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N O 4 DÉCEMBRE 2004 LE MAGAZINE DE LA DDC SUR LE DÉVELOPPEMENT ET LA COOPÉRATION Eine Welt Un solo mondo Un seul monde www.ddc.admin.ch Coopération multilatérale : affronter ensemble les grands problèmes pour mieux aider les pauvres Népal : la population et le développement pâtissent de l’impasse politique Comment conjuguer islam et coopération au développement ? Une controverse

Un seul monde 4/2004 - eda.admin.ch · LE MAGAZINE DE LA DDC SUR LE DÉVELOPPEMENT ... la coordination des donateurs? 25 ... générer le sol. Des microbes pleins d’énergie

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NO 4DÉCEMBRE 2004LE MAGAZINE DE LA DDCSUR LE DÉVELOPPEMENTET LA COOPÉRATION

Eine WeltUn solo mondoUn seul monde www.ddc.admin.ch

Coopération multilatérale:affronter ensemble les grands problèmespour mieux aider les pauvres

Népal : la population et le développement pâtissent de l’impasse politique

Comment conjuguer islam et coopération au développement? Une controverse

Sommaire

DOSSIER

DDC

HORIZONS

FORUM

CULTURE

Un seul monde No4 / Décembre 20042

COOPÉRATION MULTILATÉRALE Objectif commun: combattre la pauvreté Aide bilatérale ou multilatérale? Laquelle des deux donne les meilleurs résultats? Cette question soulève de vives controverses. À tort.

6«Je suis prêt à offenser nos donateurs» Entretien avec Mark Malloch Brown, administrateur duProgramme des Nations Unies pour le développement

12Une potion invisible pour un malade modèle La Suisse alloue une grande partie de son aide à la Tanzaniepar l’intermédiaire du budget national

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NÉPAL Paralysé par un conflit triangulaire Les luttes politiques entre la monarchie, les partis et lesrebelles maoïstes entravent le développement du petit Étathimalayen

16L’âge de l’expression Une réflexion de la Népalaise Manjushree Thapa sur l’impossibilité de remonter le temps

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Walter Fust, directeur de la DDC:l’aide multilatérale et l’aide bilatérale se complètent

21Tout en bas de l’échelle sociale indienne Le statut d’intouchable a été officiellement aboli, mais l’espritde caste reste vivace. Un projet de la DDC vise à lutter contrela discrimination.

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La coopération en terre d’islam Un éclairage sur le défi qui consiste à concilier religionet coopération au développement

26Des peuples et des symboles L’écrivain hondurien Julio Escoto évoque la volonté desurvivre qui anime les peuples d’Amérique centrale

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Recherche joueur de buzuq désespérément Depuis 20 ans, Culture et Développement se consacreaux cultures du Sud

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Éditorial 3Périscope 4DDC interne 25Au fait, qu’est-ce que la coordination des donateurs? 25Service 33Impressum 35

Un seul monde est édité par la Direction du développement et de lacoopération (DDC), agence de coopération internationale intégrée auDépartement fédéral des affaires étrangères (DFAE). Cette revue n’estcependant pas une publication officielle au sens strict. D’autres opinions y sont également exprimées. C’est pourquoi les articles ne reflètent pasobligatoirement le point de vue de la DDC et des autorités fédérales.

Une rumeur dévastatrice La DDC poursuit son engagement en faveur de laformation journalistique au Kosovo

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…1,2 milliard d’êtres humains doivent survivre avec moinsd’un euro par jour? …chaque vache suisse est subventionnée à raison de10,90 francs par jour?…les États membres du l’ONU ont signé en l’an 2000 laDéclaration du Millénaire?…la communauté internationale a également adopté huitobjectifs mesurables en matière de développement, dontl’un vise à réduire de moitié la pauvreté dans le monded’ici 2015?…le huitième objectif oblige les pays donateurs à faire ensorte que leurs politiques nationales offrent de meilleureschances de développement aux pays défavorisés?…la Suisse a signé aussi bien la Déclaration du Millénaireque les huit objectifs qui en découlent?…le Conseil fédéral s’est engagé à faire passer l’aide pu-blique suisse au développement à 0,4 pour cent du pro-duit intérieur brut d’ici 2010?…les difficultés budgétaires de la Confédération mena-cent sérieusement la réalisation de cet objectif?…de nombreux autres pays donateurs, comme la France,l’Allemagne, l’Italie et la Belgique, se sont engagés à aug-menter sensiblement les montants consacrés à la coopé-ration au développement, bien qu’ils soient pour la plupartconfrontés à des difficultés budgétaires nettement plusgraves que celles de la Suisse?

Seule une action concertée de la communauté internatio-nale permettra de résoudre les grands problèmes qui frap-pent aujourd’hui la planète. L’ampleur de la tâche n’a pasdiminué au cours des dernières années, bien au contraire.Entre autres défis, il faut éradiquer la faim et l’extrêmepauvreté, s’attaquer aux racines sociales du terrorisme et

de la violence, lutter contre le sida et d’autres maladies, etrésoudre pacifiquement le nombre croissant de conflits.

La coopération au développement et l’aide humanitaire de la Suisse apportent une contribution appréciable audéveloppement, à la paix et à la sécurité dans le monde.Au niveau international, nul ne conteste d’ailleurs l’excel-lente qualité de notre engagement en faveur des démunis,comme l’affirme en particulier Mark Malloch Brown, admi-nistrateur du Programme des Nations Unies pour le déve-loppement (lire l’interview à la page 12).

Pour ce qui est du volume de l’aide, la Suisse fait cepen-dant moins bonne figure. Alors que nombre de pays do-nateurs ne cessent d’accroître leur contribution au déve-loppement, elle reste à la traîne et risque même de ne pasatteindre l’objectif minimal qu’elle s’est fixé: consacrer 0,4pour cent du produit intérieur brut à la coopération audéveloppement. On oublie trop facilement que les pre-mières victimes d’une diminution de l’aide sont les popu-lations de nos pays partenaires, au Sud et à l’Est.

La solidarité et la responsabilité sont des principes fonda-mentaux, qui ne doivent pas devenir le jouet de la politiqueintérieure. Un jour ou l’autre, la Suisse sera bien obligée dese demander si elle a participé dans une juste mesure à larésolution des problèmes mondiaux.

Harry SivecChef médias et communication DDC

(De l’allemand)

Chère lectrice, cher lecteur, saviez-vous que…

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Editorial

Lentilles à la bangladaise(bf ) Au Bangladesh, les lentillessont un aliment de base très ap-précié pour sa richesse en pro-téines et en micronutriments.Mais il arrive fréquemment queles producteurs ne parviennentpas à satisfaire la demande. Grâceà de nouvelles hybridations et àun plasma germinatif exotique,des chercheurs sont parvenus àrendre les variétés locales plus ré-sistantes aux maladies, à la séche-resse et aux influences environ-nementales. La nouvelle variété «Barimasur-4» a été plantée surenviron 40% des surfaces consa-crées à la culture des lentilles auBangladesh (quelque 60000 hec-tares). Elle a permis d’accroître la dernière récolte de 28000tonnes. Ces résultats ont nonseulement amélioré l’approvi-sionnement alimentaire, ils se

sont également répercutés sur lebilan économique national.Avecl’argent gagné en plus, les paysanspeuvent acheter du bétail et dessemences pour l’année suivante,envoyer leurs enfants à l’école,s’offrir des soins médicaux ourembourser leurs dettes.

Hécatombe sur les routes du Sud (bf ) Il existe un rapport directentre la pauvreté et les accidentsmortels de la circulation. C’est cequ’a établi un rapport publié enavril dernier par l’Organisationmondiale de la santé (OMS).Chaque année, environ 1,2 mil-lion de personnes meurent sur lesroutes du monde, dont un mil-lion (soit plus de 80%) dans lespays en développement. «Si latendance se maintient», dit LeeJong-Wook, directeur général del’OMS, « la proportion d’acci-dents mortels augmentera encorede plus de 60% d’ici 2020». Lesaccidents de la circulation sontaujourd’hui la neuvième causede mortalité dans les pays en dé-veloppement. Cyclistes, piétons,cyclomotoristes et motocyclistessont les plus vulnérables. Lerisque de se tuer est 20 fois plusélevé pour un motocycliste quepour un automobiliste, parexemple. En Afrique, les piétonssont particulièrement exposés : cesont eux les victimes dans 89%des accidents de la route à Addis-

Abeba (Éthiopie) ; cette propor-tion est de 75% à Abidjan (Côted’Ivoire) et de 65% à Nairobi(Kenya).

Surfer en Afrique occidentale (bf ) On dispose pour la premièrefois de chiffres détaillés sur l’utili-sation d’Internet dans les 22 paysd’Afrique occidentale. Selon unrapport de Balancing Act, seulssept d’entre eux dépassent les 10000 abonnements à Internet :Nigeria, Ghana, Côte d’Ivoire,Togo, Guinée, Cameroun etSénégal. La lenteur de cettecroissance serait imputable aumonopole dont jouissent les entreprises de télécommunica-tion dans la plupart des paysd’Afrique occidentale.Cependant, des centaines de mil-liers de personnes surfent dans les cybercafés qui sont largementrépandus et très populaires. Laconcurrence force les fournis-seurs d’accès à baisser leurs tarifs.On estime que le Nigeria – leplus gros marché Internet aprèsl’Afrique du Sud et l’Égypte –compte entre 500000 et un million d’internautes. Comme la majorité des Africains, lesNigérians utilisent surtout le web pour envoyer et recevoir des e-mails. Les services de message-rie électronique Yahoo et Hotmailsont par conséquent les sites lesplus populaires dans ce pays.www.balancingact-africa.com

La funeste floraison du bambou(bf ) Les 1200 espèces de bam-bous servent à d’innombrablesusages : nourriture pour les pan-das géants et les gorilles, matériaude construction, additif pour lesparfums ou matière premièrepour la fabrication du papier.Cependant, ce végétal est loin defaire l’unanimité. D’un côté, lesécologistes tirent la sonnetted’alarme, signalant qu’un tiersdes bambous risquent de dispa-

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raître. De l’autre, certaines ré-gions du monde redoutent la floraison de cette graminée quipeut causer des famines. Lesgraines produites attirent telle-ment de rats que ceux-ci pullu-lent de manière explosive.Aprèsavoir mangé les graines de bam-bou, les prédateurs s’attaquentaux récoltes. Dans l’État du

Mizoram, au nord-est de l’Inde,les paysans ont la ferme intentionde raser les plantations de bam-bous avant la prochaine floraison,qui est imminente. La variété locale melocanna bambusoides nefleurit que deux fois par siècle,mais les invasions de rats ont déjàprovoqué des famines en 1861,en 1911 et en 1959. Le seul

moyen d’éviter une nouvelle ca-tastrophe est de couper toutes lesplantes avant leur floraison et deles exploiter commercialement.Or, ce projet se heurte à l’oppo-sition des protecteurs de l’envi-ronnement, car les bambous pé-rissent s’ils n’ont pas fleuri. Leursgraines seraient en outre d’uneimportance vitale pour la forêtlocale, car elles contribuent à ré-générer le sol.

Des microbes pleins d’énergie( jls) Plusieurs hôpitaux duCameroun ont pu alléger leurfacture de gaz en produisant eux-mêmes du biogaz, une énergienon seulement bon marché, maiségalement non polluante et in-épuisable. À l’hôpital baptiste deBanso, dans le nord-ouest, lescuisinières, les machines à laverainsi que les appareils du labora-

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toire et du bloc opératoire fonc-tionnent au biogaz depuis quatreans. Le dispositif de production,appelé «méthaniseur», se trouve àquelques mètres des latrines, oùles fosses septiques lui fournissentsa matière première. «En l’ab-sence d’oxygène, les microbesdécomposent les matières fécalesen biogaz. Celui-ci est alorsacheminé à l’aide de tuyaux versles différents points d’utilisation»,explique le biochimiste PascalTamba, qui a conçu cette installa-tion. La même technologie peutégalement fonctionner avec desordures ménagères ou des excré-ments animaux. À l’issue du pro-cessus, il reste un compost inodorequi peut être utilisé comme en-grais. M.Tamba précise qu’en in-vestissant l’équivalent de 450 eu-ros, les ménages peuvent s’offrirun méthaniseur qui couvrira tousleurs besoins en gaz de cuisine.

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Multilatéral

Objectif commun: combattre la pauvretéComment utiliser au mieux les fonds destinés à la coopérationau développement? Faut-il financer des projets bilatéraux oumultilatéraux? Lesquels sont les plus durables et les plus effi-caces? Voilà le genre de questions qui suscitent souvent devifs débats entre partisans de l’aide bilatérale et de l’aide mul-tilatérale. À tort ! De Gabriela Neuhaus.

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Pendant la «révolution verte», on a livré à l’agricul-ture africaine de généreuses quantités de produitschimiques pour traiter les cultures. Le miracle es-compté n’a toutefois pas eu lieu et ces produits sontdevenus une véritable menace: lorsqu’elles ne sontpas épandues selon les règles de l’art, les substanceschimiques agressives polluent le sol, l’air et l’eau.Nombre de ces pesticides sont aujourd’hui interditschez nous, alors qu’ils continuent de mettre endanger les hommes, les animaux et l’environne-ment dans les pays du Sud.Au fil du temps, les substances toxiques ont conta-miné les sols à travers toute l’Afrique. De plus, despesticides périmés se sont entassés dans de gigan-tesques dépôts, où ils se décomposent lentement.Les organisations écologistes et la FAO tentent de-puis des années de résoudre ce problème.La Suisse,quant à elle, s’y attelle dans le cadre de ses pro-grammes par pays. Mais la montagne de déchets ne cesse de grandir. «Dans ce domaine, les pro-blèmes sont si complexes qu’ils dépassent les capa-cités des acteurs pris isolément », déclare Jean-Bernard Dubois, chef suppléant de la section Res-sources naturelles et environnement à la DDC.On a donc décidé d’employer les grands moyens:dans le cadre du Programme africain pour l’élimi-nation des pesticides périmés (ASP), il est prévu dedétruire quelque 50000 tonnes de pesticides et demener un travail de prévention qui vise à empêcherensuite la réapparition de ce problème. L’opérationdevrait coûter 250 millions de dollars.

Multilatéralisme plus actuel que jamaisÀ l’initiative de la Banque mondiale et du Fondsmondial pour l’environnement (FME), autre orga-nisme multilatéral, des donateurs de tous horizonssont convenus d’un programme qui devrait per-mettre d’atteindre les objectifs fixés.Le plan d’action, auquel tous les gouvernementsafricains concernés peuvent participer, se fonde surles Conventions de Bâle (1989) et de Stockholm(2001).Ces textes régissent l’usage des produits chi-

miques dangereux sur le plan international et in-terdisent les pesticides les plus toxiques.Il s’agit à présent d’appliquer en Afrique les déci-sions de ce programme, qui réunit, outre diversesinstitutions onusiennes, des donateurs bilatéraux,l’Union européenne, l’industrie agroalimentaire etdes organisations non gouvernementales (ONG).«Seule une participation aussi large que possiblepermet de trouver une solution durable à de tels problèmes environnementaux», constate Jean-Bernard Dubois. Certes, il arrive souvent que lesnégociations entre les différents groupes d’intérêtssoient extrêmement délicates et complexes.Mais cetravail ne débouche sur des résultats probants que sil’on parvient à créer un consensus parmi tous lesacteurs.À titre de partenaire bilatéral, la Suisse verse uneaide directe de 500000 dollars à l’ASP. Cependant,ses contributions à la Banque mondiale et au FMEjouent un rôle tout aussi important, car un pro-gramme tel que l’ASP serait irréalisable sans ces or-ganisations multilatérales.L’appui de la Suisse à l’ASPillustre d’ailleurs de manière exemplaire l’imbrica-tion croissante de la coopération bilatérale et multi-latérale.«Plus les problèmes liés à l’environnement, au cli-mat ou au sida mettent l’humanité à l’épreuve, plusles États doivent s’organiser pour collaborer. Il estdès lors indispensable de mettre sur pied des méca-nismes de coordination et de coopération.» C’est ences termes que Rolf Kappel, directeur des étudespostgrades de l’EPFZ pour les pays en développe-ment (NADEL), résume la nécessité de créer desinstitutions et des réseaux multilatéraux.

