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1 Marrakech, 29-30 mars 2012 Universalisme démocratique et autonomie constitutionnelle à l’épreuve des mutations politiques contemporaines Présentation Par Dr. Stéphane MONNEY MOUANDJO, expert du CAFRAD

Universalisme démocratique et autonomie constitutionnelle à … · 2012. 8. 14. · 1 LAPOUJADE (David), William James, empirisme et pragmatisme, Paris, Puf, 1997, 125 p 2 Charles

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Marrakech, 29-30 mars 2012

Universalisme démocratique et autonomie constitutionnelle à l’épreuve des

mutations politiques contemporaines

Présentation

Par

Dr. Stéphane MONNEY MOUANDJO, expert du CAFRAD

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Les cultures juridiques et politiques contemporaines permettent de se rendre

compte de ce que les logiques actuellement en cours tant au plan interne qu’au plan

international, sont mues par des dynamiques controversées. Elles sont particulièrement

complexes et se cristallisent notamment autour de l’idée d’une conception universellement

partagée des valeurs politiques et démocratiques de notre temps de même que de la

revendication des formes diverses d’autonomie. La démocratie apparaît à cet égard,

comme une des figures novatrices et quelquefois fétichisée de ces transformations et de ce

que les philosophes des lumières dont Emmanuel Kant, avaient jadis qualifié de ‘’plan caché

de la nature’’ qui y trouve son parfait accomplissement.

Mais cette idée de démocratie ne reste par ailleurs rien de plus qu’une ‘’idée’’, en

tant que construction rationnelle déterminée par sa subjectivité originelle, et dont la

confrontation à la réalité peut donner lieu à objectivation à travers l’observation effective de

la conformité ou de la compatibilité des propositions formulées avec la réalité des faits issus

de son expérimentation.

Elle, est en outre, une idée, en ce qu’elle continue de faire débat partout à travers le

monde, signe de son incontestable vitalité, mais aussi, d’une indubitable difficulté à faire

consensus autour de ce à quoi elle renvoie et autour des valeurs qu’elle institue lorsque

celles-ci sont affublées du qualificatif ‘’universel’’.

La démocratie est une notion, certes, mais une notion qui, plus que jamais, tend à

être présentée comme une valeur dont l’objectivité serait déterminée, non plus uniquement

par son acceptabilité rationnelle et politique, mais aussi, par la subordination de cette

rationalité et de cette légitimité, à des déterminations diverses. Des déterminations qui,

quelquefois, la trahissent en l’amputant de sa force de conviction, mais, en même temps,

en la subordonnant, à l’usage de la force pour soumettre sans convaincre, tout en lui

gardant, paradoxalement, une forme d’attrait et de fascination rationnalisés voire disputés.

Ainsi, d’une controverse légitime en raison de l’ordre juridique et politique qu’elle

institue, la démocratie consacre, un ordre discursif et communicationnel à la fois compétitif

et polémique. Le caractère polémique étant fondé sur son essence, en tant que concept

complexe et multiforme, du fait notamment, de la diversité de ses modes d’expression. Sa

dimension compétitive résulte, en revanche, de l’expérience de sa dynamique à travers

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entre autre, l’agitation du procédé de l’élection considéré comme mécanisme de

fabrication et de légitimation du pouvoir de commander.

Le débat autour de la Démocratie ou d’une forme d’universalisme démocratique et

l’autonomie constitutionnelle, objet de la présente communication, se fonde ainsi sur une

logique similaire. C’est une interrogation qui repose sur une problématique majeure,

construite autour de l’effort de concilier un ordre politique légitime et présenté comme

étant universel de plus en plus controversé avec des ordres juridiques positifs obéissant à

des déterminations spécifiques.

Ce débat entre universalité et contextualité en matière de démocratie est d’autant

plus important, qu’il obéit à des ordres juridiques positifs, eux-mêmes, produits des cultures

et des histoires spécifiques à chaque situation particulière, bien que ne remettant pas

nécessairement en cause le concept dans son essence même. Ainsi, la légitimité de la

démocratie et des mécanismes qu’elle institue, découle à la fois des cadres juridiques

positifs, des sujets de droit et des usages échappant fondamentalement à une lecture

univoque et culturaliste. Elle repose sur une forme d’objectivité rationnalisée, elle-même

résultant d’un consensus tacite entre les différents acteurs de la scène politique et juridique

nationale et internationale autour de ce que le discours contemporain qualifie d’ingrédients

indispensables, parce que finalement soumis à une forme, d’acceptabilité et désormais à

une certaine opposabilité à tous les sujets de droit dans l’Etat et à l’ensemble des citoyens.

