5
© La Fédération des sociétés d'histoire du Québec, 2001 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 1 juil. 2020 00:19 Histoire Québec Une Église soumise et servile Gilles Boileau Entre la mémoire et l’oubli Volume 6, numéro 3, mars 2001 URI : https://id.erudit.org/iderudit/11346ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) La Fédération des sociétés d'histoire du Québec ISSN 1201-4710 (imprimé) 1923-2101 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Boileau, G. (2001). Une Église soumise et servile. Histoire Québec, 6 (3), 15–18.

Une Église soumise et servile - Érudit...de brochure «au profit des pauvres de la paroisse». Quelle noble geste et quelle grandeur d'âme de la part de ces deux gé néreux ecclésiastiques!

  • Upload
    others

  • View
    3

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Une Église soumise et servile - Érudit...de brochure «au profit des pauvres de la paroisse». Quelle noble geste et quelle grandeur d'âme de la part de ces deux gé néreux ecclésiastiques!

© La Fédération des sociétés d'histoire du Québec, 2001 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation desservices d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

Cet article est diffusé et préservé par Érudit.Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé del’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec àMontréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.https://www.erudit.org/fr/

Document généré le 1 juil. 2020 00:19

Histoire Québec

Une Église soumise et servileGilles Boileau

Entre la mémoire et l’oubliVolume 6, numéro 3, mars 2001

URI : https://id.erudit.org/iderudit/11346ac

Aller au sommaire du numéro

Éditeur(s)La Fédération des sociétés d'histoire du Québec

ISSN1201-4710 (imprimé)1923-2101 (numérique)

Découvrir la revue

Citer cet articleBoileau, G. (2001). Une Église soumise et servile. Histoire Québec, 6 (3), 15–18.

Page 2: Une Église soumise et servile - Érudit...de brochure «au profit des pauvres de la paroisse». Quelle noble geste et quelle grandeur d'âme de la part de ces deux gé néreux ecclésiastiques!

DES ÉVÊQUES ET DES CURÉS FORT RESPECTUEUX DE L'AUTORITÉ... BRITANNIQUE

Une Église soumise et servile

Textes colligés et présentés par GILLES BOILEAU

L'historien Marcel Trudel dont on ne peut mettre en doute l'intégrité, l'honnêteté et surtout la compétence, a déjà parlé du comportement de l'Église canadienne sous le régime militaire, suite à la con­quête de 1760. Par ailleurs, nous savons bien comment les patriotes de 1837-1838 lurent les victimes de l'intransigeance, de l'incompréhension et surtout de la mau­vaise foi des évêques de l'époque et de la majorité des curés de paroisses. En dé­pit d'une réhabilitation hautement pro­clamée des patriotes de 1837 par l'Assem­blée des évêques du Québec en 1987, ces mêmes patriotes sont encore et toujours l'objet de l'ostracisme primaire et abusif de plusieurs membres du clergé comme on peut le voir par les deux derniers do­cuments présentés dans ces pages. Deux pièces à conviction bien courtes mais combien éloquentes à l'époque de la grande repentance! Les extraits de do­cuments que nous vous présentons dans ces pages sont tirés d'archives accessibles à tous. Puissent ces quelques paragraphes inciter à une relecture de certaines tran­ches de notre histoire et provoquer une salutaire et utile réflexion.

l'euphorie britannisante de l'évêque de Québec On trouvera dans le premier document des extraits d'un «discours» prononcé le 10 janvier 1799 par Messire J.O. Plessis, alors curé de Québec et futur évêque, à l'occa­sion de la victoire remportée par les forces navales de sa majesté britannique dans la Méditerranée (au mois d'août 1798) sur la flotte française. Ce discours est précédé de quelques passages tirés du mandement émis par l'évêque en titre du diocèse de Québec à cette époque, l'illustrissime et

Mgr Pierre Denaut, dixième évêque de 1806).

révérendissime Mgr Denault. Ce discours et ce mandement furent vendus sous forme de brochure «au profit des pauvres de la paroisse». Quelle noble geste et quelle grandeur d'âme de la part de ces deux gé­néreux ecclésiastiques!

