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Le budget serré n’a pas empêché les concepteurs du siège de l’Union internationale pour de la conservation de la nature (UICN) à Gland de réaliser une construction dont la consommation d’énergie est de 80 % inférieure à celle d’un bâtiment administratif conventionnel. Le principe est simple: se limiter à l’essentiel. Un ouvrage en béton et l’art de la simplicité Union Internationale pour de la Conservation de la Nature à Gland

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Le budget serré n’a pas empêché les concepteurs du siège de l’Union internationale pour de la conservation de la nature (UICN) à Gland de réaliser une construction dont la consommation d’énergie est de 80 % inférieure à celle d’un bâtiment administratif conventionnel. Le principe est simple: se limiter à l’essentiel.

Un ouvrage en bétonet l’art de la simplicité

Union Internationale pour de la Conservation de la Nature à Gland

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Ne pas construire du tout, c’est la fa-çon la plus simple de respecter l’envi-ronnement, mais comme ceci n’est pas possible lorsque l’on doit se mettre sous toit, la meilleure solution consiste alors à opter pour une construction de faible emprise au sol qui se distingue aussi par un emploi modéré des matériaux. A Gland (VD), l’extension du siège so-cial de l’UICN, Union Internationale pour la Conservation de la Nature, re-flète parfaitement cet esprit d’économie des moyens, de sorte que les architectes en parlent comme d’une «construction brute affinée». La structure porteuse étant en béton, le matériau brut s’est im-posé pour éviter les couches de plâtre ou autres revêtements. En effet, des surfaces en béton prédominent dans l’aspect ex-térieur et intérieur de l’extension. Le vi-siteur remarquera en premier les balcons qui contournent le bâtiment avec leurs parapets formés d’éléments en béton s’imbriquant les uns aux autres en forme de zigzag et qui offrent un jeu alterné de surfaces sablées et lisses. Leur dessin en dents de scie reprend les contours de la superstructure de la toiture qui, elle, suit les installations photovoltaïques disposées en toiture. Les agrégats du bé-ton ont été choisis avec soin afin que la texture et le coloris des surfaces sablées s’harmonisent parfaitement avec le pare-ment en travertin de l’ouvrage existant. Les balcons ne servent pas uniquement d’issues de secours – ils permettent, sans dispositifs coupe feu onéreux, de créer à l’intérieur des zones de distri-bution et de communication ouvertes –, mais ils offrent en plus un espace exté-rieur devant chaque bureau individuel, se prêtant comme promenade. Grâce à

leur effet brise-soleil, ils ombragent les façades vitrées. Ainsi, dans ce bâtiment, tout élément de construction est destiné à plusieurs fonctions.

Plus avantageux que le boisL’idée directrice des concepteurs était de «réaliser un bâtiment exemplaire qui se laisse facilement reproduire», expli-que Hanspeter Oester, architecte auprès de «agps.architecture» à Zurich. «C’est pourquoi le béton a primé», poursuit-il «car il est durable, avantageux et of-fre une grande masse thermique». Une construction en bois fut évaluée égale-ment mais se serait, selon lui, révélée plus coûteuse. Le bois n’aurait pas per-mis les mêmes portées et, en dehors de sa petite masse thermique, les problè-mes liés à l’isolation phonique, notam-ment au bruit d’impact, parlait en faveur du matériau plus lourd Pour améliorer l’empreinte écologique du béton, on a utilisé du béton à faible teneur en CO2. Ceci en étroite collaboration avec Hol-cim. Une des mesures prises consistait à remplacer une partie du ciment par du calcaire de haute qualité, tandis qu’à l’intérieur, on a saisi l’opportunité de construire avec du béton recyclé. Cela a été possible grâce à la démolition d’un bâtiment situé à proximité du chantier. En effet, transporter du matériau de re-cyclage sur de longues distances aurait été absurde. Les murs porteurs allant de l’intérieur à l’extérieur ont été réalisés en béton isolant par l’ajout de granulats d’argile et de verre expansé. «Il nous a fallu de nombreux essais pour obtenir la capacité portante nécessaire», explique Hanspeter Oester. En revanche, le mur vertical en béton apparent sur lequel se

