les

grillages, mais ça ne se

fait pas comme ça. A dix

-huit heures, j'ai craqué,

je n'avais rien bu et rien

mangé depuis la Libye.

Cela allait continuer si je

ne me résignais pas à

donner mes empreintes.

Je n'étais pas le seul à

résister, mais nous

étions dispersés et ils

nous séparaient tout le

temps. Ceci peut être

personnel, mais les con-

ditions sont trop mauvaises pour rester en Italie. Nous sa-

vons tous qu'il ne faut pas rester et lorsque tu subis un

« accueil » pareil ça ne t'aide pas à changer d'opinion sur le

pays....

M : On présente tout le temps ici les passeurs comme

d'horribles personnages. Cette image de trafiquants

d'êtres humains sert, à l'occasion, à légitimer la répres-

sion contre la présence des réfugiés et même justifier la

fermeture des frontières au nom de la lutte contre leurs

« réseaux ». Mais au fond, qu'est-ce qu'un passeur, un

samsara en arabe ?

Gandhi : Un passeur est une personne qui vous aide à tra-

verser la frontière car il connaît le chemin. Parfois, il a une

voiture, ou connait d'autres gens qui ont une voiture pour

traverser. Cette aide n'est jamais gratuite, parce qu’il y a

des risques. Plus les risques sont grands, plus le prix est

cher. Pour nous, le samsara n'est qu'un outil. S'il y a des sam-

saras, c'est une bonne chose, car ça veut dire qu'il est pos-

sible passer. Les samsaras vous font gagner du temps,

même s'ils vous prennent de l'argent. Moi, je ne suis pas

passé avec un samsara en France, je suis passé tout seul.

Chaque nationalité a ses passeurs parce que la langue est

importante dans la relation. Il y a des mauvais passeurs qui

prennent l'argent et ne t’emmènent pas à destination.

Comme nous sommes obligés de faire confiance aux samsa-

ras a priori, on ne peut pas facilement savoir à l'avance s’ils

vont nous arnaquer. Si la frontière était ouverte, nous n'au-

rions pas besoin de samsaras. En Libye ou en Égypte, les

samsaras sont organisés comme une mafia. Ils peuvent être

dangereux et utilisent des armes. Ils ont une bonne relation

avec les gouvernements là-bas.

Les samsaras vous aident pour atteindre votre rêve. En Ita-

lie, en Libye, ou en France, les destinations sont comme des

rêves. Si les samsaras n'existaient pas, on ne pourrait pas

Dia

na

Page 11: UN JOURNAL POUR LA ROYA La marmotte La marmotte … · 2017-12-04 · cialise, multiplie les intermédiaires, et nous manquons d’armes « intellectuelles » pour appréhender les

Décembre 2017, nº12 Page 11

arriver à nos rêves. En Afrique, je ne pensais pas que les

frontières à l'intérieur de l'Europe étaient fermées pour

nous, parce que nous avions entendu depuis l'Afrique que

l'Europe était une union qui n'avait pas de frontières in-

ternes. Nous avons été choqués en découvrant que la fron-

tière de Vintimille était fermée, par exemple. Pour nous, le

concept de samsara était réservé à l'Afrique, nous ne pen-

sions pas que cela existait en Europe. On a donc découvert

que nous avions besoin de payer pour passer ici aussi.

Yasser : Selon moi, n’importe qui, qui offre une aide contre

de l'argent fait quelque chose de mal. La plupart des samsa-

ras sont eux-mêmes d'origine immigrée, leur aide devrait

être gratuite car ils sont déjà passés eux-mêmes par ces

problèmes ! J'ai même rencontré des samsaras à la gare de

Milan qui revendaient plus cher des tickets à ceux qui ne

parlaient pas italien. Les gens sont pressés, ils ont déjà

beaucoup de problèmes en tête et ont peur de la police,

souvent ils ne pensent pas qu'ils peuvent s'en sortir tout

seuls et les samsaras se font de l'argent grâce à ça. En

Afrique, on est obligés de passer par un samsara pour tra-

verser la mer Méditerranée parce que l'on ne peut évidem-

ment pas passer à la nage ! Ici en Europe, il y a d'autres

moyens de passer.

Les samsaras ne sont pas une obligation. Sauf pour l’Angle-

terre, où il y a la mer à traverser. Avant, il y avait les dou-

gars (« embouteillages ») à Calais, mais maintenant c'est fini

depuis que la Jungle n'existe plus. La frontière de la Manche

ressemble de plus en plus à celle de la Méditerranée.

Aux frontières terrestres, tu peux passer avec tes pieds ou

avec le train si tu as de la chance, tu peux même faire du

stop, comme je l'ai fait. Il y a même des gens qui peuvent te

venir en aide comme lors du presidio des Balzi Rossi ou

dans la Roya aujourd'hui.