Manque de moyens et de compétencesToute une série de grands travaux, comme la réali-sation des Objectifs du Millénaire pour le dévelop-pement, nécessitent une approche multilatéralepour être menés avec l’efficacité et la coordinationrequises.De plus, la coopération au développementaccorde une importance particulière aux réformes

Photo ci-contre:construction d’un pont dans l’État indien du Tamil Nadu

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ments pris par ces derniers ne sont que de belles pa-roles. Il faudrait renforcer considérablement les instruments multilatéraux, afin d’augmenter leurpouvoir d’action. Autre facteur important : pour accroître l’efficacité de l’ONU et lui ménager unemarge de manœuvre plus grande, il est indispen-sable d’améliorer la situation financière des orga-nisations multilatérales, ce qui leur conféreraitd’ailleurs une plus grande indépendance.

Les avantages de l’aide multilatérale«Grâce aux activités multilatérales, les institutionsde l’ONU disposent d’une vue d’ensemble des ef-forts et des besoins en matière de développement.

Elles peuvent ainsi assurer une coordination et unecollaboration efficaces et durables», déclare RalphFriedländer, de la section ONU et Développementà la DDC. «Le PNUD joue le rôle de conseiller surplace,car le travail de développement doit faire par-tie intégrante de la politique nationale d’un pays»,ajoute-t-il pour expliquer la philosophie du Pro-gramme des Nations Unies pour le développement(PNUD). «Nombre de projets bilatéraux, en parti-culier les activités des ONG, profitent à la popula-tion de manière plus directe. On peut voir concrè-tement ce qui a été réalisé. Si ces projets se dé-roulent en dehors des structures étatiques, ils ris-quent cependant de manquer de durabilité.»Pour que les agences onusiennes se servent mieuxde leurs avantages, elles devraient disposer de res-sources directes plus importantes. Prenons, à titred’exemple, le budget du PNUD,qui se monte à en-

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«À l’heure actuelle, seuleune approche multilatéralepermet d’aborder lesgrands problèmes et lesgrands défis de la coopé-ration au développement.Cela vaut en particulierpour la mise en œuvre desObjectifs du Millénaire pourle développement, la luttemondiale contre la pau-vreté et les efforts d’har-monisation dans la coopé-ration.»

«La coopération bilatéralene doit pas être reléguéeau second plan par lacoopération multilatérale.Et l’inverse ne doit pas seproduire non plus. Il con-vient plutôt d’exploiter da-vantage les synergies entrecoopération multilatérale etbilatérale, et cela dansdeux directions: nos pré-cieuses expériences bi-latérales acquièrent del’importance lorsqu’ellesalimentent la coopérationmultilatérale ; dans l’autresens, l’engagement multi-latéral nous aide à releverde manière ciblée les défisdans le domaine bilatéralet à renforcer la coordina-tion des efforts de déve-loppement.»

«Plus un pays est puis-sant, plus il a de poidsdans la coopération bilaté-rale. C’est pourquoi le ren-forcement du multilatéra-lisme est particulièrementimportant pour un petitpays comme la Suisse.Cela favorise d’ailleurs ladémocratie et la bonnegouvernance au sein de lacoopération internationaleau développement.» Serge Chappatte, respon-sable de la politique dedéveloppement et de lacoopération multilatérale à la DDC

institutionnelles et économiques. Il s’agit de définirpar un dialogue politique les conditions dans les-quelles s’effectuent ces changements. «Un seul do-nateur n’a pas la légitimité nécessaire pour les im-poser. Il faut pour cela une instance supranationale.En outre, dans un contexte bilatéral, il y a toujoursle risque que le pays donateur accorde la priorité àses propres besoins.» Les intérêts des États membres posent bien entenduaussi un problème dans le cadre multilatéral.Ainsi,le refus des États-Unis de signer le Protocole deKyoto sur les changements climatiques a d’impor-tantes conséquences négatives sur la politique cli-matique à l’échelle mondiale.Ce même pays refuse

de verser à l’organisation onusienne ONUSIDAl’argent dont elle a un besoin urgent pour réaliserun programme mondial, et il négocie avec les paysbénéficiaires un projet bilatéral sur le sida à sespropres conditions. Ce faisant, l’administrationaméricaine affaiblit le programme mené par un or-ganisme de l’ONU dont la légitimité est suprana-tionale.Ces deux exemples montrent bien que les rapportsde force existants se reflètent au sein des organisa-tions multilatérales : il est toujours possible que lesgrands pays donateurs tentent d’exercer des pres-sions sur une institution ou de l’utiliser à leurspropres fins. Une autre faiblesse des organisationsinternationales réside dans le fait que les décisionsprises par leurs organes n’ont pas de valeur con-traignante pour les pays membres. Un observateuravisé dit avoir parfois l’impression que les engage-

Récolte de blé à Chimaltenango, au Guatemala

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viron 3 milliards de dollars par an: un tiers seule-ment de ces fonds sont alloués sous une forme vé-ritablement multilatérale ; ce sont des contributionsgénérales qui alimentent les caisses de l’organisationet lui permettent de financer son administration, sacoordination ainsi que ses propres projets et pro-grammes.Tant dans le domaine du développement que dansle secteur humanitaire, la grande majorité des res-sources proviennent de contributions dites «multi-bilatérales». Il s’agit de fonds que les donateurs des-tinent à des projets spécifiques. C’est ce que fait laSuisse, en tant que partenaire bilatéral, quand ellesoutient l’élimination des pesticides en Afrique parle biais de l’ASP, ou quand elle collabore avec lePNUD dans le cadre de ses propres programmespour renforcer les structures du gouvernement pa-kistanais. Il existe une troisième forme de projets :

ceux que le PNUD réalise à la demande de pays endéveloppement qui ne possèdent pas le savoir-faireou les structures nécessaires.La collaboration avec une multitude de donateurs,qui soumettent leur engagement bilatéral à desconditions et exigences différentes, représente unecharge de travail énorme pour les pays bénéfi-ciaires.L’absence de coordination efficace provoquedes doublons,gaspille les ressources et laisse la porteouverte à la corruption.Dès lors, des initiatives comme celles menées auMozambique ou en Tanzanie (voir p. 14) sont pro-mises à un bel avenir : plusieurs donateurs se sontassociés pour négocier ensemble avec le gouverne-ment du pays bénéficiaire les conditions de leuraide budgétaire ou sectorielle. Ces nouvelles ap-proches seraient toutefois inimaginables sans le tra-vail des organisations multilatérales. Elles sont acti-

Multilatéral

Petit glossaire

Aide multilatéraleContributions générales,non affectées à des projetsdéfinis, attribuées au pro-gramme central d’institu-tions internationales d’aidehumanitaire et au dévelop-pement, dont les membressont composés exclusive-ment d’États.

Aide multi-bilatéraleIl y a aide multi-bilatéralelorsqu’un pays donateur,comme la Suisse, financeentièrement ou partielle-ment la mise en œuvred’un projet ou d’un pro-gramme spécifique d’uneorganisation multilatérale.

Coopération multilatéraleTâches de coopération au développement et decollaboration avec despays en transition, qui sedéroulent dans le cadre deprogrammes générauxd’institutions multilatéralesou en collaboration avecelles.

Politique multilatéraleProcessus d’élaborationdes normes et principesinternationaux obligatoiresse déroulant généralementsous une forme institution-nalisée, c’est-à-dire ausein d’une institution multi-latérale.

Système multilatéralSystème au sein duquelles institutions multilaté-rales, leurs associés etleurs partenaires se ras-semblent pour faire faceensemble à leurs pro-blèmes et à leurs défis.

Distribution d’aide alimentaire après des inondations au Mozambique

Dans le Sind, au Pakistan, des femmes se concertent sur les problèmes de santé

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en 1965. Et cette agence est aujourd’hui encorel’un des principaux partenaires de la coopérationsuisse au développement.Avec sa contribution annuelle de quelque 52 mil-lions de francs, la Suisse occupe le huitième rangparmi les donateurs du PNUD.Elle est en outre unmembre très actif de son Conseil d’administration.À la fin des années 90, la délégation suisse a ainsijoué un rôle décisif dans la réforme du PNUD(voir aussi p. 12). Il arrive d’ailleurs que son enga-gement en faveur d’une politique durable de luttecontre la pauvreté entre en contradiction avec sapropre politique intérieure. Pour assurer unemeilleure assise financière au PNUD, la Suisse a parexemple lancé une initiative demandant aux paysdonateurs de s’engager à verser des contributionssur plusieurs années. Le Conseil d’administrationdu PNUD n’a pas manqué d’adopter cette innova-tion à l’unanimité. Mais du fait qu’une telle déci-

Multilatéralisme éclairé«Si nous ne considéronspas la diplomatie unique-ment comme une suited’actions isolées, maiscomme un effort de longuehaleine qui vise à améliorer,à stabiliser et à développersans cesse les relations internationales, il apparaîtque le moindre progrès du multilatéralisme est plusprécieux qu’une victoireconsistant à imposer unevolonté nationale. Le multilatéralisme estdonc une valeur en soi. Siun gouvernement définit la‘coopération multilatéraleconstructive’ comme l’ob-jectif suprême de sa poli-tique extérieure et lui su-bordonne certains objectifsnationaux, il n’agit pascontre les intérêts de sonpeuple, mais il les défendde manière éclairée.» Extrait d’un exposé pré-senté par l’ambassadeurallemand Karl Th. Paschkelors d’une conférence de la Fondation KonradAdenauer à Berlin, en 2000

vement encouragées par la Banque mondiale et leFonds monétaire international (FMI), qui exigentdes pays emprunteurs des stratégies de lutte contrela pauvreté.

L’engagement de la SuisseLes principales organisations multilatérales dont laSuisse est membre et avec lesquelles elle collaborepour lutter contre la pauvreté sont les institutionsde Bretton Woods (Banque mondiale et FMI) ainsique les diverses organisations de l’ONU activesdans le domaine du développement. Elle collaboreen particulier depuis de longues années avec lePNUD, la plus grande des organisations de l’ONU.Contrairement à d’autres pays riches, la Suisse n’ac-cordait pas encore d’aide bilatérale après la SecondeGuerre mondiale.Dès 1950,elle a cependant contri-bué à financer le Fonds des Nations Unies pour lacoopération technique,qui a pris le nom de PNUD

Transport d’un malade en Ouganda

Réunion de femmes à Velampalayam, en Inde

Groupe de jeu sur le parking d’un hôpital au Botswana

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sion n’a aucun caractère contraignant pour les Étatsmembres, son application se fait attendre, même enSuisse. Les versements de la Confédération auPNUD continuent de faire l’objet d’approbationsannuelles, comme dans de nombreux autres pays.Il n’en reste pas moins que l’habile travail de coali-tion mené par la Suisse dans les organisations mul-tilatérales donne du poids à ses idées et à ses initia-tives, ce qui lui permet de susciter des chan-gements. Même au sein des institutions de BrettonWoods, auxquelles elle n’a adhéré qu’en 1992, laSuisse est parvenue en très peu de temps à faire va-loir ses préoccupations. Petit pays neutre, elle est eneffet perçue comme un «honnête courtier» et pos-

sède un savoir-faire largement reconnu en matièrede politique de développement, relève Rolf Kappel.C’est pourquoi elle jouit d’une excellente imagedans les organisations multilatérales. La Suisse s’estparticulièrement distinguée au sein de la commu-nauté internationale avec son programme de désen-dettement, précise M. Kappel. Grâce aux expé-riences qui ont ainsi été réalisées en Suisse, cetteinitiative est finalement parvenue à s’imposer sur le plan international.

En quête d’équilibreL’initiative de désendettement n’est pas le seul casdans lequel des expériences bilatérales ont pu dé-ployer plus largement leurs effets en étant intégréesdans des organisations multilatérales. Au Mozam-bique, la Suisse contribue par exemple au finance-

ment du budget, organisé sur une base multilaté-rale, parce qu’elle connaît bien ce pays prioritaireoù elle travaille depuis de longues années. Elle ap-porte non seulement de l’argent, mais égalementbeaucoup de savoir-faire et d’expérience dans leprogramme actuel d’aide budgétaire, bien que ce-lui-ci ne comporte plus de projet suisse en particu-lier.La même remarque vaut pour la participation suisseau Programme africain d’élimination des pesticideset pour l’engagement de spécialistes suisses au seindes organisations multilatérales. «Renoncer à toutel’expérience accumulée sur le terrain par la coopé-ration bilatérale constituerait une erreur fatale. Il

faut au contraire encourager les organisations bila-térales à développer leurs connaissances et à lestransmettre aux organismes multilatéraux», affirmeRolf Kappel.Cette option relève pourtant de la quadrature ducercle. Elle suppose que l’on accorde plus d’impor-tance et de poids aux organisations multilatérales,ce qui revient à mettre davantage de moyens à leurdisposition. Or, étant donné la faiblesse des res-sources que les pays de l’OCDE consacrent à lalutte contre la pauvreté, tout renforcement du do-maine multilatéral se fait au détriment de la co-opération bilatérale au développement. Il s’agitdonc de trouver l’équilibre idéal entre les activitésbilatérales, multi-bilatérales et multilatérales. ■

(De l’allemand)

Aide multilatérale de la SuisseEn 2003, la Suisse a attri-bué 470,5 millions defrancs à l’aide publiquemultilatérale au développe-ment. Ce montant, qui regroupe les versementsde la DDC, du seco etd’autres offices fédéraux,représente 27% de l’aidepublique totale au déve-loppement de la Suisse.L’aide publique multilaté-rale comprend les contri-butions versées aux insti-tutions de développementinternationales définiescomme telles par leComité d’aide au dévelop-pement (CAD) de l’OCDE.Cela inclut les organisa-tions de l’ONU, les institu-tions financières de déve-loppement et d’autresinstitutions multilatéralesspécialisées. Des orga-nismes comme le Comitéinternational de la Croix-Rouge ne figurent pas surla liste établie par le CAD.Les contributions qu’ils re-çoivent sont donc compta-bilisées dans l’aide pu-blique bilatérale.

Stratégie multilatérale«La DDC veut adapter l’utili-sation de ses ressources à l’importance prise par lacoopération multilatérale.Ainsi, un tiers de sesmoyens financiers doit êtreinvesti dans la coopérationmultilatérale. En outre, lebien-fondé de la répartitiondes ressources entre lesactivités bilatérales et mul-tilatérales doit être réexa-miné périodiquement. Pourjouer un rôle actif dansl’élaboration de la politiqueet de la coopération multi-latérales, la DDC va renfor-cer ses ressources en per-sonnel tant à la centraleque sur le terrain.»Tiré de «Stratégie multila-térale de la DDC», 2002

Multilatéral

Travaux de déblaiement au Honduras, après le passage de l’ouragan Mitch

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Un seul monde: Il y a une méfiance très ré-pandue à l’égard de la coopération multila-térale au développement. Beaucoup conti-nuent de miser sur la coopération bilatérale,affirmant qu’elle est plus efficace. Commentvoyez-vous ce conflit?Mark Malloch Brown: Il est tout à fait compré-hensible que les pays donateurs préfèrent la coopé-ration bilatérale. Si l’on peut montrer aux contri-buables suisses un projet orné de la croix suisse, celaproduit indubitablement son effet – les gens saventalors exactement comment leur argent a été utilisé.Mais du point de vue des pays bénéficiaires, les or-ganisations multilatérales sont des partenaires plusagréables et plus efficaces. Ces pays souhaitent parexemple développer leur système de santé publiqueou le secteur de l’éducation. S’ils doivent négocierchaque projet avec un partenaire bilatéral différent,cette entreprise sera plus compliquée,plus coûteuseet moins durable. De plus, on gagne en souplesselorsque tous les subsides proviennent de la même

source et que celle-ci est associée à un seul interlo-cuteur.

