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La Lettre du cadre territorial • Février 2014 3 ÉDITO Principal actionnaire : Info Services Holding. Président - Direc- teur de la publication : Christophe Czajka. Directrice générale : Véronique Billaud. Directeur général adjoint, Directeur éditorial et stratégie : Hugues Périnel. Directeur général adjoint adminis- tration et finances : Laurent Lévrino. Éditeur : Laurent Boidi. RÉDACTION Directeur des rédactions : Hugues Périnel. Rédacteur en chef : Nicolas Braemer (06 08 51 18 63) [email protected] RÉALISATION Rédacteur en chef technique : Laurent Brugièregarde. Secrétaire de rédaction : Annie Lozac’h-Menez. Directeur artistique : Guillaume Lamarre. Maquettiste : Karine Colnel. Assistante de rédaction : Aurélie Niemaz. Web designer : Jenny Buttigieg. Responsables fabrication : Hervé Charras, Isabelle Seret. EMPLOI ET ANNONCES CLASSÉES : Directeur régie : Yves Denis. Directeur commercial : Clément Supplice (01 40 13 33 31). Directeur des opérations : Christian Fehr (01 40 13 38 77). Equipe commerciale (01 40 13 32 54) : Sandrine Aubret, Armelle Eymas, Samia Senad. Directeurs de clientèles : Laurence Leroy, Aude Sanchez, Ingrid Joly PUBLICITÉ Régie publicitaire : 17 rue d’Uzès, 75108 Paris Cedex 2 Tél. : 01 40 13 31 86 - Fax : 01 40 13 51 08. pub.collectivites@ groupemoniteur.fr Directeur régie : Bertrand Augustin. Directeur commercial : Jean-François Goasguen (30.44). Directrice Publicité internet : Isabelle Ghariani (33.81). Publicité : Gérald Glondu (30.75), Emilie Vaneme (50.08), Anne-Marie Roux (32.73),Yamina Sahraoui (38.19), Véronique Gelin (30.19). Opérations spéciales : Nelly Huet (32.22). Assistantes : Sandrine Landi (31.86) / Lydia Cordier (31.86). WEB Responsable technique Web : Sébastien Mérieux Dessinateurs : J-P. Cagnat • M. Cambon • Pessin • Lasserpe • Samson • Gracia • F. Bertrand • V. de Castelbajac • J-P. Djivanides Impression : Imprimerie Moderne de l’Est, 3 rue de l’Industrie - BP 32017, 25112 Baume-les-Dames Cedex Mensuel édité par TERRITORIAL, SAS au capital de 7 325 000 euros Siège social : 17, rue d’Uzès, 75 108 Paris Cedex 02 Bureaux : Espace Cévé, 58, cours Becquart Castelbon, 38 500 Voiron RCS PARIS 404 926 958 - N° SIRET : 404 926 958 00020 - Code APE : 5813Z - N° TVA intracommunautaire : FR 28 404 926 958 Site internet : www.lettreducadre.fr e-mail : [email protected] ISSN : 1165-9394. Commission paritaire : 0914 T 85317. Dépôt légal : à parution. RIB : Caisse d’Épargne Rhône- Alpes - Code Banque : 13825. Code guichet : 00200. Compte n° 08776443495 Clé RIB : 51. IBAN : FR76 1382 5002 0008 7764 4349 551. Bank identification code (BIC) : CEPAFRPP382. Un problème ? Créez une collectivité ! L e législateur français a une fâcheuse habitude : à chaque fois qu’un problème de fond fait irruption dans le débat public sur des questions de développement du territoire, il répond par la création d’un nouvel outil institutionnel. Les exemples ne manquent pas, pour le meilleur et pour le pire : depuis les lois de décentralisation de 1983, on a ainsi créé (dans le désordre) les établissements publics de coopération inter- communale, les pôles métropolitains, les syndicats intercommunaux à vocation unique et les mêmes à vocation multiple, les pays… Aujourd’hui, nous voilà en phase de création des métropoles, nouvel échelon (quoi qu’on en dise) destiné à tenter de gérer nos grands ensembles urbains, réparer la fracture territoriale et assurer la gouvernance des trois plus grandes agglomérations françaises. Ici, et c’est une nouveauté qu’il faut saluer, ce nouvel échelon ne se surajoute pas aux autres préexistants mais les remplace dans l’exercice de certaines compétences et a donc vocation prendre leur place d’autres. Évidemment, voilà qui ne manque pas de susciter l’ire des élus locaux qui ne voient guère plus loin que leur petit pouvoir local. Sans leur emboîter le pas, on peut pourtant s’interroger sur les progrès que permettra ce nouvel outil dans la lutte contre la fracture territoriale. Il va de soi que les problèmes de déséquilibres du territoire ne datent pas de 1983 et consta- tons que la décentralisation a apporté la preuve de son efficacité dans la gestion des affaires de proximité. Mais soyons honnêtes : la montée en puissance des collectivités locales n’a en rien permis de réduire le formidable écart qui s’est créé entre l’est et l’ouest de l’Ile-de-France. Pas plus qu’elle n’a empêché de se créer de nouveaux déserts médicaux ou de service public dans certains « coins » urbains ou ruraux. Pas plus, enfin, qu’elle n’a empêché de se créer et de se renforcer les ghettos urbains de nos banlieues alors que la relégation de leurs habitants est probablement, disons-le haut et fort, le principal fléau de la société française. En son temps, le pouvoir gaulliste avait créé la Datar, outil certes d’État et de planification (à l’époque, ni l’un ni l’autre n’était un gros mot) pour tenter d’organiser et d’orienter la croissance des Trente glorieuses vers davan- tage d’équité territoriale. Peut-être serait-il temps aujourd’hui de changer de logiciel et de réintroduire un peu de planification dans le territoire français. Paradoxalement, c’est de Nicolas Sarkozy, pourtant grand libéral, que date, avec le Grand Paris, la dernière tentative de redonner à l’État la main dans l’organisa- tion du territoire. Il s’était à l’époque heurté à la plus grande collectivité locale du coin qu’est la région Ile-de-France. La relégation des habitants de nos banlieues est probablement le principal fléau de la société française. Nicolas Braemer, nicolas.braemer @territorial.fr Rédacteur en chef V. VINCENZO

Un problème ? Créez une collectivité ! Lpratclif.com/Le-succes-d-estime-des-communes-nouvelles.pdf · RÉDACTION Directeur des rédactions : Hugues Périnel. Rédacteur en chef

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La Lettre du cadre territorial • Février 2014 3

ÉDITO

Principal actionnaire : Info Services Holding. Président - Direc-teur de la publication : Christophe Czajka. Directrice générale : Véronique Billaud. Directeur général adjoint, Directeur éditorial et stratégie : Hugues Périnel. Directeur général adjoint adminis-tration et fi nances : Laurent Lévrino. Éditeur : Laurent Boidi.

RÉDACTION Directeur des rédactions : Hugues Périnel. Rédacteur en chef : Nicolas Braemer (06 08 51 18 63) [email protected]

RÉALISATIONRédacteur en chef technique : Laurent Brugièregarde. Secrétaire de rédaction : Annie Lozac’h-Menez. Directeur artistique : Guillaume Lamarre. Maquettiste : Karine Colnel. Assistante de rédaction : Aurélie Niemaz. Web designer : Jenny Buttigieg. Responsables fabrication : Hervé Charras, Isabelle Seret.

EMPLOI ET ANNONCES CLASSÉES :Directeur régie : Yves Denis. Directeur commercial : Clément Supplice (01 40 13 33 31). Directeur des opérations : Christian Fehr (01 40 13 38 77). Equipe commerciale (01 40 13 32 54) : Sandrine Aubret, Armelle

Eymas, Samia Senad. Directeurs de clientèles : Laurence Leroy, Aude Sanchez, Ingrid Joly

PUBLICITÉRégie publicitaire : 17 rue d’Uzès, 75108 Paris Cedex 2Tél. : 01 40 13 31 86 - Fax : 01 40 13 51 08. [email protected] régie : Bertrand Augustin. Directeur commercial : Jean-François Goasguen (30.44). Directrice Publicité internet : Isabelle Ghariani (33.81). Publicité : Gérald Glondu (30.75), Emilie Vaneme (50.08), Anne-Marie Roux (32.73),Yamina Sahraoui (38.19), Véronique Gelin (30.19).Opérations spéciales : Nelly Huet (32.22). Assistantes : Sandrine Landi (31.86) / Lydia Cordier (31.86).

WEBResponsable technique Web : Sébastien MérieuxDessinateurs : J-P. Cagnat • M. Cambon • Pessin • Lasserpe • Samson • Gracia • F. Bertrand • V. de Castelbajac • J-P. DjivanidesImpression : Imprimerie Moderne de l’Est, 3 rue de l’Industrie - BP 32017, 25112 Baume-les-Dames Cedex

Mensuel édité par TERRITORIAL, SAS au capital de 7 325 000 euros

Siège social : 17, rue d’Uzès, 75 108 Paris Cedex 02 Bureaux : Espace Cévé, 58, cours Becquart Castelbon, 38 500 Voiron RCS PARIS 404 926 958 - N° SIRET : 404 926 958 00020 - Code APE : 5813Z - N° TVA intracommunautaire : FR 28 404 926 958Site internet : www.lettreducadre.fre-mail : [email protected]

ISSN : 1165-9394. Commission paritaire : 0914 T 85317. Dépôt légal : à parution. RIB : Caisse d’Épargne Rhône-Alpes - Code Banque : 13825. Code guichet : 00200. Compte n° 08776443495 Clé RIB : 51. IBAN : FR76 1382 5002 0008 7764 4349 551. Bank identifi cation code (BIC) : CEPAFRPP382.

Un problème ? Créez une collectivité !

Le législateur français a une fâcheuse habitude : à chaque fois qu’un problème de fond fait irruption dans le débat public

sur des questions de développement du territoire, il répond par la création d’un nouvel outil institutionnel. Les exemples ne manquent pas, pour le meilleur et pour le pire : depuis les lois de décentralisation de 1983, on a ainsi créé (dans le désordre) les établissements publics de coopération inter-communale, les pôles métropolitains, les syndicats intercommunaux à vocation unique et les mêmes à vocation multiple, les pays…Aujourd’hui, nous voilà en phase de création des métropoles, nouvel échelon (quoi qu’on en dise) destiné à tenter de gérer nos grands ensembles urbains, réparer la fracture territoriale et assurer la gouvernance des trois plus grandes agglomérations françaises. Ici, et c’est une nouveauté qu’il faut saluer, ce nouvel échelon ne se surajoute pas aux autres préexistants mais les remplace dans l’exercice de certaines compétences et a donc vocation prendre leur place d’autres. Évidemment, voilà qui ne manque pas de susciter l’ire des élus locaux qui ne voient guère plus loin que leur petit pouvoir local. Sans leur emboîter le pas, on peut pourtant s’interroger sur les progrès que permettra ce nouvel outil dans la lutte contre la fracture territoriale.Il va de soi que les problèmes de déséquilibres

du territoire ne datent pas de 1983 et consta-tons que la décentralisation a apporté la preuve de son effi cacité dans la gestion des affaires de proximité. Mais soyons honnêtes : la montée en puissance des collectivités locales n’a en rien permis de réduire le formidable écart qui s’est créé entre l’est et l’ouest de l’Ile-de-France. Pas plus qu’elle n’a empêché de se créer de nouveaux déserts médicaux ou de service public dans certains « coins » urbains ou ruraux. Pas plus, enfi n, qu’elle n’a empêché de se créer et de se renforcer les ghettos urbains de nos banlieues alors que la relégation de leurs habitants est probablement, disons-le haut et fort, le principal fl éau de la société française.En son temps, le pouvoir gaulliste avait créé la Datar, outil certes d’État et de planifi cation (à l’époque, ni l’un ni l’autre n’était un gros mot) pour tenter d’organiser et d’orienter la croissance des Trente glorieuses vers davan-tage d’équité territoriale. Peut-être serait-il temps aujourd’hui de changer de logiciel et de réintroduire un peu de planifi cation dans le territoire français. Paradoxalement, c’est de Nicolas Sarkozy, pourtant grand libéral, que date, avec le Grand Paris, la dernière tentative de redonner à l’État la main dans l’organisa-tion du territoire. Il s’était à l’époque heurté à la plus grande collectivité locale du coin qu’est la région Ile-de-France. ◆

La relégation des habitants de nos banlieues est probablement le principal fl éau de la société française.

Nicolas Braemer,[email protected] Rédacteur en chef

V. V

INC

ENZ

O

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SOMMAIRE

4 La Lettre du cadre territorial • Février 2014

CONTRIBUTEURS

Eric Garault

ILS ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO…

Karine Michel, [email protected] - JournalisteHenri Pérouze, [email protected] - Conseil de directionPierre Larroumec, [email protected] - MagistratOlivier Guillaumont, [email protected] - Conseiller juridique région PACAÉric Lanzarone, [email protected] - Avocat, Cabinet LanzaroneÉric Landot, [email protected] - Avocat au Barreau de Paris Cabinet Landot & associésEvangelia Karamitrou, [email protected] - Avocat au Barreau de Paris - Cabinet Landot & associésFabrice Anguenot, [email protected] Legrand, [email protected] - Avocat au barreau de BloisStéphane Menu, [email protected] - JournalisteRémi Uzan, [email protected] Thévenet, [email protected] - Professeur au Cnam et à Essec Business SchoolJean-Christophe Poirot, [email protected] - Journaliste

Bruno Cohen-Bacrie, [email protected] - Directeur de la communicationDenis Courtois, [email protected] - DGSJacques Paquier, jacques. [email protected] - Rédacteur en chef délégué - JournalisteSéverine Cattiaux, [email protected] - JournalisteGilles Destaerke, [email protected] - Directeur territorialChristine Cathiard, [email protected] - Rédactrice en chef webStéphane Menu, journaliste, [email protected] Mialot, [email protected] - Maître de conférences à l’École de droit de Sciences po, avocat associéGilles Caillet, [email protected] - Avocat associé, Hélians avocats-conseilsFrançois-Xavier Nerden, [email protected] - Directeur du centre de gestion de l’Orne

Bernard Bézard, DGS de Combs-la-Ville

[email protected]

Henri Pérouze, Conseil de [email protected]

Annie Letty-Keribin, Directrice générale adjointe du centre

de gestion du Finistè[email protected]

Frédérique Bertrand, Illustratrice

[email protected]

Marjolaine Koch, Journaliste

[email protected]

Julien Damon, Professeur associé à Sciences Po,

enseignant à [email protected]

La Lettre du cadre, c’est avant tout les territoriaux et des experts qui parlent aux territoriaux, sans langue de bois ni artifi ce. Voici les professionnels qui ont participé à notre aventure ce mois-ci.

ET AUSSI…

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La Lettre du cadre territorial • Février 2014 5

SOMMAIRE

Éditorial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 3

ACTUALITÉEmprunt toxique : Bercy, mauvais perdant ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 10L’observatoire du cumul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 11Carte communale : le succès d’estime des communes nouvelles . . . . . . . . . . . . . . . . P. 12Bercy veut supprimer des « petites taxes » qui touchent les entreprises… et rapportent aux collectivités locales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 15Entretien avec Patrick Braouzec : « En France, nous sommes incapables de nous projeter dans l’avenir » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 16Parité dans les emplois de direction : le syndicat des DG veut baisser les seuils . . . P. 18Décentralisation : 2014, année de la réforme territoriale… ou pas . . . . . . . . . . . . . . . .P. 20Inet : une école d’élite pour l’élite ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .P. 22Regards croisés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .P. 24Sur lettreducadre.fr . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .P. 25

À LA UNEComment profiter de sa décharge de fonction . . . . P. 26Soyez acteur de votre décharge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 28Garder la positive attitude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .P. 30Comment améliorer votre employabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .P. 32

MANAGEMENTTRIBUNE - « Occupez-vous de vos équipes, le chiffre d’affaires viendra après » . . P. 35VOUS AU TRAVAIL - Le leadership marche sur trois pattes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .P. 36VOUS ET VOS ÉQUIPES - Comment recadrez-vous ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .P. 39VOUS AU TRAVAIL - Un peu d’humour, que diable ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 40L’ENTRETIEN - Abdessamad Bennani « Pratiquons la conviviale attitude ! » . . . . . . .P. 42À LIRE - Coopération et confiance sont indispensables au travail . . . . . . . . . . . . . . . .P. 45

RESSOURCES HUMAINESGRATIFICATION - Quand l’État copie-colle, les stagiaires trinquent ! . . . . . . . . . . . . .P. 47VOTRE CARRIÈRE - Emplois fonctionnels : une espèce protégée. . . . . . . . . . . . . . . . .P. 48STATUT - L’agent public lanceur d’alerte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .P. 50PAYE - Stages « école » : doit-on verser une gratification ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 53

JURIDIQUEOPINION - De l’impuissance de l’État… de droit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 55PROCÉDURES - Vice de procédure : avec Danthony, no stress ! . . . . . . . . . . . . . . . . . .P. 56MARCHÉS PUBLICS - Contrats de partenariat : gérer les crises . . . . . . . . . . . . . . . . . . .P. 59ÉNERGIE - Quand l’éolien se prend les pales dans le tapis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 60QUESTIONS-RÉPONSES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .P. 62

FINANCESINVESTISSEMENT - Les collectivités se désendettent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .P. 63DROITS DE MUTATION - L’augmentation aura bien lieu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 64

POLITIQUES PUBLIQUESRÉNOVATION URBAINE - L’Anru s’ouvre à l’économie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .P. 66

PROSPECTIVEENTRETIEN - Gilles Berhault « Développement durable : jamais sans la culture » . . . .P. 68CONTROVERSE - Passer du public au privé : mission impossible ? . . . . . . . . . . . . . . . . .P. 72PRATIQUES D’AVENIR - L’interco teste son « Autolib » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .P. 74ÇA SE PASSE AILLEURS - « L’effet Bilbao » est-il reproductible ? . . . . . . . . . . . . . . . . .P. 76PRATIQUES D’AVENIR - Pourquoi Duflot veut limiter les meublés touristiques . . .P. 78À LIRE - Économie de marché versus société de marché . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 81

ABONNEMENTS1 an soit 10 numéros

Tél. : 04 76 65 93 78 - Fax : 04 76 05 01 63• Prix au numéro : 16 €• Prix abonnement + newsletter :

- 155 € / an (villes + 5000 hab.)- 137 € / an (villes de 1000 à 5000 hab.)- 89 € / an (villes - 1000 hab.)

• Abonnement personnel + newsletter : 69 € / an ou prélèvement automatique mensuel : 5,80 € / mois (sur 12 mois)

P. 22 Inet : une école d’élite pour l’élite ?

P. 26 Comment profi ter de sa décharge de fonction

P. 76 « L’effet Bilbao » est-il reproductible ?

Encarts jetés : Mailings DA167183, DB167183, DC167183, aux prospects. Encart DE.

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NOVEMBRENOVEMBRE

6 La Lettre du cadre territorial • Février 2014

NOUVELLE FORMULE

PRATIQUE, STRATÉGIQUE, COMMUNAUTAIRE…Voici la nouvelle formule de La Lettre du cadre, nous l’avons voulue plus pratique, plus claire et toujours plus utile. Au-delà d’un simple mensuel, nous vous proposons un système d’information plurimédia, afi n que vous puissiez profi ter, partager et interagir avec l’ensemble de nos contenus sans restriction de temps ou d’espace.

SUR LE WEB

L’ACTUALITÉOn traite l’actu des collectivités sans éviter la polémique et sans oublier de parler politique.

LA LETTRE DU CADRE.FR

LE DOSSIERChaque mois, on vous concocte un sujet que vous ne lirez pas ailleurs, qui vous parle de votre quotidien, toujours avec le regard de la Lettre

Plein de beaux outils : un site, une newsletter, Twitter, Facebook, Google + et, au cœur du dispositif,votre parole

TABLETTE SMARTPHONE MAGAZINEWEB

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La Lettre du cadre territorial • Février 2014 7

RH, FINANCES ET JURIDIQUELes trois grandes fonctions ressources décryptées : l’essentiel de ce que vous devez savoir et des pistes opérationnelles pour agir vite. Parce que le cadre que vous êtes ne peut pas se contenter de la simple théorie.

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MANAGEMENTOn vous aide, vous et vos cadres, à affronter vos problèmes managériaux. Vous êtes averti, deux partis pris : intelligence et bienveillance

PROSPECTIVESPrenez de la hauteur sans planer. Alimentez vos réfl exions professionnelles et allez briller auprès de vos chefs !

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ACTUALITÉ

8 La Lettre du cadre territorial • Février 2014

ON AIME

ON N’AIME PAS

©LU

DO

VIC

/REA

DR

Jo SpiegelLe maire de Kingersheim, que

nous avons souvent rencon-tré dans La Lettre, vient de refuser la Légion d’honneur.

« C’est, dit-il, dans la critique sans concession d’une démocratie en panne et d’un système à bout de souffl e que je puise une part de ma décision. Alors que le fossé ne cesse de se creuser entre les repré-sentants et les représentés, entre le haut et le bas, entre ceux qui sont promus et ceux qui ne le sont pas, tout ce qui « fait distinction » alimente le discrédit et renforce la crise de la « démocratie-régime ».

Respect…

Jean-Frédéric Poisson

Le député est le premier signataire de l’amendement proposant de dérembourser l’interruption volontaire de

grossesse. Un amendement qui gène même à l’UMP, tant il semble venu de l’extrême droite.

Patrick DevedjianLe président du conseil général des Hauts-de-Seine propose de fusionner avec…

les Yvelines. Quand les élus des collectivités les plus riches

rompront avec le réfl exe pavlovien de ne travailler qu’entre eux, la solidarité territoriale ira mieux.

JO D’HIVERCandidates…Les communes de Saint-Urcize (Cantal), Nasbinals (Lozère), Laguiole (Aveyron) et Brameloup (Aveyron) se sont lancées dans la candidature des JO d’hiver 2022. Un projet loufoque, mais un coup de pub pour ce plateau de l’Aubrac à cheval sur Midi-Pyrénées, Auvergne et Languedoc-Roussillon.

ÉLECTIONSDes sondages… vertsPour les municipales, les écologistes vont s’offrir quelques sondages afi n de délimiter les budgets de campagne. Des villes clés comme Rennes, Grenoble, Rouen et sans doute Nantes seront testées. « On donnera les résultats là où ils sont bons », a indiqué David Cormand qui pilote l’opération.

VU SUR FACEBOOK

20 %C’EST LA PROPORTION de locataires qui dépensent plus de 40 % de leur revenu pour se loger. Les locataires du secteur libre dépensent en moyenne 7 500 euros par an pour le logement, contre 5 400 euros dans le secteur HLM.

« Je n’ai jamais refusé d’être utile à mon pays. »Ségolène Royal

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À DISTANCELA CUB télétravaille…Suite à un questionnaire sur les modes de déplacements de ses agents fi n 2011 et à une enquête auprès des femmes de la collectivité au printemps 2013, la CU de Bordeaux a lancé une expéri-mentation sur 2 jours par semaine de télétravail. « Moins de la moitié des 2 800 agents de la CUB ont un métier qui peut s’effectuer, partiellement, à distance, indique l’EPCI, et si le but est d’étendre le télétravail pour réduire le temps passé dans les déplacements, il n’est pas question pour autant qu’il se fasse plus de deux jours par semaine, pour ne pas exclure les salariés de leur environnement professionnel. »

POLLUTION

Vignette : le retourComment réguler la circulation en période de pollution de l’air dans les collectivités qui souhaiteraient le faire ? Tout simplement, en interdisant aux véhicules polluants de circuler. Un rapport de hauts fonctionnaires préconise ainsi de demander aux assurances d’éditer une vignette auto-mobile qui, collée sur le pare-brise des véhicules, permettra de qualifi er votre véhicule et aux autorités de vous interdire éventuellement l’usage en cas de pic de pollution.

Ludovic Grousset6 janvier, à proximité de BeaucouzéBon, l’ENACT d’Angers, c’est déjà top glamour, mais alors sans iPhone, ni internet pendant une semaine c’est sur-humain… — affreusement mal.

8 janvier, à proximité de NaonedVoilà, téléphone à nouveau opérationnel, de nouveau les e-mails et les SMS pleuvent, j’ai accès au net et à tweeter… Je revis !!! #geekinside — excité.

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La Lettre du cadre territorial • Février 2014 9

ACTUALITÉ

SONDAGE : LES FRANÇAIS APPRÉCIENT LEURS FONCTIONNAIRES

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ACTUALITÉ

10 La Lettre du cadre territorial • Février 2014

Emprunt toxique : Bercy, mauvais perdant ?

TEG

La validation de l’absence des TEG dans les

contrats d’emprunts dénommés « toxiques » dans la loi de fi nances a donc été retoquée par le Conseil constitution-nel. Cet article constituait un véritable chiffon rouge. Les « sages » l’ont donc invalidé. Nombre de juristes se demandaient com-ment d’éminents spécialistes de la « chose publique » pouvaient oser espérer que cette disposition passe le cap du Conseil. Mais certains se demandent si cet épisode n’en cacherait pas un autre à venir ! Le dispositif permettant d’indemniser les collectivités a en effet été validé, mais comme c’est Bercy qui en défi nira les règles d’application… Un Bercy, mauvais perdant, qui annonce la fi n du monde sous la forme d’une « crise systémique ». Comme personne n’a compris ce

que cela voulait dire, il aurait été sans doute mieux écouté en annon-çant une nouvelle baisse de la DGF d’1 milliard d’euros pendant dix ans. Mais c’est peut-être ce que le ministère des Finances nous prépare dans le cadre d’une nou-velle rédaction du texte retoqué. ◆

TANT MIEUX !Municipales : les femmes arrivent !Pour Bernard Maligner, auteur du Code électoral Dalloz, plus de 17 000 femmes deviendront conseillères municipales pour abou-tir à un chiffre de 85 000 femmes dans les conseils municipaux. L’abaissement des seuils concernera près de 6 500 communes.

FISCALITÉCFE : le couperet tombe !Les collectivités avaient jusqu’au 21 jan-vier (date anniversaire d’une décapita-tion royale) pour voter sur la « nouvelle CFE ». Mais le Conseil constitutionnel a décidé de rendre caduque une partie de la loi. Les circulaires des services fi scaux étaient pourtant déjà arrivées dans les EPCI concernés. La révolution fi scale ne sera donc pas pour demain !

SONDAGELes Français et le modèle républicainLes Français veulent être mieux écou-tés et davantage participer à la vie publique. Dans un contexte de crise et de défi ance à l’égard de la classe poli-tique, un sondage Harris Interactive, montre que seule une courte majo-rité (51 %) estime que la démocratie fonctionne de manière satisfaisante en France. Notre devise, au passage, en prend un sérieux coup. Seule la liberté est perçue comme étant bien appliquée par une majorité de Fran-çais (56 %). Ils sont 75 % à déplorer le contraire pour la fraternité. Et même 80 % à porter un tel jugement pour l’égalité. Pour améliorer le fonction-nement de la démocratie, 83 % des sondés estiment qu’il faut donner davantage de pouvoir aux citoyens.

2,7 MILLIARDSD’EUROS, c’est le manque à gagner en matière de recettes fi scales. Selon les derniers chiffres de Bercy, celles de l’année dernière sont moins bonnes que prévu à hauteur de 2,7 mil-liards d’euros. Ce qui limite la réduction du défi cit bud-gétaire par rapport à 2012 à 12 milliards d’euros.

EN CHIFFRES

« Je dois gagner, je suis la seule à avoir les compétences pour gérer cette ville, dans la rigueur et la probité. »Maryse Joissains, maire d’Aix-en-Provence

IL A DIT

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La Lettre du cadre territorial • Février 2014 11

ACTUALITÉ

L’OBSERVATOIRE DU CUMUL

ACTUALITÉ

Alain TourretDéputé radical de gauche

« Ce texte est le symbole de l’incapacité du gouvernement à écouter ses amis radicaux de gauche. »Comment dire… ce n’est pas vraiment la question, l’infl uence des rad-socs ! On parle de démocratie, de renou-vellement, de féminisation… des choses importantes quoi.

Pouria AmirshahiDéputé PS des Français de l’étranger

« Le cumul, au mieux, c’est un anachronisme. Au pire, c’est un abus de pouvoir. »

Jean-Frédéric PoissonDéputé UMP« Vous avez en réalité la volonté d’affaiblir l’institution parlemen-taire. » Quoi ? un complot ?

Ils ont dit

313c’est fi nalement le nombre de députés qui ont voté l’inter-

diction du cumul des mandats lors de l’adoption défi nitive du texte à l’Assemblée nationale, le 22 janvier. C’est à la fois beau-coup, largement plus en tout cas que la majorité absolue (289 voix), et pas tant que ça, puisque le total des voix des députés membres et apparentés des groupes censés soutenir le projet (socialistes, écologistes et Front de gauche) est de 339. Plus d’une trentaine de députés ont donc manqué à l’appel. Qui sont-ils ? 4 députés socialistes ont voté contre (Dominique Baert, Marie-Françoise Bechtel, Christian Hutin et Jean-Luc Laurent) et 8 n’ont pas pris part au vote, manière peu

glorieuse d’être contre tout en ne l’étant pas. Les verts ont voté unanimement pour et 4 commu-nistes ont voté contre. Comme quoi, la droite n’a pas le monopole de la défense du cumul.Et à droite donc ? Si aucun centriste n’a voté pour (9 absten-tions quand même), 5 députés UMP ont approuvé le projet : Sylvain Berrios, Laurent Marcangeli, Jean-Luc Moudenc, Lionel Tardy et Thierry Solère. Bravo à eux.

MAJORITÉ

Petits calculs PENDANT CE TEMPS…

On ne compte plus les députés qui veulent se lancer à l’assaut de mairies, histoire de cumuler quand il est encore temps, même si c’est pour quelques années.

C’est le cas de Razzy Hammadi (PS) à Montreuil, Mat-thieu Hannotin (PS) à Saint-Denis, Benoist

Apparu (UMP) à Châlons-en-Champagne. Pour ces, pourtant jeunes, députés, le bétonnage de son fi ef vaut mieux que le renou-vellement de la vie politique… et les engagements signés.

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Sylvain Berrios, Laurent Marcangeli, Jean-Luc Moudenc, Lionel Tardy et Thierry Solère.Les 5 députés UMP qui ont approuvé le projet de loi.

Bruno Lemairequi, il n’y a pas si longtemps, plaidait pour

une limitation du cumul dans le temps et a fi nalement rejoint la cohorte des opposants au projet.

Dominique Baert, Marie-Françoise Bechtel, Christian Hutin et Jean-Luc Laurentles 4 députés socialistes qui se sont opposés au projet.

François RebsamenLe sénateur maire de Dijon entend cumuler

encore et toujours. Les munici-pales et les sénatoriales auront lieu avant 2017, date de l’entrée en vigueur du texte. Comme il sera candidat aux deux, explique-t-il, rien ne l’empêchera d’aller, s’il est élu, au bout de ses mandats et de cumuler jusqu’en… 2020.