Il s’agit donc ici, de savoir, comment concilier la tension légitime vers la démocratie

entendue comme principe et système politique procédant du peuples, avec des ordres

juridiques positifs nationaux, produits de la volonté générale et recouvert du sceau de la

souveraineté sans risquer d’altérer cet attribut substantiel de l’Etat et sans en même

temps prendre à rebrousse-poil le caractère universel reconnu à la démocratie comme

principe et technologie de gouvernement.

Les questions ainsi soulevées sont intéressantes à plusieurs titres. D’abord, elles le

sont parce que les ordres juridiques aujourd’hui en vigueur au plan international, tendent

quasiment tous à revendiquer le caractère démocratique, par-delà la diversité de leurs

modes d’expression. Mais ces questions sont d’autant plus intéressantes, que cette

démocratie dont se revendique chacun de ces ordres juridiques, semble tous les jours, un

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peu plus, trahir son essence dès lors que par démocratie, l’on sous-entend aussi l’existence

d’un ‘’même’’ et d’un ‘’autre’’ au sens de Luc Sindjoun.

De l’autre côté le principe d’autonomie constitutionnelle traduit la reconnaissance à

chaque Etat de définir ses choix politiques et donc d’affirmer et de défendre son droit à être

‘’autre’’ et de ce fait à assumer la démocratie comme règne du ‘’même’’ et de ‘’l’autre’’. Or,

en érodant chaque jour ce principe d’autonomie constitutionnelle au niveau international

par des mécanismes divers, on nie à cette notion comme à cette technique, ce droit à

l’existence de ‘’l’autre’’ en tant qu’entité objective différente, et à être ‘’autre’’ comme

réalité et système juridique et politique spécifique. L’on aboutit alors à l’émergence d’une

tension inexorable vers un uniformisme qui, en l’occurrence, n’est finalement rien de plus

que l’envers de la démocratie.

En effet, « d’après les formulations généralement acceptées, ce principe (l’autonomie

constitutionnelle en l’occurrence) interdit à tout Etat ou groupe d’Etats, d’intervenir

directement ou indirectement, dans les affaires intérieures ou extérieures d’un autre Etat.

L’intervention interdite doit donc porter sur des matières à propos desquelles, le principe de

souveraineté des Etats permet à chacun d’entre eux, de se décider librement. Il est ainsi des

choix du système politique, économique, social et culturel et de la formulation des relations

extérieures. L’intervention devient illicite lorsqu’à propos de ces choix qui doivent demeurer

libres elle utilise des moyens de contrainte. »

Il y a là formulées deux propositions : la première fondée sur l’interdiction de

l’intervention dans les affaires intérieures d’un Etat entre autre sur la base des choix

politiques économiques et sociaux, ainsi qu’en référence à la conduite des relations

diplomatiques en vertu du principe de la souveraineté des Etats. La deuxième proposition

considère comme illicite, toute forme d’usage de la contrainte fondée sur ce motif.

Mais, le développement actuel des relations internationales et la société

mondialisée, donnent à observer une toute autre lecture. La logique dite de

l’interdépendance entre différents Etats et les sociétés contemporains, associée à la

construction progressive d’une opinion publique internationale et à la logique plus que

controversée encore, de la responsabilité internationale de protéger consacrée par la

Résolution 1973, des Nations unies, ont tendance à favoriser une lecture plus nuancée de ces

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affirmations. Plus que par le passé, on semble progressivement s’acheminer vers la

consécration d’une antinomie à partir de l’injonction démocratique. Ce faisant en effet, on

tend à se substituer au peuple pourtant a priori seul compétent à formuler et à défendre

légitimement ses aspirations à ce mode de gouvernement ainsi que la revendication tout

aussi légitime des Etats du droit au respect de leur souveraineté. De la même manière, on

les ampute de leur droit à l’autonomie constitutionnelle, tel que rappelé par les institutions

compétentes. Tout cela débouche sur une lecture et des pratiques s’apparentant,

progressivement, à un ordre juridique pragmatiste 1 dont l’un des pendants est la

légitimation à tout force des régimes politiques à travers la technique de l’élection.