Le mandement de Mgr Denault «Vous l'avez apprise, NOS TRÈS CHERS FRÈRES, cette nouvelle intéressante, dont la certitude indubitable a répandu la joie dans tous les cœurs. LE DIEU TOUT PUIS­SANT, qui tient dans sa main les destinées

des Rois et des Empires, vient de donner encore des marques non-équivoques de cette protection soutenue qu'il daigne ac­corder aux Armes de notre Gracieux Sou­verain.

«Le Dieu des Armées, le Dieu des victoires, s'est déclaré pour la justice de notre cause. Il a exaucé les vœux de son Peuple qui le priait d'humilier cette Nation superbe [la FRANCE] qui ne veut que la guerre. C'est surtout dans l'enceinte de nos temples, NOS TRÈS CHERS FRÈRES, que

doivent retentir les louan­ges du Dieu des Armées, à qui nous en sommes re­devables. C'est là que nos cœurs doivent exprimer leurs sentiments de recon­naissance envers le Sou­verain Maître de l'Uni­vers, le remercier de l'at­tention particulière avec laquelle il veille à la con­servation et à la gloire de ce Royaume, et le conjurer de continuer à répandre ses Bénédictions abondan­tes sur le plus juste des Rois, dont toutes les dé­marches ont pour but le bonheur de son peuple.

«À ces causes, nous avons Ordonné et Ordon­nons par les présentes:

1. Que le Jeudi, dixième jour de Janvier prochain, sera consacré d'une ma-

Québec (1743- m è r e p a r t t c u nè r e a remer­cier Dieu de la victoire

remportée sur la flotte française de la Mé­diterranée les 1er et 2 du mois d'Août der­nier par les forces navales de Sa Majesté sous les ordres du Contre-Amiral Horatio Nelson, Chevalier du Bain.

2. Qu'il sera célébré le dit jour dans toutes les Églises de ce Diocèse une Messe Solen­nelle en action de grâces, à l'issue de la­quelle on chantera le Te Deum avec le Do­mine salvum fac Regem et l'oraison pour le Roi.

HISTOIRE QUEBEC MARS 2001 PAfiE 15

Page 3: Une Église soumise et servile - Érudit...de brochure «au profit des pauvres de la paroisse». Quelle noble geste et quelle grandeur d'âme de la part de ces deux gé néreux ecclésiastiques!

3. Les autels seront parés ce jour-là comme aux plus grandes Solennités, et le jour pré­cédent, la Fête sera annoncée par le son des cloches.

4. Messieurs les Curés ne manque­ront pas de prendre occasion de cette Fête pour faire sentir vivement à leurs paroissiens les obligations qu'ils ont au Ciel de les avoir mis sous l'empire et la protection de Sa Majesté Britannique, et les exhorter tout de nouveau à s'y maintenir avec fidélité et reconnaissance».

Le discours-sermon du curé Plessis «Rien n'arrive ici bas sans Tordre ou la permission de Dieu: il est glo­rieux pour le contre-amiral HORA­TIO NELSON, d'avoir été l'instru­ment dont le Très-Haut s'est servi pour humilier une puissance injuste et superbe [la FRANCE].

«Quiconque voudra considé­rer dans son vrai point de vue la victoire remportée dans les premiers jours du mois d'août dernier par les forces navales de Sa Majesté Britan­nique, doit avouer: que cette victoire humilie et confond la France; qu'elle re­lève la gloire de la Grande-Bretagne et cou­ronne sa générosité; qu'elle assure le bon­heur particulier de cette Province. Redi­sons avec action de grâces: c'est votre main, Seigneur, qui a frappé notre ennemi.

« Ne vous paraît-il pas dur, mes frè­res, d'être obligés d'appeler un ennemi un peuple auquel cette Colonie doit son ori­gine; un peuple qui nous a été si longtemps uni par les liens étroits du sang, de l'ami­tié, du commerce, du langage, de la reli­gion, qui nous a donné des pères, des pro­tecteurs, des gouverneurs, des pasteurs... Telle était, en effet, la France quand nous l'avons connue... Messieurs, ne cherchons pas ailleurs que dans les conspirations de l'impiété la cause prochaine et immédiate de la révolution française. Voilà le maudit instrument...