Y a-t-il des domaines où la coopération bi-latérale se justifie?La Suisse fait dans certains secteurs un travail de développement hautement spécialisé, que nous-mêmes, comme la Banque mondiale, apprécions etsoutenons sans réserve. Mais ces programmes sontthématiquement très ciblés et se limitent à quelquespays prioritaires.Si l’on veut aller au-delà et étendrele travail à d’autres secteurs et à d’autres pays, il fautrecourir aux partenaires multilatéraux.

Lesquels, par exemple?Le PNUD a beaucoup de programmes environne-mentaux. La Suisse est très compétente dans ce do-maine. Cependant, elle se limite à ses pays priori-taires. De notre côté, nous travaillons dans unemultitude de pays dont la Suisse est absente, mais où nous pouvons profiter de son savoir-faire. Par

Le Programme des Nations Unies pour le développement(PNUD) appartient à tous ses pays membres, ce qui le rend plus indépendant et plus influent qu’un simple État, affirmeMark Malloch Brown. Gabriela Neuhaus a rencontré le chef du PNUD à Genève.

«Je suis prêt à offenser nos donateurs»

Le Britannique MarkMalloch Brown est depuis1999 administrateur duProgramme des NationsUnies pour le développe-ment (PNUD). Il présideégalement le Groupe desNations Unies pour le déve-loppement, un comité re-groupant les directeurs detous les fonds, programmeset départements pour le dé-veloppement au sein dusystème des Nations Unies.C’est sous sa directionqu’est élaborée une straté-gie onusienne visant à réaliser les Objectifs duMillénaire pour le dévelop-pement à l’horizon 2015.Durant son premier mandat(1999-2003), Mark MallochBrown a soumis le PNUD àune réforme profonde.Celle-ci a d’abord déclen-ché une sérieuse crise,mais elle permet aujourd’huià l’organisation d’accomplirun travail plus ciblé et plusefficace dans les 166 paysoù elle est active. Historienet politologue, M. MallochBrown a commencé sa carrière à la revue TheEconomist. Ayant quitté le journalisme, il a travaillé de 1979 à 1983 au sein du Haut Commissariat desNations Unies pour les réfu-giés (HCR). Il a ensuite étéconsultant international du-rant une dizaine d’années.Puis il est entré en 1994 à laBanque mondiale, avant derejoindre le PNUD en 1999.

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Que ce soit pour les pêcheurs du Kerala, en Inde...

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ailleurs, il est beaucoup plus facile pour le PNUDque pour un État comme la Suisse de dire à un paysqu’il a un problème de corruption ou de démocra-tie.C’est pourquoi la Suisse collabore généralementavec nous lorsqu’il s’agit de bonne gouvernance.

Parce que les organismes multilatéraux ontplus de pouvoir que le gouvernement suisse?Il s’agit moins de pouvoir que d’autorité morale etde confiance.Quand un pays en accuse un autre decorruption ou de mauvaise gouvernance, les chosess’enveniment assez vite. L’usage veut que l’on ne se critique pas entre États. Le PNUD, organisationonusienne, appartient en revanche à tous les pays,au Nigeria aussi bien qu’à la Suisse. Cela le met enposition d’attirer au besoin l’attention des Nigérianssur certains problèmes, d’une manière que la Suissene pourrait jamais se permettre.

Le PNUD appartient à tous, mais se montre-t-il également critique à l’égard de tous sesmembres? Les pays riches se sont engagés àréaliser les Objectifs du Millénaire. Pourtant,dès que d’éventuelles mesures s’avèrent con-traires à leurs intérêts nationaux,par exempledans l’agriculture ou la politique commer-ciale, ils se montrent inconséquents et protè-gent leur économie, aux dépens des pays lesplus pauvres.Les chefs de différentes agences de développement– pas seulement moi, mais aussi le directeur de laBanque mondiale, celui du FMI et bien d’autres –n’ont cessé de marteler cet appel : il faut mainte-nant que quelque chose se passe ! Plus d’un milliardde personnes vivent avec moins d’un dollar parjour, alors que chaque vache en Europe est quoti-diennement subventionnée à hauteur de trois dol-lars. Nous allons lancer l’an prochain une grandeoffensive pour les Objectifs du Millénaire ; les bar-rières commerciales en seront un volet important.Je suis tout à fait prêt à prendre le risque d’offensernos donateurs, en évoquant les contradictions danslesquelles se trouvent plongés la Suisse et tant de ses voisins.

Que peut entreprendre le PNUD pour fairepasser ce message?Au départ, l’idée d’alléger la dette des pays les pluspauvres n’avait guère suscité d’enthousiasme. Leschoses ont finalement changé grâce à un travail delobbying opiniâtre et organisé.Travaillant en colla-boration, des organisations non gouvernementales,des Églises et d’autres groupes ont inlassablementpoussé à la roue. Et enfin le mur a cédé, la remise

de dettes est devenue possible. Je suis persuadé qu’ilen ira de même avec les entraves aux échangescommerciaux et le protectionnisme. C’est un mé-lange de persuasion et de menaces qui amènera enfin de compte un changement de politique. Celaprendra encore un certain temps, mais les plaquestectoniques se sont déjà mises à bouger.

Voulez-vous dire que la mondialisation con-duira les gens à adopter une vision plutôtmultilatérale?Je ne crois pas qu’il s’agisse d’un multilatéralisme oud’un globalisme naïf et simpliste. En observant cesinstruments internationaux dans une optique trèsnationale, nous constatons que la dimension multi-latérale correspond à l’intérêt de notre propre pays.Un jour, nous prendrons vraiment conscience decette réalité : il est impossible pour un pays de ré-soudre ses problèmes par lui-même, tout simple-ment parce que ceux-ci ne s’arrêtent pas bravementaux frontières. Cependant, cela ne veut pas direqu’il faille jeter aux orties tous les gouvernementsnationaux.Au contraire. En examinant de plus prèsles problèmes à résoudre,on se rend compte qu’uneautorité gouvernementale est nécessaire à deux,voire trois niveaux: local, national et mondial. ■

(De l’allemand)

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Un appui solide«Depuis que je dirige lePNUD, la Suisse a toujoursété membre de notreConseil d’administration.Walter Fust, directeur de laDDC, a régulièrement su sefaire entendre lorsqu’il s’a-gissait, durant notre ré-forme, de répartir équita-blement les charges et defaire en sorte que le PNUDsoit correctement doté parrapport aux institutions fi-nancières internationales,comme la Banque mon-diale. La Suisse a été d’ungrand appui lors de la re-fonte de notre financement.Elle est très soucieuse degarantir le financement àlong terme. La délégationsuisse au sein du PNUDest très influente, elle ad’excellentes relations etprend souvent la parole.Bref, le partenariat entre lePNUD et la Suisse estquelque chose de solide.» Mark Malloch Brown

... ou pour les mineurs de Madagascar, les barrières commerciales entravent le développement

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Un petit Tanzanien sur six meurt avant d’avoir at-teint l’âge de cinq ans. Et les autres ont une espé-rance de vie qui ne dépasse pas 43 ans, alors qu’elleatteignait encore 52 ans en 1990.Ce recul est dû engrande partie à la progression dramatique du sida,deuxième cause de mortalité après la malaria. Lamauvaise santé de la population est en même tempsune cause et une conséquence de la pauvreté. LaDDC s’en préoccupe depuis qu’elle a noué des re-lations de coopération avec la Tanzanie, à la fin desannées 60.Ses activités ont longtemps été conformesau schéma classique de l’aide, dans lequel l’agencede coopération verse à un partenaire, étatique ounon, l’argent nécessaire à la réalisation du projet dé-fini par elle.

Une aide plus rationnelle Le paysage de l’aide a commencé de changer enTanzanie à la fin des années 90, lorsque le gouver-nement a pris des mesures pour harmoniser ses re-lations avec les donateurs. Il a notamment élaboréavec eux un programme visant à réformer le sys-tème de santé publique. À l’initiative de la DDC,

six donateurs bilatéraux et la Banque mondiale sesont engagés dès 1998 à soutenir la mise en œuvrede cette réforme. Ils ont décidé de renoncer gra-duellement à certains projets bilatéraux et de ver-ser leurs contributions dans un fonds commun des-tiné à alimenter le budget du ministère de la santé.Les agences concernées se réunissent régulièrementpour coordonner leurs activités et assurer un suivide la réforme. Elles entretiennent un dialogue per-manent avec le ministère.Celle qui préside le grou-pe, selon un tournus annuel, assume également lerôle de porte-parole.En choisissant cette approche sectorielle, connuesous le sigle anglais de SWAP (sector wide approach),les donateurs perdent la possibilité de démontrerprécisément comment leurs fonds ont été utilisés.C’est pourquoi certains préfèrent se tenir à l’écartd’une pratique pas assez «visible» à leur goût. PourIlaria Dali-Bernasconi, du bureau de coopérationde la DDC à Dar es-Salaam, l’aide budgétaire sec-torielle est pourtant plus rationnelle que la coopé-ration conventionnelle : «Le SWAP limite la frag-mentation des projets et répartit l’aide de manière

À l’instar de nombreux autres bailleurs de fonds, la Suisse al-loue une grande partie de son aide à la Tanzanie par l’intermé-diaire du budget national. Ce nouveau modèle de coopérationimplique une coordination étroite entre les donateurs bilatérauxet multilatéraux ainsi qu’un dialogue politique constant avec legouvernement bénéficiaire. De Jane-Lise Schneeberger.

Une potion invisible pour un malade modèle

Doublement prioritaire La Tanzanie est un paysprioritaire pour la DDC etpour le Secrétariat d’État àl’économie (seco). Le pro-gramme conjoint de cesdeux offices pour les an-nées 2004 à 2010 vise àaméliorer les conditions de vie des pauvres en seconcentrant sur trois do-maines: la gouvernance, lacroissance économique etle bien-être tant physiqueque social. Il prévoit uneenveloppe globale de 28millions de francs par an.Environ 60% des pro-grammes sont réalisés auniveau national et 40% auniveau local, essentielle-ment dans une région si-tuée le long du Corridorcentral, entre Morogoro etShinyanga. Pour 2004, lesinvestissements les plusimportants concernentl’aide budgétaire générale(8 millions de francs paran) et l’aide sectorielle à la santé (6 millions). Mais la Suisse réalise de nom-breux autres projets,comme la construction deroutes, la promotion de lasociété civile, la luttecontre plusieurs maladiesinfectieuses, la surveillancedu CSLP ainsi qu’une as-sistance technique au mi-nistère des finances et à laBanque de Tanzanie.

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La vente de poisson que l’on a pêché soi-même...

plus équitable. Il facilite le travail du ministère, quine doit plus négocier avec une myriade de parte-naires aux exigences diverses. Mais surtout, ce sys-tème renforce l’appropriation du processus par lesautorités locales, qui attribuent les ressources selonleurs propres priorités. »

Pas de chèque en blancÀ côté de cette aide sectorielle, la Suisse alloue à la

Tanzanie une aide budgétaire générale. Le Secréta-riat d’État à l’économie (seco) fait partie d’ungroupe de 11 donateurs bilatéraux et multilatérauxqui soutiennent de cette manière le Cadre straté-gique de lutte contre la pauvreté (CSLP), docu-ment adopté en 2001. «L’appui au budget n’est pas un chèque en blanc», assure Monica Rubiolo,collaboratrice scientifique au seco. Un dispositif de surveillance, cofinancé par la DDC, permet desuivre la mise en œuvre du CSLP.Parallèlement, undialogue politique est mené entre la communautédes donateurs et le gouvernement.«Le risque zéro n’existe pas. Mais ce qui compte leplus, c’est la volonté de réforme du gouvernementpartenaire et la qualité du dialogue politique quenous menons avec lui», ajoute Mme Rubiolo. Cettevolonté, les autorités tanzaniennes l’ont largementdémontrée depuis le lancement en 1995 d’un pro-cessus de réformes économiques et structurelles.Même si ces mesures n’ont pas encore réussi à fairereculer de manière significative la pauvreté ni ré-sorbé la corruption, la Tanzanie est considérée au-

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jourd’hui comme un pays bien géré et politique-ment stable. Ces atouts ont incité les donateurs àaccroître leur aide budgétaire. Le gouvernement enest ravi, lui qui a clairement exprimé sa préférencepour ce type d’assistance. Mais il admet que denombreux donateurs souhaitent panacher leur por-tefeuille d’activités et de financement.Tel est précisément le cas de la coopération suisse.Si ses appuis au budget de la santé ont sensiblement

augmenté ces dernières années, la DDC consacreencore la moitié de son aide à des projets conven-tionnels et tient à maintenir cette proportion. Elleentend d’ailleurs «créer des synergies entre ses pro-grammes nationaux et ses expériences sur le ter-rain», relève Rémy Duiven, chargé de programmepour la Tanzanie. Cette volonté est illustrée par lelancement d’un nouveau projet, qui vise à renfor-cer les capacités de communautés marginalisées enmatière de santé. Les données réunies dans ce cadrenourriront le dialogue politique avec le ministèrede la santé. «Ce n’est qu’en travaillant dans les vil-lages que nous pourrons vérifier si la réforme dusecteur de la santé répond aux besoins réels de lapopulation. Le cas échéant, nous interviendrons auniveau national pour corriger les priorités», ajouteM. Duiven. ■

Multilatéral

Un jour dans la vie despauvresPour une fois, ce ne sontpas des économistes oudes sociologues qui par-lent de la pauvreté, maisles pauvres eux-mêmes.Fin 2002, des enquêteursmandatés par la DDC sontallés à la rencontre de 26familles dans la région deMorogoro, en Tanzanie,afin de comprendre com-ment les pauvres analysentleur propre situation. Ils ontpassé une journée avecchacune d’elles, les inter-rogeant sur leurs difficultéséconomiques, leurs expé-riences, leurs objectifs etleurs soucis. Les membresde ces ménages défavori-sés ont été invités à s’ex-primer sur tous les aspectsde la vie quotidienne: alimentation, éducation,transports, accès aux mar-chés, aux services desanté, eau et assainisse-ment, liens familiaux, etc.Les informations récoltéesont été publiées en mai2003 dans une brochureintitulée Views of the Poor.Elles ont été utilisées pourl’élaboration du programme2004-2010 de la coopéra-tion suisse en Tanzanie.

...ou l’acquisition de nouveaux bateaux de pêche, fêtée ici par des villageois, contribuent à réduire la pauvreté et àaméliorer la santé de la population.

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Cela fait un certain temps que les affrontements politiquesentre le roi, les partis et les rebelles maoïstes bloquent presqueentièrement le développement du Népal. Pour survivre, beau-coup de Népalais se voient obligés de quitter leur patrie hima-layenne et d’émigrer vers l’Inde, d’où ils entretiennent lesmembres de leur famille restés au pays. De Deepak Thapa*.