I. La consécration d’une antinomie

Le professeur Charles de Wisscher disait « Ce n’est pas en ignorant les réalités qui déterminent l’action du

pouvoir que l’on fortifie le droit international, c’est en prenant conscience de la place qu’elles y tiennent, des nécessités qui les

suscitent comme des valeurs qu’elles mettent en jeux »2

Cette affirmation est déjà en soi, une invite à une

lecture rigoureuse de la construction des ordres juridiques. En effet, le professeur de

Wisscher, relève ici, que la consécration des ordres juridiques comme la construction des

systèmes politiques, sont généralement déterminés par des réalités échappant à la seule

logique d’une rationalité absolue et sur le seul bon sens humaniste. Comme Julien Freund, il

indique qu’elles sont déterminées par des enjeux dont il faut avoir conscience, et qu’il faut

intégrer dans les analyses de fond. Ainsi, affirmer que la démocratie et l’autonomie

constitutionnelle sont au cœur d’une complexe analyse, cela signifie au préalable,

rechercher dans les mutations qui, aujourd’hui structurent les espaces politiques nationaux,

la part d’autonomie laissée à ces Etats, dans la détermination des choix politiques et

sociaux. Elles le sont tout autant dans la définition de leurs relations avec l’extérieures,

malgré la tension de plus en plus croissante vers une érosion de l’autonomie

constitutionnelle, au nom de la poursuite d’un idéal démocratique universel et

universalisant. Elles le sont enfin au nom d’un discours injonctif autour des valeurs instituées

par la démocratie, la mondialisation et de l’interdépendance entre les Etats ou ce que Ulrich

1 LAPOUJADE (David), William James, empirisme et pragmatisme, Paris, Puf, 1997, 125 p

2 Charles de Visscher, Principes du droit international, RCADI, n°86, 1954, P.450

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BECKE a justement appelé « la société cosmopolitique. »3 Une société politique qui, en

l’occurrence, induit une sorte d’obsolescence de ce principe d’autonomie constitutionnelle,

par ailleurs utilisée de façon parcimonieuse par certains acteurs de la société internationale.

D’où l’importance de s’interroger sur les notions universalisme démocratique,

d’uniformisme politique et démocratique, et particularisme juridique, au regard des

évolutions des espaces politiques des pays en développement.

A- La tension entre l’universalisme démocratique, l’uniformisme politique, et les particularismes juridiques

S’il est désormais admis que la démocratie se définie comme un système de

gouvernement dans lequel le pouvoir procède de la souveraineté du peuple, elle est ce

qu’Abraham Lincoln a résumé par la formule ‘’ gouvernement du peuple, par le peuple et

pour le peuple.’’ Cette énonciation mérite d’ailleurs d’être précisée à partir du moment où,

l’on peut se demander si ce peuple a effectivement un espace de pouvoir, au regard des

critiques acerbes qu’il formule dans certain pays et compte tenu du degré de popularité ou

d’impopularité de certains régimes. Cette observation se vérifie d’ailleurs davantage au

regard du peu de marge de manœuvre à eux laissée, pour révoquer leurs choix si tant est

qu’il sen aient jamais eu un. Aussi peut-on se demander si le contenu donné par ces peuples

à la démocratie dans des contextes spécifiques est nécessairement soluble dans tous les

contextes et selon des modalités identiques. L’observation des mutations politiques à visées

démocratiques notée au cours des deux dernières décennies, invite à plus de nuances et de

circonspection. Peut-être n’est-il pas inutile de rappeler en l’occurrence, que la chute du mur

de Berlin en 1989, a entrainé une vague de mutations à travers le monde et notamment en

Afrique subsaharienne, que certains auteurs4 avaient alors qualifié, en leur temps, de

« printemps d’Afrique ». C’était le signe qu’un vent de libéralisation politique soufflait sur

cette partie du monde, emportant avec lui, les reliques surannées d’un ordre bipolaire alors

chancelant. Ainsi, l’idée de démocratie intégrait de façon euphorique, certes, mais

déterminante, l’espace politique des pays en développement et des pays d’Afrique en

3 BECKE (Ulrich), Pouvoir et contre pouvoir à l’ère de la mondialisation, trad. Fr. Paris, Alto, Aubert,

2003, P.39

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particulier. Mais à mesure que se construisait cette forme artificiellement rénovée de

politique, des interrogations naissaient en même temps autour de trois aspects à savoir : la

vocation universelle de la démocratie, les tensions autour d’une uniformisation des

pratiques politiques et les limitations imposées par les ordres juridiques nationaux en la

forme de particularismes et le tout porté par un double culturalisme.