«L'intrépide Amiral Nelson, avec une escadre inférieure en hommes et en vaisseaux, assez hardi pour attaquer la

flotte française de la Méditerranée, vient de remporter sur elle une des victoires na­vales les plus complètes dont l'histoire four­nisse des exemples. Neuf vaisseaux de

Mgr Joseph-Octave Plessis, onzième évêque de Québec (1763-1825)

guerre pris, un coulé a fond, trois réduits en cendres, le reste dispersé, nombre de transports poussés à la côte et perdus: voilà l'événement mémorable que nous cé­lébrons dans cette solennité. Ne méritait-il pas bien qu'un jour fût consacré tout ex­près pour remercier le Dieu des batailles?

«Où est le bon patriote, où est le loyal sujet, je dis plus, où est le vrai chré­tien dont le cœur n'ait été réjoui à cette heureuse nouvelle? Quel est, Messieurs,le gouvernement le mieux calculé pour notre bonheur, sinon celui qui a la modération en partage, qui respecte la religion du pays, qui est plein de ménagements pour les su­jets, qui donne au peuple une part raison­nable dans l'administration provinciale? Or tel s'est toujours montré en Canada le gou­vernement britannique.

«Quel retour, Messieurs, exigent de nous tant de bienfaits? Un vif sentiment de gratitude envers la Grande-Bretagne, un ardent désir de n'en être jamais séparés.

«Ne craignons pas que Dieu nous abandonne si nous lui sommes fidèles. Ce qu 'il vient défaire pour nous ne doit inspi­rer que des idées consolantes pour l'ave­

nir. Il a terrassé nos ennemis per­fides. Réjouissons-nous de ce glo­rieux événement. Tout ce qui af­faiblit la France tend à l'éloigner de nous. Tout ce qui l'en éloigne, assure nos vies, notre liberté, no­tre repos, nos propriétés, notre culte, notre bonheur. Rendons-en au Dieu des victoires d'immortel­les actions de grâces. Prions-le de conserver longtemps le bienfai­sant, l'auguste Souverain qui nous gouverne et de continuer de répandre sur le Canada ses plus abondantes bénédictions. TE DEUMLAUDAMUS...».

L'inquisition : preuve de la sagesse de l'Église L'abbé Joseph-Apollinaire Gin­gras était curé de Saint-Edouard de Lotbinière quand il a prononcé (en 1880) devant le Cercle catho­lique de Québec, et sous le patro­nage de l'Institut canadien de

Québec, une conférence intitulée «Le Bas-Canada entre le Moyen Âge et l'âge mo­derne». Ultramontain à outrance, le con­férencier glorifie, entre autres, l'Inquisition et le Syllabus de Pie IX, véritable catalo­gue des «erreurs et divagations» de l'épo­que. Là aussi, la publication de ce texte a été faite au bénéfice de la Saint-Vincent-de-Paul! Voici quelques extraits de cette conférence.

«Depuis 1789, on a fait éclater, en­tre l'Église et l'État, un divorce contre na­ture, plus funeste encore à l'État qu'à l'Église qui ne peut périr. Les gouverne­ments se sont lassés du joug de l'Église et les peuples, conséquence facile à prévoir, se sont lassés du joug des gouvernements. Les gouvernements ont cessé de protéger l'Église: voilà, messieurs, la grande cause qui a jeté les nations à côté de leur che­min]

«Soumis à l'Église dans les matiè­res religieuses et dans les matières mix-

HISTOIRE QUEBEC MARS 2001 PAfiE 16

Page 4: Une Église soumise et servile - Érudit...de brochure «au profit des pauvres de la paroisse». Quelle noble geste et quelle grandeur d'âme de la part de ces deux gé néreux ecclésiastiques!

tes, l'État doit être le bras droit de l'Église. Il doit lui être uni et l'aider. S'il refuse de l'aider, il est traître; s'il s'en sépare, il lan­guit lui-même, meurt, et tombe en pourri­ture. L'encyclique Quanta Cura de 1864 dit ceci: "La puissance royale n'a pas été don­née uniquement pour le gouvernement du monde, mais surtout pour le soutien de l'Église "».