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ACTUALITÉ

12 La Lettre du cadre territorial • Février 2014

CARTE COMMUNALE

Le succès d’estime des communes nouvelles

M ichel Mercier, ancien ministre de l’Espace rural et de l’Aménagement du

territoire, a le souvenir vengeur. « Je me réjouis de voir que Jacques Pélissard a évolué favorablement par rapport aux communes nouvelles. Il n’en était pas un grand partisan en décembre 2010 quand la loi a été votée ». Les communes nouvelles ne sont pas plus de douze aujourd’hui. Lors du dernier congrès des maires, le président de l’AMF a confi é qu’il n’était pas opposé à leur extension. La confi dence a fusé lors d’une table ronde intitulée : « Supracommunalité ou intercom-munalité ? ». Jacques Pélissard est désormais un tel partisan du concept qu’il a défendu un amende-ment au projet de loi de fi nances 2014 sur les communes nouvelles.

Fusion moins brutaleJacques Pélissard veut faire fructi-fi er ce dispositif issu de la loi du

16 décembre 2010. Le député-maire UMP de Lons-le-Saunier propose ainsi que les communes nouvelles de moins de 10 000 habitants bénéfi cient d’un pacte de stabilité de la dotation globale de fonction-nement durant trois ans au lieu d’un aujourd’hui. Le donnant-donnant est alléchant pour les nombreuses petites communes qui ont du mal à joindre les deux bouts. Les communes nouvelles ressemblent un peu à des

micro-intercommunalités déléguant à la nouvelle commune les tâches les plus généralistes et conservant aux anciennes communes le statut d’une mairie annexe dans une grande ville. La loi de décembre 2010, renforcée donc en 2013, a veillé à éviter le fi asco de la loi Marcellin de 1971 où les fusions, jugées trop brutales, avaient fait fuir les petites communes, attachées à sauvegarder la fameuse identité de proximité. La fusion version 2010

Elles ne sont pour l’heure qu’une douzaine. Mais Jacques Pélissard, président de l’AMF, veut voir grandir le nombre de communes nouvelles. L’objectif est de lutter contre un émiettement communal pernicieux et de donner aux maires en place plus de moyens d’agir. Ce que les communes nouvelles sont censées permettre…

La France, 40 % des communes européennesLa France est le pays qui compte le plus de communes sur le territoire européen, avec 36 683 d’entre elles recensées au 1er janvier 2011 (dont 36 568 en métropole) pour 65 millions d’habitants. À elle seule, la France compte près de 40 % des communes euro-péennes. À titre comparatif, l’Allemagne, avec 81,5 millions d’habitants, ne compte que 12 196 communes, l’Italie 8 101 avec 61 mil-lions d’habitants. La population médiane d’une commune française est de 423 habitants contre 2 300 en Italie et 11 000 en Belgique. Plus de 31 500 communes ont moins de 2 000 habitants (communes dites rurales), 255 dépassent les 30 000, dont 11 situées au-delà des 200 000 habitants. L’anecdote fait sourire : 6 communes françaises n’ont aucun habitant…

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La Lettre du cadre territorial • Février 2014 13

ACTUALITÉ

prévoit que le maire référent de l’ancienne commune reste en place. L’Insee a calculé qu’en 2013, une commune sur deux en France comptait moins de 426 habitants. Autant dire que les regroupements pourraient se multiplier. Pour l’heure, les maires concernés ont du mal à franchir le pas, treize mariages ayant été prononcés, ainsi qu’un divorce dans la foulée.

DGF en hausseJean-Marie Bernard, maire du Dévoluy (Alpes-de-Haute-Provence), une commune nouvelle qui a vu le jour le 1er janvier 2013, est très satisfait de la fusion de quatre communes touristiques (La Cluse, Saint-Disdier, Agnières-en-Dévoluy et Saint-Étienne-en-Dévoluy). Il l’a confi rmé à la tribune du Congrès des maires : « Cela va nous permettre d’être plus effi caces dans l’aménage-ment de nos pistes de ski. On va peser dans l’intercommunalité. On ne va pas être les derniers pions ». La commune devient d’ailleurs la plus grande commune des Hautes-Alpes de par sa superfi cie. Au même moment, Thizy-les-Bourgs (Rhône), voyait aussi le jour, à la grande satisfaction de l’ancien ministre Michel Mercier, désormais premier

magistrat de cette commune nou-velle. Ce regroupement est idéal pour booster un territoire plutôt industriel, situé dans une zone enclavée du nord-ouest du Rhône : « Nous utilisons les fi nesses du système. Nous changeons, grâce à cette commune nouvelle, de strate

pour la dotation globale de fonction-nement. Cela fait, dans l’ensemble, 150 000 euros en plus, ce qui n’est pas neutre pour un territoire de 6 000 habitants », assure-t-il.

Égal accès aux mêmes servicesAu Dévoluy, les 46 « anciens » conseillers municipaux sont toujours en place, en attendant l’élection de mars 2014. Seule la commune nouvelle a le statut de collectivité. En gardant un statut de mairie annexe, les anciennes mairies sont habilitées à recevoir les premières démarches administra-tives des habitants, sans devoir se

déplacer jusqu’au siège de la commune nouvelle. Ce qui n’est pas anodin dans un secteur montagnard où les déplacements sont rendus diffi ciles dès que l’hiver s’annonce. Jean-Marie Bernard est convaincu qu’il s’agit là d’une réelle avancée démocratique de proximité. Au niveau du fonctionnement, tous les habitants du Dévoluy bénéfi cieront d’un égal accès aux mêmes services : déneigement, entretien de la voirie ou des cabanes pastorales pour les agriculteurs… Chaque amélioration de la vie quotidienne bénéfi ciera à toutes les « anciennes » communes. Et ça, les citoyens des petites communes savent en apprécier la saveur. ◆ Karine Michel

« Une meilleure représentation du territoire »« La mutualisation des services nous a permis de réaliser des éco-nomies d’échelle importantes. Avant, chaque commune faisait des achats de son côté, pour les écoles, par exemple. Désormais, les achats groupés nous permettent d’obtenir des prix plus intéres-sants. La nouvelle organisation, mise en place en janvier 2013, est transparente. L’administration est centralisée mais chaque ancienne

commune conserve sa mairie et ses services de proximité. En revanche, Thizy-les-Bourgs constitue la seule entité juridique. Les anciennes communes sont des com-munes déléguées avec des mairies annexes telles qu’elles existent dans la loi PML. L’idée de se regrouper a fait l’objet d’un consensus au sein des élus qui ont compris tout l’intérêt du projet. Nous allons rejoindre trois autres communautés de communes dans le cadre de la simplifi cation de la carte intercommunale (Ndlr, la CC de Tarare, la CC de la Haute Vallée d’Azergues). La commune nouvelle permet une meilleure repré-sentation du territoire dans le cadre de cet élargissement. Elle donne plus de moyens aux petites communes en préservant leur identité ».

Michel Mercier, maire de Thizy-les-Bourgs

« On va peser dans l’intercommunalité. On ne va pas être les derniers pions »

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SUR LE WEB

DR

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ACTUALITÉ

14 La Lettre du cadre territorial • Février 2014

RETRAITES

Les fonctionnaires plus pénalisés ?

Les majorations de retraites pour les fonctionnaires ayant élevé plus de trois enfants seront désormais imposables et l’impact sera légèrement supérieur par rapport aux salariés du privé car les majorations pour 3, 4, 5 enfants et plus

sont, en général, plus favorables selon la complémentaire retraite Prefon. ◆

ACTUALITÉ

TOUT NOUVEAU

Ingénierie publique : les collectivités attendues

TRANSPARENCE FINANCIÈREAttention aux avan-tages en nature des DGS et des élus !La transparence des avantages en nature a été reconnue dans la loi dite « Cahuzac » parue au JO d’octobre 2013, Le travail parlementaire a enrichi le projet de loi en décidant une modifi -cation de l’article L.2123-18 du CGCT. En effet, l’attribution de tout avantage en nature, ou l’utilisation d’un véhicule appartenant à une collectivité par un élu ou par un agent de la commune, pendant l’exercice d’un mandat ou d’une fonction qui le justifi e (commune, département, région), nécessitera une délibération nominative annuelle préci-sant les modalités d’usage.

CITOYENNETÉInscription sur les listes électorales : la France à la traîne !Comme chaque année à la veille d’un scrutin important, le constat d’un taux fort d’absence d’inscription sur les listes électorales refait surface. De nombreuses suggestions sont émises. Le think tank Terra Nova revisite ainsi les formules d’inscription par internet (déjà en vigueur dans certaines villes). D’autres proposent l’inscription par démarchage à domicile (pratiquée dans certains états des USA jusqu’à la veille du scrutin). Il y a sûrement urgence car, comme le fait remar-quer un chercheur de l’université de Montpellier – Jean-Yves Domargen – travaillant sur l’abstention, « trois millions de Français – soit 7 % du corps électoral – ne sont pas inscrits sur les listes électorales ».Source (Libération 27/12 et site Terra Nova)

F inis les CETE, Certu et autres bureaux d’études issus des ministères. C’est maintenant le

Cerema qui offi ciera à la place de 11 de ces services ministériels. Sa création a été annoncée au JO du 27 décembre. Établissement public administratif, basé à Bron (Rhône), il devra « renforcer son ancrage

territorial » et verra les élus être presque à parité avec les représen-tants de l’État à son conseil d’admi-nistration. Les collectivités pourront le faire travailler dans le cadre de mise en concurrence, mais le statut de l’établissement n’interdit pas une participation autre de celles-ci et bien sûr une participation… ! ◆

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MUNICIPALES

Vers un vote sanction ?

Un sondage réalisé par le quotidien Les Échos les 9 et 10 janvier montre qu’un quart des Français souhaite profi ter de l’occasion pour sanction-ner le président de la République mais que 70 % se décideront en

fonction des enjeux locaux. Les deux enjeux majeurs de ces municipales sont d’ailleurs pour ces électeurs : le montant des impôts locaux (40 %) et l’emploi et le développement économique (34 %) qui devancent d’une courte tête l’environnement. Les deux premiers thèmes émergent nettement quelle que soit la sensibilité politique déclarée des électeurs, y compris et surtout pour le deuxième pour ceux de gauche. En revanche, la sécurité et l’immigration restent des thèmes de clivage gauche-droite classiques. ◆

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La Lettre du cadre territorial • Février 2014 15

ACTUALITÉ

OPAQUECVAE : l’accès à l’information restera restreintLa communication en décembre des prévisions de rentrées fi scales à la baisse a fait réagir nombre d’EPCI. L’AdCF, après avoir interrogé Bercy, a chiffré cette baisse à 4,5 % en moyenne, avec des écarts souvent très impor-tants. L’avancement de la date de communication de ces prévisions est une piste de réfl exion qui se heurte au « secret fi scal » concernant les décla-rations des contribuables. Cette piste serait pourtant fort utile pour les gros contribuables. L’AdCF résume ainsi la situation « une collectivité reste dans l’ignorance de l’évolution de la situa-tion de la CVAE au sein de son territoire et des mouvements internes l’affectant jusqu’au début du mois de décembre, alors que l’ampleur des fl uctuations du produit demanderait la plus grande anticipation possible ».

PRÉVENTIONUn nouveau programme d’action à la CNRACLAprès son adoption au CSFPT, la CNRACL dispose d’un nouveau cadre d’actions en matières de prévention.Les fonds disponibles peuvent être sollicités par les collectivités locales qui mènent des actions en la matière. Ce fonds n’est pas encore bien connu mais sera fort utile en temps de disette budgétaire.

ÉCONOMIES

Bercy veut supprimer des « petites taxes » qui touchent les entreprises… et rapportent aux collectivités locales

La réforme fi scale est en marche et toute bonne idée est à

prendre. Le Medef ayant listé une multitude de

petites taxes qui lui coûtent cher et qui rapportent peu (selon le ministre des Finances) l’idée de

les supprimer devient donc naturelle ! D’autant que pour certaines, le produit atterrit dans les poches des collectivités

concernées. Un exemple : l’impôt sur les pylônes d’une

ligne électrique traversant un territoire peut constituer une recette non négligeable, surtout quand l’électricité provient d’une centrale électrique voisine qui n’est pas située dans la commune. ◆

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COLLIMATEURAix-en-Provence : soupçons de trafi c d’infl uenceDans cette ville, il fait bon être chauffeur du maire pour doubler tous les autres candidats dans la promotion interne pour accéder à la catégorie A. Et comme il est diffi cile de s’arrêter quand on rencontre un tel succès, l’embauche de ses enfants devient naturelle à des postes oÙ leur présence ou leur aptitude au travail n’a pas été remarquée. Mais voilà, des mécontents ont révélé ces « petits abus » et Mme Joissans-Masini – maire de la ville – s’est vue convoquée à l’Évê-ché (siège de la PJ marseillaise) pour confesser ces petits écarts.

EPCILe point sur les fusionsL’Assemblée des communau-tés de France (AdCF) a recensé environ 150 fusions de com-munautés, opérationnelles depuis le 1er janvier 2014. À partir de l’analyse d’une cin-quantaine d’arrêtés préfec-toraux, les nouvelles fusions comptabilisent en moyenne 2,7 communautés et 33 com-munes. Ces fusions viennent s’ajouter aux 92 intervenues au 1er janvier 2013.

2,1 MILLIARDS D’EUROS, c’est le besoin de fi nancement des départements en 2014 pour compenser la hausse de leurs dépenses sociales.

EN CHIFFRES

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ACTUALITÉ

16 La Lettre du cadre territorial • Février 2014

« En France, nous sommes incapables de nous projeter dans l’avenir »

MÉTROPOLES

Le département de Seine-Saint-Denis, auquel appartient la Plaine Commune, se carac-térise par un développement socioécono-

mique très inégal. Comment y remédier ?Il n’est pas simple de changer les choses du jour au lendemain. C’est un travail au long cours. Mais, chaque fois qu’une entreprise s’installe sur notre territoire, nous mettons en œuvre le principe d’un partenariat, celui d’une charte entreprises-territoires, à laquelle 115 entreprises ont adhéré. L’idée est bien sûr de faire en sorte que la clause d’insertion sociale

de 5 % soit mise en œuvre sans discussion mais aussi que les entreprises intègrent le fait qu’elles sont actrices sur le territoire. Grâce à la clause d’insertion sociale, 85 équivalents plein-temps ont vu le jour à la cité du cinéma de Luc Besson. Depuis 6 ans, cette charte a permis l’embauche de 4 300 personnes.

Que manque-t-il pour aller plus loin ? Le niveau de chômage reste élevé ?Que notre système de formation soit plus réactif… Lorsque j’ai appris que des milliers

Clairement opposé à la métropolisation de la région Ile-de-France, le président de Plaine Commune estime que ce processus cassera les dynamiques territoriales déjà en place, tout en menaçant le principe de solidarité à l’œuvre. Il regrette par ailleurs que la région ne soit pas suffisamment « réactive », en matière de formation professionnelle, pour permettre à la popu-lation de Seine-Saint-Denis de bénéficier des retombées économiques.

PATRICK BRAOUZECAncien maire de Saint-Denis, député PCF avant sa rupture en 2010 et son passage au Front de Gauche, Patrick Braouzec est président de Plaine Commune, l’une des communautés d’agglomération les plus pauvres de France.

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La Lettre du cadre territorial • Février 2014 17

menaçant le travail mené par certaines intercom-munalités depuis des années ?D’une agglo à l’autre, des choix ont été faits, en effet, selon les caractéristiques des terri-toires. Par exemple, Plaine Commune gère les médiathèques, que nous considérons comme des équipements de proximité pour favoriser l’accès à la culture. Je vois mal le Grand Paris prendre en charge cette compétence. Pour d’autres raisons, à Créteil, les cantines scolaires sont gérées à l’échelle intercommu-nale. Qu’en fera la métropole ? La gestion de ces compétences risque de remonter vers le Grand Paris pour redescendre au niveau des communes. En termes d’effi cacité, où se situe le progrès ? J’espère que la mission de préfi gu-ration de la métropole permettra de trouver un fonctionnement plus cohérent. Il eut été préférable d’achever le processus intercom-munal de la première couronne parisienne, puis de transférer, dans un deuxième temps, les compétences transversales au Grand Paris. Cette démarche, inspirée des pôles métropoli-tains de la loi de décembre 2010, aurait évité le yoyo des compétences.

Certains reprochent aux opposants de la métro-pole de s’arc-bouter sur leur territoire, tels des barons, de ne pas prendre en compte le fait que l’attractivité des territoires se joue avant tout à l’échelle des métropoles ?Le regroupement territorial, quelle que soit sa taille, fonde sa légitimité sur deux pôles : bien sûr, l’attractivité, la capacité à faire venir des entreprises, jouent un rôle essentiel. Mais, en France, la solidarité est organiquement liée à cette première nécessité. Or, les exemples de Londres ou de New York, sur le plan de la solidarité, ne sont pas forcément à suivre. En revanche, historiquement, ces deux grandes villes ont su créer un dispositif harmonieux de polycentralités qui pourrait être source d’inspiration pour nous. ◆

Stéphane Menu

d’emplois liés à la téléphonie allaient être créés sur notre territoire, je suis allé voir le recteur et le conseil régional pour discuter avec eux d’un programme d’anticipation sur les besoins de ces grosses entreprises, telles SFR ou Deutsche Telekom. J’attends toujours que la région organise une rencontre sur le sujet, pour faire en sorte que les formations délivrées permettent aux jeunes et aux personnes au chômage de profi ter de la dynamique. En France, nous sommes inca-pables de nous projeter dans l’avenir.

La région n’est donc pas à la hauteur du chef-de-fi lat qui est le sien, à savoir la mise en œuvre d’une formation professionnelle intégrant de fait la notion d’anticipation…Je crois, et peut-être est-ce dans les tuyaux gouvernementaux, que la région devrait se concentrer sur deux compétences majeures : la formation et les transports. Ce qui est frustrant pour la population de nos com-munes pauvres, c’est de voir que tout le travail que nous avons réalisé, en attirant les entreprises, ne profi te essentiellement qu’aux salariés parisiens ! Toute cette richesse est captée par Paris ! Et je ne pense pas que le Grand Paris annoncé permettra de changer la donne.

Justement, vous critiquez très fortement la créa-tion de cette métropole. Pourquoi et quelle alter-native lui opposez-vous ?Nous avons défendu l’idée de partir des dynamiques territoriales existantes. Or, la loi tourne le dos à cette logique, même si nous ne désespérons pas, au moment de la rédaction des ordonnances, de revenir en arrière. La métropole condamne les territoires à n’être plus que des exécutants. Or, si on nous supprime notre statut moral et juridique, nous disparaissons, ni plus ni moins. Nous ne craignons pas de travailler avec d’autres intercommunalités, d’autres communes, nous le faisons déjà. Ce qui nous inquiète, c’est le fait de briser une dynamique bien lancée où la cellule de base, à savoir la commune, était respectée. J’ai toujours conçu l’intercommuna-lité comme une coopérative de communes, où rien n’est imposé, d’en haut vers le bas.

Vous craignez par ailleurs une uniformisation des compétences retenues dans la future métropole,

« La métropole condamne les territoires à n’être plus que des exécutants »

Retrouvez l’interviewde Patrick Braouzec sur :www.lettreducadre.fr/7881

SUR LE WEB

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ACTUALITÉ

18 La Lettre du cadre territorial • Février 2014

ACTUALITÉ

ENCORE MIEUX

Parité dans les emplois de direction : le syndicat des DG veut baisser les seuils

Dans le cadre du projet de loi sur l’égalité

hommes-femmes, le syndicat des DG a écrit au ministre en faisant valoir notamment que : « les femmes constituent 61 % des effectifs de la FPT, mais seulement 18 % des emplois de direction et moins de 5 % des postes de DGS selon le rapport annuel sur l’état de la fonction publique 2009-2010 ». Il propose que le seuil prévu par la loi (d’inscrire la parité dans les villes de plus de 80 000 habitants) soit abaissé à 10 000 habitants. Cela permettrait de toucher près de la moitié des EPCI (au lieu de 5 à 6 % dans la version actuelle de la loi) et 2,5 % des communes au lieu de 0,18 % ! ◆

ARGENTÉ

La France découvre ses vieux ?

EN VOITURE !Amiens : le tram en bonne voie…Le projet de tramway se concrétise à Amiens (Somme). Des études sont conduites et la ville affi che la certi-tude que l’État subventionnerait le projet, lequel verrait le jour en 2019. Le coût représenterait 200 millions d’euros. L’opposition entend, elle, abandonner le tramway et planche sur une possible gratuité des transports en commun.

URBAPLUI : un compromis bidon ?En introduisant une « minorité de blocage » dans le transfert de la com-pétence urbanisme, le Sénat avait reçu un appui surprenant de la ministre, qui à quelques mois des municipales, ne voulait sans doute pas brusquer nombre de maires ruraux. L’Assem-blée nationale, dans son examen du 16 janvier, a remonté le « niveau de blocage » à 45 % des communes repré-sentant 45 % de la population. Devant l’indignation de la fédération des maires ruraux, il est peu probable que la commission mixte paritaire entre les deux assemblées arrive à un accord, avant… les municipales et un vote de la loi d’ici là. À moins que la crainte d’un transfert automatique des PLU vers l’intercommunalité adopté dans un texte de loi voté… après les munici-pales, ne pousse vers cette solution.

La « silver économie » a désormais un plan de bataille, mis en ordre le

12 décembre à l’initiative du gouvernement. « Il ne s’agit pas de prendre les personnes âgées pour des gogos mais de leur proposer des solutions utiles », a quand même jugé bon de rappeler Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie. Décliné en 49 axes d’action, ce plan prévoit, par exemple de doubler les équipements en matière de robotique. ◆

« Il y a beaucoup à distribuer mais ça se trouve dans les paradis fi scaux. »Martin Schulz, président du Parlement européen

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ACTUALITÉ

20 La Lettre du cadre territorial • Février 2014

DÉCENTRALISATION

2014, année de la réforme territoriale… ou pas

Le président a évoqué la possibi-lité de faire évoluer le nombre de régions ; même position

concernant les départements, avec la nécessité de redéfi nir leur rôle dans les zones métropolitaines.

Contrainte ou incitation ?Dans les rangs du PS, Thierry Mandon, copilote de la mission de simplifi cation, préconise de passer de 22 à 15 régions. Reste à en dessiner les frontières : le débat – si

l’on se remémore le simple fait de supprimer le numéro de départe-ment sur les plaques minéralogiques – promet d’être explosif. La ministre de la Décentralisation, Marylise Lebranchu, a pris soin de déminer le terrain en ne situant pas le nombre des régions parmi les « débats majeurs ». Pour inciter les collectivi-tés à franchir le pas d’elles-mêmes, un système d’incitations fi nancières devrait être privilégié. Ces nouvelles

régions devraient sortir renforcées de ce projet : telles de petits parle-ments, leurs compétences seraient

renforcées et elles auraient le moyen d’en déléguer une partie. Le grand absent du discours est bien le conseil général, dont on n’annonce pourtant pas la mort. Il serait bien utile dans les zones rurales, là où les métropoles n’ont pas lieu d’être.

Bien embêtéBon nombre des 21 présidents de région socialistes ont fait savoir leur circonspection. Le gouverne-ment marche sur des œufs et tente déjà d’arrondir les angles. Le chef de l’opposition n’a pas autant de scrupules et Jean-François Copé milite de son côté pour la suppres-sion complète des conseils géné-raux qui, dit-il, devraient fusionner avec les conseils régio-naux. Selon lui, l’économie réalisée atteindrait plus de 10 mil-liards d’euros. Jean-Pierre Raffarin, sénateur UMP de la Vienne, est lui plus embêté pour se démarquer du

Ce fut l’une des grandes annonces de la conférence de presse de François Hol-lande en ce début d’année : simplifier le découpage de la France, alléger les structures territoriales, regrouper les forces et les moyens dans le but de réduire les dépenses publiques.

Avant que François Hollande annonce son chantier pour réviser l’organisation territo-riale de France, nous avions choisi d’interroger Jacques Attali sur sa vision du fameux « millefeuille administratif »

français, une question qu’il aborde sans détour dans son ouvrage « Urgences françaises », paru chez Fayard en juin dernier.

E t d’urgence il s’agit bien, les décideurs politiques se refi lant la patate chaude de la réforme des collecti-vités depuis quelques mandats. Alors que 2013

s’achève sur l’adoption de la loi métropoles, il est temps d’étudier la nécessité de conserver autant de strates,

bien qu’un projet en amont eu paru plus cohérent.« Je pense qu’il est très urgent de remettre à plat non pas les impôts, ce qui me paraît illusoire, mais les dépenses, nous explique Jacques Attali. Il faut repenser les dépenses publiques dans la structure de l’État. La suppression du département me paraît une mesure à la fois symbolique et absolument nécessaire : on peut imaginer de maintenir les départements dans les zones qui n’ont pas de grande agglomération, mais confi er aux agglomérations les fonctions du département et suppri-mer la folie qu’a été le rétablissement de la compétence générale des collectivités territoriales me paraît impératif. »Une répartition des tâches simplifi ée, claire, permettant à chaque administré d’identifi er facilement son interlo-cuteur lui semble indispensable. « Il faut remettre en cause la compétence générale des collectivités territo-riales qui a été rétablie récemment. Tout le monde ne

Jacques Attali, « Il faut remettre à plat les dépenses publiques »

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Ces nouvelles régions devraient sortir renforcées de ce projet : leurs compétences seraient renforcées et elles auraient le moyen d’en déléguer une partie.

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La Lettre du cadre territorial • Février 2014 21

ACTUALITÉ

projet de la majorité. Son projet reprend les mêmes lignes, défen-dant l’idée de ne conserver que huit grandes régions et de suppri-mer les seuls départements qui sont en concurrence avec des métropoles comme Paris, Lyon, Marseille…

Comme en GrècePour la gauche de la gauche, l’idée de supprimer des échelons locaux équivaut à supprimer un pan de la démocratie locale. Pierre Dharréville, responsable de la commission « République, Démocratie et Institutions » au PCF, compare ce projet à ce qu’a vécu la Grèce : « au plus fort de la crise, c’est à une réduction drastique de la démocratie que nous avons assisté sous l’impulsion de la troïka, par le biais du programme Kallikratis (réduction du nombre de mairies de deux tiers, passage de 57 départe-ments à 13 régions et compression des budgets des autorités locales…). Pour les marchés fi nanciers, la démocratie locale est un obstacle,

une perte de temps, une dépense inutile. Les services publics locaux assurant la réponse aux besoins quotidiens et la solidarité, eux, sont devenus une cible pour contenter les appétits du Medef. La décentrali-sation est désormais aux oubliettes avec la démocratie locale, tandis que l’État se réorganise autour de grands-duchés ».Du côté de Jean-Pierre Chevènement, président d’honneur du MRC, « cette « länderisation » de la France contribuerait à l’effi lochage de l’État. Celui-ci ne serait plus que l’échelon national dans une Europe post-démocratique vouant les nations à la dissolution ». Le président du MRC Jean-Luc Laurent estime pour sa part que cette « fuite en avant régionaliste est une voie dangereuse ». L’année 2014 s’an-nonce riche en débats pour les collectivités territoriales. ◆

Marjolaine Koch

peut pas avoir le droit de faire tout et n’importe quoi. La seule collectivité territoriale qui pourrait avoir la compétence générale, c’est la commune, ou bien l’agglomération, mais les autres doivent rester ultra-spé-cialisées. Il faut supprimer le département, et avant de diminuer le nombre de fonctionnaires, réfl échissons aux dépenses de transfert et les dépenses d’investisse-ment aux collectivités territoriales. Il existe encore beaucoup de gaspillages. Par exemple, la politique du logement est un gaspillage qui ne favorise pas la construction de logements. Si l’État reprenait la compétence du permis de construire ou au moins du COS, cela permettrait d’avoir, sans aucune dépense supplémentaire, la possibilité de construire plus. Pour le cas de Paris, on pourrait construire au-delà de 21 mètres de haut, cela ne coûterait pas un sou et cela dégagerait des potentialités de construction absolument considérables. L’économie première n’est pas à faire sur les emplois, elle est à faire sur les gaspillages de

transferts et d’investissement collectif des collectivités territoriales. »À l’heure où les Français sont mis à contribution pour redresser le pays, au moyen du relèvement des divers impôts et taxes, il serait en effet de bon ton de rationali-ser le fonctionnement administratif de l’État en profon-deur. À la question de savoir si le fait de s’attaquer à un tel dossier serait fédérateur pour le président, Jacques Attali balaye ce terme : « Je ne crois pas qu’un président de la République qui est élu pour 5 ans ait besoin d’être fédérateur. Il a 5 ans, il doit agir et, s’il est impopulaire, c’est tant mieux. Quand on est impopulaire, autant mériter son impopularité par des réformes importantes. Je pense que ce président en a les moyens. Mais penser à faire des réformes populaires en permanence… En France, ce qui est fédérateur c’est ne rien faire, lorsque chacun défend sa petite rente. Une cote de popularité basse doit être la conséquence de réformes importantes et on ne doit pas s’en occuper. » ◆

© RICHARD VILLALON - FOTOLIA.COM

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ACTUALITÉ

22 La Lettre du cadre territorial • Février 2014

ADMINISTRATEURS

Inet : une école d’élite pour l’élite ?

Depuis vingt ans, 600 des 800 anciens élèves, de l’Institut national des études territo-

riales (Inet) ont répondu à l’enquête réalisée par 11 élèves de l’actuelle promotion Paul Éluard visant à connaître leurs profi ls et leurs origines sociales. « Cette enquête a pour hypothèse que les administra-teurs territoriaux concours n’échappent pas au principe de reproduction sociale », indiquent en préambule les auteurs. Effectivement, les résultats infi rment le présupposé d’un égal accès aux emplois publics et montrent que cette école (elle non plus) ne déroge pas au principe de reproduction des élites.

Fils et fi lles de cadres sup’…Les catégories socioprofessionnelles « cadres et professions intellec-tuelles supérieures » s’avèrent surreprésentées parmi les parents et grands-parents des lauréats. Ainsi 48 % des pères des élèves sont de CSP + à l’entrée de ceux-ci à l’Inet, pour seulement 12 % dans la population française entre 2003 et 2010. Ils sont mêmes 57 % si l’on compte les cadres retraités. Ce clivage se retrouve chez les mères d’élèves, avec 31 % de CSP + pour 7 % dans la population totale (34 % avec les cadres retraités). Les CSP + sont également les premières représentées chez les grands-parents (22 %). Et ces chiffres s’envolent

concernant les lauréats du concours externe : 65 % indiquent avoir un père et 40 % une mère cadre ou exerçant une profession intellec-tuelle supérieure. Parmi les lauréats du concours interne et du troisième concours, la part des pères de CSP +, plus modeste, est tout de même de 50 %, celle des mères de 25 %. À l’inverse, les catégories « employés », « ouvriers » et « sans activité » ne représentent que 8 % de l’ensemble des lauréats, pour 42 % en France. « Si un élève administra-teur a peu de chances d’avoir un père ouvrier au moment de l’entrée à l’Inet, celles d’avoir un père chô-meur sont quasiment nulles, alors même que depuis 1977, cette

L’école des dirigeants territoriaux assure-t-elle la diversité sociale dans l’accès aux fonctions d’en-cadrement de la FPT ? Alors que la question fait partie des préoccupations du CNFPT, une étude réalisée par des élèves administrateurs apporte une réponse : l’Inet ne fait pas mieux que l’Ena…

La classe prépa intégrée à l’Inet… désintégrée ?Jean-Christophe Baudouin a remis, le 18 décembre 2013, au président du CNFPT qui le lui avait commandé, son rapport sur la promotion de la diversité sociale dans l’accès aux fonctions d’encadrement de la FPT.