A Vintimille les gens réussissent tous à passer la frontière, à

Calais c'est l'inverse. Aujourd'hui à Vintimille, les gens ont

trop peu d’ informations qui leur serviraient à passer (carte

des routes, horaires des bus, téléphones portables, infor-

mations sur les trains ou les bus). Les réseaux de soutien

sont moins forts qu'en 2015, c'est aussi pour cela que la fron-

tière bloque de plus en plus de monde à Vintimille. Plus les

contrôles sont forts, plus le pas-

sage sans aucune aide devient

difficile et dangereux. Si de

nombreuses personnes sont

mortes récemment, comme à

Calais, c'est parce que les con-

trôles ont augmenté. Les socié-

tés du monde entier devraient

penser à nous. Nous, nous

sommes noirs. Lorsque vous

nous regardez que voyez-vous ?

Nous sommes noirs et nous

sommes fiers d'être nous-

mêmes. Les Nations Unies ga-

rantissent pourtant à chacun de

pouvoir vivre comme il le sou-

haite, d'exercer son droit à la

liberté là où il le souhaite :

« Toute personne a le droit de

quitter tout pays, y compris le

sien ». Chacun devrait avoir le

droit à la vie.

M : Mais aujourd'hui l'Union

européenne contracte de nou-

veau avec la Libye pour conti-

nuer plus loin cette guerre. Comment ça

se passe en ce moment là-bas ? Peut-on

voir déjà les effets des accords conclus

cet été ? Quelles en seront les consé-

quences ? Bob, comme tu étais en Libye il

y a encore quinze jours...

Bob : En Libye, tout peut t'arriver si tu es

noir. Tu peux t'imaginer que le pire va t'ar-

river parce que tu as entendu plein d'his-

toires, tu as des amis qui se sont fait tirer

dessus... Et tu as tout le temps peur de te faire arrêter par

des gens en uniforme dont tu ne sais même pas s'ils sont

des flics ou pas. En essayant d'aller vers Tripoli, tu rencon-

treras ce genre de problèmes. En essayant de te rappro-

cher de la côte, aussi. Au sein des campements où te ca-

chent les passeurs, tu te fais voler. Ils te cachent pendant un

mois et te donnent que de la merde à manger. Il y a toujours

des risques, les flics, les gens mal intentionnés qui pour-

raient te frapper lorsqu'ils sont bourrés, tu peux te faire en-

lever...

Lorsque j'étais en Libye, j'ai entendu la nouvelle des ac-

cords [2]. Nous étions déjà à côté de la mer. Certains amis

avaient des téléphones avec eux, c'est comme ça que la

nouvelle nous est arrivée, nous avions hâte de partir car

nous avions un peu peur. Au final, nous n'avons croisé au-

cune patrouille de police en mer.

En Libye, ils auront bien du mal à fermer la route, la police

n'est pas nombreuse et très corrompue. Il y a beaucoup de

gangs et de tribus qui combattent entre eux. Le business

pour eux ne s’arrêtera pas facilement et, lorsque les samsa-

ras se trouvent en difficulté, ils se retournent contre les mi-

grants.

Mais moi aussi j'ai entendu dire que la route allait fermer.

J’ai des amis qui doivent arriver bientôt et je suis quand

même inquiet pour eux. La route sera toujours plus dure

pour nous, mais nous ne retournerons pas en arrière,

car nous ne le pouvons pas.

Cette histoire sera juste toujours de plus en plus dure !

Paris XVIIIe, septembre 2017

NOTES:

[1] Un « migrant » peut avoir

quitté son pays pour diverses

raisons : tenter ailleurs une vie

meilleure, trouver un travail,

étudier, ou simplement voya-

ger. Un « réfugié » n’a pas eu le

choix, il a fui la guerre, l’op-

pression, la mort, il cherche un

refuge.

[2] Les accords entre l’Union

européenne et la Lybie favori-

sent la persécution, l’esclavage

et la prostitution des gens bra-

vant le désert et les groupes

armés.

Voir : https://news.google.com/

news/video/Pz71ZIj2mSE/db-

gq6bF1s-

9HGMRVW46x7VLDvP0M?

hl=fr&gl=FR&ned=fr

et www.youtube.com/watch?

v=olE-DDu6fQA.

Ce type d’accords ont été con-

clus avec une quinzaine de

pays, entre autres, le Maroc, le

Niger et la Turquie.

Page 12: UN JOURNAL POUR LA ROYA La marmotte La marmotte … · 2017-12-04 · cialise, multiplie les intermédiaires, et nous manquons d’armes « intellectuelles » pour appréhender les

Page 12 La Marmotte déroutée

M : En octobre dernier, ça y est, les

panneaux de limitation pour la circula-

tion des poids-lourds sont posés. Rap-

pelez-nous comment ce combat a dé-

marré et pourquoi il est important pour

notre vallée ?

