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6 actualités Actualités pharmaceutiques n° 476 Juillet-Août 2008 Les personnes âgées, en particulier celles qui sont en fin de vie, sont bien souvent sujettes à des constipations chroniques. Un dérivé morphinique permettant de restaurer un transit normal vient d’être autorisé par la Food and Drug Administration (FDA), autorité de régulation des produits de santé aux États-Unis. L a morphine et ses dérivés agonistes opioïdes, utili- sés dans le traitement des douleurs intenses, en particulier dans les soins palliatifs chez les patients atteints de tumeurs à un stade avancé, sont bien connus pour générer des constipations résultant d’une diminution du péristaltisme intestinal avec aug- mentation du tonus du sphincter anal. Ces constipations justifient la prescription quasi systémati- que d’un traitement prophylacti- que associant le plus souvent un laxatif osmotique à un stimulant du péristaltisme (Péristaltine ® , Jamylène ® …). Or, l’efficacité de ce traitement laxatif n’est pas toujours à la hauteur des attentes. Par ailleurs, une étude récente 1 a montré que les seules règles hygiéno-diététiques, en parti- culier une alimentation riche en fibres, n’étaient pas suffisantes pour soulager efficacement la constipation. La méthylnaltrexone restaure un transit normal Progenics and Wyeth ont, de ce fait, développé le bromure de méthylnaltrexone (Rélistor ® ), antagoniste des récepteurs mor- phiniques μ exerçant une activité procinétique gastro-intestinale. La méthylnaltrexone permet de restaurer un transit normal en bloquant les effets de la mor- phine au niveau des récepteurs intestinaux. Administrée par voie orale ou sous-cutanée, elle s’est révélée efficace dans le traitement de la constipation induite par les opioïdes, de l’hypomotilité gastro- intestinale, des vomissements et de l’ileus postopératoire, c’est-à- dire de l’arrêt de la motilité intesti- nale au cours d’une chirurgie 2 . dérivé méthylé d’un morphi- nique déjà commercialisé, la naltrexone (Nalorex ® , Révia ® ), indiquée dans le maintien de l’abstinence à la morphine ou chez le sujet alcoolodépendant. La naltrexone est un antagoniste des opiacés qui agit par compé- tition stéréospécifique avec la morphine et les opiacés sur les récepteurs localisés principale- ment dans le système nerveux central et périphérique. Le méca- nisme d’action de la naltrexone chez le sujet alcoolodépendant n’est pas complètement élucidé. Il a été montré, chez des rats, que l’alcool entraîne une sécrétion d’opiacés endogènes qui met en jeu le système limbique 3 . La nal- trexone bloquerait ce phénomène de renforcement. Ce n’est pas un antidote de la morphine comme la naloxone et elle ne provoque pas de réaction de type anta- buse en cas de consommation d’alcool. La méthylnaltrexone étant un dérivé quaternaire de la naltrexone, sa liposolubilité se retrouve fortement diminuée, ce qui fait qu’elle ne franchit pas la barrière hémato-méningée et n’agit donc pas au niveau du système nerveux central. L’injection sous-cutanée de méthylnaltrexone est indi- quée pour le traitement de la constipation chronique chez les patients à maladie avancée qui reçoivent des soins palliatifs, lorsque la réaction au traitement laxatif n’a pas été efficace. Dans les études cliniques, la méthyl- naltrexone a considérablement diminué les effets constipateurs des opioïdes sans affecter le soulagement de la douleur 4 . Trois formes disponibles Une forme sous-cutanée et une présentation orale pour les constipations induites par les opioïdes, ainsi qu’une formula- tion intraveineuse à utiliser dans l’ileus postopératoire, ont été développées. Plusieurs essais de phase III portant sur la forme sous-cuta- née, réalisés essentiellement en Amérique du nord, ont montré l’efficacité de la méthylnal- trexone sur le transit sans dimi- nution de l’effet thérapeutique analgésique 4 . Les essais de phase I avec des formes orales ont montré que la méthylnaltrexone est bien tolé- rée chez des volontaires sains et ce, pour chacune des trois doses testées. Avec la forme sous-cutanée, des essais de phase II ont mis en évi- dence que la méthylnaltrexone présentait la même activité cli- nique que les autres formes, et qu’elle améliorait le transit intes- tinal et prévenait la survenue d’effets indésirables tels que réactions cutanées, nausées ou difficultés de concentration. Il apparaît donc clairement qu’à son arrivée en Europe, la méthyl- naltrexone sera fort utile pour sou- lager la constipation des patients en traitement palliatif dont les effets secondaires sont particu- lièrement contraignants. Sébastien Faure Maître de conférences des Universités, Faculté de pharmacie, Angers (49) [email protected] Recherche Une solution pour soulager la constipation des patients en soin palliatif Références 1. Stumbo PJ et al. How Useful Is Dietary Management in the Treatment of Chronic Constipation? Digestive Disease Week, San Diego, May 2008. 2. Maron DJ, Fry RD. New therapies in the treatment of postoperative ileus after gastrointestinal surgery. Am J Ther 2008; 15(1): 59-65. 3. Zalewska-Kaszubska J, Gorska D, Dyr W, Czarnecka E. Voluntary alcohol consumption and plasma beta-endor- phin levels in alcohol-preferring rats chronically treated with naltrexone. Physiol Behav 2008; 93(4-5): 1 005-10. 4. Thomas J, Karver S, Cooney GA, Chamberlain BH, Watt CK, Slatkin NE, Stambler N, Kremer AB, Israel RJ. Methylnaltrexone for opioid-induced constipation in advanced illness. N Engl J Med 2008; 358(22): 2332-43. © BSIP/Phototake/Levy

Une solution pour soulager la constipation des patients en soin palliatif

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Page 1: Une solution pour soulager la constipation des patients en soin palliatif

6actualités

Actualités pharmaceutiques n° 476 Juillet-Août 2008

Les personnes âgées,

en particulier celles qui

sont en fin de vie, sont

bien souvent sujettes

à des constipations

chroniques.