Une proposition loin d’être acquise

Issu des réfl exions d’un groupe de travail composé de cadres territoriaux, d’universitaires et de responsables du Réseau des écoles du service public, ce rapport préconise la création d’une classe préparatoire intégrée (CPI) à l’Inet. « De telles classes existent pour la plupart des concours d’État de catégorie A et A +, pour la fonction publique hospitalière et pour la magistra-ture, avec le succès que l’on sait », justifi e l’ancien président de l’Association des administrateurs territoriaux de France (AATF).Cette proposition sera-t-elle retenue par le CNFPT dont le CA doit examiner le rapport, le 19 février prochain ? C’est loin d’être acquis. Interrogé, l’établissement se montre plutôt sceptique quant à l’effi cacité du dispositif : « une telle classe existe pour l’accès à l’Ena et les résultats ne sont pas encourageants. Aucun élève n’a réussi le concours d’entrée. Du reste, la problématique des A + n’est pas forcément prioritaire dans la démarche de diversifi cation », estime un haut responsable du CNFPT.

« Il est plus que temps d’avancer »

« C’est tout de même étonnant de disqualifi er un dispositif en vertu des résultats observés pour un seul concours, fût-il celui

de l’Ena », observe Jean-Christophe Baudouin, qui rappelle qu’en majorité les élèves des CPI réussissent un concours de catégorie A. « Ces classes ne peuvent effectivement à elles seules effacer, en une ou deux années de formation, les écarts produits en amont, des années durant. Pour autant, permettre à certain(e) s que l’origine sociale et le parcours de formation ne destinaient pas a priori à réussir un concours de catégorie A, d’y parvenir, et bien, pour moi, ce n’est pas une réussite mineure. Il est plus que temps d’avancer et aujourd’hui, la création de CPI reste la seule modalité opérationnelle et immédiate permettant d’accroître la diversité sociale des recrutements par concours ». Le groupe de travail qui souhaite que le dispositif ne se restreigne pas aux seuls administrateurs territoriaux, estime son coût entre 250 000 et 300 000 euros par an.« Le rapport servait à lancer le travail. Nous sommes déterminés à avancer » explique-t-on au CNFPT. François Deluga, devrait annoncer, lors du CA du 19 février, un ensemble d’orientations pour élargir la base des recrutements. Parmi celles-ci, la pro-position d’une démarche de travail concerté avec les régions, destinée à favoriser l’apprentissage, et de nouvelles pistes sur les concours de rédacteur et d’attaché auxquels se présentent peu de jeunes de milieu défavorisés. Gageons qu’elles voient le jour. Le principe républicain d’égal accès à la fonction publique a tout à y gagner.

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La Lettre du cadre territorial • Février 2014 23

ACTUALITÉ

catégorie est celle qui a le plus augmenté » relèvent les auteurs du rapport.

… et de hauts fonctionnairesL’hypothèse de la reproduction des élites est confi rmée avec force au regard de la répartition des parents cadres et professions intellectuelles supérieures. La fonction publique est largement en tête puisque les cadres de la fonction publique et les professeurs et professions scienti-fi ques sont les deux premières CSP des pères et des mères. Cette prééminence des métiers du secteur public se retrouve également pour les professions intermédiaires. Parmi les parents cadres de la fonction publique, une mère sur cinq et un père sur trois était haut fonction-naire à l’entrée de l’élève à l’Inet. Par

ailleurs, les catégories très supé-rieures, au capital économique et/ou culturel le plus important, sont surreprésentées par rapport à la population française, dans des proportions de 1 à 5 chez les mères et jusqu’à 1 à 12 chez les pères.Ces résultats viennent alimenter la réfl exion en cours au CNFPT. Son président, François Deluga, a récemment reçu les conclusions du groupe de travail réuni à sa demande, et animé par Jean-Christophe Baudouin, ancien

président de l’AATF et actuel directeur général de l’ADF, sur la promotion de la diversité sociale dans l’accès aux fonctions d’enca-drement de la FPT (1). Le conseil d’administration du CNFPT doit se prononcer sur ses propositions. Gageons qu’elles feront progresser l’égalité républicaine. ◆

Jean-Christophe Poirot(1) Leader, in La Lettre du cadre territorial n° 454, décembre 2012.

Des élèves engagés27 % des anciens élèves de l’Inet interrogés déclarent avoir été adhérents à un parti politique, alors que 2 à 3 % seulement des Fran-çais sont « encartés ». Ce chiffre monte même à 39 % pour les cinq dernières promotions. Militants, les élèves le sont aussi pour les associations : 43 % des lauréats ont eu des activités bénévoles ou associatives, en majorité à vocation sociale (33 %).

L’ÉTUDE :www.cnfpt.fr/sites/default/fi les/etude_profi ls_des_eleves_administra-teurs_inet.pdf

SUR LE WEB

Un élève administrateur a peu de chances d’avoir un père ouvrier à son entrée à l’Inet. Celles d’avoir un père chômeur sont quasi nulles.

Part des pères d’EAT de chaque CSP au regard des répartitions des CSP des hommes de France

Part des mères d’EAT de chaque CSP au regard des répartitions des CSP des femmes de France

Agriculteurs exploitants

Agriculteurs exploitants

Hommes (France 2003-10)

Artisants, commerc.

chefs d’entrepr.

Artisants, commerc.

chefs d’entrepr.

Cadres, prof. intell.

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Cadres, prof. intell.

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Prof. intermé-diaires

Prof. intermé-diaires

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Pères d’EAT Femmes (France 2003-10) Mères d’EAT

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24 La Lettre du cadre territorial • Février 2014

REGARDS CROISÉSRDS CROISÉS

V. VINCENZO

Tous les mois, au hasard de rencontres, de lectures, de conversations, Nicolas Braemer, rédacteur en chef de « La Lettre du cadre » et Jacques Paquier, rédacteur en chef délégué de « La Gazette des communes » réagissent et commentent… à quatre mains.

La poutre est dans mon œilJ’échange régulièrement sur Twitter et par mail avec Laurence Malherbe, la présidente de l’ADT/Inet. Elle est une des rares à réagir régulièrement à ce que je publie dans La Lettre. J’en profi te pour la remer-cier. Dans son dernier message, elle m’alerte : « je m’étonne un peu, dit-elle, que sur le premier numéro de la nouvelle version, il n’y ait que 5 femmes sur les 22 contributeurs, dont les noms fi gurent en page 4 ». Et elle a raison : moi qui peste contre le machisme rampant des organisations de travail, je serais bien avisé de faire en sorte que les femmes soient plus présentes dans mes colonnes. Qu’on me rappelle à l’ordre si je ne progresse pas sur ce point…

L’intérêt généralLe feuilleton des emprunts toxiques se poursuit. Aux dernières nouvelles, Bercy travaille à une nouvelle mouture du dispositif de validation de l’absence de TEG, censurée par le Conseil constitu-tionnel et qui fait planer de nouveau un risque, sys-témique ou non, important pour le budget de l’État, actionnaire de la Sfi l… L’avocat Marc Le Son, expert du sujet, me glisse son idée : augmenter la taxe sys-témique appliquée aux banques, afi n qu’elles paient pour leurs méfaits.

Métropole = impôts ?Je discute avec Patrick Martin-Genier, maître de conférences à l’IEP de Paris. Cet auteur régulier de La Lettre est très critique sur les conditions dans lesquelles la métropole lyonnaise a été « dealée » entre le maire de Lyon et le président du CG. Il critique en particulier le transfert des dettes toxiques et son impact non négligeable sur le budget de la métropole, avec augmentation des impôts locaux à la clé. C’est un paradoxe, me dit-il, quand on déclare qu’on veut que l’intercommunalité permette de faire des économies. Sa proposition : que le département demande d’abord l’aide du fonds de soutien de l’État, qu’on vérifi e ensuite que l’aide accordée permette de neutraliser le coût pour le contribuable et qu’enfi n seulement, quitte à prendre davantage de temps, on se lance dans l’aventure métropolitaine.

L’épaisseur du traitJérémie Bjaï, le DGS d’Écuelles (Seine-et-Marne) me livre le constat que tous ses pairs font avec lui. Alors que l’on ne parle que d’économie à trouver, la part sur laquelle les efforts des collectivités portent demeure égale à l’épaisseur du trait. « On mène des politiques ambitieuses et novatrices, réduisant hélas seulement nos coûts de quelques milliers d’euros, sur les espaces verts par exemple. Et à côté, l’essentiel de notre budget nous échappe »…

Les aléas des mutualisationsUn ami DG me donne un nouvel exemple des aléas de la mutualisation intercommunale, limpide. Sa commune, située dans le sud est de la France, a mutualisé les transports scolaires avec les autres communes du groupement. Sage déci-sion. C’est désormais l’interco qui gère cette compétence, au mieux, on l’imagine. Sauf que les deux chauffeurs des cars de la commune concernée n’ont pas été, eux, transférés. L’interco avait en son sein les effectifs suffi sants. Mon ami DG, aux dernières nouvelles, cherchait une occupation pour ces deux conducteurs privés de leur outil de travail.

Quel rôle pour les agences techniques départementales ?Nous échangeons avec Bruno Allenbach, DGS de Brunstatt, et Philippe Dupuis, juriste qui intervient beaucoup en collectivités et au CNFPT, et écrit régulièrement dans La Lettre. Les deux coordonnent les Fiches pratiques de l’administration territoriale et ont donc une bonne vision des préoccupations des petites collectivités. Philippe Dupuis nous dit constater que les ATD sont en train de muter pour devenir de vrais conseils juridiques auprès des petites mairies et intercos. L’idée est, bien sûr, de remplacer cette activité de conseil qui venait des sous-préfec-tures et qui achève de disparaître corps et âme avec la réforme de l’État. Bruno Allenbach, lui, est plus sceptique sur l’utilité de ces agences car il observe qu’elles ne répondent pas toujours aux collectivités. De toute façon, souligne Philippe Dupuis, va se poser à court terme la question de leur fi nancement, car on n’est pas sûr que ce nouveau rôle de conseil pourra survivre aux diffi cultés fi nancières des départements.

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Une sélection des meilleurs articles publiés sur le site

LA MAISON QUI BRÛLEUn chef des pompiers s’inquiète de « l’agres-sivité » des assureursLe chef des pompiers de la Haute-Garonne s’est alarmé lundi d’un « com-portement agressif » des assurances, qui se retournent de plus en plus souvent contre les services d’incendie en cas de dégâts importants.

http://www.lettreducadre.fr/7825

TOUT CHAUDMunicipales : dernières infos sur les candidatsCandidats, petites phrases, dernières minutes. Voici ce que l’actualité des derniers jours nous offre en matière de municipales.

http://www.lettreducadre.fr/7861

SERREZ À GAUCHE !« La gauche doit réhabiliter les luttes d’intérêt »Sophie Heine, Docteur en sciences politiques, maître de conférences à Queen Mary, University of London, chercheure-associée à l’univer-sité d’Oxford, est l’auteure d’ « Oser penser à gauche » (Éditions Aden). Elle ne cesse d’interro-ger la gauche sur ces deux notions : la liberté et l’individu.

http://www.lettreducadre.fr/7831

PÉPETTES

Les salaires des fonctionnaires « ne seront pas gelés » jusqu’à la fi n du quinquennat

C’est plutôt une bonne nou-velle et c’est Marylise Lebran-chu qui vient de l’annoncer : le point d’indice, gelé depuis 2010 et qui sert de base au calcul des salaires des fonc-tionnaires, ne sera « pas gelé jusqu’à la fi n de la mandature ».

http://www.lettreducadre.fr/7865

LES PLUS LUS

1 Loi Valls, 3 mois d’enferhttp://www.lettreducadre.fr/7683

La liberté d’expression ou la morthttp://www.lettreducadre.fr/7663

Agir pour garder confi ance en soihttp://www.lettreducadre.fr/7549

Il faut se libérer de la croissancehttp://www.lettreducadre.fr/7548

Projet de loi Décentralisation résumé en 8 pointshttp://www.lettreducadre.fr/7697

Il n’y a pas de managers parfaitshttp://www.lettreducadre.fr450

La chasse aux directeurs n’aura peut-être pas lieuhttp://www.lettreducadre.fr/7599

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territoires.gouv.fr@territoires: «La bonne échelle pour l’élaboration des documents d’urbanisme est l’échelle intercommunale», affi rme @CecileDufl ot #DirectAN #ALUR #PLUi3:35pm, Jan 16 à partir de TweetDeck

@philippeandrieu:@territoires@Lettre_du_cadre@CecileDufl ot Généralisons les SCoT ! Le PLUi sonnerait le glas des communes !5:41pm, Jan 16 à partir de Twitter for Android

@EUP_leprojet:@philippeandrieu @territoires@Lettre_du_cadre @CecileDufl ot Ne dîtes pas n’importe quoi ! Roubaix, Bègles, Villeurbanne existent toujours.9:47pm, Jan 16 depuis le web

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À LA UNE

Restez dans une dynamique positive

Les conseils des collègues pour, dès l’entretien préalable, trouver les bons outils qui vous permet-

tront de maximiser vos chances de rester dans le coup.

Rester acteur et rebondirNe comptez ni sur vos élus, ni sur les collègues qui vont vous rem-

placer. Mais mettez tout en œuvre pour, dès l’annonce de votre

décharge, trouver au plus vite un autre poste.

AVANT LES ÉLECTIONS

Soyez lucides !La décharge, ça peut arriver à

tout le monde. Mais le sentiment d’injustice qui accompagne forcé-ment cette disgrâce ne doit pas

empêcher d’agir.

DOSSIER RÉALISÉ PAR SÉVERINE CATTIAUX

COMMENT PROFITER DE SA DÉCHARGE DE FONCTION

Que vous héritiez d’un nouveau maire ou président, ou que le vôtre soit réélu (eh oui, aussi… !), votre emploi

fonctionnel pourra vous être retiré au lende-main des élections municipales. Dans le meilleur des cas, on vous le dira les yeux dans les yeux. Mais souvent, on tentera de vous faire comprendre qu’il faudrait aujourd’hui une direction générale plus jeune, plus mûre, plus féminine, moins fonceuse, ayant plus d’expérience et de doigté… bref, tout ce que vous n’êtes pas ou plus mais qui convenait parfaitement… hier !

Non, ce n’est pas juste… !Dans le cas le plus fréquent quand même, c’est le changement de majorité politique qui conduit au changement de DGS. Vous pourrez dire au nouveau maire « j’ai toujours été très correct avec vous quand vous étiez dans l’opposition en vous donnant, par exemple, les informations que je pouvais vous trans-mettre sans problème » et vous voir répondre « effectivement, vous m’avez toujours bien accueilli avec la réserve nécessaire et j’aurais apprécié votre loyauté… si j’avais été maire de la commune », mais « pour mon équipe, mes

Rester sur place. Oui mais…Pour celles et ceux qui, pour des raisons familiales, d’âge… (surtout pour ceux qui ne sont pas concernés par le congé spécial – voir encadré page 28) n’ont pas ou n’aspirent pas à une mobilité géographique, le choix de rester dans la même collectivité doit faire l’objet d’une grande prudence. En ayant été DGS de la collecti-vité, il vous sera très diffi cile de voir sous vos yeux se mettre en place une nouvelle organisation, d’observer les « jeux » de vos précédents collaborateurs pour trouver leur place dans ce nouveau système… Votre bureau pourra devenir celui des pleurs, des exclus… des revanchards. Il est donc nécessaire que vos futures fonctions aient une distance importante avec la précédente, y compris physique. Atterrir dans un satellite de la collectivité est donc préférable à la direction d’un service de la précédente collectivité… pour tout le monde.

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colistiers, vous êtes l’image même de la majorité passée et le changement com-mence… par votre départ ». Plus diffi cile sera l’annonce si elle vient de « votre » maire sortant !L’injustice ressentie, la dimension affective… surprennent toujours ceux ou celles qui tentent d’accompagner un collègue dans ce véritable drame vécu notamment pour celles et ceux qui n’ont pas intégré que ce poste de DGS n’est qu’un moment de leur carrière (sans parler évidemment de plan de carrière). Un DGS déchargé peut être davantage abattu qu’un maire ayant perdu les municipales ! Du coup, ce sentiment d’injustice peut pousser à tout mettre en œuvre pour que la procédure de décharge de fonction ne soit pas correcte-ment réalisée, pour la mettre en échec… Mais ce sera la plupart du temps contre son propre intérêt. Conclusion ?

Se mettre en position « départ »En effet, si les procédures de décharge de fonction sont précises et bien rodées, il est parfois surprenant de découvrir des DGS peu

au fait de celles-ci. Un appui auprès d’un centre de gestion ou du syndicat des DGS pourra être fort utile pour préciser certains points, notamment dans le cadre des délais de mise en œuvre. Si toute la procédure doit être respectée, il faut mieux consacrer toute son énergie à rebondir plutôt qu’à contester une motivation de la décharge qui vous apparaîtra toujours trop exagérée. Enfi n, il vous faut de front attaquer votre « environnement familial et fi nancier » en discutant avec vos proches des marges de manœuvre dont vous disposez dans votre évolution professionnelle. Fort de tous ces éléments, vous serez mieux armés pour retrouver un autre poste. ◆

• Accepter le poste de reclas-sement, sous peine de risquer une procédure pour abandon de poste.

• Faire appel à un soutien psychologique et professionnel : CNFPT, centre de gestion, Syndicat des DG.

• S’isoler, rompre avec une dyna-mique positive.• Tenter d’entra-ver la procédure de décharge de fonction : cette résistance se fera souvent contre le propre intérêt du DGS.

À FAIRE

À ÉVITER

RÉAGISSEZ SUR LE FIL !Partagez votre expérienceet donnez votre avis sur Twitter :@Lettre_du_cadre

SUR LE WEB

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À LA UNE

Accompagner l’installation de la nou-velle équipe municipale tout en négociant convenablement les condi-

tions de son départ peut paraître schizophrénique.

Il faut savoir rebondirIl s’agit pourtant de l’attitude « idéale » : celle qui vous permettra de réussir pleinement à vous relancer. L’annonce offi cielle de votre départ dans les mois à venir devrait, dans le meilleur des cas, aller de pair avec l’accepta-tion d’un dispositif (protocole, accord…) qui vous permettra de vous absenter régulière-ment, de voir vos frais de déplacement remboursés, voire de bénéfi cier d’un

coaching pour trouver ailleurs un emploi (un « investissement » dont la « rentabilité » peut être rapidement démontrée à des nouveaux élus).

Le temps compte !Aucune collectivité n’est épargnée par cette envie de changement. L’intercommunalité « nouvelle formule » n’y échappera pas cette année, contrairement sans doute aux épisodes précédents. Vous ne devrez pas être surpris que des nouveaux élus aient déjà « sous la main » une équipe de direction prête à prendre en charge cette nouvelle mandature. Les cabinets de recrutement auront beaucoup travaillé dans les périodes précédant les élections et toute commande signée après l’élection du maire pourra « être livrée en un temps record ». Ne comptez pas non plus sur la courtoisie ou la confraternité de collègues choisis pour vous succéder alors que vous-même attendez toujours d’être informé de votre décharge de fonction par le premier

ANTICIPEZ

Ne comptez ni sur vos élus, ni sur les collègues qui vont vous remplacer. Mais mettez tout en œuvre pour, dès l’annonce de votre décharge, trouver au plus vite un autre poste.

SOYEZ ACTEUR DE VOTRE DÉCHARGE

28 La Lettre du cadre territorial • Février 2014

« Les élus n’ont pas pris leurs responsabilités »J’étais DGS dans une collectivité. Le personnel m’a fait mener une vie infernale, dans un contexte de surcharge de travail ambiant, donc propice aux tensions. Bien que les élus aient toujours reconnu mon professionnalisme, ils n’ont pas pris leur res-ponsabilité. Ils ont choisi d’engager un audit, qui, de mon point de vue, n’a fait qu’entretenir la crise. Pour sortir de cette situation invivable, j’ai alors demandé personnellement qu’on mette fi n à mon détache-ment, puisque je ne voyais plus les dossiers mais en avais toujours la responsabilité. Je suis à présent sur un autre poste, dans cette collectivité. De là, à dire que ma situation est entièrement stabilisée…

Témoignage anonyme

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magistrat ou le président. Rares sont ceux qui prendront leur téléphone pour échanger avec vous sur ce sujet (il faut dire que cela est fort désagréable d’annoncer à un collègue qu’il va être viré) et peu nombreux sont ceux qui s’inquiéteront de votre sort et prendront la peine de vous donner les moyens de rebondir (mais cela existe quand même).Alors, occupez-vous de vous dès aujourd’hui : un CV remis d’actualité au cas où ; un petit tour dans des cabinets de recrutement différents pour vous faire connaître (surtout si vous n’êtes pas sorti de votre collectivité pendant 6 ans), lors de speed dating profes-sionnels ou sur rendez-vous (les cabinets ne sont pas encore surchargés jusqu’à fi n février), vous donneront un peu la pêche pour prépa-rer l’avenir… courage ! ◆

La Lettre du cadre territorial • Février 2014 29

« Une période diffi cile qu’il faut consacrer à sa recherche d’emploi »Je travaille depuis quelques mois dans une nouvelle collectivité. J’ai retrouvé un poste très vite, j’ai eu de la chance… En 2013, l’adjoint du maire qui devait prendre sa succession m’explique qu’il compte poursuivre avec moi… Quelques mois plus tard, le maire me convoque m’annonçant ma décharge de fonction, la raison étant qu’il veut placer une personne de sa connaissance… Je ne m’y attendais pas du tout, forcément. Cette période fut diffi cile. Je me consacre alors à ma recherche d’emploi, en accord avec le maire, qui souhaite me voir partir. J’ai retrouvé suffi samment vite pour que le maire annule fi nalement la procédure de décharge. Un conseil : ne pas rester seul, s’entourer, avoir le syndicat à ses côtés. Il faut garder le moral, aller aux entretiens et se blinder, comme si tout allait bien. Témoignage anonyme

Faire prendre en charge un coaching pour reprendre piedJ’étais DGS dans une commune où le maire avait été mis en diffi culté à quelques reprises. Peu avant que mon contrat d’emploi fonctionnel de DGS arrive à terme, j’apprends sur mon répondeur téléphonique, qu’il ne sera pas reconduit… Coup de tonnerre. Je contacte le syndicat, qui m’accompagne lors de l’entretien préalable, où je m’entends dire que j’ai servi de fusible… Mon employeur accepte de prendre en charge un coaching, qui me remet le pied à l’étrier… Chose que je n’aurais pas eu l’idée de réclamer, car j’étais très affecté. J’ai retrouvé un tra-vail assez vite, dans un nouvel univers, mais dans une autre zone géographique. Avec le recul, je dirais que ce qui m’arrive est positif : attaché principal, j’étais, au niveau carrière, arrivé au taquet. Ici, de nouvelles perspectives s’offrent à moi, avec des missions très intéressantes… Mais je reste marqué par ce qui m’est arrivé. À l’avenir, je pense que je vais être davantage en retrait vis-à-vis du politique, qui est toujours très exigeant, vous en demande toujours plus, sans vous renvoyer l’ascenseur…

Témoignage anonyme

• Accepter des missions d’inté-rim diverses, participer aux activités du centre de gestion pour rester en contact avec le monde professionnel.

À FAIRE

À ÉVITER

• Tenter d’avoir le dernier mot lors de l’entre-tien préalable. Les raisons du maire seront toujours les plus fortes.• Croire que le collègue choisi aura la courtoisie de vous informer de votre décharge de fonction.

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30 La Lettre du cadre territorial • Février 2014

À LA UNE

• Faire respecter le délai de 6 mois avant la décharge : il s’agit de préparer ses forces en vue de l’entretien préalable

• Veiller à la bonne et due forme de la convocation à l’entretien préalable.

À FAIRE

À ÉVITER

I l y a de l’eau dans le gaz entre vous, DG, et l’autorité territoriale. Dès les premiers signes avant-coureurs, consultez vos pairs,

le syndicat des DG, ne restez pas seul avec vos doutes. Premier conseil de Bernard Bézard : « ayez à l’esprit l’article 53 de la loi du 26 janvier 1984, et la durée légale des six mois, après une élection, prévue pour se connaître, avant que ne puisse être engagée une procédure de fi n de détachement… ».L’employeur veut souvent aller vite, mais vous gagnerez à faire respecter les délais, pour réunir toutes ses forces, et vos atouts, en vue de l’entretien préalable. « En attendant : ne quittez pas votre poste, ne partez pas en guerre, n’alimentez pas les charges contre vous… » exhorte Bernard Bézard.

Pensez d’abord à tirer votre épingle du jeuVeillez à ce que la convocation à l’entretien préalable soit faite en bonne et due forme

(courrier avec accusé de réception, une lettre avec un « objet » qui ne laisse aucun doute). C’est au cours de cet entretien que tout se joue… À vous de négocier la suspension du processus de fi n de détachement, pour une demande de mobilité externe (le plus souvent). Pour cet entretien, il est souhaitable de se faire accompagner d’un syndicat. Au cours de l’entretien, c’est le moment de s’expliquer sur les arguments motivant « la perte de confi ance » invoquée par le maire. Profi tez de l’entretien, pour consulter votre dossier individuel (c’est votre droit). Mais, ne comptez pas avoir le dernier mot. « La vraie motivation de votre fi n de détachement sera rarement avouée » (dixit Bernard Bézard). Pensez à tirer votre épingle du jeu, plutôt qu’à réparer votre honneur… Après tout, comme le rappelle Annie Letty Keribin, « Quand les relations ne se passent plus bien. C’est le DG qui doit partir… ». Développez votre stratégie lors de cet entretien, exposez un projet de mobilité, de formation, ou, vous n’en

Les conseils de deux spécialistes de la décharge : Bernard Bézard, conseiller technique, chargé de l’animation du réseau de médiation du Syndicat des DG depuis trois ans et Annie Letty-Keribin, directrice générale adjointe du CDG29.

GARDER LA POSITIVE ATTITUDEPAROLES D’EXPERTS

Du bon usage des solutions « défi nitives »Parmi les solutions qu’un DGS déchargé de fonction peut envi-sager, il en existe deux qui ont un caractère « défi nitif ».

• Le licenciement :L’indemnité de licenciement est calculée en fonction de son ancienneté mais ne peut dépasser deux ans voire, depuis peu, un an si vous êtes à quelques années de la retraite. Enfi n, comme l’a confi rmé un arrêt récent du Conseil d’État sur le sujet (n° 364654, 6 novembre 2013) le cumul de cette indem-nité avec une allocation mensuelle pour perte d’emploi est désormais impossible. Si quelques DGS ont pu profi ter de cette « imprécision » pendant quelques années en attendant l’âge de la retraite, il est désormais important de refaire ses calculs.

• Le congé spécial :Il est désormais possible à 57,5 ans (au lieu de 55 ans précédem-

ment) pour une durée maximale de 5 ans. Il s’arrête si vous avez atteint l’âge limite de départ à la retraite et l’ensemble des tri-mestres nécessaires pour y prétendre. Votre salaire est calculé sur le dernier indice de votre grade (et non de la fonction) sans régime indemnitaire lié à vos fonctions. Un cumul d’emploi dans la sphère publique entraînera de la part de votre employeur la déduction totale des revenus encaissés et pour une part moins grande s’ils proviennent du privé, avec une obligation semes-trielle de déclaration dans les deux cas.Ces deux « pistes » peuvent s’envisager sérieusement si vous êtes proche de la retraite ou si vous avez un projet solide hors fonction publique territoriale. Elles sont une transition « tranquille » vers une retraite bien méritée à l’heure ou nos élus (y compris parmi les plus vieux) font aussi preuve de jeunisme dans leurs recrutements.

• Croire que travailler dans une interco vous protège contre la décharge de fonction : ce temps-là est fini.

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La Lettre du cadre territorial • Février 2014 31

savez rien encore… Alors, demandez à votre futur ex-employeur un coach pour vous y aider ! Ce n’est pas possible ? Si ! « Notre syndicat a mis en place un protocole d’accord, une sorte de contrat de confi ance « type Darty », où l’on se donne du temps. Le maire accepte de faire accompagner le DG d’un coach, d’un cabinet de recrutement… ». N’est-ce pas aussi dans l’intérêt du maire que son DG parte, heureux, sans faire de vague ?

« Restez dans une dynamique positive »« L’emploi fonctionnel : c’est une chance, rappelle Annie Letty-Keribin. Au lieu de l’enlisement qui aboutit à un arrêt maladie… la réglementation a, ici, prévu un processus : maintien en surnombre et prise en charge par le centre de gestion ou le CNFPT ». La réglementation a aussi prévu de « recaser », au sein de la collectivité, le fonctionnaire déchargé, sur un emploi vacant correspondant à son grade… Il est alors tenu de l’accepter sous peine d’être taxé d’abandon de poste. Un plan B parfois préférable, quand le fonction-naire ne peut absolument pas déménager pour raison familiale… Méfi ance toutefois : Bernard Bézard a rencontré plus d’une mise au placard, et mission pipeau…Pas de poste vacant ? Le fonctionnaire est mis en surnombre durant un an (cette période démarrant au début du 3e mois qui suit

l’information au conseil de la fi n du détache-ment). « C’est le moment de se poser la question : est-ce que c’est encore cela que je veux faire? ou d’envisager une reconversion, une spécialisation… » lance Annie Letty-Keribin. Pendant cette période d’inactivité, le fonctionnaire est rémunéré sur son grade. Il ne lui reste qu’à mettre tout en œuvre pour retrouver un emploi. « Mais durant cette période, ne vous isolez surtout pas, restez dans une dynamique positive. Si besoin, ayez recours à un soutien psychologique et profes-sionnel, via le CNFPT, le centre de gestion ou le Syndicat des DG ». Le CDG29 propose aux agents, sans obligation, des missions d’intérim diverses, la participation même à ses activités, pour maintenir une relation de proximité forte et « éviter une relation de type Pôle emploi ». Quant au syndicat des DG, depuis 2013, il resserre ses liens avec les cabinets de recrute-ment, pour épauler les DG dans leur recherche d’emploi… ◆

« Êtes-vous en règle avec votre emploi fonctionnel ? »Le détachement sur emploi fonctionnel est d’une durée limitée dans le temps à 5 ans. À l’issue de ce délai, il doit être impérativement renouvelé par accord des deux parties explicitement (le DGS demande son renouvellement que le premier magis-trat accepte) et non tacitement. Nombre de DGS oublient un peu vite cette « formalité » qui pourrait leur coûter cher au moment d’un changement de majorité, si vous êtes en retard de quelques mois, il est peut-être temps de régulariser la situation.