On dit souvent que le Népal est entré dans le 20e

siècle à mi-parcours. Jusqu’en 1951, les premiersministres héréditaires de la famille Rana avaientgouverné le pays d’une main de fer et coupé prati-quement tous les liens avec le monde extérieur.La misère qui sévissait dans les campagnes avaitpoussé quantités de paysans à fuir vers l’Inde, alorsbritannique, pour y chercher un avenir meilleur.L’opposition à la dynastie Rana est née dans cettediaspora népalaise en Inde.Quand les Rana ont été évincés en 1951, après unedomination de 104 ans, le pays aurait dû se trans-former en une démocratie participative. Cepen-dant, le mouvement anti-Rana avait également re-donné à la monarchie sa fonction de pilier centralde l’État.Le roi a donc pu manipuler des politiciensambitieux mais peu perspicaces, et différer ainsi la

formation de tout gouvernement représentatif. Lespartis politiques l’ont finalement contraint à orga-niser l’élection d’un Parlement en 1959. Hélas,après deux ans de démocratie parlementaire, le mo-narque a mis un terme à l’expérience et repris tousles pouvoirs. Cette monarchie absolue a duré 30ans.En 1990, de nouveaux soulèvements, conduits no-tamment par le Parti du congrès népalais et une al-liance de formations communistes,ont obligé le roiBirendra à conclure un accord, qui marque l’avè-nement de la démocratie multipartite. Le monar-que n’a plus désormais qu’un statut constitutionnel.

Chaos politiqueDepuis lors, le Népal vit dans le chaos absolu. Il aconnu 15 gouvernements différents en 14 ans. Son

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économie est tout aussi désastreuse que sa situationpolitique.La faute en incombe largement à des lea-ders politiques trop plongés dans leurs disputesmesquines et trop corrompus pour gouverner unpays qui avait placé en eux de grands espoirs avecle retour de la démocratie.La crise trouve en partie son origine dans l’insur-rection lancée en 1996 par le Parti communiste duNépal (maoïste). À ce jour, le conflit a fait plus de10000 victimes. Au départ, les maoïstes étaient l’un des nombreux groupuscules communistes duNépal.Peu à peu, ils sont devenus une véritable menacepour l’État dans de nombreuses régions du pays,étant donné l’incapacité du gouvernement à soula-ger une population plongée dans la pauvreté abso-lue.Le gouvernement n’a pas su trouver d’autre ré-ponse que la répression armée. Une politique dontles résultats tangibles se font toujours attendre.En octobre 2002, profitant de la crise engendréepar la rébellion maoïste, la monarchie a repris piedsur la scène politique.Depuis lors,dans un incessantmouvement de bascule, le roi Gyanendra et les par-tis se livrent à une lutte politique pour le pouvoir.En toile de fond, la révolte maoïste continue defaire rage. On ne sait toujours pas comment va fi-nir ce triple affrontement entre le roi, les partis etles maoïstes.

Népal

nflit triangulaireUne centaine d’ethnies et 106 languesLe Népal comprend une centaine de groupes eth-niques, d’origine mongole pour certains, indo-aryenne pour d’autres. Le brassage résultant desliens étroits que ces peuples ont noués au cours dessiècles a produit une culture népalaise florissante,unique à bien des égards. On constate beaucoupd’analogies avec les coutumes de l’Inde, mais aussides ressemblances avec d’autres traditions cultu-relles.C’est également vrai pour la religion, car unegrande partie des Népalais se réfèrent librement àl’hindouisme, au bouddhisme et à l’animisme dansleurs conceptions spirituelles.Cette diversité ethnique se traduit également parune grande richesse linguistique. Le recensementde 2001 a répertorié au total 106 langues diffé-rentes, appartenant pour la plupart aux familles ti-béto-birmane et indo-aryenne. Mais les circons-tances historiques ont donné la primauté au népa-lais, qui est aujourd’hui la langue officielle. Près dela moitié de la population parle népalais, qui estaussi la langue véhiculaire entre les divers peuplesde ce pays.Depuis quelques années, le tissu social traditionneldu Népal est toutefois remis en cause par les mi-lieux qui reprochent à l’État de favoriser depuis dessiècles les habitants parlant népalais, à savoir les hin-dous de «haute caste». Les critiques émanent sur-

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L’objet de tous lesjoursLe dhaka topiLe dhaka topi est sansdoute le principal signe distinctif des Népalais.Originaire de la zone cen-trale des collines, ce cha-peau de couleur vive estaujourd’hui porté par leshommes dans l’ensembledu pays. La plaine du Terai,au climat tropical, est laseule région où il soit peuusuel. À la campagne, lespaysans utilisent souventl’intérieur du dhaka topipour éponger la sueur deleur front. Parfois, ils le re-tournent et s’en serventcomme d’un récipient poury placer du maïs grillé oud’autres en-cas. Dans leszones urbaines, le dhakatopi ne fait plus systéma-tiquement partie de latenue vestimentaire quoti-dienne. Pourtant, il comptetoujours dans l’existencedes Népalais. On doit obli-gatoirement le porter surles photos destinées auxdocuments officiels ou lorsde cérémonies religieusestelles que des mariages.

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tout des locuteurs tibéto-birmans et des dalits de «basse caste», qui réclament maintenant une formede gouvernement plus représentative et une répar-tition équitable des ressources. L’intégration desgroupes marginalisés est d’ailleurs l’une des princi-pales revendications de la rébellion maoïste, et l’onreconnaît maintenant de façon générale que cesanomalies historiques doivent être corrigées d’unemanière ou d’une autre. Hélas, les progrès dans cesens sont d’une lenteur désespérante.

Lourd tribut économiqueLe Népal est l’un des pays les plus pauvres du mon-de. Plus de la moitié de sa population dépend del’agriculture, dont la production est saisonnière etdépend des conditions météorologiques. Les quel-ques entreprises qui fonctionnaient ont été grave-ment perturbées par la guerre civile. La plupartd’entre elles ont même dû fermer. Les combats ontréduit à néant le tourisme, principale source de de-vises du pays. De même, les industries d’exporta-tion, comme la confection de vêtements et de ta-pis, ont beaucoup souffert des grèves inspirées parles maoïstes.Lourdement tributaire de l’aide étrangère, le gou-vernement népalais est pressé d’instaurer des chan-gements structurels destinés à contrer le program-me révolutionnaire des rebelles. Les pays donateursn’apprécient guère de voir le travail de développe-ment totalement paralysé dans presque tout leNépal. Seul un petit nombre d’organisations nongouvernementales peuvent encore travailler sansentraves, avec l’aval des maoïstes.Certes, le gouvernement a fait quelques efforts deréforme, mais il dépense l’essentiel de son énergieet de ses ressources dans la lutte contre les insurgés.Le secteur social a énormément souffert de la prio-rité donnée au budget de la défense, qui a presque

triplé au cours des cinq dernières années.Contre toute attente, le pays n’a pas sombré, il n’estpas devenu un «État en faillite ». Son économiesemble plus florissante que jamais dans les zones ur-baines, où la construction est en plein boom. Cephénomène est lié à l’exode massif de populationsrurales qui fuient les combats. Cependant, l’écono-mie locale doit surtout sa résistance à l’argent en-voyé au pays par les Népalais disséminés à travers le monde.Les Népalais ont toujours émigré dans les périodestroublées. L’insurrection maoïste a encore amplifiéce mouvement. Peu de nouveaux emplois sontcréés dans le pays et les affrontements armés fontégalement des victimes dans la population civile.Laplupart des émigrants traversent simplement à piedla frontière pour aller chercher du travail en Inde.Ceux qui peuvent se payer l’avion et les servicesd’un agent optent pour les pays du Golfe ou laMalaisie.Selon les dernières données disponibles, ilssont plus de 300000 à travailler dans un pays étran-ger autre que l’Inde. Celle-ci abrite plusieurs cen-taines de milliers de Népalais. On estime que lesmigrants envoient au pays près d’un milliard dedollars par année. Un montant presque équivalentà celui du budget annuel de l’État, qui s’élève à 1,3milliard. ■

* Deepak Thapa est écrivain et éditeur auprès de la maison d’édition Himal Books, à Katmandou. Il a pu-blié «A Kingdom under Siege : Nepal’s Maoist Insur-gency, 1996-2003» (avec Bandita Sijapati), «Under-standing the Maoist Movement of Nepal» et «An OtherVoice : English Literature from Nepal » (avec KesangTseten).

(De l’anglais)

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(bf) Le Népal est un pays prioritaire de la coopéra-tion suisse au développement.La Suisse travaille dansce royaume himalayen depuis plus de 40 ans et dis-pose d’un bureau à Katmandou. Ses programmes etprojets concernent surtout la «zone des collines» àl’est,mais aussi,dans une proportion croissante, la ré-gion occidentale du pays,ravagée par la guerre civile.La DDC continue de collaborer avec le gouverne-ment népalais, notamment avec les ministères del’éducation, de l’agriculture et de l’économie fores-tière.Mais elle travaille aussi de plus en plus avec desONG népalaises, des groupes d’usagers, des associa-tions d’entrepreneurs, des œuvres d’entraide,des en-treprises privées et des organisations internationales(Banque mondiale, Banque asiatique de développe-ment, etc.). La coopération reste possible,même si lasituation politique instable rend souvent difficile laréalisation des objectifs qui ont été fixés. Le budget2004 se monte à 19,5 millions de francs (dont 1,7million pour l’aide humanitaire,1,8 million pour desprojets environnementaux globaux et 500000 francspour des contributions à des ONG). Les activitéss’articulent autour de quatre axes principaux:

Bonne gouvernance/promotion de la paix: ils’agit de soutenir la décentralisation, la démocratie,le respect des droits de l’homme et la lutte contre lacorruption,de réduire et d’éliminer les potentiels deconflits, et d’encourager les activités de promotionde la paix.

Infrastructures des transports: ces projets ontpour but de réhabiliter et d’entretenir le réseau desroutes nationales, d’assurer la desserte routière desdistricts ruraux, de construire et d’entretenir desponts suspendus ainsi que des infrastructures rurales.

Formation professionnelle et promotion despetites entreprises: la coopération appuie la misesur pied d’un système national de formation profes-sionnelle; elle conseille et soutient des associationsd’entrepreneurs; enfin, elle propose des formations àl’artisanat dans les zones rurales,à l’intention des per-sonnes socialement défavorisées.

Exploitation durable des ressources naturelles:ce programme englobe la sylviculture communau-taire, l’exploitation durable des sols, l’améliorationdes cultures de maïs, le maintien de la biodiversité etl’accroissement des revenus par la commercialisationde produits agricoles et sylvicoles.

Dans un contexte où le conflit armé entrave le tra-vail de la coopération au développement, il est es-sentiel de soutenir les efforts entrepris pour surmon-ter la crise et promouvoir la paix. En collaborationavec les autres bailleurs de fonds, la DDC accordeune importance croissante à l’amélioration du con-texte général (État de droit, droits de l’homme,bonne gestion des affaires publiques).

Faits et chiffres

NomRoyaume du Népal

CapitaleKatmandou (671846 habitants)

Superficie147181 km2

Population 23,1 millions d’habitants

Principales religionsHindouistes (80,6%)Bouddhistes (10,7%)Musulmans (4,2%)Kiratis (3,6%)Chrétiens (0,5%)

Groupes ethniquesLe recensement de 2001 a répertorié 97 groupesethniques, dont 53 d’ori-gine indo-aryenne et 44d’origine mongole. En voici les principaux: Chhetri (15,8%)Bahun (12,7%)Magar (7,1%)Tharu (6,8%)Tamang (5,6%)Newar (5,5%)

LanguesAu total 106 langues, dontles plus couramment par-lées sont le népalais(48,1%), le maithili (12,3%),le bhojpuri (7,5%), le tharu(5,9%) et le tamang (5,2%).

Produits d’exportationHuiles végétales, jute, tapisde laine, vêtements, objetsartisanaux

La Suisse et le Népal Dépasser les conflits et promouvoir la paix

Népal

Repères historiquesavant le 4e siècle Succession de dynasties, dont celledes rois Kirat.

4e siècle-879 Règne de la dynastie Lichhavi. Le roiManadeva 1er (env. 464-505) laisse la plus anciennetrace écrite de l’histoire népalaise.

879-1200 Règne de la dynastie Thakuri.

1200-1769 Règne de la dynastie Malla. La vallée deKatmandou est divisée en trois royaumes à la fin du 15e

siècle.

1743-1814 Prithvi Narayan Shah, souverain du petitroyaume de Gorkha, à l’ouest de Katmandou, lance unecampagne de conquêtes.

1814-1816 Guerre contre la Compagnie anglaise desIndes. Le Népal est contraint de solliciter la paix et perdun tiers de son territoire.

1846-1951 Jung Bahadur Rana se fait nommer premierministre et rend cette fonction héréditaire. La monar-chie est réduite à un rôle de figuration. La dynastie desRana dure 104 ans.

1951 L’insurrection armée de l’opposition met fin aurègne des Rana. La démocratie est instaurée.

1951-1959 Période d’instabilité marquée par une suc-cession de gouvernements.

1959-1960 Premières élections parlementaires et pre-mier gouvernement représentatif.Après 18 mois, le roiMahendra abolit la Constitution, interdit les partis poli-tiques et dissout le Parlement.

1960-1990 Le roi exerce un pouvoir absolu, s’appuyantsur le système sans partis des Panchayats.

1990 Restauration de la démocratie après des manifes-tations populaires organisées par les partis politiques.

1991 Élection du premier Parlement. Le Parti ducongrès népalais forme le gouvernement.

1994 Les élections aboutissent à un Parlement sans ma-jorité, qui voit défiler sept gouvernements.

1996 Le Parti communiste népalais (maoïste) déclencheun soulèvement armé.

1999 Les élections parlementaires donnent la majoritéau Parti du congrès.

2001 Le prince héritier abat dix membres de la familleroyale, dont le roi et la reine, avant de se suicider.

2002 Le roi Gyanendra prend le contrôle du gouverne-ment. Il nommera successivement trois premiers ministres.

Birmanie

NépalBhoutan

BangladeshInde

Chine

Océan Indien

Katmandou

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Manjushree Thapa, âgéede 36 ans, a étudié la photographie à la RhodeIsland School of Design,dans l’État de New York.Son premier livre, MustangBhot in Fragments, réunis-sait des impressions duMustang supérieur, régionoù elle a travaillé au débutdes années 90 pour le pro-jet népalais de préserva-tion de l’Annapurna(ACAP). Elle a publié desnouvelles, des traductionset des articles dans dif-férentes revues américai-nes et népalaises. Établie àKatmandou, sa ville natale,elle tient une chronique lit-téraire bimensuelle dansl’hebdomadaire NepaliTimes. Manjushree Thapaa également signé TheTutor of History, un pre-mier roman de portée internationale. Son deu-xième roman, ForgetKathmandu, doit paraîtreprochainement.