«Voyez l'Angleterre, par exemple, l'Angleterre, nous le disons avec plaisir sous les voûtes de cette Salle Victoria qui nous rappelle le nom respecté de notre Très Gracieuse Souveraine, l'Angleterre, dont nous sommes fiers d'être les sujets sans cesser d'être les fils de la France, eh bien! pourquoi l'Angleterre trace-t-elle, à travers les autres peuples du globe, un si glorieux sillon?À quoi le doit-elle avant tout? Ah! messieurs, c'est que l'Angleterre a été ca­tholique autrefois!

«Tout l'édifice moderne repose sur les principes de 89, la déclaration des droits de l'homme. De ces principes de 89, sont sorties les libertés modernes: la liberté de la presse, la liberté de la tribune, la liberté d'association, la liberté d'opinion, la liberté de conscience, la liberté des cultes, et autres erreurs comme le principe de non-interven­tion, le suffrage universel, l'égalité civile, la souveraineté absolue du peuple, la sé­paration de l'Église et de l'État...

«Nous dirons que chacune de ces erreurs est comme un baril de poudre tou­jours prêt à faire sauter l'édifice. Prenons, par exemple, l'un des plus grands crimes que Ton reproche au moyen-âge; le fameux tribunal de l'Inquisition.

«Ce tribunal, c'était une institution avant tout religieuse, c'est-à-dire établie pour sauvegarder, chez les peuples catho­liques, le trésor assurément sans égal de la vraie foi. L'Inquisition a été, nous n'avons pas peur de l'affirmer, la plus belle institu­tion politique qui ait jamais existé! Ça été une institution admirable deforce et de sa­gesse nationale...

« Tout ce que nous savons, c'est que les Souverains Pontifes, saint Pie V entre autres, ont approuvé, encouragé l'Inquisi­tion, et qu'ils l'ont entourée de toutes les précautions possibles pour prévenir les abus.

«Maintenant, que le Moyen-Âge, dans son louable désir de protéger contre les mécréants la religion, la société, sur­tout les honnêtes citoyens, se soit exposé à brûler, sans le vouloir, quelques malheureux sorciers plus ou moins inoffensifs, l'âge mo­derne a réellement bonne grâce de lui jeter lapierre...

«En un mot, de nos jours, des es­prits très étroits crieront contre les cruau­tés du Moyen-Âge, personnifié à leurs sens dans le tribunal de l'Inquisition. Eh bien! si ces messieurs n 'ont pas le coup d'oeil as­sez large pour voir les avantages qui ba­lançaient surabondamment des inconvé­nients accidentels...

«...Si ce pays [l'Espagne] avait laissé pulluler les hérésies à l'intérieur de ses frontières, à part les chances du Para­dis compromises, qui sonderait les lacs de sang formés par des guerres de religion iné­vitables? Que Ton compare ces quelques gouttes de sang des 40 victimes de l'Inqui­sition en 50 ans, avec le sang versé annuel­lement sur le sol français par le seul affai­blissement de la foi...

«...Qu'il y ait à la fois parmi nous, unité générale d'aspirations vers la gloire et le bonheur et de la Patrie et de l'Église. Nous disons, et nos compatriotes anglais ne peuvent pas nous en faire un reproche, nous disons ceci: au prix de notre sang, s'il le faut, gardons notre autonomie provin­ciale! Aux jours de l'épreuve, en 1760, la Providence nous a laissé au moins ce coin de l'Amérique, le Bas-Canada: restons y "chez nous", conservons ce patrimoine sa­cré avec toute l'énergie de notre patrio­tisme».

la haine du curé Poirier Le troisième document concerne l'épopée des patriotes. Il s'agit du sermon prononcé dans l'église de Sainte-Anne-des-Plaines par le curé Isidore Poirier le dimanche 11 novembre 1838, au moment où plusieurs paroisses de la rive sud du Saint-Laurent -dans le diocèse de Montréal- étaient en­core en pleine effervescence insurrection­nelle. Ce texte, dont on peut lire ici quel­ques extraits, a été publié par le L'Ami du Peuple, de l'Ordre et des Lois, journal di­

rigé par le surintendant de police de Mont­réal, le tristement célèbre Pierre-Edouard Leclère, et soutenu financièrement et in­tellectuellement par les ecclésiastiques du Séminaire de Montréal et leur supérieur M. Quiblier, p.s.s. On notera combien des hommes, tout curés qu'ils soient, avaient la bravoure facile une fois le danger passé.