Un dérivé morphinique

permettant de restaurer

un transit normal

vient d’être autorisé

par la Food and Drug

Administration (FDA),

autorité de régulation

des produits de santé

aux États-Unis.

La morphine et ses dérivés agonistes opioïdes, utili-sés dans le traitement des

douleurs intenses, en particulier dans les soins palliatifs chez les patients atteints de tumeurs à un stade avancé, sont bien connus pour générer des constipations résultant d’une diminution du péristaltisme intestinal avec aug-mentation du tonus du sphincter anal. Ces constipations justifient la prescription quasi systémati-que d’un traitement prophylacti-que associant le plus souvent un laxatif osmotique à un stimulant du péristaltisme (Péristaltine®, Jamylène®…). Or, l’efficacité de ce traitement laxatif n’est pas toujours à la hauteur des attentes.

Par ailleurs, une étude récente1 a montré que les seules règles hygiéno-diététiques, en parti-culier une alimentation riche en fibres, n’étaient pas suffisantes pour soulager efficacement la constipation.

La méthylnaltrexone restaure un transit normalProgenics and Wyeth ont, de ce fait, développé le bromure de méthylnaltrexone (Rélistor®), antagoniste des récepteurs mor-phiniques μ exerçant une activité procinétique gastro-intestinale. La méthylnaltrexone permet de restaurer un transit normal en bloquant les effets de la mor-phine au niveau des récepteurs intestinaux. Administrée par voie orale ou sous-cutanée, elle s’est révélée efficace dans le traitement de la constipation induite par les opioïdes, de l’hypomotilité gastro-intestinale, des vomissements et de l’ileus postopératoire, c’est-à-dire de l’arrêt de la motilité intesti-nale au cours d’une chirurgie2.

dérivé méthylé d’un morphi-nique déjà commercialisé, la naltrexone (Nalorex®, Révia®), indiquée dans le maintien de l’abstinence à la morphine ou chez le sujet alcoolodépendant. La naltrexone est un antagoniste des opiacés qui agit par compé-tition stéréospécifique avec la morphine et les opiacés sur les

récepteurs localisés principale-ment dans le système nerveux central et périphérique. Le méca-nisme d’action de la naltrexone chez le sujet alcoolodépendant n’est pas complètement élucidé. Il a été montré, chez des rats, que l’alcool entraîne une sécrétion d’opiacés endogènes qui met en jeu le système limbique3. La nal-trexone bloquerait ce phénomène de renforcement. Ce n’est pas un antidote de la morphine comme la naloxone et elle ne provoque pas de réaction de type anta-buse en cas de consommation d’alcool. La méthylnaltrexone étant un dérivé quaternaire de la naltrexone, sa liposolubilité se retrouve fortement diminuée, ce qui fait qu’elle ne franchit pas la barrière hémato-méningée et n’agit donc pas au niveau du système nerveux central.

L’injection sous-cutanée de méthylnaltrexone est indi-quée pour le traitement de la constipation chronique chez les patients à maladie avancée qui reçoivent des soins palliatifs, lorsque la réaction au traitement laxatif n’a pas été efficace. Dans les études cliniques, la méthyl-naltrexone a considérablement diminué les effets constipateurs des opioïdes sans affecter le soulagement de la douleur4.

Trois formes disponiblesUne forme sous-cutanée et une présentation orale pour les constipations induites par les opioïdes, ainsi qu’une formula-tion intraveineuse à utiliser dans l’ileus postopératoire, ont été développées.Plusieurs essais de phase III portant sur la forme sous-cuta-née, réalisés essentiellement en

Amérique du nord, ont montré l’efficacité de la méthylnal-trexone sur le transit sans dimi-nution de l’effet thérapeutique analgésique4.Les essais de phase I avec des formes orales ont montré que la méthylnaltrexone est bien tolé-rée chez des volontaires sains et ce, pour chacune des trois doses testées.Avec la forme sous-cutanée, des essais de phase II ont mis en évi-dence que la méthylnaltrexone présentait la même activité cli-nique que les autres formes, et qu’elle améliorait le transit intes-tinal et prévenait la survenue d’effets indésirables tels que réactions cutanées, nausées ou difficultés de concentration.Il apparaît donc clairement qu’à son arrivée en Europe, la méthyl-naltrexone sera fort utile pour sou-lager la constipation des patients en traitement palliatif dont les effets secondaires sont particu-lièrement contraignants. �

Sébastien Faure

Maître de conférences des Universités,

Faculté de pharmacie, Angers (49)

[email protected]

Recherche

Une solution pour soulager la constipation des patients en soin palliatif

Références1. Stumbo PJ et al. How Useful Is

Dietary Management in the Treatment

of Chronic Constipation? Digestive

Disease Week, San Diego, May 2008.

2. Maron DJ, Fry RD. New therapies

in the treatment of postoperative ileus

after gastrointestinal surgery. Am J Ther

2008; 15(1): 59-65.

3. Zalewska-Kaszubska J, Gorska D,

Dyr W, Czarnecka E. Voluntary alcohol

consumption and plasma beta-endor-

phin levels in alcohol-preferring rats

chronically treated with naltrexone.

Physiol Behav 2008; 93(4-5): 1 005-10.

4. Thomas J, Karver S, Cooney GA,

Chamberlain BH, Watt CK, Slatkin

NE, Stambler N, Kremer AB, Israel RJ.

Methylnaltrexone for opioid-induced

constipation in advanced illness. N Engl

J Med 2008; 358(22): 2332-43.

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