Les balcons qui contournent le bâtiment avec leurs parapets formés d’éléments en béton s’imbriquant les uns aux autres en forme de zigzag et offrent un jeu alterné de surfaces sa-blées et lisses. Leur dessin en dents de scie reprend les contours de la superstructure de la toiture.

greffe la salle de conférence – le Holcim Think Tank –, est conçu en tant qu’élé-ment élégant et homogène passant de l’intérieur à l’extérieur, ce qui simplifie les détails techniques du montage des baies vitrées de l’entrée.L’entrée, située entre le bâtiment exis-tant et l’extension, s’ouvre sur un foyer réunissant l’ancien hall d’accueil et les parties neuves. Des salles de conféren-ces de diverses dimensions et le restau-rant se trouvent à proximité de la récep-tion. Inspiré par les atriums centraux du bâtiment d’origine, les architectes ont imaginé pour l’extension un volume avec deux entailles qui se transforment en cours intérieures grâce aux balcons périphériques. En allongeant ainsi la cir-conférence du bâtiment, les concepteurs

L’entrée, située entre le bâtiment existant et l’extension, s’ouvre sur un foyer réunissant l’an-cien hall d’accueil et les parties neuves.

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Par Virginia Rabitsch

ont amené un maximum de lumière na-turelle à l’intérieur et ont gagné en sur-faces de bureaux. C’est pourquoi ils ont accepté un volume moins compact.Le principe de la lumière naturelle et des espaces ouverts s’applique ici même au garage souterrain. D’après Hanspeter Oester, les architectes voulaient éviter aux automobilistes le passage à travers un monde sombre et isolé avant d’accé-der au bâtiment. «C’est pourquoi nous amenons la lumière naturelle jusqu’au parking et accédons au rez-de-chaussée par le grand atrium. De la sorte, le garage fait partie du système de circulation et d’éclairage naturelle du bâtiment».

Rien que l’essentielLa même stratégie visant l’essentiel a été appliquée pour le domaine des installa-tions. C’est pourquoi, il s’agissait tout d’abord de minimiser les pertes thermi-ques en hiver et la surchauffe en été par des mesures conceptuelles et constructi-ves. A l’exception des locaux accueillant un grand nombre de personnes, telles les salles de conférences et la cuisine, les installations techniques fonctionnent de manière décentralisée. Chaque bu-reau dispose d’un «airbox» destiné au renouvellement d’air. Encastré dans le plancher, ces caissons aspirent l’air frais à travers la façade. Grâce à cette disposi-tion décentralisée on pouvait éviter les gaines verticales ainsi que la centrale du système de l’air pulsé. En plus, les distances de transport de l’air et la perte de pression se sont réduites et donc de même la puissance requise des venti-lateurs. L’air n’est renouvelé que selon les besoins à l’aide de capteurs de CO2 installés au plafond. Ce qui signifie que, lorsque le niveau de CO2 est inférieur à

Les architectes ont imaginé un volume avec deux entailles qui se transforment en cours intérieures grâce aux balcons périphériques.En allongeant ainsi la circonférence du bâtiment, les concepteurs ont amené un maximum de lumière naturelle à l’intérieur et ont gagné en surfaces de bureaux. C’est pourquoi ils ont accepté un volume moins compact.

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une certaine valeur prédéfinie, les cla-pets de l’air frais et de l’air vicié se fer-ment automatiquement. Les ingénieurs de la technique du bâtiment aiment parler, dans ce contexte, d’une maison «qui respire quasiment au rythme de ses occupants».Quant au chauffage et au système de refroidissement, là aussi, les ingénieurs ont conçu des composants multifonc-tionnels sous forme de panneaux mon-tés au plafond. Ceux-ci contiennent non seulement les convecteurs pour l’activa-tion (refroidissement ou réchauffement) de la dalle en béton, mais aussi l’éclai-rage, les gaines d’air vicié, les capteurs CO2 et les buses sprinkler, tout en ser-vant à l’absorption acoustique.La nappe phréatique à 180 mètres de profondeur est source de chaleur en hi-ver et de froid en été par le biais de 15 sondes géothermiques et d’une pompe à chaleur réversible à l’eau glycolisée. L’énergie électrique est fournie par une installation photovoltaïque sur le toit qui produit environ 70 pour cent du be-soin total en énergie, le reste provenant de sources hydroélectriques. En matière de cellules photoélectriques, les archi-tectes ont pu observer une évolution ver-tigineuse. «Au cours de la conception, des cellules ont été mises sur le marché, dont la performance était de 50 % supé-rieure à celle des cellules prévues initia-lement», se souvient Hanspeter Oester. L’installation actuelle génère 150 mé-gawatt-heures par an.