«Vous ne sauriez ignorer, mes frè­res, quels sont les devoirs que vous devez rendre à César, c'est-à-dire au roi, ou à la puissance souveraine; depuis un an sur­tout, on vous les a expliqués amplement... Cependant comme ilya encore parmi vous des têtes dures, qui font semblant de ne rien comprendre, pour se livrer sans remords à la fureur de leurs passions, je profite de ces dernières paroles de notre évangile, pour vous remettre de nouveau sous les yeux la vérité sous tout son jour.

«C'est Jésus-Christ lui-même, qui vous assure que toute puissance vient de Dieu, et que celui qui résiste à la puissance qu'il a établie résiste à Dieu même et se damne. La puissance ne vient donc pas du peuple, comme vos prétendus grands hom­mes ont malheureusement réussi à vous le faire croire, mais elle vient de Dieu seul qui la communique à qui il lui plaît; toute autre puissance ne saurait venir que de l'enfer; seriez-vous donc assez aveugles pour vou­loir prendre le parti des puissances infer­nales? C'est ce que vous feriez certainement si vous aviez le malheur de manquer au respect et à l'obéissance que vous devez au gouvernement sous lequel nous avons le bonheur de vivre.

«Rappelez-vous encore ce que no­tre évêque nous a écrit Tannée dernière. Je vais vous en répéter quelques mots... Tous ceux qui meurent les armes à la main con­tre leur souverain sont réprouvés de Dieu et condamnés à l'enfer. L'Église a tant d'hor­reur d'une insurrection qu'elle refuse d'en­terrer dans les cimetières ceux qui s'en ren­dent coupables; qu'on ne peut être absous, ni recevoir aucun autre sacrement, sans faire un énorme sacrilège...

«Vous allez me faire une objection: nous voudrions bien la paix, dites-vous, mais ce n 'est pas aisé dans le temps où nous sommes; on nous commande, on nous force de marcher, et si on refuse on nous menace

HISTOIRE QUEBEC MARS 2001 PAfiE 17

Page 5: Une Église soumise et servile - Érudit...de brochure «au profit des pauvres de la paroisse». Quelle noble geste et quelle grandeur d'âme de la part de ces deux gé néreux ecclésiastiques!

de nous fusiller; que pouvons-nous faire? À cette objection, qui ne doit être de nulle valeur chez les chrétiens, voici comment je réponds: si vous êtes dans un danger emi­nent (sic) de perdre la vie et que vous ayez le temps de vous sauver, prenez aussitôt la fuite et mettez-vous à l'abri de la violence des rebelles; que si vous êtes pris au dé­pourvu, sans pouvoir échapper, souvenez-vous que vous êtes des enfants des mar­tyrs, et qu'en cette qualité la crainte de la mort ne doit pas vous porter à trahir votre gouvernement. Si donc vous vous trouvez dans la circonstance que je viens de dire, ne craignez rien, marchez en héros, la mort est un gain à qui sait l'accepter; U vaut mieux mourir innocent que de vivre cou­pable, et perdre la vie pour la cause de Dieu, ce n 'est pas la perdre, mais la chan­ger en une autre meilleure.