Mme B : Fontan et Breil ont d’abord pris un arrêté jugé illégal au tribunal

administratif car seules deux des cinq

communes de la Roya l’ont validé. Le 1er

septembre, les cinq maires signent un

nouvel arrêté principalement motivé par

la sécurité pour la circulation et pour

les riverains. Les populations sont

exaspérées par le danger que repré-

sentent ces poids lourds et par l’aug-

mentation de leur nombre et de leurs

dimensions ; surtout pour la traversée

des villages. Cela impacte aussi la san-

té, l’économie locale, et l’image de la vallée aujourd’hui candidate au patri-

moine mondial de l’Unesco.

M : Malgré l’union de toutes les muni-

cipalités, la préfecture ordonne aux

gendarmes de ne pas faire appliquer

l’arrêté ? Vous vous employez tout de

même à le faire respecter. Comment

cela se passe-t-il ?

Mme B : Le préfet ne considère pas l’arrêté comme légal. Mais un arrêté est

présumé légal avant d’être retoqué au

tribunal administratif. Après avoir mis

les panneaux, il faut les faire respecter.

La hiérarchie refuse aux gendarmes la

possibilité de verbaliser, mais les poli-

ciers municipaux le peuvent, chacun sur son territoire. Nous avons fait cinq

opérations, à Tende et à Breil, en verba-

lisant de 135€ les poids lourds arrêtés. Pour souligner notre détermination, les

maires de Saorge et Fontan sont venus

soutenir Breil accompagnés de leur po-

lice municipale, avec la présence de la

presse afin de mieux

faire connaitre notre

position.

M : Qu’en pensent

les maires voisins de

la Vermenagna et de

la Roya italienne ?

Mme B : Les maires

de la Vermenagna

nous ont tous soute-

nus oralement car

l’intérêt privé ne

doit pas passer devant l’intérêt géné-

ral. A ma connaissance, la Roya italien-ne ne s’est pas manifestée à ce jour.

M : Quelles sont les réactions des

chauffeurs de camions?

Mme B : Certains disent qu’ils vont se faire enlever les PV à la préfecture de

Nice. D’autres nous remercient, car eux

aussi craignent les accidents dont ils

pourraient être responsables sur cette

route dangereuse. Ils préféreraient con-

tourner la vallée.

M : Vous avez été convoqués au tribu-

nal administratif de Nice le 7 novem-

bre dernier. Comment s’est passé le

procès?

Mme B : Environ deux cents personnes sont venues en soutien devant le tribu-

nal. Etaient présents les cinq maires de

la vallée, des conseillers municipaux,

nos conseillers départementaux, notre

conseillère régionale, notre députée, le

président de la CARF et plusieurs asso-

ciations de la vallée. Soixante personnes

ont rempli la salle d’audience.

La plaidoirie a été longue. La représen-

tante du préfet a refusé de commencer,

et c’est donc notre avocat qui a pris le

temps de tout expliquer. Puis, l’avocat

de la fédération de transporteurs ita-

liens Astra Cuneo et du cimentier Buzzi

Unicem est intervenu pour soutenir le

préfet sur son attaque. Il s’est fait reto-

quer par le juge et a fait rire la foule qui

jusque-là était restée silencieuse. La

représentante du préfet revendiquait

l’illégalité de l’arrêté pour trois raisons :

deux des maires ne sont pas concernés

car ils n’ont pas de zone d’aggloméra-

tion sur le trajet (alors que leurs signatu-

res étaient demandées pour valider le

premier arrêté!) ; un manque de motiva-

tion (ce qui contraste avec la mobilisa-

tion bien visible de la population et des

élus) ; et une disproportionnalité (nous

n’avons pas encore eu d’accident avéré

dû aux poids-lourds). Ensuite, l’avocat

du syndicat des transporteurs routiers

du 06 [FNTR06, ndrl] est intervenu pour

nous soutenir de façon concise, pointue,

percutante et avec humour.

M : On vous voit pour la première fois,

les cinq maires de la Roya, unis pour

faire front commun. Qu’envisagez-

vous pour la suite pour défendre ense-

mble notre territoire?

Mme B : Nous pensons continuer à faire front commun. Grâce au SIVOM et à la

CARF, on se retrouve plus souvent, on

dialogue et on arrive plus facilement à

avancer. Nous prévoyons de continuer

ensemble à défendre le territoire par

rapport à la circulation des poids-

lourds, à la préservation de la ligne de

train.

M : On remarque que le problème des

camions réunit une majorité des habi-

tants, tout comme la sauvegarde du

train. Des barrières se brisent entre les

villages, et même au sein des villages.

Comment réagit la population à votre

action ?

Mme B : D'après ce que j'entends, les populations de tous les villages parais-

sent favorables, positives et unies sur ce

point. De plus, la CARF et la Bévéra nous

soutiennent.