Charles Aubry, DGS ayant été en décharge de fonction

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32 La Lettre du cadre territorial • Février 2014

À LA UNE

Actualisez dès maintenant votre CV, n’hési-tez pas à vous rapprocher des cabinets de recrutement, demandez-leur conseil !

Bruno Laurent, directeur de Bruno Laurent Conseil Consultant, cabinet de recrutement, basé à Strasbourg et Paris, qui recrute des cadres et cadres dirigeants pour les collectivités territoriales et pour les entreprises.

Comment se passe votre premier contact avec un(e) « déchargé (e) » ?Le tout premier contact est souvent par courriel, parce qu’on ne veut pas forcer la personne à nous avoir au bout du fi l. Après, en général, le contact se poursuit par téléphone. Lors de ce premier échange, nous sommes face à une personne déstabilisée par la nouvelle, et souvent incapable d’envisager son avenir et de se positionner… On est perdu dans un moment pareil. Nous l’écoutons bien sûr afi n d’évacuer la forte charge émotionnelle, tant que faire se peut… un préalable pour entrevoir un plan d’actions, des solutions à venir. Nous rappelons toujours à ces cadres qu’ils ne sont pas les seuls dans cette situation, que nous avons accompagné des personnes comme eux, que nous avons réussi à repositionner au mieux… Oui, c’est évidemment possible !

De quoi va dépendre le succès de la recherche d’emploi ?De ce qu’on appelle l’employabilité de la personne, qu’il va falloir défi nir, préciser et faire évoluer… Très précisément, c’est passer en revue une check-list : est-ce que la per-sonne est mobile, mariée, père ou mère de jeunes enfants ? Quels sont ses compétences, son parcours : tout le champ de ses possibili-tés… Mais aussi : quelle image pense-t-elle avoir auprès des autres collectivités ? Nous allons lui donner les moyens d’élargir son spectre de recherche… Nous allons passer tout en revue, pour trouver toutes les pistes de solutions possibles permettant à cette personne de rentrer dans une action de recherche, et même en direction d’autres administrations : chambres consulaires, secteur privé, associatif, milieu hospitalier. De notre côté, nous échangeons avec d’autres cabinets pour élargir l’investigation…

Retrouver un job, est-ce le parcours du combattant ?Malheureusement dans le contexte général, il faut s’armer de patience, même pour ces cadres qui ont des responsabilités fortes, il faut parfois jusqu’à un an avant de retrouver un poste. Être mobile est bien sûr facilitant, mais les cadres de la territoriale dans ces postes fortement liés au politique ont tout de même moins d’opportuni-tés de mobilité, contrairement aux catégories B, techniques… Les directeurs/trices des grosses collectivités n’ont pas forcément plus d’oppor-tunités que ceux des petites collectivités : cela dépend vraiment du potentiel de chacun ! Ces derniers mois ont été terribles, à la fois du fait des restrictions budgétaires et d’un gel des recrutements dans l’attente des futures élec-tions. Après les élections, j’ai une vision plus optimiste des choses !

Des conseils à donner aux DGS, DGA en place ?Actualiser dès maintenant son CV, ne pas hésiter à se rapprocher des cabinets de recrutement, demandez-leur conseil ! Nous le faisons avec plaisir, ce qui est important, car ce sont aussi nos clients ! C’est aussi se préparer à un entretien, rencontrer des personnes qui vous y entraînent. Enfi n, je leur suggère de travailler, de cultiver leur réseau, ou de s’en faire un : il n’est jamais trop tard ! Ce n’est pas que par les petites annonces qu’on trouve des postes, mais par le réseau, par ses collègues. Il faut se rendre dans les congrès, salons, meetings, mais aussi dans les clubs de professionnels… Pourquoi parler de soi, et faire connaître ce que l’on fait et comment on le fait ? Cela fera la différence face à un recruteur, qui aura entendu parler de vous, directement, ou indirectement… ◆

Séverine Cattiaux

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MANAGEMENTwww.lettreducadre.fr/Management

La Lettre du cadre territorial • Février 2014 35

TRIBUNE

« Occupez-vous de vos équipes, le chiffre d’affaires viendra après »

Nous vivons une époque d’incertitudes écono-miques, de mal-être dans les organisations soumises au diktat des actionnaires. Les services

publics sont priés de réduire les coûts et les effectifs, tout en étant plus effi caces. Nous avons conscience de vivre dans un monde limité, instable, débous-solé. Crise des ressources énergétiques, des matières premières, du sens… Le modèle de société actuel est périmé et appelle au renouveau. Mais lequel ? Les philo-sophes sont étrangement muets, les politiques font du spectacle.Mais voilà que peu à peu, les entreprises redé-couvrent l’innovation sociale, un concept vieux de plus de cent ans. L’innovation sociale, c’est attirer et fi déliser les meilleurs talents, maintenir l’implication des collaborateurs, stimuler leur créativité, c’est com-prendre qu’un salarié qui n’est pas bien dans sa tête ne peut pas faire du bon travail. Certains n’ont aucune sympathie pour les fonctionnaires. « Ils sont déjà fonctionnaires, on ne va pas en plus s’occuper d’eux ». Grossière erreur. C’est à cause d’une mauvaise réputa-tion totalement injustifi ée qu’ils traînent depuis l’époque des ronds-de-cuir, que beaucoup cherchent à compenser cette image en en faisant parfois trop. Il y a comme partout quelques brebis galeuses qui font du tort au service public, mais il y a surtout beaucoup de

fonctionnaires qui accomplissent simplement et avec dévouement leur mission, en pleine conscience que servir le bien public est une noble cause. « Occupez-vous de vos équipes, le chiffre d’affaires viendra après », disait un patron de presse. Oui, il faut s’occuper de ses équipes. La technologie nous pousse sans arrêt à maîtriser de nouveaux outils qui changent notre rapport au temps, qui augmentent le volume d’informations à traiter au quotidien, qui brouillent la frontière entre vie publique et vie privée. La réglementation continue sa

course infl ationniste, se complexifi e. À peine est-elle assimilée que sort un nouveau texte. Les rapports humains se raidissent sous l’effet d’un darwinisme social toujours plus dur pour les perdants…Alors prendre soin, c’est ne pas pinailler sur le matériel nécessaire, sur la formation, les rituels de convivialité, les remercie-ments, la politesse. Prendre soin, c’est aussi

donner du temps, le temps d’apprécier de faire des choses bien proprement. L’urgence n’est pas si fréquente que cela. Prendre soin, c’est aussi être ambitieux pour sa collectivité, la vouloir forte, rayonnante, pas simplement parce que le service l’exige, mais surtout, parce que c’est rendre justice aux agents qui s’y donnent. La réputation n’est pas une chose qui apparaît au rapport d’activité.Les nouvelles générations exigent de connaître le sens de leur engagement. Elles ont raison. Il n’y a rien de pire que de décevoir les bonnes volontés.Nous avons un monde à créer. Ce n’est pas une utopie. C’est juste une chose à faire. Alors faisons-la et elle se fera. ◆

François-Xavier Nerden, [email protected] du centre de gestion de l’Orne

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MANAGEMENT

36 La Lettre du cadre territorial • Février 2014

VOUS AU TRAVAIL

Le leadership marche sur trois pattes

Depuis au moins trente ans, le leadership est un des thèmes dominants de toutes les

formations au management. Toutefois le regain d’intérêt pour cette notion est aujourd’hui sen-sible : les écoles de management abandonnent la gestion des res-sources humaines pour les cours de leadership et les nombreux spécia-listes de sociologie et de psychologie qui enseignent dans ces institutions semblent y trouver une notion plus valorisante et à la mesure de leur science.Les historiens du management en analyseront probablement les raisons : il peut s’agir d’une compen-sation à la dérive d’un management trop absorbé par le maniement des systèmes d’information et autres process en négligeant la dimension humaine du fonctionnement des organisations. Il peut s’agir aussi d’un avatar d’une approche plus individualiste dans l’air du temps, car, à travers le leadership, c’est à la personnalité des leaders que l’on s’intéresse. Enfi n, c’est peut-être le retour de la bonne vieille théorie du sauveur selon laquelle des person-nalités exceptionnelles s’avèrent les seules à même de rétablir une situation diffi cile.Quoi qu’il en soit, la notion est suffi samment établie pour qu’un minimum d’enseignements puissent aider ceux qui s’y intéressent.

Chaque lecteur peut avoir sa théorie du leadership, fondée sur ses lectures, expériences ou affi nités anthropologiques. Il devrait au moins se retrouver sur l’idée d’un trépied. Le leadership marche sur trois pieds et la seule absence de l’un d’eux rend la progression hasardeuse, en tout cas ineffi cace. Ces trois pieds renvoient à trois natures du leadership : première-ment, il n’est pas hors-sol, deuxiè-mement, il requiert une boîte à outils, troisièmement, il exige un engagement personnel.

Le leadership n’est pas hors-solLa fi gure du leader ressortit souvent à cette volonté de personnaliser le fonctionnement des organisations ; elle complète alors celle du déci-deur, de l’éminence grise, du détenteur de pouvoir. Le leader inspirerait, entraînerait les autres à

le suivre grâce à ses qualités et son génie propre, comme une sorte de Lucky Luke ? Non, le leader agit dans le cadre d’une institution, avec ses fi nalités et sa culture, sur fond de jeu politique. Il n’existe pas seule-ment vis-à-vis de ceux qu’il veut conduire mais aussi avec toutes les composantes de l’institution dans laquelle il dirige son équipe.Ainsi, le leader n’a pas comme seul but d’entraîner une équipe, il doit permettre à celle-ci d’évoluer dans le contexte parfois complexe d’organi-sations matricielles, transversales où le seul dynamisme de l’équipe ne suffi t pas à faire réussir. Le leader est père et pair. Père (disons parent) vis-à-vis de ceux qu’il entraîne, mais aussi collègue politiquement habile pour mener à bien ses actions.C’est une vue simpliste de considé-rer qu’il existe des leaders tout-terrain, partout capables d’exercer un leadership effi cace. Comme il y a

Le leadership trouve un regain d’intérêt parmi les managers. Ceux qui s’y intéressent le savent, un bon leadership s’appuie sur ses trois jambes : des racines, une boîte à outils, un engagement. Sans ça, tout est bancal.

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La Lettre du cadre territorial • Février 2014 37

les généraux de guerre et ceux de paix, il y a les leaders pour situation de crise ou pour étape d’exécution, il y a ceux des structures hiérar-chiques ou matricielles, il y a ceux d’entreprises individualistes et ceux d’entreprises au sens plus collectif.

Le leader et sa boîte à outilsNotre président s’est injustement fait railler en évoquant la boîte à outils pour décrire sa politique. La moquerie tient à banaliser, voire négliger, l’importance des outils, surtout en matière de leadership. Comme s’il suffi sait d’être inspiré, animé d’un charisme ou de qualités ésotériques pour diriger, comme si les outils n’étaient réservés qu’aux faux leaders, les mal nés.Le leader a besoin d’outils, pour analyser des situations, résoudre des confl its, communiquer ou position-ner son action. Les grands artistes ont longuement travaillé leurs outils avant de laisser aller leur intuition et leur créativité. Il en va de même pour les leaders.Le problème n’est donc pas la nécessité d’une boîte à outils, tous les leaders en ont une. Il est plutôt de savoir se servir de ces outils à bon escient, sans se laisser dominer par eux, en sachant précisément ce qu’ils peuvent en faire ou ce à quoi ils sont inutiles.Les vraies formations au leadership permettent de pratiquer les outils, elles ne délivrent pas une sociologie du sujet, quand ce n’est pas la fameuse et facile analyse critique. L’oublier, c’est croire que la vérité réside dans la connaissance alors qu’elle ne surgit que de l’expérience.

Le leader et son engagementLe leadership exige un engagement personnel. Il n’est pas que des techniques, et pas plus l’emprunt plus ou moins élégant d’un modèle inapproprié. Le leader habite sa mission, avec son intelligence, son physique, son intelligence émotion-nelle et sa capacité d’attention. Les dernières théories du leadership insistent sur un leadership total où la personne dans toutes ses dimen-sions, y compris spirituelle, devrait être engagée dans sa mission.Ceci ne relève pas que du constat banal ; l’engagement a des implica-tions en matière d’apprentissage mais aussi de volonté personnelle. Chacun peut rêver d’être un leader, beaucoup moins peuvent suivre l’apprentissage et la maturation pour réellement le devenir, à moins d’être des leaders à un coup, des leaders de cour ou des leaders de cours. Les premiers ne survivent pas, les seconds paradent et les troisièmes théorisent.

Le problème du trépiedLe problème est évidemment de perdre l’équilibre quand un de ses pieds est négligé. Le premier problème d’équilibre survient quand on oublie le contrôle de l’organisa-tion (voir encadré).Le deuxième problème d’équilibre survient quand on oublie la boîte à outils. C’est ce qui arrive aujourd’hui quand une mauvaise utilisation des outils nombreux de communication crée de l‘ineffi cacité et de la souffrance. La plupart des mauvaises utilisations des outils de communication ne relèvent pas de

la mauvaise intention mais le plus souvent de l’ignorance. Il est dommage que l’on oublie de se former au fur et à mesure que l’on progresse dans une hiérarchie, comme si la reconnaissance valait connaissance.Enfi n, le troisième pied de l’engage-ment personnel peut aussi manquer. C’est le cas lorsque les leaders n’ont pas la maturité psychologique ou émotionnelle pour tenir leur position, quand ils n’ont pas appris à prendre du recul en se laissant abandonner aux enthousiasmes comme aux dépressions, quand ils n’ont pas appris que la relation à l’autre les engageait, quand ils ne savent repérer chez l’autre l’effet de leurs propres comportements, aveuglés par leurs intentions, trop

confi ants dans les bas outils d’in-fl uence qu’ils prennent pour un art maîtrisé. Marcher sur trois pieds peut s’apprendre mais, là encore, il peut y avoir quelques illusions liées à cet apprentissage. La première serait de négliger le rôle des organi-sations pour le faciliter. Est-ce que celles-ci savent valoriser, récompen-ser, orienter l’apprentissage de chacun de ces pieds en ne se limitant pas au deuxième ? La seconde serait d’oublier que le premier acteur de cet apprentissage est le leader lui-même, pour autant qu’il ait eu la volonté et les modèles pour le faire. Cette volonté ne peut se réduire à la seule motivation pour le pouvoir, les modèles ne doivent pas résider seulement dans les héros de bande dessinée managériale. ◆

Maurice Thévenet

Les écoles de management abandonnent la gestion des ressources humaines pour les cours de leadership.

Ne pas oublier l’institutionIl arrive parfois qu’on oublie le contexte de l’organisation : c’est souvent le cas quand a été mis un tel effort dans la construction des équipes que le leader se sent plus loyal vis-à-vis de ses équipes que de l’institution à laquelle elles sont censées contribuer. Le mode de fonctionnement actuel par équipes renforce ce risque, tout comme l’éloi-gnement entre les niveaux de management qui pousse des leaders à retrouver auprès de leurs équipes le réconfort qu’ils n’obtiennent plus de leurs propres managers.

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La Lettre du cadre territorial • Février 2014 39

MANAGEMENT

S i l’on vous a confi é des respon-sabilités, c’est que vous avez développé des compétences.

Or, vous devez cette progression aux nombreux recadrages dont vous avez bénéfi cié depuis votre enfance. Nous sommes tous en effet rede-vables des nombreuses remises en cause qui nous ont permis d’acqué-rir des connaissances et d’intégrer des réfl exes intellectuels. Depuis l’instituteur qui nous montrait l’erreur de calcul ou d’orthographe, jusqu’à notre manager actuel qui nous demande parfois d’adopter une autre posture dans une relation ou un dossier. Ces injonctions sont autant de remises en cause de nos représentations spontanées. Or, changer de croyance ou d’attitude contrarie généralement nos pulsions et notre susceptibilité… Nous n’aimons pas être remis en cause, surtout lorsque nous confondons notre personne et notre fonction. Il en est de même pour les membres de votre équipe ou de toute per-sonne à laquelle vous allez deman-der une modifi cation de comportement ou de décision.

Restez-en aux faitsExaminons un cas pratique : Paul devait effectuer une tâche pour la semaine dernière et vous constatez qu’il ne l’a toujours pas fait et que cela va poser problème. Vous l’avez relancé par téléphone ou par mail puisqu’il n’est pas localisé près de vous et aujourd’hui vous décidez de le rencontrer, c’est-à-dire de l’affron-ter. Nous voilà au cœur de la fonction managériale – si vous ne fuyez pas votre responsabilité bien sûr… Comment allez-vous vous y

prendre : débouler sur son poste de travail en vidant votre sac de récriminations accumulées ? Le convoquer solennellement dans votre bureau ? Aborder incidemment la question lors d’un contact improvisé ? Affronter sereinement la situation en se limitant aux faits avant d’écouter son explication ?Déjà, première précaution, évitez l’emploi du verbe être car il traduit d’emblée un jugement global de la personne de Paul, alors que vous souhaitez seulement pointer un délai non tenu. Votre vigilance doit se concentrer sur les éléments factuels du problème pour contenir l’expression de votre irritation légitime. Vous ne tolérez pas le retard mais vous ne développez pas pour autant un sentiment négatif envers Paul lui-même. Vous évaluez en effet un acte commis ou omis dans l’exercice d’une fonction, vous ne jugez pas une personne !

Prenez votre tempsCela suppose déjà que vous n’enta-miez pas ce recadrage à chaud sous

le coup d’une forte émotion qui vous entraînerait dans le marais de l’affectif. Dans ce marais, vous ne maîtriseriez plus la situation, vous vous embourberiez dans le duel de vos perceptions subjectives réci-proques. Vous déclencheriez une réaction émotive qui ouvre le champ stérile allant de la culpabilisation infantile au confl it ouvert.Vous souhaitez simplement pointer le retard que vous ne pouvez admettre en tant que responsable (étymologiquement : responsum = se porter garant). Ce n’est donc pas parce que vous êtes de mauvaise humeur ou que vous en voulez à Paul que vous lui signifi ez ce défi cit ponctuel, mais bien parce que vous souhaitiez enclencher un raisonne-ment, faire appel à son intelligence, à sa capacité de discernement, bref vous souhaitez le faire progresser dans son professionnalisme. Donc, tout simplement, vous rendez service à Paul comme on vous a rendu service chaque fois que factuellement on vous a remis en cause d’une manière objective. ◆ Henri Pérouze

On n’aime jamais être remis en cause… recadré, comme on dit maintenant dans l’entreprise. Parce que le recadrage est forcément vécu comme un reproche personnel. Raisons de plus pour prati-quer cet exercice avec savoir-faire.

Comment recadrez-vous ?VOUS ET VOS ÉQUIPES

BLIZ

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SOV-

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MANAGEMENT

40 La Lettre du cadre territorial • Février 2014

VOUS ET VOS ÉQUIPES

Un peu d’humour, que diable !

L’humour dans le travail est devenu un enjeu, aux États-Unis, à partir des

années soixante-dix. Ce n’était pas sans lien, à cette même époque, avec la montée des discours autour du stress dans les entreprises. La tendance était au management non directif, tourné vers la convivialité et l’empathie. En France, ce type de pratique arrive dans les années quatre-vingt-dix, et comme outre-Atlantique, elle est corrélée avec la montée des préoccupations sur les risques psychosociaux. Comme le faisait remarquer récemment Marc Loriol, « C’est aussi la période où l’on constate une augmentation de l’agressivité verbale, voire physique des clients. Des cabinets de conseil essaient de mieux former à désamor-cer les confl its en proposant des réactions standardisées par l’hu-mour. C’est le cas dans les télécoms, où l’on remonte « le taux de pannes acceptable », en pensant que le management va s’en sortir avec du relationnel et de l’humour. Les écoles de commerce se mettent à

l’enseigner. Comme au temps de l’académie McDonald’s où l’on donnait déjà des cours d’humour dans les années soixante-dix » (1).Ainsi donc, l’association du travail et de l’humour, voire du rire, n’est pas contradictoire avec l’idée d’effi cacité au bureau, le bien-être au travail favorisant bien davantage la collaboration des agents et la satisfaction de ces derniers de venir travailler, qu’une ambiance pourrie. Vu sous cet angle, l’humour est une chose sérieuse, puisque de bonnes relations de travail profi tent à la production. Cependant le rire sur le lieu de travail reste encore mal perçu, et malgré le désir des agents d’encourager cette pratique, ce sont souvent les mêmes qui se l’inter-disent, par peur des reproches.

Créer des espaces de décompressionL’humour est un style de manage-ment. Il s’agit d’un « exercice » qui, lorsqu’il est bien mené par le responsable de service ou le mana-

ger, crée des espaces de décompres-sion favorables aux agents, et ceci particulièrement en période diffi cile. Cependant, c’est un outil à manier avec précaution. Il doit respecter certaines règles, comme rester fédérateur. En effet, faire

De plus en plus étudié en management, l’humour devient un levier pour désa-morcer les crises, prévenir les conflits, fédérer les équipes et contrecarrer la morosité ambiante au sein des services. Il s’agit d’une forme de com-munication à ne pas mésesti-mer, lorsque l’on a en charge le management d’une équipe, car elle est susceptible d’en-gendrer un climat positif, et d’être un formidable levier pour conduire le changement.

Mettez à plat les contentieux pour résoudre les litiges non digérés entre collègues.

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La Lettre du cadre territorial • Février 2014 41

de l’humour au détriment de la personne absente (malade, en congés…) ou du collaborateur déjà à l’écart peut provoquer un effet pervers en renforçant les dissensions déjà existantes au sein de l’équipe. L’humour ne doit pas être agressif et surtout ne doit pas être permanent, afi n de ne pas saturer le discours sous une forme de lourdeur. Autrement dit, utilisez-le avec parcimonie. Pour le pratiquer, le manager doit être à l’aise avec l’exercice. Un responsable connu pour son trop grand sérieux, voire pour son austérité, et qui se lance-rait dans ce type d’exercice risque-rait d’être mal compris. Mais n’ayez non plus pas peur du « bide », une mauvaise blague n’est pas la fi n du monde ! Retournez donc la situation à votre avantage, et pratiquez l’auto-dérision. Sachez qu’on ne peut pas rire de tout et surtout pas avec tout le monde. Il faut contex-tualiser son humour en fonction de la personne que l’on a en face de soi. On peut être plus direct avec un proche collègue qu’avec un collabo-rateur que l’on connaît moins. Ensuite, il faut tenter d’apprécier son propre humour, se demander si l’on sait l’utiliser à bon escient.Enfi n, dernier point, il faut rester ouvert face aux autres formes de plaisanteries, être curieux, apprendre à décaler certaines situations pour faire sourire.En résumé, non seulement le rire est bon pour la santé, mais en plus il

crée des relations de confi ance entre les personnes, de la cohésion, et donc de l’effi cacité. Attention toutefois à ne pas le pratiquer avec excès, au risque de voir l’environne-ment de travail se transformer en scènes de sketchs…

Percevoir les symptômes de la morositéComme l’humour, la morosité, est un phénomène de groupe. Et, dans la vie classique d’une équipe, les grands changements sont souvent précédés de périodes de morosité. Cela fait partie intégrante du cycle de vie d’une équipe. En qualité de

manager, il est important d’arriver à identifi er ces moments, afi n de ne pas laisser la morosité s’installer durablement. C’est par une bonne connaissance de son équipe, comme des agents qui la composent, que le manager pourra ressentir ces moments de fl ottements, et action-ner les leviers nécessaires à une dynamique plus positive.Concrètement, la morosité conduit l’équipe à un désintérêt progressif, les agents vont se laisser polluer par

des bruits de couloir et des rumeurs infondées, ou à se plaindre, voire même à se disputer ! Il s’agit là des signaux d’alertes pour le manager, ces derniers doivent l’encourager à agir, pour réguler au plus vite les relations humaines au sein de son service. Pour y remédier, il vous faudra verbaliser les non-dits afi n de lever les confusions et autres interprétations. En clarifi ant la situation, vous montrez que vous la maîtrisez, vous objectivez et relativisez les rumeurs, et par là même vous asseyez votre leadership en rassurant l’équipe par un dia-logue franc. Mettez à plat les contentieux pour résoudre les litiges non digérés entre collègues.Ne pas tomber cependant dans un excès de confi ance, en s’imaginant que le manager est extérieur à la vie de l’équipe. Il est souvent lui aussi pris dans le système de morosité, et ne peut agir seul de l’intérieur. Alors, le recours à un appui exté-rieur (coaching, audit, formation…) est parfois salvateur, pour remonter des symptômes de morosité, jusqu’aux dysfonctionnements générateurs de problèmes, et ainsi regalvaniser son équipe… ◆

Fabrice Anguenot

(1) Article pour Libération, 12/09/2013. Entretien avec Marc Loriol, sociologue du CNRS, Le rire spontané au travail cède la place à un rire « technique de management ».

Quand l’acédie gagne le groupeIl n’est pas rare de voir une équipe démobilisée à la suite d’un échec ou bien d’une réussite, qui a suscité beaucoup d’espoir et demandé beaucoup d’engagement de la part des collaborateurs. L’euphorie qui tenait l’équipe durant le projet retombe, cédant le pas à une forme de morosité. Suite à des changements profonds (remanie-ment d’équipe, changement de direction… etc.), une morosité peut s’installer. Les agents vont avoir comme réaction de résister, parfois même de manière inconsciente, simplement parce qu’ils ne savent pas faire face à ces bouleversements, si bien que « l’acédie » gagne le groupe. Autre risque, la routine quotidienne, enracine quelquefois les collaborateurs dans une forme de confort. L’absence de projet, de dynamisation de groupe, d’émulation, que le manager pourrait apporter peut tout à fait conduire l’équipe vers la morosité.

L’humour est une chose sérieuse, puisque de bonnes relations de travail profi tent à la production.

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SUR LE WEB

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L’ENTRETIEN

42 La Lettre du cadre territorial • Février 2014

Comment vous est venue l’idée de cet ouvrage ?Nous aspirons tous à travailler dans le plaisir, entourés de collègues attentionnés, que notre travail ait un véritable sens et qu’il soit un moment de plaisir et d’épanouissement. Ces questions sont trop souvent traitées par le biais du stress, du harcèlement, autrement dit sous un angle négatif. J’ai donc eu envie de le prendre sous l’angle de solutions et non pas simplement de problèmes à traiter. Évidemment, ces « conviviales attitudes », qui sont autant de propositions, ne sont pas applicables telles quelles, à toutes les personnes, ni dans toutes les situations. Elles ont à chaque fois besoin de notre propre grain de sel. Ce qui a été l’élément

déclencheur, c’est que j’ai envie d’être heureux dans mon travail et que mon équipe soit heureuse aussi. Cette question m’a toujours suivi : comment travailler dans le bonheur ? Ce livre est un partage d’expériences ; il décrit un certain nombre de propositions pour préserver une ambiance sympa et des pistes pour prévenir ou éviter (déminer) d’éventuels confl its.

Comment défi niriez-vous cette attitude et son lien avec la question du management ?Pour moi, c’est une phrase très connue qui la défi nit le mieux : « je modifi e ma propre attitude pour que cela change autour de moi ». Le monde est ce que nous en faisons. Plutôt

DÉVELOPPEMENT PERSONNEL

« Pratiquons la conviviale attitude ! »Abdessamad Bennani nous propose 96 attitudes à cultiver pour transformer notre milieu de travail. « La Conviviale attitude au travail » nous invite tous, dirigeants comme employés, du secteur privé comme du public… à simplement modifier notre propre attitude !

ABDESSAMAD BENNANI

Ingénieur Arts & Métiers, Abdessamad Bennani

a créé et dirige depuis 26 ans une entreprise de services informatiques fortement engagée dans la voie du respect de l’envi-ronnement et du bien-être des personnes. Il contribue à intégrer dans le travail les dimensions humaines, le comportement éco-citoyen et la culture du positif. Il est aussi le fon-dateur de l’association « La Conduite conviviale ».

À LIRE : La conviviale attitude au travail, Bennani, Le Dauphin blanc, 2013

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La Lettre du cadre territorial • Février 2014 43

que de déployer beaucoup d’énergie à critiquer les autres, changeons nous-même ! On a plus de prise sur nous-même que sur les autres. Je suis parfois effaré de la perte d’énergie : les gens ne parlent parfois que des autres et souvent en mal. Lorsque nous-même chan-geons notre attitude, cela se répercute sur les comportements, en suscitant le management par l’exemple. À la limite, un « manager » pourrait presque ne rien dire, il suffi t d’être dans un bon état d’esprit, de se comporter de façon à ce que les autres adoptent la même attitude. L’état d’esprit du manager infl uence beaucoup l’ambiance de son équipe et cela déteint favorablement. Dans les médias, on voit beaucoup de gens qui se plaignent, mais je croise aussi beaucoup de personnes heu-reuses et épanouies dans leur travail.

Dans les attitudes que vous préconisez, lesquelles vous paraissent les plus signifi catives ?Je soulignerais ce que j’appelle l’avance conviviale, illustrée par cette idée qu’il est urgent de ne pas se presser. Cela sous-entend de supprimer de notre vocabulaire profession-nel le mot « retard » pour ne plus raisonner qu’en termes d’avance. Le décalage négatif est un mode de fonctionnement dans lequel nous sommes tout le temps en train de gérer notre retard. Or, plus nous sommes dans ce stress permanent, plus les choses se compliquent. Nous nous mettons dans un état d’agitation qui diminue notre attention et notre concentration. Le décalage positif est, lui, un nouveau rapport au temps où nous gérons notre avance en permanence. Lorsque nous travaillons en avance, nous prenons le temps de bien faire les choses en profondeur et sereinement. Deuxième préconisation que je mettrais en avant, celle d’« adopter » les lunettes convi-viales. Ces lunettes conviviales nous suggèrent d’équilibrer notre regard sur notre travail et les choses en général. De voir autant le gris que le rose, le négatif que le positif. De ne nier ni les problèmes, ni la multitude de solutions qui les accompagnent. Nous arrivons alors à prendre une posture plus proche de la réalité. Lorsque nous partons au travail, pensons bien sûr à prendre notre parapluie pour nous protéger si besoin – cela aide à supporter les critiques – mais aussi nos lunettes de soleil. Nous ne sommes jamais à l’abri qu’un petit rayon vienne illuminer notre journée…

Cette idée de la convivialité dans le management représente-t-elle vraiment un virage dans les pratiques managériales ?C’est en tout cas dans le vent et dans l’air du temps aujourd’hui. Je le vois à l’enthousiasme que suscite cet ouvrage, qui est bien accueilli. Le monde bouge tout le temps. Les managers changent. Les Américains et les Canadiens sont passés par là. Les gens recherchent de nouvelles pistes, de nouvelles idées autour du bonheur au travail. Plus les conditions sont diffi ciles, plus la conviviale attitude peut s’avérer nécessaire.Aussi surprenant que cela puisse paraître, le travail convivial ne dépend ni de la mission, du lieu, ni du salaire… Il dépend très peu de tout ce qui est extérieur. Il dépend principale-ment de notre posture intérieure. Même dans le cas où nous n’aimons pas un aspect important de notre poste, ou lorsque nous avons par exemple des désaccords avec la politique de notre employeur, nous pouvons pratiquer la conviviale attitude. Ce qui compte le plus, ce n’est pas ce que nous faisons, mais comment nous le faisons. ◆

Bruno Cohen Bacrie

Ce qui compte le plus, ce n’est pas ce que nous faisons, mais comment nous le faisons.