1. L’universalisme démocratique : il part du postulat en vertu duquel, la

démocratie est une valeur universelle et que comme telle, elle constitue une

aspiration naturelle et légitime des peuples et des individus. A ce titre, rien

pas même les déterminations culturelles, structurelles et historiques ne

pourraient empêcher son adoption et son appropriation par les peuples quels

qu’ils soient. La démocratie devient ainsi une valeur humaine objective et

pourtant, quelques années auparavant encore, la bipolarisation du monde

autorisait une certaine rationalisation et une lecture beaucoup moins

tranchée. C’est ainsi, par exemple, que les régimes d’ex-URSS ainsi que ses

Etats satellites, se faisaient appeler « démocraties » sans que cela ne suscitât

d’inquiétudes particulières pour l’ordre du monde d’alors. Ce faisant,

l’universalité des valeurs démocratiques et sa tension vers l’homme, pouvait

légitimement varier d’un contexte à l’autre, sans que cela ne requît

nécessairement quelqu’intervention musclée ; les peurs étant ailleurs

l’équilibre des forces aidant. Il y avait là une forme de tolérance voire un

respect de ces différences de formes qui n’entrainait pas de réprobation

immédiate de quelque lieu que ce soit sans une certaine réflexion préalable

notamment sur son opportunité au regard cloisonnement idéologique et des

équilibres d’antan. Ce n’était pas nier l’expression d’une acceptation ou d’une

adhésion à ces différences mais c’était là une forme de respect non d’une

certaine diversité de conception mais surtout d’une différence de modes de

fonctionnement de ce qui représentait la démocratie. Si aujourd’hui, cette

démocratie semble plus proche d’une forme partagée d’un certain nombre de

valeurs politiques à l’échelle universelle, il n’en reste pas moins vrai que,

plutôt que d’aller vers une démocratie consensuelle, on a parfois tendance à

avancer vers une sorte d’uniformisme injonctif, trahissant ou altérant la

démocratie de son versant à la fois noble et respectueux des diversités des

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rythmes autant que de certains de ces particularismes par ailleurs nécessaire

à sa vie et à sa survie.

2. L’uniformisme politique : parce que tous les peuples du monde

parviendraient à la démocratie selon un plan providentiel de la nature ou

grâce à la Raison tel que décrit par Kant et Hegel, et en vertu du principe

selon lequel « ce qui est conforme à la nature est conforme à la raison » de

Marc Aurel, alors, les pratiques politiques seraient, elles aussi, uniformisées

et donneraient lieu à un système tout aussi uniforme de culture politique. De

ce fait, elle serait automatiquement transposable d’un pays à l’autre, d’un

contexte à l’autre. Cette logique construite par les penseurs des lumières et

les libéraux puis mécaniquement transposée dans une certaine pensée

contemporaine, pour justifier à coup de méthodes et institutions plus ou

moins contraignantes l’idéal uniformisant de la démocratie, devait en

définitive faire face à la difficulté des limitations. Ces limitations seraient

notamment déterminées et imposées par le droit ou les ordres juridiques

nationaux hérités des principes du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes

et de celui de la Souveraineté des Etats. Elles seraient aussi et d’ailleurs

exprimées à travers le principe d’autonomie constitutionnelle,

opportunément rappelé par la Cour Internationale de justice dans l’affaire de

la vente d’armes américaines au Nicaragua en 1986. Là fut consacrée et

rappelé, une exception juridique qui allait profondément structurer la pensée

du droit et les politiques autour des questions de démocratie et de

changement de régime politique. Ce fut aussi-là légitimée, une sorte de

respect et d’obligation de respect des particularismes juridiques, eux-mêmes,

produits des histoires, dont les effets allaient se faire ressentir à travers les

instruments juridiques internationaux désormais en vigueur.

3. Le particularisme juridique et démocratique : il est apparu comme un

bémol à cette euphorie de la fin des années 1980. Années au cours

desquelles, l’idée de démocratie s’est imposée comme la panacée à tous les

problèmes d’autoritarisme et de sous-développement qui avaient jusqu’alors

profondément marqué les jeunes Etats d’Afrique, d’Amérique et d’Asie. Ce

particularisme juridique et démocratique, s’est d’abord construit autour

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d’une exigence de droit, bâtie sur principe de la Souveraineté des Etats,

affirmé et consacré par la Charte des Nations Unies. Il s’est en outre construit

à travers un premier culturalisme, fondé sur l’inadaptabilité ou l’inadaptation

de la démocratie aux sociétés africaines, non-européennes ou non-

occidentales. Ainsi, parce que ces sociétés seraient étrangères au concept de

démocratie, celle-ci (la démocratie) y serait naturellement vouée à l’échec.