M : Si, malgré votre investissement et

celui des habitants, le trafic de poids-

lourds au travers de notre vallée est

démultiplié avec le nouveau tunnel de

Tende et l’élargissement de la route,

des viaducs et des tunnels, comment

envisagez-vous l’avenir ?

Mme B : Chaque chose en son temps. Nous devons

rencontrer le préfet et le

conseil départemental le 20

novembre. Nous ne voulons

pas de ce trafic. Nous allons

leur demander de prendre

les mesures pour qu’il n’y ait

plus de camions de transit

dans la vallée.

En septembre dernier, les cinq maires de la Roya ont pris un arrêté interdisant la circulation

des poids lourds dépassant les dix-neuf tonnes dans leurs communes (hors desserte locale et véhi-

cules de secours). Fin octobre, dans les gorges de Paganin, un tronçon de mur de soutènement de la

route départementale 6204, à l’origine bâtie pour des diligences, s’effondrait (cf. p.12), tandis que le

passage au col était bloqué par un camion en travers. Le 7 novembre, les cinq maires ont comparu

devant le tribunal administratif de Nice qui, à la suite d’un délibéré, a rejeté la demande de la pré-

fecture de suspendre l’arrêté. Une première victoire. Pour en savoir plus, la Marmotte a tendu son

oreille à Mme BRESC, maire de Saorge.

INTERVIEW : DIX NEUF TONNES! C’EN EST TROP! OREILLES TENDUES

Oreille tendue par

Norbert Lecolvert

Page 13: UN JOURNAL POUR LA ROYA La marmotte La marmotte … · 2017-12-04 · cialise, multiplie les intermédiaires, et nous manquons d’armes « intellectuelles » pour appréhender les

Décembre 2017, nº12 Page 13

Quelques perles :

Pour la fédération de transporteurs italiens Astra Cuneo,

l’arrêté est une « atteinte à la liberté », il manque de

motivation et bloque le transport régional « au sens

européen » (tiens donc…). Décontenancé, son avocat cite le

président de l’ANAS affirmant que seulement « quatre poids-

lourds par jour traversent la Roya ». Parcourez notre route ou

relisez votre Marmotte N°1 pour avoir des chiffres plus

proches de la réalité ! Quant à la préfecture, elle affirme

qu’ « un maire a pris cet arrêté par xénophobie envers les

Italiens » et que « les maires sont incompétents pour prendre

ce genre de décision ». Mais alors, qui peut prendre des

mesures pour protéger leurs administrés ?

Les soutiens :

La pétition de soutien aux maires sur change.org a été

signée par presque 2846 personnes.

Le syndicat des transporteurs du 06 (FNTR06) a sollicité

le préfet, en estimant que « la circulation sur cette route est

inadaptée au flux de véhicules lourds et représente un danger

conséquent pour les usagers ». Celui-ci a répondu par un

simple « Merci ». Ils ont

compté un poids lourd

toutes les 4min30 sur notre

route. Ils ont aussi proposé à

la sous-préfète Montagne de

venir faire le trajet dans un

de leurs camions pour

constater que ce danger est

bien réel, mais celle-ci a refusé. Selon eux,

« les grosses atteintes économiques [dues au

contournement de la vallée] sont totalement

fantaisistes » (0,09 centimes d’augmentation

pour un kilogramme de ciment), alors qu’en

passant par Savone, le gain en sécurité est

non négligeable.

La CARF a déposé une motion de soutien aux

maires et M. Guibal, son président, était

présent à leurs côtés lors du procès. Même le président du

conseil départemental des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti, se

serait exprimé pour aller dans leur sens.

Les conseillers départementaux présents au tribunal ont

affirmé qu’ils proposeront d’ici peu un arrêté pour limiter la

circulation lourde sur la RD6204, dans sa globalité.

Quelles perspectives ?

Si l’arrêté des maires, jugé légal sur la forme, n’a pas été

suspendu, le tribunal administratif dispose de deux ans

pour statuer sur le fond. Les transporteurs italiens

multiplient déjà les pressions (cf. p.12). Certains soutiens

aux maires (comme celui d’Éric Ciotti) laissent par

ailleurs songeurs. Une réglementation qui préserve la

Roya des plus gros camions durant un temps n’arrangerait

-elle pas aussi, quelque part, ceux qui voudraient calmer

les inquiétudes des riverains au sujet du doublement du

tunnel de Tende ? Et détourner l’attention du

réaménagement de la vallée (routes, tunnels) en vue de

l’adapter au passage des poids lourds qu’il sera toujours

temps d’autoriser plus tard ? Une bataille est peut-être en

phase d’être gagnée, mais pas la guerre !

M : Pensez-vous que la dégradation de

la qualité du train depuis quelques an-

nées a eu un impact sur la vie écono-

mique et sociale de la vallée de la

Roya ?