«Pour moi, mes frères... je me sens aujourd'hui doublement fortifié et disposé à affronter plus hardiment que jamais les périls de la prison et de la mort... Sans doute, si je prévoyais un danger de mort évident, je prendrais la fuite pour ne pas m'exposer volontairement, mais si j'étais surpris dans ma maison, ou ailleurs, et qu'il se trouvait parmi vous des gens as­sez gâtés pour me menacer de la mort en disant: Écoutez, vous voyez bien que vous nous faites du tort en vous déclarant si hautement contre nous en toute occasion, il faut que vous changiez et que vous soyez de notre parti, autrement nous allons vous ôter la vie; je vous répondrais sans crainte: fusille, tue, massacre; ta fureur m'ouvre le ciel et te plonge dans l'abîme, mais ne crois pas jamais intimider un serviteur de Dieu.

«Il faut bannir pour jamais du mi­lieu de vos familles ce détestable mot de patriote, pour lequel vous marquez un si honteux attachement. Je ne crains pas de le dire: si vous aimez encore le titre de pa­triote, vous aimez votre destruction et celle de vos enfants.

«C'est vous, au contraire, patriotes insensés, qui voulez, malgré le gouverne­ment, détruire notre sainte religion sous le prétexte mensonger de la rétablir. Quoi! Vous dites que vous êtes attachés à votre patrie, que vous travaillez pour le soutien de la religion et par le plus fanatique et le

jËÈm

Le monument aux Pat r io tes , au cimetière de Notre-Dame-des-Neiges, à Montréa l .

plus aveugle de tous les entêtements, vous détruisez la patrie et la religion. Vous for­cez le gouvernement de brûler les églises, les villages et les campagnes; vous vous vantez d'être des patriotes religieux et vous ne parlez que de tuer, fusiller, massacrer les prêtres, les évêques, et tout ce qu'il y a dans le pays de citoyens respectables. Quel affreux patriotisme! Quelle affreuse reli­gion! L'enfer a-t-il jamais inventé rien de plus horrible, de plus exécrable?

«Pauvres brebis égarées... entrez dans la voie de la soumission et de la su­

bordination aux autorités légitimes; ren­dez à César ce qui appartient à César; soyez obéissants, respectueux, soumis et reconnaissants envers les puissances que Dieu a établies pour vous gouverner... »

la mémoire qui fait peur Au début de 1992, des parents et descen­dants des patriotes de 1837 adressaient une respectueuse requête au cardinal-archevê­que de Montréal. Voici quelle fut le réponse du cardinal Turcotte en date du 19 mai 1992: .«.. Malgré tout le respect que nous pouvons avoir pour les Patriotes qui se sont illustrés en 1837-1838, il ne m'apparaît pas opportun d'en souligner la mémoire à l'intérieur des fêtes destinées à commémo­rer la fondation de Montréal. Je pense qu 'il en résulterait plus de confusion que de bé­néfice». C'est ainsi que les autorités reli­gieuses -qui ont pourtant réhabilité les pa­triotes en 1987-refusaient de célébrer une messe souvenir en hommage aux Patrio­tes. Plus récemment encore, des citoyens de Saint-Eustache demandaient à l'auto­rité religieuse paroissiale l'autorisation de placer dans l'égbse historique l'urne pré­cieuse qui avait contenu, de 1891 à 1987, les restes mortels de Jean-OUvier Chénier, le chef patriote mort sous le feu des jon­glais lors de la grande répression du 14 décembre 1837. En guise de réponse, MM. et Mmes les marguilhers de la Fabrique, réunis en assemblée le 22 mars 2000, pas­sèrent plutôt la résolution suivante: «At­tendu que le dépôt de l'urne de Chénier dans la sacristie suscite une controverse dans la communauté paroissiale, il est pro­posé par M. Gilles Vaillancourt et appuyé parMmeJocelineMattioli, et unanimement résolu, de ne pas accepter que l'urne de Chénier soit gardée et exposée dans la sa­cristie de l'église ni ailleurs». Par contre, dans la crypte de l'église et sous la cha­pelle du cimetière paroissial, nombreux sont les membres de la famille Globensky, celle dont l'un des fils les plus illustres, Maximilien, avait pris la tête d'un groupe de volontaires afin d'aider les militaires de la reine Victoria, sous les ordres de John Colborne, à exterminer les Patriotes et à saccager le village et la campagne. Je me souviens! •

HISTOIRE QUEBEC MARS 2001 PAfiE IS