L’âge de l’expression

Népal

J’appartiens à la génération de Népalais, âgés au-jourd’hui de 30 à 40 ans, qui ont grandi sous la do-mination absolue du système des Panchayats. Il étaitalors illégal d’exprimer une opinion dissidente. Lespartis politiques avaient été contraints à la clandes-tinité. Les gens n’évoquaient la lutte pour la démo-cratie qu’à voix basse, et encore,dans des cercles trèsrestreints.Les manuels scolaires officiels nous abreu-vaient de propagande et les censeurs contrôlaientnos lectures.On nous invitait à croire que,malgré lapauvreté du Népal, nous étions un peuple pieux,soumis et satisfait de son sort.La réalité était plus complexe.Après l’instauration dela démocratie et de la liberté d’expression, en 1990,des faits cachés sont remontés à la surface. Ils ont ra-pidement modifié l’image que nous avions de nous-mêmes. Nous avons compris que nous n’étions pasun mythique Shangri-La prémoderne: la lutte pourla démocratie avait débuté dans les années 20 et elleavait gagné en vigueur malgré une répression bru-tale. L’une après l’autre, toutes nos vérités sont ap-parues à la lumière de la démocratie.Nous avons ap-pris comment l’État avait limité nos connaissancespour mieux nous enfermer dans les mythes natio-naux. Depuis 1990, quantité de débats et de sémi-naires,de conférences et de «programmes d’interac-tion» se sont tenus chaque jour, dévoilant sans cessedes faits nouveaux.Tous les sujets, du plus insigni-fiant au plus crucial, ont fait l’objet de vives discus-sions. Cette effervescence intellectuelle a permis auNépal de se redécouvrir.De mon point de vue d’écrivaine, cette période futextrêmement vivifiante.Pour la première fois, les li-béraux et les gauchistes, les monarchistes et les ré-publicains, les socialistes et les conservateurs ont été capables de se parler sans détours. Ils se défiaient et

nous défiaient par la même occasion. Cette ouver-ture a changé notre manière de parler.Auparavant,nous adoptions un langage prudent et indirect,nousparlions par allusions et euphémismes pour dissi-muler nos convictions. À présent, nous n’hésitonsplus à dire haut et fort ce que nous pensons. Nousn’avons plus peur de nos propres voix.Cette ouverture se retrouve aussi dans la littératurenépalaise actuelle. Par le passé, les écrivains recou-raient à un style abstrait, voire obscur, pour échap-per à la censure.Aujourd’hui, ils abordent les sujetssociaux ou politiques de manière franche et directe.De plus, le nombre d’auteurs a explosé. La littéra-ture n’est plus l’apanage des hommes issus de quel-ques castes privilégiées: de plus en plus de femmes,de dalits et de membres d’ethnies minoritaires sesont mis à écrire, avec une belle exubérance. C’estde ce brouhaha qu’émerge une littérature moderneen phase avec la société.La liberté de parole est toutefois en péril depuis ledéclenchement de l’insurrection maoïste, en 1996.Les rebelles se sont mis à déplacer, mutiler ou assas-siner les gens qui ne sont pas d’accord avec eux. Etl’État a malheureusement répondu en recourant auxmêmes méthodes: de présumés rebelles sont arrêtéset détenus sans procès; disparitions, violence et tor-ture sont devenues monnaie courante.À nouveau, ilest dangereux de contester le pouvoir en place. En2002, plus de 100 journalistes croupissaient en pri-son. Ce chiffre place le Népal en tête des pays quiconnaissent les plus graves violations des droits del’homme, selon le classement établi par Reporterssans Frontières.Malgré tout,ni les rebelles maoïstes ni l’État ne sontparvenus à faire taire le peuple.L’année dernière, j’aitraversé les districts de Dailekh, Kalikot et Jumla,dans l’ouest du Népal. Dans ces régions contrôléespar les insurgés, j’ai trouvé des villageois prêts à meparler des abus dont ils souffrent, et même désireuxde s’en ouvrir à moi, après avoir acquis la certitudeque je n’étais ni une maoïste ni une fonctionnaire.J’étais pourtant une parfaite étrangère. Mais ils ou-bliaient leurs craintes et me faisaient librement partde leurs critiques tant sur la rébellion que sur legouvernement.J’ai ainsi compris qu’après avoir connu la libertéd’expression,nous ne sommes plus capables de nouscensurer. Nous pouvons certes baisser la voix, maispas nous taire. Plus aujourd’hui. J’ai réalisé que leNépal est entré dans une période nouvelle et im-portante: l’âge de l’expression. ■

(De l’anglais)

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La coopération au développement est souvent con-frontée à des problèmes dont la solution dépasse lespossibilités d’un partenariat à deux. Cela tient soità la dimension des projets, soit à la complexité desthèmes abordés. Dans de tels cas, il faut que plu-sieurs partenaires joignent leurs efforts ou qu’ilschargent une organisation multilatérale d’affronterle problème avec efficacité.

On parle fréquemment de concurrence entre l’aidebilatérale et l’aide multilatérale. Si on se réfère àl’émulation qui aide à trouver des solutions nova-trices, plus rapides et plus efficaces, la concurrenceest tout à fait bénéfique et utile. En revanche, si ceterme évoque une lutte pour les moyens dispo-nibles, qui vise à éliminer des partenaires dans unsystème, alors il est néfaste et inapproprié.Une telleconcurrence risque de dégénérer en concours debeauté. Or, l’aide bilatérale et l’aide multilatéraledoivent se compléter.

Pour cela, il est indispensable que les différents ac-teurs fassent preuve de volonté et de compréhen-sion réciproque. Ils doivent se fixer des objectifsidentiques ou similaires, et chercher à les atteindreen engageant davantage de moyens et de savoir.Pour que la coopération au développement – bila-térale ou multilatérale – soit plus efficace, certainesconditions doivent être remplies : un contexte fa-vorable, des politiques et des règles contraignantes,et des acteurs travaillant avec professionnalisme.

S’il est vrai que la complexité des thèmes et le vo-lume des moyens nécessaires confèrent depuis quel-que temps plus de poids au multilatéralisme del’aide, il y a longtemps déjà que la politique de dé-veloppement relève de considérations multilaté-rales.La politique est définie au sein d’organisationset de forums multilatéraux.Ensuite, elle est mise enœuvre par des institutions multilatérales et des par-

tenaires bilatéraux. Il apparaît dès lors qu’aide bila-térale et aide multilatérale sont interdépendantes.Des institutions financières multilatérales ne peu-vent par exemple investir leurs crédits à bon escientque lorsque leurs partenaires disposent des capaci-tés nécessaires pour réaliser les projets prévus.Or ledéveloppement ou la promotion de ces capacitésincombent souvent aux acteurs bilatéraux.

Pour déterminer le volume des moyens à investirdans l’aide multilatérale, il s’agit de procéder à unepesée d’intérêts qui intègre une série de questionssur l’efficience, l’efficacité, le renforcement des par-tenaires, la capacité d’innovation, la fiabilité, la cré-dibilité, l’orientation des politiques, etc.

Il est également essentiel de trouver des réponses àce type de questions dans le contexte de l’approchebilatérale. La DDC doit par ailleurs veiller à main-tenir en Suisse un marché attrayant pour des pres-tataires de services innovants, faute de quoi descontrats devraient être attribués à des partenairesétrangers. Dans ce cas, les retombées de tels man-dats – leurs sous-produits en quelque sorte – ne bé-néficieraient pas à l’économie suisse, mais à celled’autres pays. Cela serait difficilement admissiblepour le contribuable.

En fin de compte, le choix entre aide bilatérale etaide multilatérale permet d’optimiser la réalisationde l’objectif que nous ne devons jamais perdre devue: réduire la pauvreté. ■

Walter FustDirecteur de la DDC

(De l’allemand)

Complémentaires et interdépendantes

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Un seul monde No4 / Décembre 200422

(mr) Avec 3,5 millions d’habitants,Ahmedabad estla plus grande ville de l’État du Gujarat,dans l’ouestde l’Inde. Son industrie textile florissante lui vaut le surnom de «Manchester de l’Orient». Mais l’in-dustrialisation et le progrès sont loin de profiter àtout le monde dans cette région:pour des centainesde milliers d’intouchables à Ahmedabad, le tempss’est arrêté au milieu du siècle passé.«L’Inde a officiellement supprimé le système descastes en 1950, après l’indépendance. En réalité,ce régime discriminatoire continue d’être tolérépar le gouvernement», explique Martin Macwan,fondateur de l’organisation non gouvernemen-tale (ONG) Navsarjan, dont le siège se trouve àAhmedabad. Depuis dix ans, cette ONG luttecontre la discrimination qui frappe les «dalits » (op-primés), nom par lequel les intouchables se dési-gnent aujourd’hui. La population indienne com-prend environ 160 millions de dalits, des personnesconsidérées comme impures,que l’on évite de tou-

cher ou d’approcher,que l’on ne regarde même pasà la lumière du jour.

Marqués dès la naissanceDans la hiérarchie sociale hindouiste, chaque indi-vidu appartient, de sa naissance à sa mort, soit àl’une des quatre castes principales, soit aux intou-chables. Ce groupe de «hors castes» se divise en di-verses sous-catégories, dont les plus basses se voientcantonnées dans les tâches dégradantes. Ainsi, leséboueurs se situent tout en bas de l’échelle sociale.Ce sont en majorité des femmes qui nettoient àmains nues les latrines sèches pour quelques sous.«Faute d’égouts en état de fonctionner, les matièresfécales sont retirées à la main des fosses d’aisance et évacuées dans des seaux métalliques que cesfemmes transportent sur la tête. Selon nos estima-tions,plus de 800000 dalits effectuent ce travail hu-miliant en Inde pour gagner de quoi survivre», ra-conte Martin Macwan.

Tout en bas de l’échelle sociale indienne Si l’on veut vaincre la pauvreté, il faut commencer par s’atta-quer à la discrimination. En Inde, des millions d’intouchablesluttent pacifiquement pour leurs droits fondamentaux et pourune existence dans la dignité. Officiellement, le statut d’intou-chable a été aboli, mais l’esprit de caste reste vivace.

Boire dans la mêmetasse«Nous avons organisé ceprintemps, à travers l’Étatdu Gujarat, une marche de libération à laquelle 200000 personnes ontparticipé. Notre devise était ‘boire dans la mêmetasse’. Aujourd’hui encore,beaucoup d’Indiens nevoudraient jamais partagerun verre avec un dalit. Ilscroient qu’un tel geste lessouillerait. Leur crainted’être contaminés par l’im-pureté des intouchables va très loin. Par exemple,après un tragique séismedans notre région, des vic-times appartenant auxcastes supérieures ont re-fusé les premiers secours,uniquement parce que lessauveteurs étaient des da-lits.»Martin Macwan, fondateurde Navsarjan

Un seul monde No4 / Décembre 2004 23

Lutte contre la discriminationL’Inde est l’un des pays prioritaires de la coopéra-tion suisse au développe-ment. Engagée depuis1961 dans ce pays multi-ethnique, la DDC concen-tre ses activités sur la ré-gion semi-aride du Deccancentral (Karnataka, AndhraPradesh, Maharashtra)ainsi que sur le Rajasthanet le Gujarat. Ses program-mes visent notamment àsoutenir la société civiledans sa lutte contre la dis-crimination. Pour ce faire,la DDC apporte une aide à des organisations qui défendent les droits del’homme et elle contribueau processus de décentra-lisation en cours depuisquelques années dans cer-tains États indiens.

endurées. Ce principe de résistance non violenteimprègne toute l’action de son ONG. GüntherBächler, chef de la section Prévention et transfor-mation des conflits à la DDC, est lui aussi convain-cu que cette approche est la bonne : «Pour com-battre la pauvreté, il faut nous attaquer à la dis-crimination par des moyens pacifiques.»

Apprendre un métierNavsarjan a un champ d’activité très vaste, qui va de la formation d’adultes jusqu’à l’organisation demarches de libération. Avec l’appui de la DDC,cette ONG gère un centre de formation profes-sionnelle pour des jeunes adultes des deux sexes,le Dalit Shakti Kendra, basé à Sanand, prèsd’Ahmedabad. «Sans une formation appropriée, lesdalits et les membres des castes inférieures n’ont aucune chance sur le marché de l’emploi. Si nousvoulons changer cette société, nous ne pouvons pasnous limiter à un travail de conscientisation; nousdevons aussi offrir aux gens de vraies perspectiveséconomiques», observe M. Macwan. Il y a 20 ansque cet activiste défend la cause des catégories défavorisées, un engagement qui lui a déjà valu plusieurs prix internationaux. Depuis la création du Dalit Shakti Kendra il y a quatre ans, les pro-grammes sont suivis chaque année par un millier dejeunes. Les participants ont le choix entre dix sec-tions menant à des métiers très divers. Ils peuventpar exemple se former au design textile, à la fabri-cation de meubles ou à la mécanique, apprendre àconduire un véhicule ou encore s’initier à l’infor-matique. ■

(De l’allemand)

La discrimination des intouchables s’étend à tousles domaines : la moitié environ des enfants dalits –cette proportion atteint même 64 pour cent chezles filles – ne parviennent pas à terminer l’école primaire, notamment en raison des humiliationsque leur infligent les enseignants. La pauvreté desintouchables va en s’aggravant, car les réformesagraires restent lettre morte. Une étude de Nav-sarjan a montré ainsi que les dalits devraient être légalement propriétaires de 2428 hectares de terresdans 250 villages du Gujarat. En réalité, ils ne pos-sèdent physiquement aucun terrain.

Résistance pacifiqueMalgré les quotas officiels, les intouchables sont lesdernières personnes à entrer en ligne de comptepour l’attribution de postes dans la fonction pu-blique. Les chiffres parlent d’eux-mêmes: les dalitset les membres des castes inférieures totalisent en-semble 23 pour cent de la population indienne,mais ils occupent à peine 5 pour cent des postes defonctionnaires. C’est l’inverse pour les castes supé-rieures qui accaparent 89 pour cent des emploisdans l’administration alors qu’elles représententseulement un quart de la population.Depuis l’introduction des quotas, qui n’égratignentguère les privilèges des hautes castes, de nombreuxaffrontements sanglants ont fait des centaines devictimes parmi les dalits. Dans toute l’Inde, les in-touchables qui se permettent de résister à la discri-mination subissent les pires brutalités. Ces mesuresde représailles visent surtout les femmes. MartinMacwan est cependant persuadé que la lutte desdalits doit rester pacifique en dépit des violences

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(mr) Au milieu du mois de mars dernier, de gravesdébordements ont secoué la ville de Mitrovica, auKosovo. Des émeutes ont éclaté après la diffusiond’une fausse information concernant la mort detrois garçons albanais. Selon les médias kosovars, cesenfants s’étaient noyés dans la rivière en essayantd’échapper à un groupe de Serbes qui les poursui-vaient avec des chiens. «Sans les reportages impru-dents et sensationnalistes qui ont été diffusés les 16et 17 mars, ces événements n’auraient probable-ment pas atteint l’intensité et le degré de brutalitédont nous avons été témoins.Peut-être même qu’ilsne se seraient pas produits du tout », constate unrapport de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Ce documentpointe du doigt en particulier la Radio-Télévisiondu Kosovo (RTK),car celle-ci jouit quasiment d’unstatut de chaîne publique. Créée et financée grâceà des fonds internationaux, la RTK reçoit notam-ment depuis 1999 une aide de la DDC.Après avoircontribué à la mise en place de l’émetteur, la Suissesoutient son infrastructure et la formation du per-sonnel.

Poursuite du dialogueLes événements de mars dernier ne doivent pasconduire la Suisse à suspendre purement et simple-ment son aide à la RTK, remarque Simon Junker,chargé de programme de la DDC pour le Kosovo.«Il faut que notre bureau de coopération à Pristinapoursuive le dialogue avec la direction de la chaîneet l’incite à examiner de manière critique le rôlejoué dans ce contexte par ses stations de radio.» Laphase actuelle du projet, qui prendra fin en mars2005, met d’ailleurs l’accent sur la formation et leperfectionnement des cadres et des journalistes.Unmandat dans ce sens a pu être confié à Swissinfo.«Nous n’avons pas attendu les événements de marspour accorder une attention particulière à l’éthiqueet aux pratiques journalistiques»,souligne M.Junker.Considérant qu’ils avaient rempli leur mission,beaucoup de donateurs internationaux avaient cesséde soutenir la RTK en 2003 déjà. Le rapport del’OSCE constate maintenant que ce retrait étaitprématuré. ■

(De l’allemand)

«Radio Kosova» et «Blue Sky»En soutenant deux sta-tions de radio publiques, «Blue Sky» et «RadioKosova», la DDC entendcontribuer au développe-ment d’une société plura-liste au Kosovo. Ces émet-teurs font partie de laRadio-Télévision duKosovo (RTK). L’aidesuisse comprend la forma-tion des collaborateurs dela RTK. Les cours sontconsacrés aussi bien autravail pratique qu’à lathéorie journalistique. Aucours de la cinquièmephase du projet, les deuxradios atteindront un stadede développement danslequel elles pourront s’au-tofinancer. Elles n’aurontalors plus besoin de l’aidede la DDC. Pour y parvenir,il reste à organiser plu-sieurs formations, notam-ment sur la programma-tion, l’animation, la gestionet l’assurance de qualité.