Rares sont celles et ceux qui répondent

par un « non » (3 sur 30 !). Les retards, le

nombre réduit de trains et les horaires

inadaptés – l’absence de « trains de vie

quotidienne » - sont avant tout perçus

comme extrêmement pénalisants pour

qui veut travailler sur la Côte et vivre

dans les vallées ou vice versa. Vous êtes

nombreux à signaler que c’est ce qui a

déjà poussé tant de personnes à déser-

ter nos vallées. Le problème se pose

également pour les études ou pour sortir

le soir, alors que prendre le train pour-

rait être « si pratique » ! Le tourisme est le

deuxième domaine le plus évoqué :

« cette ligne constitue un des avantages

les plus certains de la vallée de la Roya sur

ses voisines niçoises, mais avec un temps

de trajet pareil, on peut être tenté de lui

préférer la haute Vésubie en voiture ! »,

estime un(e) usager(e). Un(e) autre se

demande si ce ne serait pas « voulu…

pour laisser place à une autoroute? »

Que pensez-vous du train?

A l’occasion du précédent numé-

ro, consacré à notre ligne de

train Nice-Vintimille-Cuneo, la

Marmotte a enquêté auprès des

usagers de celle-ci (30 per-

sonnes de tout âge). Son idée

était de recueillir vos impres-

sions, ressentis et expériences

liés à l’usage du train dans votre

quotidien. Pendant toute la du-

rée des travaux de réhabilitation

de la ligne, commencés en sep-

tembre, nous publierons de

courtes synthèses de vos ré-

ponses aux 10 questions posées.

PAROLE AUX USAGERS DU TRAIN!

ACTU TRAIN : Les travaux sur la voie férrée avancent bon train entre Breil et Fontan.

Les contrôleurs doivent être prochainement remplaçés par les brigades de sûreté ferroviaire… qui ne sont pas formées comme

techniciens en cas de soucis! Mais beaucoups de contrôleurs ne veulent pas faire uniquement de la répression.

19 tonnes: La Marmotte, présente à l’audience, complète le tableau

Page 14: UN JOURNAL POUR LA ROYA La marmotte La marmotte … · 2017-12-04 · cialise, multiplie les intermédiaires, et nous manquons d’armes « intellectuelles » pour appréhender les

Page 14 La Marmotte déroutée

La fiction implique deux personnes,

celui qui propose l’histoire et celui qui

la reçoit. De la volonté de ces deux-là

naîtra véritablement quelque-chose.

Figurez-vous un conteur, tenant dans

sa main une branche courte.

En face de lui, le « conté » tenant

une branche semblable.

Ils alignent ces deux bouts de bois

de sorte qu’il y ait un espace vide,

une droite imaginaire entre eux.

Alors le conteur décrit le bout

manquant, sa couleur, ses marques

particulières, son origine.

Le conté, à l’écoute, s’appro-

prie ces images, ces histoires

et superpose les siennes,

celles des branches qui lui

reviennent en mémoire, et

les histoires qui lui appar-

tiennent, jusqu’à ce que l’en-

chantement se produise.

La branche entière, tenue à ses

deux extrémités, se matérialise.

Probablement, elle n’est pas la

même pour l’un et l’autre mais

pour les deux, elle existe.

La fiction possède en elle cette magie.

Les personnages que nous créons, nous les

rencontrons. Les lieux que nous imagi-

nons, nous les visitons.

Ces expériences, en théorie pures abstractions, nous les

vivons « dans notre chair ». Bien sûr, cette magie ne se

réalise que si chacun, le conteur et le conté, a cette vo-

lonté de croire. Le charme se rompt instantanément si

l’un des deux déclare « Tout cela n’existe pas ».

Mais il devrait dire « Tout cela n’existe plus ». Car, lors-

qu’il y croyait, son cerveau n’a pas réagi autrement que

si cela avait existé, et pour cela, il est pour toujours un

être différent d’avant l’histoire.

C’est un pouvoir redoutable que possède la fiction et

puissants sont ceux qui le maîtrisent, car nous avons tous

besoin de croire. Par besoin d’amour, par peur de

l’inconnu… Du récit, le délice est un piège, le piège un

délice. C’est quand nous sommes devenus des adultes

raisonnables, débarrassés des « croyances absurdes »

de l’enfance, que nous nous laissons le mieux emporter

par ces vagues de sensations. Elles nous font rire, pleu-

rer, espérer, frémir. Quoi de plus réel ?

Il y a des histoires qui

nous font grandir, évo-

luer, certaines nous

nourrissent – les Enfants

Perdus, compagnons de

Peter Pan, se nourrissent

exclusivement de festins

imaginaires… - et

d’autres qui peuvent

nous asservir ou nous

détruire. Anna Karenine,

Madame Bovary ou Belle

du Seigneur n’ont-elles

pas péri de ce qu’elles

voulaient trop croire au

personnage d’un séduc-

teur ?