« Usons de notre pouvoir de bienveillance »« Dans le monde professionnel, nous avons tous du pouvoir. Il est souvent méconnu ou sous-estimé, mais notre pouvoir est important quelle que soit notre fonction. Nous avons deux types de pouvoir : le pouvoir de nuisance et le pouvoir de bienveillance. Dans les organisations où les relations ne sont basées que sur des rapports de force, chacun maîtrise bien son pouvoir de nuisance […] Nous avons à notre disposition une autre forme de pouvoir beaucoup plus constructive. Notre pouvoir de bienveillance. Il utilise exactement les mêmes outils que le pouvoir de nuisance. Seulement, l’intention est différente : la bienveillance. Bienveillance envers l’organisa-tion qui m’emploie : mon magasin, mon école, mon hôpital, mon adminis-tration… Et aussi envers les personnes autour de moi. User de notre pouvoir de bienveillance consiste à prendre conscience de l’infl uence de notre travail sur les autres. Une phrase bienveillante a parfois la capacité de faire passer une bonne journée à tout un atelier ou un service […] Un mot amical a le pouvoir de soutenir un dirigeant à prendre une décision courageuse et bénéfi que pour tous ».

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La Lettre du cadre territorial • Février 2014 45

ÇA IRA MIEUX EN LE LISANT

MANAGEMENT

Coopération et confi ance sont indispensables au travail

Le travail ne se résume pas à l’exécution solitaire d’une tâche prescrite, c’est aussi et surtout articuler son action et son

savoir avec ceux des autres. Le travail est donc d’emblée un rapport social. Il faut « faire avec l’autre », le collègue, le supérieur hiérarchique mais aussi le client/l’usager c’est-à-dire le bénéfi ciaire du travail.De plus, pour que le travail fonctionne, il ne suffi t pas de l’organiser de manière formelle (temps de travail, organisation des congés de chacun, organigrammes etc.), il faut que les individus au travail coopèrent entre eux en vue d’un même objectif. Cette coopération ne s’impose pas, ne se décrète pas mais repose sur l’engagement volontaire. Il faut que chacun y mette du sien pour que ça marche ! Et il faut que les travailleurs aient envie de faire des efforts, acceptent de renoncer à une partie de leurs prérogatives et ambitions personnelles. Ce n’est pas naturel et cela ne se décrète pas. La coopération a des effets très porteurs, puisqu’elle renforce l’effi cacité (on ne peut pas être compétent seul) et infl uence de manière importante la qualité du travail accompli. Elle amène une solidarité et donc permet de lutter contre la solitude qui crée de la souffrance. Enfi n, cette coopération, parce qu’elle s’appuie sur la reconnaissance des compétences des membres constitutifs du collectif de travail, étaye la motivation dans l’engagement collectif. Sans coopération, pas d’émulation collective dans le travail, pas d’enthousiasme, puissant soutien dans la lutte contre la souffrance au travail. Avant toute chose, elle requiert de la confi ance entre les individus.Dans son sens premier, la confi ance renvoie à l’idée de se fi er à quelqu’un ou à quelque chose. Avoir confi ance reviendrait en somme à s’en remettre à un autre. La confi ance est donc un risque, elle est à la fois dangereuse et essentielle. C’est un sentiment inspiré, qui n’est pas donné d’emblée. La confi ance n’est pas accordée au seul statut hiérarchique,

même si elle est étroitement liée à l’exercice et à l’incarnation de l’autorité dans les collectifs de travail. L’autorité dont dispose un manager ne lui est pas conférée que par le haut, mais aussi et surtout par le bas, c’est-à-dire par le jugement que les subordonnés portent sur l’utilité de la contribution apportée par le chef à la coopération au sein d’une équipe.La confi ance au travail est fondée sur la référence au respect des règles de travail. C’est donc dans les modalités de construction des

règles de travail, de la mise en place de la discussion sur le travail que se construit ou se détruit la confi ance. En d’autres termes, la coopération ne peut pas fonctionner sans relations de confi ance structurées par la référence à des règles et au respect des règles de travail.Qu’est-ce qui ressort alors de l’action du manager en

matière de confi ance au travail ? Les règles de travail, qui reposent à la fois sur des valeurs sociales et des critères techniques, sont rarement le fruit de consensus spontanés parmi les travailleurs. La plupart du temps, l’élaboration de règles nécessite l’arbitrage d’une autorité. La légitimité de cette autorité, c’est l’équipe. Elle repose sur des critères de compétences mais aussi de loyauté. Elle est du côté de l’éthique, et ne peut donc pas se gérer avec des plans d’actions ! ◆

Pour que le tra-vail fonctionne, il faut que les individus au travail coopèrent entre eux en vue d’un même objectif.

Frédérique Debout, [email protected] psychologue clinicienne sur le corps, le travail et la maladie mentale. Elle fait partie de l’équipe de recherche « psychanalyse, santé et travail » dirigée par Christophe Dejours.Elle a publié « Du travail protégé au travail hypermoderne » aux Éditions universitaires européennes.

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RESSOURCES HUMAINESwww.lettreducadre.fr/Ressources humaines

La Lettre du cadre territorial • Février 2014 47

MALADIE

Une reprise d’activité ne joue pas sur le décompte du congé de longue duréeEn vertu du 4° de l’article 57 de la loi du 26 janvier 1984, un fonction-naire ne peut être placé en congé de longue durée qu’après avoir épuisé ses droits à congé de longue maladie rémunéré à plein traitement. La période de congé de longue maladie à plein traitement doit être décomp-tée, lorsque ce congé a été attribué au fonctionnaire au titre de l’affec-tion ouvrant droit ensuite au congé de longue durée, comme une période de congé de longue durée. Cela s’applique même si l’agent a repris son activité à l’issue du congé de longue maladie qui a précédé le placement en congé de longue durée.

CE, 30 décembre 2013 département de l’Aube n° 3619463.

PAYE

Régime indemnitaire : une délibération notifi ée mais non publiée n’est pas valableBien qu’elle soit conforme à la délibé-ration fi xant les critères d’attribution du régime indemnitaire au sein de la collectivité, la suppression d’une prime à un agent en raison de la baisse de sa notation est dépourvue de base légale lorsque la preuve de la publication de la délibération ne peut être rapportée par la collectivité : la délibération n’est pas opposable à l’agent même si elle lui avait été notifi ée ainsi qu’à l’ensemble du personnel.

CAA Douai, 13 juin 2013, n° 12DA01704.

EN BREF

Encore une fois les collectivités territoriales sont oubliées… par les rédacteurs des dispositions

réglementaires du Code de l’Éduca-tion nationale.De quoi parle-t-on ? La loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 étend l’obliga-tion de gratifi cation aux stagiaires de l’enseignement supérieur (qui concernait jusqu’à présent le secteur privé) à tout autre organisme d’accueil, dont les administrations publiques.Un décret du 21 juillet 2009 pré-voyait déjà une gratifi cation pour les stages de deux mois au moins à l’État : et c’est ce texte qui a été repris mot pour mot le 19 août 2013 pour devenir l’art D.612-56 du Code de l’Éducation. Conséquence : les étudiants de l’enseignement supé-rieur en stage dans les collectivités territoriales, les établissements de santé et les établissements publics du secteur médico-social devront attendre un nouveau décret à la rentrée 2014 pour être obligatoire-ment indemnisés.En effet, une circulaire du 25 octobre 2013 du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche précisait que : « tant que ces dispositions réglementaires du Code de l’Éducation relatives à la gratifi cation des stages n’ont pas été modifi ées pour inclure dans leur champ d’application les collectivités

territoriales, les établissements publics de santé et les établisse-ments publics du secteur médico-social, les dispositions de l’article 612-60 du Code de l’Éduca-tion ne peuvent leur être rendues applicables ».Plus de deux mois ont été néces-saires pour publier une circulaire d’attente alors que la « bourde » avait été signalée dès la parution du texte. Pour rajouter par décret cinq mots à un article du Code de l’Éducation, il faut bien au mini-mum une année… universitaire.Par ailleurs, ne devrions-nous pas supprimer le copier-coller, coupable de nombre d’erreurs et incohé-rences ? Il a une fâcheuse tendance à annihiler toute réfl exion sous couvert de facilité et… gain de temps : dans notre cas, une promo-tion d’étudiants « sacrifi ée » à son autel ! Moi qui croyais qu’au ministère de l’Enseignement rempli de « matière grise », ce procédé n’avait pas cours. Où allons-nous si même là, le copier-coller règne en « maître ».PS : dans l’attente, il est toutefois possible d’indemniser les stagiaires 2013/2014 en vertu du double principe de libre administration des collectivités territoriales et de parité. Ouf ! mais sous couvert d’une délibération : merci le « copie-colle… ». ◆ Annie Kéribin

GRATIFICATION

Quand l’État copie-colle, les stagiaires trinquent !

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RESSOURCES HUMAINES

48 La Lettre du cadre territorial • Février 2014

VOTRE CARRIÈRE

Emplois fonctionnels : une espèce protégée

Le tribunal administratif d’Or-léans avait annulé la décision du 14 octobre 2011 mettant fi n

au détachement d’un administrateur territorial, sur l’emploi fonctionnel de DGA du département du Loiret pour méconnaissance de l’article 53 de la loi du 26 janvier 1984. Le Conseil d’État a confi rmé cette annulation (1) en apportant une intéressante précision sur l’entretien préalable dont doit bénéfi cier l’agent détaché sur emploi fonctionnel.

L’entretien préalable : une garantie essentielleEn vertu de l’article 53 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la FPT, il ne peut être mis fi n aux fonctions des agents occupant un des emplois fonctionnels qu’après entretien de l’autorité territoriale avec les intéressés. Cet entretien constitue pour l’agent concerné une garantie dont la privation entache d’illégalité la décision mettant fi n au détache-ment sur l’emploi fonctionnel. D’une part, l’entretien doit être préalable et l’agent doit disposer d’un délai raisonnable pour le préparer afi n de lui permettre de présenter ses observations à l’autorité territoriale. D’autre part, c’est là l’apport de

l’arrêt du CE, cet entretien doit être mené, compte tenu de la nature particulière de ses fonctions exer-cées auprès du chef de l’exécutif territorial, directement par cette seule autorité et non par un agent des services, fût-il DGS. En l’espèce, le CE a jugé que la conduite de l’entretien ne pouvait être déléguée par le président du conseil général au directeur du « pôle ressources humaines » des services du départe-ment, sans méconnaître la portée utile de la garantie instituée par l’article 53 de la loi du 26 janvier 1984.Ainsi, pour le Conseil d’État, le lien de confi ance entre l’agent détaché et l’autorité territoriale implique que

seule cette dernière soit en mesure d’expliquer les raisons de sa disparition.

Les autres garanties sont-elles substantielles ?Oui : toutes les garanties procédu-rales sont substantielles à l’excep-tion, peut-être, de l’information du CNFPT, ce vice de procédure n’étant pas de nature à entacher d’illégalité la décision prise. On reconnaît par là que l’absence d’information du CNFPT n’a pas d’infl uence sur le sens de la décision prise ou sur le fait de priver l’intéressé d’une garantie (2). Par ailleurs, le juge contrôle le motif de fond. La cour administrative d’appel de Bordeaux

À un moment où les pro-chains changements d’équipes municipales entraîneront leur lot de décharges de fonc-tion, une récente décision du Conseil d’État nous procure l’occasion de faire le point sur l’ensemble des garanties offertes aux agents.

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La Lettre du cadre territorial • Février 2014 49

a jugé que la décision de l’autorité territoriale de mettre fi n au détache-ment d’un fonctionnaire dans un emploi fonctionnel s’exerce sous le

contrôle du juge de l’excès de pouvoir qui vérifi e si la décision n’est pas entachée d’erreur manifeste d’appréciation (3).

Les garanties jouent-elles pour le non-renouvellement de détachement ?Les garanties de l’article 53 de la loi du 26 janvier 1984 ne bénéfi cient pas au fonctionnaire dont le détache-ment de longue durée dans un emploi fonctionnel n’a pas été renouvelé par l’autorité territoriale. La perte de l’emploi fonctionnel n’ouvre à l’agent qu’un droit à l’application des garanties minimales résultant de l’article 67 de la loi du

26 janvier 1984. Le fonctionnaire est réintégré dans son corps ou cadre d’emplois et réaffecté à la première vacance ou création d’emploi dans un emploi correspondant à son grade relevant de sa collectivité ou de son établissement d’origine. En revanche, une telle décision qui n’a pas eu pour effet de retirer ou d’abroger une décision créatrice de droits, l’inté-ressé n’ayant aucun droit à ce renouvellement, n’a pas à être précédée de la communication du dossier, ni à être motivée en applica-tion de la loi du 11 janvier 1979 (4). Cette jurisprudence ne s’applique pas toutefois si le non-renouvelle-ment est fondé sur le motif de la rupture du lien de confi ance. Dans ce cas, la décision de non-renouvel-lement fait grief et ne peut être légalement prise sans que l’intéressé ait été mis à même de demander en temps utile la communication de son dossier (5). Pierre Larroumec

(1) CE, 16 décembre 2013, Département du Loiret/M. Dubrez n° 367007. (2) CE, 23 décembre 2011, Danthony n° 335477. (3) CAA Bordeaux, 12 juin 2001, Commune Saint-Denis de la Réunion. (4) CAA Bordeaux, 98BX00926, 20 déc. 2001, Garbar. (5) CE, 25 novembre 2009, Dross n° 305682. (6) CE, 10 novembre 2004, n° 257032. (7) CAA Bordeaux, 22 juin 2004, n° 00bx00354. (8) CE, 23 décembre 2011, n° 337122.(9) CE, 21 juillet 2006, Commune d’Épinal n° 279502.

CE QU’IL FAUT FAIRE

Respecter les garanties1 Bien organiser l’entretien préalable

La convocation doit mentionner, sans ambiguïté, l’objet de l’entretien « fi n de détachement » (6). Elle est notifi ée au moins une semaine avant la date de l’entretien, afi n que l’agent puisse solliciter la communication de son dossier et préparer sa défense (7). L’établissement d’un procès-verbal n’est pas obliga-toire mais souhaitable.

Respecter le délai d’engagement de la procédureLa procédure peut l’être avant le délai de six mois suivant soit leur nomination dans l’emploi, soit la désignation de l’autorité territoriale à la condition que la décision n’intervienne qu’à l’expiration du délai de six mois (8). Le délai de six mois s’applique dans tous les cas, y compris après le renouvellement de l’assemblée délibérante (9).

Informer l’assemblée délibéranteIl s’agit d’une information simple de l’exécutif sans inscription à l’ordre du jour ni débat. Elle peut être réalisée avant l’expiration du délai de six mois, mais intervenir, au plus tôt, au cours du quatrième mois suivant la nomination de l’agent, ou l’élection de l’autorité territoriale.

Informer le CNFPTPrendre et formaliser la décision

Cette décision doit intervenir après l’expiration du délai de six mois (8). Elle prend effet le premier jour du troisième mois suivant l’information de l’assemblée délibérante. Elle doit être motivée et préciser notamment tous les éléments ayant conduit à la perte de confi ance. Même si les décisions d’annulation sont rares, le juge ne sanctionnant que les erreurs manifestes d’appréciation, des motifs doivent exister.

CE QU’IL FAUT SAVOIR

Des garanties fi nancières et de carrièreEn vertu de l’article 53 de la loi du 26 janvier 1984 lorsqu’il est mis fi n au détachement d’un fonctionnaire occupant un emploi fonctionnel et que la collectivité ou l’établissement ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade, celui-ci peut demander à la collectivité ou à l’établissement dans lequel il occupait l’emploi fonctionnel :- à être reclassé dans les conditions prévues aux articles 97 et 97 bis ;- à bénéfi cier, de droit, du congé spécial mentionné à l’article 99 ;- à percevoir une indemnité de licenciement dans les conditions prévues à

l’article 98.

Le détachement est prorogé de plein droit de la durée nécessaire pour per-mettre à l’agent de bénéfi cier de ces dispositions de l’article 53.

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La perte de l’emploi fonctionnel n’ouvre à l’agent qu’un droit à des garanties minimales.

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RESSOURCES HUMAINES

50 La Lettre du cadre territorial • Février 2014

STATUT

L’agent public lanceur d’alerte

Issu d’un amendement parlemen-taire, l’article 35 de la loi du 6 décembre 2013 (1) généralise la

protection des « lanceurs d’alerte ». Le « whistleblowing » vise à favori-ser la mise à jour de crimes et délits, en protégeant les personnes qui en sont témoins dans le cadre de leurs fonctions.Après d’intenses débats à l’Assem-blée nationale et au Sénat (2) ce dispositif, réservé jusqu’à présent à des hypothèses limitées en droit français (3), a été généralisé.

Allô Mediapart…La loi du 13 juillet 1983 est désor-mais complétée d’un nouvel article 6 ter A (4) qui précise qu’aucune « mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promo-tion, l’affectation et la mutation ne peut être prise à l’égard d’un fonctionnaire pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ». C’est

une conception large qui a été adoptée : il ressort clairement des travaux parlementaires que la protection couvre les signalements

effectués auprès d’une entité administrative – on pense notam-ment à un service d’inspection interne, à une autorité administra-tive indépendante (défenseur des droits, CNIL…) – à une autorité judiciaire (Procureur de la République…) mais vise aussi les hypothèses dans lesquelles un agent a pu s’adresser à des médias (5). Le mécanisme retenu s’écarte sur ce point de la logique et du formalisme de l’article 40 du Code de procédure pénale. Cet article pose une

La loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale consacre en droit français la protection des « lanceurs d’alertes » contre toute sanction ou discrimination dont ils pour-raient faire l’objet dans le cadre de leur emploi pour avoir relaté des faits constitu-tifs d’un crime ou d’un délit. Cette protection est appli-cable aux fonctionnaires et à l’ensemble des agents publics. Décryptage.

La protection couvre les signalements auprès d’une entité administrative, d’une autorité judiciaire mais aussi auprès des médias.

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La Lettre du cadre territorial • Février 2014 51

obligation (non une faculté) au fonctionnaire qui a connaissance d’un crime ou délit de le signaler au seul Procureur de la République.Relevons aussi que ces nouvelles dispositions du statut ont un champ d’application large : la protection du lanceur d’alerte s’applique à la révélation de tous les « faits consti-tutifs d’un délit ou d’un crime » et pas uniquement ceux constitutifs de fraude fi scale ou d’atteinte à la probité. Les termes de la loi excluent en revanche les faits constitutifs d’une simple contravention.Le texte va ainsi beaucoup plus loin que le projet de loi relatif à la déontologie des fonctionnaires (6) qui ne prévoyait une protection que pour la révélation de « faits suscep-tibles d’être qualifi és de confl it d’intérêts ». Par ailleurs et surtout, il était prévu que la protection ne serait acquise que pour les témoi-gnages devant les autorités judi-ciaires ou administratives et dans les hypothèses où l’agent avait alerté en vain au préalable son supérieur

hiérarchique. Point donc, dans le projet, de protection en cas d’alerte auprès des médias. Ces limites n’ont pas été retenues dans la loi du 6 décembre 2013.

Le principe de bonne foi… et la légitimité de l’alertePour donner à cette protection la plus grande effectivité, la loi prévoit un renversement de la charge de la preuve en cas de contentieux (notamment disciplinaire). Dès lors que l’agent présentera des éléments de fait qui permettent de présumer qu’il a relaté ou témoigné de bonne foi de faits délictueux ou criminels, il incombera à l’administration, de prouver que sa décision (sanction, mutation dans l’intérêt du service, refus d’avancement…) est justifi ée par des éléments objectifs étrangers au signalement effectué. Cette référence à la bonne foi alimentera sans doute les contentieux. Les juridictions administratives et pénales tiendront sans doute compte de différents éléments pour

l’apprécier : contexte dans lequel l’agent a eu connaissance des faits, vraisemblance des faits divulgués, conditions dans lesquelles l’agent a relaté ou témoigné de ceux-ci, objectifs poursuivis par l’agent (7)… L’articulation de cette protection avec les obligations déontologiques statutaires des agents publics (secret professionnel, discrétion profession-nelle, obligation de réserve, principe

d’obéissance hiérarchique…) soulève des diffi cultés, même si le nouvel article 6 ter A prévoit que « toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit ». La problématique de l’anonymat, essentielle à la protection du lanceur d’alerte, n’est pas non plus réglée. Ces questions seront peut-être à nouveau débattues à l’occasion de l’examen du projet de loi sur la déontologie et les droits et obliga-tions des fonctionnaires. ◆

Olivier Guillaumont

(1) Article 35 de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fi scale et la grande délinquance économique et fi nancière. (2) Notamment sur le risque d’atteinte à la présomption d’innocence (cf. Rapport AN 1re lecture n° 1130 de M. Yann Galut déposé le 12 juin 2013 ; rapport Sénat 1re lecture n° 738 de M. Alain Anziani déposé le 10 juillet 2013). (3) Notamment : en matière de corruption (art. L.561-2 et s. du Code monétaire et fi nancier) ; harcèlement dans le secteur public (art. 6 ter et 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983) ; discriminations dans le secteur public (art. 6 et 6 bis de la loi du 13 juillet 1983) ; atteintes à la santé et à l’environnement (loi n° 2013-316 du 16 avril 2013). (4) Des dispositions similaires sont introduites en faveur des salariés dans l’article L.1132-3-3 du Code du travail. (5) Cf. notamment : rapport 2e lecture Sénat n° 21 de M. Alain Anziani et Mme Virginie Klès déposé le 2 octobre 2013 ; rapport 2e lecture AN n° 1348 de M. Yann Galut déposé le 11 septembre 2013. (6) Projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, n° 1278, déposé le 17 juillet 2013 à l’Assemblée nationale. (7) Laurent Borredon, « La clémence du tribunal de Paris envers l’ex-fl ic Pichon, qui avait dénoncé les fi chiers de police », www.lemonde.fr, 22 octobre 2013.

CE QU’IL FAUT SAVOIR

Pas de système global de délation

1

Comme il ne s’agit pas d’un système global de délation, la protection de l’agent lanceur d’alerte répond à des points caractéristiques.

SubstitutionElle n’a pas vocation à se substituer à l’ensemble des mécanismes actuels (art. 40 Code de procédure pénale, contrôle interne à la collectivité, contrôle des services de l’État, recours des citoyens et contribuables locaux, recours de l’opposition…) destinés à assurer un fonctionnement régulier des collectivités.

Option Elle est un outil facultatif et complémentaire qui doit permettre la révélation de faits particulièrement graves.

ExclusionElle est limitée aux seuls crimes et délits. Sont donc exclus les faits constitu-tifs d’une simple contravention.

Protectionlaisse la possibilité de poursuites disciplinaires et/ou pénales notamment pour violation du secret professionnel ou dénonciation calomnieuse (ar-ticle 226-10 du Code pénal). Ceux qui voudraient l’utiliser pour régler des comptes ou dénigrer gratuitement des élus, leur supérieur hiérarchique ou des collègues pourraient donc en être pour leurs frais.

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Pour donner à cette protection la plus grande effectivité, la loi prévoit un renversement de la charge de la preuve en cas de contentieux.

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RESSOURCES HUMAINES

La Lettre du cadre territorial • Février 2014 53

Les stagiaires de l’enseignement (communément appelés « sta-giaires école ») accueillis dans

les collectivités pouvaient bénéfi cier d’une « gratifi cation » de l’employeur auprès duquel ils effectuaient un stage, dès lors que ce dernier était d’une durée supérieure à 2 mois.

Du facultatif à l’obligatoireCette gratifi cation (obligatoire pour le secteur privé et les administra-tions de l’État) était facultative pour les collectivités territoriales. Elle avait pour fondement les disposi-tions applicables en la matière pour la fonction publique de l’État (1). Son montant (2) est fi xé à 12,5 % du plafond horaire de la Sécurité sociale, soit 436,05 euros par mois pour un stage correspondant à la durée légale du travail. De nom-breuses collectivités ont délibéré pour adopter le versement aux stagiaires école qu’elles accueillent le versement de cette gratifi cation.La loi du 22 juillet 2013 (3) a récemment étendu l’obligation de versement d’une gratifi cation aux stagiaires de l’enseignement pour les « administrations publiques », les assemblées parlementaires, les assemblées consultatives, les associations ou « tout autre orga-nisme d’accueil ». Les stages devant faire l’objet de cette gratifi cation devront avoir une durée supérieure à 2 mois (consécutifs ou non) et ne pourront excéder 6 mois par année

d’enseignement, sauf dérogation spécifi que pour des formations liées à certaines professions nécessitant une durée de pratique supérieure (4).

Une obligation qui devrait entrer en vigueur à la rentrée universitaire 2014L’obligation de gratifi cation pour le secteur privé ainsi que pour les administrations et établissements publics de l’État ne concerne pas encore les collectivités territoriales. Une instruction du 25 octobre 2013 (5) de la ministre de l’Enseignement supérieur, destinée aux préfets, indique en effet que les dispositions réglementaires du Code de l’éduca-tion n’ont pas encore été modifi ées pour inclure dans leur champ d’application les collectivités (ni d’ailleurs que les établissements publics de santé et du secteur médico-social). Dans ces conditions, ces dispositions relatives à la gratifi cation des stages ne peuvent leur être rendues applicables.L’instruction précise cependant que les conventions de stage signées avec les collectivités peuvent être conclues sans « imposer » une telle gratifi cation. La ministre conclut en invitant les préfets à sensibiliser les collectivités à la mise en œuvre de bonnes pratiques en matière d’accueil des stagiaires, « en réfé-rence aux règles et pratiques d’ors et déjà applicables aux entreprises et

au sein des administrations… de l’État ». Selon l’instruction, un décret d’application sera pris après concertation et régira les conditions d’application de ces dispositions à compter de la rentrée universitaire 2014. Gageons que les collectivités qui ont déjà adopté un dispositif de gratifi cation de leurs stagiaires feront usage, dans l’attente même de ce décret, de la faculté qui leur est offerte de maintenir les gratifi cations qu’elles versaient jusqu’à présent. ◆

Gilles Destaerke

(1) Décret n° 2009-885 du 21 juillet 2009 – Circulaire ministérielle du 4 novembre 2009 (n° NOR IOCB0923128C). (2) Code de l’éducation – Article D.612-60. (3) Loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche (JO du 23 juillet 2013) – Article 27. (4) Code de l’éducation – Articles L.612-9 et L.612-11. (5) Instruction DGESIP A1 n° 2013-0803 du 25 octobre 2013.

La réforme des stages de l’enseignement impose aux admi-nistrations, entre autres, le versement d’une gratification aux stagiaires… Les collectivités échappent jusqu’en 2014 à cette obligation. Mais elles sont encouragées à signer des conven-tions de stage qui « peuvent » prévoir cette gratification.

Stages « école »… doit-on verser une gratifi cation ?

PAYE

CE QU’IL FAUT FAIRE

1 En présence d’une délibération préexistante

Sa validité n’est pas remise en cause par la loi et les gratifi cations peuvent continuer à être versées aux stagiaires.

En l’absence de délibération existante

- Si la collectivité ne souhaite pas verser de gratifi cation aux stagiaires : attendre la publica-tion du décret d’application pour mettre en œuvre le dispositif (en principe à la rentrée universitaire 2014).

- Si la collectivité souhaite verser une gratifi cation : prendre une délibération sur la base des nou-velles dispositions législatives (3), des dispositions réglemen-taires en vigueur dans la FPE (1) et de la dernière instruction ministérielle (5).

2

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JURIDIQUEwww.lettreducadre.fr/juridique

La Lettre du cadre territorial • Février 2014 55

D ieudonné est un sinistre personnage, plus bateleur aux propos fétides qu’humoriste.

Nul ne le conteste. Fallait-il pour autant qu’un ministre de la République batte en brèche l’État de droit, en publiant une circulaire interprétative à la légalité douteuse dans le seul dessein de faire infl é-chir une jurisprudence ancrée ? Il me semblait que la justice attachait de l’importance au temps, à la réfl exion, au recul, à la raison… précisément pour ne pas sombrer dans la justice d’opinion. Au lieu de cela, émerge une justice rendue en temps réel pour épouser la société du spectacle. Une justice aux relations incestueuses avec le pouvoir, qui éternue quand un ministre s’enrhume.Voilà donc le Conseil d’État, conseil du gouvernement et parfois juge des libertés publiques, qui renverse en moins de cinq heures, au cours d’une pseudo-audience d’enregistre-ment d’une ordonnance déjà écrite, une jurisprudence canonique, établie depuis près de soixante-dix ans par un arrêt majeur.Le tout sur la base d’une motivation qui ouvre bien la voie à une exten-sion des motifs pouvant donner lieu à des restrictions préventives de la liberté de réunion ou d’expression. Et qui contient en fi ligrane les ingrédients de la censure et des atteintes à la présomption d’inno-cence aux termes notamment

desquelles « il appartient à l’autorité administrative de prendre les mesures de nature à éviter que des infractions pénales soient commises ».Il me semblait pourtant que la Déclaration des droits de l’homme faisait de la présomption d’inno-cence un droit sacré en affi rmant que l’infraction pénale, en droit commun, ne saurait être ni présu-mée ni anticipée par un procès d’intention sauf à penser au fi lm Minority Report.Quant aux risques de trouble à l’ordre public… soyons sérieux, c’est bien l’hystérie politico-médiatique qui a créé les conditions d’un tel risque. Et voilà comment un triste humoriste brandit aujourd’hui la censure comme un trophée… Triste État de droit… ◆

Éric Lanzarone

De l’impuissance de l’État… de droit

OPINION

MARCHÉS PUBLICS

Le critère unique du prix peut-il être parfois retenu ? Oui. L’article 53-I-2° du Code des marchés publics prévoit que le prix ne peut être retenu comme critère unique par le pouvoir adjudicateur que s’il est justifi é par l’objet du marché. Le recours au critère unique du prix doit se limiter aux achats de produits courants et standardisés « répondant à des normes qui évitent l’appréciation qualitative par l’ache-teur, tous les produits répondant à la norme ».