La démocratie devenait dès lors, une valeur et un modèle politique

culturellement localisée et donc réservé à une culture élue, la culture

occidentale. Une autre thèse fondée sur un culturalisme à rebours, devait

aussi émerger de ces débats. Celle-là fondée sur la particularité des sociétés

africaines ou non-européennes et construite sur l’idée que tout mode de

gouvernement est le produit d’une culture qui la fonde. Ce faisant, toute

culture, du fait de son exception et de sa particularité, pourrait à ce titre

revendiquer l’application d’un mode spécifique de démocratie qui procèderait

de ces sociétés authentiques et dont la perméabilité aux modèles étrangers à

sa culture, ne pouvait donner lieu qu’à une application différenciée. Cette

différenciation devrait donc obéir aux principes même, mais selon un rythme

particulier et un calendrier conforme avec les contextes spécifiques. On ne

pouvait dès lors pas contester à ces pays l’adaptabilité des principes

démocratiques tels qu’ils seraient formulés et mis en œuvres en Occident

notamment, mais simplement le rythme et la forme de la mise en œuvre de

ce modèle politique dans ces sociétés. D’où l’émergence d’une approche

médiane fondée sur la revendication d’une harmonisation des pratiques

démocratiques à l’échelle universelle, à partir d’une lecture différenciée et

plurielle des sociétés politiques.

B.L’harmonisation des pratiques démocratiques

Ici, ce n’est plus du principe démocratique qu’il s’agit de discuter parce qu’il est

implicitement admis que celui-ci doive être distingué de l’expérience et des pratiques

démocratiques. Aussi faut-il admettre que la diversité des expériences

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démocratiques n’épuise pas la tension essentielle de l’individu-humain vers ces

valeurs. C’est pourquoi, au lieu de partir de la démocratie comme système

culturellement discriminant, on part cependant de la démocratie comme principe

universel porteur de valeurs harmonisantes, dont la réception et la pratique peuvent

être déterminées par la spécificité des histoires et des contextes. Du coup, la

construction de l’idée de démocratie dans l’absolu ne sera pas subordonnée à des

particularismes mais, les pratiques démocratiques pourront, en revanche,

s’accommoder de la variété et de la variabilité de ces types de sociétés. Tout cela

pourrait se faire sans que forcément ce principe n’en soit altéré ou dénaturé du point

de vue de sa substance même (sauf évidemment si par comparaison l’on estimait

que l’un serait meilleur que l’autre et dès lors on sortirait d’une lecture objective pour

plonger dans une lecture tout à fait subjective et malheureusement culturaliste).

C’est ainsi par exemple, que les textes juridiques traitant de la démocratie, vont

intégrer la variable contextuelle dans leurs contenus. Et c’est dans le même élan,

qu’on retrouvera dans la déclaration de Harare de 1994 des pays du Commonwealth,

la démocratie comme mode de gouvernement de tous les Etats membres, mais une

démocratie qui devrait tenir compte des ‘’national circumstances.’’ Cette formule

sera successivement reprise par le plan d’Action de Milbrook des pays du

Commonwealth de 1995, la Déclaration universelle sur la démocratie de 1996, la

Déclaration de Bamako de Novembre 2001 des pays membres de l’Organisation

Internationale de la francophonie, dans les principes de bases devant régir

l’observation internationale des élection de 2005 de New York et dans bien d’autres

documents relatifs à la démocratie et aux élections. C’est le signe qu’au-delà des

débats antérieurs ayant pu structurer la problématique démocratique, celle-ci reste

fortement tributaire d’une application variée avec, cependant, comme principal

point d’achoppement, la détermination de l’instance de prise en compte des

contextes et la définition des critères permettant de revendiquer cette prise en

compte des circonstances spécifiques à chaque contexte, à chaque histoire et à

chaque peuple.

S’il y a néanmoins là une victoire partielle de la thèse médiane formulée à travers

le principe d’harmonisation des critères et valeurs de démocratie, il reste cependant

que, ce qui peut être considéré comme une victoire partielle a, malheureusement,

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donné lieu à une application particulièrement variée. Aujourd’hui par exemple une

partie de la population est dubitative sur ce qui lui est proposé comme étant de la

démocratie et surtout de tous les adjectifs dithyrambiques dont on l’a affublée

depuis bientôt vingt ans. Elle l’est d’autant plus que les résultats précipitamment

annoncés comme pouvant être les conséquences de sont adoption ne sont

forcément au-rendez-vous. Ce doute se fonde enfin et surtout le contenu qu’on lui

donne désormais et sur ses modes de propagation de plus en plus controversé

utilisés à travers le monde au regard des résultats auxquels malheureusement on

parvient.