Mais ce ne sont là en-

core, heureusement,

que des histoires… Sta-

line fut le

plus talentueux, et le plus cruel, conteur du

XXème siècle. Parmi les

millions de gens que son

régime détruisit, com-

bien, devant la gueule

du fusil ou mourant len-

tement de faim, conti-

nuaient à croire, à ché-

rir, à admirer ce prophète et tacticien gé-

nial, personnage de sa création. Le géné-

ralissime avait compris que la soif de

croire d’un peuple lui donnerait tout pouvoir.

Au cours de son règne, nombreux sont ceux qui ont osé

dire « Tout cela n’existe pas » et qui en sont morts. Le

penser était tout aussi fatal. Il fallait que l’enchantement

perdure et il perdura.

A ceux qui disent « Dieu n’existe pas », je veux répondre :

comment n’existerait-il pas puisque chaque jour des mil-

liards d’Hommes agissent en croyant en lui?

Les actions, leurs pensées fabriquent cette réalité dans

laquelle nous vivons.

Cette réalité chérie, ce sol dur sous nos pieds, tout ce

que l’on peut toucher et voir, serait-ce véritablement la

limite de ce qui peut exister ? Ou alors, notre imagina-

tion serait-elle en quelque sorte, une antichambre de

notre monde sensible, un immense laboratoire de créa-

tion duquel s’échapperaient parfois quelques-unes de

nos meilleures créatures ?

Le Festin des Enfants Perdus

« Ce personnage de bois, de tissu et de fil, je l’ai pris pour le vrai, tout ce temps. J’ai cru et l’on me

laissait croire, pour la magie du jeu […]. Autour du petit théâtre, c’était l’obscurité. Si un pan de la

pièce, pour laisser rentrer quelqu’un, s’éclairait, je criais, me plaignais et souffrais de voir le

théâtre si petit, si fabriqué. Le noir revenu, vite je replongeais. Tout était vrai car je ressentais tout,

vraiment, dans ma chair » (Les Plénitudes, E.Kalinko).

JOURNAL DE N’IMPORTE QUI

N’importe qui

Sa

oir

se

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Quelques courriers que nous avons reçues - Merci!

Décembre 2017, nº12 Page 15

COURRIERS DES LECTEURS

La menthe aux coins des lèvres, dans les

épines,

Le calcaire tambourine et la rivière con-

firme le chemin

Quelques pas plus loin, la douleur des

frontières n'y paraîtrait plus

S'ils pouvaient relever leur tête dure.

Sur la route des matins

Même le froid n'en revient pas

De les accabler si peu,

C'est leur jeunesse ce bâton de feu.

Pas plus que peu, deux pieds deux bras

deux yeux,

Des garçons contenus par leur chemise.

L'Afrique dans la démarche

Deux gorgées de sucre, douceur sur le vi-

sage.

Tous sont-ils bien arrivés ?

Combien noyés ? Combien traqués ?

Et l'oublié que personne ne veut compter.

Cette mère qui ne saura jamais...

Dans le pays, derrière,

les femmes cherchent

leurs hommes

Entre les barques et le

cauchemar des dunes

Dans ce désert sali par

les coups bas, les brutes.

Comment se dire que le paradis est devant

soi ?

Pour ceux qui chantent, qui vivent là la

porte ouverte

C'est commencer quelque part à broyer la

machine

A dire « on ne peut rien faire ».

La goutte d'eau fera déborder la vase.

Avec beaucoup d'entrain

Ceux qui font ne pensent à rien d'autre

Qu’à l'évidence de ne pas rien faire.

Avec beaucoup de joie !

Gelsomina, 21 septembre

ACTUALITÉS

Le ministère de la Santé a recommandé,

en juillet 2017, d’élargir l’obligation vaccinale chez les bébés

de moins de deux ans. Huit nouveaux vaccins (coqueluche,

haemophilus influenzae B, hépatite B, méningocoque C, pneu-

mocoque, rougeole, oreillons, rubéole), censés faire face à la

réapparition d’épidémies, deviendraient donc imposés en

2018, en plus des trois vaccins déjà obligatoires (diphtérie,

tétanos, poliomyélite). Plusieurs de ces vaccins causent des

effets secondaires indésirables (généralement du fait des adju-

vants) pouvant déboucher sur divers désagréments : affaiblis-

sement généralisé, paralysie, sclérose en plaques (vaccin de

l’hépatite C), voire, parfois, … la mort ! Par ailleurs, les mala-

dies « infantiles » (Coqueluche, Rougeole, Oreillons, Rubéole)

participent à la construction de nos défenses immunitaires.

S’en vacciner condamnera ces nourrissons à un avenir plus

médicalisé et plus dépendant des laboratoires pharmaceu-

tiques.

11 vaccins obligatoires pour les nourrissons !!!

Je suis une fidèle lectrice de la Marmotte,

journal pour la Roya. J'apprécie votre cou-

rage, votre détermination et votre pugnacité

pour dénoncer et dévoiler tout ce qui est

caché aux habitants de la Vallée, notamment

pour ce qui concerne le scandale du tunnel.