QE n° 14228, JO Sénat, 13 janvier 2005.

COMMUNICATION

La présentation du maire sur le site internet de sa commune constitue-elle un avantage prohibé ?Non. La page du site internet d’une commune consacrée à la présentation du maire sortant, même sur un total de plusieurs milliers de pages, pourvu qu’elle n’ait pas été utilisée pour les besoins de sa campagne électorale, ne constitue pas un avantage indirect au sens des dispositions de l’article L.52-8 du Code électoral (CE, 9 octobre 2002, élections municipales de Nice). N’est, en effet, pas sanctionnée l’utilisation par un candidat de moyens fournis par une personne morale mais l’usage qui en est fait (CE, 8 avril 2005, canton de Duras, n° 270468). On mesure ici combien peut être subjective l’appréciation des membres de la Commission nationale des comptes de campagne et des fi nan-cements politiques…

QE n° 5048, JO Sénat du 31 octobre 2013.

EN BREF

JAST

ROW

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JURIDIQUE

56 La Lettre du cadre territorial • Février 2014

PROCÉDURES

Vice de procédure : avec Danthony, no stress !

Le Conseil d’État a posé un nouveau principe applicable à toutes les procédures : pour

entraîner une annulation, un vice dans le déroulement de la procédure doit, soit avoir effectivement eu une infl uence sur le sens de la décision prise, soit avoir privé les intéressés d’une garantie. Cet arrêt concerne toutes les procédures administra-tives : de l’adoption d’une délibéra-tion, à la passation d’un contrat, en passant par un licenciement ou l’adoption d’un PLU. Principe clair en apparence, il a tout de même fallu deux ans de jurisprudence pour en préciser les contours, qui restent, dans bien des cas, encore un peu fl ous. La sélection qui suit, permet de se faire une idée de l’appréciation concrète portée par le juge sur ces procédures et les vices concernés.

Publicité préalableAlors que le juge était auparavant très sourcilleux sur les mesures de publicité préalables à une enquête publique, il a considéré dans son arrêt commune de Noisy-le-Grand du 3 juin 2013 que, si les disposi-tions légales exigent un avis d’en-quête publié dans deux journaux, la publication dans un seul journal, accompagnée d’autres mesures de publicité, était en l’espèce suffi sante pour l’information du public et

n’avait pas eu d’infl uence sur l’avis rendu par le commissaire enquêteur.

Révision du PLUDans le domaine épineux de la convocation des conseillers munici-paux pour la révision d’un PLU (mais la solution peut être étendue à la convocation à toute assemblée pour toute décision), le Conseil d’État a considéré qu’une simple note de rapporteur substituant une note de synthèse et contenant moins d’infor-mations n’avait pas privé les conseil-lers d’une information suffi sante ou eu une infl uence sur la délibération. Les conseillers avaient en effet déjà délibéré 7 mois auparavant sur le principe de la révision et avaient disposé, sur l’ensemble de la procé-dure, de l’information suffi sante (1).

ConsultationEn ce qui concerne la consultation d’organismes ou de commissions, le Conseil d’État a considéré dans un

arrêt société Chiesi du 17 février 2012 que l’avis rendu par une commission après la décision censée être prise au vu de l’avis n’avait pas privé les intéressés d’une garantie ou eu une infl uence sur le sens de la décision, dès lors qu’une formation restreinte (un groupe de travail) avait déjà rendu un avis positif. Cette décision rendue dans le domaine de la mise sur le marché de médica-ments concerne aussi les collectivi-tés ; que ce soit pour les commissions internes, les comités hygiène et sécurité et conditions de travail, le comité technique paritaire, les commissions d’appel d’offres ou, en externe, la commission consultative des services publics locaux par exemple. L’irrégularité dans la composition de ces commissions ou dans leur saisine n’est pas nécessai-rement synonyme d’illégalité de la procédure. D’ailleurs, dans son arrêt Danthony, le Conseil d’État avait indiqué que l’omission complète

Le Conseil d’État a rendu, il y a déjà un peu plus de deux ans, un arrêt qui, sans être passé inaperçu, n’a pas encore été pris en compte dans le quotidien du fonctionnement des collectivités.

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La Lettre du cadre territorial • Février 2014 57

d’une procédure consultative ne vicie pas nécessairement la décision prise.

Procédures disciplinairesD’autre part, dans les procédures disciplinaires, et plus généralement dans le domaine de la fonction publique, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise (2) a considéré que la convocation moins de 15 jours avant un conseil de discipline (alors que le délai légal est de 15 jours minimum) n’a pas vicié la procédure car la personne était avertie depuis plusieurs mois qu’une procédure disciplinaire était engagée, et avait été à même d’élaborer sa défense, notamment en ayant pris connaissance, par la consultation de son dossier

personnel, du rapport d’enquête administrative énumérant les fautes reprochées. Bien entendu, à l’occa-sion de l’appréciation concrète du principe, le juge est loin de valider ou de justifi er systématiquement les vices dans la procédure. Ainsi, dans son arrêt du 16 décembre 2013, M. A, le Conseil d’État a annulé une décision mettant fi n à un emploi fonctionnel, au motif que l’entretien préalable avait eu lieu en présence du seul directeur des ressources humaines, et non pas du chef de l’exécutif territorial, comme exigé par le texte (3).

Au revoir les scrupules, bonjour le réalismeEn conclusion, ce nouveau principe issu de l’arrêt Danthony implique

une nouvelle lecture de toutes les procédures administratives. Finies les interprétations pointillistes de la règle de droit, le respect ultra-scru-puleux des délais, des procédures consultatives, de la composition des commissions et des dossiers, des modalités d’information du public etc. C’est une relecture fondée sur l’utilité, au cas par cas, des différentes étapes de la procé-dure décisionnelle qui doit doréna-vant être faite en fonction des

garanties et des droits des personnes intéressées, et de l’infl uence qu’a eue concrètement l’irrégularité commise sur le sens de la décision. Là où hier, le vice dans la procédure était synonyme, soit d’annulation certaine, soit de reprise intégrale de la procédure (et parfois de longs mois perdus), aujourd’hui une nouvelle lecture est rendue possible, plus fl exible et plus respectueuse de l’autonomie locale. C’est une nouvelle manière d’administrer qui va découler de cette jurisprudence : moins soucieuse de la lettre, mais plus de l’esprit des textes (il y a sans doute plusieurs manières d’assurer une bonne information du public ou des personnes) et en même temps moins théorique et plus concrète : le vice a-t-il concrètement privé d’une garantie ou modifi é le sens de la décision effectivement prise ?Ce nouveau principe doit donc être accueilli comme un soulagement. ◆

Camille Mialot & Gilles Caillet

(1) CE, 17 juillet 2013 commune d’Arcachon. (2) TA Cergy, 25 juin 2012 (3) Article 53 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984.

CE QU’IL FAUT FAIRE

Pour tirer parti de l’arrêt1 Continuer de planifi er la procédure

Afi n d’éviter tout risque de vice de procédure, comme par le passé, il est re-commandé d’établir, en amont de toute exécution, les étapes de la procédure et de déterminer un calendrier prévisionnel permettant de valider chacune de ces étapes.

Mettre en place des mesures complémentaires de publicité ou d’information

Les collectivités pourront réfl échir à la mise en place de mesures complémen-taires de publicité ou d’information, sans encourir la critique habituelle : le mieux est l’ennemi du bien.

Apprécier concrètement la gravité du vice de procédure et décider seulement ensuite de la conduite à tenir

En cas de vice dans la procédure, il ne sera pas toujours nécessaire de re-prendre l’intégralité de la procédure ou de recommencer l’étape procédurale défectueuse. À chaque fois, il faudra mesurer si le vice a concrètement pu avoir une infl uence sur le sens de la décision ou si l’irrégularité prive d’une garantie.

Continuer de planifi er la procédureExpliquer le processus de décision en cas de contentieux.L’invocation d’un vice dans la procédure ne suffi ra plus à celui qui conteste une décision administrative pour obtenir l’annulation de la décision attaquée. Car l’argumentation d’un requérant se cantonne souvent à identifi er la mécon-naissance d’un texte de procédure.

EN DÉFENSE, CE SERA PLUS FACILEEn défense, il faudra donc porter le débat sur le terrain des critères de l’arrêt Danthony. Il appartiendra à celui qui conteste de justifi er concrètement en quoi le vice a pu effectivement entacher la décision d’illégalité. En défense, les collectivités auront la tâche plus facile.

2

3

4

Là où le vice dans la procédure était synonyme d’annulation certaine, une nouvelle lecture est rendue possible, plus fl exible.

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La Lettre du cadre territorial • Février 2014 59

JURIDIQUE

MARCHÉS PUBLICS

Contrats de partenariat : gérer les crises

H ier portés aux nues, aujourd’hui critiqués, les contrats de partenariats ne

méritent pourtant, sans doute, ni ces excès d’honneur, ni ces excès d’indignité. Ils sont plus ou moins adaptés à telle ou telle situation, selon la durée d’amortissement des biens, selon que le contrat a pu ou non prévoir une gestion intelligente des « cristallisations de taux d’intérêt », etc.Reste qu’au-delà de la polémique, pour nombre d’acteurs, il y a une crise, grave et multiforme, qu’il faut gérer. Avec notamment des établis-sements fi nanciers qui disparaissent (Dexia) ou qui font défaut.

Premier problème : trouver un établissement en cours de route à moindre coûtDans ce contexte, il n’est pas rare que des partenaires privés aient dû fi nancer en fonds propres, même temporairement, les projets qui leur ont été attribués. Cela est arrivé assez souvent ces dernières années, en raison de la faillite de Dexia (nonobstant les engagements de l’État) ou en raison de retraits du marché par certains acteurs (en dépit des accords conclus entre l’entreprise et ces établissements soudainement effarouchés par ce marché). Mais les entreprises, entre diffi cultés de fonds propres et

interdiction de pratiquer à titre régulier des opérations de crédit, ne peuvent jouer à ce jeu très longtemps…Ceux qui avaient pris soin de bien rédiger leur contrat pouvaient ajouter, ainsi, un établissement bancaire « en cours de route » alors que tous les investissements ou certains d’autres eux sont déjà réalisés et fi nancés par le partenaire privé. Avec la précaution de men-tionner, dans le contrat, qu’en aucun cas les conditions initialement négociées lors de la signature du contrat ne doivent dégrader le coût global du contrat. De même, un contrat de partenariat bien rédigé prévoyait-il dans les grilles de partage des risques des clauses sur ce point…Les contrats moins bien rédigés ont dû conclure des avenants, un peu moins solides, au nom du sacro-saint principe de la continuité du service public.

Deuxième problème : changer les quotes-parts de fi nance-ment de chacunC’est incontournable, pour éviter de trop lourds taux d’intérêt, sans pour autant vicier l’avenant conclu à cet effet…La collectivité publique peut aussi, faute de conditions de fi nancement satisfaisantes par un établissement bancaire (les taux consentis s’avèrent souvent plus élevés qu’il y a quelques années pour ces pro-jets…), fi nancer en partie les investissements en recourant elle-même à des emprunts ou par le biais de subventions. La MAPPP (fi che publiée le 2 octobre 2012) a mis en exergue que le cofi nancement

public d’un contrat de partenariat peut intervenir à différents stades : avant tout démarrage des presta-tions, après la réalisation des prestations mais avant tout décaisse-ment au profi t de ses prestataires, en remboursant au fur et à mesure de l’avancement des travaux par le partenaire, en versement en une seule fois à la mise à disposition de l’ouvrage.

En outre, cette fi che précise que les sommes ainsi versées s’analysent comme la contrepartie de la mise à disposition future de l’ouvrage au profi t de la personne publique. La personne publique devra ainsi demander des garanties suffi santes pour s’assurer du remboursement des fonds si l’ouvrage ne devait pas être accepté in fi ne. Et la décharge de coûts qui en résulte pour le partenaire privé doit être prise en compte dans les négociations qui, souvent, sur ce point atteignent un petit moment de tension…Mais là encore, la sécurisation juridique de tels avenants s’appré-cie au cas par cas et n’est pas toujours aisée. Et, dans le même temps, il est diffi cile de se fâcher avec un partenaire privé avec qui on va vivre, vaille que vaille, quelques longues, très longues années. ◆

Éric Landot & Evangelia Karamitrou

On a loué ou honni les contrats de partenariats, mais ce qui est fait est fait. Mainte-nant, il faut assumer, et tenter de gérer la disparition des établissements de crédit. Car la crise est là.

Il faut gérer une crise grave et multiforme, avec des établissements fi nanciers qui disparaissent ou font défaut.

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JURIDIQUE

60 La Lettre du cadre territorial • Février 2014

En ces lignes, le débat scienti-fi que sera laissé de côté, mais il existe, incontestable-

ment, à propos notamment de la question de la fi abilité d’une telle source d’énergie. S’il est acquis qu’il peut s’agir d’un mode complémentaire de production électrique, il ne saurait, aujourd’hui se substituer aux modes de produc-tion actuels et notamment au nucléaire.Cette toile de fond étant posée, on ne compte plus les jurisprudences rendues sur cette question. Bien souvent les requérants se regroupent sous la forme d’associations d’autant plus motivées qu’elles font un bilan coût-avantage à leur niveau : à des nuisances certaines correspond une production d’énergie aléatoire, estiment-elles.Trois décisions récentes viennent, en quelque sorte, raffermir la position de ceux qui contestent l’implantation en nombre d’éo-liennes industrielles. Elles sont toutes prises en première instance.

Les effets des éoliennes sur l’environnementRegroupant plusieurs dossiers contestant la construction d’éo-liennes, le tribunal administratif de Limoges(1) donne droit au moyen

relatif à l’incidence sur l’environne-ment des projets d’implantation. Le moyen se fonde sur le fait que bon nombre d’arguments avaient été soulevés lors de l’enquête publique, auxquels le commissaire enquêteur n’avait pas répondu, ou par des considérations si générales qu’elles ont constitué des « insuffi sances substantielles ». Et par ce seul moyen, les permis de construire accordés ont fait l’objet d’une annulation. Notons que ce moyen de procédure (article L.123-10 du Code de l’environnement) a permis aux requérants de poser le débat sur l’impact en termes d’environnement (faune, fl ore et hommes) d’implanta-tions d’éoliennes, arguments qui prospèrent souvent diffi cilement en la matière.

La nécessaire publicité de la procédure de création d’une ZDECette fois, pour le TA de Dijon (2), il est question d’une zone de dévelop-pement éolien, dite « ZDE », péri-mètre géographique dans lequel, une fois arrêtée, l’implantation d’éo-liennes est par principe autorisée, en opposition à d’autres zones où elle est proscrite. Sur ce point encore, l’annulation se fonde sur des éléments de procédure, d’une part, en ce que très classiquement, les dispositions de l’article L.2121-10 du Code général des collectivités locales ne furent pas respectées : les délibérations des communes incluses dans le périmètre du projet de ZDE n’avaient pas mentionné l’examen de ce projet préalablement

L’énergie éolienne en France pose régulièrement débat, d’une façon générale, et alimente non moins régu-lièrement le contentieux administratif.

ÉNERGIE

Quand l’éolien se prend les pales dans le tapis

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La Lettre du cadre territorial • Février 2014 61

dans l’ordre du jour adressé aux conseillers municipaux. Et, d’autre part, en ce que l’exigence de participation du public (article L.110-1 du Code de l’environne-ment) n’a purement et simplement pas été respectée, la création de la ZDE s’étant passée entre services de l’État et élus.

La sécurité aérienne militaireIci, dans la décision du TA de Nancy (3), sur le fond du litige, l’annulation est prononcée en raison de l’atteinte à la sécurité (article R.111-2 du Code de l’urbanisme). En l’espèce, le projet de l’implantation, non pas d’une éolienne, mais d’un mât de mesure anémométrique, nuit à la sécurité de la navigation aérienne militaire. En l’occurrence, le projet ne porte pas sur un permis de construire, mais sur un arrêté de non-opposition à déclaration préalable et le tribunal admet, du fait du dépassement d’un seuil d’altitude, qu’une atteinte à la sécurité publique est ainsi constituée.

Qu’en retenir ?D’abord que ces trois décisions interviennent sous forme de « tir groupé », ce qui produit un effet de

tendance. On en déduit de prime abord, que si le contentieux est alimenté, c’est bien que la France demeure une terre de prospection pour l’énergie éolienne.Ensuite, dans les deux premières décisions, c’est l’inobservation de points de procédure qui conduit à l’annulation. Ce qui pose question et rejoint le sentiment, souvent évoqué par les riverains des projets, que la transparence peut laisser à désirer pour ce qui concerne l’éolien. L’ennui, c’est que les machines ne manquent pas d’être vues et que les contentieux jaillissent néanmoins.Observer que les procédures peuvent s’avérer illégales est préoccupant alors qu’elles sont généralement conduites par les services de l’État, ou avec leur concours ; soit donc avec des moyens juridiques et techniques conséquents. Constater, comme dans le cas de la décision du tribunal administratif de Dijon, que la concertation est purement et simplement ignorée, n’est pas de nature à pacifi er les relations entre promoteurs et riverains. Et s’agissant d’une ZDE, terre d’accueil par excellence de projet éoliens, cela confi ne au scandale si d’aventure ce manquement était délibéré.

Enfi n, longtemps niées ou minorées, les problématiques d’impact sur l’environnement et de sécurité aérienne commencent désormais à faire jurisprudence parfois très en amont, comme c’est le cas avec la décision du tribunal administratif de Nancy, dont on peut remarquer la clairvoyance en matière d’anticipa-tion des risques, puisqu’il censure une étude préalable (l’implantation

d’éoliennes commence toujours par la réalisation de relevés sur le terrain) en considération de condi-tions qui ne s’avèrent pas satisfai-santes : rien ne sert en effet de mener une étude dans un contexte où les conditions de réalisation de celle-ci contreviennent à la sécurité des personnes, ce que le juge ne saurait admettre. ◆

Emmanuel Legrand

(1) Décision du 27 juin 2013, M. et Mme Roland Burrus contre Préfet de la région Centre, nos 1101916, 1102084, 1102085, 1102086. (2) Décision du 10 juillet 2013, association Les amis du patrimoine Tonnerois et association Les amis du Vivier, n° 1201632. (3) Décision du 16 juillet 2013, association Avenir et patrimoine 88, n° 1200885.

CE QU’IL FAUT FAIRE

Communiquer1 Consulter la population

On ne perd jamais de temps à consulter les populations sur de tels sujets. La concertation est indispensable et l’on en fait rarement trop en la matière. C’est d’ailleurs tout le sens des ZDE que de mettre clairement carte sur table. Outre une obligation légale, c’est la première manière de désamorcer les confl its potentiels.

Respecter les procéduresLe bon respect des procédures est un gage de sécurisation : envers les habitants qui peuvent être assurés du bon respect du droit, et notamment, concernant des légitimes préoccupations de sécurité. Mais envers les pouvoirs publics également, puisqu’ils sont assurés d’être en règle et, enfi n, envers les promoteurs dont les projets s’avèrent plus diffi cilement contestables. Nul n’y gagne, si d’aventure il souhaitait tenter d’opérer en « catimini » sur ses sujets qui demeurent sensibles.

2

Observer que les procédures peuvent s’avérer illégales est préoccupant, alors qu’elles sont généralement conduites par les services de l’État.

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SUR LE WEB

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JURIDIQUE

QUESTIONS-RÉPONSES

62 La Lettre du cadre territorial • Février 2014

RÉGLEMENTATIONManifestation cultuelle : une collectivité publique peut-elle l’organiser ?

La laïcité recouvre la neutralité des pouvoirs publics, la liberté de conscience

des personnes, la liberté de croire ou de ne pas croire, la liberté de pratiquer le culte de son choix et l’égale attention des pouvoirs publics à l’égard des différentes religions. Rien n’interdit aux collectivités publiques d’organiser des manifestations d’ordre culturel. Le ministre de l’Intérieur précise que c’est le cas par exemple avec les arbres de Noël à destination des enfants des agents publics, les galettes de rois partagées à l’occasion des vœux pour la nouvelle année ou des soirées festives organisées à l’occasion de la rupture de jeûne durant le ramadan.QE n° 33120, JOAN, 8 octobre 2013.

VOIRIELe droit d’accès des riverains à la voie publique peut-il être supprimé pour des raisons de sécurité routière ?

Le droit d’accès des riverains aux voies publiques est une aisance de voirie, droit réel accessoire au

droit de propriété. Ce droit s’exerce dans le cadre d’une permission de voirie par laquelle l’autorité gestionnaire de la voirie autorise le riverain à bénéfi cier d’un tel accès au domaine public routier. Aucune procédure formelle ne s’impose préalablement à la suppression d’un accès riverain pour des considérations de sécurité routière. Dans la pratique, toutefois, l’information préalable du titulaire de la permission de voirie par le gestionnaire de voirie peut lui permettre de faire part de ses observations.Rép. minist. à la QE n° 7939, JO Sénat du 26 septembre 2013.

ASSEMBLÉESLe quorum dépend-il de la participation des conseillers au vote ?

Le quorum doit être atteint à l’ouverture de la séance du conseil municipal mais aussi à l’occasion de l’examen

de chaque question (CE, 23 mars 1988, Lefèvre). Il dépend de la présence des conseillers, mais si des conseillers présents s’abstiennent de voter, cette circonstance est sans incidence sur le quorum (CE, 26 mars 1915, Canet). De même, si des conseillers municipaux présents décident de sortir au moment du vote, cela équivaut à une abstention et n’affecte pas le quorum. Si le quorum n’est cependant pas atteint, il revient au maire de lever la séance et de provoquer une seconde réunion, avec un délai d’au moins 3 jours francs, sans aucune condition de quorum exigée cette fois.QE n° 5029, JO Sénat du 12 septembre 2013.

SÉCURITÉ La vidéosurveillance privée peut-elle être soumise aux règles de la vidéoprotection ?

Les images collectées sur l’espace public à des fi ns de vidéoprotection doivent être préalablement

autorisées. Les installations domestiques ne sont pas conditionnées à l’obtention d’une autorisation préalable dans la mesure où elles doivent se limiter à des prises d’images circonscrites à l’enceinte intérieure des résidences des particuliers. Le ministre de l’Intérieur précise toutefois que les propriétaires de ces systèmes sont implicitement tenus de respecter les dispositions qui encadrent la vidéoprotection sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public qui prévoient que toute personne mettant en œuvre un dispositif dans l’espace public sans y être autorisé s’expose à des poursuites.QE n° 18330, JOAN, 28 mai 2013.

OUI

NON

OUIOUI

DOMAINE PUBLICDénomination d’un lieu : le consentement des ayants droit est-il obligatoire ?

La dénomination d’un lieu (place, voie, équipement…) relève de la compétence

du conseil municipal, en vertu de l’article L.2121-29 du Code général des collectivités territoriales. Le droit d’agir pour le respect de la vie privée dans les conditions prévues à l’article 9 du Code civil « s’éteint au décès de la personne concernée, seule titulaire de ce droit ». Le ministre de l’Intérieur précise en conséquence que l’utilisation du nom d’une personne décédée par une commune pour dénommer un lieu ou équipement public n’est donc pas subordonnée au consentement des ayants droit.QE n° 08380, JO, Sénat, 2 janvier 2014.

NON

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FINANCESwww.lettreducadre.fr/Finances

La Lettre du cadre territorial • Février 2014 63

ÉNERGIE

Sipperec 1 – ERDF 0Le Sipperec a remporté lundi 13 jan-vier 2014 une bataille importante dans la guerre judiciaire qu’il mène depuis près de dix ans contre le concessionnaire de son réseau de distribution publique d’électricité, ERDF. Le Conseil d’État a en effet rejeté la demande de pourvoi en cassation de la fi liale du groupe EDF contre une décision de mars 2013 de la cour administrative d’appel de Paris. Cet arrêt confi rme, commente le Sipperec, « le droit (d’une autorité concédante) de solliciter de (son) concessionnaire des comptes de résultat (lui permettant) de contrô-ler la qualité du service public de la distribution d’électricité ».

ÉVALUATION

10 nouvelles collectivités notées en 201326 début 2012, 36 début 2013 et 45 au commencement de cette année 2014. L’intérêt des collectivités pour la notation depuis la chute de Dexia et la crise fi nancière ne se dément pas. À la recherche de nouveaux fi nancements, à des coûts souvent très compétitifs, elles vont sur le marché obligataire et doivent pour cela passer par l’ana-lyse de Standard & Poor’s et de Fitch Rating. Parmi les nouveaux venus, des régions (Aquitaine, Bretagne, Centre et Franche-Comté), des départements (Bouches-du-Rhône et Hauts-de-Seine), des groupements (Marseille Provence Métropole, la commu-nauté urbaine de Strasbourg et Rennes Métropole) et une ville (Rennes). Seule Colmar s’est désengagée en mai 2013 de ce processus.

EN BREF

Traditionnellement, les collectivités fi nancent majoritairement leurs inves-

tissements par l’épargne brute, qu’elles complètent par le recours à l’endettement. En 2013, parce qu’elles ont ponctionné sur leurs niveaux de trésorerie, cet endette-ment est, avec 3,8 milliards d’euros, historiquement bas. Il est faible au regard des années antérieures qui, entre 2005 et 2012, ont enregistré un niveau moyen de 6,8 milliards d’euros. Il faut remonter à 2004 pour observer un montant aussi faible que celui de 2013.En 2011 et 2012, les incertitudes qui pesaient sur l’accès aux fi nance-ments bancaires avaient poussé de nombreuses collectivités à mobiliser des emprunts par anticipation. Elles avaient ainsi mécaniquement

augmenté leurs dépôts au Trésor. En 2013, plutôt que d’emprunter à nouveau, certaines collectivités locales ont utilisé les marges de manœuvre qu’elles s’étaient consti-tuées les années précédentes. Les investissements sont donc fi nancés en 2013 par l’épargne brute et les ressources d’investissement à 91 %, par un prélèvement sur la trésorerie pour 2 % et par un endettement pour 7 %.Ainsi l’encours de dette des collecti-vités locales, avec un niveau de 167,2 milliards d’euros, évolue sur un rythme plutôt faible de 2,3 %. Cette tendance s’observe pour tous les niveaux de collectivités locales, à l’exception des régions dont l’en-cours affi che une progression plus dynamique (+ 4,0 %). ◆

Nicolas Braemer

1993 94 95 96 97 98 99 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 20132000

20

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180

0

En milliards d’euros courants au 31 décembre

INVESTISSEMENT

Les collectivités se désendettentÉvolution de la dette des collectivités locales

Source : Note de conjoncture : « Les Finances locales, Tendances 2013 et perspectives » La Banque Postale, octobre 2013.

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FINANCES

64 La Lettre du cadre territorial • Février 2014

DROITS DE MUTATION

L’augmentation aura bien lieu

Avaient-ils réellement le choix, ces présidents de départements ? D’année en

année, ils ne cessent de tirer la sonnette d’alarme sur la hausse exponentielle des dépenses sociales. Les départements ont en charge les trois allocations individuelles de solidarité (AIS), à savoir le revenu de solidarité active, l’allocation personnalisée d’autonomie et la prestation de compensation du handicap. « Or les compensations versées par l’État sont bien infé-rieures à ce que représente cette charge, de l’ordre de 15 milliards », rappelle l’Assemblée des départe-ments de France (ADF) sur son site.

Ce défi cit de compensation s’est creusé en 2012, de l’ordre de 4,8 à 5,2 Md d’euros. En 2013, représen-tants des départements et du

gouvernement ont travaillé pour examiner les conditions d’un fi nancement pérenne des AIS. En juillet 2013, un dispositif était

Pour affronter le surcoût des dépenses sociales, les conseils généraux peuvent augmen-ter les droits de mutation de 0,7 % sur deux ans à partir du 1er mars prochain. La plupart d’entre eux saisiront cette opportunité, malgré l’impo-pularité qu’une telle hausse induira, puisque les frais de notaires seront plus élevés pour les particuliers. La situa-tion financière ne leur laisse pas vraiment le choix.

« Si la courbe du RSA ne baisse pas… »« L’équation budgétaire est intenable. Le nombre de bénéfi ciaires du RSA a augmenté de 7 % en 2013 au niveau national. Sur les deux prochaines années, le département récupérera 15,2 M€ grâce à la hausse des DMTO. Mais si le nombre de bénéfi ciaires des prestations sociales continue d’augmenter, il sera diffi cile d’y faire face dans deux ans. Sur notre département, qui compte 600 000 habitants, le nombre de bénéfi ciaires du RSA a crû de 10 400 en 2011 à 12 500 en 2013. Le budget dédié au versement des prestations est de 70 M€, en hausse de 9 % de 2013 à 2014. Notre département fait fi gure de bon élève en matière de gestion budgétaire. Nous avons fait des efforts

considérables d’assainissement des dépenses. Pouvons-nous aller plus loin ? Sans doute… Mais il faudrait alors réviser des actions comme le cartable allégé ou les déplacements à la piscine qui, sur le papier, paraissent secondaires mais qui, pour les familles, représentent beaucoup ».

Philippe Hutwolh, DGS du conseil général de l’Eure

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La Lettre du cadre territorial • Février 2014 65

annoncé pour permettre aux collectivités concernées de bénéfi -cier de 2 Md d’euros de plus.

Frais de gestion de la taxe foncière réaffectésCe dispositif s’appuie sur deux mesures. La première consiste en la création d’un fonds de compensa-tion, alimenté par la ressource fi scale que l’État reçoit au titre des frais de gestion de la taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties et qui sera donc redirigée vers les départements. Cette réaffectation permettra aux départements de bénéfi cier de 830 M d’euros, orientés vers les plus fragiles. La deuxième mesure concerne donc le relèvement du plafond des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), à hauteur maximale de 4,5 % et pendant deux ans. « Ce dispositif sera évalué fi n 2015 et, d’ici là, un travail commun sera mené entre l’État et l’ADF sur la maîtrise des dépenses de solidarité prises en charge par les départe-ments », assure l’ADF dans un communiqué (juillet 2013). À l’époque, Claudy Lebreton, président de l’ADF, se réjouissait : « Après six mois de discussions avec le gouver-nement, les départements sont

aujourd’hui rassurés. Ils vont pouvoir continuer l’action sociale qu’ils conduisent au service des familles de France et des citoyens les plus fragilisés ».