Plus encore, les expériences en Côte d’Ivoire, au Mali et au Sénégal, notamment,

témoignent de la complexité de la réception et de l’assimilation des valeurs que

porte l’idée de démocratie surtout dans la poursuite des objectifs d’efficacité

politique dans des pays faisant l’expérience d’une crise interne. Ces situations de

crise sont quelquefois des éléments de justification de mesures exceptionnelles

prises par les contempteurs du respect des règles démocratiques. Elles le sont non

pas simplement en tant que technique de désignation des gouvernements au moyen

d’élections mais aussi comme justification des comportements dans le cadre de la

gestion et la conduite des affaires publiques. Bien souvent et malheureusement, ces

acteurs qui, officiellement, défendent l’idée de démocratie, la déconstruisent en

même temps pour mieux servir des enjeux échappant aux valeurs officiellement

défendues. Tout cela rend plus que jamais la question démocratique plus complexe

encore quand s’en mêlent en plus les enjeux d’efficacité économique, les

positionnements stratégiques et les problématiques de leadership et de

développement à diverses échelles, dont l’appréciation conduit nécessairement à

des approches aussi complexes que controversées induisant des lectures plus

pragmatiques voire pragmatistes.

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II.L’émergence d’ordres juridiques pragmatistes5

La notion d’ordre juridique pragmatiste part en effet d’une idée simple. Elle

consiste en la subordination de la vérité juridique et des valeurs qu’elle entend

défendre aux résultats découlant d’une interprétation spécifique de ces règles vis-à-

vis de celui qui les invoque. L’ordre juridique pragmatiste tend d’ailleurs à se

confondre, à certains égards dans le sens commun, avec la notion de réalisme. Mais

à la différence du réalisme qui se fonde sur la priorité de la subordination du sujet à la

réalité par une sorte d’opposition à l’idéalisme dont le fondement se trouve dans la

projection vers un modèle idéal de référence, le pragmatisme, en revanche, s’appuie

essentiellement sur la dimension pratique et efficace. Il ne s’agit pas d’avoir une

attitude contemplative vis-à-vis de la réalité ici, mais au contraire, de trouver dans

l’action et dans la réalisation des résultats, le critère de vérité. L’idée pragmatiste en

politique comme en droit, consiste donc à subordonner la vérité politique et

juridique à l’atteinte des résultats dictés par les contingences et surtout par le

résultat positif qu’il procure à celui qui l’invoque. Il y a donc dans l’idée pragmatiste

et selon William James « une forme de scepticisme complet »6 en ce sens qu’il n’y a

jamais de vérité prédéfinie. Il existe toujours et en l’occurrence dans l’activité

politique « une possibilité infinie dans la création de la vérité et un certain

indéterminisme dans la nature des choses ».7L’analyse comme le discours pragmatiste

sont, dès lors, fondamentalement orientés vers la recherche de l’efficacité. Peu

importe le moyen, seul la satisfaction du bénéficiaire suffit à justifier une

interprétation spécifique. En effet, comme le dit justement David Lapoujade « une

idée vraie au sens pragmatiste, est une idée qui change quelque chose de manière

satisfaisante dans l’esprit de celui qui le pense. L’idée vraie ce n’est pas seulement ce

qu’on croit, ce qu’on fait ou ce qu’on pense ; c’est ce qui fait croire, ce qui fait agir ou ce

qui fait penser. Le pragmatisme est donc en même temps une méthode d’évaluation de

la vérité. On ne juge plus une idée, une doctrine, un énoncé en fonction de la vérité, c’est

au contraire la vérité d’une idée, d’une doctrine, d’un énoncé qui est évaluée en fonction

de ses conséquences pour la pensée, l’action et la croyance ». C’est donc au résultat

5 David Lapoujade op. cit,

6 Emile Callot, William James et le pragmatisme, Paris- Genève, Champion- Slatkine, 1985, P 15.

7 Emile Callot, Op cit, P 14.

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que se mesure la vérité d’une action et plus encore l’efficacité du droit. Il apparaît

donc que la démarche pragmatiste valide la maxime « la fin justifie les moyens » d’où

une sorte d’insaisissabilité juridique et rationnelle des ordres et systèmes découlant

de ces principes qui conduisent enfin à une sorte de désenchantement des peuples.

A. L’insaisissabilité juridique et politique de l’idée de démocratie

A partir du moment où la démocratie obéit à des critères fluctuants, les

applications qui en découlent deviennent tout aussi fluctuantes et insaisissables.