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Un événement survenu au Kosovo montre à quel point il est dif-ficile d’assurer l’authenticité des informations provenant de ré-gions en crise. C’est pourquoi la DDC continue de soutenir laformation des journalistes kosovars.

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La Suisse sous la loupe(grg) En tant que membre duComité d’aide au développement(CAD) de l’OCDE, la Suissesoumet périodiquement ses efforts de coopération à un «exa-men par les pairs» (peer review).Celui-ci est confié à deux autresÉtats membres du CAD. Le der-nier examen remontant à l’an2000, le prochain est prévu pourbientôt. Dans un premier temps,la Suisse rédige pour la fin del’année un rapport à l’intentiondu CAD, dans lequel elle pré-sente le détail de ses activités.Elle y explique en particulier sonpositionnement sur les stratégieset les objectifs adoptés par lacommunauté internationale. Enfévrier et mars 2005, des expertsde Norvège, de Nouvelle-Zélande et du CAD passeront aucrible l’ensemble de la coopéra-tion suisse au développement. Ilsétudieront d’une part les activitésconcrètes sur le terrain, évaluantà cet effet les projets et les pro-grammes menés en Bosnie-Herzégovine et au Viêt-nam.D’autre part, les experts s’intéres-

seront à la centrale à Berne: leurexamen portera sur l’orientationstratégique, sur la coopérationmultilatérale ainsi que sur lesstructures et le fonctionnementadministratifs de la coopérationsuisse au développement et de lacoopération avec les pays del’Est. Présentés sous forme deconstats et de recommandations,les résultats de l’évaluation sontattendus pour juin 2005. Ce rap-port sera publié et la Suisse pren-dra position sur son contenu.L’examen par les pairs constitueun processus d’apprentissage quidoit profiter non seulement à laSuisse mais également à d’autrespays donateurs.

Bureaux de coopération en ligne(bf ) Le portail Internet de laDDC (www.ddc.admin.ch) doitsurtout servir de plate-formed’information et de communica-tion. Et si cette règle vaut pour la centrale à Berne, elle s’ap-plique également aux bureaux decoopération. Dans les pays prio-ritaires de la DDC, Internet joue

en effet également un rôle cen-tral pour la communication avecla population, les autorités lo-cales, les organisations non gou-vernementales (ONG) et les par-tenaires locaux. Pour simplifier latâche de ses bureaux de coopéra-tion, la DDC a créé une struc-ture modèle qui se base sur lemême système que le site de lacentrale. En cliquant sur «Autressites de la DDC» (colonne degauche sur la page d’accueil dewww.ddc.admin.ch), on pourraaccéder d’ici la fin de l’année àquelque 40 bureaux de coopéra-tion, de la Bolivie à l’Ukraine,en passant par le Népal et laTanzanie. En ouvrant ces diffé-rents sites, la DDC entend ex-ploiter au mieux les possibilitésqu’offre Internet en tant quemoyen moderne d’informationet de communication, tout enveillant à donner une présenta-tion uniforme de ses différentesactivités. La gestion et le soutientechniques sont assurés en Suisse,mais le contenu des pages est dé-fini par les collaborateurs sur leterrain. Les sites Internet des bu-

reaux ne présenteront pas uni-quement des programmes et desprojets de coopération ou desadresses de contact, mais ils pour-ront également contenir des in-formations locales.

DDC interne

(bf) La coordination des donateurs est une question qui préoc-cupe depuis longtemps la coopération au développement.Lorsquele besoin s’en fait sentir, on s’efforce de coordonner l’action desdonateurs bilatéraux et multilatéraux.Les principaux acteurs de lacoopération se réunissent alors pour aboutir à des ententes ra-tionnelles. Cela s’organise généralement à l’échelle du pays béné-ficiaire, par exemple sous l’égide de la Banque mondiale, duProgramme des Nations Unies pour le développement (PNUD)ou d’autres instances coordinatrices.Mais les expériences réaliséesces dernières années ont montré qu’il ne suffit pas de coordonnerles programmes nationaux ou l’aide à un secteur particuliercomme la formation professionnelle, les écoles ou le système desanté.Pour renforcer l’efficacité de la coopération, il convient éga-lement de simplifier et d’adapter les approches du développement,les processus de réalisation et les contraintes administratives. Uneharmonisation des stratégies et des procédés est indispensable sil’on veut aboutir à de meilleurs résultats.C’est pourquoi plusieursconférences internationales (notamment celles de Monterrey et deRome) ont donné une acception plus large à la coordination desdonateurs.Celle-ci est désormais inséparable de notions telles que

Au fait, qu’est-ce que la coordination des donateurs?

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Un seul monde No4 / Décembre 2004

l’harmonisation des donateurs, l’alignement ou la simplification.Une nouvelle conférence («Rome II») examinera en 2005 lesprogrès accomplis entre-temps.

Un seul monde No4 / Décembre 200426

gueur depuis 1979. Mais les discriminations et laviolence contre les femmes ne sont pas dues qu’audroit religieux, elles sont le fruit d’un systèmecomprenant également des lois laïques, des codestribaux, des traditions ancestrales et des interpré-tations parfois erronées du Coran. Ainsi, unenorme communément admise veut que les fillessoient retirées de l’école à douze ans, voire passcolarisées du tout. «Les gens pensent de bonne foi que l’éducation des filles est anti-religieuse.C’est absolument faux.Le Prophète Mahomet en-courage l’acquisition du savoir, sans faire de dis-tinction entre garçons et filles », remarque FatimaKassim, du bureau de coopération de la DDC àIslamabad.

En mars 2001, Zafran Bibi se rend au commissa-riat de son village, dans le nord-ouest du Pakistan.Enceinte de quelques semaines, elle dénonce sonbeau-frère qui l’a violée alors que son mari est enprison. Hélas, elle ne peut pas produire quatre témoins de sexe masculin, comme l’exige la loi.Non seulement le violeur est acquitté, mais lajeune femme est arrêtée et reconnue coupabled’adultère car sa grossesse constitue la preuvequ’elle a eu des relations sexuelles hors mariage.Elle sera condamnée à mort par lapidation. Un jugement cassé plus tard par la cour d’appel.Ce cas est loin d’être isolé. Au Pakistan, 88 pourcent des femmes emprisonnées sont accusées d’in-fraction à la loi islamique sur la fornication, en vi-

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Depuis le 11 septembre 2001, les stéréotypes fusent: aux isla-mistes qui l’accusent d’impérialisme ou de décadence, l’Occi-dent répond que l’islam est une religion intolérante, voire rétro-grade. La coopération internationale se demande commentsurmonter les obstacles culturels et les malentendus, pour évi-ter qu’ils ne compromettent ses efforts de développement. DeJane-Lise Schneeberger.

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Des lois, des coutumeset des femmesLes droits de la femmesont souvent bafoués aunom de lois « islamiques».Celles-ci se basent sur desinterprétations très di-verses du Coran et ellessont intimement liées auxtraditions locales. Le ré-seau international Femmessous lois musulmanes(WLUML) a comparé lessystèmes qui influencent lavie des femmes dans unevingtaine de pays. Il a pu-blié un manuel dévoilant ladynamique compliquéedes normes légales, reli-gieuses et coutumières.On y apprend par exempleque la polygamie est inter-dite en Tunisie, soumise àune décision judiciaire àSingapour et autorisée jus-qu’à quatre femmes auNigeria. L’âge légal du ma-riage pour les filles est de16 ans en Égypte, 15 ansaux Philippines, 10 ans auSoudan, tandis que laMalaisie ne fixe pas d’âgelimite. Dans les pays oùdes lois protègent lesdroits de la femme, il estfréquent de voir se perpé-tuer, souvent en toute im-punité, des pratiques tellesque la répudiation unilaté-rale par le mari, le mariageprécoce ou la polygamie. WLUML: «Knowing ourrights – Women, family,laws and customs in themuslim world», Londres,2003. Internet : www.wluml.org

Afghanistan

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terre d’islam

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La DDC réalise au Pakistan de nombreux projetsvisant à améliorer la condition de la femme et sonaccès à l’éducation. Parallèlement, elle discute deces questions avec le pouvoir central et avec legouvernement islamique au pouvoir dans la pro-vince de la frontière nord-ouest. «Nous faisons untravail de sensibilisation à différents niveaux, afinde favoriser un processus de changement », ob-serve Jean-Marc Clavel, chargé de programme.« Il n’est pas acceptable que l’on justifie des discri-minations au nom de pratiques culturelles diffé-rentes. Le Pakistan a signé les conventions inter-nationales sur les droits de l’homme, qui doiventêtre respectées. »

Recommandations aux expatriés Au Pakistan, comme dans d’autres pays musul-mans, certains interlocuteurs restent sourds à cesarguments. Beaucoup d’islamistes rejettent lesdroits de l’homme, de même que la démocratie.Pour eux, ces notions ont été inventées par l’Occi-dent et ne s’appliquent pas aux sociétés musul-manes.Avec la montée en puissance de l’islam po-

litique, la confrontation des deux systèmes de va-leurs est plus virulente que jamais. Elle se réper-cute sur la coopération internationale et l’aide hu-manitaire, dont le personnel est pris pour cible enIrak, en Tchétchénie ou en Afghanistan.Depuis les attentats du 11 septembre 2001, les bar-rières culturelles préoccupent les acteurs de l’aideinternationale. Certains pensent que l’islam est unobstacle au développement. « Il l’est lorsque desrégimes anti-démocratiques, des partis populistesopportunistes ou des groupes politico-religieuxd’extrême droite s’en servent pour prendre lepouvoir ou y rester », répondent des chercheusesféministes.Parfois, les bailleurs de fonds accordent trop de

poids aux leaders religieux dans la planification deleurs actions : « Il est inutile de consulter l’imamlocal sur un projet d’assainissement ou d’élevagede moutons », remarque Toni Linder, coordinateurd’un groupe de travail sur l’islam à la DDC. Cegroupe a formulé des recommandations à l’inten-tion des coopérants. Il les rend attentifs à l’extrêmediversité de l’islam, qui est vécu de façon très dif-férente d’un pays à l’autre. Les coopérants doiventen outre bien percevoir la complexité de chaquecontexte. Il n’est pas rare que l’islam soit invoquépour justifier des pratiques qui n’ont rien de reli-gieux. C’est le cas des mutilations sexuelles fémi-nines et des crimes d’honneur.

Même clientèle Le groupe de travail a également abordé la déli-cate question des relations avec les partis ou groupes islamistes qui recourent à l’action armée,comme le Hezbollah au Liban ou le Hamas enPalestine. Annick Tonti, responsable de la sectionProche-Orient et Afrique du Nord, résume la po-sition de la DDC: «Par principe, nous ne tra-vaillons pas avec des mouvements religieux, dequelque confession soient-ils. Mais il nous arrived’être confrontés à eux dans notre travail quoti-dien. Dans ce genre de situation, nous sommesouverts au dialogue. Et il est possible de trouverdes terrains d’entente. » Les contacts, directs ouindirects, ne sont pas rares, car les mouvements islamistes offrent généralement un soutien socialaux couches défavorisées de la population, qui

Un milliard de fidèlesNé au 7e siècle dans la péninsule Arabique, l’islamest pratiqué aujourd’hui parplus d’un milliard de per-sonnes, réparties sur lescinq continents. La plusgrande partie de cetteumma (la communauté descroyants, selon le Coran) vitau Proche-Orient, en Asieet en Afrique. L’Indonésieest le plus grand pays mu-sulman, avec 174 millionsde fidèles. On estime à 30millions le nombre d’émi-grés musulmans en Europeoccidentale. L’Organisationde la conférence islamique(OCI) regroupe 57 États,qui présentent une grandediversité au niveau des lé-gislations et des régimespolitiques. Une dizaineseulement appliquent inté-gralement ou partiellementla charia, la loi religieuse.

Tadjikistan

Irak

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sont aussi les « clients » de la coopération. Ainsi,la Suisse fournit une aide humanitaire aux réfugiéspalestiniens vivant dans les camps de Gaza, où leHamas est très actif. Ce mouvement dispose d’unvaste réseau social en Palestine, dont il se sert pourrecruter des militants et rallier des électeurs.

Charité et jihadSi le combat politique des groupes islamistes s’ac-compagne d’une aide aux déshérités, c’est que labienfaisance est un devoir pour tout musulman.La zakat, ou aumône, est le cinquième pilier del’islam. Cette tradition caritative a donné nais-sance dans les années 80 à de nombreuses organi-sations humanitaires internationales, financéessurtout par les pays du Golfe. Ces organisations is-lamiques sont apparues pour la première fois enAfghanistan, durant l’occupation soviétique, avantde se déployer dans les pays issus de l’URSS et del’ex-Yougoslavie. Elles allient l’action humanitaireà un jihad politico-religieux, s’efforçant de mobi-liser les populations musulmanes et de recruter despartisans dans le but de réislamiser la société.Antoine Laham, qui a travaillé pour plusieursagences humanitaires internationales, les a côtoyéesen Bosnie, en Irak et au Kosovo : «Sur le terrain,le courant passe mal entre les acteurs occidentauxet leurs confrères islamiques, qui distribuent d’unemain de l’aide alimentaire, de l’autre le Coran.Depuis le 11 septembre, le dialogue est pratique-ment rompu. On s’ignore mutuellement. » En Asie centrale, ces organisations, exportatricesd’un islam conservateur, ont contribué au réveilreligieux et à l’expansion de l’islamisme. Au Tad-jikistan et en Ouzbékistan, pays à majorité musul-

mane, des milliers d’écoles coraniques et de mos-quées ont été construites grâce à des fonds essen-tiellement saoudiens. Dans un environnementaussi fortement islamisé, la dimension religieuseinflue sur les activités de la DDC, constate DerekMüller, chargé de programme. Cependant, ellen’en constitue pas un axe prioritaire : « Le pro-blème de l’Asie centrale n’est pas l’islam, mais lefossé croissant entre riches et pauvres, la mauvaisegouvernance, la corruption… C’est tout cela quipeut pousser la population vers le fondamenta-lisme ou vers l’opposition islamiste, et non pas lavolonté de rétablir le califat. Pourtant, les régimesautoritaires de la région invoquent la lutte inter-nationale contre le terrorisme pour justifier la ré-pression de cette opposition. » ■

Le capitalisme allié à la chariaÀ l’issue d’une guerre entreplusieurs ethnies dans lenord du Mali, l’aide au dé-veloppement a participé àla reconstruction écono-mique. Dans le cadre d’un projet financé parl’Allemagne et mis enœuvre par l’organisationfrançaise Fides, unebanque islamique de mi-crofinance a été créée àLéré, en collaboration avecles commerçants et lesimams locaux. Ces der-niers servent de médiateurset attestent la conformitédes contrats avec le Coran.Le concept repose sur l’as-sociation de principes ban-caires capitalistes avec lesnormes islamiques, qui im-posent un partage desrisques entre le prêteur etl’emprunteur. La voie choi-sie a rendu la banque ac-cessible à l’ensemble de lapopulation dans une régionde 2 millions d’habitants,jusque-là dépourvue detout service financier.L’islam est commun àtoutes les ethnies. Maiscertains groupes, plus reli-gieux que d’autres, n’au-raient pas pu recourir auxservices d’une banqueconstruite sur le modèleoccidental.