1 400 € de plus pour un bien à 200 000 €Plusieurs départements ont déjà enclenché ou vont mettre en place très prochainement cette augmenta-tion : l’Eure, la Creuse, le Nord, le Pas-de-Calais, d’après les informa-tions de La Voix du Nord ; les Pyrénées-Atlantiques aussi, d’après Pyrénéesinfo.fr. « Je crois savoir qu’une grande majorité de départe-ments augmenteront le DMTO », confesse Philippe Hutwolh, DGS du conseil général de l’Eure (lire encadré). Ce « succès » n’est pas du goût des professionnels de l’immobi-lier. « Dans un marché déjà fragilisé par la conjoncture économique, augmenter les droits de mutation va être perçu comme un signal négatif et pourrait décourager certains acheteurs », estimait récemment Sandrine Allonier, responsable des études économiques du courtier Meilleurtaux.com, interrogée sur la VieImmo.com. Il suffi t de sortir la calculette : pour l’achat d’un bien

immobilier d’une valeur de 200 000 euros, le total des frais de notaire passera de 13 300 euros (dont 7 600 euros de droits de mutation) à 14 700 euros (dont 9 000 euros de droits de mutation), soit un surcoût de 1 400 euros pour l’acheteur, « l’équivalent d’une hausse des prix de près de 0,7 % », ajoute Sandrine Allonier.

1,3 milliard d’euros récoltés… dans l’idéalLes départements ont besoin de 2,1 milliards d’euros en 2014. La hausse des DMTO servira à récolter

les 1,3 milliard d’euros restants si tous les départements l’appliquaient. Au total, le produit de cette taxe immobilière captée par les départe-ments est estimé à 7,4 milliards d’euros en 2014 pour être redistri-bué aux départements en fonction de leurs besoins. Les conseils généraux les plus riches (Alpes-Maritimes, Paris, Hauts-de-Seine, Haute-Savoie, Var, Yvelines…) n’ont pas, pour l’heure, l’intention d’augmenter cette taxe. Ce refus est lié au fait que les élus craignent que le marché tendu de l’immobilier, dans ces territoires, ne se raidisse un peu plus. « La pression fi scale qui s’exerce sur les Parisiens va aussi toucher ses limites », s’inquiétait récemment Bertrand Delanoë, maire de Paris. Aux dernières estimations, seuls 15 à 20 départements ne devraient pas hausser les DMTO. ◆

Stéphane Menu

« Les CG sont des amortisseurs sociaux »« Nous devions trouver une réponse rapide et urgente aux pro-blèmes de fi nancement des départements. Cette augmentation autorisée sur deux ans est en contradiction avec l’air du temps sur une plus modération fi scale. C’est presque un cadeau empoisonné pour les collectivités, à l’approche des élections cantonales de 2015. Une fois de plus, certains vont en profi ter pour interpeller les CG

sur la nécessité de se recentrer sur leurs compétences obligatoires. Pourquoi pas, mais la réalité est moins simple : si, par exemple, le CG du Rhône n’intervient pas en matière de logement social, qui n’est pas une compétence obligatoire, ce secteur serait extrê-mement fragilisé. 90 % des dépenses des CG sont liées à des obligations fi nancières très rigides, les 10 % restants servant à orienter les politiques publiques en fonction des besoins des territoires. Il y a deux ans, la Cour des comptes avait mis en évidence les diffi cultés des CG. Ils sont en charge des amortisseurs sociaux, au cœur d’une crise économique et sociale qui se renforce et dont la reprise annoncée ne permettra pas de contrebalancer du jour au lendemain nos indicateurs économiques, aujourd’hui encore assez inquiétants ».

Laurent Mazière, Président de L’Afi gese, directeur du contrôle de gestion au CG du Rhône.

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Une des mesures du dispositif adopté concerne le relèvement du plafond des droits de mutation à titre onéreux à hauteur maximale de 4,5 % et pendant deux ans.

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POLITIQUES PUBLIQUES

66 La Lettre du cadre territorial • Février 2014

RÉNOVATION URBAINE

L’Anru s’ouvre à l’économie

C’est une première pour l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru).

Elle a récemment publié, à destina-tion des maîtres d’ouvrage et des élus, un guide intitulé « Consolider la dimension économique des territoires en rénovation urbaine » (1). L’agence entend sortir de son champ conceptuel de simple aménageur pour réfl échir en amont aux retombées économiques de ses interventions sur le bâti. À l’Anru, on ne s’est jamais détourné de sa mission de base : rénover, recons-truire un bâti dégradé pour relancer la dynamique résidentielle dans les quartiers diffi ciles. Or, la réussite aidant (le bilan de l’Anru est

régulièrement salué depuis sa création, il y a huit ans), l’agence est appelée à transformer son approche du quartier.Comme l’indique justement Éléonore Hauptmann, responsable du pôle d’appui opérationnel, « il n’est plus possible que l’Anru fi nance le passage d’un tramway dans un quartier sans penser à y installer une pépinière d’entre-prises ». Le temps de l’implication formelle est révolu, qui consistait à intégrer « seulement » les habitants des quartiers aux travaux de renouvellement par le biais de la clause d’insertion sociale à hauteur de 5 % de la totalité des équivalents temps pleins. L’objectif est d’élargir

la vision, en intégrant le parcours résidentiel des petites entreprises, clés de voûte d’une dynamique de territoire.

Un potentiel à ne pas gâcherLa transformation d’un quartier passe de fait par la création de petits commerces, de jeunes entreprises, capables de lier harmonieusement un bâti rénové et une attractivité espérée. Le quartier strasbourgeois de Hautepierre en est un exemple proverbial. L’implantation du

tramway a entraîné la création d’une pépinière d’entreprises, dont la fonction est de couver les jeunes pousses créatives qui, au bout de deux ans, sont censées prendre leur envol. C’est ainsi que dans ce cadre, une grande enseigne a pu soutenir une jeune agence de communication.Mais ce tricotage vertueux d’un début de bassin d’emplois n’a de chance de réussir que si le change-ment d’image du quartier s’adosse à l’apparition de projets entrepreneu-riaux symboliques. « Il ne sert à rien de ripoliner ces quartiers, de renforcer la qualité du bâti, si rien de socialement parlant ne s’y

Bâtir, rénover, transformer, etc. l’Anru sait faire et l’a démontré dans les quartiers sensibles. Mais, consciente des limites conceptuelles de l’exercice, l’agence entend intégrer la dimension économique en amont des rénovations, notamment pour dynamiser le secteur tertiaire. Une perspective nouvelle pour les élus et les jeunes futurs chefs de (petite) entreprise.

Profi ter d’une nouvelle attractivitéQue les choses soient claires : la volonté de l’Anru n’est pas de se transformer en une agence de développement économique. « Nous sommes dans la continuité de notre travail quotidien. La rénovation du bâti est un facteur de redressement de l’attractivité des quartiers et il n’est pas interdit d’en profi ter pour rentabiliser cet investissement », précise Laurent Doré, directeur de l’animation et de l’appui aux acteurs de la réno-vation urbaine à l’Anru. « Puisque nous sommes dans une logique immobilière, nous réfl échissons, quand nous le pouvons, en termes d’adaptation des locaux destinés à d’autres usages que l’habitat », enchaîne Éléonore Hauptmann, responsable du pôle d’appui opérationnel.« Dans ce guide, nous avons voulu mettre en avant le fait qu’il y avait des atouts dans ces quartiers et que ces derniers pouvaient donner lieu à des activités commerciales et économiques de proximité », poursuit-elle. Le guide liste en effet 23 cas précis, et modélisables dans les 50 % de quartiers où les travaux concernés par le Programme national de rénovation urbaine (Pnru) sont en cours de réalisation. Si le dossier est suffi samment anticipé, les réserves foncières pour les entreprises sont plus faciles à prévoir. « Quand nous intervenons sur une copropriété privée, c’est moins évident ; il faut l’accord de tous les copropriétaires pour réserver des espaces aux activités commerciales. Les interventions sur le logement social sont facilitées avec les bailleurs sociaux ». La recherche de mixité sociale, éternel Graal des aménageurs, passe aussi par cette dynamique de mixité des fonctions d’un quartier. L’Anru avance doucement mais avec de réelles certitudes sur le sujet. Le fruit sans doute de l’expérience d’un vaste chantier unanimement reconnu comme vital et jamais perturbé par le yoyo des alternances politiques.

L’agence veut sortir de son champ conceptuel de simple aménageur pour réfl échir aux retombées économiques de ses interventions.

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La Lettre du cadre territorial • Février 2014 67

passe », confi e le sociologue Adil Jazouli. Loin des clichés sur les banlieues repères de jeunes oisifs sans projet, les enquêtes de terrain démontrent qu’un jeune sur deux ferait le saut de la création d’entre-prise s’il en avait la possibilité. D’où l’intérêt de renforcer les offres tertiaires pour les jeunes PME. À Dunkerque, par exemple, un projet vise à la création d’un espace de coworking, anglicisme destiné à défi nir un concept de bureaux louables à la journée. L’Anru est l’un des partenaires du projet.

La chance du Grand ParisAutre piste explorée : l’Anru s’est rapprochée des chambres de commerce et d’industrie pour réfl échir à une adaptation urbaine des pôles multiservices (PMS), aujourd’hui pensés pour les zones rurales, prenant la forme d’un café assurant la réception du courrier, la vente de pain et de quelques denrées

alimentaires de première nécessité. Ces PMS permettraient de pallier la disparition progressive des espaces commerciaux installés aux pieds des tours dans les années soixante-dix et quatre-vingt, particulièrement fragilisés par la concurrence des grands centres commerciaux. Car une conviction forte est partagée par tous : une fois rénovés, ces quartiers, regardés auparavant avec un brin de défi ance, proposent des profi ls urbanistiques plutôt séduisants. Dotés d’un espace public repensé, souvent desservis par un tramway ou des bus à haut niveau de

service… ces sites jouent, de fait, un rôle nouveau à l’heure où le concept de métropole appelle à prendre de la hauteur. En tout cas, l’occasion est belle d’en profi ter pour tenter de changer l’image des quartiers concernés. L’Anru entend aussi s’appuyer sur les dispositifs ZFU (zone franche urbaine), parfois décriés parce qu’isolés au milieu des quartiers, sans connexion avec les autres dispositifs. L’objectif fi nal est de faire en sorte que des villes comme Clichy-Montfermeil ou encore Aulnay-sous-Bois, que l’on connaît malheureusement à juste titre comme des exemples de ghettos à la française, soient aussi recon-nues pour la qualité de leurs pôles d’activités tertiaires. Avec le Grand Paris en gésine, ces quartiers-là ont de belles cartes à jouer. L’Anru est prête à parier avec eux… ◆

Stéphane Menu

(1) Téléchargeable sur le site de l’Anru, http://www.anru.fr

Il ne sert à rien de ripoliner ces quartiers, de renforcer la qualité du bâti, si rien de socialement parlant ne s’y passe.

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PROSPECTIVE

ENTRETIEN

68 La Lettre du cadre territorial • Février 2014

Vous écrivez que le développement durable est une démarche humaniste qui a perdu son humanité… De quoi surprendre votre

lecteur : n’êtes-vous pas en effet le président du Comité 21 ?Je ne conteste évidemment pas les outils, les méthodes du développement durable, mais il y a une vraie dimension humaniste et émo-tionnelle dans cette affaire qui est importante, qu’il ne faut pas perdre, et qui est le point de départ du développement durable. Nous nous trouvons dans un monde en changement très rapide, avec le numérique, la mondialisa-tion… Cette transformation-là a aujourd’hui besoin d’une boussole qui est le développe-ment durable, mais sans oublier sa dimension humaniste, généreuse pour reconsidérer en profondeur la société. Voilà, c’est ce que j’essaye de raconter dans mon livre. Il y a vraiment de très belles choses qui se font à travers les outils de développement durable, mais le développement durable n’est pas à l’échelle de ce qu’il faudrait faire, au regard

du climat, des évolutions en cours. Si on veut que ce soit à la hauteur, il faut revoir notre imaginaire, repenser ce qui fait le vivre ensemble dans la société, et à partir de quoi se déploient toutes les dimensions humaines, humanistes de notre société…

Qu’est-ce qui vous fait dire que la culture est essentielle pour changer la société ?J’ai la certitude que la culture est ce qui caractérise l’humain. En outre, c’est mon premier métier. J’étais comédien. Donc, ce que j’affi rme, ce n’est pas complètement par hasard. Mais ces dernières années, j’ai senti encore davantage le besoin de ramener les questions de culture, de création, d’innova-tion, d’invention dans le développement durable. C’est d’autant plus vrai quand on a été impliqué, comme moi, dans le sommet de Rio 2012. Quand on constate qu’on est 194 pays à essayer de se mettre d’accord, à imaginer comment on peut travailler ensemble, et comment c’est diffi cile…

Pour Gilles Berhault, président du Comité 21, le déve-loppement durable est dans une impasse. Pour en sor-tir, nous n’avons d’autres solutions que de nous ouvrir à la Culture de tous, à toutes les strates de la société. Se cultiver, pourquoi ? Pour s’exprimer soi-même, être en mesure de faire des pas de côté, inventer un imagi-naire collectif, au-delà des convictions de chacun.

« Développement durable : jamais sans la culture »

GILLES BERHAULT

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La Lettre du cadre territorial • Février 2014 69

GILLES BERHAULTest président du Comité 21, le Comité français pour le développement durable.

À LIRE : « Propriétaire ou artiste ? Manifeste pour une écologie de l’être », aux éditions de l’Aube.

On se rend alors bien compte que la question à se poser avant toute autre, est : « Est-ce que la société est capable de partager des projets, donc de partager une culture ? ». Le dévelop-pement de l’humanité passe par l’enrichissement culturel.

Expliquez-nous le lien (le titre de votre livre) entre la culture et la fi n de la possession… ?Nous sommes obligés de rompre avec une économie compulsive, de possession. On a besoin de rompre avec cette économie parce qu’elle n’est pas viable. Bientôt 9 milliards d’individus : on ne peut pas continuer à fonder l’économie sur le fait d’acheter des objets, d’accumuler des choses… Ce n’est pas viable sur un plan environnemental. Notre modèle économique est aussi très discutable. Or, pouvoir rompre avec cette structure de l’économie, passer d’une économie de la

Passer d’une économie de la possession à une économie d’usage demande aussi un vrai développement culturel…

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« La Culture : clé de voûte du développement durable ? »

« Préserver l’éco-système culturel… »

Une question me vient : culturellement, par nos activités de création, que serons-nous en capa-cité de transmettre aux générations futures, pour leur permettre à leur tour de développer leur propre activité de création ?

La culture : un emploi permanent ?Prenons un exemple : faut-il maintenir les maisons d’opéra et l’art lyrique ? Ce principe a été remis en cause, dans les années quatre-vingts sous le ministère de Jack Lang. Toutes les structures dévelop-pant de l’emploi artistique permanent assurant des activités repo-sant sur la transmission du répertoire lyrique et chorégraphique étaient souvent perçues comme représentant un frein à la création. Il valait mieux s’engager dans un dispositif d’emplois plus souples en privilégiant l’utilisation d’équipe artistique reposant sur l’intermit-tence et mobiliser plus fortement les moyens pour favoriser ainsi la création… Plusieurs de ces structures sont devenues de simples lieux de diffusion, sans équipe artistique permanente, ce qui ren-force le risque de variables d’ajustement dans l’offre culturelle lors de diffi cultés fi nancières, ce qui est le cas actuellement.

Opposer patrimoine et création : un non-sensEn termes de développement durable des activités culturelles, il faut revoir le paradigme, car l’écosystème est fragile et la crise de l’intermittence en est une illustration. Dans le spectacle vivant, la transmission du patrimoine ou la reprise de créations contempo-raines nécessitent des équipes artistiques en capacité d’aborder ce type de répertoire tout en développant des activités de créations. Le principe d’opposer patrimoine et création n’a pas de sens, ils sont complémentaires et nécessaires à l’écosystème culturel. La présence d’équipe artistique permanente sur un territoire est un véritable enjeu qui contribue et renforce la vie culturelle, qui crée un climat propice à une vie artistique plus large, qui favorise les échanges entre praticiens amateurs et artistes professionnels, qui renforce le lien social entre le public et les artistes sur un territoire. Avignon en est une belle illustra-tion, où la culture est prégnante à tous les niveaux et ne peut être considérée comme une variable d’ajustement du fait du lien social qu’elle représente.Le véritable enjeu de la culture en tant que contributrice au développement durable est l’utilisation que l’on en fait et pas seulement les moyens que l’on y alloue. Mais la préservation de la diversité culturelle est un élément indispensable au dévelop-pement durable social, économique ou culturel d’un territoire. Il faut donc préserver cet équilibre, même s’il a un coût. Dans un contexte économique contraint, c’est très complexe.Avignon est complètement concernée par cet enjeu, c’est la seule ville de France de moins de 100 000 habitants qui possède encore un opéra avec une saison lyrique, mais également un ensemble de structures et de manifestations de dimension nationale et internationale. On pourrait tout aussi bien se résigner et dire : l’opéra, c’est dépassé. Or, on sait bien que la création de demain se nourrit aussi des œuvres contemporaines d’aujourd’hui et de son patrimoine.

Michel Galvane, directeur de la Culture à Avignon

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PROSPECTIVE

ENTRETIEN

70 La Lettre du cadre territorial • Février 2014

possession à une économie d’usage demande aussi un vrai développement culturel. Je pense toutefois que les nouvelles générations sont beaucoup moins dans cette logique de possession. Les plus jeunes considèrent qu’on peut vivre très bien sans être propriétaire d’une voiture. Ce n’est pas l’objet ordinateur qui les intéresse, mais l’usage… On voit bien par exemple l’évolution du coworking. Il y a des vraies différences générationnelles vis-à-vis de ces notions d’usage et de posses-sion. Et donc la thèse que je défends est celle de dire : si on veut sortir de ce modèle-là, il faut inventer un nouvel imaginaire, il faut revoir les choses profondément, et cela passe par l’éducation uniquement. Car cela ne se décrète pas…

Oui, mais alors comment inciter les gens à s’ou-vrir à la culture ?Par la pédagogie, c’est aussi pour cela que j’ai écrit ce livre, pour montrer qu’il y a une réinvention possible, qui est favorable à la fois

à l’économie, aux conditions de vie et à l’environnement. Les certitudes qu’on avait à la fi n du XXe siècle, ne peuvent plus être celles qui sont à la base de l’organisation du travail, le modèle économique du XXIe siècle. Il faut aussi convaincre les gens que ce n’est pas seulement une contrainte, mais une opportunité que d’inventer un nouveau modèle économique, une nouvelle façon de travailler, si toutefois on n’a pas peur fondamentalement du change-ment… Cette transformation peut être tout à fait agréable à vivre… Quand il y a des transfor-mations sociales comme aujourd’hui : soit on les subit – et c’est plus ou moins désagréable, plutôt moins… – soit on y participe ! Et on vit à une époque, où chacun peut, à son niveau, participer à l’évolution de la société…

Pensez-vous que votre discours peut être entendu par les précaires ?Je ne veux pas tenir un discours « bobo ». Je suis convaincu que chaque humain a sa fonction dans notre société, même les fonc-tions qui paraissent les moins valorisantes sont respectables. En revanche, je crois que, dans chaque fonction, il faut trouver des espaces pour que les humains puissent s’exprimer. Parce que lorsque l’on s’exprime, on se sent exister, capable d’échanger avec les autres… Par ailleurs, si on conçoit l’économie dans une logique d’usage (dans le logement, les voitures, etc.), cela ira, de facto, dans le sens d’une société du partage, et on pourra alors lutter contre la précarité. Après, est-ce que mon message s’adresse aussi aux per-sonnes en diffi cultés ? Bien sûr, car je crois fondamentalement que l’élévation du niveau culturel est extrêmement favorable pour sortir

Chaque humain a sa fonction dans notre société, même les fonctions qui paraissent les moins valorisantes sont respectables

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« Un travail de longue haleine »La culture est très certainement au cœur du développement durable au travers du plan Grandir avec la Culture, qui touche, en Loire-Atlantique, plus de 100 000 jeunes, du primaire au lycée et prioritairement bien entendu les collégiens, (avec l’Éducation nationale et le ministère de la Culture). Le département favorise le développement de l’intelligence citoyenne, la construction de citoyens plus à même de comprendre l’intérêt et la nécessité d’un développement respectueux de l’environnement, au regard des urgences qui se font jour.

C’est un travail de longue haleine que conduisent nombre de collectivités. Le département y contribue aussi plus directement au travers de l’intervention d’artistes plasticiens, chorégraphes ou musiciens, lors de l’organisation de programmations culturelles sur les sites patrimoniaux, dont il est propriétaire : le château médiéval de Clisson et celui Renaissance de Châteaubriant et le Domaine de la Garenne Lemot (demeure italianisante du XIXe siècle, dédiée à la nature et aux arts). La direction de l’environ-nement qui est à l’initiative de balades culturelles, liant pratiques artistiques et nature, participe à l’éclosion d’une perception plus sensible de la richesse et de la fragilité de l’environnement. On le voit, les passerelles fonctionnent dans les deux sens.

Philippe Mille, Directeur de la culture au conseil général Loire-Atlantique

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La Lettre du cadre territorial • Février 2014 71

les gens de la précarité. Trouver du travail, dans un monde de communication, demande un certain niveau culturel. On ne peut plus trouver du travail, si on n’est pas dans une compréhension culturelle du monde. Oui, la sortie de la précarité passe aussi par un progrès culturel.

Vous mettez les artistes à l’honneur… Quelle place faites-vous aux historiens, sociologues, scientifi ques, philosophes, etc. ?Évidemment, tous ces gens-là sont indispen-sables ! Mais même eux, s’ils ne sont pas capables de faire preuve d’imagination, de créer, d’inventer, de faire des pas de côtés, et bien, ils ont forcément du mal à se mettre au service de la société… Ce que je veux dire, c’est qu’une société qui n’est pas capable de s’inventer, qui reste dans une trajectoire, prédéfi nie, ne pourra pas continuer à se développer.

En ces temps de crise, c’est la culture qui souffre, on réduit les subventions de toutes les associations…Je pense qu’on a un vrai problème… Cela me fait penser à la phrase de Francis Blanche qui reste très actuelle : « Il faut apprendre à penser

le changement, pour ne pas avoir à changer le pansement »… Évidemment, quand on est élu dans un conseil général, ou cadre territorial, on est obligé d’avoir une vision à court terme, et le réfl exe est de réduire la voilure dans ce que l’on croit le moins prioritaire… À tort, car c’est maintenant qu’il faut investir dans la Culture, l’Éducation, et qu’il faut avoir une ambition pour un développement culturel de la société.

Vous consacrez tout un chapitre à l’école…Oui, c’est là que cela se joue. On a besoin de faire très attention au niveau de l’école… Une chercheuse américaine dit qu’il faudrait reprendre à l’école l’éducation aux Arts et aux Humanités. Cela peut paraître un luxe absolu dans une période un peu diffi cile… Pas tant que cela, l’école doit permettre aux enfants de développer des capacités à s’exprimer, vivre… à prendre place pleinement dans la société, et pas seulement à travailler comme une bête de somme… Travailler, ce n’est pas occuper une fonction que n’importe qui d’autre pourrait occuper de la même façon. Cela était vrai pour le vieux modèle industriel du XIXe siècle, cela ne devrait plus être le cas. ◆

Séverine Cattiaux

« Une société qui n’est pas capable de s’inventer, qui reste dans une trajectoire, prédéfi nie, ne pourra pas continuer à se développer »

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72 La Lettre du cadre territorial • février 2014

PARCOURS

Passer du public au privé : mission impossible ?

C’est sans doute la différence qui revient le plus souvent dans la bouche de nos témoins, alors

que la quantité de travail fourni est jugée comparable. « Je suis payée à la juste valeur de ce que je fais. La rémunération n’est pas établie selon une grille, mais liée à mon activité et à mes responsabili-tés effectives. Elle évolue aussi selon l’atteinte de mes objectifs, ce qui est particulièrement stimulant » souligne Juliette Pernel, 35 ans, directrice de clientèle chez Sennse, agence de commu-nication et de concertation dédiée au secteur public, qui a passé auparavant 8 ans en collectivité.

Une nécessaire rentabilité plu-tôt bien vécue« Il y a un suivi régulier de ma répartition du temps de travail sur chaque dossier, chose qui n’existait pas dans mes expériences dans la FPT. Ce suivi permet à l’entreprise et à moi-même d’avoir une visibilité sur la rentabilité d’une affaire » explique Matthieu Castagnet, ingénieur territorial qui a connu un parcours profession-nel mixte (actuellement chef de projets dans une société de conseil). D’une manière générale, la recherche de rentabilité est bien vécue : « Je peux davantage mesurer la valeur de mon travail. Il est socialement reconnu » estime David Méhard, 42 ans. Cet ancien directeur de service municipal de la Jeunesse est aujourd’hui directeur adjoint d’Arrimages, une association de prévention spécialisée. Il

doit régulièrement rendre des comptes à ses bailleurs de fonds selon des critères d’évalua-tion partagés.

Des jeux d’acteurs plus simples« Dans le public, beaucoup de choses non dites parasitent le processus de décision » explique Anaïs*, 43 ans, juriste passée au privé et revenue en territoriale. « En collecti-vité, il y a deux niveaux assez différents :

Rémunération : le privé paie (un peu) mieux« Quand j’ai annoncé combien j’étais payée, mon futur employeur m’a demandé si je travaillais à mi-temps ! » se souvient Anaïs. Entre public et privé son salaire a été multiplié par 2,5. Cette culbute est un peu l’excep-tion qui confi rme la règle. En moyenne, le gain fi nancier tourne autour de 20 à 30 %. Sur la strate au-dessus, c’est encore moins net. Selon Tony Lourenço, 43 ans, dirigeant et fondateur du cabinet de recrutement Territoires RH : « Les cadres dirigeants gagnent à peu près la même chose dans des organisations de taille équivalente ».

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La Lettre du cadre territorial • février 2014 73

l’administratif et le politique. Leurs temps et leurs enjeux de pouvoir ne sont pas les mêmes » rappelle Stéphane Guérin, 39 ans, ancien directeur fi nancier d’une communauté d’agglomération, aujourd’hui consultant pour le cabinet Stratorial Finances. « Sur certains projets, impliquant plusieurs élus et plusieurs services ou directions, les processus de décision pouvaient être particulièrement longs » se souvient Juliette Pernel qui loue à l’inverse la rapidité de décision au sein du comité de direction de Sennse, qu’elle lie également à la taille de l’agence de 40 salariés.

Un management plus souple« La gestion du personnel me paraît plus souple dans le privé. Sans remettre en cause les fi ches de poste de chacun, je peux facile-ment déplacer une personne d’un projet à l’autre ou faire appel à des ressources exté-rieures, afi n de répondre au mieux aux besoins ou attentes de nos clients » fait valoir

Juliette Pernel. « Le travail d’équipe et en transversalité m’a paru plus naturel au sein de la grande banque privée où j’ai exercé qu’ac-tuellement en collectivité » renchérit Anaïs.Une chose est sûre, aucun de nos témoins ne regrette d’avoir connu les deux mondes. « C’est un enrichissement » souligne Stéphane Guérin, « dans le public, j’ai amélioré mes compétences budgétaires et comptables. Dans le privé, j’ai pu développer d’autres compétences à proposer aux collecti-vités clientes ». ◆ Rémi Uzan

* Le prénom a été changé

Des connaissances et des compétences recherchées« Grâce à mon expérience en collectivité, je parle le même langage que ceux à qui j’offre mes services aujourd’hui. Je connais leur fonctionnement, leurs besoins ainsi que leurs contraintes. C’est ce qui rend mon travail passionnant et c’est une des raisons pour lesquelles j’ai été engagée chez Sennse » expose Juliette Pernel. Même constat pour Stéphane Guérin, pour qui « les entreprises ne savent pas comment fonc-tionne une collectivité territoriale ». Pour David Méhard : « Les cadres territoriaux doivent garantir qu’on apporte en permanence une réponse de qualité à l’usager. Dans le privé, ils attendent la même chose : la régularité et la continuité des services ».

Les secteurs qui recrutentVous avez décidé de sauter le pas. Bravo ! Maintenant, quels secteurs allez-vous cibler ? Soyons clairs, les gros bataillons d’employeurs se situent du côté des acteurs économiques qui fournissent des compétences au secteur local : entreprises de réseaux, d’infrastructures, BTP…L’économie sociale et solidaire, qui poursuit des buts d’inté-rêt général, fournit un autre champ. De même que le milieu associatif. Ainsi, après quatre ans en mairie au grade d’attaché, puis une expérience à l’étranger, Gwenaëlle Thomas, 40 ans, est devenue déléguée générale d’une importante association : « j’avais envie de changer et j’ai aujourd’hui un poste à mul-tiples dimensions : management, recherche de fi nancements, communication… ».

Contrepoint : beaucoup d’échecs observés du public vers le privéTony Lourenço a développé depuis dix ans des passerelles public-privé, privé-public et inter-fonctions publiques. « J’observe beaucoup d’échecs lorsque des cadres passent du public au privé. De fait, les fi nalités du privé peuvent vous paraître, après coup, bien pauvres, quand on a travaillé pendant 20 ans au service de l’intérêt géné-ral et sur toutes les dimensions d’un territoire.En tant qu’agent public ou élu, vous pouvez avoir le sentiment de contribuer modestement à changer le monde. Tous les milliers d’euros du monde ne valent pas ça.

Par ailleurs, je constate souvent une désillusion chez des cadres. Ils pensaient que leurs employeurs privés cherchaient leurs com-pétences, puis ils s’aperçoivent qu’ils visaient d’abord le carnet d’adresses. C’est trivial : grâce à vous, ils vont pouvoir faire 20 à 30 nouveaux clients stratégiques qu’ils n’ont pas aujourd’hui.Par conséquent, mon conseil, c’est : soyez vigilants, décodez l’offre d’emploi, analysez la culture de l’entreprise. Il peut y avoir cependant de bonnes expériences car les entreprises se veulent de plus en plus citoyennes sur leur territoire. Enfi n, depuis une dizaine d’années, les process ont tendance à se rapprocher entre secteurs public et privé : il y a désormais une politique de gestion des ressources humaines dans la territoriale et le mode projet issu du privé s’implante peu à peu. »

Tony Lourenço, dirigeant de Territoires RH

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Un conseil : soyez vigilants, décodez l’offre d’emploi, analysez la culture de l’entreprise.

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SUR LE WEB

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PROSPECTIVE

74 La Lettre du cadre territorial • Février 2014

PRATIQUES D’AVENIR

L’interco teste son « Autolib »

Le test a démarré en novembre dernier. De six petits véhicules diesel, la communauté de

communes Plaines et Forêts d’Yve-line, dont la ville centre est Rambouillet, est passée à un pôle de cinq véhicules électriques loués par Bolloré. « Nous fonctionnons sur le modèle d’Autolib » lance Jean-Christophe Attard, DGS de l’intercommunalité.