En allongeant ainsi la circonférence du bâtiment, les concepteurs ont amené un maximum de lumière naturelle à l’intérieur et ont gagné en surfaces de bureaux. C’est pourquoi ils ont accepté un volume moins compact.

Le siège social d’une organisation interna-tionale destinée à la protection de la nature ne pouvait se contenter du seul label suisse Minergie P-Eco. Le bâtiment devait satisfaire également aux standards du label internatio-nal LEED (Leadership in Energy and Environ-mental Design), voire au label LEED Platinum.

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Rien ne va plus sans labelsLe siège social d’une organisation inter-nationale destinée à la protection de la nature ne pouvait se contenter du seul label suisse Minergie P-Eco. Le bâtiment devait satisfaire également aux standards du label international LEED (Leadership in Energy and Environmental Design), voire au label LEED Platinum. Si le la-bel Minergie prend en compte avant tout la consommation d’énergie, les critères du label LEED se basent sur le triangle «écologie, société, économie». Cepen-dant, selon l’architecte, Minergie P-Eco couvrait déjà la plupart des critères. Certaines mesures concernant la logis-tique de chantier étaient dues au label LEED. Ainsi, il a fallu éviter les trajets à vide durant les travaux de construction et réduire les distances de transport. Pourtant, dans ce cas aussi, les échel-les varient: le rayon pour des matériaux de construction locaux est de 500 miles selon le label LEED, des distances hors de proportion en Suisse. Certains critè-res, comme la distance minimale entre les cendriers à l’extérieur et le bâtiment, semblent plutôt douteux. «En revanche, il n’est pas tenu compte des gaz d’échap-pement des voitures vu que pour les pla-ces de stationnement il n’y a pas de dis-tances minimales», signale l’architecte de manière ironique. Malgré les nombreuses exigences et contraintes, les concepteurs ont su réali-ser un bâtiment administratif qui ne dé-passe pas les coûts d’un ouvrage conven-tionnel semblable mais qui, par ailleurs, consomme 80 pour cent d’énergie en moins. Grâce aux parois intérieures flexibles et aux installations techniques accessibles en tout temps, ce bâtiment est susceptible de se révéler durable à long terme. Il n’est donc pas surprenant que la construction ait reçu le Prix So-laire Suisse 2010.

n Maître d’ouvrageIUCN, International Union for Conservation of Nature, Gland (VD)n Architectes«agps.architecture», Zurich; Marc Angélil, Sarah Graham, Hanspeter Oester, Reto Pfenninger, Manuel Scholl.n Entreprise totaleKarl Steiner SA Genèven EntrepreneurInduni & Cie SA, Nyon (VD)n Béton

PQR Béton SA, Gland (VD)n Ingénierie structurelleIngeni SA, Genèven Concept énergétiqueHansjürg Leibundgut, Chair of Building Systems ETH Zurichn Technique du bâtimentAmstein + Walthert SA, Genèven Architecture paysagèreNipkow Landschaftsarchitektur BSLA SIA, Zurichn Jardin naturel et zone agricole écologiqueFlorian Meier, Genolier (VD)

INTERVENANTS

L’UICN a été fondé en 1948 à Fontainebleau (F) sur l’initiative de l’Unesco. Depuis 1961 elle siège en Suisse, d’abord à Morges et depuis 1979 à Gland. Son siège social actuel à Gland a été réalisé il y a plus de 15 ans avec le soutien de la Confédération. L’UICN est le plus vaste et le plus important réseau

mondial de protection de l’environnement. L’Union rassemble dans un partenariat mondial 80 Etats, 116 gouvernements, plus de 800 organisations non gouvernementales ainsi que 10 000 scientifiques et experts venant de 181 pays.

L’UICN EN BREF

Malgré les nombreuses exigences et contraintes, les concepteurs ont su réaliser un bâtiment administratif qui ne dépasse pas les coûts d’un ouvrage conventionnel semblable mais qui, par ailleurs, consomme 80 pour cent d’énergie en moins.

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