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Habituellement, les peuples seforgent des symboles pour arti-culer leur réalité. En certainesoccasions toutefois, la réalité elle-même se charge de créer lessymboles. C’est ce que montrel’histoire d’Isabella Arriola, unejeune femme appartenant à l’eth-nie des Garífunas, établis sur lacôte caraïbe de l’Amérique cen-trale. En octobre 1998, cette ins-titutrice et sa famille se sont en-fermées dans leur maison à Barradel Aguán, au Honduras, pouréchapper au cyclone Mitch. Maisils ont été emportés par la rivièreen crue.Après avoir englouti sestrois enfants et son mari, les flotsont rejeté Isabella 50 kilomètresplus loin, en pleine mer. La resca-pée a flotté pendant six jours,agrippée à des débris de plan-ches, se nourrissant de noix decoco qu’elle ouvrait avec lesdents, priant pour que les requinsne la découvrent pas. Elle désiraitdes ailes pour retourner à terre,souffrait d’hallucinations et s’en-dormait par moments. Ses idéesse perdaient dans l’immensitébrutale de cet océan de solitude.

Près d’une semaine plus tard, unefrégate anglaise l’a sauvée. Lesmarins, expérimentés, ont eu dela peine à croire à son histoire,surtout quand Isabella leur a ditque cela lui arrivait pour ladeuxième fois. En 1974, en effet,la furie du cyclone Fifi l’avait re-jetée à 35 kilomètres de la côte,où elle avait déjà été sauvée parun bateau. Seulement, l’expé-rience de 1998 a été plus trau-matisante: lorsque l’hélicoptèredu HMS Sheffield a repéré la naufragée, il a lancé des fuséeséclairantes pour signaler sa posi-tion; se croyant attaquée par desbateaux de guerre, comme elleen avait vu à la télévision, Isabellaa plongé sous l’eau, pour éviterd’être localisée. Finalement, elle a survécu à ce cyclone qui a faitquelque 8000 victimes. On l’atransportée dans un hôpital d’ur-

gence à Trujillo, la petite villeportuaire où avait été fusillé leflibustier nord-américain WilliamWalker en 1860, capturé aprèss’être réfugié sur une autre fré-gate anglaise. Par la suite, IsabellaArriola est partie vivre chez desparents à New York.

Cette fantastique aventure hu-maine peut susciter beaucoup demétaphores. Mais la seule qui mevienne à l’esprit consiste en unecomparaison historique et so-ciale. L’Amérique centrale – unnom de genre féminin – a connuune destinée similaire à celled’Isabella.Après leur indépen-dance en 1821, les cinq pays quila composent ont poursuivi du-rant près de deux siècles le rêvede vivre en démocratie. Mais lavolonté cyclonique de certainshommes les en a empêchés.Au19e siècle, les États de l’isthmecentraméricain ont subi 300 ré-volutions et 12 dictatures, dontune qui a duré 20 ans. En tout,ils auront rédigé quelque 60constitutions et pas moins de 150 chefs d’État les auront gou-vernés. On pourrait penserqu’une région ayant vécu tant debouleversements était destinée àsuccomber, à disparaître. Or sespeuples ont fait preuve d’uneimmense volonté de survivre. Etaujourd’hui, ils sont sur le pointde connaître le monde meilleurauquel ils ont tant aspiré.

À titre de comparaison,l’Amérique centrale est plus vasteque les Pays-Bas et la Belgiqueréunis. Elle comprend aujour-d’hui six pays, si l’on inclut lePanamá. Ce territoire s’étend surplus de 500000 kilomètres carrés. Il compte 40 millionsd’habitants, deux océans, huitvilles principales, 25 quotidiens,2000 stations de radio, 30 vol-cans, 40 partis politiques, 50 lacs,peut-être 80 universités etcentres technologiques, des mil-liers de professeurs et d’intellec-

tuels… Entre 1970 et 1990, on amisé sur la révolution de gaucheet les guérillas, mais cela n’a engendré que des désillusions.Entre 1990 et 2004, les gouver-nants ont appliqué le néolibéra-lisme, pour ne récolter, là encore,que des déceptions : si la démo-cratie électorale existe bel etbien, les indices de pauvreté nebaissent pas. Selon une récenteétude du Programme desNations Unies pour le dévelop-pement (PNUD), une bonnepartie de la population seraitprête à accepter des gouverne-ments autoritaires, si ceux-ci luipermettaient d’échapper à lapauvreté. À nouveau, c’est la vo-lonté de survivre qui l’emporte.L’Amérique centrale est disposéeà recommencer, encore et tou-jours.

Telle est la condition humaine.Les peuples ne se suicident ja-mais, bien qu’ils puissent sombrerdans la dépression. L’exempled’Isabella Arriola est un symboleintéressant, qui aide à com-prendre notre réalité. ■

(De l’espagnol)

Des peuples et des symbolesCarte blanche

Julio Escoto n’est pas seule-ment un auteur et un journa-liste reconnu au Honduras, ilappartient également à l’éliteintellectuelle de son pays. Cethomme de 60 ans a déjà reçuplusieurs prix internationauxpour une œuvre dans laquelleil se distingue par son identifi-cation au Honduras et aux va-leurs de ce pays. Ses ou-vrages les plus connus sontLos Guerreros de Hibueras, El Árbol de los Pañuelos etRey del albor Madrugada.

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En 20 ans, les cultures du Sud ont gagné le cœur du public suisse. Elles doiventune part de cette popularité au travail de Culture et Développement. Ce service,créé en 1985 par des œuvres d’entraide et cofinancé par la DDC, se consacreà la promotion des artistes d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie installés enSuisse. De Jane-Lise Schneeberger.

ciens et aux chanteurs, qui for-ment la catégorie la plus nom-breuse.

Scènes du Sud en plein essor Jusque vers le milieu des années80, la coopération au développe-ment ne soutenait guère les cul-tures du Sud. Un manifeste, pu-blié en 1984 par le journalistealémanique Al Imfeld, demandait

une implication accrue dans cedomaine. Cela a incité six œuvresd’entraide à créer un bureau cul-turel commun. «Leur but était defaire découvrir aux Suisses les ri-chesses culturelles des pays danslesquels elles réalisaient des pro-jets de développement. Elles ontcommencé par faire venir des ar-tistes de ces régions. Peu à peu,l’intérêt s’est porté sur les artistesétablis en Suisse, encore peu

Recherche joueur de

Une vaste collection de cassettesaudio, une centaine de vidéos etplus de 300 CD sont rangés surdeux étagères métalliques.Coupures de journaux, dossiersde présentation et programmesculturels remplissent les armoires.Les locaux de Culture etDéveloppement (C&D), à deuxpas de la gare de Berne, abritentd’abondantes archives, qui sontmises gratuitement à la disposi-

tion des milieux intéressés. On y trouve des informations surquelque 400 artistes du Sud.Certains vivent actuellement enSuisse, d’autres y ont séjournépar le passé. Le bureau de C&D a pour tâche de favoriser l’inté-gration de ces artistes dans lepaysage culturel suisse et de pro-mouvoir le dialogue inter-cultu-rel. Il consacre environ 90 pourcent de ses activités aux musi-

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nombreux à l’époque», expliqueDagmar Kopse, codirectrice deC&D.L’année 1992 marque le début dela collaboration avec la DDC.Celle-ci a décidé de fournir unappui substantiel aux activités dubureau ainsi qu’au Fonds culturelSud, qui permet à C&D de fi-nancer des manifestations localeset régionales. Dans la secondemoitié des années 90, les concertset autres événements dédiés auSud se sont multipliés dans toutela Suisse. Devant la diversificationrapide de l’offre, C&D a prisl’initiative de mettre en réseau lesartistes, les organisateurs de ma-nifestations et les institutions depromotion. Le bureau a déve-loppé un site Internet (www.coordinarte.ch) qui facilite leséchanges entre ces acteurs. Sonsecrétariat, géré initialement parune seule personne à 25 pourcent, s’est progressivement étoffé.Et aujourd’hui, quatre collabora-teurs se partagent 2,5 postes.

qualité», souligne Dagmar Kopse.À l’occasion de son 20e anniver-saire, C&D vient de publier unouvrage sur la musique et ladanse du Sud en Suisse. Soukous,kathak et bachata (Éditions d’EnBas) reflète en grande partie sesexpériences et ses rencontres.

Littérature et arts visuelsEn 1998, C&D avait coédité avecla Déclaration de Berne un re-cueil de la littérature suisse enlangues étrangères. Paru en alle-mand seulement, Küsse und eiligeRosen (Des baisers et des rosespressées) présentait 30 auteursvenus du Sud, mais égalementd’Europe de l’Est. Cette incur-sion à l’Est reste une exceptiondans les activités de C&D, dont le mandat ne couvre pas les payseuropéens. Explication deDagmar Kopse : «Notre bureauest un enfant des années 80.À cette époque, les œuvres d’en-traide ne travaillaient pas enEurope de l’Est. »

Après la publication de son an-thologie, C&D a réalisé un projetpromotionnel en faveur despeintres, sculpteurs et photo-graphes : les travaux de 13 créa-teurs du Sud ont été présentés en 1999 à la Kunsthalle deBerne. «Nous avons tenu à orga-niser cette exposition dans unlieu prestigieux, afin de faireconnaître des artistes encore lar-gement marginalisés. En Suisse,le marché des arts plastiques estrestreint et plutôt hermétique»,remarque Mme Kopse.

Authenticité ou métissage La condition de migrant crée desdifficultés particulières pour cer-tains artistes. Dans le domainemusical, la recherche de parte-naires, par exemple, peut s’avérerproblématique, en particulierlorsque le musicien veut préser-ver l’authenticité de son réper-toire. Le chanteur kurde MiçoKendes a vainement cherché enSuisse un excellent joueur de bu-

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Activités multiples Cette équipe déploie des activitésde conseil, de documentation etd’agence artistique. Elle répond àtoutes sortes de requêtes : desjournalistes font appel à ses ar-chives ; des écoles ont besoin dematériel pour mettre sur pied unprojet interculturel ; des paroissesou des communes demandentconseil pour la préparation d’unévénement; les artistes s’infor-ment sur les possibilités de finan-cement; ils cherchent les coor-données de galeries, théâtres,clubs musicaux, etc.Le secrétariat de C&D joue unrôle d’agence pour les musiciens,chanteurs, danseurs, mimes etconteurs. Une fois par an, il en-voie à tous les organisateurs demanifestations une liste de 50 ar-tistes avec lesquels il a choisi decollaborer. «Nous faisons une sé-lection relativement sévère. Cene serait pas rendre service auxcultures du Sud que de proposerdes productions de mauvaise

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zuq, luth traditionnel du Moyen-Orient. Pour accompagner sesrécits chantés d’épopées et de lé-gendes, il doit faire venir des mu-siciens de Paris, de Londres, voirede Syrie. Le groupe de musiquecubaine Ambos Mundos, fondéen 1995, a été confronté aumême problème.Au début, trois

de ses membres venaient réguliè-rement de La Havane. Par lasuite, le groupe a trouvé enSuisse des musiciens cubains detalent.D’autres artistes ont opté d’em-blée pour le métissage musical,comme le duo Ramos-Schneider, une harpiste argentineet un guitariste allemand basés àZoug. De leur côté, le GambienBasuru Jobarteh et la SuissesseRebekka Jobarteh-Ott ont unileurs destinées en même temps

que les sonorités de la kora et dela harpe celtique.

Patrimoine préservé par les exilés Si nombre d’artistes se sont éta-blis en Suisse par amour, d’autresont quitté leur pays pour des rai-sons politiques. C’est le cas no-

tamment des Congolais : la plu-part d’entre eux ont fui ladictature de Mobutu, d’autressont venus plus tard pour échap-per à la guerre civile. Un mouve-ment inverse s’enclenche lorsquela situation politique s’améliore.Depuis l’abolition de l’apartheid,par exemple, pratiquement tousles artistes sud-africains ont rega-gné leur pays. Pour d’autres réfu-giés, comme le chanteur tibétainLoten, l’exil semble interminable.Après avoir été instituteur au vil-

lage d’enfants Pestalozzi à Trogen,Loten a repris son dranyen, et ils’accompagne de ce luth tibétainpour faire connaître à travers lemonde les chants traditionnels de son pays. En Afghanistan, 25années de guerre ont contraint laculture à s’exiler. Cinq musiciensafghans ont constitué à Genève

l’Ensemble Kaboul, qui jouitd’une renommée internationale.Ce groupe instrumental a contri-bué à préserver le patrimoinetraditionnel alors que les talibansavaient interdit toute forme dedivertissement à l’intérieur dupays. ■

Plaque tournanteLe réseau culturel www.coordi-narte.ch, créé par C&D en1998, s’adresse surtout aux or-ganisateurs de manifestations,aux médias et aux sponsors.Mais son site Internet est ac-cessible à tout un chacun. Ilpropose une foule de rensei-gnements sur les artistes duSud résidant en Suisse. Unagenda, régulièrement mis àjour, recense les manifestations,expositions, festivals et autresprojets qui font connaître lescultures du Sud en Suisse. Lesite contient en outre un guidedes principales institutions depromotion publiques et privées. www.coordinarte.ch

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Les Balkans à Soleure(bf ) Depuis trois ans, les Journéesde Soleure présentent, sous letitre «Invitation», l’actualité ciné-matographique d’un pays hôte.À l’occasion de son quarantièmeanniversaire, qui sera célébré du24 au 30 janvier, la manifestationadressera cette invitation à diverspays des Balkans : Croatie,Bosnie-Herzégovine, Serbie-Monténégro et Kosovo. Descontributions aussi surprenantesque passionnantes dans diversgenres (documentaires, cinémaexpérimental, longs métrages,etc.) donneront un aperçu de larichesse cinématographique desBalkans, tout en essayant de re-mettre en question les idées reçues sur ces pays. Dix ans aprèsla fin de la guerre, il s’agit deprojeter des films qui luttentcontre l’oubli, et d’autres qui sesont efforcés d’analyser le conflitpendant qu’il se déroulait.«Invitation Balkans» aux 40es

Journées de Soleure, du 24 au 30janvier. Pour de plus amples informa-tions : www.solothurnerfilmtage.ch

Cohabitation à Genève(dg) Depuis quelques années, lapolice genevoise collabore avecles représentants de différentescommunautés de migrants dansle cadre d’un projet unique enson genre tant sur le plan suissequ’international. Il s’agit de créerle dialogue nécessaire à la coha-bitation des indigènes et desétrangers. Le film intitulé Pas les flics, pas les noirs, pas les blancspermet de rencontrer Alain, ini-tiateur de ce projet. Sur la basede ses expériences,Alain est favo-rable à la recherche de solutionsgrâce à la médiation intercultu-relle, car la répression s’avère généralement inefficace. S’il estmontré séquence par séquence,ce film peut être utilisé égale-ment dans l’enseignement deslangues étrangères.Ursula Meier : «Pas les flics, pas lesnoirs, pas les blancs», Suisse 2002.