Nouvelles pratiquesLe DGS, le Conservatoire n’ont plus « leur » voiture… Commentaire de Jean-Christophe Attard : « On supprime quelque part le côté affectif qu’on met parfois dans une voiture… On n’y laisse plus de choses personnelles. C’est comme un bus, un outil de déplacement… ». Les cinq voitures sont en total partage. Trente agents ont une carte « Bluecar », vingt l’ont utilisée (1). Pour obtenir cette carte, les agents ont fait eux-mêmes la démarche d’envoyer une photocopie de leur carte d’identité et du permis de conduire au service Bolloré.Le passage à l’autopartage a été l’occasion de rationaliser certains

déplacements. Le territoire est assez étiré avec 450 km2 de superfi cie, les équipements sont un peu partout. Désormais « un appariteur »

s’occupe de faire la tournée des équipements pour faire le lien avec le siège communautaire, et la trésorerie. Autre changement pour les agents : s’habituer au boîtier de vitesse automatique…Une Bluecar chargée à bloc permet de faire 200 km l’été, mais 150 km l’hiver. Encore un petit changement culturel à intégrer. Le DGS a constaté qu’en moyenne, un agent fait 41 km avec la voiture. Néanmoins, avec l’électrique, et aucune borne ailleurs (pour le moment) sur le territoire rural, mieux vaut savoir précisément où l’on se rend.

La communauté de communes Plaines et Forêts d’Yveline utilise une flotte de voitures élec-triques de Bolloré, en autopartage. Tout semble bien rouler, mais on est qu’au début du test.

« On paye pour voir ce que ça donne… »« C’est un peu comme au poker, on paye pour voir ce que ça donne, pour enrichir notre réfl exion. Tout est possible. On pourrait aussi coupler un futur service d’autopartage avec des vélos électriques… Pendant ce test, qui dure un an, on propose à nos partenaires des déplacements gratuits dans le cadre de l’expérimentation. Demain, si on propose une offre payante, il faut que cela reste avantageux

pour les utilisateurs, donc inférieur à ce que ça revient quand est propriétaire d’une voiture… »

Jean-Christophe Attard, directeur général des services de la communauté de communes Plaines et Forêts d’Yveline

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La Lettre du cadre territorial • Février 2014 75

Réserver à l’avance… ou pasIl est préférable de réserver son créneau à l’avance, si on veut être sûr d’avoir une voiture. Mais au moment de la prise en main, la batterie sera plus ou moins char-gée… Ou alors, on prend l’option « partir tout de suite », qui permet de visualiser les voitures disponibles et leur niveau de charge… Mais la disponibilité de la voiture n’est alors pas garantie. Ceci dit, dans l’interco, les voitures de service sont encore assez peu utilisées…La réservation s’effectue en quelques secondes sur un iPhone. La voiture 2 est disponible de 12 à 14 heures ? À 12 h 01, l’agent présente sa carte en direction d’un capteur à côté du rétroviseur conducteur, qui recon-naît sa puce RFID… La voiture s’ouvre. Il débranche le véhicule relié à la borne de recharge et démarre. Quand il la ramène, il la rebranche.

Des économies ? Peut mieux faire…La location mensuelle d’une Bluecar est sensiblement plus élevée : 500 euros contre 400 euros pour les petites voitures diesel auparavant (prêt longue durée). Bien entendu, dans ce prix, le service entretien et réparation est inclus. L’économie se fait vraiment sur le carburant. « Par

mois, une voiture diesel consommait 150 euros d’essence, contre 15 euros aujourd’hui d’électricité » assure Jean-Christophe Attard.Pour creuser vraiment l’écart, il faudrait intensifi er l’usage des voitures… Et on est loin du compte. En deux mois et demi, les cinq

voitures électriques ont parcouru 7 786 km, et ont été réservées 187 fois. À la louche, chaque voiture a été utilisée en moyenne une fois par jour (les voitures du service Autolib classique sont utilisées cinq ou six fois en moyenne, mais sur des trajets plus courts). Mais c’était pire avant : les voitures diesel étaient six, et elles étaient parfois utilisées seulement une heure dans la journée.Petit aparté technique : les batteries de Bolloré sont des batteries lithium polymère. Elles présenteraient l’inconvénient de se décharger très vite…

En revanche, avantage « Bolloré », du fait de la proximité de la collecti-vité avec Paris, le député-maire et le DGS (lorsqu’ils se rendent à l’As-semblée nationale), ou les agents en formation… peuvent recharger leur voiture électrique, sur des places parisiennes Autolib.

Prochaine étapeDans quelques semaines, la commu-nauté va proposer aux clubs de sports, aux associations, au centre intercommunal d’action sociale d’utiliser les voitures le week-end. « On va recueillir l’avis d’utilisateurs du territoire » lance le DGS. La communauté compte aussi sonder les besoins des entreprises… Qui dit nouveaux utilisateurs, dit nouvelles bornes pour recharger les véhicules à l’arrêt, « au moins une par com-mune ». L’intercommunalité ne possède que cinq bornes électriques (1 500 euros par borne), toutes basées au siège de la communauté. « Nous allons aussi installer quelques bornes à certains endroits du territoire pour que les voitures aient un rayon d’action plus impor-tant… ». ◆

Séverine Cattiaux

(1) 130 agents au total dans l’intercommunalité, dont une petite cinquantaine d’agents permanents.

« Cette expérience est pédagogique »

« L’autopartage électrique en milieu rural/périur-bain, est surtout très pédagogique. Même si au départ, c’est plus ou moins imposé, puisque cela émane de la collectivité… Cela amène des per-sonnes à découvrir ce service, à y prendre goût, à essaimer. Par ailleurs, on voit par cette expé-

rimentation de Rambouillet, le rôle essentiel que peuvent jouer des opérateurs… Il n’y en a pas en France, à l’exception de Bolloré. J’espère qu’il ne restera pas le seul. Car un opérateur apporte tout sur un plateau : les voitures, bornes, logiciel, etc. Cela permet à des intercommunalités de tester, de se lancer plus facilement… »

Isabelle Rivière, présidente de l’association pour l’Avenir du véhicule électrique méditerranéen (AVEM).

« Une étude de l’utilisateur cible est une sage précaution »

« La voiture électrique ne doit pas être cantonnée à la ville. Je suis en périphérie de Strasbourg, et je fais tous les jours 60 km en voiture électrique. Quant à la formule autopartage, son succès dépend vraiment de la typolo-

gie des utilisateurs. Une étude à mener sur l’utilisateur cible est une sage précaution… Il y a en tous les cas des endroits à favoriser pour mettre en accès des voitures et des charges : une gare, une zone industrielle, un parc d’entreprises… »

Yoann Nussbaumer, fondateur du site Automobile-Propre.com : l’actualité de l’automobile écologique

Une Bluecar chargée à bloc permet de faire 200 km l’été, mais 150 km l’hiver. Encore un petit changement culturel à intégrer…

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PROSPECTIVE

76 La Lettre du cadre territorial • Février 2014

ÇA SE PASSE AILLEURS

« L’effet Bilbao » est-il reproductible ?

Le visage de Bilbao aurait changé du tout au tout le jour où son musée a ouvert ses portes,

attirant massivement les foules séduites par une architecture exceptionnelle. C’est ce que tend à faire croire l’expression « effet Bilbao », utilisée à toutes les sauces. Pourtant, le fameux effet ne s’est pas construit en un jour… et à vrai dire, il a même surpris l’équipe munici-pale à l’origine du projet de musée. Car un véritable travail de fond a été réalisé pour offrir un nouveau visage à Bilbao, ancienne ville riche de son industrie, son port et son université réputée au début du XXe siècle, tombée en déshérence dans les années 1970. La fi n des mines de fer, de la sidérurgie, des chantiers navals

sonnèrent le glas de l’une des villes les plus opulentes d’Espagne.

D’abord, repenser la villeAvant que ne soit construit le musée Guggenheim en 1997, un vaste chantier de réhabilitation intégrant la ville et ses environs fut mis en place. Il allait bien au-delà de la simple idée d’attirer les touristes en nombre. Avant cela, il fallait repenser l’urbanisme, déplacer ce port situé en plein cœur de Bilbao, puis gommer du paysage les nom-breuses friches industrielles. Dix ans avant l’ouverture du musée Guggenheim, la municipalité entreprenait de repenser sa ville. C’est dans les années 1980 que déjà, elle décidait de soutenir la culture

matérielle et immatérielle locale : l’architecture unique du Vieux Bilbao, l’art de vivre, la gastronomie…Évelyne Lehalle, retraitée du ministère de la Culture et spécialiste du tourisme culturel, travaille souvent avec Bilbao pour son agence Nouveau tourisme culturel. Au départ, dit-elle, « je ne comprenais pas comment ils pensaient ! ». À mille lieues des habitudes fran-çaises, où la spécialité est le cloison-nement des compétences, les équipes de Bilbao étaient priées de travailler ensemble.« Les équipes, extrêmement compé-tentes, très dynamiques et très jeunes, ont intégré depuis longtemps qu’il fallait avoir une vision glo-bale. » Quel que soit le projet, il était envisagé comme un élément du développement de la ville. Au milieu de ceux-là se trouvait le musée Guggenheim… Guggenheim, une marque internationale qui a sans conteste décuplé l’effet attendu. Mais si, par la suite, Bilbao a vu son attraction touristique grandir, c’est bien grâce au travail de fond réalisé sur la ville, ses infrastructures et son accueil.

Pas de stratégie touristiqueEn France, d’après Évelyne Lehalle, le Louvre-Lens et le centre Pompidou de Metz n’ont pas élaboré une stratégie touristique poussée. Le nombre de visites est très encoura-geant. Cependant, explique-t-elle, « on ne sait pas encore penser comme cela ». Tout n’est pas fait dans le même ordre, mais Lens, cité ouvrière en quête de renouveau, trace un sillon assez proche de celui de Bilbao – toutes proportions gardées. Dès l’annonce en 2004, la région a tenté de rassembler les acteurs locaux autour du projet du

Depuis que le Louvre-Lens a fêté sa première année d’exis-tence le 4 décembre dernier, les titres dans la presse évoquant l’attente d’un « effet Bilbao » pour la ville se sont multipliés. Mais l’effet Bilbao est-il bien ce que l’on croit ?

« En France, culture et tourisme restent diffi ciles à lier »

« Les expertises sur la faisabilité des politiques culturelles et touristiques sont quasiment inexistantes en France. Les maires ont spontanément tendance à consacrer les actions de leurs musées et monuments au public de proximité. Pourtant, environ 60 % des visiteurs des musées sont des touristes. Tant que le rapprochement culture et tourisme ne sera pas dans les missions du ministère, il y

aura un problème. « En France, une trentaine de musées et monuments, tous situés en Ile-de-France, attirent la majorité des visiteurs. Les quelque 3 000 autres sites se partagent les miettes du gâteau. Pourtant, nous sommes le premier pays touristique, sans même jouer la carte de la culture ! « La ville de Bilbao est devenue attractive pour les touristes grâce à la vision globale des équipes en charge du tourisme culturel. En France, je dirais que seules les villes de Paris, Lyon et Nantes travaillent en mêlant la culture, l’urbanisme, le transport… Il existe aussi une vraie porosité entre les formes d’art, associant le numérique, la création pour l’art contemporain, en ouvrant des laboratoires de création. C’est une vision encore trop peu répandue en France.« L’effet capitale culturelle européenne perdure dans le temps grâce à l’effet de communication. Marseille a pu profi ter de cet éclairage pile au moment où son image se détériorait. Cette notoriété est durable et il suffi t de peu pour l’entretenir. Par exemple, Liverpool bénéfi cie encore de cette aura depuis 2008. »

Évelyne Lehalle, fondatrice de l’agence Nouveau tourisme culturel

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La Lettre du cadre territorial • Février 2014 77

EN BREF

CHINE

Il est pas beau le modèle chinois ?Vous ne le savez peut-être pas, mais l’indice Gini permet de mesurer la ré-partition des richesses dans une société sur une échelle de 0 à 1. Plus on est près de 0, plus la société est égalitaire, plus on s’approche de 1, plus les inégalités sont abyssales. Les autorités chinoises viennent de publier (une première depuis 10 ans) un indice qui s’établit à… 0,473. On fl irte dangereusement avec les 0,4, seuil d’alerte où l’on considère que les troubles sociaux ne sont pas loin. Malgré, ou à cause de sa croissance, la Chine fait désormais partie des pays les plus inégalitaires du monde. L’absence de démocratie + les inégalités : il est pas beau le modèle chinois ?

ÉTATS UNIS

Des droits pour tousLa chambre des représentants à majorité républicaine bloque toujours la loi qui permettrait d’ouvrir l’accès à la citoyenneté aux millions d’immi-grés clandestin qui vivent sur le sol américain. Au lieu d’attendre que le dossier se débloque, plusieurs états américains ont pris le taureau par les cornes et voté des lois qui comblent le fossé entre citoyens américains et clandestins. Le New Jersey (comme 18 autres états avant lui) a aligné les frais de scolarité payés par les jeunes sans papiers pour entrer dans les collèges : ils payent désormais le même prix que les jeunes américains. Treize états ont aussi donné accès au permis de conduire aux immigrés clandestins.

CHILI

Place aux femmes Le gouvernement que for-mera en mars la nouvelle (et ancienne) présidente

du Chili, Michelle Bachelet, marquera par le renouvellement qu’il impose. 9 des 23 portefeuilles auront pour titu-laires des femmes, un nombre jamais vu au Chili. Il y aura aussi un ministre com-muniste pour la première fois depuis la présidence de Salvador Allende.

Louvre. La démarche a pris du temps, certains ne croyant pas vraiment au projet, mais l’associa-tion Euralens est fi nalement créée en 2009. La démarche permet de mieux intégrer le musée au paysage, en créant des ponts avec l’ancienne cité minière. Le tourisme culturel et industriel est envisagé dans son ensemble, élargissant le projet aux dizaines de musées qui peuplent la

région. Enfi n, l’offre hôtelière est peu à peu enrichie et les collectivi-tés travaillent sur l’accessibilité. Ces démarches interviennent en léger décalage avec l’ouverture du Louvre-Lens, là où Bilbao avait préparé le terrain bien en amont. Mais, comme le note Évelyne Lehalle, « il n’existe pas un seul modèle, on peut en inventer d’autres ». ◆ Marjolaine Koch

Bilbao et son « effet » ne sont pas nés en un jour…

• 1986-1987 : création d’un nouveau port maritime ; plan de revitalisation de l’espace urbain de Bilbao.

• 1990-1991 : le plan de revitalisation urbaine est étendu à l’échelle de l’agglo-mération. Metropoli-30 est créé et regroupe 30 communes de la métropole. Dès ces années, un plan de communication auprès des habitants permet de les fédérer autour du projet.

• 1992 : création de Bilbao Ria 2000, structure mise en place par l’État et les collectivités pour le montage et la réalisation d’opérations d’urbanisation.

• 1993 : Début des grands travaux : démolition des friches industrielles, dépollu-tion, construction de voies ferrées et de gares… La même année, le Concours international de défi nition de l’aménagement est remporté par l’architecte américain César Pelli.

• 1995 : Mise en service de la première ligne de métro.• 1996 : Opération de rénovation du quartier du Vieux Bilbao.• 1997 : Ouverture du musée Guggenheim.• 1999-2012 : Accélération des constructions et choix de grands architectes pour

les réalisations (Santiago Calatrava pour l’aéroport et le pont, Zaha Hadid pour l’aménagement des friches industrielles de l’île de Zorrozaurre…).

• 2004 : Bilbao reçoit le Prix du Meilleur projet urbain du monde (prix « Città d’Acqua) et le Prix européen de Planifi cation urbaine et régionale.

• Ses projets à l’horizon 2020 : aménagement de nombreux quartiers dans l’agglomération, dont des éco-quartiers et de nombreuses industries créatives (web, studios de cinéma, jeux vidéo…).

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PROSPECTIVE

78 La Lettre du cadre territorial • Février 2014

PRATIQUES D’AVENIR

Pourquoi Dufl ot veut limiter les meublés touristiques

La fronde est venue de Paris. Et le bretteur en chef n’était autre que Jean-Yves Mano,

adjoint au maire en charge du logement. Dans un entretien à Challenges au mois de novembre 2013, l’élu décrivait les effets pervers d’une pratique large-ment développée dans la capitale, avec le succès de sites comme Airbnb, BedyCasa ou encore House Trip, et que la mairie entend réguler : la location meublée touristique de courte durée. Si la pratique est légale pour « des gens qui louent leur propre appartement pendant qu’ils sont en week-end ou en vacances, pour arrondir leurs fi ns de mois », rappelle l’élu, d’autres en ont fait un « véritable business et il faut dire stop », explique-t-il à Challenges.

Un logement n’est pas un hôtelCette colère a reçu un écho favo-rable du côté du gouvernement. La loi sur l’accès au logement et un urbanisme rénové (Alur), qui sera défi nitivement votée fi n février, devrait renforcer le dispositif existant : « Le texte donne un nouveau pouvoir à nos agents

communaux [Ndlr, de la ville de Paris], qui auront désormais le droit de se rendre sur place, de sonner à la porte et de s’enquérir du statut de l’occupant du logement », précise M. Mano. Autre nouvelle exigence : il faudra, pour obtenir un change-ment d’usage d’un logement, obtenir l’accord de la majorité des copro-priétaires. Enfi n, le changement d’affectation du logement devra être signifi é à la mairie qui en, dernier ressort, accordera son feu vert. Les municipalités veulent mettre un terme à l’activité d’investisseurs qui font un véritable business de la location touristique de courte durée. Une activité très rentable, pouvant rapporter jusqu’à 3 ou 4 fois plus qu’une location traditionnelle.

Au prix où sont les chambres d’hôtel à Paris (et ailleurs), la location de meublés tou-ristiques était devenue un excellent moyen de réduire les frais d’hébergement. Mais, alertée par la mairie de Paris des effets pervers du phéno-mène, Cécile Duflot a décidé de siffler la fin de la récréa-tion pour des milliers de pro-priétaires qui avaient flairé le bon filon.

Attention, les agents municipaux débarquent !Ces derniers mois, les procès se sont multipliés à Paris contre les gros loueurs touristiques non déclarés. Et la loi Alur va compliquer la tâche de ceux qui souhaite-raient passer entre les mailles de la loi. Elle donnera en effet la possibilité aux agents assermentés des villes de plus de 200 000 habitants de constater que les personnes présentes dans un logement pour une courte durée le sont en vertu de la loi, en éplu-chant les contrats de location et les mandats. L’amende peut atteindre 25 000 euros, voire 80 000 euros et un an de prison selon les cas les plus graves.

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La Lettre du cadre territorial • Février 2014 79

Effet boomerang ?La loi Alur, si elle est bien accueillie par les hôteliers, suscite le courroux des propriétaires et des agences spécialisées dans ce type de loca-tion. Pour le Pdg de House Trip, Arnaud Bertrand, ce projet de loi est fortement exposé à un effet boomerang. « Il va décourager, voire interdire de facto, les propriétaires de louer pour de courtes durées leur résidence secondaire ou pied-à-terre », assure-t-il dans les colonnes du Parisien. « Parce qu’ils souhaitent en jouir quelques semaines dans l’année, ils ne les replaceront pas, dans le parc locatif longue durée. Ils resteront donc, pour la plupart, vacants », pronostique-t-il.Pour lui, près de 100 000 logements parisiens (plus de 60 000 résidences secondaires et 31 000 pied-à-terre) pourraient ainsi être retirés du marché de la location. « Nombreux sont les propriétaires qui hébergent des voyageurs pour arrondir leurs fi ns de mois ou conserver leur logement à Paris. Restreindre drastiquement la location touris-tique de courte durée, c’est donc donner un nouveau coup de rabot

au pouvoir d’achat des classes moyennes », déplore Arnaud Bertrand.

Entre 20 000 et 30 000 logements concernés !Les propriétaires de résidences principales ne sont pas concernés, le nouveau texte de loi s’adresse aux propriétaires de pied-à-terre ou de résidences secondaires dans les villes de plus de 200 000 habitants. Les propriétaires de résidence principale pourront continuer à louer en toute légalité leur bien quatre mois par an, lorsqu’ils partent en week-end ou en vacances. En 2010, l’Insee avait recensé dans la capitale, 31 622 pieds à terre et 59 096 résidences secondaires (appartements et maisons confon-dus), soit près de 100 000 logements qui se trouvent potentiellement concernés par le nouvel encadre-ment. D’après la ville de Paris, en cinq ans, entre 20 000 et 30 000 appartements auraient déjà été soustraits au marché locatif tradi-tionnel pour être loués à la nuitée ou à la semaine. « Ce n’est plus du tout exceptionnel, c’est proche de 10 % de l’offre locative ! », expliquait alors

Jean-Yves Mano. Une situation intolérable lorsque l’on sait que le marché locatif « classique » est complè tement bloqué à Paris et que le business de la location de courte durée constitue une forme de concurrence déloyale pour les hôteliers. Ces derniers, tout en

reconnaissant que le prix de l’hôtel est souvent exagéré, paient, il est vrai, des taxes que ces nouveaux investisseurs n’acquittent pas !

Airbnb, c’est bon pour l’éco-nomie localePrincipal site de location entre particuliers, Airbnb veut se défendre. Le site a récemment publié une étude pour démontrer que la « communauté Airbnb » a contribué à l’activité économique de Paris à hauteur de 185 millions d’euros en un an, soit 1 100 emplois induits. 83 % des hôtes parisiens louent le logement dans lequel ils vivent, et près de la moitié d’entre eux utilisent les revenus de la location pour rembourser un prêt immobilier ou payer leur loyer. La location aide donc à conserver son logement à Paris. Les voyageurs séjournent en moyenne 5,2 nuits à Paris et dépensent 865 euros pendant leur séjour alors que les voyageurs à l’hôtel restent 2,3 nuits et dépensent 439 euros. ◆ Stéphane Menu

Changement d’usage obligatoire… et cherLa loi Allur ne va rien changer à l’existant pour les propriétaires de résidence prin-cipale : on peut louer sans problème son bien à des touristes. Il faut tout simple-ment que cette durée de location n’excède pas quatre mois par an. Le contexte est radicalement différent s’il s’agit d’une résidence secondaire, louée le week-end ou à la semaine, etc. La loi Alur prévoit de renforcer l’obligation d’obtenir auprès de la mairie une autorisation de changement d’usage. À ce jour, les particuliers sont rares à faire une telle démarche, pour des raisons fi scales, il est vrai exorbitantes : pour obtenir le changement d’usage de son bien, il faut en effet acheter de la « commercialité » auprès de bailleurs sociaux ou de particuliers pour pouvoir le transformer en local commercial. Or, le coût d’une telle réaffectation est élevé : de 400 euros le mètre carré dans le 14e arrondissement de Paris, à 3 000 euros (!) dans le 8e. En moyenne, il faut compter entre 1 000 et 1 500 euros le mètre carré, à ajouter au prix d’acquisition de l’appartement.

Il s’agit d’en fi nir avec les investisseurs qui font un véritable business de la location touristique de courte durée.

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LYON• 18-21/02• 06-09/10

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RÉF. ADMB1429

Les fondamentaux des Marchés Publics(niveau 1)

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RÉF. ADMB1430

Les fondamentaux des Marchés Publics(niveau 2)

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RÉF. ADMB1431

Les marchés passés selon une procé-dure adaptée

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RÉF. ADMB1432

Optimiser ses achats : les bonnes pratiques

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Retrouvez le programme détaillé sur : http://formation.territorial.fr

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PROSPECTIVE

À LIRE

La Lettre du cadre territorial • Février 2014 81

Universitaire américain, Michaël Sandel a produit un livre majeur qui mérite d’être présenté à un public francophone. Sans charge excessive, il propose le tableau critique d’un monde où tout prend progressivement un prix, au risque d’éroder ce qui est vraiment valable.

Économie de marché versus société de marché

M ichaël Sandel sait mêler profondeur et clarté. Son dernier volume, sur les

rapports entre morale et marché, est absolument captivant. Éloigné des positions caricaturales, il marque des points. D’abord par les constats.

Tout a maintenant un prix !Tout est aujourd’hui, effectivement ou potentiellement, à vendre. Il en va ainsi, aux États-Unis, dans les prisons, de cellules de meilleure qualité. Il en va aussi de droits d’immigrer (si l’on peut investir 500 000 dollars). Il en va, ailleurs, de tuer un rhinocéros. On peut aussi vendre ou louer une partie de son corps : ce sont les mères porteuses, les ventes d’organes ou les tatouages publicitaires. Il est également possible de se faire payer pour perdre son temps à la place d’un autre dans les fi les d’attente. Certains programmes sociaux paient les enfants pour lire des livres. Des mécanismes payants de coupe-fi le se généralisent dans les attractions comme dans les services publics. Bien entendu, tout ceci n’est pas forcément toujours neuf. Mais ces dispositifs donnent lieu désormais à des marchés organisés, le plus souvent parfaitement légaux, qui

s’étendent. Sandel observe, sans posture moralisatrice, que les marchés et les valeurs du marché en sont venus à gouverner nos vies comme jamais auparavant.

De l’inégalité et de la corruption des valeursÀ la rigueur, on pourrait se deman-der ce qu’est le problème. Sandel en souligne deux. Bien évidemment, la marchandisation généralisée pose un problème d’inégal accès aux biens et services qui auparavant étaient soit gratuits, soit à tarifs forfaitaires. Le deuxième problème est davantage préoccupant. Sandel parle de corruption. Non pas d’illégalité, mais, pire peut-être, de déchéance des choses et des actes. La marchandisation laisse des marques. Elle transforme les fondamentaux de la générosité, de l’amitié ou de la citoyenneté. Payer des mercenaires, ce n’est pas la même chose que mobiliser des citoyens militaires. Acheter un discours de mariage, ce n’est pas s’impliquer pour le rédiger. Être

rémunéré, publiquement, pour avoir de bonnes notes à l’école ou pour arrêter de fumer, c’est valoriser l’argent avant de célébrer l’action ou le résultat. Et jusqu’où doit-on accepter d’aller ? Pourra-t-on un jour vendre, offi ciellement, son vote, voire ses enfants ? Il est bon, généralement, que les transactions soient libres. Mais certaines sont, pour le moins, moralement embar-rassantes. La multiplication des incitations perverses aboutit à la corrosion des valeurs. Quand la contravention (d’ordre social ou pénal) devient uniquement factura-tion (d’ordre commercial), il n’y a plus là qu’un rapport marchand. Critique des libertariens et des libertaires, Sandel se félicite de vivre dans une économie de marché (gage d’effi cacité). Il se défi e d’une société de marché. Absolument saisissant dans sa capacité à capter l’air (pas encore totalement marchandisé) du temps, il est moins convaincant lorsqu’il propose. Il veut revenir à une « vie bonne » (personne ne dira le contraire) et pour cela propose uniquement un « grand débat » (ce qui ne mange pas de pain). L’ensemble de sa démonstration rappelle une formule (à paternité incertaine) : tout ce qui a de la valeur n’a pas forcément un prix ; et tout ce qui a un prix n’a pas forcément de valeur. Sandel ajouterait : tout ce qui passe de « gratuit » à « doté d’un prix » perd souvent de la valeur. Un grand livre qui mériterait largement d’être rapidement traduit. ◆

Julien Damon

Michaël Sandel, WHAT MONEY CAN’T BUY. THE MORAL LIMITS OF MARKETS, New York, Farrar, Straus and Giroux, 2013, 244 pages.

« Quand une contravention se transforme en facturation c’est du lien social qui se

transforme en lien commercial. »« Mettre un prix sur les choses bonnes peut les rendre mauvaises. »« Les publicités dans les classes minent les fondements éducatifs de l’école. »

EXTRAITS

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82 La Lettre du cadre territorial • Février 2014

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Mobilité : les mouvements du mois dans les collectivitésLaurent PetitIl a mis la ville sur un divan…

Se défi nissant comme un « perfor-mer » chercheur autodidacte sorti de nulle part, Laurent

Petit constitue une sorte de synthèse brinquebalante entre Don Quichotte, Monsieur Hulot, Sigmund Freud, Emil Cioran, Jacques Lacan, le professeur Burp et Maître Capello. Après avoir assisté à la fi nale du championnat de France de psychanalyse qu’un urbaniste a remporté, il a eu l’idée d’allier ces deux sciences afi n de psychanalyser des agglomérations entières. Alliant absurde et vérités, Laurent Petit parcourt maintenant les villes afi n d’appliquer ses « opérations divan ». Forgé à la fameuse école de la rue (Cie des Aviateurs de Wazemmes, Cie le 8e Ciel, Cie des Astres), haut activiste de la région Nord - Pas-de-Calais, il aura eu tôt fait d’abandonner jongle et échasses pour mieux occuper ses membres à la gestuelle enfi évrée du démonstrateur par

l’absurde. Son ouvrage « La ville sur le divan » est une véritable pépite qui devrait plaire aux territoriaux que l’univers urbain captive. Depuis ses balbutiements en 2003, l’Anpu, alias l’Agence nationale de psychanalyse urbaine, a déjà couché sur le divan une vingtaine de cités patientes (Marseille, Rennes, Angers, Saint-Nazaire, Tours, Alger, Hénin-Beaumont, etc.). Laurent Petit y décrypte à grands coups de raccourcis, de jeux de mots, de rapprochements incongrus et de mauvaise foi analogique, l’incons-cient de nos cités et quartiers. En s’arrêtant sur quelques cas choisis – Vierzon, les Côtes-d’Armor, Tours, la Zone de l’Union (Nord), Marseille et Alger – cette petite introduction à la psychanalyse urbaine propose des solutions thérapeutiques – par le biais de TRU ou de TRA (Traitements radicaux urbains ou architectu-raux) – aussi utopiques que révélatrices. Recommandé… ◆

FAITES LE SAVOIR !Adressez-nous un mail avec vos coordonnées et la description de vos nouvelles fonctions à : [email protected]

SUR LE WEB

Anne Gausset, rejoint la mairie d’Ablon-sur-Seine au poste de directrice générale des services. Elle quitte ainsi ses fonctions de directrice générale adjointe chargée des services à la population de Juvisy-sur-Orge. Elle y avait suivi le maire qu’elle avait accompagné précédemment pendant sept années, comme assistante à la vice-présidence du conseil général chargée des transports, de la sécurité, des personnels et du SDIS.

Jérôme Saddier, devient directeur général de la Mutuelle nationale territoriale (MNT).

C’est un retour aux sources pour celui qui avait été directeur général délégué de la MNT entre février 2010 et mai 2012. Il occupait depuis la fonction de chef de cabinet et conseiller spécial de Benoît Hamon. Cadre de la fonction publique territoriale, Jérôme Saddier, a débuté sa carrière professionnelle en 1992 comme collaborateur parlementaire d’Alain Richard, avant d’occuper plusieurs postes à responsabilité à la CA de Cergy-Pontoise (1994-1999). Entre 2000 et 2002, son parcours professionnel l’avait conduit à exercer en cabinet ministériel : d’abord auprès d’Alain Richard au ministère de la Défense, ensuite auprès d’Élisabeth Guigou, à la Justice, puis à l’Emploi et à la Solidarité. Il a occupé le poste de conseiller aux affaires sociales à la Représentation permanente de la France auprès des Nations unies à Genève (2002-2003).

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