Il y a aussi un autre scandale à dénoncer sur

la commune de Tende, c'est la "verrue" cons-

truite au bourg neuf (bas du village), et qui

doit faire office de parking couvert. […] Ce

parking, à l'architecture particulière (goût

douteux, masse de béton, couleur qui ne

correspond pas au village, planches de bois

plaquées pour cacher la laideur mais qui ne

font que l'amplifier), a coûté cher aux contri-

buables, mais a été validé par les bâtiments

de France. Il se situe pourtant à quelques

encablures de la collégiale, et au pied du

village classé.... cherchez l'erreur … Si un

particulier souhaite exécuter quelques tra-

vaux dans le "style" du village, il lui faudra

patience et longueur de temps, pour aboutir

à un refus de la part des bâtiments de

France. Alors, je ne comprends pas comment

l'autorisation de construire une laideur pa-

reille a pu être accordée....

L'hôpital Saint Lazare, à côté, est d'une beau-

té incontestable et se fond dans le décor.

L'architecture du parking aurait pu être pen-

sée de la même façon pour une harmonie du

site. Vous me direz que tout est une affaire

de goût... mais ce bâtiment dénote complè-

tement de l'ensemble du village. Les habi-

tants des logements qui font face à ce par-

king ont maintenant une vue sur une masse

de béton alors qu'ils bénéficiaient, avant la

construction, de lumière et de verdure…

La communication est au cœur des projets

collectifs de toutes échelles. Pour cons-

truire ensemble, il faut d’abord s’entendre, bâtir une vision commune et parvenir

ensuite à « fonctionner » ensemble. Il est troublant de constater comme, en pratique,

il est difficile d’unir des forces pourtant animées par un objectif commun. Les grandes

ONG, par exemple, ne font que très rarement front commun alors qu’elles y gagne-

raient en puissance d’action. Idem à l’échelle d’un village ou d’une vallée, nous le

constatons tous les jours. Dans quelle mesure notre « difficulté » à communiquer, à

nous comprendre, est-elle responsable de ce plafond de verre dans nos projets col-

lectifs ? Et, que voudrait dire réussir à mieux communiquer ? Qu’en pensez-vous ?

Avez-vous, sur ce sujet, des anecdotes, des expériences à nous partager?

COMMUNIQU’ACTION :

qu’en pensez-vous ?

Andromède Lelagopède

A MEDITER

Page 16: UN JOURNAL POUR LA ROYA La marmotte La marmotte … · 2017-12-04 · cialise, multiplie les intermédiaires, et nous manquons d’armes « intellectuelles » pour appréhender les

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ACTUALITÉS

Embrayage du Conseil départemen-tal et catastrophe évitée sur la route Victoire : le 20 novembre dernier, le Conseil départemental

annonce qu’il interdira, lui aussi, aux plus de 19 tonnes de

traverser la vallée de la Roya ! Il n’y a pas que les habitants

qui vont pouvoir respirer un peu : notre pittoresque RD 6204

aussi. Ses murs de soutènement ne sont pas faits pour les

poids-lourds, comme en témoigne la découverte, par hasard,

par des agents du Département d'une cavité sous la chaussée

au niveau du viaduc de Scarassouï le 27/10 dernier (cf. photo

p.2 et Nicematin.fr). Aussitôt colmaté. Ouf, nous sommes pas-

sés à deux doigts de la catastrophe. Si cette fois-ci le hasard a

bien fait les choses, qu’en sera-t-il une prochaine fois ?

Arrêté 19 tonnes : les transporteurs routiers de Cuneo ripostent

La Marmotte déroutée Nous cherchons toujours des illustrateurs-dessinateurs, des

traducteurs du français en italien et de nouveaux points de

diffusion. Et bien sûr, continuez à nous faire parvenir vos idées, vos

réactions et réflexions, que nous ne manquerons pas de publier dans la

rubrique « Courriers des lecteurs ». Cette vallée est la nôtre, ce

journal aussi!

[email protected]

www.la-marmotte-deroutee.fr

Tél. 07 68 05 65 34

Météo judiciaire niçoise: Roya Citoyenne condamnée... à exister!

JTA

Depuis que les camions de plus de 19 tonnes sont interdits dans la Roya, les transporteurs routiers de la pro-

vince de Cuneo ne décolèrent pas. Et multiplient les pres-

sions. Pour eux, des maires français ne peuvent pas limiter la

circulation sur une route internationale, très empruntée par la

flottille de gros camions qui partent tous les jours de Cuneo.

Leur activité, profit et emplois seraient en jeu. Et même,

d’après certains, « l’économie de tout le bassin de Cuneo » !