Ainsi, tout peut donner lieu à démocratie et tout peut revendiquer le label démocratie

dès lors qu’on y trouve, ce que la rhétorique contemporaine, qualifie d’ingrédients

universellement admis comme étant démocratiques. Le problème que posent ces

ingrédients est qu’ils sont soumis à l’appréciation d’instances autres que les peuples

eux-mêmes, et que la légitimité des systèmes et régimes découlant de la mise en

place de ces mécanismes, ne sont finalement que partiellement subordonnés à la

volonté des peuples directement concernés par ces mutations. A titre d’exemple, au

cours des années 1990, la plupart des pays d’Afrique dont le Zaïre de l’ex-Maréchal

Mobutu, ont connu des conférences nationales ou forums dits démocratiques selon

les cas. De ces grands déballages nationaux destinés à mettre en place la

« démocratie », ont émergé des classes politiques plus soucieuses de remplacer les

systèmes répressifs d’alors par des systèmes dits plus démocratiques. Ces systèmes

qui mettraient fin aux différents maux issus de la gestion contestable des affaires

publiques antérieures par un régime querellé. Or, en réalité, moins que l’instauration

de la démocratie, il s’est agi justement de renverser des systèmes objectivement

despotiques et répressifs par des systèmes aussi injustes et aussi contestables que

les premiers. Un bémol peut cependant être mis du côté des formes de répressions

qui, elles, sont devenues beaucoup moins brutales. C’est pourquoi, malgré le

caractère spectaculaire de ces démarches, elles n’ont finalement eu pour seule

mérite, que d’être spectaculaires, parce qu’ayant généré des travers beaucoup plus

profonds, bien qu’ayant remplacé un groupe par un autre. Les artisans de ce scenario

ont ainsi donné l’impression de mettre du vin nouveau dans de vieilles outres. Au

final, ce qui a été célébré comme la victoire des peuples, a accouché d’une

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fragmentation de ce qui constituait le peuple en plusieurs petits peuples ; une

destruction de l’Etat ou de ce qui en tenait lieu en somme.

Dans le même moment, ont été réhabilités les coups d’Etat, la soft

élimination des opposants, la réhabilitation des interventions des forces étrangères

comme pour servir de juges de paix a priori non partisans dans une ingénieuse

logique de non-ingérence et de non-indifférence. Tout ceci couronné par la création

d’institutions dont l’intervention dans les contentieux électoraux nationaux, peut

aujourd’hui sanctionner l’une des parties, sur la base d’analyses sélectives et

particulièrement discutables, au regard de l’appréciation de la matérialité des faits

incriminés et surtout eu égard à la distribution finale des responsabilités.

Il y a là posé un ensemble de problèmes qui rendent désormais difficile la

saisie de la démocratie en rendant tout aussi complètement aléatoire, l’autonomie

constitutionnelle. Cela s’explique par les formes de disqualifications des instances et

institutions nationales dans ces affaires, et par les développements récents du droit

et de la démocratie. On semble plus être dans une sorte d’ingénierie juridico-

médiatico-démocratique nouvelle et originale qui, non seulement, rend illisible la

démarche et les pratiques actuelles, mais surtout disqualifie l’usage fait de cette

notion de démocratie auprès des populations, malgré le discours ambiant et la

communication orchestrée autour des règles de droit et des valeurs que ce système

institue à travers les expériences désormais quotidiennes et face auxquels les

peuples ont plus que jamais du mal à se retrouver.

B. Le désenchantement des peuples

Dans un reportage consacré à la crise des grands lacs ont voit des jeunes

abandonnés à eux-mêmes s’écrier : ‘’on attend toujours la République Démocratique

du Congo !’’. Cette exclamation témoigne de la détresse et du désenchantement des

peuples face à cette notion et face à ce mode de gouvernement présenté comme

vertueux jusqu’alors attendu dans la plupart des pays en développement. Il indique

par ailleurs que l’évocation de cette notion reste pour beaucoup quelque chose de

tout à fait nébuleux, surtout dans ces pays dans lesquels, le discours démocratique

est arrivé de façon inattendue et dont les résultats sont à la mesure des controverses

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et des improvisations de départ. Une démocratie injonctive, motivée par des

logiques dont les peuples eux-mêmes n’étaient pas nécessairement parties

prenantes. Une démocratie qui répondait plus à des attentes formulées à des lieux

bien éloignés de leur réalité et qui, malheureusement, s’est appuyée sur des

structures non démocratiques, empruntant de plus en plus des outils tout aussi

similaires, pour espérer s’installer et s’institutionnaliser. Tout cela conduit

aujourd’hui à des logiques insurrectionnelles de prise de pouvoir par la rue, que l’on

qualifie de la même manière, de démocratiques. Elles le sont juste titre d’ailleurs, si

l’on considère que tout mouvement de foule est constitutifs d’expression du peuple

et donc de sa volonté. Mais une question reste cependant complexe celle de savoir si

la population est soluble dans le peuple ou le peuple dans la population. Aussi peut-

on se demander quels sont les destinataires de ces pouvoirs arrachés par la rue

lorsque ceux-ci restreignent les libertés qu’ils avaient pourtant prétendues défendre.