Documentaire, DVD, 72 minutes,VO française, sous-titresallemand/anglais/espagnol, dès 16ans. Distribution/vente : Éducation etDéveloppement, tél. 021 612 00 81,[email protected]: 55 francs pour écoles et biblio-thèques scolaires, 75 francs pour mé-diathèques (droits de distribution in-clus) ou projections publiques (sansbut lucratif). Informations supplé-mentaires et fiche pédagogique :Films pour un seul monde,www.filmeeinewelt.ch

Formation postgradeL’EPFZ propose jusqu’en juillet2005 plusieurs cours de prépara-tion au diplôme postgrade pourles pays en développement (NADEL):30.3 – 1.4 Séminaire d’approfon-dissement pour la formationpostgrade en coopération au dé-veloppement4.4 – 8.4 Introduction à la plani-fication de projets et de pro-grammes9.5 – 13.5 Potentiels et limites dela coopération au développementdans la promotion de la bonnegouvernance et de la décentrali-sation 17.5 – 20.5 Corruption etcontrôle de la corruption dansles pays en développement23.5 – 27.5 Le suivi dans la ges-tion des projets et des pro-grammes de la coopération audéveloppement6.6 – 10.6 Examen préalable succinct dans le choix des parte-naires pour l’aide par projet 21.6 – 24.6 Promotion du sec-teur privé 27.6 – 1.7 Promouvoir desmoyens d’existence durables :approches et pratiques (anglais)Langue de travail: allemand. Délaid’inscription: un mois avant le début

du cours. Informations et inscriptions :secrétariat du NADEL, CentreEPFZ VOB B 12, 8092 Zurich,tél. 01 632 42 40;www.nadel.ethz.ch,[email protected]

Investissements responsables (bf ) La microfinance est uneforme de crédit qui a fait sespreuves dans des pays en déve-loppement comme le Bangla-desh, l’Équateur, le Pérou oul’Ouganda. Désormais, ce sys-tème de petits crédits, souventprofitables, constitue égalementun instrument financier à la dis-position des investisseurs privéssuisses. S’ils souhaitent obtenir un«rendement social» en plus de larentabilité financière, ces dernierspeuvent s’engager dans le do-maine du microcrédit. Des enti-tés aussi diverses que la Banquealternative, la société hollandaiseAndromeda Fund, le groupeRaiffeisen ou le Credit Suisseont participé à la création de lasociété anonyme responsAbility.Les « investissements sociaux»doivent jeter des passerelles entremarché financier et coopérationau développement. La sociétéresponsAbility poursuit avec laDDC et le Secrétariat d’État àl’économie (seco) un dialoguetechnique sur la politique de développement et sur le finance-ment de petites et moyennes entreprises dans les pays en déve-loppement. Elle a pour vocationd’associer le succès économiqueà une plus-value sociale.Renseignements : responsAbility –Social Investment Services SA,Case postale 501, 8032 Zurich ;www.responsAbility.ch

Apprentissage global(bf ) Plusieurs organisations nongouvernementales (ONG) suissessont à l’œuvre dans le domainede l’éducation. Elles encouragentles enseignants à étudier en classeles problèmes et les défis interna-

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tionaux, élaborant à cet effet desdossiers pédagogiques, des cours,des vidéos ou encore des jeuxconsacrés au savoir mondial. Lesthèmes abordés comprennent lesrencontres interculturelles, la mi-gration et l’asile, les droits del’homme, les droits de l’enfant,l’économie et l’écologie, ainsique la coopération au dévelop-pement. Pour aider les ensei-gnants à s’y retrouver dans laquantité de matériel proposé,la fondation Éducation etDéveloppement publie régulière-ment une affiche présentant unesélection des offres. Les différentsprojets y sont regroupés parthème, par degré scolaire et parorganisation. La liste des projetsdes ONG romandes à l’intentiondes écoles paraît semestriellementen français, celle des ONG alé-maniques est publiée une fois par année en allemand.La dernière liste des projets desONG à l’intention des écoles peut être téléchargée sur www.globaleducation.ch (rubrique «Réseau») ou commandéeà l’adresse suivante :Éducation et Développement,Av. de Cour 1, 1007 Lausanne,tél. 021 612 00 81

Duos avec le roi du raï (er) Le dernier album del’Algérien Cheb Mami a de quoisurprendre puisqu’il réunit douzeduos, dont quatre inédits. On yretrouve le «roi du raï» notam-ment avec Ziggy Marley, SamiraSaïd et Tonton David. C’est unvoyage éclectique à travers le rap,les scratches du hip hop, lesrythmes reggae, la variété rock

italienne et le groove asiatique,toujours associés bien entendu au«blues maghrébin». Des chansonsengagées évoquent la générationperdue, les émigrants trahis, ledéchirement entre nouvelle etancienne patrie. Enfin, l’albumoffre des alliances vocales extra-ordinaires : ici, la voix de ChebMami, haut perchée et presqueenfantine, rejoint celle deZucchero, pleine et rauque, enun soupir langoureux; plus loin,elle entretient un dialogue rêveuravec les accents mélancoliques deSusheela Raman. Enfin, c’est auson de la cornemuse que ChebMami retrouve Idir, son compa-triote kabyle.Cheb Mami: «Du Sud au Nord»(Virgin Music / EMI)

Échos du village « latino»(er) Chaque année en juillet, lePaléo Festival de Nyon offre unprogramme musical extrême-ment riche.Au point que les fansde world music ne peuvent plusse permettre de rater ce rendez-vous. Depuis 2003, le quartier «Village du monde», créé en col-laboration avec la DDC, élargitencore l’horizon en présentantdes rythmes et des mélodiesd’autres continents. Cette année,le public a pu assister auxconcerts de 18 musiciens renom-més d’Amérique latine. On re-trouvera leur production sur unalbum réunissant quelques ins-tantanés musicaux sélectionnésavec soin. Les enregistrementsd’Eliades Ochoa, légende du fa-meux Buena Vista Social Club,ou de Tania Libertad et LucyAcevedo, les chanteuses péru-viennes du groupe Música negra,ne font pas que rappeler aux visi-teurs l’excellente ambiance quirégnait à Nyon. Ils font égale-ment partager ces moments ma-giques à ceux qui n’avaient pasfait le déplacement. Où que vousvous trouviez, la voix envoûtantede la jeune chanteuse mexico-canadienne Lhasa vous fera fris-

sonner tandis que le groupemexicain Pantéon Rococó vousentraînera dans sa fête ska.Divers artistes : «Paléo FestivalNyon ‘Village du Monde 04’América Latina» (Paléo FestivalNyon / Disques Office)

La nonchalance du reggae(er) Le reggae rassemble tou-jours. Depuis le début des années70, ce style de musique noncha-lante venu de la Jamaïque ne cessed’envoûter une vaste commu-nauté de fans à travers le mondeentier. Le très dynamique labelPutumayo est là pour le prouver:une superbe compilation dedouze morceaux, tantôt doux etpresque tristes, puis à nouveauenjoués, voire frivoles, proposeun panorama de ce genre musicaldes Caraïbes à l’Afrique en pas-sant par l’Europe. Des têtes d’af-fiche de renommée internatio-nale, tels qu’Apache Indian,Majek Fashek, Gwana Diffusionet Alpha Blondy, côtoientd’autres grands noms moinsconnus chez nous. Quant aucontenu musical, il est aussi variéque le reggae: partitions clas-siques aux rythmes syncopés,déferlement de cuivres, voix etchœurs au charme évocateur,solos de flûte et de guitare à la mélodie subtile, sans oublier lesparoles revendicatrices. On y re-connaîtra aussi la mélancolie dela morna du Cap-Vert, les fili-granes des tonalités arabes ou en-core les sons typiques du bhangraindien. Cet album est un résuméfascinant du reggae d’aujourd’hui.Divers artistes : «World Reggae»(Putumayo / Disques Office)

Le Coran contre les mollahs ( jls) Quand les conservateurs ira-niens ont appris l’attribution duprix Nobel de la paix à leurcompatriote Shirin Ebadi en2003, ils ont crié à l’infamie etvilipendé une distinction qui ré-compense «des personnes tra-vaillant contre les principes isla-miques». Cette juriste de 57 ans,qui défend les droits des femmeset des enfants en Iran, est pour-tant une musulmane convaincue.Elle se bat contre les mollahsavec leur propre arme, le Coran,afin de démontrer que nombrede lois ne sont pas justifiées parl’islam. Dans un livre intituléL’Iran des réformes, l’Irano-Allemande Katajun Amirpur,spécialiste de l’islam, dresse leportrait de la célèbre avocate.À travers le parcours de ShirinEbadi, ce livre décrit l’évolutiondu système politique depuis larévolution islamique de 1979. Ilanalyse notamment le fonction-nement des institutions ira-niennes, le pouvoir dispropor-tionné des conservateurs et laprogression laborieuse des ré-formes.Katajun Amirpur : «L’Iran des ré-formes, avec Shirin Ebadi, PrixNobel de la paix»,Alvik Éditions,Paris, 2004

De l’électricité à la biotechnologie ( jls) De 1999 à 2002, l’École po-lytechnique fédérale de Lausannea réalisé quatre projets de re-cherche en partenariat avec desinstitutions scientifiques du Sud.Un livre paru récemment pré-sente ces projets, qui ont reçu lesoutien de la DDC. Dans la villede Thiès, au Sénégal, les cher-cheurs ont conçu un outil infor-matique qui favorise une planifi-cation participative des territoirespériurbains. À Cuba, de nou-velles productions industriellesbiotechnologiques ont été déve-loppées en valorisant les res-sources indigènes.Au Maroc, les

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scientifiques ont étudié l’électri-fication de zones reculées aumoyen de microréseaux alimen-tés par des énergies renouve-lables. Le quatrième projet decoopération scientifique a analyséles enjeux liés aux innovationsenvironnementales dans troismétropoles d’Amérique latine.«Coopération et développement du-rable – Vers un partenariat scienti-fique Nord-Sud», sous la directionde Jean-Claude Bolay et MagaliSchmid, Presses polytechniques etuniversitaires romandes, 2004

Pillage biologique du Sud( jls) Deux événements, survenusdans les années 80, ont fait de laquestion des brevets un enjeupolitique crucial : la Cour su-prême des États-Unis a décidéd’élargir les brevets aux orga-nismes vivants ; puis l’industrieaméricaine a fait insérer dans lalégislation internationale untraité qui impose un régime uni-forme de brevets et protège lesdroits de propriété intellectuelle.Dans un livre intitulé La vie n’estpas une marchandise,Vandana Shivafait ressortir les conséquencesmorales, économiques et écolo-giques du nouveau régime, parti-culièrement préjudiciable auxpeuples du Sud. Ceux-ci sontvictimes d’un véritable pillagebiologique, souligne la scienti-fique et écologiste indienne. Lessavoirs et les plantes indigènesdeviennent la «propriété intellec-tuelle» de multinationales duNord. Entre autres dérives, cesystème oblige les agriculteurs àpayer des redevances pour utiliser

les semences qu’ils pouvaient au-trefois conserver et s’échanger li-brement entre voisins.Vandana Shiva: «La vie n’est pasune marchandise – Les dérives desdroits de propriété intellectuelle»,coll. Enjeux Planète, Éditions d’enbas, Lausanne, 2004

Un tour du monde en Suisse( jls) Quelques centaines de musi-ciens et danseurs du Sud sontétablis en Suisse. Publié parCulture & Développement, unlivre est consacré à ces migrantsqui jouent un rôle toujours plusimportant dans la vie culturellelocale. Son titre paraîtra énigma-tique au non-initié : Soukous,kathak et bachata. Ces mots dési-gnent une musique populaire du Congo, une danse classique indienne et une musique à caractère mélancolique, née enRépublique dominicaine.L’ouvrage a été rédigé par unevingtaine d’auteurs, essentielle-ment des journalistes, des musi-ciens et des musicologues.Quelques articles analysent lesconditions de travail des artistesdu Sud, l’impact de l’émigrationsur leur musique et les liens qu’ilsentretiennent avec leurs tradi-tions musicales. D’autres contri-butions portent sur certainescommunautés étrangères en

Suisse, sur la promotion cultu-relle, ou encore sur le boom descours d’initiation à la danse et àla percussion.«Soukous, kathak et bachata», sousla direction de Mauro Abbühl,Chudi Bürgi et Dagmar Kopse.Photos de Driss Manchoube.Éditions d’en bas, Lausanne, 2004

Entre coutume et modernité(vuc) Au Burkina Faso, l’excisiondes filles est interdite. Mais cettedécision du gouvernement ne vapas sans semer le trouble dansbien des communautés du payscar elle signifie rompre avec lacoutume. Dans l’ouvrage intituléCicatrice. Un village et l’excision,nous suivons l’histoire de la pe-tite Bagnina, censée être «coupée»pour devenir femme comme leveut la coutume, et les discus-sions que provoque cet acteparmi les villageois. Les photosnoir-blanc accompagnent letexte en une sorte de chroniquede la vie quotidienne d’un vil-lage burkinabé partagé entre tra-dition et modernité.«Cicatrice. Un village et l’excision»,photographies de Benoît Lange,textes de Dominique Voinçon,Éditions Favre, Lausanne, 2004

Le développement piégé par la guerre(bf ) Les guerres civiles traduisenttoujours un échec du développe-ment. À l’inverse, un soutien renforcé aux processus de déve-loppement peut diminuer la probabilité de guerres civiles. Ilcontribue à éviter d’importantscoûts au niveau régional, national

et mondial.Tel est l’argumentd’un groupe de chercheurs quiont rédigé l’ouvrage Breaking the Conflict Trap – Civil War andDevelopment Policy. Les recherchesde ces spécialistes ont débouchésur plusieurs conclusions.Premièrement, la guerre civile etle développement économiquesont étroitement liés.Deuxièmement, le risque deguerre civile varie considérable-ment d’un État à l’autre et lespays privés de développementéconomique sont plus suscep-tibles d’être pris dans une spiralede conflits récurrents.Troisièmement, la fréquence desguerres civiles est à mettre sur le compte de la passivité de la communauté internationale, carcelle-ci situe les origines desconflits dans le cadre religieux etethnique, au lieu de les relier aucontexte économique mondial.L’ouvrage analyse différents fac-teurs qui provoquent, entretien-nent et prolongent les conflits. Ilmet en évidence la conjonctiond’événements sociaux, politiqueset économiques qui caractérisentun pays en conflit.Paul Collier,Anke Hoeffler et al. :«Breaking the Conflict Trap – CivilWar and Development Policy»,Washington D.C., Banque mondialeet Oxford University Press, 2003,ISBN 0-8213-5481-7

Impressum«Un seul monde» paraît quatre fois par année, en français, en allemand et en italien.

Editeur :Direction du développement et de la coopération (DDC) du Département fédéraldes affaires étrangères (DFAE)

Comité de rédaction :Harry Sivec (responsable) Catherine Vuffray (coordination globale) (vuc) Barbara Affolter (abb)Joachim Ahrens (ahj) Thomas Jenatsch (jtm)

Jean-Philippe Jutzi (juj)Antonella Simonetti (sia)Beat Felber (bf)

Rédaction:Beat Felber (bf–production)Gabriela Neuhaus (gn) Maria Roselli (mr)Jane-Lise Schneeberger (jls) Ernst Rieben (er)

Graphisme : Laurent Cocchi, Lausanne

Photolitho : Mermod SA, Lausanne

Impression : Vogt-Schild / Habegger AG,Soleure

Reproduction :Les articles peuvent être reproduits, avecmention de la source, à condition que la rédaction ait donné son accord. L’envoi d’unexemplaire à l’éditeur est souhaité.

Abonnements :Le magazine peut être obtenu gratuitement(en Suisse seulement) auprès de: DDC,Médias et communication, 3003 Berne,Tél. 031322 44 12Fax 031324 13 48E-mail : [email protected]

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Imprimé sur papier blanchi sans chlore pourprotéger l’environnement

Tirage total : 56000

Couverture: Jaenicke / laif

Dans le prochain numéro:

Sport et développement: que ce soit dans des camps de réfugiés, après un tremblement de terre ou simplement dans la vie quotidienne, le sport représente un potentiel encore largement inépuisé. Il permet notamment de créer des structures, il contribue à apaiser les conflits et réduit la pression psychologique.

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