Menaçant la France de représailles (par exemple, l’interdic-

tion des poids lourds français du côté italien), le lobby des

camionneurs place beaucoup d’espoir sur la réunion du con-

seil intergouvernemental prévue le 28 novembre. Leur objec-

tif : faire annuler l’arrêté ou, à défaut, l’aménager (plages ho-

raires de circulation, réglementation du trafic en vue de lais-

ser circuler la disserte interrégionale, c’est-à-dire leurs gros

poids lourds). Vigilance donc, rien n’est acquis ! La Roya, un

territoire fragile qui ne vit pas grâce aux camions, ne peut

être sacrifiée pour l’unique profit de quelques entreprises de

transport de marchandises ! Qu’elles prennent le train !

ÉVÈNEMENTS EN ROYA-BEVERA

01 décembre à 19h : Université populaire de la Roya : Terrorisme,

immigration et état d’urgence (références historiques et actualité),

par Françoise, avocate. Repas partagé.

02 décembre : Boîte à sardines, boîte de nuit à la salle des fêtes de

la Brigue. Repas à 19h30 (5€), entrée à 21h (5 €).

09 décembre : Fête de la bière, salle du Temps libre, Tende. Menu

choucroute (20€), DJ Délirium Concept (réservation 06.52.40.50.05).

13 décembre à 8h à Aix-en-Provence : délibéré du procès des

« papis mamies » pour aide au séjour.

16 décembre à 15h : Rassemblement en gare de Menton Garavan

contre le délit de faciès.

18 décembre à 13h30 au tribunal correctionnel de Nice (Palais

de justice) : Procès pour diffamation contre des militants du réseau

Defend Mediterranea ayant diffusé la débâcle du navire C-Star du

réseau identitaire Defend Europe (affrété pour entraver le

sauvetage des migrants en mer), puis conférence sur l'accueil.

Collecte pour les frais d’avocats : www.lepotcommun.fr/pot/hvfshv5n.

24 décembre : célébration du rachat de l'image du père noël,

anciennement vert (St Nicolas), par Coca Cola©, pour qu'il prenne

ses couleurs rouge et blanc.

05 janvier à 19h: Université populaire de la Roya : Paysannerie et

végétarisme, origine et contenu d’une théorie nouvelle, par Philippe,

ancien membre de la Confédération paysanne. Repas partagé.

12 janvier : Marmotta marmotta roupille (en temps normal)

profondément deux mètres sous terre, avec son métabolisme

extrêmement ralenti.

02 février à 19h : Université populaire de la Roya: Qu’est-ce qu’une

révolution ? Du cas de 1917 en Russie à Mai 68 en France, par

Jacques, journaliste réalisateur. Repas partagé.

03 février : 3ème Souper Fest’Hiver : Baletti, fanfare, animations,

concours soupologique, concert.

Et bien sur, les nombreux marchés de Noel locaux

Pour la saison 2017-18, le foyer Rural de Tende – La Brigue propose

de nombreux ateliers (Adhésion annuelle 30 €/enfants 20 €):

Badminton, gymnase du collège de St Dalmas : Lun. 19h45-21h

(adultes) ; Ven. 17-18h pour les enfants 8-12 ans et 18-19h pour les plus

de12ans/adultes (sauf vacances scolaires). Lise (06 08 65 65 94).

Gym douce, salle de dance MJC de Tende : Ma. et Jeu. 17-19h. Marie-

Paule (06 76 08 08 11).

Danse trad., salle de danse MJC de Tende : Mer. 17-19h. Séverine (06

13 41 75 86).

Yoga, salle de danse MJC de Tende : 1 Jeudi sur 2, 18h30-20h. Charlie

(06 78 97 77 10).

Italien (débutant), mairie annexe de St Dalmas : Jeu 17-18h. Nicoletta

(06 31 05 71 50).

Anglais, chez les participants ou en visite : séance de conversation 1

mardi sur 2, 18-22h. Jean-Noël (07 82 81 75 66) et Sarah (07 87 05 68 89).

Loisirs créatifs (couture, patchworks, tricot, bijoux…), mairie annexe

de St Dalmas : Jeu 14-18h. Nadège (06 70 08 24 56).

L’association Spirale propose à Saorge: ping-pong, théâtre

d’improvisation, ateliers d’écriture et cours d’italien (avancé). Adhésion

annuelle 20 €

Cours de Pilloxing (Dream Roya Zumba)à Saorge : samedi 18-19h.

Badminton à Breil-Sur Roya (gymnase) : lundi 19-20h et mercredi 18-

20h(contact: 06.31.32.16.43).

Pour les autres associations proposant des activités, prévenez-

nous afin que nous le fassions savoir dans votre journal!

RC

Le 16 novembre dernier, le tribunal administratif de Nice a débouté la demande de dissolution de l’association

Roya citoyenne déposée par l’association Défendre la Roya (créée en été dernier) et le conseiller régional Olivier

Bettati. Les perdants ont été condamnés à payer 5000€ de dommages et intérêts et 2000€ de frais de procédure.

Jidé