Il y a là une interrogation majeure à laquelle les défenseurs de la démocratie

insurrectionnelle devraient pouvoir apporter des réponses. Tout cela entraine une

sorte de scepticisme quant aux logiques communicationnelles ambiantes et aux

recettes fast food démocratistes qui, de plus en plus, irriguent les espaces de

communication et apparaissent davantage comme des mécaniques destinées à

servir d’habillage institutionnels et à satisfaire une opinion publique désormais plus

accommodée d’une communication sensationnelle. Elles sont cependant moins

enclines à des logiques politiques construites patiemment et rigoureusement et

prenant en compte de la complexité des sociétés, des contextes et des toutes aussi

complexes logiques endogènes et exogènes qui structurent les espaces politiques et

juridiques des Etats. Tout cela génère des formes de vacuité sémantiques et

juridiques comme la notion de ‘’bonne gouvernance’’ aujourd’hui inscrite dans

certains textes fondamentaux comme pour satisfaire des opinions publiques prises

au piège de la rhétorique euphorique et émotionnelle des manifestations. Des

constructions étranges, qui bientôt, demanderont aux juges une ingéniosité

particulière, pour leur donner un contenu pouvant permettre d’engager la

responsabilité d’un individu ou d’un gouvernement devant une instance

juridictionnelle. Ces étrangetés juridiques sont des expressions d’une transformation

du droit en un curieux instrument au service de coups d’éclats médiatiques, sans

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substance et désormais destinés à animer ponctuellement les espaces et les scènes

médiatico-politique.

Conclusion :

La tension actuelle vers un universalisme démocratique et le principe d’autonomie

constitutionnelle telle que construit aujourd’hui, laissent la plupart des observateurs dans

un profond embarras. Elle traduit deux réalités fortes qui s’affrontent et face auxquelles les

dynamiques actuellement en cours, ne laissent présager que des formes de fétichismes

juridiques. Celles-ci, encore aujourd’hui, plus proches des assemblages toujours plus

différents et plus incohérents les uns que les autres. Pour eux ou à cause d’eux, on demande

aux techniciens du droit, comme aux politistes et commentateurs attentifs de la chose

publique, tels à des marabouts et charlatans des contrées éloignées, de faire preuve de plus

d’ingéniosité, pour tenter sinon d’expliquer, du moins de justifier ces incohérences et

incompréhensions désormais très nombreuses. Ces incohérences et incompréhensions sont

amplifiées de nos jours, par un monde où, les logiques de puissances se jouent des règles de

droit qu’ils entendent pourtant faire respecter et appliquer.

L’universalisme démocratique et l’autonomie constitutionnelle, objets de cette

analyse, auront été l’occasion de mettre en évidence la complexité d’un essai de mise en

cohérence et en adéquation de deux notions obéissant à deux exigences contradictoires.

L’une fondée sur la poursuite d’un idéal de liberté sans limitation géographique particulière,

l’autre encadrant ou subordonnant l’exercice de la liberté politique à l’observance des règles

juridiques elles-mêmes déterminées, entre autre, par la prise en compte de l’espace

géographique, juridique, culturel, et symbolique.

De ce complexe assemblage, il ressort la question de savoir comment concilier la

poursuite de l’idéal démocratique sans se subordonner aux déterminations qu’impose le

droit. Aussi faut-il se comment adapter l’idéal démocratique à certains égards libertaire, à

un univers où l’Etat reste par ailleurs le cadre par excellence de fabrication du droit et selon

Kelsen, l’expression même du droit. En effet, si l’Etat est droit et expression formalisée du

droit, alors construire la démocratie en aliénant l’Etat, serait vouloir bâtir, garantir ou fonder

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le droit et les droits en l’absence de droit : une pure absurdité. C’est pourquoi, il est

nécessaire de réhabiliter le droit en réaffirmant autant qu’en garantissant l’autonomie

constitutionnelle, même si par ailleurs, il faudrait encourager les Etat à donner formes à la

démocratie, non à travers le versant chaotique d’une injonction belliciste, mais en

accompagnant les rythmes et les formes que celles-ci pourraient prendre, à partir du

moment où elles mettent l’homme et les hommes, leurs droits et tous leurs droits, au centre

des discussions. S’il est en effet vrai que la démocratie peut être une valeur universelle, et si

elle est consacrée comme telle, alors il y a de fortes chances que, transformée et même

dénaturée, la démocratie insurrectionnelle faute d’un encadrement par les structures

d’Etats et les institutions internationales et non étatiques, elle ne se transforme en une

démocratisation de l’insurrection.

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